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39VENDREDI 6 NOVEMBRE 200924 HEURES SCIENCES

VC5

VOUS CHERCHEZ?ANTOINE GUISANPROFESSEUR ASSOCIÉ EN ÉCOLOGIEVÉGÉTALE À L’UNIVERSITÉDE LAUSANNE

Chaque vendredi,notre rendez-vousconsacré à la science

Antoine Guisan vient de cosigner,dans la revue de référence Procee-dings of the National Academy ofScience (PNAS) un article mettanten relation les climats extrêmeset les espèces végétales.– Que cherchez-vous?– Des plantes! Ou plutôt, où ellesse trouvent. En tant que biogéo-graphe, j’étudie la répartition géo-graphique des organismes. J’uti-lise des observations faites sur leterrain pour identifier les facteurs– climatiques, topographiques,géologiques – qui déterminentces répartitions. Plus particulière-ment, avec mon groupe, je déve-loppe des modèles informatiqueset statistiques permettant de pré-dire la répartition des espèces à lasurface du globe. Car, pour pré-dire, il faut d’abord comprendre.– Dans quel but?– La pression qu’exerce l’hommesur les écosystèmes ne cessed’augmenter, provoquant des dis-paritions d’espèces. Cette érosioncroissante de la biodiversité sou-lève d’importantes questionspour notre avenir. Quelles pour-raient être les conséquences éco-logiques de ces bouleversementsécologiques? Quels impactsauront les changements climati-ques ou les invasions biologiquessur les écosystèmes? Les modèlesbiogéographiques que nous déve-loppons peuvent fournir des élé-ments de réponses à ces interro-gations.– La découverte du XXe siècle?– La génétique moléculaire. Maisaussi l’informatique, sans la-quelle mon type de recherchen’existerait pas! Qui sait cequ’aurait déjà fait de Candolle, undes pères de la biogéographie, s’ilavait eu un ordinateur…– Celle que vous attendez?– Toute contribution favorisantun ajustement rapide de notremode de vie, qui nous permetteune cohabitation viable avec lanature.– Faut-il avoir peurde la science?– Faut-il avoir peur des médias?La science est comme tous lesdéveloppements humains, faitepar et pour l’homme. Elle pro-pose et la société dispose. C’estdonc plutôt son utilisation qu’ilfaut questionner. Alors que lesperspectives de recherche s’élar-gissent, la société doit clairementdéfinir ses priorités. La gestiondurable des ressources naturellesen est un exemple. C’est un enjeumajeur pour la société et un défipour la science. Pour autantqu’on lui en donne les moyens.– Trois mots qui disentLausanne?– Ville chaleureuse, universitaireet… pentue (cycliquement par-lant)!– Un livre à offrir?– Un livre sur l’empreinte écologi-que de l’homme (au sens dewww.terragir.ch).– Un film à voir?– Home.– Et Dieu, dans tout ça?– Qui? Il n’est certainement pasécolo.

E. BA.

LeMont-Blancculmineà4810,45 mMONTAGNESLes géomètres-experts ontmesuré le sommet lors d’uneexpédition le 13 septembre.

C’est officiel, le toit de l’Europemesure précisément 4810,45 m.Le Mont-Blanc a «perdu»45 cm, par rapport à 2007. Cetteannée-là, il avait atteint sonplus haut niveau soit4810,90 m. «Il se stabilise», se-lon Bernard Dupont, géomètre-expert, et Jean-Luc Rigaut,maire d’Annecy.

Dans le cadre de la promo-tion de la candidature de sa villeà l’organisation des Jeux olym-piques d’hiver 2018, l’élu est allévérifier sur place. Le 13 septem-bre, 23 personnes, géomètres-experts et élus, ont gravi lesommet haut-savoyard.

Dans leur sac à dos: desGPS. L’un est placé aux Hou-ches, l’autre à l’Aiguille-du-Midi et le troisième au som-met. «Utilisés en mode diffé-rentiel, ils constituent unmoyen efficace de calculer lahauteur au centimètre près»,explique Vincent Gaillard, géo-mètre-expert.

Cinquième campagnedepuis 2001

Cette campagne de mesures,la cinquième depuis 2001, aaussi révélé que la crête sedéplace. Entre 2007 et 2009, lesommet a migré de 26 mètresen direction de l’Italie. «Unpeu comme pour les dunes,précise Gilles Gobbo, météoro-logue. Cela dépend des cou-rants d’altitude.» Si le météo-rologue tire certains enseigne-

ments, le climatologueEmmanuel Le Meur précisequ’«il est délicat de dégagerdes tendances climatologi-ques» ou de lier cette évolu-tion au réchauffement climati-que.

MARIE PRIEURUne expédition a gravi le Mont-Blanc, le 13 septembre dernier,pour en mesurer l’altitude exacte.

DR

Lesfermesverticales:lanouvellerévolutionverte?

TECHNOLOGIESEn 2050, il faudrait un nouveauBrésil pour nourrir les9,5 milliards d’humains.Le professeur américainDickson Despommier proposede cultiver dans des gratte-ciel.

ANNE-MURIEL BROUET

C’est une idée folle etséduisante. De splen-dides gratte-ciel de

verre où les étages ne sont pasdivisés en appartements ou enbureaux, mais où rougissent destomates, mûrissent des fraises etpoussent des laitues! Au-jourd’hui, c’est une utopie. Celledéfendue comme une solutionpar l’Américain Dickson Despom-mier depuis une dizaine d’an-nées. Le professeur de santé pu-blique et de microbiologie àl’Université Columbia, à NewYork, est convaincu que les fer-mes verticales constituent unealternative écologique et écono-mique à l’utilisation actuelle dessols et à ses effets dévastateurs.

Il l’a rappelé dans plusieursarticles parus récemment dans la

presse. Des dizaines de projetsont déjà été dessinés pour Man-hattan, Paris, Dubaï ou Montréal.Qui osera maintenant tester leconcept le premier?

Du Sahara au pôle Nord

Les arguments du professeuraméricain, qui fait encore davan-tage d’émules chez les ingénieurset les architectes que chez lesagriculteurs, sont sensés. Au-jourd’hui, l’agriculture utiliseprès de 40% de lasurface de la Terre,70% des ressour-ces disponibles eneau, et elle est res-ponsable, en toutcas aux Etats-Unis,de 20% des émis-sions d’énergiesfossiles. L’agricul-ture telle que nous la pratiquonsa transformé les écosystèmes,conduit à la déforestation, augaspillage d’eau et à la pollutiondes sols et des eaux, rappelleDickson Despommier. En outre,pour nourrir les 9,5 milliardsd’humains prévus d’ici à 2050, ilfaudrait la surface d’un autre Bré-sil. «Clairement, un changementradical est nécessaire», plaide-t-il

dans l’édition de novembre dumagazine Scientific American.

Sa solution: les fermes vertica-les, c’est-à-dire des cultures con-trôlées, en milieu fermé, empiléessur plusieurs étages, en pleineville. Créer un écosystème aucœur de la ville permet à laproduction de devenir locale, par-cimonieuse en eau, économe enpesticides, épargnée par les inva-sions de sauterelles et autres as-saillants, indépendante des con-

ditions météo, aupoint que leconcept est ex-portable du pôleNord au Sahara.Pour le défenseurdu concept, laliste des bénéfi-ces est longue etinclut «la beauté

et la grâce» de ces gratte-cieltransparents et verdoyants.

Guerre des chiffres

Pour ses détracteurs en revan-che, la solution est moins miracu-leuse. Selon eux, l’argument d’éli-miner les coûts de transport netient pas: si les tomates sontproduites en plein Manhattan, ilfaudra les sortir de la ville pour

les conditionner, ce qui ne résoutrien. Certains soulèvent le pro-blème de la lumière, nécessaire àtous les étages, des coûts de fabri-cation et de fonctionnement.

Dickson Despommier proposede commencer modestement. Ilévalue le coût d’un prototype decinq étages entre 20 et 30 mil-lions de dollars. Si, selon sescalculs, il faut une tour de 30 éta-ges pour nourrir en moyenne30 000 personnes, quelque 330gratte-ciel seront nécessairespour les 10 millions d’habitantsde New York, par exemple. Cer-tains évaluent plutôt le prix de latour autour du demi-milliard dedollars. On arrive vite ainsi à150 milliards de dollars pour laGrande Pomme. Cela correspondà dix ans de budget de la NASA,ou une fraction du budget annuelde l’armée américaine (680 mil-liards de dollars pour 2010)!

Et le goût dans tout cela? Unefraise mûrie sous lampe etnourrie au brumisateur a-t-ellela même saveur que la rose deBerne sortie de terre dans laBroye, abreuvée des pluies et dusoleil lémaniques? Les adeptesde la technologie affirment queoui. £

GRATTE-CIEL VIVANT Selon ce projet imaginé à Chicago,sur le lac Michigan, une large partie de la tour

serait occupée par des appartements entourés de serres hors sol.Reste à voir s’il deviendra un jour réalité.

Poivrons

Ciboulette

Laitues

Cerises

Cerises

Pommes

Choux

Fraises

Thym

Tomates

Petitspois

Menthe

Épinards

Choux deBruxelles

Pêches

» De la hautetechnologie

Au niveau technologique,la révolution est déjà en route.L’hydroponie, c’est-à-direune culture sans sol à partird’une solution contenantdes minéraux naturels,existe depuis… les jardinssuspendus de Babylone.Elle permet d’accélérerle processus de maturationdes fruits et légumes. De récolterplusieurs fois par an,toute l’année.L’aéroponie, moins au point,va plus loin. Elle éliminetoute substance (terre ou eau)au profit d’une brume de solutionsnutritives. Le concept a étédéveloppé en 1982 et améliorépar la NASA.Cette agriculture contrôlée inclutl’utilisation des plantesgénétiquement modifiées.Sans risque de disséminationdans la tour voisine! Enfin,ces écosystèmes recyclentleurs eaux et utilisentau maximum des énergiesrenouvelables.

La tour Solaargreen, une construction imaginée par des architectes français qui mêlebureaux et espaces verts.

BLAK

EKU

RASE

K/SO

AAR

CHITE

CTS

«Nos repas aurontmeilleur goût et

«produit localement»deviendra la norme»

DICKSON DESPOMMIER

DR

Le GPS est d’une aide précieusepour obtenir des résultats précis.

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