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30pratique
suivi officinal
Actualités pharmaceutiques n° 503 Février 2011
Avant de prodiguer un conseil
au comptoir, il convient de bien
distinguer le simple mal de gorge
d’une angine avec fièvre.
Ce symptôme n’est, en effet,
pas systématiquement synonyme
d’infection.
Le mal de gorge requiert, de la part du pharmacien, un interrogatoire soi-gneux. L’angine est une inflammation
aiguë d’origine infectieuse de l’ensem ble des éléments de l’oropharynx qui ne doit pas être banalisée compte tenu de ses complications tant locorégionales (otites, sinusites…) que générales (atteintes arti-culaires, cardiaques et rénales).
Expliquer brièvement la maladie au patientLes douleurs de la gorge peuvent aller de la simple irritation, avec sensation de pico-tements et gêne en avalant, à des douleurs plus vives, rendant difficiles la déglutition et la prise d’aliments ou de boissons.
Ces signes s’accompagnent fréquemment d’autres symptômes : écoulement nasal, enrouement, toux, voire fièvre. La laryngite, infection parfois virale, bacté-
rienne le plus souvent, est une inflammation aiguë du larynx avec un œdème des cordes vocales et un aspect inflammatoire rouge. La laryngite aiguë catarrhale de
l’adulte est la forme la plus commune de laryngite. La symptomatologie est dominée par une dysphonie souvent consécutive à un syndrome pseudo-grippal. Elle peut aussi survenir à la suite d’un surmenage des cordes vocales ou encore avoir une cause environnementale (tabac, climatisation, variations de tempé-rature importantes, poussières…). Il s’agit généralement d’un enrouement générant une voix rauque et voilée, voire une apho-nie. La fièvre est absente ou modérée, ne dépassant pas 38 °C et l’état général n’est pas altéré. Cette affection évolue favora-blement en 1 à 7 jours. L’épiglottite est une forme rare, mais
grave de laryngite, survenant chez l’adulte ou l’enfant, due à une bactérie Haemophilus influenzae b. Elle est caractérisée par une inflammation de l’épiglotte et de la mar-gelle pharyngée, pouvant conduire à une suffocation. Une hospitalisation est alors indispensable. La laryngite aiguë sous-glottite est la
plus fréquente des laryngites de l’enfant . D’origine virale, elle se rencontre fré-quemment chez les enfants âgés de 1 à 3 ans, le plus souvent en hiver : la tempé-ra tu re reste modérée, une toux rauque ou aboyante s’installe, mais la voix reste presque normale. La laryngite striduleuse est la plus
bénigne des laryngites, survenant bruta le-ment la nuit, surtout chez les enfants entre 3 et 6 ans. Des quintes de toux rauques d’installation brutale apparaissent, mais ces crises cessent spontanément en quel-ques minutes. La pharyngite est une inflammation
aiguë, localisée au pharynx. Elle se mani-feste par des douleurs à la déglutition (dysphagie), une sensation de brûlure,
une tendance à la toux et au raclement de la gorge lors de formation de mucus. Elle est très souvent associée à un rhume (rhinopharyngite). L’angine est une inflammation d’ori-
gine infectieuse des amygdales, voire de l’ensem ble de l’oropharynx. Elle est caractérisée par une gêne plus ou moins douloureuse à la déglutition, de la fièvre et une modification de l’oro-pharynx. Elle peut avoir deux origines : virale, le plus souvent (adénovirus, virus influenzae, virus respiratoire synci-tial, virus parainfluenzae…), notamment chez les enfants de moins de 3 ans, ou bactérienne (streptocoque bêta-hémoly-tique). Les angines d’origine bactérienne surviennent surtout à partir de l’âge de 3 ans avec un pic d’incidence entre 5 et 15 ans. Elles restent assez rares chez l’adulte.Selon l’examen de l’oropharynx, il est possible de différencier quatre types d’angine :– les angines érythémateuses : pharynx rouge, amygdales œdématiées ;– les angines érythémato-pultacées : pharynx rouge, amygdales recouvertes d’un enduit blanchâtre (points blancs) qui témoignent simplement d’une inflam-mation importante avec présence d’exsu-dats fibrino-leucocytaires ;– les angines pseudomembraneuses : les amygdales sont recouvertes d’un enduit blanchâtre épais ressemblant à des membranes. Ce symptôme est retrouvé dans la mononucléose infectieuse et la diphtérie ;– les angines vésiculeuses : présence de petites vésicules au niveau du pharynx (herpangine).Les angines virales régressent spontané-ment, le plus souvent en quelques jours. Les prescriptions d’antipyrétiques et d’antal giques sont toutefois nécessaires. Les angines bactériennes nécessitent une prise en charge rapide par prescription d’antibiotiques pour prévenir les compli-cations articulaires, cardiaques ou rénales qu’elles peuvent entraîner.
Bien identifier la nature d’un mal de gorge au comptoir
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SIP
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➊
➋
➌➍
➎
➏
➐
➑
➒➓
➊ fosses nasales➋ rhinopharynx➌ langue➍ cavité buccale➎ oropharynx➏ hypopharynx➐ épiglotte➑ larynx➒ œsophage➓ trachée
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Actualités pharmaceutiques n° 503 Février 2011
Décrire les facteurs de risqueTrès souvent d’origine infectieuse (virale ou bactérienne), le mal de gorge peut aussi être provoqué par certains facteurs irritants comme le tabac, des produits chimiques professionnels ou même domestiques, une allergie aux poils d’ani-maux, aux moisissures ou aux pollens, la respiration d’un air trop sec, notam-ment quand il fait froid, une alimentation trop épicée, une consommation abusive d’alcools forts, un reflux gastro-œsopha-gien, une sollicitation abusive de la voix…Les corticoïdes par voie inhalée peuvent également provoquer des maux de gorge à répétition, voire des mycoses ; il est alors nécessaire de conseiller au patient de bien se rincer la bouche avec de l’eau après chaque inhalation.
Conseiller des traitements à l’officineLe traitement des maux de gorge est basé sur des soins locaux, des anti-inflamma-toires et des analgésiques par voie orale et, bien évidemment, sur le repos vocal pendant quelques jours.
Les traitements locaux
Les traitements locaux d’appoint dispo-nibles sont nombreux. Se présentant sous forme de collutoires, pastilles ou comprimés à sucer, ils doivent aboutir à la disparition du mal de gorge en 5 jours. En termes d’efficacité, il faut miser sur la complémentarité entre les molécu-les, les formes galéniques et les voies d’administration.
Ces traitements locaux contiennent généralement : – des antiseptiques (hexamidine, chlo-rhexidine, benzalkonium, biclotymol, amylmétacrésol…) ; – des anti-inflammatoires (enoxolone, Vocadys® ; flurbiprofène, Strefen® ; lysozyme ou papaïne, Lysopaïne®, Glossithiase ®, Hexalyse®) ; – des extraits de plantes comme l’Erysimum (Cantadrill®, Vocadys®, Euphon®…) et/ou des anesthésiques locaux (tétracaïne, Solutricine tétracaïne®, Drill® ; amyléine, Pulmoll® ; lidocaïne, Vocadys®, Strepsil lidocaïne® ; ambroxol, Lysopadol®…) qui possèdent une action antalgique.Les anesthésiques locaux sont sus-ceptibles de provoquer des troubles de la déglutition parfois responsables de fausse route. Il est donc nécessaire de déconseiller leur prise juste avant les repas ou avant une boisson, notam-ment chez l’enfant. Ils restent donc contre-indiqués chez l’enfant de moins de 6 ans.
Les pastilles (Strepsils®, Lysopaïne®, Drill®, Solutricine tétracaïne®…) sont utilisables tout au long de la journée. Grâce à la succion, elles font saliver ; or, la salive est riche en lysozyme, agent de défense naturel de l’organisme. Les pas-tilles ne peuvent être utilisées qu’à par-tir de l’âge de 6 ans et jamais plus de 5 jours pour éviter une perturbation de la flore microbienne buccale (risque de mycoses). Les collutoires (Hexaspray®, Colludol®,
Angispray®…) favorisent une bonne impré-gnation des muqueuses. Les bains de bouche permettent de
faire des gargarismes.
Les traitements par voie générale
Les traitements par voie générale sont représentés par les anti-inflammatoires (ibuprofène, kétoprofène en compri-més), les sels de bismuth (suppositoires Biquinol®, Pholcone bismuth®) et les anti-œdémateux (alpha-amylase, Maxilase®, Megamylase®).
Quelques recommandations générales Prendre sa température.
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Les questions à poser au comptoir
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Les suppositoires doivent être conseillés le soir au coucher, pendant 3 jours. Les sels de bismuth qu’ils contiennent sont éliminés de façon élective par les glandes salivaires via le systè me lymphatique.
Des inhalations à base d’huiles
essentielles et de dérivés terpéniques (eucalyptus, niaouli, menthol…) peuvent également être recommandées pour leur vertu antiseptique sur les voies respira-toires (Balsofulmine®, Balsolene®, Calyptol inhalant®, Perubore®…).Il sera possible de conseiller également la prise de vitamine C, d’échinacée ou de propolis afin de stimuler les défenses immunitaires.
Les antitussifs (sirops, pastilles) peuvent être associés en cas de laryngite ou de trachéite pour calmer la toux sèche irritante (pholcodine, codéine, codé-thyline, dextrométorphane, pentoxyvérine, oxomémazine…). Les traitements homéopathiques
peuvent être intéressants :– Belladonna 9 CH, 5 granules 3 à 4 fois par jour en cas de douleur avec sensation de chaleur locale, de sécheresse des muqueu-ses et de fièvre accompagnée de sueurs ;
– Mercurius solubilis 9 CH, 5 granules 3 à 4 fois par jour en cas d’hypersalivation, de langue jaunâtre, d’haleine fétide ;– Phytolacca 9 CH, 5 granules 3 à 4 fois par jour en cas de douleur vive à la déglu-tition avec irradiation aux oreilles et au cou à la déglutition, avec courbatures générales ;– Lachesis mutus 9 CH, 5 granules une fois par jour en cas de localisation de la douleur à gauche, passant souvent à droite, avec difficulté d’avaler les liquides, surtout chauds ;– Lycopodium 9 CH, 5 granules une fois par jour en cas de localisation de la douleur à droite, évoluant vers la gauche ;– Apis mellifica 9 CH, 5 granules une fois par jour en cas de douleurs piquantes, brûlantes, améliorées par les boissons froides.Ces différentes souches homéopathi-ques sont regroupées dans la spécialité Homéogène 9® (2 comprimés à sucer toutes les heures). Il est également possi ble d’associer un gargarisme en utilisant Phytolacca et Calendula en teinture mère à raison d’une demi-cuillère à café par verre d’eau chaude.
Le repos vocal doit être observé pendant 2 à 3 jours.
Dispenser les traitements prescritsIl est important de rappeler au patient, lors de la délivrance d’une ordonnance, pourquoi la prescription d’antibiotiques, notamment en cas d’angine, « n’est pas automatique » en rappelant les principales différences entre angine bactérienne et virale (tableau 1).Outre les médications locales et généra-les précédemment citées, le médecin peut être amené à prescrire des anti-inflamma-toires non stéroïdiens (AINS), des corti-coïdes, des antalgiques ou encore des antibiotiques s’il s’agit d’une infection bactérienne. Il peut également prescrire de l’aérosolthérapie qui reste le traitement local le plus efficace ; elle est souvent basée sur un mélange de corti coïdes et d’antibiotiques, si nécessaire, pendant 6 à 8 jours, à raison d’une séance de 10 minu-tes, 2 fois par jour.
Orienter vers le médecin Si les maux de gorge du patient
durent depuis plus de 3 jours et que la douleur ne s’estompe pas malgré le traite-ment, une orientation vers le généraliste doit être conseillée.
Toute suspicion d’angine chez
un enfant (maux de gorge, fièvre, ganglions , amygdales gonflées rouges et/ou blanches) impose une consultation médicale. Si les maux de gorge s’accompa-
gnent d’une fièvre ou de difficultés res-piratoires, d’une forte asthénie, de maux de tête, de douleurs aux oreilles, de dou-leurs aux sinus, de ganglions au niveau du cou, il est indispensable d’adres-ser le patient vers le médecin traitant. Il en va de même s’ils s’accompagnent de brûlures thoraciques ou de remon-tées acides, ou bien encore d’halei ne désagréable. �
Stéphane Berthélémy
Pharmacien,
Royan (17)
sberthelemy17@wanadoo.fr
Intérêt du test de diagnostic rapide
Tableau 1 : Différences entre angine bactérienne et virale
Épidémie : hiver et début du printemps Âge : pic d’incidence entre 5 et 15 ans (survenue possible dès 3 ans)
Début brutal Dysphagie intense Absence de toux Fièvre élevée
Début progressif Dysphagie modérée ou absente Présence de toux, coryza, enrouement, diarrhée, arthralgies, myalgies
Érythème pharyngé intense Purpura du voile Exsudat Adénopathies satellites sensibles Éruption scarlatiniforme
Vésicules (herpès…) Éruption évocatrice d’une maladie virale Conjonctivite
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