CULTURE réquisitionnés en 1939 Un reportage sur les travailleurs … · 2016. 1. 15. · des...

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RégionMardi 1er Décembre 2015 TTE 71

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«En regardant cettephoto, vous croyezque vous êtes en

Indochine mais, non, vousêtes à Knutange en 1948 ! Ça al’air tellement pittoresque, unevraie carte postale coloniale. »

Ysé Tran jubile. En quête deLorrains descendants de tra-vailleurs indochinois, son pro-jet de film documentaire, lancéen septembre, porte ses fruits.Partout où elle est allée, àFarébersviller, à Hayange, àGondrange, à Maizières-lès-Metz ou à Épinal, un fils, unefille ou une épouse a accepté

de lui parler, d’être filmé et,surtout, de lui ouvrir, pour lapremière fois, ses archivesfamiliales. « Cette photogra-phie, prise en 1939 à l’arrivéedes Indochinois à Marseille,appartient à la collection de lafamille de Tran Van Kiêm. Luia passé toute sa vie profession-nelle, de 1949 à 1977, à l’UCP-MI-Sacilor à Hagondange où ilétait entré comme ajusteur. Ilest décédé en 1980 à la cité desÉcarts à Maizières-lès-Metz »,raconte la réalisatrice, préci-sant que le Lorrain était culti-vateur quand il a été réquisi-

tionné en 1939 en Indochine.

« Venez en Lorraine ! »« Tout le monde connaît

l’arrivée des boat people viet-namiens en 1975 mais qui saitque la première vague d’immi-gration date de 1939 quand20 000 Indochinois ont étéréquisitionnés, la plupart con-tre leur gré, pour venir rempla-cer dans les usines d’arme-ment les Français partis aufront ? », s’interroge la réalisa-trice.

Elle-même a découvert cettehistoire, qui fait écho à la

sienne, en 2009 avec la paru-tion du livre du journalistePierre Daum, Immigrés deforce, les travailleurs indochi-nois en France (1939-1952). Lepremier sur ce sujet. « Son livreest sorti au moment où ma filleest née. Je me suis dit qu’ilfallait que je prenne ma camérapour filmer cette histoireenfouie et refoulée. »

Le temps a passé mais le5 octobre 2014, Ysé Tran a faitle trajet depuis Paris, où ellehabite, jusqu’à Salin-de-Girauden Camargue pour filmerl’inauguration de la première

stèle élevée à la mémoire deces 20 000 travailleurs indo-chinois. Parmi les descendantsprésents à cette cérémonie, il yavait Laurent Nguyen, un habi-tant de Cattenom. « J’avaisl’impression qu’il se posaitbeaucoup de questions. Il avaittout un tas de photos légen-dées en vietnamien qu’il necomprenait pas. Il m’a lancé :Venez en Lorraine ! »

La réalisatrice l’a prise aumot et s’est lancée, en septem-bre dernier, en quête de témoi-gnages et de documents avecPierre Daum, chargé de coé-crire le scénario (lire ci-des-sous).

De retour pour la secondefois en Lorraine, il y a quinzejours, le binôme a poursuivises recherches en se rendant,notamment, à Épinal, dansl’un des dix centres de forma-tion professionnels créés àl’époque dans l’est de la France(avec Metz et Bitche) pourpermettre la conversion de cespaysans en ouvriers. « Sur les20 000 travailleurs indochi-nois, environ 500 sont alléstravailler dans les usines enLorraine », estime Ysé Tran quiignore, en revanche, combiensont restés vivre en Lorraineparmi les 2 000 à 3 000 Indo-chinois qui, après 1952, annéedes derniers rapatriements, ontrenoncé à rentrer chez eux.« Tr a n Va n K i ê m av a i tdemandé son rapatriement le11 février 1957 », confie YséTran « mais il a finalementchangé d’avis le 16 juillet1957 ».

Gaël CALVEZ.

Ysé Tran recherche des documents et des témoignages. Pour la contacter : yseyes@gmail.com

CULTURE réquisitionnés en 1939

Un reportage surles travailleurs indochinoisDepuis septembre, la réalisatrice Ysé Tran et le journaliste Pierre Daum tentent de retrouver, en Lorraine,des descendants des 20 000 travailleurs indochinois réquisitionnés en 1939 par la France.

Ysé Tran et Pierre Daum aux Archives départementales de la Moselle. Leur projet de documentaire a reçu le soutien financier de la RégionLorraine. Une restitution de leurs recherches est prévue l’an prochain au Fonds régional d’art contemporain de Lorraine (Frac). Photo Marc WIRTZ

Hier, à l’heure du déjeuner de la grande conférence interna-tionale sur le climat (COP 21) au Bourget, la France a mis les petits plats dans les grands. Les 147 chefs d’Etat présents, réunis à la table de François Hollande, ont partagé un repas préparé par cinq grands chefs français triés sur le volet.La réalisation du dessert a été confiée à Christelle Brua, chef pâtissière au Pré-Catelan à Paris(3 étoiles). L’enfant d’Abres-chviller a proposé un paris-brest revisité à la compotée d’agrumes et sa crème légère au praliné. Le tout a été servi dans le service en porcelaine de Sèvres de l’Élysée. Grand classique de la pâtisserie fran-çaise, ce dessert vedette de la carte du restaurant de Frédéric Anton a la cote auprès des gastronomes. À Abreschviller, ses parents confirment : « C’estsurtout la crème qui est excep-tionnelle ! »

Le Paris-Brest de Christelle Brua

Fille d’Abreschviller, ChristelleBrua est chef pâtissière au

Pré-Catelan à Paris. Photo DR

Chargé de coécrire le scénario du docu-mentaire d’Ysé Tran, Pierre Daum recon-naît que ce projet a, pour lui aussi, pris,des allures de quête identitaire… « Je suisné à Thionville et j’ai passé les quatrepremières années de ma vie à Tervilleavant que nous partions à Fos-sur-Mer. Lepremier boulot de mon père, c’était Sol-lac », explique le petit-fils du fondateur

des Cristalleries Daum à Nancy qui n’était jamais retourné sur les terres de saprime enfance jusqu’en septembre der-nier.

Pâte de verre pour Daum« C’est en faisant mes recherches sur le

passé colonial que j’ai rencontré le pein-tre Le Ba Dang. Il m’a questionné sur mon

nom et j’ai découvert qu’il avait été l’undes rares artistes à qui mon grand-pèreavait demandé, dans les années 60, deréaliser une pâte de verre. Il a aussi étéseul travailleur indochinois devenuartiste ! C’est lui qui a dessiné la stèle àSalin-de-Giraud. »

G. C.

Si loin, si proche

Photo prise à Knutange dans les années cinquante. Photo DR

Tran van Kiem, deuxième en partant de la gauche, avec son épouse (à sa droite) pour lacommunion de leur fille à la cité des Écarts à Maizières-lès-Metz. Photo DR

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