Dialoguer avec l’enfant sur la mort en rapport au présent, au passé et à l’histoire familiale

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édecine palliative — Soins de support — Accompagnement — Éthique (2013) 12, 136—140

Disponible en ligne sur

www.sciencedirect.com

ÉDIATRIE

ialoguer avec l’enfant sur la mort en rapport aurésent, au passé et à l’histoire familiale�

ialogue with children about death, in relation with the present, past and theamily history

Daniel Oppenheim1

Institut d’éducation sensorielle (IDES), 88, avenue Denfert-Rochereau, 75014 Paris, France

Recu le 2 octobre 2012 ; recu sous la forme révisée le 14 decembre 2012; accepté le 18 decembre2012Disponible sur Internet le 1er mars 2013

MOTS CLÉSEnfant ;Maladie grave ;Palliatif ;Famille ;Séquellestraumatiques ;Psychanalyste

Résumé La facon dont un enfant se confronte à sa mort possible et dont ses parentsl’accompagnent est en rapport au présent : sa situation médicale et ses causes, la place qu’iloccupe dans sa famille, la situation de sa famille, y compris dans ses aspects sociaux et écono-miques. Mais elle l’est aussi en rapport à son histoire familiale. Celle-ci est souvent marquéepar des événements traumatiques passés, vécus par ses parents ou ses grands-parents. Ceux-ciont été des maladies graves, des deuils en impasse, l’immigration, des situations de dictatures,de guerres, de massacres, ou des difficultés économiques durables. Discuter du passé permetde mieux comprendre les attitudes parfois paradoxales, hostiles aux soignants, contraires àl’intérêt de l’enfant, ou de grande détresse des parents. Les discussions sur le passé aidentl’enfant à mieux comprendre la place qu’il occupe pour ses parents et dans l’histoire de safamille, aident les parents à se déprendre de l’emprise du passé traumatique et à être plusdisponibles aux attentes, aux besoins, au questionnement de l’enfant sur son identité, qui nese réduit pas à celle de malade pouvant mourir. Ces discussions nécessitent prudence et tact,

dans une relation de confiance, pour ne pas accentuer les effets traumatiques du passé et duprésent. © 2013 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés.

� Cet article a fait l’objet d’une communication lors du 5e Congrès international de soins palliatifs pédiatriques,ontréal, 4—6 octobre 2012.

Adresse e-mail : d.oppenheim@orange.fr1 Psychiatre et psychanalyste.

636-6522/$ — see front matter © 2013 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés.ttp://dx.doi.org/10.1016/j.medpal.2012.12.003

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KEYWORDSChild;Severe illness;Palliative situation;Traumatic sequels;Psychoanalyst

Summary The way a child copes with his/her possible death, the way his/her parents supporthim/her, is linked with their present: his/her medical situation and its causes, his/her place inthe family, the family situation, which includes its social and economic aspects. But it is alsolinked with the family history, which is often marked by past traumatic events, met by theparents or the grandparents. These events were severe illness, unending grief, immigration,dictatorship, wars, massacres or long lasting economic difficulty. Talking about the past helps tobetter understand the often paradoxical parents’ attitudes, hostile towards the medical staff,contradictory with the child’s interest, or of great distress. These discussions help the childto better understand his/her place in his/her parents’ life and his/her family history, help theparents to loosen the grip of the traumatic past and to become more receptive to the child’sdemands, needs and questions about his/her identity, which is not only defined by his/her illnessand possible death. These discussions need to be prudent and tactful, and held in a relation ofconfidence. If not, they could increase the traumatic effects of the past and of the present.© 2013 Elsevier Masson SAS. All rights reserved.

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Introduction

Face à l’enfant gravement malade, qui peut ou va mourir,il est certes important de s’intéresser à son présent, c’est-à-dire à sa situation médicale (la nature de sa maladie, sescauses possibles et celles de l’échec du traitement) ; à sesconditions de vie, à sa situation familiale (ses parents sont-ils en couple, séparés, en crise ; est-il enfant unique, l’aîné,le petit dernier, le seul garcon ; la relation aux grands-parents ; sur qui peut-il s’appuyer ; etc. ?) ; à la situationéconomique, professionnelle, sociale de ses parents. Maistous ces éléments, qui constituent l’environnement et lespoints d’appui ou de fragilité de sa vie peuvent trouverl‘origine de leurs caractéristiques dans un passé plus oumoins lointain et des événements qui parfois se sont dérou-lés avant sa naissance. Le questionnement inévitable etnécessaire de l’enfant sur sa situation, sur ses causes etson sens, porte ainsi sur le présent mais aussi sur le passé,parfois lointain [1]. L’enfant se demande qui il est désor-mais (un malade, un condamné ?), pour lui-même, pour sesparents, et quelle image restera de lui. L’aider face à sa mortpossible nécessite de l’aider à rester lui-même, un enfantavec son caractère et ses facons d’être et de penser maisaussi inscrit dans une famille et une histoire familiale. Cequestionnement, qui vise à apprivoiser la possibilité de samort et donner un sens à son insensé insupportable peutle mener dans un imaginaire excessif, coupé de toute réa-lité, l’épuisement, le découragement, l’impasse. Il peut, aucontraire, le mener à une compréhension de la vie de sesparents et de ses grands-parents, de leurs contradictions,de ce qu’il partage avec eux et de ce qui l’en différencie,de la place qu’il occupe dans l’histoire familiale. L’enfantpeut alors inscrire le terrible moment actuel dans le dérou-lement de sa vie suivant une perspective et une logique quilui conviennent et l’apaisent. Face à la mort, il est moinsseul et peut mieux s’appuyer non seulement sur ses parentsmais sur son appartenance à une histoire familiale (dans sa

continuité et avec ses deux lignées) qui a commencé avantlui et qui continuera après lui, et dans laquelle, même mort,il aura toujours sa place.

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uestionnement de l’enfant sur sonistoire et celle de ses parents

ans son questionnement, qui rencontre souvent celui dees parents, l’enfant s’interroge sur les causes possiblese sa maladie, mais aussi sur les raisons de sa naissance.ar exemple : pourquoi est-il enfant unique, ou le dernier’une fratrie, né longtemps après celui qui l’a précédé. A-t-l été pour ses parents la dernière chance d’avoir un garconet pour ses grands-parents un petit-fils, pour perpétuer leom ?), est-il né après une longue période d’infertilité, uneausse couche, un enfant mort-né. Il a pu avoir l’intuitione ces événements devant la tristesse de ses parents ou leurxcès de prudence pour lui, mais jamais la certitude n’ayantas osé interroger ses parents, ou n’ayant pas obtenu d’euxe réponse. Il se demande aussi pourquoi ses parents sontn désaccord sur l’attitude à avoir envers lui ou enverses médecins. Ou pourquoi ses grands-parents sont absents,u trop présents, comme s’ils prenaient la place de sesarents ? Il en vient ainsi à s’interroger sur l’histoire dees parents. Il a besoin, pour comprendre leurs réactions,eur attitude actuelle envers lui (ou envers sa fratrie, ou sesrands-parents), mais aussi celles plus anciennes qui lui sontestées énigmatiques, de s’interroger sur leur enfance, sur’éducation qu’ils ont recue, sur leur adolescence.

La facon dont les parents ont traversé leur adolescence aaissé des traces qui se réactivent dans la situation présente.our certains, l’adolescence s’est déroulée de facon satis-aisante, pour l’enfant et ses parents, dans un affrontementt une turbulence limités, sans fracture ni ressentiment,ontribuant à l’établissement d’une nouvelle relation entreux. L’adolescent a reconnu que ses parents avaient desualités et des défauts, n’étaient pas immortels ni tout-uissants, pas plus que lui. Ils se sont reprochés bien deshoses mais sans excès ni ressentiment ni détresse. Lesarents ont accepté que leur enfant soit différent d’eux,e les admire plus autant, fasse lui aussi sa vie, devienne un

our parent, comme eux-mêmes l’ont été, les faisant grands-arents, avancant d’une ligne générationnelle vers la mort.our d’autres, adolescents devenus adultes et parents,

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eurs parents sont restés tout-puissants, ils attendent tout’eux, et leur reprochent tout, le malheur de leur vie,ont la maladie et la mort possible de leur enfant sonte dernier épisode. Ils se méfient d’eux et ne les laissent’approcher ou s’occuper de leur enfant que dans des limitestroites. D’autres, à l’inverse, mais dans la même logique,eur délèguent le soin de prendre auprès de lui leur placeymbolique et générationnelle de parents, bien au-delàes nécessités pratiques. Pour eux, les seuls parents sonteurs parents, et ils considèrent, inconsciemment, qu’ils’auraient jamais dû rivaliser avec eux sur ce terrain, que laaladie de leur enfant est la sanction de cet orgueil. Dans

es situations, l’enfant se sent écartelé entre sa fidélité àes parents et celle à ses grands-parents, et fragilisé.

Quand il voit ses parents se disputer il se demande’il n’en est pas responsable, du fait des inquiétudes etes insatisfactions mais aussi des difficultés financières etrofessionnelles que leur ont causées sa naissance, ses insuf-sances scolaires ou affectives, sa maladie. Pour sortir deon enfermement dans la culpabilité, il a besoin de par-er avec eux de leur histoire et de la sienne. Les parents,e leur côté, craignent que leur enfant les rende respon-ables de sa maladie et surtout que sa dernière pensée pourux soit de reproche et de malédiction. Ils se demandent’ils ont été, s’ils sont, des bons parents, s’ils ne sont pasn vérité responsables de sa maladie (et leur vient toute laalette des réponses, des plus aux moins raisonnables) et de’échec du traitement. Ils cherchent alors à se décharger sur’autres de cette culpabilité et peuvent accuser les méde-ins, la société, la pollution, l’enfant lui-même, ou leursarents.

’enfant se demande sur qui il peut’appuyer

es parents, ses grands-parents, sa fratrie, ses amis ? Tousui sont nécessaires, et d’abord ses parents. Quand ilonstate, avec tristesse, inquiétude colère, culpabilité, quees parents ne sont pas à la hauteur de ses attentes et de sesesoins, il ne peut rester enfermé dans ses émotions et leimple constat de leur insuffisance. Pour ce faire, il est utilee l’aider à les comprendre. Leur personnalité, leur forcet leur fragilité, leurs facons d’être et de penser, leurs atti-udes éducatives, découlent en partie de leur histoire, deeur enfance et de leur adolescence, de l’éducation qu’ilsnt recue, de l’histoire familiale dont ils ont hérité, desonditions de vie qu’ils ont et ont eues. Par exemple, pour-uoi ne sont-ils pas assez présents auprès de lui à l’hôpital ?ar égoïsme, par manque d’amour, par peur de lui montrereur détresse et leur pessimisme, par phobie de la mala-ie, parce qu’ils ne peuvent risquer d’être licenciés pourbsence, parce qu’ils n’ont plus de voiture, etc. ? Sont-ilsesponsables de leur fragilité psychologique ou financière,e leurs idées rigides (« Tu dois être fort, te battre, ne pasaisser la maladie te vaincre, etc. ») ? Oui et non, et pour seéconcilier avec eux (rien ne serait pire, pour lui autant que

our eux, que de mourir dans le reproche et le conflit), il luiaut alors comprendre leur histoire, les épreuves qu’ils ontraversées, les influences familiales ou collectives qu’ils ontubies.

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’enfant, comme ses parents, s’interrogeur les raisons, le sens et la place de saaladie dans son histoire et la leur

Pourquoi moi, ma famille, maintenant ? Pourquoi mesarents ne l’ont pas empêchée ? L’ont-ils souhaitée, et maratrie aussi ? Que deviendront-ils si je meurs, quels souve-irs garderont-ils de moi ? Feront-ils aussitôt après un autrenfant pour me remplacer, prendre ma place, resteront-ls dans un deuil indépassable, dont je serais responsable,tc. ? »

S’il voit ses parents optimistes, contre toute évidence,ontre ce que lui-même percoit de sa situation, ou auontraire exagérément pessimistes, il s’interroge sur cettettitude. Ses parents peuvent refuser de croire à l’issueatale parce que sa disparition laisserait en eux un vidensupportable, parce qu’ils ont mis en lui, et en lui seul,ous les investissements de leur vie, tous leurs espoirs deonheur et de réussite (mais pourquoi ?) ; parce que leursarents ou leurs grands-parents ont échappé à la mort,ui aurait pu venir d’une maladie grave, d’un accident,’une guerre, d’une dictature, d’un génocide. Leur pes-imisme excessif peut venir du regard qu’ils portent sura longue chaîne de malheurs que leur famille a subis,e la certitude que la maladie de leur enfant n’est quee dernier maillon d’un destin maudit. Ces questions sontarticulièrement insistantes dans les situations de mala-ie d’origine génétique [2], ou dans les familles ayantonnu des événements de vie traumatiques. Mais il neaut pas aller trop vite dans les explications causales quiemblent évidentes. Ainsi, un père était persuadé que laaladie de son fils était due à la mutation génétiqueont lui-même avait hérité et qu’il lui aurait transmise.ulpabilisé, il pensait que son fils éprouvait envers lui lesêmes sentiments de reproche et de colère (y compris

a parole « j’aurais préféré ne pas être né plutôt que deouffrir comme je souffre ») qu’il avait eus envers sesarents lors d’un cancer dont il avait guéri. Il se déchar-eait de sa colère et de sa culpabilité sur les médecins,e qui gênait évidemment la relation thérapeutique. Maisussi il n’osait pas s’approcher de son fils, comme s’ilvait peur de redoubler la « contamination » ou de rece-oir ses reproches. Son fils et sa femme ne comprenaientas son attitude, qu’ils attribuaient à un égoïsme scan-aleux. La discussion l’a soulagé et il a accepté, enfin,’entendre le généticien lui dire que la maladie de sonls, malgré les apparences, n’avait pas de cause communevec la sienne, qu’il n’en était pas responsable. Son atti-ude envers son fils et sa femme a alors complètementhangé.

L’enfant, de même que ses parents, veut donner uneéponse explicative à son malheur : la maladie est-elle uneunition (mais de qui, de quelle faute, donnée par qui, sui-ant quelle logique ?) ; une vengeance, l’effet de vœux deort (de qui ?), etc. Leurs réponses peuvent certes être

nfluencées par des références religieuses ou des théoriessychosomatiques, mais expriment surtout leur effort de

ise en perspective de leur histoire personnelle et fami-

iale, de donner sens à l’insensé insupportable de la mortossible de l’enfant.

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Dialoguer avec l’enfant sur la mort

Diversité des éléments du passé quiexpliquent, en partie, les attitudes desparents envers l’enfant et les médecins,ainsi que leurs réactions et émotions

Ils peuvent être en rapport à des événements familiaux sur-venus avant sa naissance (une mésalliance : « tu n’aurais pasdû te marier avec elle, avec lui, il/elle n’était pas d’unebonne famille, il y avait de la maladie dans sa famille,etc. » ont pu dire leurs parents) ou dans l’enfance (lamort d‘un frère, d’une mère, d’un grand-père) qui, fautesans doute d’explications suffisantes et peut-être aussid’accompagnement psychothérapeutique a laissé une souf-france jamais apaisée que la situation actuelle a réactivée.Ou avec des croyances, en grande partie inconscientes maisqui n’en produisent pas moins leurs effets dans la réalité :« toute maladie, toute hospitalisation entraîne inélucta-blement la mort, les médecins sont impuissants à guérir,par ignorance, mépris ou méchanceté ». Certains parentsse reprochent le moment et les raisons de sa naissance :trop tôt, ou trop tard, pour recoller leur couple, luttercontre leur dépression, répondre à l’impatience de leursparents qui avaient peur de ne jamais avoir de petits-enfants, ou encore leur montrer ce qu’est être un bonparent.

Les événements traumatiques d’une histoire familialepeuvent être aussi rattachés à des événements collectifs ouhistoriques. Ainsi, une mère exigeait que sa fille, malgré sadouleur mal calmée et son inquiétude légitime, reste calmeet souriante, au-delà du supportable. Elle m’a expliqué quesa grand-mère avait été esclave et avait montré toute savie, comme sa mère, les signes du malheur, de la dépres-sion et de l’impuissance. Encore enfant, elle s’était juréede ne jamais leur ressembler, de rester, selon ses critères,digne, envers et contre tout et tous. Un père, particulière-ment abattu et incapable de soutenir son fils, se demandaità quoi avait servi que ses parents aient survécu aux campsd’extermination nazis si son fils devait mourir. D’autres ontévoqué des génocides, des guerres, des massacres qu’ils ontconnus dans leur pays, au Maghreb, au Moyen-Orient, enEurope de l’Est, en Asie, en Afrique, la liste est longue. Unautre parent, honteux et désespéré, ressentait la mort pro-chaine de son fils comme une défaite parce que son père,militaire de carrière, avait survécu à toutes les guerres aux-quelles il avait participé. Il avait toujours été pour lui unefigure écrasante, contre laquelle il renoncait désormais àlutter. Plusieurs parents, qui ne supportaient pas les traite-ments douloureux faits à leur enfant et qui traitaient lessoignants de tortionnaires m’ont expliqué qu’enfants, auLiban, ils voyaient chaque jour les avions bombarder leurquartier, ou que des membres de leur famille avaient ététorturés pendant la dictature qui sévissait dans leur pays.

Quand ils acceptaient d’en parler, quand ils arrivaient àmettre en rapport leurs réactions actuelles et ces événe-ments traumatiques, ils pouvaient mieux se déprendre del’emprise du passé et être disponibles à accompagner leurenfant vers sa mort possible.

Les adolescents peuvent être, eux aussi, pris dans leseffets aliénants d’une histoire familiale. Ainsi, Samueln’acceptait les antalgiques que lorsque la douleur était véri-tablement insupportable : il voulait être à la hauteur des

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xploits, devenus mythes familiaux, d’un grand-père donte lui avait été transmise que l’imagerie glorieuse, atempo-elle, hors de tout contexte, et pas la complexité de sa viet de ses engagements, ni le regard qu’il a porté ensuite surux.

tténuer les effets négatifs sur les parentst l’enfant de situations traumatiquesarfois anciennes

l n’est pas nécessaire d’inciter tous les parents à s’engagerans cette exploration de leur passé individuel et fami-ial mais il faut penser aux effets négatifs sur les parentse situations traumatiques [3—8] (dont font partie lesituations d’immigration [9—12]), parfois anciennes. J’ainterrogé il y a quelques années, dans le service de can-érologie en région parisienne, où alors je travaillais,es parents de 74 enfants. Quatre-vingt quatre pour cent’entre eux ont dit avoir connu des situations particuliè-ement difficiles, qui ont laissé des séquelles négatives : deseuils sévères (56 %), des difficultés d’ordre familial, (26 %),’immigration (21 %), des maladies graves (11 %), des diffi-ultés économiques et sociales durables (9 %), des guerres9 %). Quatre-vingt six pour cent ont trouvé qu’aborderes questions les avait soulagés et aidés. Mais tous ceuxui pourraient en bénéficier n‘acceptent pas de tellesiscussions sur le passé, et celles-ci ne produisent pasoujours les effets positifs attendus. Dans tous les cas,lles doivent être faites au moment favorable, dans leadre d’une relation de confiance établie, et avec beau-oup de prudence et de délicatesse. La formation et’expérience psychanalytiques y sont particulièrement pré-ieuses. Les attitudes de l’enfant et des parents découlentn effet le plus souvent d’éléments conscients et incons-ients, réels et imaginaires. Des parents qui ne faisaientas le lien entre des éléments de leur histoire et leur atti-ude face à leur enfant, qui n’éprouvaient pas le besoinu ne voyaient pas l’intérêt d’en discuter (parfois mêmen étaient choqués), en ont ensuite été soulagés et leurelation à l’enfant a été plus libre [13]. Celui-ci a appré-ié d’avoir appris des éléments de son histoire familiale,ans laquelle sa vie et sa mort, si elle advient, ont leurlace.

onclusion

ace à la maladie grave de leur enfant et à sa mort pos-ible, les parents peuvent être encombrés et troublés pares séquelles, conscientes et inconscientes, d’événementsraumatiques anciens vécus par eux-mêmes ou leursarents. Ces situations ne sont pas rares. Aborder avecux le passé, dans une relation de confiance et le res-ect de leurs défenses, vise à les aider à se déprendrees effets traumatiques du passé, à lever les incompré-ensions, les malentendus et les conflits entre eux et

’enfant ou avec les soignants, à être disponibles auxttentes et au questionnement de leur enfant, à intégrera maladie, sa vie et sa mort dans leur histoire fami-iale.

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éclaration d’intérêts

’auteur déclare ne pas avoir de conflits d’intérêts en rela-ion avec cet article.

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