Extrait du "Temps des siestes"

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Extrait de la bande dessinée de Jimmy Beaulieu, intitulée "Le Temps des siestes", co-éditée par Les Impressions Nouvelles et Alto, publiée en juin 2012

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le temps

jimmy beaulieu

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des siestes

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ISBN :�978-2-87449-144-3 

©�Jimmy�Beaulieu�et�Les�Impressions�Nouvelles,�2012.

www.jimmybeaulieu.comwww.lesimpressionsnouvelles.com

Achevé�d’imprimer�chez�Transcontinental�Métrolitho�Sherbrooke�en�mars�2012.

Merci à Vincent, Pascal et Mélissa

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« Maybe that’s how books get writtenMaybe that’s why songs get sungMaybe we owe the unlucky ones »

— Nick Hornby

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J’ai commencé à remplir des carnets de dessin à vingt ans,en 1994. Mon ex-copine, qui dessinait cent fois mieux que moi, avaitinsisté pour que je m’en achète un. À moins qu’elle ne me l’ait offert ?Je ne sais plus. Elle trouvait que je ne dessinais pas assez, que jeperdais mon temps à essayer de faire de la musique.

Je n’avais jamais dessiné dans un beau livre relié. C’étaitintimidant, mais je l’ai plus ou moins rapidement rempli. Juste àtemps pour l’anniversaire de cette ex, qui, par ailleurs, venait derompre avec celui pour qui elle m’avait laissé. Ça nous amène enfévrier 1995, soit un peu plus de deux ans après notre rupture. Cesoir-là, je me doutais qu’elle irait à un concert au d’Auteuil, à Québec,et j’ai décidé d’aller l’y rejoindre. Une fois arrivé dans le bar, la cervellecomme du 7up, je l’ai rapidement repérée. Elle était accompagnéed’un nouveau petit ami. La rencontre a duré deux minutes. Je lui aioffert le carnet. Elle était émue, et bien sûr embarrassée. J’ai vitecompris que le nouveau avait déjà entendu parler de moi, assez pourm’identifier comme ce copain d’adolescence que la rupture avaitrendu fou. Je ne sais plus trop ce qui s’est passé ensuite, mais je mesuis retrouvé en larmes. Dans les bras du nouveau.

Non, mon heure de gloire, c’était pas celle-là.Un mois plus tard, j’ai commencé un second carnet. Que

je n'ai pas donné. Collée sur la page de garde, au début, il y a unenote : « Vouloir, c’est pas avoir !!! », en référence à l’affreux dicton « Vouloir, c’est pouvoir ! », dont je découvrais progressivement toutela portée mensongère. J’ai rempli plus de quarante carnets jusqu’en2007, où j’ai commencé à préférer dessiner sur du papier libre,souvent pendant que mon ordinateur me fait poireauter devant uneimage animée de sablier ou de ballon de plage (il est intéressant denoter que plus le travail que je suis en train de faire à l’ordi est chiant,plus les dessins sont cochons).

Mes cahiers, je les remplis de dessins, mais aussi de notespour des histoires, de phrases incongrues, de bouts de journal et denanonouvelles. Le sujet féminin occupe probablement 75 % de cequi s’y trouve. Pas d’inquiétude, je n’ai aucunement l’intention dem’expliquer, de me justifier, d’analyser ou de tomber dans la vase des

« Vouloir, c’est pas avoir »

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généralisations sur le beau sexe. Ça gâcherait tout. Je dirai seulementqu’il est question d’expression, d’apaisement et de fascination. Etprogresser entre ces balises m’occupera certainement jusqu’à cequ’on m’enterre.

C’est une drôle de pratique. Autonome, c’est-à-dire qu’ilne s’agit pas d’un exercice, ou d’échafaudage, mais d’une disciplineen soi. Ce n’est ni une démarche de plasticien, ni une démarched’illustrateur, ni d’écrivain, ni de poète, ni de musicien, ni d’auteur debande dessinée. Quoique.

Ayant longtemps travaillé en librairie, j’ai pu constater quepour la grande majorité des clients, la publication de ce travailéquivaut à la publication des gammes d’un pianiste. Et ce, même ence qui concerne les Grands Maîtres. J’étais déprimé de voir mes bonsclients regarder avec dédain de beaux livres comme Moments delassitude, de Claire Bretécher (à compte d’auteur, 1999) ou Carnet no1,de Tardi (JC Menu, éditeur, 2001). Deux livres qui ont d’ailleurs étésoldés…

Si même Tardi et Bretécher n'arrivaient qu'à susciter unintérêt marginal avec leurs carnets, je me disais que les miens nepouvaient intéresser que moi. Toutefois, je les ai toujours considéréscomme ma production principale. Les bandes dessinées que j’en tireen étant quasiment des produits dérivés. C’est dans les carnets quese trouvent les vraies étincelles.

À partir de 2001, Internet m’a donné l’occasion d’enfinpublier ce travail. J’ai toutefois longtemps regretté que ça ne puissepas vraiment être reproduit sous forme de livre, l’objet le plus intimequi soit. Le véhicule parfait pour ces chuchotements visuels. Je l’aifait à quelques reprises (Des aliments en 1996, Appalaches en 2007,Demi-sommeil en 2008), mais en tirages minuscules, parce que,peut-être à cause du soupçon de prétention qui plane sur ce type delivres, je croyais ne pas être celui qui devait les éditer.

Bref, quand Antoine Tanguay m’a proposé de publier « unlivre de dessins cochons », il m’offrait de réaliser un vieux rêveauquel j’étais lentement en train de renoncer. Nous avons alorsentamé, avec le concours de Benoît Peeters, le long processus desélection d’images et de textes, ce qui s’est avéré être un ambitieuxcasse-tête.

Ainsi s’est conçu ce drôle de livre, qui a peut-être plus encommun avec un album de musique ou une séance de kung-fuqu’avec la bande dessinée.

Quoique.

Jimmy BeaulieuMontréal, le 22 janvier 2012

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Ne t’en fais pas. Ce n’était pas méchant. C’est juste sa manière de dire les choses.

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Elle disait : « On dirait qu’ils ne voient pas l’obscénité dans leur frénésie del’enrichissement. Ils vivent comme dans un rêve de cocaïne de publicitéaméricaine des années cinquante. Ils croient qu’ils ne font que réussir.Comme si les excessives sommes dont ils se saisissent n’enlevaient rienà ceux qui ne sont pas d’un naturel combatif. Ou tricheur. »

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Si on écrivait notre histoire, il faudrait la publier dans la collection J'ai lu :Aventure secrète et Passions.

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Nous sommes les piétons.

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Ayant grandi avec quatre frères, elle savait se défendre.

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Je restais souvent planté, dans une position pourtant inconfortable,devant une photo de sa mère accrochée près de la porte de la cuisine. Elley apparaissait à vingt ans, beatnik, avec de grosses lunettes à monturesnoires et une bouche carnassière (plus encore que celle de sa fille), dansun café du Vieux-Québec, vers la fin des années soixante. C'est uneépoque que je mythifiais beaucoup, la soudaine intellectualisation de la Révolution tranquille. J'étais amoureux de cette représentation de samère, et j'étais curieux de la rencontrer en personne, mais je n'en aijamais eu l'occasion.

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J’ai envie qu’il pleuve.

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« Je suis toute cassée.Rien de peut me réassembler. Pas même toi. »

« Tout le monde est tout cassé. »

« Je sais bien. Les autres ont la force de le cacher. Pas moi...Et toi, tu m’aimes quand même. »

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Malgré les efforts déployés par sa mère pour lui faire perdre ce tic, ellemâchouillait tout le temps le bout de ses cheveux.

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