Figures communes - BnF

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Figures communes

Les trois monothéismes, qui se succèdent etse croisent au carrefour des grandescivilisations, se sont peu à peu dotés d’inter-prétations et d’applications résolumentdivergentes, surtout en matière de doctrine,de rituel et de loi religieuse. Si, au fil del’Histoire, des fossés de plus en plus profondsont pu se creuser entre les trois traditions, leretour à leurs textes fondateurs permetpourtant de dégager un certain nombre depoints de rencontre : sur le statut del’homme, en tant que créature et personneresponsable face au jugement de sonCréateur, sur les croyances (unicité etprimauté de Dieu, Dieu créateur du mondeet des hommes, Dieu juge du Bien et du Mal,fin du monde, Jugement dernier, vieéternelle, anges, enfer et paradis… ) ; enfin,sur les règles d’éthique et d’usage (mêmelecture des Dix Commandements, notionsd’amour du prochain et de pardon).Mais surtout, on retrouve dans les troistraditions des figures essentielles communes,qui sont autant de référents à la fois pour le

croyant et l’historien. En s’inscrivant dans lalignée du judaïsme – Jésus étant pour leschrétiens le Messie annoncé dans la Biblehébraïque (l’Ancien Testament) –, lechristianisme se réfère aux mêmes livres queceux des juifs, en y adjoignant une deuxièmepartie consacrée à Jésus (le NouveauTestament). S’ils partagent ainsi certainsmodèles avec leurs prédécesseurs, leschrétiens interprètent l’Ancien Testamentcomme une préfiguration de la venue duChrist. Six siècles plus tard, l’islam nes’inscrit pas en opposition au judaïsme et auchristianisme mais se présente comme leurachèvement, Muhammad étant lui-mêmeannoncé comme le continuateur légitime etultime des 25 prophètes envoyés par Dieupour répandre le monothéisme. Cesprophètes, dont on retrouve les histoires toutau long du Coran, sont quasiment tous desfigures majeures du judaïsme et duchristianisme (hormis quatre personnagesarabes issus de la tradition musulmane) :citons, entre autres, le prophète de lapremière Alliance, Noé, Abraham, ses filsIsmaël et Isaac, Jacob, Joseph, Moïse, les roisSalomon et David, puis, pour le NouveauTestament, respectant la filiation desÉvangiles, Zacharie et son fils Jean-Baptiste,Joachim, père de la Vierge Marie, et enfinJésus, qui, s’il n’est pas reconnu comme filsde Dieu par les musulmans, tient une placeimportante dans l’islam. D’une religion àl’autre, les personnages bibliques réinvestisd’une force renouvelée renforcent par leurexemple les croyants de chaque confession.En fonction des cultures et des traditions, lesnoms se modifient (Abraham devientIbrahim, Salomon, Souleyman, ou encoreMarie, Myriam), ainsi que le rôle qu’ilsjouent et l’interprétation qu’on peut faire deleurs actes, mais ils n’en demeurent pasmoins toujours des modèles de foi pour lescroyants des trois traditions.

La reine de Saba

et le Roi Salomon

La tradition musulmanereprend la figure biblique deSalomon en l’enrichissant :le roi sage et pieux de laBible, doté désormais depouvoirs surnaturels, estdevenu un prophète de

l’islam comme le montre, surcette miniature, le nimbe defeu autour de son visage.Salomon révèle toute la forcede sa foi lors de sa rencontreavec la reine de Saba, qu’ilconvainc de croire en unDieu unique : cet épisode,commun au judaïsme, auchristianisme et à l’islam,

illustre symboliquement laconversion au monothéismedes sociétés païennes.

Châhnâmeh (Le Livre des rois)Ferdowsi(Khurâsân, 940-941 – 1020),(Chirâz) puis (Ispahan) (Iran), 1604et vers 1610, BNF, Manuscritsorientaux, supplément persan 490,f. 1-2 v°.

Nativité

Foigny (Aisne), fin du XIIe siècle,BNF, Manuscrits, latin 15177, f. 11.

Vierge à l’Enfant

C’est en tant que mère de Jésus queMarie est vénérée à la fois par leschrétiens et les musulmans. Dans lesÉvangiles, son rôle varie d’un texte àl’autre mais c’est Jean qui lui accorde leplus d’importance. L’épisode où Jésusau pied de la Croix confie Marie àl’apôtre Jean annonce son rôle de mèredes croyants ; le culte qui lui est vouéprendra au fil de l’histoire de l’Église deplus en plus d’importance. Dans leCoran, Marie ou Maryam a une placeparticulière : c’est la seule femme dontle nom soit mentionné, et une sourate

porte même son nom. Mais le Corannie absolument qu’elle soit la mère deDieu comme il récuse la divinité deJésus. Sur cette miniature, on voit laVierge Marie et l’Enfant Jésus nimbésdes flammes désignant les envoyés deDieu. Cette représentation illustre lascène de la Nativité présentée dans lasourate 19 du Coran, « auprès d’unpalmier », le nouveau-né conversantavec sa mère.

Qesas al-anbiyâ’ (Histoire des prophètes)Naysâbûrî, Qazvîn (?), Iran, vers 1595, BNF,Manuscrits orientaux, supplément persan 1313,f. 174.

La tradition des sept

dormants

La piété populaire se nourritd’histoires qu’elle transformeen légendes. L’histoire dessept dormants, commune auchristianisme et à l’islam,symbolise la force de la foidans les épreuves. Inspirée peut-être del’histoire de sept frèresmartyrisés proclamant leurfoi en une vie future dans lelivre biblique desMaccabées, cette histoire,attribuée par la traditionchrétienne à un évêque

d’Éphèse du Ve siècle, etreprise dans La Légende doréede Jacques de Voragine auXIIIe siècle, raconte que septjeunes gens, persécutés pourleur foi chrétienne, seraientvenus chercher refuge dansune grotte près d’Éphèse.Emmurés dans la grotte, onles aurait retrouvés vivantsdeux siècles plus tard. Dansla tradition populairemusulmane, les sept jeunesgens, réveillés par Dieu aubout de trois siècles,témoignent de laRésurrection avant de serendormir à nouveau.

L’appel d’Abraham

Abraham, patriarchebiblique vénéré à la fois parles juifs, les chrétiens et lesmusulmans, occupe uneplace de choix dans leNouveau Testament, où ilest nommé dans 21 livres sur27 ; il demeure unpersonnage de grandeimportance dans le Coran

qui le cite à 69 reprises.L’« appel d’Abraham » quel’on voit figuré à droite, enconstituant l’acte fondateurdu monothéisme, est unépisode essentiel largementrepris dans les troistraditions.

Haggadah de Pâque, Allemagne,1450-1470, parchemin, BNF,Manuscrits orientaux, hébreu 1333,f. 9 v°

Qesas al-anbiyâ’ (Histoire du Coranou Histoire des prophètes et desrois du passé), Qazvîn (?), Iran,1581, 211 f., BNF, Manuscritsorientaux, persan 54, f. 173 v°

Cy finist la vie des saints ditelegende dorée, Jacques de Voragine(vers 1228-1298), (1488), BNF,Arsenal, Fol-H-3713