Forum bamako 2014 brunet jailly

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Assurer une bonne

gouvernance

de l’aide

Professeur Joseph BRUNET-JAILLY

Chevalier de l’Ordre National du Mali

Image NASA

Contexte

Conférence des donateurs pour le développement du Mali (Bruxelles, 15 mai 2013) : le Mali à l’abri, pendant un temps, du souci de se procurer de l’aide

Mais le fonctionnement des institutions (l’administration, l’exécutif, le législatif), déjà défaillant avant la crise, a été encore affaibli par elle

Contexte

D’où les questions : comment faire face ? Comment tirer le meilleur parti de l’aide en cette période particulière ?

Faire face ? Aux causes de la crise : non seulement ne pas les oublier, mais entreprendre tout ce qui est possible pour les traiter

Contexte

Tirer le meilleur parti : donc

comparer les alternatives, choisir

la meilleure, celle qui donnera le

plus de chances au pays d’éviter

de retomber dans le gouffre et le

plus de chances de sortir de la

pauvreté

I. Faire face

A) A quoi ?

B) Comment ?

I A. Faire face à quoi ?

Aux causes profondes de la crise

et à elles seules

Elles ont été identifiées à la fois

par les administrations et les

politiques dans leurs grandes

lignes et par les intellectuels avec

plus de netteté

Quelles sont-elles ?

I A. Faire face à quoi ?

1) des dysfonctionnements

institutionnels et sociaux graves

Gouvernance

Démocratie

Justice

Décentralisation

Services sociaux : éducation, santé,

I A. Faire face à quoi ?

2) Des « oublis » impardonnables

Menaces extérieures

Agriculture

Emploi

Iniquité du développement : certains profitent de façon éhontée, d’autres ne voient pas leur situation s’améliorer, les jeunes n’ont ni formation ni accès à l’emploi…

I B. Faire face : comment ?

1) Aborder les vrais problèmes (exemples)

éducation : cf. le PM tout récemment sur l’enseignement supérieur

- « effectif pléthorique des étudiants »

- « piètre qualité des enseignements dispensés »

- « incapacité à former les ressources humaines dont le pays a besoin »

- « revendications corporatistes de tous ordres »

http://www.primature.gov.ml/index.php?option=com_content&view=article&id=11636:le-premier-ministre-installe-le-comite-

de-pilotage-de-la-concertation-nationale-sur-lavenir-de-lenseignement-superieur&catid=5&Itemid=100037

I B. Faire face : comment ?

1) Aborder les vrais problèmes (exemples)

décentralisation : qui s’y est opposé ?

pourquoi exactement les textes n’ont-ils

pas été mis en pratique ?

problème du Nord : drogue ? religion ?

protection d’un système patriarcal ?

convoitises étrangères ? interventions

extérieures ?

I B. Faire face : comment ?

1) Aborder les vrais problèmes (exemples, suite)

justice : on ne peut pas se contenter de « réaffirmer les valeurs fondamentales de la justice et lutter contre l’impunité en dotant le système judiciaire d’un cadre de valeurs affirmées et partagées […] » (PRED p. 25) ; ni de compter sur un "processus largement participatif" pour réaliser cette tâche ? Et sur ce sujet le PAG (p. 11) n’est pas nettement plus précis

I B. Faire face : comment ?

1) Aborder les vrais problèmes (exemples,suite)

développement :

- redistribuer officiellement entre riches et pauvres, au lieu de laisser la corruption redistribuer au profit des riches; entre régions, au lieu de laisser cette tâche aux armes ;

- compter sur ses propres forces au lieu de tolérer des comparaisons injustifiées avec des pays plus développés, même si ce sont des voisins immédiats ;

- et en particulier, commencer par la base, l’agriculture ;

I B. Faire face : comment ?

2) Imaginer des solutions franches

Quelques exemples :

éducation : comment passer d’une stratégie

quantitative (taux de scolarisation) à une

stratégie reposant sur la qualité

(compétences acquises) ?

décentralisation : comment intéresser les

fonctionnaires des administrations centrales

aux postes nécessaires dans les régions ?

I B. Faire face : comment ?

2) Imaginer des solutions franches (suite)

développement : quelle part de l’inves-tissement réserver à l’agriculture ? et à quelle agriculture (agro-industrie ? exploitation familiale ? exploitation par les fonctionnaires ?)

démocratie : faut-il vraiment combler les lacunes de la démocratie locale par le recours aux notabilités traditionnelles et religieuses ?

Et, pour cela, comment s’organiser ?

Esprit critique

Imagination

II. Tirer le meilleur parti

A) Des ressources nationales,

essentiellement intellectuelles

B) De l’aide, qu’il s’agisse de

financement ou d’assistance technique

II A. Tirer le meilleur parti des

ressources nationales

les ressources de l’administration : un

certain travail a été fait lors de la

rédaction du PRED :

- quelques thèmes importants ont

été identifiés ;

- les bailleurs se sont engagés

- court sur les causes, prudent et

conventionnel sur les solutions

II A. Tirer le meilleur parti des

ressources nationales (suite)

les ressources de l’Université et de la

recherche se sont mobilisées par elles-

mêmes : cf. Le Mali entre doutes et

espoirs ; traite essentiellement des

causes, mais contient aussi beaucoup

de propositions ;

II A. Tirer le meilleur parti des

ressources nationales (suite)

des ressources de la société civile ont

été mobilisées (Forum multi-acteurs)

pour élaborer un projet de société très

ambitieux et manifestement à long

terme ; le lien avec le politiquement

faisable n’est pas fait ;

II A. Tirer le meilleur parti des

ressources nationales (suite)

des ressources de la société civile se

sont mobilisées à l’occasion de la

campagne présidentielle ou en dehors

de ce cadre : programmes présidentiels,

(IBK, Soumaïla Cisse, Modibo Sidibe,

Choguel Maïga, Soumana Sacko,

Mountaga Tall, Konimba Sidibe…), livres

de Moussa Mara, et beaucoup d’autres

documents

II A. Tirer le meilleur parti des

ressources nationales (suite)

plus récemment, les ressources de

l’administration ont été à nouveau

sollicitées pour préparer le PAG ; mais

pas forcément toutes les ressources de

l’administration ; certainement pas toutes

les ressources intellectuelles nationales

II A. Tirer le meilleur parti des

ressources nationales (suite)

mais il est dangereux qu’on puisse lire : « Le PDA/RN fait suite au plan pour la Relance Durable du Mali (PRED), dont il assure l’opérationnalisation dans la partie nord du pays et est conforme aux axes du cadre stratégique pour la croissance et la réduction de la pauvreté (CSCRP) 2012 -2017 » ; il est trop clair qu’on est dans une ornière ! Malgré la crise, on continue comme avant !

http://malijet.co/nord-mali/programme-de-developpement-accelere-des-regions-du-nord-pdarn-letat-debloque-11-milliards-de-cfa-

pour-le-retour-de-ladministration-et-la-relance-de-la-production-dans-cinq-regions

II A. Tirer le meilleur parti des

ressources nationales (suite)

tirer le meilleur parti des ressources

nationales, ce serait faire en sorte que

l’administration puisse confronter ses

analyses et propositions à celles des

milieux de l’Université et de la recherche,

ainsi qu’à celles de la société civile

II A. Tirer le meilleur parti des

ressources nationales (suite)

tirer le meilleur parti des ressources

nationales, ce serait promouvoir dans la

société – et à l’Assemblée – des débats

de fond sur l’avenir et sur les réformes

qui s’imposent après la crise ; la

présence d’une opposition parlementaire

pourrait y contribuer

II A. Tirer le meilleur parti des

ressources nationales (suite)

il se pourrait que la formule des assises

ne conduise qu’à un débat trop général ;

elle permet à beaucoup de points de vue

divergents de s’exprimer, elle ne conduit

pas facilement ni à conclure l’analyse de

la situation –et de ses causes – ni à

formuler des propositions concrètes et

cohérentes entre elles en matière de

réformes nécessaires

II A. Tirer le meilleur parti des

ressources nationales (suite)

il reste donc à inventer un dispositif

original qui prenne appui sur toutes les

ressources intellectuelles nationales et

qui traduise immédiatement le caractère

interministériel du travail à entreprendre,

compte tenu de la nature des causes de

la crise;

II A. Tirer le meilleur parti des

ressources nationales (suite)

comme des groupes de travail ont déjà

été constitués sous l’égide du CDI, ils

pourraient peut-être prévoir :

- de s’organiser en fonction de la

nature interministérielle des sujets à traiter

(faire face à telle cause de la crise) ;

- de s’adjoindre des universitaires ou

chercheurs, ainsi que des représentants

reconnus de la société civile

II B. Tirer le meilleur parti des

ressources extérieures

1) Attitude des bailleurs

les bailleurs n’ont d’intérêt qu’aux aspects formels de la gouvernance de l’aide : il s’agit essentiellement d’éviter les scandales ;

pour certains bailleurs, seul compte le TOF, et alors tout financement extérieur est une bénédiction, à quoi qu’il serve ; c’est l’idée qui a prévalu depuis au moins deux décennies ;

II B. Tirer le meilleur parti des

ressources extérieures

D ’ailleurs, à la réunion des bailleurs 0 Bruxelles le 7 novembre, on a parlé de perspectives macro-économiques du Mali (interventions FMI et MEF), et on a calibré l’aide à partir de là : comme on le fait toujours, en considérant que l’important ce sont les équilibres macro-économiques comptables (cf. L’Indépendant, 5 février 2014), plus que ce à quoi est utilisée l’aide !

II B. Tirer le meilleur parti des

ressources extérieures

1) Attitude des bailleurs (suite)

les bailleurs sont en compétition les uns contre les autres, même en temps normal, et l’échec de la Déclaration de Paris le montre à l’évidence ;

les bailleurs n’ont pas de compétences particulières en matière de gestion de l’aide en situation de crise ou de sortie de crise ; il est admis que l’aide apportée à l’Afghanistan a été dépensée en pure perte ;

II B. Tirer le meilleur parti des

ressources extérieures (suite)

1) Attitude des bailleurs (suite)

les bailleurs éviteront généralement de

s’engager à appuyer des programmes qui

soulèvent un débat politique, même si ces

programmes ont un intérêt indéniable

pour le règlement de tel ou tel problème

de fond de la société malienne

II B. Tirer le meilleur parti des

ressources extérieures (suite)

1) Attitude des bailleurs (suite)

certains bailleurs ont déjà ressorti d’anciens

projets, en les présentant comme de premiers

engagements consécutifs aux accords du 15

mai (par exemple en matière d’éducation) ;

d’autres ont prétendu qu’ils avaient formulé des

programmes nouveaux en urgence ; en dehors

du cas de l’urgence, précisément, est-ce

sérieux ?

II B. Tirer le meilleur parti des

ressources extérieures (suite)

1) Attitude des bailleurs (suite)

il est reconnu –même si on ne le dit pas trop–

que les institutions multilatérales ont fait la

preuve sur longue durée et dans de multiples

circonstances (Afghanistan, RDC, Cambodge,

Haïti) de leur incapacité à coordonner

efficacement leurs actions et de leur génie à

compliquer considérablement la tâche des

nationaux

II B. Tirer le meilleur parti des

ressources extérieures (suite)

1) Attitude des bailleurs (suite)

et donc une seule solution pour le Mali :

prendre son destin en mains, rompre

avec la dépendance à l’égard des

solutions inventées par les bailleurs ; pour

cela il faut sans doute revoir le processus

de préparation des décisions

II B. Tirer le meilleur parti des

ressources extérieures (suite)

2) Processus de préparation des décisions

la décision ne peut revenir qu’à l’Etat ; les

étrangers ne peuvent pas administrer le pays à

la place de son Etat ;

si l’Etat prend au sérieux les causes qui ont

amené le Mali à la catastrophe, la décision

quant à la pertinence des projets ne peut

reposer que sur le souci de résoudre les

problèmes qui ont conduit à la crise

II B. Tirer le meilleur parti des

ressources extérieures (suite)

2) Processus de préparation des décisions

(suite)

or l’Etat est très affaibli : combien de services

dévastés? combien de fonctionnaires absents?

combien de fonctionnaires incompétents?

II B. Tirer le meilleur parti des

ressources extérieures (suite)

2) Processus de préparation des décisions

(suite)

préparer les décisions

- en associant toutes les ressources

intellectuelles ; et

- en distinguant deux types de questions :

* celles qui relèvent des autorités maliennes

seules ;

* celles qui ont nécessairement un aspect

régional ouest-africain

II B. Tirer le meilleur parti des

ressources extérieures (suite)

2) Processus de préparation des décisions (suite)

relèvent exclusivement des autorités maliennes les questions telles que :

- gouvernance,

- démocratie,

- décentralisation,

- justice,

-éducation primaire et secondaire,

-santé

notamment

II B. Tirer le meilleur parti des

ressources extérieures (suite)

2) Processus de préparation des décisions (suite)

ont nécessairement un aspect régional ouest-africain les questions telles que :

- grandes infrastructures (cf. NEPAD)

- gestion des ressources (eau, sous-sol)

- protection de l’environnement

- adaptation au changement climatique

- sécurité

- migrations

- aménagement du territoire, etc…

II B. Tirer le meilleur parti des

ressources extérieures (suite)

2) Processus de préparation des décisions (suite)

pour les questions nationales : appui de la recherche et de la société civile à l’activité de l’administration

pour les questions qui ont nécessairement un aspect régional ouest-africain, élaboration d’un dossier à jour des dernières connaissances scientifiques (expertise collégiale) avant d’aborder la préparation administrative des décisions

Synthèse des propositions

Pour s’attaquer aux causes de la crise et pour définir les actions qui permettront de s’en protéger :

1) Rassembler les ressources intellectuelles nationales, où qu’elles soient, les faire travailler ensemble, coordonner leurs apports, avant d’arbitrer entre leurs propositions,

Conclusion

2) Inventer un dispositif interministériel ouvert à toutes les ressources nationales pour la préparation de la décision (bilan des réalisations, évaluation des alternatives, recherche imaginative de solutions nouvelles,…)

3) Promouvoir de vrais débats de fond, soigneusement préparés et fermement modérés, dans la société civile et à l’Assemblée

Conclusion

4) Refuser les projets qui ne s’attaquent

pas aux causes profondes de la crise, ou

qui prévoient des activités connues pour

être inefficaces

5) Savoir s’appuyer sur l’assistance

technique sans lui abandonner ni le

travail technique ni la décision

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