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Récit Laurent Boudier octobre 2012
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Octobre 2012 – La Réunion
Octobre est arrivé, enfin ! Octobre, ça veut dire qu’il
dernier challenge sportif de l’année, et non des moindres
spécialement prévu d’y participer en début d’année mais le copain Seb, trailer des iles s’il en est, a
réussi à me convaincre assez facilement.
y avoir quelque chose de spécial,
cette édition, on va la découvrir quelques semaines plus tard lorsque l
sera 170 kms pour 10800D+, oups!!
Voilà pour la surprise. Merci Seb
Nous arrivons sur l’ile Bourbon une semaine avant l’épreuve, histoire de tâter le terrain et de
s’imprégner de l’ambiance. Le grand raid
sont présentés successivement les favoris, les partants, l’histoire de l’épreuve et aussi … la météo.
Car le fil rouge de cette semaine va s’appeler Anaïs. Anaïs est un
cette époque de l’année, et dont l’une des trajectoires envisagées menace la Réunion
déroulement du grand Raid. Anaï
nous envoyer quelques résidus …
Durant cette semaine, il est prévu aussi une reconnaissance du parcour
soit grosso modo, la descente du piton Textor, la plaine des cafres jusqu'à la
Le manque de pluie des derniers mois sur la Réunion a rendu le terrain
révèle techniquement très compliqué
coteau maigre, une montée vers Kerveguen
faire mal aux pattes. Autrement dit, c’est du très costaud et
après cette petite reconnaissance
Le lundi, c’est rencontre avec le team Lafuma et
de la rencontre, a eu les mêmes
(certes, pas avec les mêmes résultats
quelques conseils qui pourraient nous rendre le raid plus facile.
! Octobre, ça veut dire qu’il est temps de se rendre à la Réunion pour le
de l’année, et non des moindres : La diagonale des fous
participer en début d’année mais le copain Seb, trailer des iles s’il en est, a
assez facilement. Ses arguments : c’est le 20e anniversaire et forcément, i l va
y avoir quelque chose de spécial, des surprises, car on n’a pas tous les jours 20 ans
cette édition, on va la découvrir quelques semaines plus tard lorsque le parcours
10800D+, oups!! Le grand raid n’aura donc jamais été aussi long, jamais aussi dur.
Merci Seb ! ☺
sur l’ile Bourbon une semaine avant l’épreuve, histoire de tâter le terrain et de
Le grand raid est ici une institution et fait la une des quotidien
les favoris, les partants, l’histoire de l’épreuve et aussi … la météo.
e fil rouge de cette semaine va s’appeler Anaïs. Anaïs est un cyclone, pourtant
dont l’une des trajectoires envisagées menace la Réunion
déroulement du grand Raid. Anaïs va au final se désintégrer au nord de l’ile mais ne manquera pas de
nous envoyer quelques résidus …
Durant cette semaine, il est prévu aussi une reconnaissance du parcours (ou du moins une portion
la descente du piton Textor, la plaine des cafres jusqu'à la caverne D
manque de pluie des derniers mois sur la Réunion a rendu le terrain relativement sec mais
compliqué. Je remarque entre autres : des échelles à franchir
montée vers Kerveguen plutôt éprouvante, une descente vers Cilaos
. Autrement dit, c’est du très costaud et la principale question
e reconnaissance est : va-t-on survivre à cette course de dingues
Le lundi, c’est rencontre avec le team Lafuma et notamment le très sympa Lionel Trivel, qui,
courses préparatoires que nous, à savoir la Montagn’Hard
, pas avec les mêmes résultats ☺ ). 6e du grand raid l’année dernière, on prend note de
t nous rendre le raid plus facile. Le lendemain, c’est Kilian Jornet
à la Réunion pour le
: La diagonale des fous ! Je n’avais pas
participer en début d’année mais le copain Seb, trailer des iles s’il en est, a
anniversaire et forcément, i l va
jours 20 ans ! La spécificité de
e parcours est présenté. Ce
jamais été aussi long, jamais aussi dur.
sur l’ile Bourbon une semaine avant l’épreuve, histoire de tâter le terrain et de
quotidiens de l’ile :
les favoris, les partants, l’histoire de l’épreuve et aussi … la météo.
cyclone, pourtant improbable à
dont l’une des trajectoires envisagées menace la Réunion ainsi que le
se désintégrer au nord de l’ile mais ne manquera pas de
s (ou du moins une portion),
caverne Dufour, Cilaos.
relativement sec mais se
franchir dans le
, une descente vers Cilaos qui peut
question qui nous revient
urvivre à cette course de dingues?
Lionel Trivel, qui, hasard
Montagn’Hard et la TDS
on prend note de
Le lendemain, c’est Kilian Jornet
himself qui est annoncé dans un troquet de St-Pierre. On s’y rend, c’est une autre ambiance. Une
arrivée digne d’une rock star pour Kilian : la grosse foule, des caméras, des photographes, des pin-up
prêtes à manger du chorizo espagnol. La soirée semble privée, donc on taille la route pour se
rabattre sur un rougaille saucisses dans un resto du coin. C’est moins people mais tout aussi sympa,
et c’est l’occasion de rencontrer Fabrice, Christophe, Jérémy, triathlètes du 77, qui participent aussi à
leur première diagonale. Parmi nous, il y a aussi Mark, un anglais vivant en suède, rencontré à l’hôtel,
adepte de courses extrêmes, et dont la seule préoccupation durant la course va résider dans sa
capacité à refroidir la bête, car il ne supporte pas les températures supérieures à 10°C …
J-1 : Direction St-Denis pour le retrait des dossards. On s’y pointe en fin d’après midi après que le
gros de la troupe soit passé. C’est un bordel bien sympathique, mais on passe cependant rapidement
dans les différents stands. On retrouve aussi l’ami Serge, sportif multi-casquettes et revanchard de la
TDS (comme moi) puis on se dirige tous vers le barachois pour une dernière petite bouffe. C’est aussi
le lieu de rendez vous avec William et Denise qui assureront notre assistance pendant le raid. Nous
voilà donc une bonne dizaine à ripailler, la soirée est très conviviale.
Jour J : avec ce départ prévu à 22h, la journée s'annonce longue : préparation des sacs de rechange,
tentative de sieste l’après-midi… je dis tentative car la nervosité s’installe au cours de la journée.
Inhabituel chez moi mais ça doit s’expliquer : ce n’est pas tous les jours qu’on va partir pour une telle
ballade, hein ? Il est 18h30, nous nous dirigeons vers la gare routière de St-Pierre où un bus de
l'organisation doit normalement nous ramasser. Sauf que le bus a dû passer, mais ne s'est pas
arrêté. Le nouveau bus affrété arrive sur les chapeaux de roue vers 20h30. C’est vraiment tendu car
c’est le bus de la dernière chance, et ça serait vraiment couillon de louper le départ du raid.
Beaucoup d’embouteillages pour arriver au cap méchant mais nous y arrivons finalement à 21h40
soit 20' avant le départ ! Avantage : pas de temps d’attente pour rentrer dans le sas. Inconvénient :
nous sommes en queue d’un peloton de 2700 raideurs. Notre stratégie initiale, qui était de bien se
placer au départ et de partir sur un bon rythme pour éviter les bouchons du volcan, tombe à l’eau. Ca
commence bien …
Jeudi : 22h (Cap Méchant – Km0) : Pan !! Le départ est lancé, et c'est parti pour 170 bornes !! Les
premières foulées s’effectuent sur bitume sur la RN en direction de St Philippe, le but étant d’étirer
au maximum le peloton. Il y a un monde fou sur les bas coté et l'ambiance est à la fête ; ça crie, ça
chante, beaucoup d’encouragements… incroyable la ferveur qu’il y a ici ! Seb fait la locomotive du
groupe et se cale sur 10km/h. On double un peu mais sans plus. Preuve que beaucoup sont partis
très vite ; attention à la casse ! Après nous avoir épargnés au départ, la pluie s’invite violemment dès
les premiers kilomètres. Mark se marre, il jubile car il a le temps de chiotte dont raffolent les anglais.
Après 6 kms, c'est virage à gauche pour renter sur un chemin taillé au milieu des champs de canne à
sucre, on entre dans le vif du sujet. Le sol est rugueux et inégal, il faut faire gaffe aux chevilles. On
rejoint ainsi le chemin de Mare Longue, sur lequel on va alterner course et marche rapide. La pluie
s’intensifie, c’est le moment choisi pour enfiler des vêtements de pluie. Il est environ 1h du matin
lorsqu'on atteint le dernier ravitaillement avant la montée du volcan. Le temps de faire le plein et ça
repart, direction le volcan et ses 2300m d’altitude.
La montée au volcan se fait tranquillement, en file indienne. Les quelques passages techniques
provoquent des bouchons, que certains petits malins (ou crétins ?) essaient de contourner par les
cotés. Ca gonfle un peu à force, mais restons zen, la route est encore longue jusqu’à St Denis. Nous
assistons aussi aux premières défaillances : des coureurs assis sur un rocher pour reprendre leur
souffle, d’autres vomissent leur départ trop rapide, 2 ou 3 font demi-tour. Tout ça après moins de 25
kms, ça me laisse perplexe … Nous, on continue à grimper tranquillement dans la nuit. Je surveille
régulièrement mon altimètre pour suivre notre progression. A 2000m d’altitude, on sort de la forêt
dense, le jour se lève et un vent frisquet nous accueille. Bientôt le sommet, on se remet à trotter
pour se dégourdir les jambes, tout va bien.
Vendredi : 05h30 (Foc Foc – Km 29 – 1682e) c’est l’heure du p’tit déj ! Au menu : soupe aux
vermicelles, gâteaux, bananes. Nous remplissons nos bidons et poursuivons la route le long de
l’enclos du piton de la fournaise. Le ciel est très chargé, avec du brouillard et de la pluie. Ce temps ne
favorise pas la contemplation du volcan, tant pis pour le spectacle ! Vient ensuite la magnifique
plaine des sables, son sable gris, son décor lunaire, suivie de la montée vers l’oratoire Ste Thérèse.
On progresse en groupe, on s’attend lorsqu’un d’entre nous s’arrête pour une pause technique, la
cohésion est parfaite.
Vendredi : 08h20 (Piton Textor – Km 42 – 1668e) C’est le point de contrôle symbolique à distance
marathon. Ca nous rappelle aussi que nous ne sommes qu’au quart de la course. En quittant Textor,
le décor va changer du tout au tout : exit les paysages volcaniques, nous voici en Normandie avec ses
vaches et pâturages. Anaïs est venue pleurer ici et le terrain est gras et boueux. J’en profite pour
faire de la voltige, ma première grosse gamelle sur le grand raid, champagne !
Vendredi : 10h30 (Mare à Boue – Km 52 -1624e) Suite à ma chute, je ressens une douleur sur le
genou gauche, je me dirige alors vers la case médecin pour examen. Le toubib m’indique un début de
tendinite, mouais … J’en parle à Seb kiné enfindesfois qui doute du diagnostique. En effet la douleur
va finir par s’atténuer puis disparaitre, plus de peur que de mal donc, Seb kiné adesfoisraison ☺. En
attendant, avec cette gêne au genou, je vais passer en mode gros bourrin des campagnes. Je file
droit dans le sentier, je prends en pleine face tous les torrents de boue. Je n’évite rien, je positionne
le genou dans l’axe du chemin, ça me soulage. De l’eau boueuse jusqu’aux chevilles, je vous épargne
la description de l’état des chaussures. Le coteau Maigre, c’est une partie du parcours qu’on avait
reconnue, et à vrai dire, je ne la reconnais pas. Sur un hippodrome, on dirait que le terrain est passé
d’assez souple à très lourd. Et comme tous les canassons ne s’accommodent pas de ce type de
terrain, nous ne sommes pas sûrs de tous rentrer à l’écurie.
La montée de Kerveguen s’annonce longue et difficile, comme prévue. Je zieute régulièrement sur
ma droite à la recherche du gite du piton des neiges, qui annonce la fin de l’ascension. Il tarde à se
découvrir mais finalement on y arrive vers 15h50. C’est l’heure pour un bon ravitaillement et les
premières rumeurs d’abandon se font entendre. Mark a l’air bien fatigué et lâche un ‘very tough !’.
Nous entamons la descente vers le bloc, dernière étape avant d’arriver à Cilaos. Seb va
malheureusement y laisser une jambe : déchirure musculaire. Il reste 100 bornes et forcément ce
n’est pas jouable avec une telle blessure. Il décide de s’arrêter à Cilaos. Nos 3 amis triathlètes
décident aussi d’abandonner. Mark, je ne le reverrai plus, et Serge m’annonce également la fin de
son périple. C’est l’hécatombe ! Personnellement, n’ayant pas de bobos, je me sens prêt à poursuivre
l’aventure.
Vendredi : 18h20 (Cilaos – Km 72 -1774e) Cilaos est une base de vie. Je prends alors le temps de faire
une grosse pause : douche (froide !), repas chaud (poulet grillé, coquillettes). Je tente également un
roupillon dans les tentes aménagées. C’est bien foutu ces tentes sauf que dehors, la sono crache ses
décibels, c’est violent et très bruyant. Les boules caisse sont inefficaces donc je sors de la tente, les
aires de repos musicales, ce n’est pas mon truc. J’essaie aussi le stand des podologues. A cause des
heures passées les pieds dans l’eau, j’ai plein de crevasses sous les pieds. Mais les podologues sont
surmenés, trop de monde dans la file d’attente. Donc, je zappe. La plante des pieds me chatouille
mais tant pis, ça devrait passer.
Je sors de Cilaos de nuit, un peu avant 20h. La pluie réapparait, toujours agréable après avoir enfilé
des vêtements secs ! Je pars avec un réunionnais qui a l’air de connaitre le parcours. C’est parfait, ça
m’évitera de me concentrer sur le balisage qui m’a l’air bien léger sur cette portion. Le sentier qui
doit nous amener au pied du col du Taïbit n’est pas de tout repos. Tout d’abord, des traversées de
rivières où j’ai la bonne idée de rater une sortie, les pieds ne seront pas restés secs très longtemps.
Puis le profil est plutôt montant avec un dernier talus qui nous amène au pied du col. Beaucoup de
monde à ce ravito où je repère des lits de fortune installés sur le trottoir. Tiens, ça serait une bonne
idée de dormir un peu ! ☺ Dès qu’un lit se libère, je le monopolise et me plonge sous la couverture.
Mais, ici, aussi, il y a une sono. Et le speaker est particulièrement bavard, il égrène les minutes
précédant la fermeture du poste : ‘Fermeture dans 40 minutes … 35’ …. 30’…’. C’est insupportable !
Je me relève et pars directement à l’assaut du Taïbit. La montée se passe bien. L’avantage de ce col
est que le sol est sec, les appuis sont corrects. A mi- parcours, il y a un ravito sauvage qui nous
propose une tisane chaude. Une radio diffuse la course et annonce Kilian au Colorado, soit à 5 kms
de l’arrivée. Moi, aussi, je suis à 5 kms mais de la … mi-course ! L’endroit est bien chaleureux mais il
faut repartir. Un peu plus loin, je remarque que ça scintille un peu partout autour de moi. Ce qui
brille, ce sont les couvertures de survie des raiders ayant pris place le long du sentier pour dormir un
moment. Le Taïbit s’est transformé en dortoir géant. Je juge le lieu peu confortable donc je continue
mon chemin. J’arrive en haut du Taïbit en bonne forme et attaque la descente en courant, à allure
souple comme dit si bien coach Didier.
Samedi: 01h40 (Marla – Km 85 – 1474e) Je m’accorde une bonne pause ici, avec un bon ravito chaud.
Les bénévoles sont extras malgré l’heure tardive. Après le repas, je tente une nouvelle fois la sieste
salvatrice qui me fait tant rêver, mais trop de bruit encore une fois. Je reprends la route pour
traverser la plaine des Tamarins. Le chemin est jonché de rondins de bois, il faut avoir l’œil et rester
attentif, je mets la frontale à pleine puissance. Dans le col de Fourches qui suit, je remarque une
clairière propice à un éventuel repos. Je m’allonge après avoir déplié ma couverture de survie mais
de suite, il y a quelque chose qui me contrarie. J’ai les jambes qui dépassent et le sol est humide, ça
ne va pas le faire. Je me relève, replie ma couverture pour cul de jatte et reprends le sentier du col.
La couverture était estampillée Médecins Sans Frontières, j’aurais dû me méfier. J’atteins le sommet
du col au lever du jour, le spectacle est superbe. Nous sommes du côté Salazie, réputé humide, le
terrain est de nouveau gras avec des passages dangereux, il faut rester vigilent.
Samedi : 06h00 (Sentier Scout – Km 93 – 1422e) L’entrée du sentier Scout est stratégique car il nous
amène au cœur du cirque de Mafate. Et dans Mafate, il n’y a pas de route et aucun moyen de se faire
évacuer, à part grosse blessure via hélico. Ce qui signifie : abandon interdit durant les 30 prochains
kms. Je ne pose pas trop de questions et fonce dans le sentier. Tu as voulu voir Mafate, mon gars, et
bien tu vas voir Mafate. Le sentier nous conduit à la Plaque où la logique aurait voulu qu’on continue
jusqu’à Aurère, pour sortir du côté de Dos d’âne. Mais cette année, c’est le 20e anniversaire, et
l’organisateur a décidé de durcir la traversée de Mafate. On prend donc la direction d’ilet à Bourse.
Le sentier qui nous y amène est taillé dans la roche, l’endroit est sauvage. Le soleil commence à
cogner méchamment. La journée s’annonce caniculaire. Chaud, chaud … j’ai également chaud aux
fesses avec les barrières horaires. J’arrive à l’ilet à 08h50 soit 40’ d’avance sur la barrière, ce n’est pas
du luxe ! J’aurais bien été tenté par une sieste sur la pelouse devant l’école, mais je décide de
repartir pour ne pas jouer avec le feu.
Samedi: 10h15 (Grand Place – Km 104 – 1472e) De suite, les bénévoles nous mettent au parfum. Le
prochain ravitaillement est à 12 kms et il va faire très très chaud. C’est la chasse aux jerricans d’eau,
chacun remplit en eau tout ce qui est possible de remplir. Puis, c’est reparti en direction de Roche
Ancrée, ça grimpe sévèrement. Mafate c’est beau et dur à la fois. L’altimètre fait du yoyo, les
pourcentages sont impressionnants. La descente vers la rivière des galets est raide et technique,
idéale pour faire travailler les quadriceps en mode contractions excentriques. La rivière est la
bienvenue, il est temps de s’asperger d’eau, de mouiller buff et casquette. J’attaque la montée vers
Roche Plate et je reçois successivement des SMS de Fred, d’Alain, alias le boss, et d’Etienne. Merci les
gars ! Ca fait plaisir d’avoir les sangliers de Bleau derrière soi. Thierry, un vieux pote, m’envoie aussi
régulièrement des messages d’encouragement. En tout cas, les SMS ont un effet ‘coup de fouet’,
c’est parfait pour relancer la machine. La montée vers Roche Plate devient terrible, des marches
irrégulières, des mains courantes pour les passages les plus pentus. Et quand le vent tombe, Mafate
devient une véritable fournaise. Un coureur local m’indique du doigt Roche plate, lieu du prochain
ravito. Ca a l’air assez proche, du moins à vol d’oiseau. Car à chaque détour de sentier, Roche plate se
dérobe et réapparait à sa sortie toujours plus loin. Que c’est long !
Samedi : 14h30 (Roche Plate – Km 114 – 1330e) Je m’allonge sous un sapin pour une longue sieste de
20’, pas une minute de plus. C’est toujours ça de pris. S’en suit le rituel habituel : ravitaillement,
remplissage des bidons. Car maintenant, il est l’heure d’attaquer le terrible Maïdo, redouté de tous.
J’ai retrouvé un peu du poil de la bête et je le monte à bonne allure. Ca passe bien, je m’attendais à
plus souffrir. J’arrive au sommet dans une ambiance typée ‘col du tour de France’, il y a énormément
de monde ici pour encourager les rescapés de Mafate.
Samedi: 18h00 (Maïdo – Km 121 – 1281e) Je suis content d’y être, d’être sorti de ce bel enfer. Je suis
alors persuadé d’avoir fait le plus dur mais en fait … le pire est à venir. J’entame la descente vers Sans
Souci sur un bon rythme, descente qui doit nous amener de 2000m d’altitude à 350m. La nuit tombe,
j’entame ma 3e nuit sur les sentiers. Je récupère un groupe d’une trentaine de raiders puis
soudainement je ne vais plus très bien. Mon système nerveux central devient défaillant. La descente
est interminable, tout d’abord dans un bois sombre, puis elle se termine par de grandes marches
qu’il faut franchir en rythme pour garder le contact avec le groupe. Le geste est répétitif,
terriblement usant. On aperçoit les lumières de la ville en contrebas. Elles paraissent si proches et si
loin à la fois. On croit arriver bientôt mais il reste des marches à sauter, encore et toujours.
Samedi : 22h30 (Sans Souci – Km 134 – 1263e) C’est complètement KO que j’arrive à Sans Souci. La
descente m’a fracassé. Heureusement, je bénéficie d’une assistance de choc avec Seb, William et
Denise. Le temps d’une petite pause et on se donne RDV à Halte La, prochain gros ravito. Halte Là,
c’est la même configuration que Cilaos, repas chaud, tentes aménagées pour dormir et la … sono !
Après avoir négocié la réduction du volume sonore, je me dirige vers la fameuse tente sensée me
faire rencontrer Morphée. Hélas, au même moment, un bénévole rentre dans la tente et annonce la
fermeture du poste. C’est une malédiction ! Il est 1h du matin. Je poursuis donc mon chemin dans la
nuit……… Une branche me frappe le visage et je me retrouve à suivre des marcheurs avec une lampe
sur la tête. Ou suis-je ? Surement à la Réunion, surement sur le grand raid. Je m’aperçois que je viens
de m’endormir, la branche m’a réveillé. Et oui, tout est possible sur la diagonale des fous, même
dormir en marchant ! Puis j’entends des voix. J’entends Seb qui m’appelle au loin. Je l’attends mais le
coureur qui arrive n’est pas Seb, bien évidemment. Je ne vais plus très bien à nouveau, je suis dans
un état proche du végétatif. Je m’accroche en attendant le prochain ravitaillement pour prendre le
café réparateur. Sitôt arrivé au chemin Ratineau, je me rue sur le ravito et commande un triple
expresso taille XXL. On me répond qu’il n’y a plus de café, il ne reste que de l’eau. Là, je sens que
c’est le début de la fin. Je sais que je ne vais pas tenir juste avec de la flotte. Que faire sinon tenter de
dormir une énième fois ? Comme tous les meilleurs spots sont pris, je m’allonge sur un bout de
bitume et essaie de faire le vide pour trouver le sommeil. Pas très longtemps, car un type vient me
secouer, il souhaite sortir son véhicule. Je lève la tête et vois les feux de recul d’un 4X4. Je n’y crois
pas ; il est 2h du mat’ et le gars a décidé de bouger sa voiture. Là, je commence à devenir parano. J’ai
l’impression que toute l’ile s’est liguée contre moi pour m’empêcher de dormir. Je n’ai pas la force
de polémiquer et repars machinalement avec un groupe de coureurs, avec toujours le même
principe : ne jamais rester seul. Les hallucinations reviennent, de plus en plus fortes. On passe sur des
terrains hyper pentus où il faut s’accrocher aux arbres, prendre appuis sur les rochers. Tout bouge
autour de moi, tout se transforme. Les rochers deviennent de grosses dames difformes, j’hésite à
poser le pied et quand j’y arrive, j’ose un ‘pardon madame’. Et puis, j’ai l’impression de passer 15 fois
au même endroit, ça m’énerve. Et puis, il y a ce raideur qui cite mon nom à chaque phrase
prononcée. Je me présente à lui pour savoir ce qu’il me veut. Je prends conscience à son air incrédule
que je suis en train de péter un boulon. Bienvenue chez les fous ! Je vais divaguer quelques temps
avant de trouver un bout de rocher, je m’assoie. Il est 04h30 et c’est décidé, je jette l’éponge.
Terminer le grand raid devient le cadet de mes soucis, je veux juste dormir. J’ai quand même la
lucidité de me changer, j’enfile un tee-shirt long, ma veste goretex. Je ne mets pas le réveil. Je
rendrai mon dossard au prochain poste, au pire, je prendrai le taxi jusqu’à St Denis. Assis sur mon
rocher, j’arrive à trouver le bon équilibre et je tombe, enfin, dans un profond sommeil ………………
‘’Hey gars, faut y aller, la Possession ferme à 7h’’. Tout d’abord, merci à ce coureur ☺ . Il est 05h, je
sens de suite que les idées sont plus claires, ce petit somme m’a fait un bien fou. Je me rééquipe et
repars dans le sens de la marche. Je tente de trottiner sur une partie roulante et ô surprise, les
jambes répondent super bien. La métamorphose est incroyable. Apres avoir erré comme un zombie
toute la nuit, je suis à nouveau dans la course, bien décidé à sauver ma peau. Objectif -> La
Possession avant 7h
Dimanche – 06h40 (Possession – Km 149- 1368e): Still alive!! J’évite l’élimination pour 20’. Le point de
contrôle se situe dans une école. Je suis surpris de voir autant de monde ici. Les couvertures de
survie sont alignées dans la cour, la 3e nuit a fait de gros dégâts. Je me dirige vers les tables de
ravitaillement pour enfin déguster mon café, accompagné d’une tartine de confiote. Le top ! Je ne
compte cependant pas m’attarder à la Possession. J’enfile mon tee-shirt fourni par l’organisation et
‘obligatoire’ pour franchir la ligne d’arrivée. Je suis gonflé à bloc car je sais maintenant que je vais
finir ce foutu raid. Je repars de la Possession en courant avec de très bonnes sensations. Comme tous
les raiders autour de moi marchent, je double énormément et me permets même un dernier
challenge : le top 1000 (ok, c’est petit mais on fait ce qu’on peut ☺ ). En plus, j’ai un avion à prendre
à 14h pour Maurice, faut pas trop tarder. J’aborde le chemin des anglais, sorte de toboggan fait de
pavés irréguliers, bille en tête. Il faut faire attention à la pose du pied dans la descente mais j’y
trouve un coté ludique. Le soleil brille, l’océan indien se dévoile sur ma gauche, je suis motivé pour
faire un beau finish.
Dimanche –08h15 (Grande Chaloupe – Km 156 – 1098e) Me voilà au pied de la dernière difficulté du
raid : la montée vers le Colorado. Qu’elle est longue cette ascension ! La fin est visuellement
matérialisée par un dôme blanc censé annoncer le sommet. Tu avances, tu avances… tu crois y être
mais tu n’y arrives jamais. Le Colorado, c’est comme Roche Plate et Sans Souci: un coup, je te vois, un
coup, je ne te vois plus. Les organisateurs sont des magiciens. J’y arrive à 10h30 (1069e). Je fais un
bref arrêt à ce dernier ravitaillement avant d’attaquer la dernière descente. J’ai encore de bonnes
jambes donc j’y vais franco. La descente est super technique. Il y a du monde pour descendre sur St
Denis : des finishers du grand raid, ceux du trail du bourbon et puis il y a aussi les randonneurs du
dimanche. Je prends quelques risques pour doubler, et vlan ! , je suis bon pour une légère entorse
cheville gauche. Dommage, j’ai failli rentrer indemne à la Redoute. La fin approche, on aperçoit enfin
St Denis en contre bas. Je savoure ces dernières foulées, j’entre enfin dans ce fameux stade, Seb
m’accompagne sur les derniers hectomètres, c’est cool !
Dimanche : 11h40 (St Denis – Km 170 – 1004e) Fin de l’aventure ! J’aurais mis 2 jours 13 heures et 40
minutes pour l’accomplir. Je suis globalement satisfait de ma course malgré une gestion du sommeil
calamiteuse. Le temps réalisé est bien en deçà de celui espéré, mais l’essentiel n’est pas là. Car le
plus important, c’est d’avoir … survécu !!! ☺
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