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COMMENTAIRE
La sécurité sociale pour tous
Hans-Horst Konkolewsky
Secrétaire général de l'AISS, 2005–
Ce numéro spécial qui marque le 80e anni ver -
saire de l‘AISS est délibérément tourné vers
l'avenir et je m’en félicite. C‘est impor tant.
L‘ampleur des défis que la sécurité sociale doit
relever dans tous les pays appelle des inter -
ventions adéquates dans les années et les
décennies à venir. Qui plus est, ces inter ven -
tions ne doivent pas tarder. Le choix d'«étendre
la couverture», prin ci pal thème de ce cahier,
est particulièrement opportun. L’extension de
la couverture est en effet, sans aucun doute,
le grand pari politique que la sécurité sociale
engage dans le monde.
Il va sans dire qu'il est aussi impor tant de
savoir com ment nous en sommes arrivés là.
Com ment pouvons-nous sinon espérer ne pas
refaire les mêmes erreurs? Mais ce n‘est pas en
se tournant vers le passé que l'AISS répondra
au mieux aux besoins en évolution, et souvent
très différents, de ses membres et des autres
par ties intéressées. Sur la scène internationale,
l‘avantage compétitif de l'AISS a toujours résidé
dans le fait que l'Association observe, ana lyse
et communique les éléments nou veaux et les
tend ances qui apparaissent. A l’évidence, c’est
ce que les organi sa tions membres attendent et
la Revue s'est invariablement efforcée de
contribuer à réaliser cet objectif.
Les pays qui cherchent à relever les défis de
la sécurité sociale doivent d‘abord exam iner la
sit u a tion à leur niveau. Il devrait être inutile de
répéter qu‘ils sont à jamais les mieux placés
pour savoir quelles politiques de sécurité sociale
sont les plus adaptées. Cela étant, il est très
rare que les gouvernements puissent traiter
dans l’absolu, sans sup port, des ques tions rel a -
tives à des réformes. La plupart des Etats
disposent déjà d'institutions chargées d'admi -
nistrer la sécurité sociale et de fournir les pres -
tations. Cela étant, ils jugent parfois difficile,
voire impos si ble, d'agir en dehors de cette
structure institutionnelle. On doit en outre tenir
compte de l'influence d'autres intervenants
légitimes de la société. C'est pourquoi il ne faut
jamais préjuger de la réalisation d'une réforme
souhaitée dans un délai précis.
De leur côté, rares sont les Etats qui ne sont
pas sensibles à ce qui se passe chez leurs
voisins proches et dans la communauté mon -
diale. Comme il ressort de la manière dont la
sécurité sociale s'est étendue dans le monde,
les acteurs internationaux ont, à des degrés
divers et à des moments différents, contribué
à influencer son évolution dans de nombreux
pays. Et l'une des fonctions de l'AISS a natu -
rellement été de jouer le rôle de lieu d'échange
pour faciliter les choses.
Plus ou moins ouvertement, les modèles et
pra tiques de sécurité sociale diffusés au niveau
inter na tional ont servi de cadre à de «bonnes
pra tiques». Il est à noter que l'acceptation tacite
de ces «bonnes pra tiques» dans bon nombre
d’Etats montre qu'il existe déjà un con sen sus
mondial sur certains au moins des buts que les
organi sa tions de sécurité sociale cherchent à
atteindre.
D'une manière très générale, un cer tain
nombre d'objectifs sont identifiables. Les orga -
nisations de sécurité sociale ainsi que les
prestations et les ser vices qu'elles fournissent
doivent être utiles à la société. Les adminis -
trations doivent être gérées efficacement et
rationnellement. Les prestations doivent être
adaptées aux besoins des personnes et des
© 2007 Auteur(s) Com pi la tion des ar ti cles © 2007 AISS Re vue internationale de sécurité sociale, vol. 60, 2-3/2007
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ménages et elles doivent aussi être suffisantes.
Plus généralement, cela signifie que la sécurité
sociale doit s'efforcer d'être viable des points de
vue finan cier, politique et social. Si l'un de ces
éléments est jugé faible, il convient de chercher
à le renforcer. C'est naturellement en aidant ses
organi sa tions membres à améliorer l'adminis -
tration que l'AISS continuera de jouer un rôle
majeur.
A cette fin, l’action de l'AISS dans la pro mo -
tion d'une dif fu sion plus large des «bonnes pra -
tiques» de sécurité sociale acceptées demeure
essentielle au niveau inter na tional. La tâche
n'est cependant pas facile. Des facteurs
culturels et historiques entrent souvent en jeu.
Et en tant qu'association, l'AISS se doit de
représenter les intérêts de tous ses membres,
indépendamment des différences que pré -
sentent leurs mandats, leurs struc tures insti -
tutionnelles et leur mis sion. Cela étant, du point
de vue du nombre de pro grammes, la bonne
pra tique actuelle en matière de sécurité sociale
est le plus souvent définie par rap port aux
principes finan ciers et administratifs de l'assu -
rance sociale. Il reste qu'en dépit de cette simil i -
tude rel a tive de la pra tique de la sécurité sociale
à l'échelle mondiale, les différences impor tantes,
même parmi les pro grammes d'assurance
sociale, ont toujours résidé dans le détail.
Heureusement, c’est parce que l'on a clai -
rement identifié les détails pouvant être à
l'origine de graves difficultés que l'on a su com -
ment réagir face à certains des défis fonda -
mentaux auxquels la sécurité sociale con tinue
d'être confrontée. Dans une per spec tive
mondiale, le plus difficile est de comprendre
pourquoi des différences profondes demeurent
entre certains pays en termes de couverture.
Dans le passé, cette ques tion aurait pu être
traitée dans une optique juridico-admin is tra tive
ou posée en termes géopolitiques et macro -
économiques. Ce sont là des sujets importants
qui seront toujours pertinents. Mais le monde
évolue, de même que la place que la sécurité
sociale y occupe. Aujourd'hui, nous mesurons
aussi que par certains aspects, les défis et les
réponses possibles ne peuvent échapper à
l'influence de la mondialisation.
En 2007, l'AISS ne peut plus se contenter
d'œuvrer en faveur de la pro mo tion de la
sécurité sociale dans le monde sans se
préoccuper de ce que l'Organisation interna -
tionale du Tra vail (OIT) définit comme la
«dimen sion sociale de la mondialisation». Pour
l'OIT, cette dimen sion renvoie aux effets de la
mondialisation sur la vie professionnelle de
l'individu, sur sa famille et sur la société. De
manière plus générale, elle englobe les ques -
tions rel a tives à l'emploi, aux con di tions de tra -
vail, à la pro tec tion des revenus et à la pro tec -
tion sociale. Au niveau de la collectivité, elle
prend aussi en considération la sécurité, la cul -
ture et l'identité, l'insertion ou l'exclusion et la
cohésion des familles et des communautés.
Du point de vue de l'AISS, cette ana lyse
particulière con duit à une compréhension plus
globale de la nature des défis auxquels la
sécurité sociale dans le monde est confrontée,
ce qui donne à penser que les réponses
appellent aussi une approche plus exhaus tive.
Prenons trois exemples. Com ment financer au
mieux la sécurité sociale et l'étendre aux 100
et quelques mil lions de travailleurs migrants et
à leurs proches domiciliés en dehors des
frontières de leur pays d'origine? Com ment la
sécurité sociale peut-elle participer plus sys -
tématiquement à la lutte contre de grandes
pandémies comme le SIDA/VIH, la tuber cu lose
ou la malaria? Quel rôle la sécurité sociale
devrait-elle jouer pour contribuer à atteindre
l'objectif du Millénaire pour le développement
consistant à réduire de moitié la pro por tion de la
pop u la tion mondiale vivant dans la pauvreté?
Ces ques tions doivent être traitées plus en
détail par la sécurité sociale même si elles ne
relèvent pas véritablement du champ d'action
des ses systèmes nationaux. Dans un pre mier
temps, l'AISS peut assumer une voca tion plus
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La sécurité sociale pour tous
forte en ser vant de tri bune internationale où
discuter de ces problèmes et d'autres sujets
majeurs. Du point de vue pra tique, l'AISS peut
organ iser des réunions régionales, tech niques
ou autres, classiques ou virtuelles, grâce à sa
nou velle plate-forme de com mu ni ca tion par
internet (extranet). Ce sont aussi là des ques -
tions essentielles qu'il faudra aborder à
l'occasion du pre mier Forum mondial de la
sécurité sociale qui se tiendra à Moscou en
septembre 2007.
La mondialisation n'est pas sans danger
mais elle est aussi riche de potentialités. La
mise en place de la plate-forme extranet de
l'AISS atteste de l’existence de nouvelles possi -
bilités dont on ne pouvait, il n’y a pas si long -
temps encore, que rêver. Celle-ci permet en
effet aux membres de l'Association dans le
monde entier de communiquer librement à
chaque fois qu'ils le souhaitent. L'exemple de
l'extranet est impor tant pour plusieurs rai sons,
dont la première tient peut-être à sa capacité
d'instrument de com mu ni ca tion. En effet, si l'on
veut promouvoir avec succès la sécurité sociale,
principale mis sion de l'AISS, il est nécessaire
de faire passer des mes sages forts.
Je crois qu'il faut considérablement amé -
liorer le positionnement inter na tional de l'AISS
et l'image de l'Association auprès du public. Je
crois aussi que l'amélioration de la com mu ni ca -
tion entre toutes les par ties concernées par la
sécurité sociale est primordiale. Cela dit, lorsque
l'on exam ine les réactions possibles aux défis
concrets qui se posent au niveau inter na tional, il
est souvent aussi essentiel d'avancer des idées
et des notions abstraites. Or c’est là que réside
le problème. Obser vant les tend ances et l'évo -
lution récentes au niveau mondial, l'AISS s'est
rendu compte qu'elle se trouvait face à un pari
conceptuel inédit.
Ces dernières années, la sécurité sociale
dans le monde semble avoir été en mouvement
per ma nent. La réforme a été et demeure en
général l'un des grands dos siers en la matière.
Les ques tions de viabilité financière ont de toute
évidence été un thème essentiel pour beaucoup
alors que d'autres ont cherché à tirer parti des
nouvelles tech nol o gies pour améliorer les ser -
vices offerts aux cli ents. D'autres encore ont mis
au point de nou veaux pro grammes de sécurité
sociale.
A priori, on pourrait penser que les mul ti ples
réformes sont représentatives des efforts
consentis pour mod ern iser la sécurité sociale.
Toutefois, cette ana lyse n'irait pas dans le sens
de l'Histoire et ne reconnaîtrait pas les ini tia tives
con tin ues de mod erni sa tion de la sécurité
sociale. Il est donc nécessaire d’avoir un nou -
veau cadre conceptuel qui appréhende, ana lyse
et restitue mieux la nature profonde des pro -
cessus de réforme engagés par les organi sa -
tions dans le monde entier. Il importe aussi que
ce cadre conceptuel, indépendamment de son
caractère abstrait, puisse concourir à la réali -
sation des grands objectifs concrets.
Cherchant à mieux saisir, analyser et resti -
tuer la nature profonde des réformes menées au
niveau mondial, l'AISS a élaboré un nou veau
cadre conceptuel intitulé «Une sécurité sociale
dynamique».
Trois éléments de ce cadre méritent d'être
mentionnés. Dans le contexte actuel de réforme,
le cadre a été conçu pour contribuer à orienter
les organi sa tions de sécurité sociale et les
décideurs vers de bonnes pra tiques. En prin -
cipe, ces dernières devraient s'inscrire dans une
per spec tive d'avenir et permettre d'améliorer
l'efficacité au niveau de l'organisation et les
résultats des pro grammes de sécurité sociale.
Fondamentalement, le cadre entend aussi être
souple pour que les bonnes pra tiques puissent
être adaptées en fonction des besoins différents
des pays des diverses régions.
Deuxièmement, et pour favoriser des
objectifs concrets à plus long terme, le cadre
cherche expressément à promouvoir l'extension
à tous d'une sécurité sociale de base. C'est en
effet pour tenir compte des capacités des orga -
© 2007 Auteur(s) Com pi la tion des ar ti cles © 2007 AISS Re vue internationale de sécurité sociale, vol. 60, 2-3/2007
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ni sa tions de sécurité sociale de tous les pays
qu‘une sécurité sociale de base est préconisée.
Dans les pays où elle s‘applique déjà à tous,
l‘objectif, non moins ambitieux, est d‘étendre et
d‘approfondir encore sa couverture.
Troisièmement, en tant qu'outil de com mu ni -
ca tion, le cadre devrait permettre de présenter
toutes les actions de sécurité sociale sous un
jour plus positif. Son objectif à plus long terme
est de pro poser un pro gramme visant à mettre
en place et à développer un nou veau partenariat
mondial pour la sécurité sociale. Ce pro gramme
associerait des organi sa tions internationales
comme l'OIT et d'autres insti tu tions des Nations
Unies ainsi que la Banque mondiale, l'OCDE et
d'autres acteurs mondiaux et régionaux actifs
dans le domaine de la sécurité sociale.
Lorsque j'ai été élu Secrétaire général de
l'AISS, je me suis fixé trois grands objectifs:
� améliorer la qualité et le positionnement des
ser vices de sécurité sociale en constituant une
base de connaissances correspondant aux
besoins divers et nou veaux des membres de
l'Association;
� promouvoir et défendre la cause de la
sécurité sociale pour tous en conduisant des
actions permettant de mieux connaître l'évolu -
tion de la sécurité sociale et d'en étendre la
couverture aux pop u la tions du monde entier;
� renforcer la représentation et l'influence des
organi sa tions membres de l'AISS au niveau
inter na tional en jouant un rôle de pre mier plan
dans la mise en place d'un partenariat mondial
pour la sécurité sociale.
Combinés et associés au cadre pour une
sécurité sociale dynamique, ces objectifs
serviront de base, et j'en suis convaincu, aux
activités menées par l'AISS et aux ser vices
qu'elle rend pour mieux répondre à l'ensemble
des besoins et attentes de ses divers membres
dans le monde.
Il va sans dire que certains des défis que
pose la mondialisation risquent d’exercer une
empreinte toujours plus grande sur le contexte
économique et politique dans lequel la sécurité
sociale s'inscrit mais, fidèle à elle-même, cette
dernière s'adaptera. L'AISS s’y conformera
aussi, car c'est le seul moyen d'aller de l'avant.
Les arti cles qui composent le présent numéro
sont résolument tournés vers l'avenir et je suis
fermement convaincu que c'est en regardant
devant soi de manière con struc tive, dans le but
de promouvoir la sécurité sociale pour tous, que
des per spec tives plus favorables s'ouvriront.
Re vue internationale de sécurité sociale, vol. 60, 2-3/2007 Com pi la tion des ar ti cles © 2007 AISS © 2007 Auteur(s)
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