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Claretie, Jules (1840-1913). La vie à Paris : 1906-1910. 1907.
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LA VIE A PARIS
1906
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gS~EMENE FtSQUELLE, EDITEUR, RUEDE GRENELLE
OUVRAGES DU MÊME AUTEUR
B<ma la BtBLIOTH~QUE-OHARPENTIER
'K~ a.f.M~eoo/tfme
~$~~ytEA..PAMs(i89!ii).1906). 9 vol.
~f~BfCHANtEAn,'comédien français. 1 va).
~~BMCKAtftEAt!CÉLÈBUE. 1 vol.
<AcaOSATEUB.lvo).j~ ~ys
~Sg][,E;SAN6FNAN<;AM. jyo). 'i.S
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~t!:6E;)i<)SoU(it)AC. 2vo). "?
~~S~mM~ Ivot. ~S
~~E~MMEBEPMIE.1 vol. '~S;
~L~Uf.tTf~E. t vot. .S
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MS~tAIT<tMSB. 1 vol. '?''
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M~$*E 'DESSOCS. t vo), 'S~3~,
;~zÿ ~:R stols NE Dessous. 1 vol
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~~8~~11PUHB~D'UNUN INTERNE 1 VOl 2~
~NËE~MjSMADtm. i vot'S'~
~HM.'DE TMtATM. 4 VO't~M
JULES CLARETtÉ
de D'Académie française
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VÏE A
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1906 c~l 'M
LPARIS
BtBLtOTHÊQUE-CHARPENTtE~S
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1907"'"S~S~
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PRÉFACE
Je ne sais où je lisais, l'autre-jour, le mot d'unhomme d'esprit qui a plus que de l'esprit « Querestera-t-il de notre temps? x lui demandait-on.
Il réfléchit, puis répondit <(Des chroniques »»
g 7 C'était paradoxal et ironique. C'était réduire le
~siècle des savants, des inventeurs et r'e" poètes à
~quelques échos de salons et, si l'on voulait être Ai
~plus sévère, à des propos de caiUettes. Mais tout ,'<¡de mêmeil y a du vrai dans la boutade et ce n'est
~Mpasmoi qui puis trouver excessif un tel arrêt. H
certain que l'histoire des moeurs fait aussi par-
~ittede la grande histoire. Il est certain aussi que
~6 journalisme écrit du matin au soir cette Mstotro
~~urswe.Nos feuilles au vent, gazetiers et caû~
~{s~Mt's,sont le testament de la journée, le bilan de'
~t'maine, la chronique de l'année. Elles seront
~~&s tard, elles sont déjà ce qu'Auguste Jacquerie 3
~~pelaitles Miettesde l'Histoire. Miettes de Paris,~
,!4tt tombées de la table immense de ce Gar s
~ttua de l'esprit, du scandale, du tapage, de la; `('
'{~f
a
&I PRÉFACE
S'
générosité, de l'indifférence, de tous les. vices;disent ceux qui le traversent, de tant de vertus,
savent ceux qui l'habitent.
Des chroniques? Au total, c'est ce qui reste aussi
de cet admirable xvf:i~ siècle qui remua et renou-
vela le monde, et à côté des Confessionsde Jean~
Jacques ou des Con~M de Voltaire, en margede l'Encyclopédie, les Mémoires, les on-dit, les
quatrains, les couplets, les bons mots du temps,font partie des lectures de l'avenir. Une amourette ~S'~de comédienne tient autant de place que la .§~Âchute d'un Choiseul ou d'un d'Argenson. Sophie S~âArnouid et la Clairon intéressent aussi vivement'
que Turgot ou d'Aguesseau. 'Et je crois bien que Ï~de toutes les victoires et les houzardailles d'un Si~maréchal de Saxe la plus célèbre est celle qu'il
remporta sur le pauvre Favart. <Comme le xvtn<*siècle, le xix<'fut littéralement S~
passionné et le xxe reste fou de théâtre. Mme Sa i;~rah-Bernhardt monte en chaire au Conservatoire. 'x~~11y aurait, pour un peu, des sténographes comme
j·ta
s'il s'agissait d'un discours de M. Clemenceau ott~xr
de M. Briand. C'est de la chronique, et la c Ji i$~~='.-nique est la joie du Parisien. Lorsqu'elletouche ni. au scandale, ni à l'indiscrétion, ni
'chantage – tristes excroissances, chancres ignodu journalisme de tous les temps, elle s~it~un charme. Même la malice d'une Mme :S~~S
PRÉFACE 't~~
i
Botgne plaît à l'égal de la grâce d'un Doudan.
Le présent lit, l'avenir relit.
'Ainsi se fait, encore un coup, l'histoire avec
cette pâte légère que les contemporains croquent
comme des gimblettes. Quand il y a un peu de
morale par-dessus le marché, tout est pour le
~g mieux dans le genre le moins prétentieux pos-sible. Et c'est pourquoi l'ironiste ne savait
peut-être pas si bien dire quand il affirmait, dëdai-
&? gneusement sans doute « Que restera-t-il de
'.nous? Des chroniques! o»
JULEsCLARET!E.
~S~'
's
LA VIE A PARIS
T
Unejournéehistorique.–Cequ'unlivreallemandMnoncepeur1906.–DeParisàVersaHies.–LeCongrus.–!mpresstOM~etnotesrapides. "4~S.S19Janvier.'S
Ehbien,mais,s'Hestpermisdeseservird'expressiondontonafortabusé,nousvoici,jepense~~htournantdenotrehistoire».Versailles,AIgëa!Ma~A~gésiras,VersaiUea,cesdeuxnomsremplissentI()S,Sjournaux,reviennentsurtoutesleslèvres,etjenecrois~<MtquejournéedeDerbyaitétépluscouruequecet~SS.journéeélectoralequifutnonpasleGrandPrBEdeS~;iPari8,maisleGrandPrixdelaRépublique.
Hyeutuntempsoùl'onmontait,pouralleri&'esW~~i~our,danslescarrossesdu~roi.C'estsurtoutenautomo-SS~qu'on s'estrendu'auCongrèspourvoirYoter'N~p~aentantsdusouverain,iepeup~RoutessiMonm~~~oitur~.6!ectriques,restaurantsprisd'assaut,tabtéS~S~~uesaepmsdessemainespardépêches~tégrjt~~~ëe,;tMaprès-midide-grandeseauxamëB~at.i.à'V~~~t~'mbmsde.spectateurschoisiset 'dB'c.aN~~Ge,sont,tesgrandsjoursdetacité.foya!e.~S~
LA VIE A PARIS.
reprend son rôle de faiseuse d'histoire, et cette p!aëe
immense où j'ai vu camper jadis les artilleurs et les ;i,~
marinsdu siège s'emplit de breaks, d'omnibus, de cars
'bondes d'étrangers qui viennent ici comme ils iraientà Epsom et se sont juré de voir « passer» les pré-
mjers le nouveau président de la république.On avait parié à la Bourse pour tel ou tel candidat,
comme les agences de voyageursspécutaientsur l'attrait S'S
d'une telle première « Trains de plaisir pour le Con-t"
grès. » Le « train de plaisir » ne donnait pas un billet~
d'entrée, et les badauds venus de Londres n'aperce*vaient que ce que nous pourrions voir si nous allions à!
Rome contempler de loin un conclave des
murailles derrière lesquelles il se passe quelque chose S~
et des cheminées d'où ne sort même pas la fumée deS~~buUetins de vote des cardinaux. ?;
Mais quoi 1 c'est déjà beaucoup que d'assister &
t'amvée des sénateurs et des députés, et de traverser ?
une ville en fête qui va élire un chef d'Ëtat. VersaiHea ~$
~t. taWarwick des cités. ~S~'–
17. janvier :?:!?
– Savez-vous bien, me disait un vieux VersaiUtn~S~
qui a, depuis l'ouverture du musée de Versailles, v~S~ibien des choses, oui, savez-vous que demain jex~~SM
,t8 janvier, il y aura trente-cinq ans tout juste quëiiS~S~
mi de Prusse fut solennellement proclamé empe~~XS~
dans la galerie des Glaces, au palais de VemaiNM~~E~St
"-m'est tr~ .agréable qu'on ait évité cet anhivet~ti~
~mon-oublie, et j'espère bien que cette date du.
~mor le p&ys marquée à la craie blanche. L'M~
~testée moire. a,,v:
LA V!E A PAB!S. .&~
Je n'avais pas assisté à un Congrèsdepuisle jour~ù'M. Casimir-Perier fut élu pour succéder au malhëu. f~reux Carnot. Cesoir de juin, je vois encorele nouveauprésident aller vers Paris par la route de Viroflay,assiaen sa voiture découverteavec M.CharlesDupuy présde lui, et les flammesblanc et rouge deslances en bam" âbou des dragons flottant a ses côtM.
Deloin,lenouveléluenvoyade la mainet du chapeau S ?un geste joyeux à ceux qui le saluaient, debout sur lechemin de Paris et qui allaient peu de temps après le ~S~retrouver à Châteaudun,passant la dernièrerevue quecommanda le général de Galliffet.
– Nous arrivons, disait-on alors, comme aujour- ~~S
d'hui, à un « tournait de notre histoireo )1 ~8$Que de «tournants » nousavons tournés e depuia~
lors et quelle dramatique histoire que celle de cea~dernières années 1 Autotal, nous avons vécu, commedisait Siéyès,et c'est bien déjà quelquechose.MaisHy~~S~a vivre et vivre, et ceux qui ont fait de leur mieuxpour S~~que cette existence restât honorable et fière méntent~bien qu'on ne les oubliepas. ?t~
Les tournants sont périlleux aux autos~!orsque~~route est seméede caiitoux.jLes élections~futures~n~S~~leurs fondrières.Algésirasest un caillou.Le Maroc es~SË~Sune grosse pierre. Les chauueurs qui mènent le tent-~teuf tourneront le tournant, et ce n'est point parce que''SS~Stes diplomates d'Algésiras se sont trouvés an nombre~~Mtreize autour de la table qu'il faut redouter quetqae~torage.Une tabte oùl'on ne mange point n'est pas une.
_/tab~e"~superstition. Mais quoi n'y'veut-on* pomt.'S~~'~o~terunpeuduMaroc?
If,l- `~E:&
~M~ LA VIE A PARIS.
.y~s~
~est sur cette pensée que j'ai pris Mer matinle tr~
Me yersai!Ies en emportant pour lire en wagon, nonpas
<~m roman nouveau,– ou les CoMS de Paris de notre
.~Ki~i
ami Georges Gain,– mais un volume allemand qui, à
la devanture d'un libraire de !a rue Richelieu, m'avait
tenté !a veitte par son titre et sa couverture poty-~S~
..chrome.
Le titre? ~9C6.~S~
La couverture? Un combat naval féroce, exaspéré.
Je. ne dirai pas que l'étiquette était pleinede pro- -?~
"messes, mais d'inquiétantes images, au contraire.~§~
~Uncuirasséfaisantfeu de tous ses canons, et sous lai'~
pluiede fer des obus, menacé par des torpilleurs, h ~;S.j
mer soulevée par des bombes, engloutissant des
bateacux, dévorant des monstres de fer, des navirese~
des hommes, et, sous cette couverture assez farouche,j;~
cette date en caractères rouges–
rouge de feu, rouge
de sang– 1906.
Puis ce sous-titre, d'une douceur modérée !cyott-
~7emeK< <ht vieux moM~e.
–AHons, feuiUëtons ce J!906 est bon, au«tour
nànt » où nous sommes, de savoir ce qu'on ditet~i~
~'publieailleurs que chez nous.
'~S'~
Le volume, paru à Leipzig, chez Theodor Weicher,~&
est une façon de BatatMe de DorA:Mg, signé« Seestern
~Ëto'Ie de la Mer ou «Etoile de Mer – etmet p~q-
phetiquementen action la guerre possible entre rAU~%§
magne, l'Angleterre et !a France, une guerre qui nn~~f'
par récrasement de ta marine aHemande, –mai~
quel prix
Dans le dernier chapitre,– une séance au
Pat!
l.AV!.EA'PA~3..
-v~s~as
mpnt anglais, l'orateur qui parle au nom 'de~'Ia~
Grande-Bretagne annonce le résultat plein d'ensei~gnements et d'épouvante de la lutte «trop légèrement
engagée » qui vient d'avoir lieu la flotte'allemande 'A~n'existe plus, mais un tiers de la flotte anglaiseest au'
fondde l'eau, et un autre tiers dans les docks,en répa- .~4$!ration. L'artillerie a subi de tels dommagesqu'on ne H:~
peut plus compter sur elle. Et la flotte française a
éprouvé des pertes plus considérables encore. Les ~``;nations armées ne peuvent plus tirer le canon, tant
ellesen ont usé. «Noussommesfiersdenos succèssur
mer, dit fhomme d'Etat anglais, mais la marine de
l'empereurGuillaumeaplusdonnéquenousnecroyions.Et que la flotte françaiseait plus souffertencoreque la ~§
nôtre, cen'est pas une consolation pour nous » r~Résultat final l'Angleterre a perdu sa suprématie
sur la mer et il n'y a plus qu'une puissancemaritime,c'est l'Amérique. La flotte des Etats-Unis est mat- .?tresse de l'Océan.
Sur terre, la Russie, ramassant ses forces, est deye-.
nue plus redoutable que l'Allemagne. Hier ptussancemilitaire de premier ordre, l'empire allemand,ailaibH
par la guerre, est en quelquesmoisdescenduau second
'rang. Washington et Pétersbourg remplacent m&in~~$Stenant Londres et Berlin.
– Et c'est pour cela, dit mélancoliquementl'oral S
teur anglais, que nous nous sommesbattus pendant
lès trois quartsd'une année, que nos bateaux sont sous :~$lesvagues 6t quenous avons enterré cent milleaotdàts ~S
dans la terre de France 1 .SSPuis terrible post-scriptum de la bataille i
'-S'Mm
f$~
~<~6-1
LAVtEAPARtS.'
1 1'i
~996 finit sur l'ultimatum du gouvernement des Ëtats- `;
Unis exigeant le retrait par la Grande-Bretagne de'~ses garnisons de la Jamaïque, de l'île de Bahama et des
Indes occidentales.
Adieu, les colonies anglaises 1Un silence de mort tombe sur le Parlement. L'Assem-
blée ne peut éviter le coup de tonnerre. Mais l'air prin-tanier entre par les hautes fenêtres et au loin retentit
la Marche de l'entrée à Paris. C'est le point final.
Voilà le roman. Le roman allemand que lisent nos
voisins et qu'ils exportent chez nous. Ce n'est pas un
'mauvais récit, mais c'est un mauvais rêve. Je l'ai jetédans un coin du wagon pour l'oublier et j'ai regardé M
paysage. Ce titre rouge, cette date deyenue sinistre,cette évocation de la Pariser Jlarsch que les soldats de
Btucher et leurs petits-Sts jouèrent tour àtoursurleurs
cuivres, m'irritaient comme une fantaisie sinistre. Et ?
-je me disais que, Dieu merci, les inventions de t'écn-
yaih, qui sous ce pseudonyme poétique, l' « Étoile dela Mer », nous annonce ces horreurs, ne sont pas plus
prophétiques que le chiffre 13 de la conférence d'AIgë-siras. Heureusement.
Du reste, l'œuvre atrocement humoristique de « Seea-
tern » a visiblement en ses ironies des tendances paci-~Sques et elle est là pour nous montrer ce que per-drait ie Vieux-Monde dont nous sommes – ~M
s'entr'égorger au profit de Washington, deSaint~~
Pétersbourg et de Tokio.
Et c'est du mois de « mai 1907 x – du joli mois daS~mai de l'an prochain que Seestern date l'histoire de%cette terrible année dont i! énumère les épouvantes.
~s~ 3~"r~i~ '3
LA V!E A PARtS. 'S
'y'&~t%'JP~MP
1906nous vient de Leipzigcommeun avertissement
funèbre donné non pas seulement à l'Angleterre ou à ??~3'&
la France, mais si j'ai bien compris à l'Allemagne ~s~~elle-même.A tout le monde.
Et c's~t pourquoi, après l'avoir jeté loinjlemoi.je-l'ai repris pour l'analyser et je me suis mis à regarder ':r~3~la gare Saint-Lazare, puis le paysage, de'Paris à Ver- 'M >
sâilles, par la portière du wagon.La gare a repris son aspect des départs d'autrefois,
au temps de l'Assembléenationale et despersonnages .<~
historiques de 1871 rari nantes se retrouvent sur “le quai, commeautrefois,mais plus blancs, plus rides,
plus courbés sous le jour gris des verrières. Les repor- 'S
ters fouillent du regard leswagons; les photographes, f.ces Dangeau de la pellicule, passent, repassent, leurs' t~Siappareils en bandoulière dans leurs gainesde cuir. On S
se montre déjà à 10heures du matin un placard ~S
imprimé par avanceet portant ces mots «M.FaIMres ~Sest élu. »
Des compartiments entiers emportent les agents de
policedont on aperçoit les tuniques noireset les képis ''S~noirs. Sur la voie, des fantassins en capote bleue, ~SSl'arme au pied, font la haie, gardant les gares~Un
peloton à Ville-d'Avray, près du logis deGambette~un peloton à Viroflay..Cesprécautions ne sont pas sans
être agréables. On se dit que quelque péril impro~baMedonne à ce petit voyage à Versaillesune vague ~~$~odeur d'aventure. ~~S
Et dans cepaysaged'hiver, devant les massesnoires ?S~des arbreset des talus d'herbe verte lavée par t'eau qui ~SS
tombe, cet appareil militaire ne messied pas. SM!
~-H~ LA VIE A-PARIS.
-AVersailles, sousune pluie fine, les boutiquiers aur~~~4'
~ne pas de leur porte regardent passer les représentants/du,poup!e, presque tous en chapeau haute-forme,
.quelques-uns cravatés de blanc, longuethéorie .en ~$~~pardessussombres, les uns hélant une voiture, les ~S~'autres 'cherchant à pied les Réservoirs ou le Petite.
Vatel. Des nappes blanches, sur les tables rondes, à ladevanture des restaurants près de la gare, semblentguetter les Parisiens au passage. Hélas ils vont vers
te palais, les Parisiens. Ils marchent vite, vers le,château, vers le Congrès.
~–Il faisait si beau hier, si beau Un clair temps, j
d'automne La pluie nous a pris nos clientsAinsi gémissentleshôteliers en pleinvent qui voient S
S'éloignerles consommateursdevenusde simples spec.tateurs, très pressésd'éviter la pluie.
Les membres du Congrès vont à Versailles pour.voter.Les Parisiennes y vont pour voir voter. Voir ?
~voter et déjeuner dans le tapage élégant d'un restau–~rant, commesousla serrede Ledoyen,un jourd'ouver-:ture. Cette journée historiqueest unvernissagecommeun autre, aussi élégant, presque aussi gai. Les adver-~
paires sont installéscoudeà coude et les pronosticsles '??plus opposésse croisent dans le brouhaha de ces cfm-~ &S.sortes.. S'
Là-bas, les soldats du génie font la haie devant~t~cour d'honneur, et quetqu~-uns battent tasesous la p!nie froide. Il faut se hâter si l'on veut a ~`~~
une place dans les tribunes. Tout est assiégé,pris dé~a,~`
occupé. Et plus qu'aux Réservoirs, c'est élféminin qui domine.Il y a des toilettes de Congr$~`~
LAVtEAPARtS.
commeil y a des toilettes de courses.La pluie n'a pas.effrayéles élégances.
Le public fémininest là, du reste,danscestribunes,comme dans une loge ou une avant-scène. Une étec-:tion, c'est une «première ».On lorgne,on est lorgnée.Les habituées expliquent à leurs voisinesla dispositionet la compositionde la salle
Ici, c'est l'extrême gauche. Là-bas, à la droite dela tribune, les royalistes.Le centre,-au centre, naturel-lement.
J'avais devant moi un chapeau à plumejaune et un
chapeau à plumeverte. Deuxjolis chapeaux.La plumeverte paraissait très informéede la biographie et des
opinions des votants. La plume jaune était évidem-ment moins parisienne ou moins parlementaire. Elle
questionnait. Elle écoutait.
A mesure qu'entre les portières de velours grenatencadrant les deux portes d'entrée, une silhouette desénateur ou de député se montrait sur le sol dallé denoir et de blanc, comme un échiquier, la plumeverte énumérait son nom, ses opinions, son titre.
Avant même que l'appel nominal eût été fait, la
plume jaune était en état de connaître la biographieparlementaire tout entière.
Maison vote 1. C'est la lettre P qu'une grande pan-carte blanche annonce,accrochéeà la tribune.
Les votants montent par la gauche, descendentparh droite. Et dans ce défilé de puissances, les tégis-lateurs choisissent leurs « sujets o pour les applaudirquand ils apparaissent et déposent leur bulletin dansl'urne verte à rebord de cuivre. Tels, au 15 janvier,
~J' J.AVJEAPAR!S.
dans la~Cérémonietraditionne!Ie,lessociétairesfameux
,~Et ilyaun peu de tout dans ces bravos jetés au
]M~aamtun hommage, un souvenir, une consolation,unespoir, on ne sait pas.
i~ Mais la plumeverte continue à servir de cicerone–
je dirais volontiers cicerona– à !a plume.jaune.VoiciM.X. Monmari serre la main de M. Z. Oh r
c'est bien plus intéressant ici qu'à la Chambre.On lesvoit tous.
A ce moment, une troisième plume, noire, je crois,dit à la plume verte qui s'est dressée,fot-tbelle, mais
corpulente, devant elle
–Madame,si vous vous mettez comme ça devant
moi, toute droite, je ne verrai rien du tout. Autant-yalait assister au Congrèsdans ma cave 1
Le fait est que la question des coiffures est aussi
au Congrèsqu'au théâtre.,Et j'avoue quepour moi je pourrais dire de cette séance historique,aperçue à travers un triple rang de coiffuresféminines
«J'ai vu des fragments de bulletinsà travers dèstouffes de chapeaux 1 »
Maisj'ai entendu monter, grandir tantôt avec des
gaietés decollégiens,tantôt avec des colèresd'enfants~un bruit, un bruit pareil à celui de la corbeille dé
la Bourse, et dans la grande acclamation finale, j'aiipu, debout cette foissur la banquette, voir le spectaclede cette salle saluant, dans un nom, l'avenir. ;'ë
La plumeverte applaudissait.La plumejaune imitait É'ta plume verte, et là-haut, les jolies femmes peinte~>;
par Couderen son tableau des ~'M~G~ra~ oùMit'a.Sbeau dresse sa tête au-dessusdes habits noirs du Tie~S
LA VIE-A.PARIS. '11'
les grandes dames poudrées du temps de Louis XVt ? 'S
joueuses d'éventail précédant les faiseuses'de tricot
semblaient sourire à ces élégantes Parisiennes ;!S
de 1906 dont les mains s'agitaient, battaient, frap-
paient, comme palpitaient les aigrettes et les plumes. /~STout est dit. Le Congrès a prononcé. ;'Sa'Dans la grande cour d'honneur où Louis XIV étend,. S~
du haut de son cheval, son geste auguste, les curieux "'S~se sont massés contre le piédestal de pierre, et la foule
`
souveraine attend là, sous la protection du grand roi,le nouvel élu qu'elle veut saluer après qu'on t'a acclamé. ,'i8Les automobiles attendent aussi, rangées comme on ne 'Ssait quelle artillerie bizarre, avec leurs grosses pru- &nettes cerclées de cuivre, et les soldats du génie sëm-blent monter la garde auprès de ce garage qui est
comme un parc de batteries fantastiques.Il y a là des automobiles aristocratiques. Il y a, me
dit un fin observateur, des automobiles socialistes.
La foule attend. C'est commeun sport d'un nouveau
genre. On tient, pour le salut, à arriver bon premier a )1 .1~C'est un souvenir qu'on racontera plus tard ~SS
Je me souviens que, le 17 janvier, lors du Congre is§de Versailles.
Comme je m'en vais vers le train par la nuit humide ~S~
qui tombe, j'aperçois rue Duplessis, non toim du ~2
logis où naquit Decourty, mort pour ta liberté en 1830 j~~et si oublié, inconnu un officier d'artillerie, enve- S~~
toppé d'un caoutchouc et qui tient à la main un numéro *S~de journal tout frais, le Public, qui donne le portrait da .S'~M. Fallières. Un petit collégien d'une dizaine d'années,tout blond, accompagne l'OHicier dont la moustache
? LAVtEAPAmS.
est blonde aussi. L'ofïicier donne le journal au petit,
puis le képi galonnéd'or se penchesur le képi du coHé-
~gien et le père dit à l'enfant:
& Î Va et travaille bien
??" Puis l'enfant s'en va marchant, tout joyeux, empor-tant le journal vers le lycée.
Et c'est sur ce mot, qui me semble le mot d'ordre
?? de la journée, que je quitte, par le boulevard de'la
Reine, Versailleset ses arbres dénudés sur qui tombe
la nuit précocede janvier.Va et travaille bien
g; J'en retrouverai l'expression tout à l'heure dans les
<'?, vœux de M. Rouvier au nouvel élu Une ère de tra-
SS~ vai!, de progrèset de paix. »
A Paris, c'est la nuit complète et encore et tou-
!$? jours les automobiles. Les crieurs de l'Intransigeant,Sx comme s'ils parlaient d'une course à Auteuil, annon-~t'.~?~ cent en courant
'–Demandez les résultats)1.S`,F
Un pauvre diable à moustache rousse,très maigre,° tenant des marmots par la main, s'approche de moi
,a&$K sur le trottoir mouillé,me dit tout bas
S~– La moindre des choses,monsieur! J'ai à nourrir
§S~. trois enfants 1
Et c'est un despetits qui me tend ses doigts maigres. ,,s
C'est la vie, là dure vie qui continue.
~iAllons travailler 1
2 .“ 1,
II ~4~
\s
Lacauserieparisienneen partiedouble.– Côte couret côié ,$jardin. LeroideDanemarket leroid'Espagne. Undeuil,un mariage. Un mariageparisien. Comédienset corné.*?~3diennes. Cequesontdevenuslescomédiens.–Saint-Rochen1815,la Trinitéen1906. Cequ'onvoitetcequ'ondevine '??dansundéniédesacristie.
2 février.
Un diplomate étranger, d'infiniment d'esprit, qui '§$aimela France parce qu'il l'étudie de près et la connaîtbien,medisait l'autre soir ?$
Il est chez vous deux circonstances très diBe– ~Ërentesoù les hommeset les femmes sont tout &fait ;tS~séparésles uns des autres. Ce sont les enterrements et ~Nle moment qui suit le dîner. Aux enterrements, les Sehommessont à droite, les femmes à gauche dans ~~Mr~réguse. Après le dîner, celles-ci font cercle dans un
salon,ceux-là font groupe dans le fumoir. N~Je ne sais quelle raison sépare dans les cérémomë~
funèbreslesdeuxsexes,quichoisissentlesmêmeschaisealorsqu'ils'agit d'assister à unmariage. Simple aCaired'habitude. Je ne vois rien là qui soit protocott~~Maispour la séparation de Monsieur et de Mâdtun.~ S~aprèsle repas, la raisonen est très simple.Et le cigaren'est passeul responsablede la scission.
xj`,~Lebesoinde causer fait naître aussi ta nécessité des 1
deuxsalons. Ce qui mtéresse les hommes– ta poli-
:§'14 LAV!EAPAR!S.
'tique, par exemple semble légèrement ennuyeuxaux femmes, et les histoires fémininesde couturières/et de chapeaux ne sont, pour les hommes, que d'unintérêt médiocre. Comme des mariés à l'heure de la
crise, les deux sexes font, depuis des années, chambre $à part.
Harrivemêmeun momentoù la maîtressedemaison,isolée parmi les abandonnées de ia chambre féminine,~ntre au fumoir et dit volontiers, d'un ton suppliant `;
Voyons, messieurs, est-ce que décidément c'est '`
un divorce?
Les causeurséteignent alors, avec un certain regret,leur londrès, et se résignent ou se décident à allerretrouver les causeuses.
– Eh bien, avez-vous finide parler de la conférence
d'AIgésiras?
Algésiras est, en effet, le grand cheval de batailledes politiciens de salons, le texte inévitable des dis-eussions et des prédictions. Les augures prononcentce nom en hochant la tête. D'autres lui donnent unesonorité aimable. Ils sourient. Et l'éternelle phrase~.revient dans les propos «Rien à craindre. Unsimplet
voyage de diplomates. Que pense le kaiser? Toute !f~
-<ïueationest là 1. Quelle est l'idée de derrière la tête~-du kaiser?Ah 1lekaiser to»
-Oncomprendparfaitement qu'on s'entretienne d'u~autre sujet «en la chambre des dames », eommediSJoinville. La mort mêmedu vénérableroi Christiandf~Danemark n'est pas un « motif pour une causerieféminine. En revanche, le mariage du jeune rot"
d'Espagne fait partie de ce qui ptatt aux ~eltama~
LA VIE A PÀRtS.'S~'§~S~
Voilàun souverain-qui ne se marie point d'une façon: ?~
vulgairet II ne franchit pas l'Hellespont comm&
Léandrepour retrouver cellequ'il aime. Mais il passe 'SS~à toutevitesseles Pyrénéespour allerrevoir sanancée. ~$~~Il y a plus de romanesqueen sa manière que deproto- Vcole.Il est leste, il est gai, il est jeune. Il avait conquisParispar sa bonnegrâce il lui était faciledeconquérir ~S~Biarritzen un tour de roue. 'i:S~
C'estde lui que s'entretient le salon féminin,tandis
que l'autre salon tente de déchiffrer l'énigme maro-
caine.Algésirasest le texte masculin des propos pari- ~S~Ssiens,à l'heure actuelle. Biarritz est le sujet de la ~S
philosophieféminine courante. -M~Voilà un ûancé comme j'en souhaiterais un à
toutesles jeunes filles1
Un fiancécouronné?
Oh 1 ce n'est pas sa couronne qui me semble ~M~séduisante.C'est la façon dont il comprend son rôle.
Ce roi d'Espagne est le contraire des. souverains
ennuyésdont les figureséléganteset glacialesornent !(? ~X&~galeriesdes palais espagnols.Il s'amuse, visiblement J~~S~il s'amuse.Il va, il vient, il rit, il cause.L'Escurial doit
être bien étonné lorsqu'il voit passer ce roi actif' et
jeune.Et ce five o'clock tea chez lady Dudley, cette "ffaçondont il traite avec une galanterie souveraine la ~`~~
jeuneprincesse de Battenberg qui sera reine'demain~ ` x
voilàqui ne sent pas l'apprêt, le majestueuxoniciel,le :gprévu,l'ordonné. Celaest charmant; et ceroi épouseum& °~~
princesse,commeautrefois, au beau temps des contas
bleus,les rois épousaient des.bergères–par amoar~.:g
– Et c'est fort joli, ce coin d'azur dans la sotenmté yH~~
~16 [AV!EAPAR!S.
un peu grise ou trop dorée du mondesouverainementofficiel.C'est un semblant de rêve parmi les réalités
protocolaires. Et les dépêchesles plus graves prennentainsi de vagues aspects de billets doux.
H se marie gentiment, il est délicieux) C'est !e~
roi galant jeune homme 1
Il a pour lui les femmes.
Le roi Christian devait venir avant la fin do la pré-sidence de M. Loubet rendre à Paris la visite que le
président de la République lui avait faite en Dane-
mark. Rien n'était décidé, et les jours passent vite.
Mais on en avait parlé et peut-être en parlait onencore.Avecsonélégancesuprêmeet son air de grande
bonté, le vieillardeût aussi séduit Paris. Je l'avais vu à
Londres, lors du mariage du duc d'York, et dans la
loge royale au gala de Covent-Garden. Au centre de S
cette salle toute fleurie,étincetante de diamants, on se
montrait, à côté de la future reine d'Angleterre, alors
princesse de Galles, si jeune en sa sveltesse que la.
souveraine a conservée,le vieux roi qui, maigre et la
tournure dégagée,se tenant droit, grisonnant à peine,ce me semble, gardait l'aspect d'un homme de qua-rante ans. Un Nestorjuvénile.
Il avait eu pourtant 'ses dures années d'épreuves,vaillamment supportées, et ce sage eût pu dire à
l'Europe « Vous l'avez voulu Que n'avez-vous
empêché les bombes de Düppel, première salvedes ~l'~
obus de Sadowaet desshrapnels de Strasbourg t » jA Babetsberg, en sa petite chambre de militaire,
près de son lit,de camp, sur sa table, le vieil emps-reur Guillaumeconservait commepresse-papiers doux
")L'A'V'!E A.'P.AR'!S.'Ï~
'2.
éclatsd'obus, deux débris de bataille. Sur l'un étaK~a~Ë
inscrit Düppel, sur l'autre Sedan. Ceciétait né de'
cela.Et voilà ce qui différencie,cette fois, les propos des
«deuxsalons qui, à Paris, composent« Unsalon
Ici, la causerie masculine évoque le passé du règne'
du roi Christian là, les «causeuses »s'entretiennent
de l'avenir et des fiançailles du roi d'Espagne. Un
peu plus de politique « côté cour~)), comme nous
disonsau théâtre, unpeuplus d'amour «côté jardin j<.
Et, de cette façon, i! y a des souvenirs et des espé-
rancespour tout le monde.
La dualité entre la causerie des hommes et des.
femmesconstatée par le diplomate a donc sa raison
d'être.L'histoire pour les uns, le romanpour les autres.
Et c'est tant mieux si le roman devient (à la vieille
mode)un roman historique.Autre roman, celui dont parleront beaucoup les
femmeset qui s'est terminé hier, commeles bonnes
comédiesdubon vieuxtemps, par un mariage.Celui-là
avait mis sur pied toute une population curieuse et
sympathique. Il s'agissaitde voir passer, dans sa robe
blanche de mariée, la charmante comédienne d'un
grand avenir qu'épousait hier un peintre du plus MM
talent, portraitiste exquis, dont le pinceau,ades graceade pastet et te pasteHafermeté du pinceau. 'f,
On racontait dans la foule accourue que o'étant;o)~
peignant te portrait do la jeune artiste que le pemtre c:
s'était épns do son modèle, faisant involontairementou volontairement durer les séances pour se sépare!~
moinsviteetdei'originatetdet'ëaigie.
? 18 LAV!EAPARf8.
Joli scénario de théâtre aboutissant à ce présent
rayonnant de jeunesse et d'espérance l'association
de deux avenirs.
Et tout Paris, une partie du Tout-Paris, le Tout-
Paris des théâtres et des Salons, Salons de prin-
temps ou Salonsd'automne, s'était donné rendez-vous
à la Trinité et c'est là vraiment qu'on a pu voir quel
attrait ou quelleattraction exercesur les imaginations
ce mot magique le théâtre. Les petites ouvrières,
libres à l'heure de midi, les «midinettes »,puisque
c'est leur nom, étaient accourues, se tassant sous
le porche, se pressant autour du square, n'ayant pas
déjeuné pour apercevoirun pan du voilede la mariée,
une fleur de cette couronne de fleurs d'oranger posée
sur les cheveuxblonds commela petite couronnede la
reine de Ruy Blas. Mimi Pinson faisait la haie et le
Conservatoire était là, contemplant le défilé. Je ne
crois pas que jamais mariage mondain, union de
millionnairesait mobiliséautant de spectateurs, et il a
fallu fermer les portes pour empêcher l'église, déjà
envahie, d'être prise d'assaut.
Le msnde marche. En janvier 1815,la foulemena-
çait depénétrerpar forceà Saint Rochpourcontraindre
le curéde célébrerlesfunéraillesd'une comédiennedont
on ne voulait pas laisser pénétrer le corps dans l'église.
MlleRaucourt était pourtant de la paroisse et l'avait
combléede ses libéralités. Mais elle était comédienne,
et les comédiens n'avaient pas droit aux dernières
prière! Peu s'en fallut que le cercueil, porté par la
foule, n'enfonçât les portes. On avertit le roi, et
Louis XVIII, qui avait de l'esprit, envoya bien vite
1. i, 11,e
LAVtËAPARtS. '1~
l'ordre de bénir la comédienne morte et chargea metnë
de ce soin un des aumôniers de sa chapelle, Ieque!,<
traversant le jardin, se hâta de franchir l'espace com-
pris entre les Tuileries et Saint-Roch.
Il y a sur cet incident une bien intéressante lettre de
M. de Jaucourt à Talleyrand dans un volume publié
naguère.
En janvier i906, c'est tout le contraire, et le prêtre
qui unit deux artistes pourrait, au besoin, souhaiter à
la comédienne les succès de théâtre qui l'attendent.
L'Opéra et l'Opéra-Gomique célèbrent en chantant,
dans l'église, la sociétaire de la Comédie-Française, et
j'en n'a pas besoin d'aumônier supplémentaire pour
une cérémonie qui a le monde officiel et le « monde
mondain » pour témoins.
0 stupéfaction Ou plutôt chose toute simple et qui,
depuis hier sans doute, est entrée dans les mœurs. Un
photographe s'était installé en pleine église et, pendant
la bénédiction, faisait un posé des deux époux age-
nouillés. Un « posé » Je le voyais chercher, à travers
les plantes vertes et les touffes de fleurs, la place pro-
pice à son appareil. Il écartait les branches, il braquait
son objectif. Il était le grand-mattre des cérémonies du
jour. C'est lui qui perpétuerait cette minute unique.
Le photographe est le grand historien de tout ce
qu'il y a de passager dans notre existence, tisonne de
la durée à tout ce qui est fugitif. Il nous saisit dans les
manifestations les plus diverses. Il sacre, il consacre
les présidents de République avant M. Bonnat ou
M. Chaplain. Le voilà qui bénit les bénédtctions
nuptiales, du geste bref de l'obturât eur ) 1
?1 20 LA VIE A PARIS.
Il n'a tenté hier que des poses. Au prochain grand
mariage, il risquera le magnésium en pleine église.
– Ne bougedns plus 1 dira sa voix impérativc à la
foule entassée.
Je doute, d'ailleurs, qu'il retrouve une agglomé-
ration aussi compacte. On s'étouffait. Et tout naturel-
lement l'esprit facile battait des ailes
Quelle belle première 1
On refuse du monde t
M. Donnày, qui regarde, doit se dire qu'on a jait
le maximum 1
Je ne songeais qu'à ce grand pas décisif qu'ont fait,
depuis un siècle et surtout depuis une quarantaine
d'années, les artistes dramatiques. Les parias sont
devenus des rois
C'est peut-être par là qu'ils périront, me disait
finement un comédien supérieur. Ils étaient peut-être e
plus heureux quand, plus libres, ils formaient une caste
et ne se mêlaient pas au monde, qui les adore en
attendant qu'il les dévore i
Brichanteau pourrait penser ainsi. Ce qui est cer-
tain, c'est que le temps est loin où Frédérick Lemaître,
qui se sentait plus à l'aise à la guinguette qu'au salon,
invité par. un riche Anglais, apercevait, entre lui
et l'assemblée qui allait !'écouter,une ficelle quasi
invisible, un fil tendu entre lui et les sièges des audi-
teurs.
–Qu'est cela? demandait le comédien.
(On connaît l'anecdote, je pense, et je ne la rappelle =
que parce qu'elle amène bien des réflexions aujouf-~
d'hui.)d'hui.) ';i,
LA V!E A PAR!S.
Cela, répondit-on au comédien, c'est le fil deî~
séparation. Il marque l'emplacement de la scène et'celui dusalonvéritable.
Ah dit simplement l'homme qui avait joué ~SS
Hugoet créé Robert Macaire. '<g~
Et, marchant sur le fil tendu, il le cassa tout natu- H~rellementpoi.:raller saluer un personnageaperçu dans ~S~le «salon».
Ce fil frontière, ce fil dont Frédérick faisait si bon ~g~
marché,ce fil symbolique,casséparTacteur, il y a bien ~<~
longtempsqu'il n'existe plus. Et si vous trouvez un ~Svieuxvolume de Léon Goztan talent rare et que t~Svous lisiez la Comédiedes comédiens,vous trouveriez 'S~Sunepageoù il est dit combienpeut-être il est dommage
que la fantaisie ait battu en retraite et que les irrégu- ~i~lierspar destination se soient avidement condamnésà
It-règle.Maispourquoi pas? ~~$Tout aboutit aujourd'hui aux syndicats et aux
intérêts. On ne vit plus de l'àir du temps. L'heure est
passéedes ferreurs decigale i '~<~Le filest rompu, le fil humiliant, le fil absurde, et les
comédienssont avec raison non seulement applaudis, f Q~r~cequiest to.utsimple,mais aiméset honorés,ce qui est ~§
très juste. .$~ a~
11faut, il est vrai, qu'ils se souviennent du joli.motdu marquis de Ximénès à un comédienqui le
prenaitd'unpeu haut: '~NSPardon, mon cher ami, je.vous ferai observerque
depuisla nuit du 4 août nous sommestous égaux)1\
Il n'est pas besoinde le leur rappeler, et je croisbien .1
quec'est dans cette profession puisqueleur art est J~~
!$~23~/LAVtEAPAtUS.
une profession– qu'il est le plus de braves genspeut j'~
être, de générosités impulsives, de dévouements «
5~ constants. C'est parmi eux que les rivalités les plus`- visibles s'effacent devant une collaboration de charité
ou.de bonté. Cesont de grands enfants gâtés qui ont le
a~ charme des enfants et qu'on aime pour toutes les joies
r qu'ils nous donnent. Paris adore ses artistes. Et qu'ila
S; raison, Paris! 1Ilssont, en vérité, sa parure; et com-
ment le théâtre ne serait- pas en France ce qui nous
divise le moins, puisque c'est ce que le monde entier i
S' nous enviele plus ?Ainsi pensais-je, tandis que dans la sacristie de J
?: l'église se déroulait le long défilé d'admirateurs ou
d'amis venant apporter leurs souhaits, leurs shake-
hands ou leurs baisers aux nouveaux époux (1). Je
regardais passer un à un tous ces figurants de la jolie
S~ comédied'amour dont lesmariés étaient leshéros,et je jne pouvais m'empêcherde compter tous ceux dont les
?? espoirsou les regrets m'apparaissaient visiblesdansles
S~§ regards et les saluts que j'échangeais. j
g~ Il y a eu là une heure de revue mélancolique.Quede
comédienset de comédiennesqui demandent à entrer
à la Comédie Que d'auteurs dont la poignée ds main
&~ sent le manuscrit à venir~oule manuscrit refusé) Que
~B de coups d'œHchargésde reprochest Que de prunelles
suppliantes ou menaçantes 1 Que de sourires et que
d'ennemis 1 Ledéfilé faisait aux nouveaux mariés un
cortège de félicitations. La ronde des récriminations, a;:
~S~` comme celledes Willisde ta ballade allemande, ënve-
!?& (1)Il s'agit ici du mariagede M.Guirandde Sceyotaavec
°, MUePiérat..
IjAV!EAfAR[S.
loppaitcertain spectateur dont la philosophieèst plussouventattendrie qu'on ne croit.
Mêmeles satisfaits ont au fond des yeux des décep-~tionsvisibles1 Ceuxqui ont des rôles les trouvent tropcourts.Ceux qui n'en ont pas se désespèrent. 0 défilé
des candidats de toutes sortes et des candidates detout âge t a Onne voit pas les cœurs », dit Alceste,.Soit. Mais on voit les yeux. Pour les deux époux,c'étaient les souhaits charmés. Pour tel témoin de
cette félicitéjoyeuse, c'était la constatation de tout ce
qu'il y a dans la vie d'aspirations qu'on ne peut satis-faireet d'espérances qu'on ne peut réaliser.
Parfois,dans cette ronde de la jeunesse,des cheveuxblancs apparaissaient parmi les cheveux blonds oubruns. Quelque gloire d'autrefois, reine de théâtre
condamnéeà des tournées hasardeuses, à des repré-sentationshâtives à la descented'un train, enprovince,
quelquerenommée d'hier, encore illustre aujourd'hui,mais dont la vue mettait à la cérémonie une noteattristée.
Et c'est la vie. On ne peut contenter tout le mondeet son père. On est condamné à faire des malheureux.Maison peut du moins, lorsque quelque jeune hommevient vous demander conseil sur la carrière littéraire
qu'il veut suivre, et quelque jeune fille sur l'enseigne-ment d<kConservatoire où elle veut entrer, répondrepar un &e~are profondément senti.
Prenez garde t Les lettres ne nourrissent pastoujoursleur homme,et le théâtre ne mène pas néoessairementles lauréates duConservatoireà l'apothéose t
Si voussaviezce qu'il y a dedéceptions,detristesses,
~24 LA VIE A PARIS. 'S
;ad'angoisses,de rancœurs, de haines,de misèressousles
sourires d'un défiléde sacristie 1
Je les aurais notés facilement. Et quelle leçonde
choses quecette ieçon de la vie
Mais rien n'empêchera les jeunes gens d'écrire ou
de peindre, et les jeunes filles midinettes ou bour-
geoises – qui assistaient hier à la cérémonie ne
rêveront plus désormais que de ce triomphe de la
jeune mariée en robe blanche, descendant, unciergeà
la main et la couronneau front, les marchesdu maître-
auteIdetaTr~é.
Et jamais lesconseilsde l'expériencene prévaudrontcontre la séduction d'une auréole.
3
.-A.~
ni' ,ro
'~sDeuxvilles.Londres et Paris.– L'entente cordiale. Les ?
clubsanglaiset lescerclesparisiens. Le home – Deuxnationsrivalesetfaitespours'entendre.-Taine etVoltaire.–Le18juin. WaterlooetPaulMounet.-Unecroixrefusée.–Lemobiledela Dordogneet lesociétairedelaComédie-Fran-çaise. Un candidattrop jeune. M.Robertde*F)ers.– gSouvenirdelajournéedeCoulmiers.
9 Février.
Paris a eu pour ses hôtes du London CountyCouncil
uneattention délicate. Il leur a offert une matinée de
brouillard.«Vous êtes chez vous, messieurs1»
En regardant la silhouette des arbres grêles et ta
perspectivedu boulevard enveloppéesd'une sorte de
buéejaunâtre, je me rappelais tel réveil à Londresoù, gdu haut d'une chambre de Charing Cross hôte!,
l'immenseville avec ses toits, l'aiguille de ses che- M
minéesou de ses églises, m'apparut un matin d'été j,commeen une vision fantastique, perdue, noyée dans $unevapeur d'acide sulfufique. Londres prenait de là- ~Shaut une sorte d'aspect tragique. C'était étonnant et
superbe. Une immense cité entrevue dans la brume.Uneville fantôme.
Parisn'a pas eu cet aspect formidable.Maissagatan-terien'aura pas échappé à nos hôtes. Il s'est réveiMô& S~l'anglaise.
<S6 LAV!EAPAft!S./
Il n'en était pas moins pittoresque, il est vrai, ceParis à la sépia. De la place de la Concorde,avec son
asphalte luisant pareil à un skating, on n'apercevait
plus, au haut de l'avenue des Champs-Elyséesenve-
loppée d'une vapeur grise, l'Arc de Triomphe devenu
invisible, supprimé. Sur les ponts, la perspectiveadmi-
rable de la Cité, les deux tours de Notre-Dame l'H
du nom de Hugo, disait Vacquerie disparaissaientcomme un décor derrière une toile métallique. Les
brouillards de la Seine donnaient au fleuve l'haleine
mêmede la Tamise.Les arbres desTuileriessemblaient
empruntés à un paysagejaponais, et les pigeonsfrileux
juchés sur les statues s'étonnaient decette buée froide
qui fondait l'horizon en un lavis immense. Paris sem-
blait avoir repris un vieux mélodrame,les Chevaliers
~Mbrouillard,et, lesoir,seslumièresélectriquestrouant
la brume, il ressemblait à une vaste toile, à une sym-
phonie «or et argent »de Whistler.
Je dois dire qu'il est charmé, ce Paris un moment
embrumé, d'avoir la visite de ces voisins, et que1' «entente cordiale ensera singulièrementfortiS~e.
Après les chefs d'Etat, les représentants des villes,c'est-à-dire les villes elles-mêmesse déplaçant en quel-
quesorte, et fraternisant plus encorequepar les figures
symboliquesdes menus artistiques des banquets.Les membresdu Coi~seilmunicipal de Paris avaient
été reçus à Londres avec cetté hospitalité qu'un pro-
verbe français appelle écossaise,mais qui, en féalit~,est toute britannique. Les Anglais sont larguent
hospitaliers. Leur (feMeoMea la largeur de leur Mde
;poignée de n~aiti.Avec quelle courtoisie aingtdt~;
~y.· <
S
LA VtE A PABrrs.'
tout à fait charmante, ils accueillentdans leurs clubs:
l'étranger depassagequi jouit àl'AthenceumouaiHeursde tout l'admirable confort du logis 1Ilest là chez lui,littéralement chez lut, et les invitations pleuvent,pour peu qu'on soitprésenté, accrédité,des invitations.cordiales qui ne créent aucun devoir ennuyeuxau'voyageur pressé, les visites de digestion étant rem-
placéespar une carte qui économisele temps et précia&la reconnaissance.
Lorsque nos conseillersmunicipaux se rendirent à,
Lôndres, ils furent reçus non seulement de façonomcieUepar les membres du London Council, rnaia~
dans l'intimité même,dans ce «home a sacrépour les
Anglais,et chaqueconseillerétait logéchez un Londo-
nien, soncollègueet sonhôte.
Comment ferons-nous pau:' vous rendre une
pareille hospitalité? disaient nos conseillers,à la fois
reconnaissants et effrayés. Nous n'avons pas d&
logements correspondant aux vôtres (l'Anglaishabite
volontiers sa maison) si le cœurest grand, le logementdu Parisien est petit.
Ne vous inquiétez pas de ce détail. Partout ou
vous nous recevreznous serons cheznous, répondaientles représentants de la ville de Londres, et quel qû& (soit le home passager que vous nous donnerez, il seranotre home et nous serons heureux 1
– Hétas 1 nous ne pouvons vous recevoir qu'à
l'hôte), commenousrecevonsles rois en temps d'Expo- ?
sition1.
– Eh bien, nous descendronsà l'hôtel.
– Mais à l'hôtel, que deviendront les dames?
~~38 LAVÏEApARtS.
– Ne vous en inquiétez point. Nous n'amèneronspasnos femmes.
Ainsi, à tout obstacle, les conseillersanglais oppo.saient une bonne grâce accommodante, une'bellehumeur parfaite, et le voyage à Paris, quelles qu'enfussent les conditions, leur apparaissait comme unemanifestation qui leur plaisait. Un shake-handsd'uneville à une autre.
Lë\Français, et en particulier le Parisien, n'a pastoujours, en effet, les ~moyensde rendre à ses hôtes
l'hospitalité reçue. Ses appartements sont étroits. Seslieuxde réunionun peu vastes sont rares. Les Anglais,au contraire, ont leursclubs le club qui est commelehome courant, le home ouicieux en marge du homeofficielintime. Ils invitent au club. Sans doute nousavons nos cercles et, depuis des années, les cercles
qui ne sont pas seulementdes prétextes à «cartonner »,ce qui est la formulede trop de cerclesparisiens,
lés cerclessérieuxse multiplient, par ce besoin qu'on ade coins choisis où l'on échange des -nouvelles, des
potins et parfois même des idées, ce qui n'est pasinutile.
La vie de cercle, plus étroite que celle des clubs
anglais où l'on est plus libre, plus maître de sa per-sonnalité et de son temps, a ses avantages d'ailleurset ses inconvénients. Elle supprime le foyer. Ellehabitue les mêmes gens aux mêmesdiscussions.Elle'finitpar devenir unesorte d'existence provincialedansla grande ville.Le cercleest un ttot. Leson-ditdu cercleressemblent fort aux comméragesou aux rabâchagesde l'Esplanade ou du Mail. Chacun se retrouve à la
"{:<,f: gel,
LA VIE À PARIS. '$S~~
mêmeplace, dans le même fauteuil et le même angle.de salon, aveu les mêmes idées. Il y a de la vie de '§~~steamer dans l'existence du cercle. Et les diplomates Y'SS
d'Algésirasme font tout justement penser à ces passa-
gers ou à ces cercleux,qui inévitablement, à la même
heure, aux mêmesrepas, retrouvent les mêmesvisages "Nautour de la même table de baccara ou de la même ~N~table de déjeuner et de diner. @~
Les antipathies de cercle, commueles haines à borddont parlait le bon La Landelle, peuvent ainsi et à la i~
longue devenir féroces. Pourvu que la promiscuité <'
constante de tant de diplomates ne fasse pas naître f~de telles irritations « Quede militaires1. disait en sondélireNapoléonmourant. Ils vont se disputer 1»
Le club, en Angleterre,est moins un lieu de réunion
pour le bridge qu'un bureau, un studiopour la lecturedes gazettes et la correspondance. C'est aussi un
restaurant pour le clubman qui arrive de la campagne, S~sa valise à la main, passe un habit, se rend à CoventGarden ou à Drury Lane, et repart. Les membres du
Parlement ont leur restaurant à Parliament house, ~Sdansleur logismême,et ilspeuvent, en été, prendre lecafé sur la terrasse, au bord de la Tamise cetteterrasse où une frontière invisible (et peut-être mêm& S~tracée sur le sol, j'oublie le détail) sépareles tables des
membresde la Chambredes communesde cellesde la, ~a'~
Chambre des lords.`
Nos conseillersn'avaient pas decluh, mais ils ontoffert à leurs hôtes la plus beau et le plus rayonnantdesclubs, l'Hôtel deVille.
Ce n'est pas la grande salle gothique de Mamsion ~a~3. ` r~
rzy,
30 LAVtEAPAtHS.
houseavec lesmassiersdes aldermen,le vin d'aromatescirculant dans la coupe d'amour, la grande voix dutoastmasterannonçant les toasts commeretentira sansdoute la trompette de la vallée de Josaphat, ce n'est
pas ce qu'il y a de traditionnel et de majestueux danstes admirablesréceptionsdu lord-maire.
C'est un Hôtel de Ville clair et souriant, aux pein-tures de plein air, les plafonds ouvrant sur l'infini des
perspectivesdecielslumineux,desPuvis deChavannes
qui, au haut des escaliersde pierre où les gardes muni-
cipaux, sabre en main, font la haie, donnent la sensa-tion de lointains paysages édéniques, des Roll aussi
vivants que ces vivants qui les contemplent; et cessallesde la MaisonCommune,déjà moinsneuves, avec
leurs dorures que le temps a patinées; faisaient dire
à un de mes voisins,membre du County Council
– C'est un décor de palais italien, avec le goût du
Paris moderne.
Et sous ces plafonds et devant ces panneaux,honneur de l'école française, on a bu le champagneaux sons du Godmce <AeKing et aux accents de la
Marseillaise.Ce n'est pas la première fois. Ce ne sera
paa la dernière. Je songeais à certain passage des
Révolutionsde Franceet <ht.Br<!&<Mt<,où au lendemain
du 14 juillet, apprenant qu'on a fêté à Londresla prisede la Bastille,CamilleDesmoulinss'écrie
Mesamis,buvonsdu punch à lasanté desAnglais,
pendant qu'ils bo!ventdu vin deBordeauxà la nôtre1.
Toast decirconstancequececri du grapd joumaUste.Ce qui est charmant chezles Anglais,c'est précisémentle toast qui couronnele repas. Le toast est un art tout
bA V'tE ~A.BtS~"'M~
particulier, commela chroniqueou l'art êpistolaire,.~Qet je dirai qu'il est un art anglais. Ceux qui ont
inventélemot savent ciseler!a chose.Ily a de l'humour ;?!~dans leur manière, une façon de donner un ton de
familiarité aux questions graves, de fuir le discours ~3
apprêté et de rester dans la causerie. M. Gladstoneétait passé maître en la matière comme en toutes
choses.Avec !ui, ia fin du repas était exquise, et son §~toast, en vérité, devenait le dessert.,
Et ce fut un dessert aussi, lundi dernier, au banquetde t'Hôte! de Ville, que le salut du président PaulBrousseau roi Edouard, celui de sir Francis' Bertieau président de la République et l'alerte «] bien-
venue ') deM. de Selvescitant l'historien de la Litté-rature anglaise.L'Hôtel de Ville, transformé pour un S~soiren écolemutuelle, en cours Berlitz,permettait aux
Anglaisqui ne savent pas le français de suivre, sur mi .S~papier contenant la traduction en ang!aia,e discours {~du préfet,et aux Français qui ne savent pas l'anglais '$~de connaître, traduites aussi, les-parolesanglaises de-sir Edwin Cornwall, la harangue du président du ~SSLondôn County touncil. Il ne fallait pas se tromper~par exemple,et prendreune traduction pourune autre.
Il y a de bien jolies idées, et généreuses et élo- <
quemment dites, dans ce toast du représentant de la F~villede Londresà la villedeParis. «Silefilsde quelqueindividu est votre ami personne!,vous avez moinsde ~Bchance de vous quereller avec cet individu, car vousavez les moyens indirects de vous mettre,en contaiavec lui et il a des moyens indirects de se mettre en
contact avecvous. » ~3
.32 LA VIE A PARIS 1,
C'est un fait., et la constatation pourrait semblerbanale. Mais rir Edwin Cornwall ajoute ce trait quidonne aussitôt à sa pensée un tour humoristique
Si vous remplacez le mot «fils »par le mot «ville »,vous verrez comment la ville peut être un des facteurs
de la paix dans le monde
Et il souhaite, et il tëve, et il demande, et il pré-
pare peut-être un Congrès de Capitales, toutes les
grandes municipalités du monde fraternisant dans une
réunion solennelle, toutes les cités se tendant !ss
mains par leurs représentants.
Un de ces défilés qu'on ne voit qu'à l'Alhambra de
Londres ou dans les ballets du Châtelet, mais qui pour-rait bien devenir une réalité et faire à l'humanité le
grand bien que souhaite le président dn GountyCounciI.Tout arrive, en effet, même les bonnes aventures. La
destinée nous fait de ces surprises.
Ce qui est certain, c'est que les deux grands peuples
voisins sont faits pour s'entendre et que la Manche les
sépare moins que les préjugés séculaires dont il faudrait
pourtant s'affranchir. Politiquement et littérairement,
la France et l'Angleterre ont toujours vécu d'une vie
parallèle. Au dix-huitième siècle, l'anglomanie n'exis-
tait pas seulement dans les, mots, mais dans les idées.
Ces professeurs de liberté dictaient plus d'une vérité à
nos philosophes. Avant d'écrire cette Histoire de la litté-
rature anglaise, où M. de Selves puisait une si jolie cita-
tion sur la différence des tempéraments anglais et fran-
çais, Taine avait, au concours général, obtenu un pr'x
avec une composition célèbre «Voltaire, voyageant en
Angleterre, écrit à un ami son opinion sur les Anglais. »
LA'VIE A PARIS. "ë~~
Cettepage de Taine– de Taine écolierencore est
déjàmagistrale.Et Voltaire eût.pu la signervraiment,
Voltaire,très imprégnédu génieanglaiset qui, tout en
le défigurantet le maquillant, nous a, au total, révélé
Shakespeare.Oui, deShakespeare,il n'a pas seulementdit qu'il était un «sauvage ivre », il l'a loué et salué
commes'il eût deviné l'influence de cet incomparable
géniesur notre théâtre et M. Alfred Mézières, qui
ajoute aujourd'hui à ses études shakespeariennesun
attirant et poignant volume de souvenirs, Au temps
passé,ne me démentira pas.Cesrapprochementsentre deux peupleslibres si bien
faitspours'entendre sont doncnonseulementnaturels,maisnécessaires, et le voyage des conseillersanglaisvers cette Mecquelumineuse (c'est Paris, a' dit leur
président) sera une date dans cette histoire de
l' « entente cordiale », où depuis Arthur Young jus-
qu'àM. Bodley tant de bons esprits ont collaboré.Il y a quelquesannées,la Comédie-Françaisedonnait
à Londres des représentations officielles.La reine
Victoria, très lettrée, amie du théâtre français, nous
avait invités à venir à Windsor. On y joua la Joie fait
pe: et M. Coquelin cadet corrigea l'impression du
drame par quelques-uns de ces monologues où il
excelle.Pour nousrecevoir,nousFrançais,je remarquai
qu'onavait voilé lesdrapeaux dits de Malptaquet, quela duchessedeMarlboroughrenouvelle,je crois,tous les
k ans.
~a: Au souper qui suivit la représentation, un'vieux
général, me parlant de ses souvenirs de Crimée, du
général de GaUiKetqu'il avait connu, là-b&s,beau
.34: LA VIP~ A~PAR~IS~:y~34 LAVtEAPARFS,
cavalier et tout jeune, me demanda s'il était vrai que-le 18 juin, dans une taverne dont il me cita le nom, unde nos comédiens eût récité les vers des CM<tme~consacrés à Waterloo
Tranquille,souriantà la mitrailleanglaise,Lagardeimpérialeentradanslafournaise
Je ne croispas, mon général.Je l'ai cependant entendu dire. Notez que je
trouve très bien qu'un artiste célèbre chez nousl'héroïsme de vos soldats chantés par votre grand
poèteLe renseignement était exact. M. Paul Mounet
avait célébré l'anniversaire de l'épique revers enrécitant fE~MOhoM la premièrepartie du moinsde
l'Expiation.Je retrouvais bien là le comédienmilitant dont la
robuste vaillance est sollicitée par tant de généreux
projets. II y a du soldat dans Paul Mounet. Et, au fait,il htt soldat à l'heure des épreuves, et bon soldat.
Soldat héroïque.
Lorsqu'il s'agit d'inaugurer, il y a quelques années,à Bergerac, le monument des Périgourdins morts à
l'ennemi, on me rappela que, parmi les mobiles de la
Dordogne,il en était deux qui, aprèsavoir biendéfendulesol natal, faisaient la gloiredela Comédie-FrançaiseJean Mounet-Sully, porte-drapeau du bataiUon, et
Jean-Paul Mounet,lieutenant de sa compagnie.Le général Barry, qui les avait conduits au feu, et
leur colonelM. de Chadois, alors sénateur, vivaientencore. Nous demandâmes au ministère de la Guerre,
LA VtE A PAR!S. -3~N§§
puis à la chancellerie, une croix qu'on eût attachée sur :S~la poitrine de Paul Mounet, le jo ir de l'inaugurationdu monument de Bergerac. ~§~
A Bergerac, ils sont aussi aimés qu'ils sont cétébres,ces Mounet, et les quatre frères Mounet, tous taillés
sur le même modèle, superbes l'un, étudiant et tué
en duel jadis l'autre, l'aîné, mort il y a peu d'années,et cultivant les vignes dont M. Mounet-Sully a hérité
–tes deux derniers enfin, dont le Périgor.A ~st très fier. 'N,
On racontait–et je rappelais dans une note qui ne '~§doit pas être perdue les services de M. Paul Mounet
pendant la guerre. Il parle encore, le brave garçon, S3s
avec une énergie à la fois cordiale et farouche de ces s;barbes rousses x, ces Allemands qu'il aborda corps à ~S
corps. A Coulmiers, deux régiments français, ne se v~,
reconnaissant pas, se fusillaient d'un bois à l'autre.
Entre les taillis d'où sortaient les balles, une plainenue. .?8~
f~
– H faut faire cesser ce feu 1 C'est épouvantable )1
s'écrie le colonel de Chadois.
Et U lancé son cheval vers la plaine.
Vous allez vous faire tuer, mon colonel, halte là
s'écrie Paul Mounet.
Sa rude main saisit le cheval aux naseaux et fait
faire demi-tour à la monture.
Puis, son mouchoir au bout-de son sabre, dressant
parmi les balles sa haute taille et sa rude voix de cuivre
jetant l'appel dans la rafale de ferS§§
– Cessez le feu, les Français Vous tirez les uns
sur les autres 1
Combien de morts fratricides Paul Mounet dut-il
? LA~mAPARtS.
éviter Puis, en avant à la baïonnette, on courut
ensemble sus aux Bavarois.
Je n'ai plus sous la main un volume du temps, les
Tablettesd'un mobilede lu Dordogne,où l'image du
mobile périgourdinest évoquée, avec sa haute stature
et sa gaieté de d'Artagnan. Mais le colonelde Chadois
et le général Barry présentaient également Paul
Mounet pour la croix en souvenir de la journée de
Coulmiers.
On nous répondit alors
« Il est trop tard. Nous ne décoronsplus pour faits
de guerre. Mais M. Paul Mounet peut être décoré
comme comédient x
Or, sur la liste excellente envoyéepar M. le ministre
de l'Instruction publique et' M. le sous-secrétaire
d'Etat des Beaux-Arts à la grande-chancelleriede
la Légiond'honneur, figurait.le nomdeM.PaulMounet,
sociétaire de la Comédie-Françaiseet professeur au
Conservatoire, et la chancellerie n'a pas accepté la
proposition du ministre et du sous-secrétaired'État.
M. Paul Mounet doit attendre encore. Pourquoi?
Cette fois comme comédien. Il est trop tard pour le
soldat. Il est trop tôt pour l'artiste dramatiqueou pour
le professeur.Ce Paul Mounet,docteur en médecine(sa thèse, que
j'ai là,est remarquable),pousséparle démondu théâtre
comme jadis par le démondu patriotisme, ce Paul
Mounet, que les internes, les étudiants acclamaient&
l'Odéon comme un des leurs, qui, rue Richelieu,
honore la scènefrançaise, ce brave et loyal garçonqui
me disait naguère «La croix1 Ellem'aurait faitpMs~
LAVtEAPARIS. 37.
quand j'avais ma fille », le voilà qui, ajourné comme
mobile,est ajourné comme interprète de Racine, de
Corneilleet de Hugo.On ne lui permet deporter que la
croixde l'évêque du Duel.
Qu'on réponde à M. Robert de Flers, porté sur la
même liste « Vous êtes trop jeune », bien qu'àtrente-trois ans on puisse porter un ruban rouge, et
même avant quand on a du talent et qu'on a écrit
Elsée,princessede Trébizonde, ce n'est qu'un retard,et en juillet Robert de Flers sera plusvieux, en effet le
dossier aura mûri (est-ce bien cela qu'on voulait?).Maisque le non possumusait pour raison cette qualitéde comédien ajoutée à tant d'autres titres, je ne
comprendraisplus.M. Paul Mounetest de ceux qui honorent une pro-
fession,et sur le veston de l'artiste le ministre et le
sous-secrétaired'État ont eu raisonde vouloir atta-
cher (1)!é ruban rouge qu'on pouvait épingler, dès
le lendemainde Coulmiers,sur la capote déchirée de
)'héro!quemobilede la Dordogne.
(1)HsTont;attacMe.
IV
LE CINQUANTENAIRED'HENRI HEINE
16Février.
Après-demain,au cimetière, des Allemandscélébre-ront à Paris un poète allemand. Il y aura cinquanteans tout juste que, par une froidematinée de brume,Henri Heine est mort le 17 février au numéro 3 del'avenue Matignon, en ce logisd'où il voyait triste-
ment (quand il pouvait voir encoret~neurir les mar-
ronniers des Champs-Élyséeset passer les coupésquimenaient au Bois. C'est de là qu'il fut emportéversle cimetière oùil avait~voulu,reposer.
« Oùsera le lieude repos du voyageurfatigué? avait
dit le poète. Sous les lauriers et tespalmesdu.Midi,ou
sous les tilleuls, au bord du Rhin? »
Et encore
«Serai-jeensevelipar desmainsétrangères?. Rapo-
serai-je dans le sable de la mer? » ff`
Sur le marbre blanc qui le recouvre, ces vers du
poète ont été gravés, commeceux que Mussetécrivait
lorsqu'il demandait à dormir sous le feuillageéplorédu saule. Et le vœu d'Henri Heine a été exaucé quidemandait à être couché dans la terre de Montmartre
ce quartier où, durant tant d'années, il avait~vëcu
LAVlEAPARta. 39~
et dont il disait en son testament «J'ai un'e prëdi-
tectionpourlui.)) »
Il y a quelques années, elle était d'aspect assez mé-
diocre, la tombe de Heine. Une simple pierre grise.
Un nom et des dates. Une grille de fer rouillée. Mais les
tartes de visite des Allemands de passage à Paris
recouvraient comme une couche de feuilles mortes,
blanchies par le givre, la pierre où se lisait le nom glo-
rieux. Ainsi font les misses anglaises au pseudo-tom-beau de Juliette à Vérone. Et il'y avait souvent des
fleurs fraîches sur la tombe du « voyageur fatigué ».
Maintenant, toute de marbre blanc et très belle, la
tombe qui marque la dernière halte des Reisebilder fait,
parmi les morts couchés dans l'avenue de la Cloche,
une tache lumineuse. Et la belle tête penchée de Heine
un Heine jeune, superbe, mais déjà souffrant
domine le mausolée où le papillon symbolisant l'im-
mortalité, l'âme, déploie ses ailes sur les palmes, les
couronnes et la lyre entourée de roses. Un livre de
marbre est ouvert où le sculpteur a autographié l'écri-
ture même de Heine. Le creux marqué en plein carrare
par une couronne de lauriers, auprès des palmes que
souhaitait le poète, fait songer à ces trous de bénitier
que taillent les Bretons dans te granit de leurs tombes,
et, l'autre matin, la gelée ayant changé en miroir l'eau
de pluie demeurée là, des admirateurs de Heine, des
passants, avaient brisé la glace fragile pour déposer des
bouquets de violettes et des touffes de mimosas.
On sent que des admirations ferventes – et non
seulement la Gazette de -FraKc/o~ chargée de veiller sur
le Heine fonds, mais des passants,. des fidèles, des poètes
40 LA VIE A PARIS.
veillent sur cette tombe da chanteur de rêves,et lescartes de visite, les vers et les hommagesaffiuentvt'rsle tombeau de marbre commeautrefois sur la tombede pierre grise.
Un papier à demi.déchiré flottait encore, avec ces
lignes presque effacées,le jour où j'ai revu ce marbre.Un inconnu avait écrit, en allemand «Ce matin de
janvier 19C6,je suis venu par un temps de neigesaluer
celui qui a fait depetites chansonsdeses grandes dou-leurs. »
~Autour de cette tombe, la colonie allemande deParis veut, me dit-on, manifester sa vive admiration
pour Heine, et commeil y aura en Allemagne,en Au-
triche surtout, descérémoniespour célébrer16cinquan-tenaire de la mort de Heine, Parisverra, le mêmejour,se grouper des admirateurs autour de l'image de l'au-
teur de De la France et de Lutèce.
Il sembleque le moment soit bien choisipour rappe-ler que l'Allemagnen'a pas toujours été pour la France
cette voisineredoutable et hargneusequi songe,depuisdes siècles, Heine nous l'avait pourtant bien dit,à venger le meurtre de Conradin.
Il y eut uneheure où l'Allemagnetournait vers notre
patrie des yeux qui n'étaient point chargés de haine,et où des savants de France, reconnaissantsenvers la
pensée allemande, allaient, par delà le Rhin, saluer
Germaniamater.Lorsque Ludwig 8œrne, le voltairien
francfortois,franchit le pont de Kehlqui séparait alors
la France du duché de Bade, il se mit à genoux en
apercevant le drapeau tricolore hissé sur le Munster.
Il nous aimait. Les Lettres de Paris où ii exaltait la
LA VIE A PARIS.d i"
4.
Révolutionfrançaise le faisaient, à Heidelberg,fêter ~t~
joyeusementpar les étudiants « Onm'a suivi dans la
rue en criant ViveBœrne) Vive le patriote allemand,l'auteur des LettresdeParis 1»Quecela est loin Et le
temps n'est plus où la jeunessed'outre-Rhin acclamait y:
commeun «patriote allemand uuécrivainqui faisait
connaitre et chérir Paris.
Les tristes chicanes d'Algésiras semblent plus iro-
niquesencoreaprès la lecture de cesLettresparisiennes.deBœrneou du testament de Henri Heine.
«J'énonce le désir, déclare Heine à son notaire,MeDucloux (celui du général Trochu, si je ne me
trompe), j'énonce le désir que mes fibmpatriotes,
quelqueheureusesque puissent devenirles destinéesde
notre pays, s'abstiennent do transférermes cendres en
Allemagne je n'ai jamais aimé à prêter ma personneà desmômeriespolitiques.La grande affaire dema vie
était de travailler à l'entente cordiale entre l'Alle-
magne'et la France et à déjouer les artifices des enne-
mis de la démocratie qui exploitent à leur profit les
animosités et les préjugés internationaux. Je crois
avoir bien mérité autant de mes compatriotes que des
Français, et les titres que j'ai à leur gratitude sont sans
doutele plus précieux legs que j'aie à conférer à ma,
légataire universelle.»
C'est cette déclaration de principe qui mit de fort J
mauvaise humeur Guillaume.11 lorsqu'on voulut, à
Düsseldorf,éleverune statue à Henri Heine.Leveto du
kaiser intervint. L'empereur ne pardonne pas au poète«Prussien libéré o – d'avoir refusé ses cendres &
l'Allemagne.«Ingrate patrie, tu n'auras pas mesos x'
~8 LAVtEAPARIS.
Et ce fut une femme,souverained'un autre pays, qui,tendant hommageà Heine, rêva de donner un monu-ment digne de lui au poète de douleurqui, sur la më-lodie de Schuiiiann,avait tant de foisbercé sa proprepeine et souhaité de dormir « au sein du vieil
Océan ».La vaste et largetombeSiedaucercueilgéantMaisqued'abordonvoieCe qui le rend si lourd
C'est qu'il contient ma joie,Mapeineet monamour
Ce que l'empereur d'Allemagne refusait, l'impéra-trice d'Autriche l'accordait, l'offrait à là chére~mé-moire.
OùDieut'auraitdûmettre,Unefemmete met
dit la reine à Ruy Btâh.
L'impératrice Elisabeth, en son château de Corfou,
l'Achitléion, dressa au haut d'un escalier de marbre
blanc la .statue de Henri Heine assis, les yeux fermés,devant la mer une larme de marbre coulant de ses
prunelles closes.
CamilleSelden, la lectrice du poète, la fidèlepetiteMouchex desesderniers jours, apeint le poètetel que
les suprêmes années de souffrances l'avaient fait
étendu sur un petit lit bas, dans une chambre très
sombre, devant un paravent depapierpeint. H essayait
de sourire, la tête belle encoreenfoncéedans ses oreil-
lers et ce triste et amer sourire, Mme SeMen~I'afixé «Imaginezle sourire de Méphi~topheléspassantsur la figure du Christ, un Christ achevant de boire
son calice. x
's?'
LAVÏE_APAR!S.' '48~i
Commela visiteuseallemande,mariée à un Français,ylui apportait desnouvelles d'Allemagne,il dit f
Je suis toujours aise de parler à quelqu'un quivient de «là-bas »t
De «là-bas »1La patrie 1 Pasplus que Heine, jadis
correspondant de la GazeMed'Augsbourg,n'était uti
hôte dRioyalde ia France, il n'était un traître à son
pays, un « contempteur de la patrie à qui il voulait
)iv)'crle Rhin libre ».Soncœur,une partie desoncœur,était resté «là-bas )),où, amoureux et poète, il avait
été si malheureux.
Et il y avait un monde de souvenirs dans le soupir
qui accompagnaitce «là-bas Tous les hommes,sans
être de grands poètes commeHeine,ont un «là-bas »,un coin de terre qu'ils regrettent Soit qu'ils y aiènt
aimé, soit qu'ils y aient pleuré. Le «là-bas x est un
ragret qu'on traîne tout ensongeantau «là-bas »qu'onredoute. Et la vie humaine se consumeentre deux « là-
bas s.
Là-bas, chez «la vieille dame de là-bas x, –
Henri Heine avait lahté bien des haines~ bien des
déceptions, bien des espérances. Les teutomanes
l'avaient plus d'une fois traité dedéserteur.Il avait pu
répondre en philosophe narquois aux gallophobes,de 1840, ceux que Musset fustigeait d'un coup de
badine. Il avait eu, en février, l'illusion de croire quec'en était fait des stupides colères. En 1848, Liebk-
necht, commeLudwigBœrneen 1830,protestait contre
l'école de Menzél et des « mangeursdw FrançaisMais un an avant sa mort, lorsqu'il écrivait ta preÎMede Lutèce,datée de mars 1855, Heine avait, hélas 1 la
1, 1 Il Il
'tVIEA~t'44' LAV!EAPARtS.
perception du réveil des vieilles rancunes, il notait
avec une mélancolie anxieuse ce fait inquiétant
«Aujourd'hui les nationalistes et toute la mauvaise
queue de 1815 prédominent encore une fois en Alle-
magne, et ils hurlent avec la permission de monsieur
le maire. »
Depuis 1855, la permission vient de plus haut, et ce
n'est pas seulement M. le maire qui déchaîne les hur-
lements.
« Hurlez toujours 1 » dit Henri Heine.
Il prétendait que tout finirait bien et ajoutait« Dans cette conviction, je puis sans inquiétude
quitter ce monde.
Un an après, il était mort.
Je me demande ce que penserait aujourd'hui des
Parisiens et des Français l'auteur de Lutèce, l'auteur de
De la France, ce que Heine dirait des événements tra-
giques qu'il nous avait prédits en criant « Prenez
garde ))
< Seigneur Dieu, ma déesse 1 s'écrie-t-il dans Ger-
mania, laisse-moi voir l'Allemagne de l'avenir Je
suis un homme à garder le secret »
r Allemand, il serait peut-être redevenu tout à fait
Allemand. C'est un soleil fort aveuglant, la gloire. Mais,
ayant pris la précaution d'être préalablement aveugle,
peut-être le poète des Reisebilder, le moraliste de la
Gazette d'Augsbourg fût-il demeuré le philosophe nar-
quois dont l'esprit était trop fin pour devenir dupe, et
le juge averti des actions humaines qui répétait que
tout est condamné qui n'est pas fo:!de sur la justice?
Et puis il avait beau bénir l'épicier futur ou le mar-
LA. VIE A PARIS.'
.“chand de tabac à venir qui ferait de ses poéstes des iSwM
cornets de papier pour les pauvres bonnes vieiHea.
amiRSdu café ou de la poudre à priser, il seserait con-
solé de toutes closes en se disant que ses « petiteschansons avaient elles-mêmesconsoléet consoleront
encorebien des coeurs.
Et ce sont ces «chansons », ces lieds immortels, ~~iautant et plus que ses prophétiques articles de
polémique,que les Allemands de Paris vont célébrer,samediprochain,autour de la tombe de marbre blanc.
H serait dit là quelques sages paroles de détente pos-
sible,que le mort couché sous la tombe les préféreraità des évocations du terrible Armimus, chef des Ché- x
rusques, et de sa femme Thusnelda la blonde, quele
poètedes étudiants, M. Scheffel,nousmontre (t clouant
6 le gras du dos x d'unétudiant romainsoldat au service
du « feM-maréchatS. E. QuintiliusVarus »,-Armi- y
nius, le vrai Dieu de l'Allemagnenouvelle1
Quelques citations de Heine, bien choisies,pour-raient donner à réfléchirà tout le monde, et je conseil- <;jlerais aux continuateurs de M. de Bismarck et aux
psychologuesberlinoisqui prennent peut-être un peu
trop au sérieux les idylles déprimantes des amoureux
de la paix à tout prix, la lecture de tellepagedeHeine,datée de 1832, alors que l'orage grondait à Thorizon
du,pays deFrance: 3~«Je croisque, si la guerre était déclarée,toutes les
divisions intestines des Français seraient prompte- S
ment étouffées. » SC'est que Heine préférait à la forêt deTeutobourg,
qui vit l'égorgement des légions latines, le boia de
.6' LA vtB A p~hts.
Boulogne où cet Athénien de DusseMorî pouvait se
'croireenunsentierdet'Attique.
Même le républicain Ludwig Bœrne, qui dort au
Père-Lachaise comme Henr, Heine repose à Mont-
-martre, lui reprochait ce dandysme élégant et son Hbé-
ralisme à la Gavarni.Il nous peint avec une ironie quiressemble à celle de Heine lui-même (l'esprit allemand
sa marque comme l'humour .anglais) l'auteur de
Lutèce « lorsque, après une soirée passée chez un bour-
geois-gentilhomme, il vient de rentrer chez lui et'n'a
pas encore été ses gants glacés ». « Sa phrase, dit
Bœrne, a la senteur incomparable de cette eau de mille
impertinences dont les salons du juste milieu sont
seuls parfumés. »
Ludwig Bœrne lui dit encore
« Au sefvice de la vérité, il ne suint pas de montrer
de l'esprit il faut encore montrer du cœur. »
C'est la pièce les Compliments qui vaut à Heine ce
reproche:
L'autre nuit, dans cevagueoù!e rêvetoùrnoie,Je portais l'habit noir et le giletde soieManchettesen~poiguet tout l'attirail mondain..
La traduction de Mérat et Valade donne la sensa-
tion même du (WS-~cM~yde Musset.
Mais Heine avait plus que de l'esprit, quoi qu'en
dise Bœrne, et il avait aussi sa foi, quoi qu'en ait dit
Veuillot qui l'enterra si brutalement il avait un cœur,
et, de ce cœur brisé, c'est son oeuvre qui noua livre le
secret.
« Les salons mentent, les tombeaux sont sincères
â-t-il écrit lui-même dans une page de De ht FMMe.
LAVtEAPAtUS. 4~
Encoreune foisil y a en lui du Musset,de cet Alfred
deMussetdont M.Osirisoffreà laville deParis Fimagede marbre sculptée par Mercié, ce Musset dont ih
disait, sans se douter qu'une double cérémonie au'
cimetièreet l'inauguration d'une statue réuniraient,.dans le même mois, leurs mémoires « GeorgeSand
pour la prose et Alfred de Mus~. pour les vers sur-
passent leurs contemporains français. )) (LMt~ce.)C'était aller loin, et Heine voulait surtout par là
être tout à fait désagréableà VictorHugo qu'il n'ai-
mait pas et qui lui rendait la pareille.
Mais,envérité, lesdeux poètes semblent de la mêmefamille. Il y a du Heine dans là triste ~M<otreei'tHt
merleblanc du Parisien. Il y a du Musset dans plusd'un vers de « ceLazare aveugle et décharné, étendu
sur un lit de torture et dont, nous dit éloquemmentM.J. Bourdeau, le rire est plus déchirant qu'un san--
glot ».
Leurs rires et leurs pleurs nous laissent la même
impression de sympathie douloureuse. Le& ~VMt~
répondent aux Nocturnes, et Musset, qui a rimé son
~oacMeerocommeHeine,eut écrit son Z.tCT'e~e LaM~e
commelui.
Voyant,ledueilqui'nousmine,et consomme,
disait déjà RabelaM,
Jttteittxestderis qu9d&tannesescppre.
Mais, dans Gargantua comme dans .4M<t-2~M,te
«dueH » persiste sous le rire rire plus large ohez-«le cure de Meudon», plus amer chez le grabataire-de ~avenue Matignon.
48 LAVtHAPAHtS.
J'ai voulu voir la. maison qu'habita Heine. Elle date
de 1848. Elle est voisine de l'hôtel Meyerbeer. J'ai
cherché des yeux le balcon où se traînait le poète, ses
pauvres jambes douloureuses enveloppées de couver-
tures. C'était le D' Gruby qui le soignait, ce Gruby que
Dumas fils déclarait un homme de génie et que ~J
regrette bien de n'avoir pas interrogé sur les dernières
années de Henri Heine.
Je me rappelle -et j'ai dû conter certainement –
que mon vieil ami Edouard Siebecker, l'écrivain alsa-
sien, un moment secrétaire d'Augustin Thierry, guida,
un jour, l'illustre historien des Récits mérovingiens au
chevet de Henri Heine.
Augustin Thierry était aveugle, et les paupières
abaissées de Heine lui voilaient aussi la vue.
Pour mieux causer avec Henri Heine, Augustin
Thierry se penchait sur lui sans le voir, et, pour aper-
cevoir le visage de Thierry, Heine, de sa main amaigrie,
relevait sa paupière tombante.
Siebecker voyait jouer, au tragique, la pièce fameuse
les Deux aveugles.
Mais, me disait-il, les pensées que ces deux grande
esprits échangèrent là étaient sublimes 1
Le pauvre Heine, après-demain, recevra une visite
suprême. La voix de la patrie montera dans ce cime-
tière de France, parmi les tombes des obscurs.
Il est pourtant, tout près de Heine à deux pas –
une humble tombe où repose un brave homme dont
Fœuvre eût souri peut-être au compatriote d'Hermann
et Dorothée. C'est Jean-Baptiste Greuze. L'auteur de
l'Accordée de ctHsge si les morts conversent entre
LAVtEAPAK:S.. 'S
5
eux doit tenir des propos bien simples à l'auteur de
l'Intermezzo. Le peintre repose sous une pierre grise., ~t~
p areille à celle qui recouvrait Heine autrefois. Un qua- ''3'
train célèbre, en vers honnêtes, son amour de la vertu. ~§ j
Les plaisanteries de Heine offusqueraient peut-être le it~S!
bonhomme Greuze, mais Greuze est aussi là pour dire
aux bons Allemands que tous les Français ne sont pas ~Ê
à jeter au feu, qu'il est de braves gens, même dans la "~§~fameuse « Babylone moderne », et qu'il y en eut ~$]
même au xvnr siècle, même au temps de tant de 'sS
Cruches cassées. '~S~
Il ne serait pas mauvais que le vieillard enseveli là .'S'?j
près du poète entendit des paroles de paix et que, sous
le marbre où il repose, le « voyageur fatigué » entrevit
comme un lambeau de ciel – une parcelle de ce
qui fut son rêve
« J'aime les Français comme j'aime tous les hom- K~
mes, quand ils sont bons et raisonnables, et parce que f~!
je ne suis pas assez sot et assez méchant moi-même
pour désirer que les Allemands et tes Français, ces
peuples élus de la civilisation, se cassent la tête. ))
Mais Henri Heine n'était pas un homme politique.
Il ignorait les splendeurs de la diplomatie, les res-
sources de la chicane. Il croyait à l'amour, à tous tes 3~
amours, lorsqu'il. se promenait <tvec ses songes sous
les sapins éternellement verts de sa patrie ». Qu'il ?.~
repose en paix avec sa chère Mathilde sous la cou-
ronce et les palmes de marbre blanc. Ce poète qui
nous aima me console un peu –très peu – de $~
M.deButow.' ~t
v
ALFRED DE MUSSET EF SA STATUE
2oFévrier.
Maintenant, voici Musset. Il apparaîtra demainaucoin du Théâtre-Français, tel que l'a ressuscitéAntonin
Mercié,dans la pose attristée et pensive à la ~oisdu
poète dela Nuit d'octobre.L'auteur deOnnebadinepasavec.FaMOtH-sera chezlui au seuilde ce logisqu'il aimaet qu'il illustra. Et lorsqu'il regardait, entre deux
parties d'échecs, à travers les vitres du café de la
Régence, cette façade de la Comédie-Françaiseoù de&affichesportaient son nom, il ne se doutait pas qu'un
jour son imagose dresserait là, éternellement jeune,offerte à l'admiration de la foule.
Il était triste, inqciet, méconnu.Les derniersbilletsécrits à son éditeur pour obtenir quelques miséraMe~avances témoignentd'une détressematérielleet morat& t
qui contraste avec le géniedu poète et parait ironique-au jour de son apothéose.Derrièreson cercueil,c'est à
peine si unesoixantained'amismarchaient en sedisant
que c'était un grand poète, un très grand poète, celui
qu'on n'appelait alors que le «poète de la jeunesse x,On leregardait commeun rimeurcharmant, capricieuxet rare, qui chantait des ballades à la lune et, comme ,ze
~ç~ ·
LA VIE A PARIS. '8~t~
p Célio, soupirait sous les balcons. La profondeur de t&
douleur de son âme avait échappé même à Lamartine
à qui, désespéré, il dédiait son Espoir en Dieu sans que
g le demi-dieu prit la peine de le bien lire.
)' Lamartinevieilliquimetraiteenenfant1
?Sur la tombe du Père-Lachaise, M. Vitet avait pro-
noncé, tomme tout le monde, le mot qui avait tant de
M fois irrité Musset « Un enfant Grand enfant 1 »
« Un de ces enfants privilégiés qu'il faut aimer,
juger avec indulgence, car ils sont en ce monde moins
pour s'y gouverner eux-mêmes que pour charmer et
consoler les autres. ))Ainsi s'exprimait l'oraison fu-
? nèbreen saluant celui qui, s'i) s'appelait « un enfant »,
ignaitdu moins « Un enfant du siècle ».
~n Depuis, comme cette mémoire grandi Comme cet
admirable poète, d'un tour si français, s'est emparé
~?des cœurs et des âmes 1 Commeil a bercé, sinon con-
solé n~s propres souffrances 1 Commesa douleur nous
a senibJé l'écho de nos douleurs 1
U y aura bientôt trente-huit ans, lorsqu'on inaugura,dans la galerie des Bustes de la Comédie-Française, le
? buste de marbre de Musset par Mezzara, le public
entendit pour la première fois, après des stances
d'Henri de Bornier, dans la représentation extraordi-
naire qu'organisa Ëdouard~hierry, la Nuit d'octobre'
` que Delaunay et Mlle Favart avaient récitée au palaisde Saint-Cloud quelques mois auparavant (ta cour
ayant eu la primeur de la représentation). Ce fut
.pour bien des gens une surprise charmée et pour les
interprètes une ovation. Ce dialogue entre le Poète et
LAVIEAPARIS.?
la Muse, cette confession publique d'une poignantetorture amoureuse, émut et transporta comme le pluspuissant des drames. Et n'était-ce pas le drame même,le cri, l'angoisse d'une âme un peu de sang humain,versé là vers par vers, comme goutte à goutte? Oui,du sang et des larmes. La blessure d'un cœur déchiré.
Je ne crois pas que Musset ait jamais obtenu plusgrand triomphe sur cette scène de la Comédie-Fran-
çaise, où il avait débuté par Un caprice, dix ans aprèsavoir publié ce délicieux proverbe dans la Revue desDeux Mondes.
Et, en passant, rendons à Buloz ce qui appartient àBuloz. Les administrateurs vivants sont assez injus-tement traités et taquinés, desservis surtout par ceux
qu'ils servent, pour qu'on rende un peu justice aux
administrateurs morts. On a trop dit que ce futMme Allan qui eut le mérite d'apporter à la Comédie-
Française Un caprice, qu'elle avait joué avec succèsdans les salons de Saint-Pétersbourg.
J'ai longtemps vécu sur ce renseignement formulé
par la phrase jadis banale « Un cap/-{ce, ce chef-d'œuvre que Mme Allan nous rapporta de Russie dansson manchon )). La vérité est que ce fut la comtesse
Rostopchine, mère de Mme la comtesse Tornielli, la
spirituelle et distinguée ambassadrice d'Italie à Paris,qui, la première, chez elle, joua Mme de Léry et donnaainsi à Mme Allan l'idée d'interpréter le rôle que lacomédienne venait d'entendre applaudir.
Et quant à l'introduction d'Un caprice au répertoirede la Comédie-Française, Buloz en réclamait lui-mêmel'honneur au lendemain de la mort d'Alfred de Musset
1.11.1
LA VIE A PAR!S.
5.
et la Revue des Deux Mondes revendiquait ainsi ce
mérite pour l'ancien commissaire royal près le Théâtre-
Français:
« Les beautés poétiques et émouvantes de ses Nuits, ''3S
quand elles parurent ici (dans la Tïef'e), n'étaient pas,tant s'en faut, senties par tous. Ses livres alors se répan- e
daient peu, ses comédies paraissaient un jeu futile %i;i
d'imagination légère, et même lorsque le Théâtre- A;
Français mit la main sur Un caprice, qui ne fut point
rapporté de Russie par une comédienne ingénieuse,comme on l'a dit, même à cette époque, plus d'un <'habile se demandait encore si le Théâtre-Français ne
courait pas une singulière aventure. Dès 1838, quel-
qu'un qui connaissait bien les projets et la valeur du ?
jeune poète l'avait proposé au Théâtre-Français pourrenouveler et fortifier son répertoire la propositionfut froidement accueillie ne fallut-il pas même une
modification considérable dans la constitution du
Théâtre-Français en 1847 pour mettre à la scène la
première comédie d'Alfred de Musset, c'est-à-dire Un
caprice ? Ce n'est qu'à dater d'un certain moment que S
le soufue a changé. »
Buloz, devenu directeur, de commissaire royal qu'il S
était, reçut, en effet, Un caprice. « Déjà même, raconte
Armand de Pontmartin, tes rôles étaient distribués, ?
lorsqu'arriva à Paris l'actrice charmante que nous A;,
rendait Saint-Pétersbourg. Ce ne fut pas elle
(Mme Allan) qui apporta la pièce dans ses bagages ce
fut au contraire l'idée de reparaître sous les traits de
Mme de Léry qui décida son engagement et en abrégeales préliminaires. Pour être bienvenus parmi nous, ni
-64 LAVtn A PARIS.
M. de Musset ni Mme Allan n'avaient besoin de faire
leur campagne de Russie. » (.Ref~e des Deux Mondes,
l~dëcembreJ847.)
Ah! la puissance du théâtre 1 Cette passion, cette
folie du théâtre qui fait qu'à l'heure où nous sommes
on se préoccupe autant et plus de la Lépreuse, on en
parle autant que de la conférence d'Algésiras C'est
la représentation d'Un faprMequi donne à Musset la 'i
popularité que ne lui assuraient ni /M~ ni les Caprices i
de Marianne, encore perdus dans un numéro de la '§
Revue, ni les Nuits, les immortelles Nuits.
Le pauvre Musset connaissait enfin la gloire. On
n'accolait plus son nom avec des. éloges qui lui tor-
daient les nerfs à une Mme Tastu ou à une Mélanie '~i
Waldor.
« L'auteur d't/KcaprMe! 1 »Il était l'auteur d' Un
caprice, qui ne fut représenté que le 27 novembre 1847,
après avoir dormi dix ans dans le numéro du
15 juin 1837 de la Revue des Deux Mû~
Et Buloz avait bien raison de revendiquer l'honneur
de l'avoir porté à la scène après l'avoir envoyé à t'impri- ?&
merie. »
J'ai tout naturellement à l'occasion de l'inaugu- g!~ration de cette statue, dont je suis un peu la cause –~
recherché quels liens spéciaux attachaient Alfred 'de
Musset à la Comédie-Française.
Ce fut un des familiers du théâtre. Ilvenait au foyer, r~
quand il y avait un foyer. Il y était tantôt sombre et
tantôt charmant. Un soir, très tendre, il disait à Made- x~leine Brohan, la bonne Madeleine, qui devinait dans
les yeux bleus du poète quelque déclaration
LA, VIE A PAHÏS..
Ma chère Madeleine, je ne vous ai jamais riën.
demandé, je veux vous demander quelque chose 1
– Soit, mon cher Musset, mais soyez discret, ne
demandez point ce que je ne pourrais pas vous accor-
der.
Vous pourrez me l'accorder, Madeleine. Vous ;~S
pourrez me l'accorder. Ma chère Madeleine, donnez–?~8
moi un homard
Un homard? ~'i$S
-Faites-moi cadeau d'un homard. Je n'ai jamais eu
de homard. Je voudrais un homard. Donnez-moi un
homard. ?'S t'
Madeleine Brohan, qui jouait ce soir-là les Caprices '.f'
de Marianne, n'a jamais eu l'idée de ce que signifiait
ce singulier caprice.
D'autres fois, le causeur délicieux, un peu amer qu'il <
était, charmait les auditeurs. Augustine Brohan lui "z
renvoyait ses mots d'esprit.
-.1aimait ce Théâtre-Français qui se pare aujoùr-
y d'hui de son image. Dans une lettre à Buloz, lors d'une
t reprise des Burgraves, il demande pourquoi il a été
oublié dans la distribution des billets
« Comme vieux romantique, j'aurais droit de me
plaindre. Au nom de l'Ode à la lune j'ai droit de voir les
Burgraves. x
? L'Ode la Lune t Le « point sur un i la fantaisie
?? qui, si longtemps, empêcha le public de prendre/au
SS `,; sérieux ses cris de détresse, il ne la reniait pas. II sou-
~Ns riait à ce gai péché de jeunesse. Et il se rompait sur ~`"
le titre, qui est BaMade à la Lune.
°Yf A ce « vieux romantique se présentant à l'Aca-
~56~ LA VIE A PAR!S..
démie françaisepour succéderà Dupaty, Victor Hugo,
le César du romantisme, écrivait, lui promettant sa
voixvoix:20novembreISSi.
«Je suis vôtre de la tête aux pieds. Je voterai effron-
tément pour vous à la face de tous les Falloux et de
tous les Montalembertpossibles.« V. Huco. »
Les concurrents d'Alfred de Musset étaient Phila-
rète Chasles, F. Ponsard, Ernest Legouvé, Mazères,
Liadières et Valori. Il y a toujours un Valori dans
toutes les élections.
Et il fallut deux tours de scrutin pour qu'Alfred de
Musset fût élu. 28 votants, H voix seulement au pre- ~jmier tour, 16 au second. Lelendemain Prosper
Mériméeécrivait au poète« Envoyezvotre carte aux trente-neuf membres de
l'Académie, sans en excepter M. Berryer (nomméle
même jour que lui au fauteuil d'A. de Saint-Priest), et
surtout à ceux qui ont voté contrevous.L'usage aca-
démique est de croire qu'on a été nommé à l'unani-
mité(<MiR!MÉE.))»
Ce jour-là,AlfreddeMusset,joyeux,promit à Rachel
d'achever la Servantedu roi une Frédégondequ'il ,r~~
avait commencéà rimer pour elle,commeil avait, pour
elle aussi, esquissé une jPom~ween prose. Mais !a.
Comédie-Françaisene devait connaître ni FatMtMeM
la Servantedu rot.
Ce fut pourtant le théâtre ce théâtre où il n'avait;
LA VIE A PAtUS.
pas été joué encore – qui lui inspira un de ses chefs-
d'oeuvre. Le 14 juillet 1840, il assiste aux débuts de
Mlle Restout dans Cétiméne; Perrier joue Alceste;
Saint-Aulaire, Phitinte ce sont des comédiens de ''&~
choix, que le public écoute. Et la recette du Misan7 ?~~
thrope se monte à 403 fr. 50. H y a deux spectateurs
payants au balcon, cinq à l'orchestre, et Musset regarde
la salle à peu près vide, sauf les « bonnets d'évêque » Ï;là-haut d'un air effaré. La nuque, heureusement, ~j
d'une jeune femme placée devant lui le console et
l'occupe. Il se rappelle des vers de Chénier
Un coublanc, délicat,'`
Se plie,et de la neigeeffaceraitl'éclat.
Il rentre chez lui, il jette quelques notes sur le papier,et quinze jours après la Revue des Deux Mondes du 31eraoût 1840 publiait Une soirée perdue.
Nous devons cette délicieuse et poétique causerie à la iS
représentation du Misanthrope devant une salle vide. tS
J'étais seul,l'autre soir,au Théâtre-Français, 9Ou presqueseul l'auteur n'avait pas grandsuccès,Ce n'était que Molière.
`
Et ce grand poète détaissé rendait mélancolique le ;S
jeune et grand poète méconnu.
403 fr. 50 de recette 1 Molièreen 1840. Qu'eût donc
dit l'auteur d'Une soirée perdue, s'il fût entré au 9
Thëâtre-FrançaM quelques années auparavant, en
1831, alors que la Comédie menaçait de sombrer?i
On va publier aujourd'hui ou demain un volume de
Correspondance d'Alfred de Vigny, pieusement recueillie 3
par une admiratrice, Mme SakoMaridès, et à la suite S
~c~a
?' 58 LAV!EAPAlR!S.
,)"6
des Lettres on a imprimé un fragment bien inat-
tendu de l'auteur de Cw~-AfaM et de Destinées, un
véritable Courrier de Paris, une Vie à Paris, dirais-je
.volontiers, une lettre parisienne que Vigny adressait à
~ce~r, le journal de Montalembert (6 avril 1831) et S
je ne résiste pas, dans mon goût des rapprochements
ironiques, à la tentation de souligner un passage de s,
cette chronique. Alfred de Vigny sortant de sa tour ?;
d'ivoire pour se faire chroniqueur Pourquoi pas? Je
connais bien un Vigny critique dramatique et analy-
sant Antony pour avoir la joie de louer Marie Dorval.
Et dans Choses vues, Victor Hugo n'est-il point comme i.;<,
une sorte de reporter épique?
Eh bien, voici ce qu'Alfred de Vigny écrit en parlant
de la Comédie-Française neuf années avant la ~OH~e
perdue de Musset
L'agitation est grande dans les théâtres. Quelques-uns tombent
en ruines, d'autres s'élèvent, d'autres attendent la chute des plus
grands pour se former sur leurs débris.
Je ne vous dirai qu'une chose du premier Théâtre-Français,
c'est qu'il est ie dernier. Il doit cela à ses dissensions intestines, il
portr la peine de ses haines d'acteur à acteur, de sociétaire à socié
tair~, des intrigues inouïes des comédiens contre les pièces même `
qu'ils jouaient et qui les alimentaient ils mordaient le sein de leur s
nourrice à présent ce sein n'a plus de lait. Depuisneuf mois, des
hommes de beaucoup de valeur (car ce théâtre en compte encore an
grand nombre qui forment un ensemble introuvable ailleutt)sont réduits à vivre de ressources étrangères à leur bel art, qu'ils
ont trop oublié pour le métier et qu'il était de leur devoir d'enno-blir. Mlle Mars est malade ou veut l'être, et semble
avoir déseSpérA~~ï
du salut de cette république aristocratique elle se retire sousM.
tente et l'armée se-meurt. â
Et un érudit, que je devine, ajoute en note au basde
ce tableau lugubre signé par l'auteur de Chatterton
« Cette année 1831 est l'une des'ptus sombresde~g
LAVtEAPARtS. 5&'l'
l'histoire du Théâtre-Français. Les recettes étaient
? descendues à leur plus simple expression. Le Distrait
? et la Fausse Agnès, huit actes 100 fr. 80 Manlius et
~i l'Intrigue épistolaire, dix actes 85 francs; Tartuffe et
le Legs, 75 francs. La part était devenue une fiction et
? U avait fallu faire des réductions sur toutes les dé-
'1: penses.Michelot s'était retiré le 1eravril Mlle Mars refu-
S, sait son service et voulait prendre sa retraite Samson
demandait la résiliation de ses engagements sociaux
et « pour donner du pain à ses enfants » acceptait
l'engagement que lui offrait le Palais-Royal Cartigny
& allait se retirer au mois de mai et Firmin au mois de-
? juillet; Perrier menaçait de refuser son concours; la
situation peut se résumer par ce mot de Samson
S La misère dans le présent avec l'incertitude dans.
a l'avenir. »
S Eh bien, je ne répondrais pas que ce lugubre état de
choses ne reparût si les rivalités et les ambitions tou-
jours latentes et agissantes dans cette aristocratique
république parvenaient, je ne sais comment, un jour,.
à s'imposer d'une façon quelconque. La prospérité
matérielle de la Comédie date de la nomination d'un
administrateur. Arsène Houssaye commence, quelque
fantaisiste qu'il soit. Les autres continuent. On ne voit
plus le Misanthrope joué devant cinq spectateurs à
S~ l'orohestre, et yar<M~eet le-Legs, Molière et Marivaux
??réatiser75 francs de recette.
– J'ai connu, me contait Madeleine Brohan, une
Comédie-Française où il y avait si peu de spectateur
que, pendant que nous jouions nos rotes, Lautour-Méze-
~~My (je l'N vu de mes yeux) pouvait, à l'orchestre,,
LAV!EAPAR!S.
regarder et déplacer sans soulever de protestations J
(les fauteuils étant vides) le vésicatoire qu'il avait aubras!
La jolie nuque de la jeune fille chantée par Mussetdans Une soirée perdue valait mieux que le vésicato.rede l'écrivain.
L'enfantrestaittoujourset le cousvelteet blancSousles longscheveuxnoirsse berçaitmollement.
Mais, encore un coup, je ne jurerais point, si on lais-
sait faire, après le malin plaisir de dire et de médire,non je ne répondrais pas qu'un poète à venir ne pût,
un jour, entrer comme Musset dans le grand, cher et
glorieux théâtre, en sortir attristé et récrire à son tour
Une soirée perdue.
Ce serait une compensation. Cela prouverait que la
France a un nouveau Musset.
Cette statue, qu'on va inaugurer demain, et dont la
sœur du poète, Mme Lardin de Musaet, attendait
depuis longtemps et avec tant d'angoisse l'apparition,elle dut, un moment, être érigée du vivant de Paul de
Musset, leur frère.
Paul de Musset avait même constitué un comité
dont on trouverait la liste dans le .BuHe~ de la Société
des gens de lettres. 11 comprenait bien des noms illus-
tres, publicistes et poètes. J'étais, parmi les moins
fameux, le plus jeune et de ce groupe choisi par te
frère de l'auteur des Nuits, je reste, je crois bien, ce
qui est assez mélancolique, le seul survivant.
Je ne me rappelle pas exactement en quette année
ce comité Musset se réunit, sans réunir de souscrip* v:,
LA VIE A PARIS. 61
6
tions, mais il me souvient fort bien que le projetd'élever une statue à Alfred de Musset souleva des
protestations comme au temps où M. Empis pro-testait contre l'effigie du poète placée dans l'intérieur
du théâtre et que l'entreprise parut bizarre.
On pourra même, si l'on est curieu' retrouver dans
un numéro du X/X'* Siècle une chronique où Henry
Fouquier me demandait, à moi personnellement, ce
qu'un père pourrait bien répondre à son fils lorsquecelui-ci lui demanderait
Quelle fut la vie dé l'homme dont voici la statue?
Et il ne s'agissait pas seulement d'allusion aux déchi-
rements de la passion, mais à cette autre passion qui
s'empare du dipsomane. Je trouvais Henry Fouquierà la fois bien austère et bien injuste, et, s'il vivait, le
chroniqueur serait le premier à applaudir à l'appari-tion de Musset tel que Mercié nous l'a rendu tel que
Bornier le célébrait en 1868 par la voixde Marie Ponsin
Regardez1 Quelest cejeunehommePensifavecun si grandair!Quelest le nomdontonlenomme,Visagealtier au vif éclair
Dequelcouppo~te-t-Hla trace,Cefront rayonnant debeautétQuelletristesse dans sa grâceQuellegrâcedans,sa fierté)
Cette élégance un peu hautaine, Alfred de Musset la
gardait ou la retrouvait jusque dans ses heures d'aban-
don et de colère où, comme Machiavel, il promenait le
dégoût de son âme jusqu'en ces cabarets de bouviers
où il éprouvait l'âpre plaisir d'un peu de honte. (H a
même traduit ce passage admirable du terrible Flo-
~<? LA VIE If. PARIS.
rentin.} La princesse Mathilde racontait volontiers (~t.
M. Paul Bourget me rappelait le fait) une double appa-
rition de Musset, un soir, à dîner chez elle, un double'
Musset, si je puis dire, et le trait est singulièrement 'i
caractéristique. Mais il serait malséant de le redire à
la veille d'une apo héose.
Quoi qu'il en soit, Musset nous apparaîtra toujours
soua les traits non pas de l'enfant débile que soignait
sa compagne dans la chambre de Venise où nous avons
passé, mais sous l'aspect d'un jeune homme
Charmant,jeune, trainant tousles coeursaprèssoi.
Et lorsque, pour célébrer 1 anniversaire de la nais-
sance du poète, je demandai à M. Albert Lambert,fils.
de représenter le poète lui-même, il sembla que Musset
lui-même nous revînt, tel que Gavarni et Eugène Lami
'.¡
l'avaient peint avant Landelle, sous les traits du jeune
artiste qui incarnait quelques jours auparavantrl'Hip-
polyte de Racine.
La célébration decet anniversaire de Musset par des
vers éloquents de M. Maurice Le Corbeiller me valut
même un reproche qui est un des plus gais parmi tous
ceux dont je me souvienne.
C'était le 11 décembre que Musset était né, et le
jour de sa naissance tombait, comme on dit, un as
dimanche. j– QueH&singulière idée, s'écria alors un critique
théâtral Louis Bes&on,de convoquer la presse un jour
de tête ) OR n'aurait donc pas pu choisir un autM jour
qu'un dimanche pour célébrer l'anniversaire de t&
naissance d'Alfred de Musset?
LA VIE A PARIS. 63
Ëtait-it aussi séduisant qu'il était svelte et beau, ce
Musset aux yeux biou de roi et à la barbe blonde?
I! était, pour plaire longtemps, bien nerveux et bien
quinteux. Et de là vint peut-être toute sa souffrance.
Une femme, toujours jolie sous ses cheveux blancs,et qui avait intimement connu Musset, ayant passéauprès de lui une saison au bord de la mer, à Dieppe,me répondait comme je lui disais « H devait être
bien charmant
– Lui? 11ne m'a pas dit une galanterie durant des
semaines. Savez-vous ce qu'il faisait? Il passait des
heures entières à ramasser des galets et à faire des
ricochets sur les vaguesL'autre soir, en écoutant maître Bridaine dire au
baron, dans (?K ne badine pas avec ~'a/MOttr « Votrefils? Je l'ai vu. Il ramassait des cailloux pour faire des
ricochets », et le baron s'écrier « Blazius sent le vin et
mon fils séduit toutes les filles du village en faisant des
ricochets )),je me suis rappelé les ricochets de Dieppequi ne séduisaient pas Mme C.
Ces « ricochets x le frappaient au cœur lorsque c'était
quelque main cruelle qui lui renvoyait les cailloux
ramassés sur les routes d'Italie ou près. des roches de
Fontainebleau.
MaintenantDieumegarde Oùvais jet Hh quem'importe
Pauvre Musset allait à la mort, très jeune et à
la gloire, très tard. Mais il pouvait s'endormir tran-
quille. L'immortalité lui était assurée.
Il a longtemps attendu ce monument, cette statue
que l'on prodigue instantanément à des médiocres.
LA VIE A PARTS.64
Mais du moins, ce monument, se l'était-il édifié lui-
même par ses œuvres. 'S
Je sors de cette enceinte de planches, couvertes
d'affiches polychromes qui tomberont demain pourlaisser apparaître le pur carrare comme les calomnies
et les insultes et les injustices tombent devant la mort
et devant l'avenir.
II faut voir Antonin Mercié travaillant jusqu'audernier moment parmi les plâtres, les portraits de
Musset, le maître sculpteur, avec le collet et les épaulestout blancs des éclats du marbre, surveillant lesderniers
détails, guidant le praticien « Dessinez les yeux.un coup à la narine. Bien 1 et regardant la figuredu poète et celle de la Muse comme auréolées de
soleil.
Des passants glissent leurs yeux à travers les
planches, aperçoivent le haut du monument.
Le statuaire a entendu ces paroles prononcées <
devant son œuvre j
Tiens, Jeanne d'Arc 1 a dit une petite Parisienne,
respectueuse, devant la Muse.
Un ancien soldat, contemplant le poète– Je le reconnais. C'est un généraiLa Muse n'est pas Jehanne la Lorraine. Mais c'est
bel et bien Mimi Pinson en personne. Une jolieblonde que Mercié avait découverte à Belleville et qui
venait, tout émue, très heureuse, très fière, poser prèsde l'image du poète qu'elle aimait comme d'un amour
posthume. Un des amours les plus vrais, peut-être,
que Musset ait inspirés. Elle était ouvrière en fleurs, la
petite Parisienne.
LAVtEAPARIS. ?
6.
~t' Petite ParisienneNonde,
?( Une blonde que l'on connait.
$~' Et travaillant « pour Musset le soir, après avoir
?'' travaillé tout !e jour chez ta patronne,eUe arrivait le
Ë matin à l'atelier du maître avec, chaque jour, une
gerbe ou uuc poignéede Heurs nouvelles qu'elle avait
faites elle-même sous la lampe et avant de prendre la
S pose elle les semait aux pieds de ta statue, près de la
tyredemarbreblanc.
&% – Tiens, mon poète C'est pour toi t
? Je ne sais pas le nom du jo)i modèle qui incarnera
$,? pour !a postérité !a Muse même du poète des ~Vm~.
tf Pour l'image de Musset, Mercié a copié les traits de
~< M. Albert Lambert n!s. M. Paul Escudier a poae
« les mains et M. Chaplain, te maître graveur, un
« mouvement )' de ta chevelure. Mais personne ne
saura te nom de ta fleuriste apparue, disparue.
jtS;Je no saurais pour un empire
~&rVous ta nommer
Comment elle s'appette?Encore une fois, je l'ignore.
Mais H y aura, placedu Théâtre-Français, demain,
pour contempler ta statue d'Alfred de Musset et pour
t'applaudir, une nttette blonde perdue dans ta foule et
qui viendra, elle aussi, déposer sans doute des fleurs
nées sous ses doigts devant l'image du poète.
C'est ta dernière amoureuse – et ta plus fidèle –
deMusset.
Vi
Undirecteurde théâtre bibliophile. L'amourdeslivresàproposd'une ventede livres. ~S
o Mars.
Un catalogue d'une vente de livres fait toujours ;§~
naître en moi une impression mélancolique. Si l'ama-
teur de livres est mort, cet étalage posthume d'ouvrages
familiers, joie et orgueil du disparu, a quelque chose de
funèbre. C'est la défroque du bibliophile. Si le collée- ;T~tionneur est vivant, on se demande pourquoi ce qui 'M
fut un trésor pour h'i, une consolation, un charme ~~r~
d'habitude, est ainsi dispersé, livré aux enchères,
comme jeté au vent et à la poussière de l'hôtel Drouot.
La vente « Faire sa vente 1 C'est pour l'amateur ;~Y
de bouquins et de bibelots quelque chose comme la
grande journée d'épreuve. Sous le marteau du commis- ,k
saire-priseur, on se rend compte de l'humeur du collec- M~
tionneur, de son goût, de sa science. On le juge, cet
audacieux qui affronte l'opinion, la véritable opinion
publique, celle qui choisit et qui paye. J'ai vu, l'autre
jour, dénier dans une des salles de l'hôtel des commis-' t~
saires-priseurs la collection du roi Milan de Serbie et
aussi les objets d'art ayant appartenu à son fils, celui
qu'on égorgea là-bas. On pouvait se rendre compte,
par la vue seule des horreurs artistiques entassées là, :~J
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S~~entatité àlafoisultra,parisienne et un'peu'%aa~g~ge encore de ce souverain d'opérette tragique. 'Bis-
~moi quelleest ta « veR;.exet je te dirais qui tu es. 'S$~~MM.Pore!, le directeur du Vaudeville,vend ses livres.~Èfeuillette !e catalogueque m'a fait envoyerl'expert.''4~S%
Hvend ses livres,M.P&rei,et dans une courte préface,
très simple en vérité et très attendrie, il expliquepour- 'S~?. quoiil se sépare de ces vieux amis. «Les tristesses de T`~
!à vie ont fait que ces livres, rangés dans la gaie pro-ipriëtë normande et dans le vaste cabinet de travail ~tfamiHaloùje lescroyais installés pour toujours, sesont
i pefugiës,il y a deux ans,~ehezM.ThéophileBelin,mon k~libraire. Le petit appartement de garçon où nous ;<.vivons,mon filset moi,étant trop exigu pour nousper- j~mettre de les recueiUir,je les abandonne aujourd'hui
aux hasards des enchères. "S~
î! ya, dansf.ea Mgnesd'une émotion contenue, tout
un.petit drame intime et .poignant, de ceux qu'on ;Sappelledes dramesessentiellementparisiens,commesi ~`
la douleur et les déchirementsavaient une patrie, une 'S~~cité-spéciates.Onsouffrepartout et partout deJ&même x~
Jfacon. J'ai rencontré, un jour, M. Porel devant le
Théâtre-Français, unjeudi de représentationclassique. S~H était accompagnéd'un jeune garçonàrairinte!ugent i~~Set'.pensif'qu'il.po.u'ssavers'moi.;
·'N
–.Je vous présente un.devQs.aboanés, un.udeIe..de.S~vos matinées du jeudi monfils.Je vieM:~vec"lni~
.feétudier.le'~ép.erto;iret ~N
.Bt~avoix-un'peu~tremjbtante, <
'e*eat'.man~comp.KgnoH,.mon-camar&det .~ëi~~Je.me rappelais Poret, débutantautrefois toutjeune
'L~V~iî~~A'UM'S'~'S~,s~
S1 ~yz t
i ·
I Nlty;~l- '1~
à t'Odéon, et si plein de verve, de gaieté spirituellealerte, narquois, jouant avec une allure résolue lesvalets du théâtre classique et les élégantset les mora-rlistes du théâtre moderne,Scapin et les gandins d'Au-gier. I! avait le don du rire et aussi celui des larmes.`
Dansla'Contagion, il racontait un duel mortel auquel'il venait d'assister et, avecune simplicitédouloureuse,il emplissaitla salle de terreur. Les générations nou-velles ne connaissenten lui que le directeur de théâtre.Qui l'a vu dans les Idées dej'~a~a~e Aubray, deDumas fils, incarnant un sceptique mondain coureurde plages et d'aventures, Valréas,ne l'oublierajamais.H fut, avec un art très particulier, le gommeux dusecond Empire et garda son élégancepour ~DaMcAe~au début de la troisième République.
Mais l'imprésario étouffa le comédien.Cet Odéon,qu'il aimait, où il était entré débutant, M. Porel endevint le maître, et-je croisbien que l'artiste pitto-resque qui était en lui eut, aprèsses émotions d'ff inter-prète x, desjoies profondesde metteur en scène, lors-qu'il nous donna ces féeries shakespeariennesou cestableaux réalistes de Germinie Lacerteux que nousavons encore devant les yeux. Et la jolie vision japo-naise de la Marchandedesourires,cette transformationdu théâtre même en un encadrement de kakémonossertissant, si je puis dire, le poème dialogué deSMme Judith Gautier 1:
Très peintre, en quelque sorte, le comédiendevenuedirecteur était aussi fort érudit. Hécrivait une ~MtoH'e
<M'0<MoMen collaborationavecce M.GeorgesMonvalqui est bien l'homme te plusaverti, le plus armé,
tIl
'A'A~~?~
,y"e ~ws`~,<~
"SMS
~savant que je s~he sur les chosespassées en fait
dramatique. Il n'est pas, soit dit en courant, uneun peufameuseconsacréeau théâtre.,aux auteurs
~~Sramatiques (et Dieu sait si l'amour du théâtre a fait
~~nMtre depuis quelque temps des thèsesde doctorat 1)n'est pas de travail littéraire qui n'ait bénéûcié du
~g concours et de l'impeccable érudition de Monval,~S;; devenupresque aveugle.à force de lire les vieux livres
~E~'et de déchiffrerles vieux textes. Un dictionnaire théâ-
<TaI vivant, que le bibliothécaire de la Comédie-Fran-
~f~çaise.Et M. Porelle feuilleta en son temps, alors quef~'
Monvai,comédien,jouait Marat dans JosephBalsamo.
Quetout cela est loinmaintenant
Pour être un historien et un évocateur du passé, en
quelque volumeousur la scène,il faut avoir des livres.M.Porel en avait, et ce sont ceux-làdont il se sépare.
«Ils pourront, dit-il, être utiles à ceuxquis'occupent.encore de,belles mises en scène, des costumes de tous
~tëa'temps et de tous les pays. ))
Soit. Mais le ton de la préface qui veut être résigné
~~reate tout naturellement assez mélancolique.On ne se
~j sépare pas sans tristesse de ces chers compagnonsde
toujours. Les livres?Maisce sont les amisde toutes les
:heures, les plus fidèles,les pi'ts solides. Ils sont là qui
vous entourent comme,de silencieux camarades, qui
~vous regardent travailler. On a besoind'eux, ils.sont
~présents, toujours présents. On les prend, on les laisse. ?
liane voustrahissent jamais. Montaignea toujours un
~fconseilpratiqueà nous donner,;Rabelais uméclat de ~t
~~§TH'eénormeet franc pour chassernos humeurs noires.Vivre avec ses livres, c'est vivre avec les amis les
L'AVÏEAPARtS.~70'
plus sûrs. Et lesquitter, c'est s'exiler.C'estpis encore.~Berryer entassait en son logistous les livres qu'iI'poù~S!vait rencontrer. Havait cette
gloutonnerie particulière~à certains amis des livres qui aiment tout, achètent i~itout, gardenttout. Onparla de démoiirea maisonetpar conséquentd'emporter au hasard.ces tas de livres.« J'aimerais mieuxmourir »,dit le grand avocat..Et jecrois bienque-cettepensée de la dispersionpossiblede f!sabiMiothéquahâtasamort.
Mon pauvre ami Francis Magnard, avant de partirpour la maisonde santé où il devait subir l'opëration M
chirurgicale qui l'emporta, voulut se fairemonterdans Ssa bibliothèque. Il regarda une dernièrefoisdans leurs~
reliures rougesou Sauvesses cherslivres,,il les toucha,dit:
–Voi!& ce que je regrette 1. Maisquoi il fautbienmettre le signet1
Et il alla s'étendresur !o lit où il devait expirer.Un autre bibliophilefervent, GuvitIier-FIeury,mon ?~
prédécesseur à l'Académie française,devenu vieux et S~aveugle,n'avait d'autre plaisir quede toucher la cou-;
verture, le dos de ces livres qu'il nepouvait plus lire.. 3II lesreconnaissait à leur reliure, au grain de la'peaUtSon Horace, son Gicét'onEt les ouvrages qui lui ve"naient du duc d'Auma!e iIHescaressait commeil eût
promenésa- main sur des joues d'enfants. Ses doigtstremblants lui donnaient la volupté, l'ivresse que lui
refusa&*nt'!esyeux.La passiondes livresest une desplus entraînantesetdes plus louables.Dangereuseaussi, commetoute !es~)~passions. – 'S~~
:°''
L.AVJTSAPAms~ 71
–' Vous voilà heureux et ruinépour toute votre vie,medisait Jules Janin en rencon.trant chez moi cette
~S;MoHedu livre.
a E!te est infinie, en effet, cette dévorante passion.Tousles jours paraissent de nouveauxlivres-attirants,et le nombre des vieux tivrea~rares-estaussi malaisé
à compter que celui des cailloux d'une grevât Il eat
d'ailleurs différentessortes de bibliophiles le hiblio-
~,a phile de luxe et de choix qui estime surtout les exem-
~3. plaires rares revêtue d'une reliure artistique ou somp-
tueuse. C'est un peu l'amateur du « livre-bibelot)', du
livre « objetd'art ». Puisle bibliophileami du livre
pour cequ'ilcontient,pour la « substantiScquemouelle&,le bibliophileami des curiosités,d'une variante!incon-
nue, d'un texte inédit. C'est l'amateur de livre « leo-
teur ». J.'avoue que, tout en admirant les précieuses
~? reliures, je suis de ce nombre. Le livre est un insiru-
mont. Il est bon qu'on le puisse ouvrir, manier tout à
~.i sonaise. J'aime mes livresà ce point qu'il m'est impos-
?? sible, quasi impossible,de lire un livre «prêté ». Il me
semble quec"est un étranger. Une telle lecture, c'est
une audience.Cen'est pas la causerielente et sûre avec
~un~anH.
~$~ Instrument ou objet de vit!tM~!fHvK:doi<.appar-tenir a o~ui qui le fcuiHette. J~n!ei.<meNn:ptaisiLrà
lire un volume qmLappartient à~an. aMtret Et à. to.ttt
prendre, il, faudrait; aui travameur doux exemplaires
de chaque livre te livre de tra,vaHou de chevet et
~r; re:J.'6mplaire,de te Mvre-paradapAurries
~aiyGas!L'amatear de tivres.ïAvélad'aUlt'urssa.p)roprenature
78' LÀVtEAPARtS.
.j
par le choix de ses volumes. Visiblement, ta'MMio"
thèque de M. Porel est était, hélas 1- un'ebiblio~'(,+~~
thèque de directeur de théâtre. Les recueils de cbs'S~tûmes et les magazines de modes, le Journal des Daou le Costume parisien de La Mésangére, intéressaient
plus le metteur en scène qu'une édition rare de LaFon-
taine ou de Montesquieu.
Et pourtant La Fontaine est là, illustré par Borel ou
par Doré. Montesquieu et son Temple de Gnide, aux
armes de François 1~, roi des Deux-Siciles, voisine avec
le Monument f!tt Costume, de Moreau le Jeune. On voit
que M. Porel a dp l'érudition et du goût. Chaque numéro
de ce catalogue me rappelle d'ailleurs un souvenir de
soirées parisiennes. Ces costumes de femme ont servi
à ne pas commettre d'erreur lorsqu'il s'agit de confec-
tionner les robes de Mme Réjane, et ce portrait du
maréchal Lefebvre, gravé par Charon d'après Martinet,
évoque le beau soldat triomphant de Mad<twe ~o~M-
Gêne.
Des livres, des estampes, des intimités de Debucour
ou de Bailly, des Raffet, des Ve:'net, des Lataisse, et
voilà tous les rayons et les cartons vidés et la collec-
tion amassée durant des années jetée là sous le marteau
du commissaire-priseur.
J'aime mieux la vente après décès, la séparation est
moins dure. On a vécu jusqu'au dernier moment avec
les compagnons d'habitude, ceux qu'on a sous la main,
là poètes qui vous chantent encore les strophes de ta~1
vingtième année, ou philosophes qui vous consolent;
par la douceur, comme Vauvenargues, par l'amertume
même, fomme La Rochefoucauld. On a pu croire que
LAV!EAPARIS. 7T
~~ë~ffeotionsviagèresétaient éternelles.Je comprends
~a'zarinmoribondse faisant apporter sesœuvresd'art,
~S tableauxpréférés,pour les contemplerune dernière
bië.L'adieu Hnal) Mais comme,à tout prendre, rien
ëe qui est à nousne nous appartient, puisquetoutes
jg~Sïosesne durent qu'un temps, pourquoine pas assister,
son vivant, à cette vente qui, pour les collection-
~~Sëursde livres ou d'autographes commepour les col-
)j~ectionneursde diampnts, est l'apothéoseespérée?
;'M. Porel tente l'aventure. Il a raison. Et puis il vous
~~Mraque la vie l'y contraint. Elleest irritante, la vie, et
~n'juste et cruelle.Personne au monde, même les plus
~~fàvorisésen apparence, ne sait commentelle finira. Le
Sp<][ernieracte (ce n'est pas un auteur dramatique qui
dit) est toujours maussade. Sanglant, dit cet autre.
Et a'il a le chagrin de voir ses chers livres passer en
~autres mains, eh bien, M. Porel se consolera en se
~tdisant quecesont desbibliophilesqui profiteront de sa
~Mibuophilie,et qu'aprèstout, pour sonjeune habitué
matinées classiques, il est encored'âge à former
~~H).e'bibliothèquenouvelle,si le cœur lui en dit 1
~~yM. Perrin, le fils de l'éminent administrateur, a,
~~pour la Comédie,formé, lui, le très intéressant projet
~ofïrir au théâtre, un jour, la collectioncomplète de
~~haque édition princeps de toutes les pièces que son
~~b~re' 6t représenter durant son brillant passage au
~hë&tre-Français oui, toutes, lesancienneset les nou-
i~~eUea,depuisleCid, je seppose, jusqu'à Denise.
~~S~'VoHà une admirable idée de bibliophile généreux.
~~t, Perrinfils cherche ainsi, poursuit commeun chas-
B~&eur,tes éditionsrares. I! entend que toute piècejouée7
`
74 LA vm A PARIS.
par Emile Perrin, Marivaux ou Meilhac,soit r&pré-aentée par son édition originale. Et il est à 'I'aS&t{~des occasions. Il se voue à cette tâche difficile.Hse donne-amsi un but déterminé, digne du nom qu'it
porte. Je regrette de le trahir, mais je tiens à la
remercier. ,iEt parmi les piècesque possèdel'héritier de l'admi
nistrateur, celles de Dumas, parait-il, ont un attrait.tout particulier. Pour Emile Perrin, son ami, Dumas
écrivait de véritables avant-propos, très amusants et
très longs, des préfaces de préfaces, si je puis dire.H
mettait en son ex dono, son envoi et remerciement,
quelque détail inédit. Il se plaisait à oiïrir unecuriosité
àson collaborateur.
C'est ainsi qu'en tête de sa comédie de De~Mei!
racontait l'histoire, établissait la généalogiedes Bar- {~dannes (le héros de la pièce)et s'amusait mêmeà des-
siner le blason de la famille,commelepoèteF. deGra-mont le faisait pour les personnagesde Balzac.
J'adore ceslivres ainsi enrichisde ces «curiosités?
médites. Hssont, avec les livres de provenanceshia-
toriques, ceux qui m'attirent avant tous les autres. ;i~
Lorsque M. Hanotaux trouve pour dix sous, sur les
quais, un exemplaire des;Commentairesde César,pro-
venant de laMMiotMquede NapoléonàSainte-Hélène,
il peut se vanter de n'avoir point perdu sa journée. Î~
Quand M.Jecomte PrimoH, .lettré jusqu'aux ongles,~découvre dans l'arrière-boutique d'un cabinet de lec- S
ture de Civita-Vecchiatous les ouvrages de Stendhat
annotés et commentéspar H. Beylelui-même, il peut'
dire avec raison que cette seuletrouvaille lui oonati-
LAVtEAPARtS. 75
~tùeralt une bibliothèque admirable, s'il n'avait pas
~~S~àutres livres précieux.4"
Ceslivres annotés constituent des documentsincom-
~~S!'paral)!es. Sainte-Beuve grinonnait ses observations
~tursives en margede sesvolumes. M.Ludovic Halévy
possède plus d'un, et ces notules sont comme les
j~~r miettes savoureusesd'une Causerie Lundi. Je puis,
'en mon exemplaire de Cicéron, annoté par Camille
~~t,$~Besmou)ins,suivre le travail de la pensée du futur
auteur du Vieux Cordelier; le cousin de l'écrivain,
~M.Matton (deVervins),qui me donna ce livre, me di-
sait-Ce sont là lesbalbutiements deCamille.
J'ai tenu entre les mains un Aristophane,texte grec,
~~S<;ui appartient à M. le professeurCharlesRichet et que
Oh!pourl'amourdu.grec.
~~&&Racine a couvert d'observations en grec.
Et cette étude, très serrée, d'Aristophane explique
humeur comiquede l'auteur des Plaideurs.Cette pré-
p~ helléniqueaboutit à cet éclat de rire gaulois.
~S*' Les livres, qui ont leurs destins,ont leurs ironies.Je
~possède un volumequi appartint à Honoré de Balzac,
~colier au collège de Vendôme. Or, quel est ce'vade-
~necum du futur bâtisseur géant de la Comédiehu-
~tOMe'?'
~– LaMoraleeno':<caw..
R~ Nucingen,Vautrin, Rastignacen euaeent
)~s,~uri volontiers.
assezmtéressant d'econstaterque les comédiens
`
~ment les livres, les collectionnentvolontiers, et que,
LA VIE A PARIS.~76
dans les catalogues de ventes d'actrices, une partie
plus ou moins importante est consacrée à la bibUo-?
philie. Est-ce bien de la bibliophilie?C'est du goût `~
tout au moins,un certain goût. Lesventes deMllesDu-~
verger, Léonide Leblanc, Wanda de Boncza conte-
naient des livres de choix, avec dédicaces souvent i
piquantes des façons de déclarationssous formede
dédicaces.Les livres de la Claironportent sur le platson nom même «MlleClairon )). EHeavait non seule- iment un boudoir, mais un «cabinet » j'entends des
estampes, des livres à figures.Et Rachel Lorsqu'on vendit sa bibliothèque, au.
no 9 de la place Royale, en avril 1858,on se disputa :ïcommedesreliquesses livres,lesromansde Dumas,de
Sandeau, d'EugèneSue et aussiet surtout les ~fettrM
à l'usage de Paris (imprimées par Antonin Nérard'-
en 1510) car, ce qu'on ignore, Rachel,au moment de
mourir,youlait, dit-on, se faire catholique. Un jeuneofficierdemarine,très pieux et très éprisà la fois,avait!'r
déterminécette conversionque le hasardseulempêcha `II y a même là commeune façon de post-scriptum
Polyeucteque je conterai un jour.Ces livres de MlleRachel atteignirent des prix inat-~
tendus. On multiplia hs enchères sur les pièces da.~
théâtre avec les piquants et caressants «envois xde~auteurs, Augier, Ponsard, Jules Lacroix, La To<D~
Saint-Ybars, Enùle Deschamps,Legouvé,mais, avan~
toutes, sur les piècesqui avaient servi à l'étude dese'a§rôles.
C'est là qu'on put constaterce fait incroyabta; f,~
Rachel marquait de coups d'ongle ou de ''oups fJS
LAV!EAPAR!S. 77
7.
crayon les scènes où figurait le personnage qu'elle
~moarnait, les tirades ou les répliques qu'elle avait à
~~gx apprendre. Mais visiblementtes autres feuillets de la
~B pièce demeurés intacts n'avaient pas été lus. Elle se
souciait fort peu de la pièce. Elle ne s'inquiétait que de
~aon rôle.
a~~`;` L'exemplaire du Cid, ainsi, souligné par elle, fut
vendu 575francs,Phèdre1 200francs,AdrienneLecou-
CMMr1 250francs.
<~~` Les livres classiquesde M. Got eurent une fortune
.'moinséclatante. La vente de Giboyer fut plus calme
~~f;)quecelle de Chimène.Livres grecs,livres latins, et la
~g~-collectionmêmedes classiquesfrançais de Lefèvre sur
~S! papier vélin, reliée par Thouvenin lui-même, collec-
tionnés dans le « logis du hameau Boulainyilliers
g È!~livressévèreset solides,n'atteignirent pas ces prix-là.
j~ la bibliothèquede Bressant MadeleineBrohan lui
~rachetait pour l'offrir à la Comédie-Française
~~$ë l'édition originale du Misanthrope.
~° Tous cesgensde théâtre, auteurs oucomédien?,sont
~ëdosfanatiques du papier imprimé, des amoureux du
~Slivre. Talma, dans sa maisonde la rue de la Tour-des-
~Dames, au n° 9, entassait les livres graves, théologie,
~SjjUfisprudehce,les' ouvragesd'art et de science,d'his-
toiresurtout. Ne disait-ilpas qu'un acteur tragique est
~un. historien vivant?t
– Je fais mieux 'tue racoai.er l'histoire romaine,
~S~imoncher, je la ressuscite1
~~&Lepropos est un peu fier, mais il est juste. Et sur
623 numéros du catalogue de sa vente, 351 sont
~consacrés à l'histoire, 43 seulement au théâtre. Peut-
LAVFEAPARtS.~\78'
être, hors des coulisses,Talma voulait-il oublier,les
planehes.Le comiqueGrassot, cher à la génération qui n'ouaa.
précédés,fut un bibliophile,commelevieux et spirituel
Lassouche, le baron Bouquin de Lassouche,nompré~destiné, l'est encore Pixérécourt,le Corneilledes bou-
levards, GuUbert de Pixérécourt, l'homme des noirs
mélodrames, était un délicat ami des livres. C'est lui
qui, sur son ex libris, écrivait
Unlivreestunamiquinechangejamais
Et Samsonet Siraudin et Francisquejeune qui céda ..isa bibliothèquethéâtrale a laSociétédesauteursdrama-
tiques moyennant une rente viagère et un logementet jadis Oazincourt,La Rive,MlleContât,MlleGeorge,Régnier pour ne parler que des morts, car je n'oa-blierais point, si je citais les vivants, l'excellent Péri-
caud, de h Potte-Saint-Mftrtin,qui possèdeune éton-nante collectiondepiècesdetMâtro–tousces acteurs,toutes cesactricesfurent aussi, à des degrésdivers,desfervents du !i,vre.
M. Poret avait pris modèle sur le « patronf Ijepatron, c'est Molière.Molièreaimait les livres, commeles chérissait aussi Baron; qui en avait dôme cents aumoi. As'plus que lui L&fsqa'onfit l'inventaire, du13au 20mars 1673, il y a deux cent trente-troa ama~tout juste, –après le décèsde Molière,on trouva chez.;le fondateur de la Comédie267volumesm-folio,in-4?~m-8°,in-')i2 ou in-16, la Bible, Plutarque, Virgile, Ju-~vénal, Térenoe, Hérodote, Lucien, Tite-Life, Mon
taigne,Guezde Balzac,Corneille,etuef)!tvBes!d'hist<nr~
LAVtEÂPAR!S. 79~
~dë philosophie, de poésie,des comédiesfrançaises,ita-
~Hennés et espagnoles,pauvres bouquins qu'on achète-
r~it au poids de l'or aujourd'hui (mêmes'ils ne conte- 'S
naient pas une signature de Molière) et qui furent ):;
priséstout juste 174livres.
Je ne vois pas Rabelais dans la liste, et pourtant ~Jl'auteur du Mariageforcéavait lu PaKMrge. x
Labibliothéque deMolièren'enrichit point saveuve. .y
i Les308numérosde la bibliothèquedeM.Porel attein-
dront.j~ pense, des prix supérieurs, et il serait curieux
que ce fût Mlle Bartet, sociétaire du Livre contem-
porain, ou MM.Truffier et Leloir, sociétairesbiblïo-
r philesde la Comédie-Française,qui fissent monter les
enchèrea de cette vente du directeur du Vaudeville. ':g5;
VII
Courrières.– LepaysdeJulesBreton.– Lesidyt)eset)edésastre.– Leprogrès.– Laguerreetletravail.– Lapitiénaîtdal'horreurmême.–Unlecteurmoraliste.– AproposdeMmeMerelli.DutempsdeLouis-Philippe.– NinaLassave.–
MortdeM.deChirac.– LeThéâtreRéaUste.– Unsouvenir'S~duThéâtrede!aruedelaSanté.– ÉtienneCarjatetlessoiréesdu.BoM~caKf. ~K)~~
16Mars. ~5'~
Lorsqu'àtravers!abrume,ôplainedeCourriere ~~ML'ombremonteauctocherdansl'airbrunidusoir, ~~SQues'inclinenttesb!éscommepourlaprière T~~SEtquetonmaraisfume,immobileencensoir S~MQuandreviennentdesbordstieurisdelarivière, ~t~PortantleMngefraisqu'at~tanchi!elavoir, <S~TesnHes,lefrontceintd'unnimbedeiumière, ~SJen'imagineriendepluscharmantàvoir. y~~S
C'est!epeintredesmoissonneuses,desglaneusesoudeasajdeusesdeoecoindec'est la poète~rustiquedesCAaMpset dela.Mer,c'estJulesBretonquichantesonvillagenatal,ceCourrièresdontHatant~g~gdefoiscampésur!atoite,célèbredanssesverslesbeUes§~~jnnessondeset fraîches,
CourrièresfutpourJulesBretontaterreinspiratrice,II aimeseslinsMeus,sesjaunescolzas,l'océandesesS.blés
J'àtmemonvieHArtpbaux'pIainesinnnies.
LAV!EAPAR!S.
%? de ses onclesavait conté l'histoire de Courriéres. ?
~~Son frère, fidèleau pays, avait aussi demandé au petit
~village desmotifs de paysage pour sespinceaux. Nous .?§
B~s ne connaissionsCourrièresque parce que ces peintres-
~~poétes l'avaient illustré. Et voilà que le vent de mort'
f!e désastre, passe sur la terre heureuse.Au lieu de ce
retour des moissonneuseshâlées et rieuses, au soleil
'couché, c'est le noir dénié des orphelinset des veuvess§' rentrant dans la maison dont la mort a pris le chef.
EHes sont loin, vos égtogues,ô Jules Breton t vieux
~$ peintre de Courrières. Et quand, en vos récits, vous
nous racontiez les tristesses des orages s'abattant
S~ sur le pays, la trombe arrachant les arbres, dévas-
tant les blés, et les paysans désolésvous disant
«Courriéres est ruiné il n'y a plus un épi debout,
plus une vitre aux maisons qu'était cela comparé-au désespoir farouche qui vient de fondre sur votre <
pg Courriéres «enveloppéde brumes dont l'aube fait des
~perles a?
i~~ Gomment parler d'autre chose? Comment évoquer K~
d'autres images?La pensée est hypnotiséepar ce mot,
poétique hier, lugubre aujourd'hui :Coumère3. 'i~Ce qui est sinistre et ce qui déconcertaen Je telles i~Stx,
Catas~ophes, c'est la constatation mathématiquement j'j~S
~K~faite que la grandeur du malheur naît du progrès
B~ntême et des améliorationsapportées par ta science.
~~semMe que, par une atroce ironie, b sort se plaise & i~
les désastressur les améliorationsnéesdes in-
~S~'veintions humaines..Les galëries~modéles préservagS~~nombro considérabled'exjstences. jusqu'au jour..où
~~â'~Mea'.multiplient;les .victimes..L'électricité doit tout:
'82' LA VtE ~PARtS.
naturellement supprimer les causes d'incendie elle
les rend plus fréquentes,semble-t-il.Plus d~explosions
de gaz, mais descourts-circuits.
L'automobilisme double, quadruple, décuple l'in-
tensité de la vie humaine. Mais il est le danger per-
manent, et, à tous les carrefours, la mort passe. On
invente, pour défendre les patries, des canons extra-
ordinaires,merveilleux,et dont un seulvaut un batail-'
Ion serré. Oui, mais, commepar un effrayant mouve-
ment d'arrosoir, des régiments entiers peuvent être
fauchés en trois minutes, et le progrès,déjà redoutable
dans les œuvresde paix, devient en temps deguerreun
épouvantable mangeurd'hommes.Rien de plus admi-
rable et, en apparence, de plus redoutable qu'un cui-
rassé, forteresse mouvante qui prend la mer. Mais
toute cette puissances'engloutit en un instant comme
un caillou qu'un enfant jetterait au flot. Le progrès
n'a servi qu'à supprimer une garnison tout entière
en une seconde.
Ainsi lés catastrophes, commeles batailles, suivent
la marche de ce progrès qui montre bien qu'à la mort
il faut son compte.C'est nné terrible teneusede livres.
On lui dispute sa proie en combattant la tuberculose,
l'alcoolisme-– quesais-je? Elle se rattrape enfrappant
quelque grand coup qui'lui rend ce qu'on lui arrache.
Qu'est-ce que le désastre de Montceàu-Ies-Mmes,il y
a onze ans, comparéà l'épouvante de Courrières?
Et peut-être –ce qui .n'est ni consolantni rassurant
– les épreuves à veur, désastres de l'industrie, égor-
gements de la guerre, saivpont-elle~la marche ascen-
dante d~ce qu"onappelleavectant de<!eï'téle Progréa.
LAyiBAPABtS. ''8~
ï n'y a pas à le nier, le Progrès.,la.Sciencemarchent,et qui ne le constaterait point serait aveugle. Maisit
~fast.avouer que ce Progrès prélève parfois un lourd
escomptesur l'humanité, sa cliente. Il réclame – ou
~'plutôt non, il touche avec une brutalité irritante son,
tant pour cent sur les innovations qu'il apporte.'Pauvres gens que nous sommes, nous aurons beau
rêver, réaliser même en partie le bonheur auquel il:semble 'bien que nous ayons droit puisqu'on nous a
Migé la peine de naître il y aura toujours des mar-? tyrs. Toujours les otages du labeur ou, du malheur
~tomberont sous les coups d'une destinée implacable.Maisdu moins ces catastrophes iniques, révoltantes,
font naître ou renaître les sentiments de solidarité et.:'de pitié qui doivent être le fond même de l'âme hu-
maine. Et les plus indifférents s'arrêtent devant ces
puits où s'entassent les cadavres comme devant des
r gouSres entr'ouverts soudain et les visages effarésdes heureuxsepenchentsur ces tragiques réalités quisont purement et simplement des enfers avec des ?
damnés ou.des condamnés au fond.
condamnés? Mettons des soldats tout simple-ment. Des soldats du devoir et de la tâche qûoti- :ëdienne. Dessoldats qui ontà nourrirfemmeset enfants
ftt qui tontleur métiercommele marin la mer, comme '$Jle plombiersur le toit, ~ommetous ces mUlionset ces~
~<MiM!on8de fourmis humaines cherchant leur jiourri- Sj~
~tHre sur la terre dure et s'entre-tuant parfois pour ,~s~UBeSotte de boue ou un morceau S:S~
Ë~~1(; Demoucheoudé,vermisseau. “ A~
S!
LA VIE A PARIS.84
D'ailleurs, toute l'horrible vision de ces scèneslu-gubres, multipliées par les photographies, les clichésdes journaux, bientôt les cartes postales, n'auraempêché ni la préparation des cavalcadesde la mi-
carême,ni l'arrivée desreines de lavoirsitaliensoucas-tillans. C'estextraordinaire,lebesoinqu'on ades'étour-dir quandmême.Misère,grève,peste peut-être à cesmots funèbres un autre mot répond mascarade.
Le drame de Courrièresaura pourtant remu à leurplan certaines «actualités )),par exemple les débutslittéraires de MmeMerelliet les projets artistiques decette héroïne qui semble visiblement choyée par lapresse.
Un de mes lecteurs, il doit avoir des cheveuxblancs et ne pas comprendre tout ce qu'il y a de para-doxal, évidemment, d'ironique et de stupéfiant, maisd'amusant aussi, on l'avouera, en ce temps où nousvivons, un lecteur indigné m'a même supplié deprendre la parole pour protester, me dit-il, contre çaqu'il y a de désolant dans l'exploitation immédiated'un scandale, la publication de ces Mémoiresou deces romans d'héroïnes de cours d'assises,et le terrible
exemple ainsi donné, commedisait Desgenais, aux«honnêtes femmesqui vont à pied».
La citation de Desgenais me donnerait facilementl'acte de naissancede mon correspondant. Desgenaisest le moraliste un peu tapageur d'un tempsdisparu.Il s'irritait contre tes fillesde marbre. Il appelaitdéj&à iles Parisiens de son temps Parisiens de la décadence. :iH eût certamement fulminé contre la littérature deMme Merelliet l'e~nibttioind~MHeMarMAudo.venant
LA VIE A PARIS. 85
8"
raconterses propres aventures en chantant un ron-
deausur un petit théâtre.
~J'avoue que je l'ai vue et entendue, Mlle Marie
Audo, et qu'eUe m'a prouvé, une fois de plus, queM:?'dans toute femmeintelligente il y a une actrice pas-
S~sable. Je ne dis pas une Rachel ni une MlleMars.Mais
visiblement,unefemmequi n'est pointtrop gauchepeut
(donner facilement l'illusion d'être une comédienne.
~g~MarieAudo se présentait bien, chantait bien, et en
~S,: vérité on se demande si la comédien'est pas le rôtotout naturel de la iemme.Je nedis pasd'impertinence,
je vousprie de le croire.
'Quant à s'indigner à propos de la nouvelle donnée
tpar les journaux qu'un nombre considérabled'auteurs
~~dramatiques (ce n'est ni Sardou ni Hervieu) et un
~ndmbre égal d'impresarii se seraient précipités chez
~~Mme Merelli pour lui offrir des rôles et des engage-
~~tnents, non, je ne peux pas m'indigner. Quemon vieux
teoteur fidèleme le pardonne. La curiosité publique a
~~tOujours aimé les phénomènes. Les impresarii ont en
~tout temps spéculésur les renomméestapageuses.
règne deLouis-PhiMppen'a pas laissé le Souvenir
~<l'uise époque de dépravation' éperdue, malgré les
~apéties de tord Seymour et les descentes légendaires
~e !a Courtiile. Et pourtant, c'est à l'heure où ie roi
~0:urgeois logeait auxTuileries qu'on exhibait, dans
~t!)k caféduboulevard, l'héroïne d'un procèahistoriqué,
~màitresse de FiescM, Nina Lassave, transforméeende comptoir que tout Paris aHaitcontempteren
~yant a~patron du café leacdnsommatiottsmajorées.à ne vendait ni photographiesni cartes postales de
88 LA VIE A PAR:S.
Nina Lassave, et pour cause, mais on publiaitson portrait lithographie et on l'étatait à la vitrine desmarchands de gravures. Rien de nouveau sous lesoleilpajisien. Toujours la fouleest accouruelorsquede quelquecarrefour de la cité s'est dégageun fumet'de scandale. Nousne valons pas mieux que nos pèresmais peut-être, en dépit de bien des constatations
améres, ne valons-nous pas beaucoup moins qu'eux.Et Nina Lassave était laide, affreusementlaide, ce
qui ajoutait un caractère assez repoussant à Fexhi- ;Nbition. Elle n'avait même pas cette circonstanceatté-
nuante, la séduction. Maisquoi elle avait cet attrait
morbide, ce parfum de cour d'assises qui, paraît-i!,est irrésistible.Je ne sais mêmepfs si la compagnede .i~Fieschi, maritornedu crime, ou du moins du criminel,ne fut pas,ayant continuéde s'exhiberà Londresaprès.avoir été demandéeen mariage à Paris, épousée parquelque Anglais facétieux. Le Constitutionnelayantun -jour raconté qu'elle était morte après avoir fini, Spar chanter dans les rues, deuxdamesse présentèrentaux bureaux du journal. La plus jeune dit, en préseït- ,i~tant l'autre « A~a:mère o Et la mère ajouta K~« MaËUé,quevoici,loind'être morte et d'être pauvre,est mariée, bien mariée, et mère de famille. J'espèreque vous allezpublier une rectification ')» S~
Bt~e.CoM(:(tt<MMK~reotina. -S~L'histoire de Nina Lasaayedoit, j'imagine, oaImer!~M
un peu l'irritation de moncorrespondant. MoraHstc~~indigné, qu'il impose, s'il est possible, une oerta.iBsS~téaignatiom~aaphi!osophieamère.Qu'il sedise que !e9~~bra-vesgensseromttoujours sacnnés aux habileset que~~
LAVrEAPARfS. S'7
le' plus sûr moyen d'attirer l'attention est encore de
tirer un coup de pistolet. Il en fut toujours ainsi
depuis cet arriviste qui, pour se faire une réclame
auprès de ses contemporains,brûla, dit-on, le templej d'Ephèse.
D'ailleurs, l'agréable profil de Mme Merelli sur lacouverture d'un livre console de la déception causée
,par le volume. Et,tout de même cette élève de Max
Muller, éprise du bouddhisme autant que pouvaitl'être un Barthélemy Saint'HHaire, n'a rien dans sa
personne et dans ses ambitions artistiques de ce
qu'avait, par exemple, le scandaleuxM.de Chirac, lecréateur du « Théâtre Réaliste », dont la mort, à
Nemours,enplein théâtre, a vraiment quelquechosede
fatidique.Cet inventeur de piècesobscènes,jouant je ne sais
quelle horreur intitulée la Morgueet mourant sur les
planchesen simulant un accès de delirium tremens,
;~aganMFéeUese substituant à l'agoniefactice,le,hoquett'nnal arrivant là commeun tragique « jeu,de scène ?
cela est si dramatique en vérité qu'au théâtre on
~crierait à l'invraisemblance, et que je me demande si
les nouvellistes ont dit vrai: Ils se trompent et nous
~trompent quelquefois,les nouvellistes,
C'était, ce M. de Chirac, un maniaque de pomogra~-~phie,sctentinquementummalade. Et de sot répertoire'scandaleux il avait la prétention de faire unapostolat.
~J'ai là de cedéséquilibréune invitation à larepréaent-Mation d'une tragédie qu'il intitulait~ Ves~. Birec-~ëHpde théâtre, Ml'adressait tout nàtureIlenMmta; eelui
qu'il apipelait "mon ohm' coMegae'). UneîndicatMm
88 LAVtEAPARÏS.
du programme mérite d'être conservéepour l'histoira~~
des aberrations au théâtre. "S«Au deuxièmeacte, disait le prospectus,un soldat
romain viole, en scène, une jeune vestale. »
Et M. de Chirac ajoutait– Je seraice Romain
Il ne fut pas ce Romain. La représentation n'eut
point lieu. La police ferma le prétendu théâtre. Et
l'auteur-acteur continua à errer dans les banlieueset
les départements, promenant partout des atlichesaux $$$« boniments » incroyables, sorte de Ragotin de la
4i;:i
pornographie, jusqu'au jour où la mort arrêta en che-min le pauvre diable dont les inventions relevaient
beaucoup moins de ~a critique littéraire que de !a §M
~M; médecinementale.
Ah l'admirable livre de Trélat sur les frontières
de la folie M. le professeur J. Grasset nous pariait?? excellemment,l'autre jour, decesdétraqués,neurasthé- 'ii~
B~ niques, persécutés,demi-fouset non responsables,qui
~c/ pullulent dans la sociétéactuelle,commedans les bas-
fonds où Gorki étudie ses névrosés. Les demi-fous
~S' comme les demi-talents sont la plaie de tous les arts.H en est qui ne sont que désagréables,et leur impor-tunité n'est alors qu'un 'demi-mat.Il enest d'autres, au;~j~contraire, dont l'action e3t funeste.
&~ M.dé Chiracfut un demi-fouqui ne fit point le mal&~M''demi.Et~d'abordà lui-même.Il est mort de sa dem~S~foHe.~
~y;''Jesais bien qu'on aurait pu adresserle reproche.de~~B~g~~ .sadisme,dramatique, très mérité par le fondateuridu~~t
pseudo-Thé&treRéaUst. à tel théâtre artistique dOttS~
LA VIE À PARIS..88~S
'8.
le bon Etienne Carjat fut, je croisbien, un des dessi-
nàteurs,et qui s'appelait le «Théâtre de la rue de la
Santé ». Mais cette sorte de théâtre de marionnettes,d'où naquirent peut-être les puppazzi deLemercierde
Neuville, aïeux des maquettes animéesde M. Georges M
Bertrand, ce « Théâtre de la rue de la Santé »,dont ?
'PouIet-Matassis publia sous le manteau le répertoire, ?'
était un théâtre de poètes,discret et secret,où ne péné- S
traient que les familiers, les rimeurs faisant l'école
buissonnière.
La farce, même débridée, n'est point l'ordure.
~médée Rolland, Jean du Boys, Albert Glatigny don-
naient à ce « Théâtre de la rue de la Santé » des
~œuvres folles qui ressemblaient à des atellanes `~
en pleine liberté. Le Scapin hommeconciliant,de Gla-
tigny, fut ensongenreun chef-d'œuvre,et le pauvre du S
Boys (un poète trop oublié)montrait cent fois plus de
talent dans ses drôleriesdu «Théâtre Erctique »que
~lorsqu'il aborda, deblanc cravaté, la scènede la Corné-
ydie-Frajiçaise.. /S
~'rout ce monde disparu, CharlesBataille, Monselet,
~Rolland, trouvait un asiledans le Boulevard,de Carjat,
~ua artistique petit journal dont chaquenuméro conte- ~~Snàit la caricature d'un contemporainau crayon Htho- ~&
graphique, une « charge»signéedu directeur. Garjat~
continuait Nadar.Hétait populaire, aimable,tutoyant S~S
~tout Paris, tutoyé de..toutes Ies'~oires.,Se9)'écep-ïtions, rue PigaUeourue Nbtre-Dame-de-Ijorette,dans ~S
Quelque jardinet-continuant son atelier de photogra- ~~gSpRie, étajent courueso<)mmepeut rêtrë un nYpo'eIo~
~u-FtgafO.Être invité chez''Carjat'constituait une.dë:
LA VUSA PARtS.~98
ces bonnes fortunes pour lesquelles on fait des bas-sesses.
C'est qu'en vérité on entendait là, sous les,arbrestUuminés de lanternes chinoises, les premiers comé-
diens, les plus illustres chanteurs de Paris. Coquelinaîné, à<peine échappé du Conservatoire,y venait direle monologuedu Mariagede Figaro entre une chansonde Pierre Dupont dite par Darcier,et le Noëld'Adam,chanté par le ténor Renard. Rouvière, aussi maigreque Renard, récitait là .Ha~e! en pleinair et deboutdevant un tonneau de bière, pareil à Gambrinus lui-
même, Courbet, le vaste Courbet,.émettait quelquethéorie stupéfiante, blaguait Cabanel ou rëpétattquelque refrain de son pays avec son accent franc-
comtois.
Jeune; ardent, l'œit malade, ta voix chaude; entrat-
nante, Gambetta le Gambette de la veille duprocèsBa.udin'–racontait d'un ton, indignéla séancede la
Chambre, les parolesdJeRoNher;et mimait la répliquede Jules Favre « rivant son clou au vice-empereur)'.
11'yeutun«salonCarjat)',si.iepuis dire, qui futun
saion en pleiniair, bonenfant ettamiJier, dontquelques)boie!tsdëMëre faisaient,tous,les;frais et,dont l'attrait
pnhGipa!était Fespcit dépensélà.et,la poignéede main
tendre. Ee salomd!")in temp9de;camaraderiesans poseeWqMi'étonm'efatt;je pense;,lisemélancoliesd'aujou!d~hui. ME)npas' qu'on' nws'y égMtignât point:lëgëre'-nient. B&n~iU~d~ns un' oom souriait et son sourme
a~ait de~-mMice~Monsèlët regardait et son œi!iapec'-?cevait les ridicutës dëprièieesesi lûnettest Deivau.et
A1)ph~naeDaChesne'prëpaBaient là leurs ~,e<&'M<&$
LAVrEAPARIS. .9Î'
jKMws.Et Vallès,le timbre terrible, disait en riant
«Soyons navrants ))
P Mais Carjat passait on le saluait du refrain d'ato-
Mer:Tiens,voilàCarjatOui,voilàCarjatt
sur l'air de VotMmoKcasHr. t
Souffrant, je n'ai pu conduire à son dernier asile le
camarade d'autrefois, poète à ses heures, artiste tou-
jpms, serviable et bon,et c'est de Loinque je lui. envoieun souvenir, pendant que par la penséeji'entreToisdufond de ma chambre ces autres tombes, les longuesfossessinistresdeCourrièresque contemplent,hébétés,sousla neige épaisse,les veuves et les orphelins. ?
VIIIf~
L' âgede la médaille Un motdu professeurBallet.–Médailleset bustes. LafêtedeM.Mézières. Unsouvenir
J d'AugusteBarbier. Lamédaillede SullyPrudhomme.–' ;i~X AAulnay. ChezJ.-C.Chaplain. Unatelier. Lesvingt-cinqansd'unmédailleur. Lemédaillond'AiméeDesctëe.–Visitesd'amis. AquiChaplaindemandedesdevises. Unpeintrelatiniste M.F. Humbert. LamédailleetlejetondelaComédie-Française.L'âgedelamédaillepourChaptain.j S
23 Mars. "S
Le professeurGilbert Ballet eut, un soir, en portant :~Sun toast à son ami le Dr Vallon, échappé au couteau 4i'~d'un fou, une définition charmante de ce qu'on pour- ''Srait regarder comme l'âge critique des gens célèbres. 8'~Il diagnostiqua et décrivit les symptômes de t'<<âge r~`~de la médaiUe»,quiest un peuceluide l'artériosclérose.
L'âge ingrat, dirait Pailleron, si ce n'était l'âge triom-·
phal. <r.;?yB!? <L' «âge de la médaiUe» correspondà ce moment'de ~M~
la vie d'un hommeillustreoù leshommagesdescontem-g
?& porains se confondent avec les admirations un peù~impatientes des nouveauxvenus. Il y a de l'an'ection'
~faite, d'esthh~~t'de~reco!inaissanGechez lespremiers~i~~S!H,y.-a de~à,.véhé~ationlégèrement narquoise chez !ètSS~
que ~l'hômmei:
~jarrivë ~âge de"!a Tnédail!e frise'ie moment'il,
LA VÏE ÀPARtS.
pourra poser sa candidature à la statue, c'est-à-direoù il se décidera (c'était le mot de Victor Hugo) à
désencombrerson siècle x.C'est presquela vieillesse,l'âge de la médaiHe, et les admirateurs des vieux
murmurent tout bas, en les mëdaillant <tPlace aux
jeunes)o»
La médaille,c'est un acomptesur la postérité. C'estune quasi-certitude de la survivance. Un profil de
Chaplain ou de Roty est un passeport, bronze ou
argent, pour l'avenir. Et j'aime cette façon de fixer, àun âge où le savant, l'écrivain ou le peintre est militant
encore, les traits de celuique ses amisveulent honorer.Tout le monde ne saurait prétendre à un monumentsur !a place publique. Mais on peut, sans être tropambitieux, rêver un coin discret dans un médaUUer
intime. C'est de la gloire de pénombre qui n'offusquepersonne et n'encombrepas les cités.
Puis il y a aussi le buste qui est une façonde glori-fication amicale,un hommageplus discretque la statue,
§~~ Change le foyer en Panthéon famiuer. Les Jour-
~s parisiens ont eu, dimanche,!a pensée délicate
et Charmanted'offrir &Murprésident, !eur président
~depuis un quart de siècle, son buste enmarbre,et j'ai
~eu;!eohagrm de ne pouvoirdire en ce banquet &nbtre~
:n'Alfred MéjHérestoute ma reconnaissanteanectiontdiable soit de~a grippequi supprimeles sorties du
J' ~S~~ai~qucatM.été~Mt~ v'
~ct~.en.~b~~Iesi.sa!~ ~n vèrà ont .ftirt'
~M~t~ompagn~T~ise;~o/~
~~t~arnMnt~hon~ ~nnaissë~~Qn~~
LAVtSABARI.S.~94'
cêlébfs sondévouementà uneassociationdont il.a;faitsa famine, on a dit son talent, son obligeanceet sahanté. J'aurais voulu rappeler combience « sénateurde ta frontière )) était aimé et populaire en son pays.Je l'ai vu, Idrsde l'anniversaire de Gravelotte,entoura,:à Mars-la-Tour, d'une sorte de vénération cordiale,patriarche toujours jeune, passant en souriant parmioes populations lorrainesqui le saluaient avec un rea.
pect amical.
Je le quittai au moment d'aller à Metzoù, près de larue du Pont-des-Morts, j'ai passé devant sa maisonnatale. Commeil: a évoqué, avec le charme des péné-trants souvenirs, ces premièresannées, le calme heu-reux de cette vie d'autrefois au pays messin) Att
temps passé écrit-il sur la.couverture de son dernierlivre. H pourrait écrire– et il écrira– un autre vo-
lume, intitulée M<i°mp$pr~Mt/, et quine sera pasmomsrione, s'il ose tout dire, en dévouement et en
bonnes)actions.Car je suis un peude l'avis du grandpoète dont jeipaplais tout à'l'heure. <(C'est&sa bonté
que je mesure un homm< répétait Hugo. ILest très
glorieux d'être grand, ? est peut-êtce meilleur d'êtra
bon. )) Lorsqu'il!y aune injustice préparer, une dé-`
marcheutile à' faire, unsecoursà donner,ta présidientr
des' J'ourKaIistes pa~ est toujours !&:M. Eùg&ne
Pttou' aeu! yaison' <)ëd~ as6o,ciation.étaifL,'poùrM.Méziêreaune~
Mais, acad~mtcieme~sénateu~ AI&ed'MézieMana se
borne pa~ à rendre'sërvicp~~ Iilichenche
~és'pcGasions d'obitgor cë~-1~~de la paa~se~ rt ~Muta:btëntMiunxa~, la .R~Nw
,:i::'j:YV'
L'A'VtE A PARIS.
NaM, qui avait formé '!e projet très généreux de celé-
erle centenaire d'Auguste Barbier, rappelait qu'A!-
~~jfredMéziéresavait-'donné–outait
donner, ce qui
~i~ revientau même–au poète àtors un peu délaissé des~
7oM&Msa dernière joie, la réparation de trop longues
années d'oubli.
C'était M. Méziéres, disait-on, qui avait demandé
~f ~paur Auguste Barbier le bout de ruban rouge dont on
~K~iécore parfois un peu au hasard des boutonnières de
~j.guaHtés diverses.
Je voulussavoir
de notre amilui-mêmeles détails dee
~i~i'àventure, car je tiens avant toute chose, quand je ?
~~conte,à l'exactitude dans les faits. Mes -volumes ont
~a prétention d'être del'histoire de ta petite histoire-
~~M'on''veut.
t~ M.Alfred Méziéres avait bien été mêlé à cette .histoire
Ne !a « réparation d'honneur » faite à ,un poète admi-
~~f~ble. Maisles détaiJsdonnés n'étaient pas absolument $
j.e oehM que'seB'contfère9;reConRaissants fêtaient,
~;l'autre'soir,en.tûioffrant soH buste,'je reçus 'oette-
~ui~ts:montre ~out~ naturellement dana-l'exer--
~~Me~ses~(m~onsd'amtaHsadeur:dela~bont~
~t'r'.mi,'~ey~m~QS.
~ËP'P'MjB-Mii!.pas:Ia'BMM. je ~éi,iais,pu~
~S~.a"'eHea dit.,
Ma~pu~qn~yMs'voute~bien.tonte~l'aventure.
i~o~blériù!ét it,
~M.'M~~iou voui ~i
~~t~m~~fto~trop~ieux~
96 LAVtEAPARtS.
mouvement avait été d'écrire une lettre de refus. !) ne l'avait pas S
encorefait.maisiiseproposaitdel'écrire.Je compris tout de suite combien ce refus public serait désobfi-
géant pour M. Bardoux, qui avait pu se tromper, mais dont la Mbonne intention n'était pas douteuse. Je suppliai donc AugusteBarbier de ne donner aucune suite à ce projet et je lui fis promettre Nde ne rien faire avant de m'avoir revu.
Je connaissais l'extrême timidité de l'homme qui n'avait plus ?rien de l'audace des 7<!m~Met je pensai qu'une visite personneHe Sdu ministre de l'Instruction publique faite chez lui couperait court .?à toute pensée de refus. J'aHai.donc immédiatement chercherl'excellent M. Bardoux et je le conduisis chez Auguste Barbier,qui demeurait alors rue Jacob.
Cette démarche toucha profondément le noble poète. M. Bar- “doux sut y mettre la bonne grâce que vous lui connaissiez. Tous S'~deux s'embrassèrent et l'incident tut clos. ?'!
Le voilà, cher ami, dans sa simplicité nue. Vous y ajouterezvotre. Et tout sera pour le mieux.
Bien affectueusementvous,A. MÉZIÈRES. :v-
Non, je n'y ajouterai rien. Et dans ce petit fait, qui i~n'est pas un drame, je vois pourtant toute la'bonne é
grâce que M. Mézières trouvait avec raison chez ce i~tendre et charmant et profond Agénor Bardoux. On
juge un homme sur le moindre geste. Ce sont préci- S~`-;
sément les « menus faits )) qui, pour Stendhal, sont les S
documents décisifs.~9
J'ajoute que ce numéro du Journal 0//K-K-! dont ta
lecture irrita, un moment, fauteur des Iambes, m'ap-
porta cette joie de voir mon~nom imprimé au-dessous~
de celui d'Auguste Barbier, et sur la même colonne, ~Ë
après celui d'un poète inspiré, ami et admiration de ~Sma jeunesse, Sutty'Prudhomme.
Mais Alfred Mézières n'eut pas a intervenir pour quëS~M. Bardoux me doan&tt'acGotade. S~
Et voità aussi l'exquis Sully Prudhommeparvenu~
r<t~ge de la médaUte x, îtyaura tout à rheurevin~
~y~
LAV!EAPARtS.
'y'"9~
cinq ans qu'il succédait à l'Académie française àM. Duvergier de Hauranne. Il ne s'est point, depuis1881,reposé sur son fauteuil. Il a ajouté aux œuvrescharmantes les œuvres nobles et hautes. Il a, en atti-rant sur son front le rayonnement, l'admiration étran-
gère, donné à son pays la gloire de voir venir à lui le
prix Nobel. Il est resté poète un grand poète etil est devenu philosophe.
Cette philosophierésignée, il l'a mise en pratiquedans la façon doucement
héroïquedont il supporte lesmaux que l'ironiquenature se plait si souvent à nousinfliger.A Aulnay,dans sa maisondeschamps, devantses livres, face à face avec son œuvre, avec la pensiveimage de Pascal devant les yeux, il se consolede la
solitude par le labeur et aussi par le concert de sym-pathie, d'admiration et d'estime qui va.à lui. II trouve
~e tempsde lire les vers d'autrui~de feuilleter ces ma-
~nus~rits queuesnouveaux,avecangoisse,adressent aux
~tnattrea en mendiant un regard, un conseil,un appui.
~~Sonbeau visage apaisé, malgré la souffrance, est
~"nme celui d'un Heine qui, au lieu du sarcasme,gourait, une sérénité et une douceur. Et ses anus ont
~ou!u-Ûxer.sQa'traits dans une de ces médaiUes,qui~M"snt l'apothéose d'une renommée.Des poètes se
ji~on~reunis che~ ~oète, F)~ Coppée, et ont
à prop~du~quart de sie<~e
~~éMb~t'e~i~tëncetouten~èredH~o~ `,
~g~; Ïc~~totM~es~tait~eMMnt,'< ,¡, '~¡. ;>
!(~es~na~)~~tme~etj! `
~tK~M~ d 'oinme".daqssæ.
9S LAVtEAPARfS.
retraite laborieuse,'l'hommagedenosadmirationsdel~vingtièmeannéefortinéesdecette autre admirationdes i'~
générations nouvelles, qui sont comme une vivante fP
postérité.C'est à Jutes Chaplainque~'onademandélamédaille
de Sully Prudhomme,et Chaplain,pour graver le:pro-fil du poète, devra quitter son atelier de l'Institut etfaire le voyage d'Aulnay-sous-Bois,car l'autour de'h! `
ViM~cene se déplace plus guère. El vérité, Chaplainlui-même, le maître médailleur, arrive précisément~l'âge de la médaille,décrit par le 'B~Ballet. Il y:aurà $§vingt-cinq ana le9 avril qu'il étaitélu membrede'I'bts-
titut, lamêmeannée que SuDyPrudhomme,son futur tmodèle.91Buccédaità'GRtteaux'etprenait placevioto- S
rieusement, encore jeune, dans cette section de gra-vure dont il est maintenant le doyen, – un doyenvigoureux et ~lëin d'ardeur.
La vie a fait quej'ai passé, oncesderniersmois, dansl'atelier de Chaplain, des heures qui étaient pour moi sf~
des heuresde repos, –'loin de la lutte quotidienne,`
pour lui desheures de ttavail acharné. J'ai pu voir là ~S
ce qu'était ce mattre impeccabledans sonart et dan~ $~<a conscience.Quelquefois,le dimanche, lorsque les s~i
'portes des cours de l'Institut étant fermées et to~~ces grande bâtiments solennels et gris comme enve-
loppés desilence, je mecroyaisttransportéloin, bientloin-~
de Paris, dansquelquecoin de vilte morte. Brages, l~S
Bruges de Rodenbach. Et d3 v&guessons de cloches,~venus je nesaisd'où, ajoutaient à l'impression depai~et d'eloignement. Undimanche en province,& l'heur§~des-vêpres.
LA! VM-B A; E&RtS. ~9~'M,
L'atelier luirmême,avec ses bustes et ses esquisses,est: la; celluled'un Solitairevoue &son œuvre.Leades-
sins d'art, les moulagesde statues célèbres, les étudesou les:médailles aux proûls~des Médieis, Bapportéesd'Italie, remplacentIesaménagementa«modem style »
des artistes de haute vie. Ce fut l'atelier de M..Ingres;et ià, sous ce plafond bas, naquit ce chef-d'œuvre de
pureté et de vie, la ~oMree.
Les murailles n'ont pas encadre dans son labeur de
chaque jour artiste plus convaincu et plus- sévère.
Toujours à la tâche, acharné à cet idéal le mieux,
Chaplainpoursuit avec uneâpretévaillantele caractère
dfune physionomie,l'expressiond'un visage.Lesohefsrd'œuvre passéssont là, le médaillondeCharlesGarnier,celui de Hugo, la médaillede Got où, au revers, dans
une scène du .M~ecMtMo~gr~!m, revit, avecson archi-
tecture disparue, la scène, une partie de la scènede la
Comédie-Française.J'avise sur les murs un fin profil de femme, les:che-
veux au chignon tombant enveloppés'd'un fUet~un
pendant d'oreille descendant sur la joue, les narines
largement ouvertes,.la lèvre mé!anooliqu&et sensuelle
àlastois.
–Qu'est cela)– C'est AiméeDésolée.
Desclëe toute: jeutte, dors qu'elle faisait partie'dela compagnie MeynadMEet jouait le répeftoire de
Dumas Ms en Italie au'hasardf des routesMDésolée
? avantla gloire, mai%non pas avant'Ie talent. Besclée
qui était déjà Diane de Lys et qui allait bientôt être
Sfroufrou.
100 PARIS.'1-
– C'est mon premier médaillon,dit M. Chaplainen v
regardant le médaillonde plâtre. Je'l'ai fait à Florence,
pendant mes années de villa Médicis et de Rome.
Désoléeme parlait de son désir de visiter les musées~de voir les Ufnzzi.Mais, au fond, rien ne l'intéressait
que ses rôles. Ses Uffizzi, c'étaient les coulisses dp
théâtre où elle jouait.
Lui-même,M.Chaplain,il l'adore, ce théâtre qui lui
faisait en sa jeunesse passer de longues heures à la
c « queue »devant la Comédie-Françaisepour allervoir
Samson, Régnier,les Brohan.
Le temps de jeunesse) L'enfant deMortagne,devenu
K élève des Beaux-Arts, travaillait chez Jouffroy à ta
sculpture, chez Oudiné à la gravure.C'était l'heure où
le futur statuaire du buste de Joseph Bertrand une
? œuvre hors de pair– et le futur médailleurde tant de
;S profilsillustresgravait des têtes de renards ou de loups
? pour les boutons de vêtements de chasse de la maison~A
Geiger..Ces têtes d'animaux cerfs, louveteaux,sangliers
~$ – que connaissent bien les porteurs de livrées cyhé-
? gétiques, ellesétaient l'oeuvredu futur prix de Rome.
Chaplain faisait des boutons de vestes de chasse,
~S~ comme Daubigny ou Charles Jacque, avant leurs
? paysages, des boisquelconquespour les livres illustrés,
Un jour; à Chantilly, le maître artiste dit au duo~
~Ss:~ d'AumaIe, son confrèreà l'Institut
!~g – Vous n'avez pas remarqué les boutons que por-j
S~ tentvos.biqueurs?H&Si fait.
Eh bien, ils sontdemoi. y
~1~
\K'M~M
~r'~a~i?J
''L&VtEAPARtS.l<)t~
9.
Volontiers le duc, ferré sur la,glyptique commesur
toutes choses, eût mis les boutons sous vitrine. Des
Chaplain avant le prix de Rome
Il y a loin de ces boutons de chasse aux œuvres
admirables du médailleur. Robuste et râblé, M. Cha-
plain, qui ressemble étrangement à Paul Meurice,a
gardé la mêmefaculté de travail qu'autrefois. Il n'est
heureux que devant sa terre ou son plâtre. Attaché
au profil qu'il entend faire vivre d~unevie définitive,
il est là, devant la lumière descendantde la verrière,
commerivé à son œuvre par son outil.
M. Roger Marx en son étude sur les Médailleurs
/raM(:OMRoty, Degeorge,Vernon, Daniel Dupuis g
a constaté avec « quelle ténacité victorieuseM. Cha- j
plain s'acharna à la poursuite du caractère, de l'abso-
lue vérité ». Ses efrigies, Bonnat, Gréard, Jules
Simon,Gambetta, sont des études d'âmes.
Et le soir descend; l'ombre envahit l'atelier, les S~bustes celui de Mme Bartet, le portrait superbe
de Chaplain par Benjamin Constant. Le graveurtra-z,
vaille encore. Rien ne l'interrompt, rien ne le fatigue.
Parfois une visite amie. Ce sont des voisins Frémiet, SS
dont l'atelier est proche et qui vient, le collet de son
mac-farlane relevé, causer comme il cause, conter
quelque histoire à l'Edgar Poe, du temps qu'il faisait ~S
des études de cadavres; Henry Roujon, gai, souriant,
spirituel, venant prendre des nouvelles un camarade ~M
d'autrefois, qui est le pemtMGastonMëlingue,te fils s
du grand comédien/descendant de Belleville,daman-
dant cOnsëilà Ghaplain pour envoyer au musée de ~îj
Gaen– paya de Mélingue– dés statues de t'~M-
?2 LA'V/tEAPA.R!S.
'a
}7'MMoude Mo~~re,afin que la ville de CaenGonaerve.les œuvres de sonenfant.
H donne en prodigue,.M.Gaston Mélinguo,.ettout
naturellement il;dit ?
C'est pour« lui «.C'est «lui qui a gagné'tout
cela. H est naturel quecela serve à sa gloire t'
Chaplain va ouvrir,à ces visiteurs, écoute, mais ae
rassied et continue son.oeuvrecommes'il n'y avait au
monde que ce médaillonde terre qui est là sur le petit (~
chevalet. Cet homme est.le labeur incarné. Le labeur
et, je répète le mot,la conscience.
Je regardela médaille achevée g– C'est admirable1,
Ne dites donc pas ça Non, non, ça n'y est pas
encore 1
AI'encroire,«ça » n'y serait jamais. Et les médailles
dernières sont là pou!' prouverle contraire oeltea
qui ne sont pas sorties encore de son.atelier M. ha-
guionie,le D'Pozzi,au~pfo&lsuperbe de sphënopogône~
(!? bsrbe en pointe M.CIermont'Ganneauvous;dira
l!origine du mot), M. Raymond Poincaré, tête éne! S~
giqueettiInCt volontaire et spirituelle.
Avez'-vousune inscription, latine à me donneB S
pour le revers? <
H représenta deux: ûgures~ la Jurisprudence et la
ttOi:
Et je' promets de' rapporter quelque devise,en!me
rappelant le latin diautMfoiatMais. quandje feviemt~
j'~éte~ievancé.. ~9~Le peintre FerdinàndtHumbeift, mon oamaraded~
Bonaparte, Kg~déil~passMhtduitatm.ïhfaitd~v,n~
''LA.VTE:A~P.AR!a.r '03~.Er.~)N~
latinS) malgré la mort des dactyles et des spondées '.§S
prononcéepar Jules Simon,,et M~Poincaré apprendra
que ce: maître peintre de portraits a caractérisé le t~
talent, le rôledu législateuret du juriste~~S~
I.egt/era't'nKt'.rojurisprudentia. '?Decusutft~Mesuum. ~F
EtJ.C. Chaplain est'enchanté, et F. H.umbërt est
aussifierdesonlatin que d'une journéedeson pinceau.
M. Chaplain fut,, un jour, lorsqu'il voulut.bien ~j"ï
donner &la Comédie-Françaisela. médaillecommémo-
rative de la réouverture, un peu surpris lorsque je lui
<
– Vous voulez du latin? Prenez celui de Molière. <La Comédie renaît de se~ cendres. Que souhaitons-
nous? Qu'eUe vive: Eh bien, le patron, nous le dit,
nou&Ie:crie «Vivat,.vivat, centfois vivat ))Prenez
le'chœtm de laioéfémonieà la fin,du JMo~e tMog~-
Mtre.h,
F. Humbeft. dut trouver que ce latin macaronique
na valaitt pas. celui de Virgile. II. avait raison. Mais
c'était)le latin moliéresque,.et le gai. «,vivat poussé
par Molièreluirmêmevalait mieuxque toute autre ins-
oription:en.paMitlacif constance.
D~j&'– il x a.trentersent ans.– Chaplain avait
gravé: pom'la: Gomédie~Franeaisoun, jeton,, lejetom.
d'argent que. l'on donne ou que l'on donnaitau~
metnbrea du comité pour chaque séance du conseH~
~d'.admiMstratiôn. Jetons'd~ .rares,jo~onsabolis
'd,a,d,m,im,8, 't,r,Ii,tï~n,'J,fJ,t,on,S,buste dé~Mol,~èr~su S,i~o,J,is,~m'atntena~t..A:l'avers,'un buste'de-Mol~au,reverst/.
~~n~'fuch~~entourée''d'abëines 'e). poséa.aur~~
.104' LAVtEAPARIS.
de chaque côté, une branche de laurier. Et pour deviso~~trois mots éloquents, qui sont ou devraient être Ie<programme de toute association Simulet M~gt~M. )!?
Ainsi M. Chaplain a commela coquetterie d'être te~S~médailleur de la Comédie-Française.Il a fait la m6-daille de Mme Weber, superbe commeun profilsyra-~cusain. I! a fait la médaille de MmeBartet. De toutesses médailles féminines,c'est bien cellequi lui a coûté '?
le plus de peine. Mobile, insaisissablepresque dans sa
finesse,la physionomiede l'exquisefemmeest de celles"~Squi déroutent le peintre ou le graveur. Commentfixer ~§~le «je ne saisquoi »? "~S
Du médaillond'AiméeDesc!éeàceluide MmeBartet,il y a toute une existence de gloire. Et pourquoi,commeles peintres ont à la galeriedes Uffizzi,à FIo~
rence, une sorte de muséespécialoùfigurentlesmaîtres
peints par eux-mêmes,n'y aurait-il pas, dans un musée
de ta glyptique, une collectionde médaiiïes représen*tant les médailleursgravés par eux-mêmes?
Et après te profit pensif de notre cher Sully Pru- 3~
dhomme, J.-G. Chaplain exécuterait tout nature~e- ~ES~çment le profil énergiqueet en quelque sorte militaire '~Sf'"
de Chaplain lui-même. Vingt-cinq ans d'Institut et~~Stoute une vie delabeur gMrieux) 1Ilest venu pourvous~aussi, mon cher médailleur, l'âge décisif, rage envié
l'âge mélancoliqueet glorieux, l'âge de la médaille
IX .~&
Unvisiteuritalien.– M.G.Ferrero.–L'histoireromaine4Paria.– AntoineetCtéopatre.– Lessaionsparisienset!aiitM- ~8ratureitalienne.– MM.Fogazzaroetd'Annunzio.– Unlivre ~Sd'AngelodeGubernatis.– LesJtfemarMdtZ-t~oJMMrM'.– '3MmeLafargeettacomtesseBonmartini.– Unepiècenouvelle.– fora(<M/–Lesrepétitionsgënërates.–Duluxeetd'unemaladiemoderneauxoriginestrèsanciennes.– LebarondeFœnesteetAgrippad'Aubigné.– DMpara~e/
30Mars.
Pourtemoment,l'HistoiretriompheavecM.Gu- s$~gMetmoFerrerodanslessalonsparisiens,commete 3~romanet tapoésietriomphèrentilyaquelquesannéesevecM.FogazzaroetM.Gabrieled'Annunzio.Onse ?&disputel'écrivainitalienquianalysaFamédeNéronet définit!e rô!ed'Agrippinedansuneconférence !§Napplaudieet quinousdonnaithierdanstaJTecftede S'~Parisuneversiontrès inattenduede la batailled'Actium.
Et l'ondiscute!a fuited'Antoineet deCléopâtrë $~~commeonparlaitMya quelquesmoisdelafugue. decet employéduComptoird'escomptevoguantyersia~
~P!ata''avec,u~ dontlen0m-estra~jaëiie~i,'deyen~popu!au'e..OnrefMt:..teprocès~de'la.jteinë:'d~Egyptë~S~nme,s'tLs'agissa.it~.encore\.de cetui'~de
~~nM~:Hutn~rt.'Qn~prehd~~p~~p<mr~ou<, "c' ~pari pourou-
cont
LA VIE' A PARIS.106
pâtre. Quoca~M?avait mis Pétrone à la mode.« OhcePétrone M. Ferreroa'remisCléopâtreà i'ordredujour.ê(~
Vous savez qu'elle ne voulait pas fuir 1 Ellevou-~lait simplement transporter les soldats d'Antoine en S
Egypte.S~ S§– Et Antoine? Il me semble avoir eu la tentation S§~
de jouer au Bonaparte avant la lettre, avant le temps.p'
AL) le.Beaurêve Roi d'Orient t– Et amoureux
–- Ce qu'il y a de piquant, c'est qu'elle n'était pas ~&très jolie, Eléopâtre. J'ai chez moi le moulaged'unemédaille. i~~
Oh 1 pasjolie?. Vousn'avez doncpas lu SRake- .i~epeare?
J'ai lu Ferrero.
11est aussi bien porté présentement de,discuterles ~jhéros de !'htstoifeï!omameque les acteurs de la pièceP~~nouveHe~Qnparle autant d~Octaveque de M. Guitry, i~et ta question de savoir-si M. Antoine ira à l'Odéonest remplacée par ce problème savoir si Antoine~~ `~
voulait et.'devait aller en'. Egypte.M. Gaston Boissier, rhistorion de Cicéron et de~
Catiuna, doit être contient..La Rome antiquet cette ~i~Romequ'U a si souvent évoquée et fait revivre, intë* S~$resse~autant le PaBis:moderne que la vie parisienne ~@~e!!e-même.Et c'esMaivenue de M. GugHeImoFerMKQ%&
qui'e~est..un.peu'ta'cause. "t~
<('Po!ur'BenoontFer'M~.EerMBo~'K-entBë.deux.taB9es\de~
tènu-~fête!"ton.compat)a!Qte,et' GMgh,.ëmKu~t~f
y
l'autre jour à l'maiau'e,. repuésentéepar t'6orivai!&~
~i'
'è'~T;,"<
LAvrEXp'ÀRis. 't)~
italien, portait en même temps-un toast & la ;Poésie.~i
M. Ferrero est en effetun évooateur;enmêmetemps
qu'un philosophe. Il ne se contente pas des idées
reçues ii chercheaux actions des ihommes.des causes
ignorées et nouvelles.II entre dans d'histoire 'comme
dans un cabinet d'anthropologie. 'II n'accepte .de Ce
qu'on lui enseigna que ce qu'il contrôle. Eten con- j;~
trolant, il découvre.II bouleverse'le passé comme il
entrevoit l'avenir. ,i§C'est un de ces esprits que ne satisfont ni le « déjà
vu o ni le < déj&entendu Ms'aperçoit, en étudiant
après l'Europe moderne l'antiquité, que Luaullus s~
égaleCésar,et H -ledit, au grandétonnementdes;gens
quivivent sur les idéestoutesfaites.
– Eht quoi, te 'jouisseur, rhomme aux repas ~S
fameux,était doué d'un cerveau aussi puissant ~quee 9S`'
celui duconquéraat des gaules?P ~~9Oui, monsieur Pécuchet. Celasurprend, mais
c'est ainsi. Il faut pourtant bien s'habttuerà'remcontrer
quelque nouveauté.dans te monde,fût-ce au fond du
passé.C'est en comparant et serrant de ptuSipfésleS!Ma:tM
qu'on y .trouve de~'inattendu.On dérange peut-être ~i~lesidéesreçues,maiscommeces~ensJquidéeangent~M~
'meuNes'd'un'app'artement/~et~dé'cnu~nt~.4err~r~~
'quelqueehose,.parfois:.un' -.obJBt~pr~cieux~.qui'~ylét~?~~cache. ~.i:
'crois~Men<qae'<c'~ ,`dan~}le.~lahoratoi~è:¢e '~SS
~bëau~&M'~qW<Mt'~e~to~~aplrri`s.I,arttle cAe.vi~er~leses,. p
;m'ea.ïj~Hu9.tr~ï~9Hr~ fis~et.par'I&struotu)~:d~orps, sti~me,tes
108 LA VIE A PARIS.
du visagehumain, va jusqu'à pénétrer le secretnonpas"seulement d'un tempérament, mais d'une pensée.Il lità livre ouvert sur la face de l'homme de génie ou ducriminel.Ce petit vieillard ardent et resté jeune, d'uneérudition écrasante, sans.cesse en ébullition, me
rappela étrangement notre Michelet !orsque j'eusl'honneur de le voir pour la premièrefoisdans ce togisde la via Legnano,à Turin, où ilvivaitpatriarcalement,entouré d'une famille de collaborateurs exquis sa
femme,sesfilles.
Cesare Lombroso, dont on va célébrer le cinquan-tenaire de professorat, a la candeur admirable du
génie abordableet charmant et la flamme,la passion,la foi du prophète. Lorsqu'il alla visiter Totsto! aufond des terres russes, .le colosse qu'est l'auteur deRésurrection prit Lombroso d'une main, souleva le
petit corps et !e porta jusqu'à seslèvres,puis le reposaet dit:
– Causons1
Mais le petit homme est intellectuellement de tataille du géant, et du choc de ces cerveaux combien
durentjailMrd'étincelles l
Une de ces étinceHesa alluméla flammequi animel'œùvredeM.Ferrero.
C'est étonnant ce que peut, pour lerapprochemententre lespeuples,l'influenced'un homme,d'un éonvam~:;`Le mot d'AnachàrsisC!ootza été tropsouventrëpêté« France, guéris-toi des individust 0 Leconseilpeut `être prudent, mataHprotnët déjà unesoj~pd&pn~
rmgratitude, commesi rtngraMtu~ 8'a~`Terj
'encoùragéet.
LAVÏEAFARIS. 109
w.y~~a,~
L'individu, c'est-à-dire l'individualité, incarne au
contraire une nation. Toute nation a besoind'hommes.
Elle ressemble à Diogènequi va devant soi, une lan-
terne à la main. Et certains hommes ont le don de
réunir les nationsentre elles,de pacifier,de rapprocher.
Lorsqu'un jeune députe poète, M. BacoeUi,quitte le
Parlement italien pour venir faire entendre à Paris des`
paroleséloquentes, il rend autant de servicesà la paixdu monde que les diplomates réunis à AIgésiras.M. Angelode Gubernatis, qui publieprésentement un
w
dictionnaire des écrivains de race latine, – qui l'édite
à Rome et le publie en français, – M. de Gubernatis,
poète et érudit, travaiHe à faire connaître et à faire
s'entr'aimer les peuples que des origines communes
doivent tout naturellement rapprocher et que des
intérêts tr~s passagersavaient désunis.
Il vient précisément de m'envoyer un livre de vers,
paru ces jours-cià Rome, sous ce titre :Z<M'tc~e–tout
un demi-siècle de poésie,avec cette dédicacemanus-
crite J°e<~Mtt//ïe~<H?tefte ogt~e.Petits souutes? Le mot est trop modeste. Il y a là
dessoupirs et des plaintes, des sanglots qui eussentattiré l'attention de l'auteur des ~Vm~,Et le drama–
turge de PMf <M!eVtg'te, rorientaHste qui fut ini~ :gaux mystères des temples hindous, troùyetm<
après tant d'épreuves, des rimesattendries pour duo~dien&sea vieux Myrea–~ oe~livrer dont ~aes~pa~un jour, s~ pauvres H~eàqmpa~iM~ dactssotXMtt~- g
quatr~~panMrs, de:~me;,en~~so!~ par ;1~
'rof~îtàltè' pOur~Ia~;]SUt}K'th~ eem~à~S
de~mencë:~mMt~ecc&t~ "j,:i(¡)
HO LAV!BAPAR!S.
« Partez, ô mes fidèles premiers amis que te dostin~
soustrait à mes veilles 1 J)
M.. de Gubernatis devait prëcisément revenir àParis
nous parler de Dante, en parler dans notre langue, et
nous eussions été heureux de l'applaudir, lui qui aime
!a France et voulut que ta statue de Victor Hugo f!t,.à'
Rome, .pendant à celle de Goethe. Pendant ou contre–
poids? L'un et l'autre.',8
Je me rappelle notre émotion lorsque M. Fogazzaro i~
vint, dans une conférence au petit théâtre des Mathu-
rins, nous rappeler les souvenirs de 1859, un moment,
évoqués par M. Edmundo deAmicis dans ses volumes ~K 't:
de voyages. M. Fogazzaro fut, lui aussi, comme
M. Ferrero, un désolions Md<? Paris durant son dernier s
séjour.
Je ne sais s'il porta ombrage à M. d'Ann~nzio. Je ne
CriNS pas. Mais on m'a conté qu'en une réception donnée
à Paris en t'honneur de, l'auteur de rTn~Met des~
!'EK~M~<<e co!!tp< comme on demandait à M. d'An~
nuazip.:
––Que pensez-vous de Fogazzaro?
H répondit tout simplement
–tLest-deVicencé' 1. '.M~
(Ou'de'Vérone.)~ 'J~~
M. Fen~on'apas de ces tra~s. IL cherche moufaM~
~l'œprit'.que'wVénté.Ilrs'e'passionner mbma'~pou
m6me.que!poup.és':autt'M.
'de~apastolat ~dMS! 'aM~oas:~ 'ToUjoumf~retinpeUa~~tfft~S~~
.Cëaafë,maia'de.are'R()~r~o.
'?: -fa~?entemdr~~td~feh~aveq. v~UMtc~~S
~e,ntrainante,cëtt'e\ comtesa~~
.?" –"S ?. ~K~~M~
d'écrire et de jeter à travers le monde, du fond des SS
Carceri-Nuove,des AfewotfMdont le dernier chapitre '~`'
est un cri dodétresse De PM/MM~Mclamapi1
M. Ferrero plaide avec une chaleur vraiment oom-
municative le.cause de la fille du vénérableet vénéré
docteur Murri.II croit à son innocence,commeBacet
Lachaud, commeRaspail croyaient à celledeMmeLa-
farge. MaislesMemoriedi Linda Murri sont autrement
poignants, autrement' émouvants que les Heures de
prisonoù MarieCapellese défendcontre sesjuges dans
un style pastiché d'Indiana et de Lélia. Les traits
mêmes de celle qui fut la comtesse Bonmartini n'ont
pas ce je ne sais quoi de douteux qu'un dessin
d'Henri Monnierdonnait au visage de Mme Lafarge.La condamnée italienne semble, avec ses vingt-cinq
ans, une calme jeune femme faite pour le repos"et le
foyer. Grasse, douce, un peu moue d'aspect. Rien de
t'hérotne de drame. Et pourtant en quel Métojetée etde quettes atrocités envtronnéel La cause de cotte
tragédie de Bologne, qui passionna l'Italie, souleva $ëautour de la malheureuseune tempête de réprobationdont M. Ferrero expliqua un jour ta cause dans uc
article indigné que les éditeurs des Memorieeussant
bien dû mettre en préfaceà ce livre de douleur. L:~– .PerciMMrtco? .Perc~ Meo~Mo<t Hcor~e (Pour- S$~
quoiécrire? Pourquoim'obstiheBa mesouvenir!)RNùr
démentif,mon Di6u,.dénientir ) s'écd~L~~
prémiere:page"de-ses;Mëmpipe9. 'f.SJe-crotsbien que si~M~GugtiotmoFeM~ pris la
'Je;o,})ie~c¡~e,B~k~I,g~():'Fel1rer.oei}t.s"..parole';deYant'Je9.jugM.'dë~ta~omt~se.;aocuSée~~ ~K~~
emporté un verdict d'acquittement; 1~
112 LAVIEÀPAR!S.
l'autre jour Agrippinedes circonstancesatténuantes,et je vous répète que depuis qu'il a expliquéCléopâtre,Cléopâtre a des partisans. Les Parisiens et les Pari-siennes sont toqués de cette Merelliépique.Ah 1sisur
quelque carton mondain on pouvait lire ces mots 'J
gravés par Stern «Pour rencontrer Ctéopâtre ))))Maisquoi, c'est déjà quelque choseque d'en parler.-Alors, à votre avis, Cléopâtre?Ellene voulait pas R
combattre, Cléopâtre?Actiumest un simple «bluff x??Vous n'aviez donc pas lu l'amiral Jurien de la ;i:
Gravière?
– Non, mais j'ai entendu Ferrero. Je suis con-vaincue.
M.Gaston Boissier,bon juge en ces matières,donne 'S'aux études de M. Ferrero son approbation magistrale.Ferrero a trouvé du «nouveau »au fond des siècles,dans la poussière, comme M. Boissier lui-même et ~Hc'est le triomphe lorsqu'en un champ si souvent
iabouré, piétiné,retourné, on rencontre encore,engta- A~'nant, un épi et desgrains de blé.
C'est présentement cet épi qui plait à Paris ?et l'historien est aussi fêté – chose rare que la
tragédienne Ristori autrefois ou que le comédienNovelli hier. Et le comte TornieHi,qui est aussi un %?ambassadeur d'art, sourit à ces manifestations très ~`
différentes des sympathies franco-italiennes. ~SIl m'a paru assezpiquant, de constater que la plus
vive actualité – après Algésirassansnul doute dont; F~les salons s'occupent rentonte à la bataille d'Àctium~Je sais bien qu'i!;enest uneautre, maisplus qu'à tou~ ~)autreitm'estinterditd'en'parler.. ~W~~ s'
< ~p
LA'VtE.A'P'AR~
<0.
~Sj` Paraître Les répétitions de !a pièce nouvelle me
prennent toutes mes heureset je medemandecomment
S! je puis trouver le temps d'écrire les feuillets que voici
~g,`. et de répondre aux innombrables lettres et aux invrai-
semblablescoupsde téléphone que mevaut la comédie
gB.; de M. MauriceDonnay.Paraître Il faut lutter à propos de Paraître
jg (comme à propos de tout ce qui touche au théâtre)contre les indiscrétionsdes journaux, contre les impa-
r tiencés des photographes,contre toutes les curiositésettoutes les avidités. Ces «premières », ces «répétitions
? générales )), ces courses à la primeur deviennent de
plus en plus diuici!esparce qu'ellessont de plus en plusg!' courues '– couruescommedes Derbydays.
Et le seul Parisien qui n'ait point le droit de faire
part au public de ses impressions,'c'est celui qui, en`
manière de repos, et, si je puis dire, de récréation,
? ouvre son encrier entre deux répétitions et cause avec
ses lecteurscommeavec desamis.A direvrai, le métiern'est point facilepour un directeur de théâtre, mi-parti
g~ fonctionnaire, et qui peut à son gré tracer le tableaudeson temps et la chronique de Paris, pourvu qu'il ne
parle en ses écritsni de l'autorité, ni de la politique, nide l'Opéra, son voisin, ni des théâtres, ses rivaux, ni
des acteurs, ni des auteurs qu'il juge,qui te jugent, et
qui plus d'une fois le maudissent, ni des journalistes,j~p ses confrèreset sescenseurs,ni de personnequi tienne S
~r– et ce ressouvëhird~ répertoire de,
~~jgMsse, chaque semaine, entre mon papier moi.
~–'SijedéSnissa!s!ë"<<'para!tre)'.un~;des-m~~
~du'~ècte? ."?
1M I.AVIEA PARIS.
Tout aussitôt je songe à l'immortel monologuede 4;Figaro, et Beaumarchaism'avertit que je ne suis pas ta
pour devancer les arrêts de la critique.Attendez que Paraître ait paru avant d'en dire
un mot 1
Ce que je demande aux auteurs d' « avant-pre-mières », ce quel'auteur, en toute justice,exiged'eux,
le silence; la «Vie à Paris »doit le garder.On en parlera demain. On vous dira demain quel
moraliste attendri se cache sous l'esprit de Maurice
Donnay. Jules Lecomte,il y a cinquanteans, raillait !e
Luxe sur cette même scène du Théâtre-Français, le
« luxe effréné des femmes », comme disait le vieux
Dupin et demandait,aux ménages « plus de lingedans les armoireset moins de soie pour les épaules ».
Sardou allait écrire-bientôt avec quelleverve 1
la Famille Benoîtonet Maison neuve.Augier maniait
le fer rougepour « marquerx les lionnes pauvres,les
bonnes bourgeoiseset les bourgeois qui voulaient se
faire aussi gros que les hôtes du Jockey et les coco-
dettes.
Ils s'enflentdisait un de sespersonnages.Ils imitent la grenouille.
Quitte à la manger plus tard.Ce n'est point par le thermocautère que procèdele
théâtre actuel.C'est par la pitié. Le théâtre d'Hervieu,
de Gapus, de Donnay est plein de cette pitié humaine
qui sera, en dépit des égprgements,la caractéristique,
outoutaumomsl'asp!ration,lerëvedusiècletnouveau.
Paraître t C'est aussi le vice de ce temps. Maieil ne
date paa d'hier. La dartre a'est élargie,ToUàtout; la
I-AVtEApÀRtS. "tIS~
~`
virus était dans le sang. « Toutle mondefait plus qu'il
ne peut »,disait déjà Fénelon à son heure.
Et Pascal, deson côté
Nousnenouscontentonspasde la vie quenousavonsennouset ennotrepropreêtre; nousvoulonsvivre dansl'idée desautresd'unevie imaginaire,etnousnousefforçonsdeparafe. »
Le d'Artagnan de Dumas et le Cyrano de Bergeracde Rostand ont un aïeul c'est le baronde Foeneste,
d'Agrippa d'Aubigné.Et c'est d'Aubigné qui inventa
non le «panache »,quoiqu'il eneut, maisle « paraître».– «L'auteur, dit-il, a commencéses Dialoguespar un
baron de Gascogne baron en l'air qui apour sei-
gneurieFœneste, signifianten grec «paroistre ».
Et l'auteur d'Amants ne se doutait point sans
doute qu'il avait eu pour précurseur l'auteur des
Tragiques.– Peut-être apprendrez-vousquel'estre vaut mieux
que le paroistre, dit Enoy, le Sancho lettré du don
Quichotte gascon, au baron de Fœneste.
Ce terrible huguenot de d'Aubigné s'amusait ainsi
à railler les gens qui font Mancde leur épée et paradede leur pourpoint. Depuisle camp du Drap-d'Or où se
ruinèrent tant de gentilshommes,le «paroistre »étaitcependant inventé)1
Noussommesloin du temps célébréparLamartine
Oùtesfruibdujajrdin.o&temietettetait.Deleurluxechampêtreenchantaientleconvive.
Et nous n'y reviendrons jamais, il faut en prendre!iôtreparti. Le bonheurfuit d'autant plus vite qu'c~hle
1M LA VIE A PARIS.
poursuit enautomobile.Quant à renoncerà « paraître".y;~la plupart des contemporainspréféreraient renoncer à Svivre. .~a~
Or, assister aux répétitions générales cettevariante du concourshippiqueet des concoursdu Con- ~$servatoire est une des formesdu «paraître ».II faut'S!bien avoir sa toilette décrite par Sparklet, prise du $ëbout du crayon commepar un déclicde kodak. Autre- ?fois il suffisaitde se montrer aux enterrements et aux
grands mariages.On avait son nom imprimétout vif,et, au bout de quelques années, cette publicité inévi- °,`table donnait peuà peu de la gloire.On était du Tout- :~S!Paris simplement pour avoir enterré une partie de /~$
s-
Paris. ~Ë~Mais aujourd'hui, oh 1 aujourd'hui,cela ne suffit
pas. Rien nesuffità rien, du reste. Il faut êtrepartoutfigurer partout, se glisser, s'affirmer,s'étaler partout. ~3~â`La sociétéactuelleest composéede figurants.Toujoursles~mêmesse retrouvent en toute occasion, avec une SS
régularité parfaite, comme des diplomates à l'hôtel.unique d'Algésiras ou des passagers dans la salle à 'j~manger d'un steamer. Cornaientne deviennent-ils pasneurasthéniques à rencontrer ainsi les mêmes visageset à échangerlesmêmesbanalitéset !esmêmesproposII y a des grâcesd'état pour lesamateurs de spectaclesqui, pour spectacle, choisissent surtout leur propre J!~personne et, las de leur
éternelle~uration, v6ud~e!tt'bien n'être plus des comparses, jouer un rôle, une~~« utilité "'quelconque,–: ces inutile~ –~ayon' letir~nOmsurI'amche.Paraitre)" 'S~M
'!t vaut 'bien"la peine de. tant:.s.e.presser tTou9' ,s~`"~
~K?~d-~M~s~ ~ti~~7 ~i~
~Â~tE'-A~A~rS~K~
peuvent paraître – mais qu'ils se consolent,vedetteset Hgurants,tous disparaîtront)
Agrippa d'Aubignén'a pas inventé l'autre mot, etil ne redouta jamaisla chose, l'inévitable et consolantechose, le «disparoistre ».
X
DufoyerdetaComMie-Françaiseetdelacauserie,àproposd'une.piècenouvelle.– LeFoyerdutempsdeBouitty,dutempsde~y~ë~FélixPyat.dutempsd'ArsèneHoussayeetdutempsd'Edouard%ë~Thierry.–Lescauseurs.– L'habitnoirettecostumedechaut-~~S~feur.– M.Mocquard.– JulesSandeauetGeorgeSahd.–Samson.– Legm~net.– Sarah-Bernhardtet!ethéttreitiné-.Srant.– LeTexas.– Soustatente.– Horaceenpleinvent. ~SLatragédiedeCornei!)eet ta tragédiedeCourrieres.–AAuteuiL– Latégendeetl'histoire.– M.AlbertSoret. S3~
6Avril. ,S~
M.MauriceDonnayme demandait,1autresoir,pendant!areprésentationdesapiècenouvelle,pour- NSquoilesentr*actesétaient,à la Comédie-Française,'<~t~pluslongsparfoisquedanslesautresthéâtres.
C'est qu'àlaComédie-Françaiseitya teFoyert ~8~J'auraispudire:~nyâencore!eFoyer,lesjourade~
répétitiongénéraleetlessoirsdepremière.»LeFoyer 3~oùl'onsepresse,oùl'ons'étouffe,oùronéchangeaveclesartistessortantdescèneles impressionsou lescompliments,le Foyerquin'estplus,commeautrefois,
fi lesalonoùl'oncause,maisqutn'enrestepasmoinste<
Foyer,avecses.traditionset~ses'souvénirale Fo'yer~~$~donttouslesdiplomatesdumon~erêventd être lë~%hôtesuhjour,'comme'touslesétrangers'autref6i~~autempsdelaGr~KdeDuc~eMe,rêvaientdevisiterlescoulissesdeaVartétés. ~S~~
LAVtEAPARtS. 119
Et c'est le Foyer qui retient les spectateurs,empêcheles comédiens et les comédiennes de changer assez
rapidement de costume, attire d'autant plus les visi-teurs que la pièce a plus de succès et ressemble, si jepuis dire, à quelque baromètre théâtral révélant le
temps qu'il fait Tempête, Variableou Beaufixe.Dites-moi s'il y a du monde au Foyer; un soir de
première, et je voua dirai comment va la pièce. Lessoirs du Mondeoù l'on s'ennuie ou,de jP'ranctMoM,on
s'y écrasait. On n'y eût pu laisser tomber une épingle.Ce Foyer de la Comédie1Qui enécrirait l'histoire ou
plutôt la chroniqueajouterait un chapitre au délicieux
Jt~MOH-epow.K'rMrà l'histoire de la sociétépolie, deRcederer.Larépercussiondetous tes évenementscontem-
porains se fait immédiate au Foyer. Le soir du coupd'État, commeon y parle de plébiscite, Jules Janin s'yécrie tout haut <Je saisbien quelverbeje mettrai dans
J'ume on nousdemandeun omouun non,trois lettres.J'en mettrai cinq x On y annonce, à voix basse, unsoir de septembre; la capitulation, de Sédan. C'est unmédecmabonnédu théâtre qui y apporte la nouvelle dela mort de Félix Faure.
Et depuisqu'il y a unFoyer, ce sera toujours ta queviendront aboutir les propos de la viHe,tes <w<!K,!ës
~Mpr~e~, les oKracole. Les reporters yontremptà~
les causeurs, jelereponnaM;mais tout se transforme,et le reportagen~est, après tout, que le teuf-teuf de'là
~eausene.
Au~dêbut-dusièclo~passé, itetait~ bourgeois,et
ass@!!simpie, sems%ëauco~pd'oeuvres d'art, cp Foyer
;;qm a vu pMser~M~ Gautier, George Smd, les
120 LAVtEAPARIS.
Dumas,et les peintres Ziem,l'ami d'ArsèneHoussaye,Meissonier, l'ami d'Emile Perrin. Le bon Bouilly, ~SJ.-N. Bouilly, le tuteur d'Ernest Legouvé, no~s adécrit le Foyer de la Comédietel qu'il était au tempsdu Consulat, au début de l'Empire. ~â
Et en son style aboli de classique attardé, l'auteur .?~de MesRécapitulationsdéfinit leFoyer commel'endroit %SS« oùl'on est appréciépour ceque l'on vaut, où le grandtalent occupela première place, où la piquante iroqiepince tous les ridicules sans les égratigner, où l'aneo- ~Sdote galante est racontée de manière à ranimer la HS~vieillesse, mais sans faire rougir l'adolescence, où se ~J~formeenun mot la réunion la plus complètedeshautescélébrités dans les lettres, dans las arts, tenant cour
plénière d'urbanité, de grâce et de bon ton)). ~$Voilà qui est, au point de vue intellectuel, plein de
promesses. Au point de vue matériel et du décor, >
Bouilly nous décrit ce Foyer commeun grand salon, ;;?parfaitement éclairé, pouvant contenir,trente à qua'rante personnes, dont chacune trouvait un siègecommode; sur chaque côté, un long canapé qu'on .=réservait ordinairementaux dames« et où chaque soir,de huit heures jusqu'à onze, bien souvent jusqu'à ~{'minuit, seformait l'aréopage qui prononçait sur toutes ~~Sles nouveautés, sur toutes les intriguesde la ville et delà coup».Puisil montreMlle Contât – avant saretr~e S~!S
(mars 1809)–assise sûr le canapé placé au fohd.eaM~~ Xface de la porte d'entrée, et recevant, commeon Bom~~boudoir, avec « cette habitude du grand~m~ et =
des belles manières qui en. faisait ~a'-Teinerdu Foyer~~y~Entourée de jeunescomédiennes,;ëne.;fonne~e.~greu~~~° t>t
LAV~E'~PAR~'
;`~~e*t~
.t.
M.' 'K~de Thalie, tandis que de l'autre côté le groupe de
jt; Melpomène.se formeprès de MlleRaucourt 'SC'est là le Foyer du temps de Talma et il restera
tel pendant la Restauration, alors que Mlle Mars,bonapartiste, y arborait' un bouquet de violettes (lePère la Violette, c'était le surnom de l'empereur), pour S
ennuyer les gardes du corps, absolument comme lesbelles Hongroises de Budapest portent maintenantdes tulipes à leur corsagepour agacer les Autrichiens.
C'estl'heure ouïes vieux habitués~de l'ancien régime ~$s;reviennent causer de Sophie Arnould ou de la Clairon ?et où le plus fidèle deshôtes du Foyer, le marquis de
Ximénès, dit à un ami, devant toutes ces corné-
diennes, avec le ton impertinent du dix-huitièmesiècle
– Un renseignement,mon cher comte je te prie? .SSEn quelle année (je ne m'en souviens plus) étais-je <~doncl'amant de ta femme? ~S
L'auteur du Marquis de la Seiglièrea vu passer, aécoutéles derniersde ces marquis-là.
Sous Louis-Philippe, le Foyer reste littéraire $~mais il semble– chose singulière– un peu « bour- $~
geois » à unécrivain qu'on ne soupçonnerait guère de
regretter (pour sesseulesélégances,il est vrai) l'ancien
~y-régime. ~S~Ce marquis de ;.Ximénéa,t'ombre ~o.Ximénès~
~l'écrivain en question:révoqueFait~f~ec..joie.–'etcet~
~aB~reux,;inaLttendu.du;'temps~pMsé;~ce. 'vis]tteur~qm'S~~
~.pleure .un ch.MmaLnt<~aut]rëtpis~c'est –~ qùt.Iecro~~M~~;ra~–"]~i~pyàt,eM~ .s.
~~r.~Fétuc..ï~oûve'sanà~"doute'qùe.e'T~
k "122 LAVtEApARtSt
'Français a conservédessièclesdéfunts «je ne sais que!air de grandseigneurmêmeau milieudesdésastres »(lesdésastres, c'est la misère des comédiensen cette année
1833), et l'auteur d'Ango signale bien dans le Foyer«encadrésd'or les portraits dosClairon,des Dumesnil,
des Lecouvreur,avec leurs têtes poudréeset leurs robesbouffantes ».Mais il ajoute mélancoliquement «Làoùl'on croit trouver encorecespetits marquispimpants,ces beaux esprits si fins, ces femmesillustres, tout cemondeenfinnoble,élégant et artiste, onrencontre troisou quatre bons sociétairesqui se chauffent tranquille-ment les jambes, jouant aux damesou discutant la loi-communaleou toute autre loi rapportée à ta Chambredes députés. »
Vingt ans plus tard, en 1852,au moment où il entreà la Comédie-Française,ArsèneHoussayenous montreà son tour ce Foyer devenu déjà « tout un Musée On
y retrouve les comédiennes d'antan et du présent,depuisla Champmestéjusqu'à MlleBrohan.«« Cellesquivivent de la vie réellesont-ellesplusvivantes quecelles
qui vivent par la peinture et par la tradition? Oùcommenceet oùfinit le rêve? Enentrant, on saluedumême coupde chapeau Mlle Rachelet MlleClairon t
Dixans après Houssaye,Théodorede Banvilledécrità son tour « ce salon d'une allure noble et vraiment:
pompeuse, dont ta splendeur est augmentée encore
par l'ineffable magiedu souvenir,'car parfoisit semblequ'entournanttatête onva voir, assisesaux places 0~
.elles trônaient, la grande Mars, ou cette Hanchevictime de la vie et de Fart, la auBnmecachet x.~~auméM lestableaux célèbrea.iL montre tes~~d~
'LA.V.IËAPA.HIS~ .1~
causantau Foyer«aveclesquelqueshommesqut $Sdaignentencoreêtrespirituelsmaislamode,dit-il,auThéâtre-Françaisainsiqu'ailleurs,ena bienpasséetlescauseriessontdevenues, rares))..
II~estcertainquela causerieestunpeuexiléedu
Foyer.Nonpasquelescomédiennesd'esprity soientplusclairseméesqu'autrefois.Noncertes.Maiselles ?;'
préfèrentl'intimitédeleurslogesà ceFoyeroùlesvisiteurssontà la foisplusnombreuxetmoinsspé-
( ciauxqu'autrefois.Onyvientenhabit.EmileAugierautrefoisy entraitenveston,maisily apportaitsa
gaieté. ~gOnnousassurequeleroid'Angleterre,arbitredela
mode,a entrepritd'exilerl'habitnoir,commel'em-
pereurd'Allemagnea juréd'expulserla peintureR impressionniste.L'habitnoirestd'uniformeaujour-d'hui. IIsembleabsolumentobligatoire.SousI'Em-
pire, –lorsqu'Augustineet MadeleineBrohan g~;it tenaient,auFoyer'delaGomédie,le dédela conver-
~$ sation, –visiteurenhabitnoirétaitL'exception, ~s
AuJockeymême.Iefracprenaituneallured'affectation
chez lesélégantsquilerévêtaientchaquesoir:M.de? Galliffet,Gramont-Caderousse,cinqousixacharnés
!? peut-être.Oui,cinqousixentout.L'inGorrectionaeratt
aujourd'hui denepasfairecequi,je lerépète~paraissait~àuéçté~en-ce~temps~là.~['n~'est.pas'be&u.ThaMtinoir..II.est~triste.Ç'est~Mem;.~f~~v~tement~banal~de.tQut~les~cérémonie~'o~~i~G~~de.bon.p()UrtaMiqu'il;ég~S~smr'~–\ô~tupéfact~t:'-–~le~Fayeit'~vita!'nvei"ùn.~iteur,.en.'co8t.umë'de~.bicycl~~,,1~sP9rtraitlldes'"C
124 LA VIE A PARIS.
comédiennes du temps passé Semblèrent froncer te ~s~
sourcil dansleurs cadresd'or.
C'était un jeune élève du Conservatoirequi venait
saluer son professeurdans cecostumede grande route.
Quelque soir, nous verrons un visiteur se présenter
ta, revêtu de latouloupe, de la peau debête du chaut-
feur.
Le temps a marché, que voulez-vous?La Comédie-
Française est commeun carrosseroyal en tempsd'auto-mobile. Il lui faut garder ses dorures et faire pourtantde la vitesse, commela vie moderneelle-même. r:
Mais j'imagine les vieux sociétairesqui jouaient aux ?
dames du temps de Félix Pyat, et plustard aux échecs, .S
du temps de Musset,de Proyost et de Maubant, – ces
sociétaires qui, s'ils revenaient, joueraient aujourd'hui
aubridge, –je me tes figurevoyanttout à coupentrer ~S
au Foyer un bicycliste. «
Samson se fût dressé sur ses ergots, et de sa voix ~wclaire:
– Sortez d'ici, monsieur! Ignorez-vous donc où
vousêtes?
Le Foyer, en ce temps-ià, était un lieu sacro-saint
réservé aux seuls sociétaires; à ce point que Got; ;;$s
pourtant peu timide, n'osay pénétrer tant qu'il n'était~que pensionnaire. ~SB~
– C'est que nous avions, nous, medisait-il, une J!~bosse quen'ont pas tes nouveaux !a bo~sedu respectt~
Au Foyer, les comédienssont chezeux. L'adminis~trateur n'y va guère.Msgentitshpmrae~~ la chambrg `;
'autrefois ne/s'y~Squaieitt.'q~écrare~e~Ils y eussent
°'
,pu'entendre;dëa''prppos~enib~~ s:
'LA 'VtE'A 'RT~~?'125~5~
s
.~tt.
rité. Ils gênaient. M. Mocquard, le secrétaire de
Napoléon III, y,subissait, lorsqu'il y venait, souriantet aimable, les coupsde boutoir de Beauvallet,emplis-sant le Foyer de sa voix de cuivre..
Où donc est Mlle Figeât:?demandait Mocquard.Elle est en train de se peigner, répliquait le
terrible tragique.Il avait mêmedeplus déconcertanteset de plus gau-
loisesréponses.
Mocquardremerciait.– II n'ya pas dequoi1 disaitletonitruant Polyeucte.Une légende du Foyer veut que Jules Sandeau et
George Sand s'y soient rencontrés, retrouvés sans se
reconnaitre. Uscausèrent de la pluie et du beau temps(et c'était précisémentle titre de la piècequ'on jouait).Puis Sandeaudemanda à l'auteur
Quelle est donc cette dame,moncher Gozlan?
La causerieau Foyer n'allait pas sans inconvénients.
On s'attardait parfois &quelque discussion littéraire
ou à quelque propos plus intime. Prévost-ParadbI,
prenant !a mainde MadeleineBrohan, lui répétait en.
soupirant: Chère personne !)) et restait là, retenantla comédiennejusqu'au moment où ellelui disait
.– Pardon, vous savez qu'on mefait aussides décla-rations là-bas l
-–Où.cela?~ yr',–-Surja~cèHe~ 1
Un-,soir, San~~n~causait, poUtiqMe.Il ~tM~ t!~
arden~en~olMque, Sdn~ ~1àpportait,'â là-d~fense
de ses jdëes ~ne v~aMe~tuî~aisait ou~liMjt(0~tte ?~
~~tre~séëquëc9<~discus3
y" 126 LAV[EAPAK!S.
du Foyer, une rumeur lointaine entrait pourtant
sourde d'abord, puis grossissante.Là-bas, dans la salle,
les petits bancs semblaient s'agiter le public frappait
des pieds, des cannes, siSIait, à ce point que le bruit
attira enfinl'attention du comédien.
– Eh ) 1 ehdit-il froidement, voilà quelqu'un qui
manque son entrée)1
Et il continuait à discuter lorsque,éperdu, essoumé,
le régisseur accourt au FoyerMonsieur Samson Monsieur Samsont C'est à
vous, monsieurSamson 1 Lepublic se fâche l
Diable Nous reprendrons la discussion plus
tard.
Et le comédiense précipite sur la scène. C'était lui,
ce «quelqu'un qui manquait sonentrée ».
Pour éviter decessurprises,il y a, sur la scènemême,
ce qu'on appelleiè gmg~o!.C'est un petit salon minus-
cule, une sorte de cabine, où deux petites banquettes
de veloursse .fontface devant une glace,– la glace où
comédienset comédiennesinspectent, corrigent leur
<ti figure». Le guignol fut longtemps aussi un autre
Foyer, un Foyer de causerieplus Intime où les auteurs
de la Maison, les lecteurs, Dumas, Henri Lavoix,
venaient en passant « prendrel'air du logis x. J'y ai
vécu, dans ce guignol,les soirsde première,des heures
de fièvre.J'yaivu~ap&Ieurdesauteurs.Iesten'eurs.Ies
variétés les plus diversesde cette névrosespéciale qui
s'appelle le trac. Je crus, un soir, qu'Henri Meilhac
allait s'y évanouir.Maisle guignolétait devenuipenà peu,,lui aussi, un
causoir, et les causeursrisquaient de faire ntanquerjM
.< `~y~aé i,w?.LA .V!E A"')Mit< r,
entrées, comme au temps où Samson discutait au
Foyer. Un huissierveille à la porte de la scène, inter- xdisant l'accès des coulisses, laissant au guignol lesartistes qui attendent, les oreilles tournées vers la
salle, éboulant, guettant à travers la toile du décorles
impressionsdupublic.Tout à coup, c'est au loin commeun bruit de
noix remuéesdans un sac. <– Ah 1voilà un effet 1
Qui applaudit-on?'C'est lemot dubaron, voussavez.
Les silences de la salle, ses mouvements divers,l'écho de ses toux souvent volontaires, ses résistanceset ses emballements du fond du guignol on peuttout deviner, on peut tout doser,on peut tout suivre.Le vieux d'Ennery, routier du drame, qui avait en
toute justice la prétention d'être passé maître en son S;~
métier, disait
– Je juge commeune salle pléine Je suis une salle
pleine t
C'est du guignol qu'on juge mieuxencore la salle ?~pleine qui elle-même vous juge, tient votre sort ~<entre ses mains, se réchauue.s? refroidit, palpite, $
résiste, puis en une minute vous paye par ses bravos aS
des moisde longtravail et des heures d'angoisses.L'histoire vue du Foyer L Le théâtre écouté du
guignol Autant de chapitres de ce hvre toujours à
faire ouà retire CeM'<Mtnepott ptM/<?ectt'<MneMÛPM/pas 1
Est-ce que, danssesmyraisemMaMesetétonnastes~aventures &travers le monde, Mme Sarah-Bernhardt
188 'L'A'V~E'A A PARIS..
ne songe point parfois – et peut-être le regrette-t-elle à ce Foyer où Rachel la contemplait, oùMlleMars lui souriait du fond des cadres d'or?
On n'a pas assezdit tout ce qu'il y a de romanesqueet d'étonnant dans cette étourdissante campagneartistique que poursuit Sarah-Bernhardt à travers les
Amériques..Notreami GeorgesClairinnous en parlait,et il semblait nous conter quelque roman de Gustave
Aymard mêlé de poésie.Mais le New York ZferaM
publiait, l'autre matin, un article qui nous prouvaitque le roman est de l'histoire et que toute chimèreest réalisable en ce monde « Mme Sarah-Bernhardt
triomphe sousla tente. »
On sait que le trust des théâtres de Dalas et desautres villes du Texas a empêché la tragédienne de
paraître sur aucune scène de l'Ëtat. Onsait qu'elle a
répondu à l'interdiction du syndicat en jouant commeen plein air, et son théâtre libre a offert ce spectacleextraordinaire une immensetente de cirque,pouvantcontenir quatre mille deux cents personnes et qui,l'autre jour, en compta sept mille, sept mille spec-tateurs emplies et accueillant Sarah par un ouragande hourras. Plus quele maximum t
Et la tragédienne jouait !à, Horace,jetant avec une1e,émotion décuplée les imprécations de GamiHe,logeantCorneille sous la tente et réalisant une recette de11000doUars.Destrains déplaisir spéciauxamenaientles spectateurs. Des femmes avaient saccagé leurs
jardins pour apporter à Sarah des violettes.Les affaires
furent suspendues à Dalas– Mo&:MHteM/~ro~/ –
et même un meeting, un meetingpolitique qui devait
LA VIE A PARtS.''12&ë
~i
se réunir pour une élection municipale.fut ajourné.Pour satisfaire la population et la presse, on avait
installé une station télégraphique dans une tenteannexe d'où les correspondants envoyaient duranttoute la soirée des dépêches à leurs journaux. Sarahelle-même avait inauguré la ligne en envoyant ce
messageà sonfils g
MauriceBernhardt,Pau.
Jecâbledecettemagnifiquetentedanslaquellejejouecesoir.C'estamusantet c'estunpaysde féerie.Adoration.
MOTHER BERNHARDT.Tentede Dalas,mars26.
La tente Bernhardt, comme on l'appelle familière- Sment, a été dresséependant toute une semaine dans ;§CyclePark, avec un train spécialà côté, et les photo-graphes ont naturellement braqué leurs kodaks sur ?Mme Sarah-Bernhardt, debout et, de la plate-forme,envoyant à la fouleson salut, spnsourireet ses adieux. 'i~
C'est inouïet, à dire vrai, c'est leretour puret simpleau théâtre primitif, au char de Thespis mué en !oco-motive. Tous ces essais de théâtres sans décors, de ~a~théâtres itinérants, de théâtres nomades, ces repré- ~Êsentations dans !es arènes retrouvées par !ea archéo- $~loguesou imaginéespar les architecteset lesimpresarii,ce sont les fêtes dyoEisiaquesdont nousparle M.J~au-rice Croiset dans son beau livre sur Aristophane.C'est S~renouvelé des Grecs. Reste &sav6irstC'est de Fatti-
cisme,bien que ce soit un fruit de rÂttique.' °Mais c'est un fait. Onne discute pas avec les faits.
Et aUez donc parier du Foyer et des causeries du
130 LAVTEAPAKIS. Il
Foyer à des comédiens qui ouvrent un journal etlisent:
«Triumph în tent/or Mrs. Bernhardt.Specialtrains.
Special telegraph.»
Ils ne doivent plus rêver que d'avoir leur tente,comme ils rêvent tous moins les sages d'avoirleur théâtre F
Les amateurs de situations dramatiques et de coupsde théâtre peuvent être satisfaite Chaquejournée leurréserve une émotion nouvelle. Courrières est commeun roman tragique dont la «suite au prochainnuméro*s
se déroule avec une successiond'horreurs et de con-
solations.Les Mystèresde la mine.Desdévouementset
des misères.Del'héroïsmeet de la mort. Et cesréappa-ritions quasi miraculeusesde visages Mêmes,de corpsamaigris, de vêtements en haillons ces « escapés w
que le trou noir laisse remonter vers la lumière cesensevelis d'hier qui seront, parait-il, aux coursesd'Auteuil aujourd'hui, cette! ironiede la destinée quidonnera ceux-ci le ruban rouge,"à tant d'autres le
cercueilde planches1 Vousvoulezdu drame? Voilà,dudrame. Et lethéâtre et le romansont fadescomparésàcette réalité sinistre.
Puis l'imagination marche:' Les légendesnaissent.Les colèrescouvent, comme legrisou.On en arrive àtout croire. Ne m'annonçait-on point hier ceci:
Neufmineurs retrouvés encore On dit que, poursenourrir, ils ont mangédeuxenfantamjirts)1
La vérité~est assez lugubre pour qu'on n'y ajoutepoint.d'abominables fioritures.Maisla pitié, qui jaillitdes cœurs, console de ces épouvantes qu'elle essaye
t.AVtEAPARtS. '~i3Ï~~3
d'atténuer. I!.n'en restera pas moins une légende $sinistre. Et les reporters, qui devancent l'histoire, ont
trouvé là l'occasion de saisissantes pages qui font
paraître bien pâle le récit du bon Delille, !ë jeune t;
«amant des arts »perdu dans le noir desCatacombes.
Ce n'est pasdu Delille,mais du Dante.
Comme ils vont interroger Nény et Pruvost, si
vraiment, passant du martyre à l'ovation, du puitssinistre au high~/e, les mineurs vont aux coursesLet
reporters se sont précipités aussi chez notre confrère
Albert Sorel, à qui l'Institut a décerné le prix Osiris
pour son maître livre, labeur de tant d'annéesfécondes.
MaisAlbert Sorela eu un joli mot que je recommande à tous lesinterviewés
– Les historiensn'ont pas d'histoire 1
Ils ont unevivante histoires leur exemple.
XI
DameNatureest mécontente. L'éruptiondu Vésuve.–Commeau tempsdePline. Napleset JosephdeNittis.–Souvenirsdevoyage. LaMartinique. Pompéimenacée.F.PlantéauConservatoire.Lerêve.–La grèvedesfacteurs.
Unegrèvepossibledestypographes. Et les afnchoséiec-toraiest–La trêvedel'injure. Unétu:lemarquisdeMassa'&l' Épatant Lemoisdemai.
<3Avril.
Il me semble, à en juger sur les apparences, que la
Nature n'est pas très satisfaite des hommes.Elle leur
donne maintes preuves de son mécontentement. On
l'interroge, on l'étudié, on lui arrache ses secrets, on !aL dompte commeun cheval rétif, onlui dictedes ordres
comme à un esclave, ori l'éventre commeune malade, $elle obéit et se résigne; puis brusquement, par un
caprice, quelque coup de tête qui ressembleà un coup
de. foudre, la voilà révoltée, et elle se venge en une fminute de ceshommes qui croyaient avoir établi leurdomination sur ses forces obscures.Un vent de mprti
§ dans la mine, un cyclone à travers les. viUes,un raz de
ma~éesur la plagé, ùte secoussevolcahiqûe. C'est !a~Nature qui s~t&ohe.Elle veut bien taiMercroirequ'o~~
~raapprtYOlsée; mais~mégère retrouv~~se~ `~,ses énergieset ses ictères. EI]Bsuppnme des Mes6n-~$!
~tières,teTavàge~des~ttës,repM
4 ~tâ~
LA VIE A PARIS. 133
12 ~e1
répertoire de maux et de désastres les catastrophes S;~
légendaires. Elle se répète. Et voilà que le Vésuve a
failli détruire les ruines mêmes de cette Pompéi qu'ilavait dévastée une première fois au temps passé.
Pompéi disparue Pompéi une fois encore ensevelie
sous une pluie de cendres 1 L'acharnementdu volcan <i
eût paru férocevraiment et la disparition de la ville
morte eût enlevéà~ la curiosité des poètes et aux
recherches des archéologuesun dès-plusbeaux décors
et des plus mélancoliquesqu'on puisse rencontrer et
même imaginer.L'histoire (ce n'est pas la première fois qu'on le dit
et la dernière foisqu'on le dira) est un perpétuel recom- gmencement. Voyez-vousen 1906 (et le fait était pos- 'S
sible) un reporter mourant étouffé sous la cendre,
comme,en l'an 79 avant J.-C., Pline l'Ancien, ses ta-
blettes à la main,observant la nature et interviewant le ?
volcan en éruption? C'était en août, aux jours les pluschauds de t'été, que Pline prenait des notes, ce Pline
qui est redevenu quel étonnement) – une <taotua-
lité » et que le professeur Matteucci, debout en son
laboratoire dans la tempête de feu,commele capitaineà son banc de quart, rappelle héroïquement.Cette fois,
l'éruption du Vésuven'est plus estivale, elle estprin-tanière. La lave dévore les jeunespousses,lavigne en
ueùr, commeelle emporte ce funiculairepar, où nous ~$montions, joyeux, vers le cratère. FMMMMH/F~CK!a/ La chanson populaire venait aux tévrea des~
touristea faisant par là une asMnsiondeYelHMfacite.
.Refram funèbre maintenant.LeVëauves'est tasse du funiculaire, des yisiteurs~L'
134 LAVtEA'PAR!8.
des promenadesdes agences Cook.Il a grondé,il s'est
irrité, commele mont Pelé. Et les pauvres gens ont fui
leurs maisonnettesaccrochéesauflancde la terre defeu.
leurs villages aux murailles blanches bâties au pieddu volcan menaçant toujours.
Le peintre de la vie parisienne, Joseph de Nittis,? Napolitain de naissance,avait assisté jadis à une érup-
tion pleine d'épouvante, moins tragique peut-être quecelle de cette année. Il en avait même fait un tableau
que je revois, sinistre, à la lueur desflammesactuelles
Toute une population affolée,courant par les champs,des matelas sur les épaules, commeles contemporainsde Pline se couvraient la tête de coussinspour éviter
la pluie de pierres. Des paysans poussant devant eux
leurs bestiaux éperdus, leurs troupeaux de chèvres.
Des femmesà genoux implorant la Viergeet les saints
sous les cendres qui tombent. Les madones appelées,
prises à témoin, et les bienheureux maudits, parce
qu'ils n'arrivent pas au secoursdes pauvres gens.Une
soudaine évocation du moyenâge, des terreurs et des
supplications de l'An Mil. Chacunrécitant à son «pa-? tron » les litanies spéciales,et les malheureux désolés
rejetant sur le « saint » du voisin la responsabilité du
? désastre. Desbrutalités et des Injures. « C'est la faute
de ton saint, qui est un ivrogne t– Prie donc la Viergeen personne,au lieu de ton patron qui,vole au jeu »
? Un d'Annunzio ou une Matilde Serao nous pein-
~g draient, avec la couleur violente de pareilles scènes,
$?, la bestialité de ces foules.
~K' Que Naples, où grouille, pittoresque et bruissante,
B~~ la multitude, doit être dramatique à voir avec cette
LA VM: A MRtS. 'I~~Y<~
poussée,cette maréede fuyards déferlant danssesrues,
ses casernes où logent les pauvres, la Chiaja pleine
de cris, de prières, de supplications, de malédictionst
A toute heure, les faits ironiques se succèdent ainsi
pour nous prouver que nous sommespeu de chose et
que l'inattendu, l'inconnu, le terrible imprévuest le
roi du monde. Je ne sais pas de prédication de carême
qui soit plus frappante que cette réalité lugubre. Et,
à l'heure où l'Italie s'émeut pour les mineursde Cour-
rièreset leur envoiedes secours, voilà tout à coupqujillui faut secourirsespropres enfants et songerbrusque;ment à d'autres victimes.
Si jamais la vérité de cette formule «la lutte pour
la vie x est apparue en sa clarté, c'est bien dans la
successiondedésastres subis depuis quelquetemps par
la fourmilière humaine. Cette suite d'épreuves rend
la formule évidente. Et, chose étrange, on s'habitue à
tout. On ouvre son journal en se disant «Quelcata-
clysme va-t-on m'annoncer aujourd'hui? Quel trem-
blement de terre nous réveillera demain? – Ah t un
nuageplane sur le Montenegro– Sous la cendre, à
Naples, lé toit d'un marché s'écroule–Les habitants
de Bosco-Trecase,de Torre-dél-Greco,de San-Giuseppesont en fuite 1En fuite, ou morta.Et l'onrevoitparla pensée ces villages ensoleillés, avec leurs odeurs
d'orangers, leurs oliviers gris, les paysannes aux
foulards jaunes ou rouges,telles quelespeint Mi~
ces villages delumièreetde joie oùles tarentelles mon-taient dansl'air, auxsoirs d'été,– ~ttKtCtt!t ~M~MH~
et maintenant brûlés, écroulés,en ruines, avec,sous
les décombres,des pauvres gens qui vivaient là, sous
~?/38~ LAVtEAPÂRtS.
!e danger, fidèles à la terre volcanique et mortelle.– Aussi pourquoi habiter un pays où « le sol
tremble ))?Pourquoi des berceaux sousces toits mena-
cés?– Ah 1 pourquoi1 Parce que c'est la terre nourri-
cière,parce que de là sort le vin duVésuve,le vin doré,le lacryma-christi,le vin de vie 1 Pourquoi?Parce que
c'est la patrie et comme on y est né, qu'importe
qu'on y meure On reste où sont les vieux qui culti-
vaient la vigne dont les fleurspromettaient hier encore
des grappes aux vignerons.
Lacryma-christi Lalave a dévoréla.vigne. Larmes
maintenant des vignerons. Larmes des choses. Et la
nature implacablemais égalitaireétend sa nuit sur le
pays noir et le pays bleu, sur Lens où gronde la grève,sur Naples où gronde le volcan.
Non, non, ellen'est pas toujours maternelle, la bonne
Nature. Et pour le moment, ellemontre les dents à ses
enfants.
Les cendres tombent sur les rives de l'Adriatique.
Est-ce qu'en 79, sous Titus, il n'en tomba point jus-
qu'en Syrie?Mais pourquoi cette épouvante, qui aura fait vingt
fois moins de victimes (espérons-le)que l'épouvantede la Martinique, nous secoue-t-elle d'une émotion
plus violente? Ah1 c'est que la pitié et la terreur c,ccoissent en raison inverse de la distance. C'est là, ce
volcan en éruption c'est près de nous, cette lave en
fusion. En prenant le train, on pourrait voir, après
quelquesheures de wagon,le Vésuvefurieux. Puis les j
souvenirs littéraires se mêlent invinciblement à nos
– ~S
'~A~A'P~'p!
i2.
tristessesles plus fortes. Les chansons de Piedigrotta
accompagnent d'un lamente ironique les litanies réci-tées par les Napolitains eSarés. On songe à l'Octavedes Capricesde Marianne disant avecMusset «Adieula gaieté de ma jeunesse,l'insouciante folie,la vie libreet joyeuse au pied du Vésuve,les causeriesdu soir, lessérénadessous les balcons ))Toutest littérature en ce
monde, eût dit Flaubert. Et l'ombre de Pline se méfieaux Pâques rougesque célèbre là-bas le volcan.
Et puis, à la Martinique, ce fut en quelquesminutes
que le mont Pelé supprima, dans un horrible étouffe-
ment, une cité qui fut commeanreusement escamotée,
emportée, bifféepar le désastre. La rapidité même etl'horreur de ce cataclysme lui donnent quelque chosede fantastique et de surhumain. Tandis que dans ces
villages, les hurlements, l'affolement, la superstition,tout concourt à donner à la catastrophe je ne sais quelcaractère de drame aux situations plus prolongées.Les pauvres martyrs de Saint-Pierre, là-bas, dispa-rurent en quelquesminutes, tandis que les Pompéienspeuvent fuir du moinsla lapidationpar le cratère.
Cette vision de Pompéi menacée de Pompéi oùl'on ne vend plus désdébris de lave noire avec le por-
traitestampéde Garibaldi, mais oùtombent les cendres
rouges, de Pompéivisée par la couléesinistre–merevenait hier matin encore,commeune obsession,dans Jcette salle pompéienne du Goneervatoireoù FrancisPlanté répétait le concertode Mendetssphnet !a Ro-
MeMcede Mozart qu'il jouera ce soir devant les'très-
quëa inutées, insp'réesdes peintures muralesde tâchas.Et la joie artistique éprouvée à écouter l'admi- ?
~t38f
LAVtEAPÂHtS.
rable pianiste, à suivre aussi l'orchestre conduit parM.GeorgesMarty, qui tout à l'heure avait fait entendre
Parsifal, cette sensation rare et profonde, la hantise
des désastres la rendait presque douloureuse.C'était
charmant cependant, cette scèneoccupéeparles instru-
mentistes, cette salle emplie des chœurs auxquels on
permettait d'assister à. la répétition et, sous la lueur
blafarde du plafondde verre, ces~jeunesvisageset ces
chapeaux de paille rappelant l'aspect ~pittoresque,
gavamiesque », du temps où les concours avaient
lieu ici.
Et c'était, dans lavie parisienneéperonnée'et surac-
tive, une halte heureuseque cette exquisematmée'où
Planta, merveilleux artiste, puissant et poétique la
fois, laissait tomber sesdoigts commechargesde mélo-
diesur lestouchesd'ivoire.
Pourquej'applaudisseSic'estduMozart,quel'onm'avertisse,
disait Béranger. Mais Mozart eût applaudi lui-même
son interprète, et j'ai rarement assisté à une ovation
pareille à celle qui salua Francis Planté après le con-
certo. L'orchestre,'les choeurs, des artistes supé-
rieurs, – M. Marty lui-m~me, et la salle et la scène,tous les auditeurs et les collaborateursacclamaie&tle
màttre, et à son tour il applaudissait les chanteurs,
les violons,lesSûtes, les cuivres il remerpiait, il reh-
dait bravos pour bravos, et je meTappelata Gounod,
ainsi fêté dans cette salle même,autant son chapeaude feutre et envoyantdesb~aisersau public aprett~ex~-
cutiondesontnodeFoM~.
LÀ:1V,y'E" A:PARIS:
K'
?'tisl~f`~Flj~~ `~L~V~RtS~ ~&M-
Francis Planté avait connu là les premiers sourires .S!de la gloire. Sur cette scène, sur ces planches où nous $i~
l'applaudissionshier, il remportait à onzeans son pre-mier prix, et l'enfant prodige, devenu le grand poètedu piano, a peut-être revécu là une des plus chères ?~heures desa vie. Pournous, '1 nous&donnéune heur&de rêve.
Une heure de-rêve, et nous n'en avons pas trop. La
réalité, encore une fois, se fait redoutable.,Elle prendmême– et prendra de plus en plus – des aspects ~Nimprévus. Il faut nous habituer à l'improbable, etl'extrême civilisationnous fera, quelque matin, nouséveilleren pleinebarbarie.
N'avons-nous point failli nous réveiller sans avoirde « courrier o, oudu moinsn'a-t-on point entrevu, §~hier, la perspectivede quelque journée où, les facteurss'étant mis en grève, nous n'aurions aucune lettre à S;~décacheter? Pour moi, je ne m'en plaindrais pas trop,les lettres ne m'apportant guère que des demandes
auxquelles je ne puissatisfaire, comme!e téléphona –dont le placement en un logis n'est pas de tout repos S~– ne me pose quedes questions auxqueUesj'ai pein&&répondre. Une cure de lettres, une diète de corres- iS~
pondanoene serait pas sans douceur. Mais~hnnonn~ ~`~s'imagine guère Paris t(~entieMansbiI!ets dû ~àtm~ fiet' 'san'scartes .p'ostàlés.On-.ne'vôit'.pas'.tfès'Men~nto'~
une populationcontrainte, pOMcëchanger<ïesn9uyèUes~~v'.d'avoir TecQura''aux''anBOnC,M~~ p~tit~l1'ç!>j"
p~ances~'nes~joumaùx. ~~?'M~~
/ënMre~~lésjountaux1~Hs<;p~uwen~
')pl~para!tre,jes''joumaux4.;Gomm~
"140- LAVtEAPAR!S.
teurs des postes fut esquissée,la grèvedes typographes
peut être votée. Et que deviendrions-noussans nou-
velles?p
Un « compagnon pratique, qui a la connaissance
des hommes et fait en action la philosophiemême de
~apolitique, déclarait hier justement qu'il fallait pro-fiter de la périodeélectorale pour multiplier les reven-
dications. Un député soumis à la réélection, un can-
didat sollicitant un mandat du suffrageuniversel, ont,
en effet, l'âme plus facilement attendrie, je n'ose dire
amollie. On cède plus volontiers quand notre sort va
se débattre dans l'urne, commeon donne plus facile-
ment quelques sous à un pauvre diable lorsqu'on a
quelque inquiétude ou quelquesouci. «Tenez,prenezt
Et que cela me porte bonheur 1 »
Mais une grève d'imprimeurs, à la veille et surtout
au cours de la batai~e électorale,ne semblerait pas
un cataclysme à tout le monde.
Voyrz-vous les c-mdidQtsmis dans l'impossibi-
lité de faire imprimer leurs affichesinjurieuses) 1 me
disait tout à l'heure un hommed'infiniment d'esprit.
Concevez-vousune élection sans placards diffama-
toires? Ce serait la fin de tout. Une élection ne
peut se passer sans qu'on-se jette d'horribles épithètes
à la tête et qu'on étale l'infamie du concurrent sur les
murailles. Une élection sans amchësUne élection
sans, diffamationsOùirions-nous?
On en serait réduit, en effet, à s'injurier dansles
seulessalles de réunionspubliques et à s'insulter face
à face. Les candidats n'ayant plus de typographes à
appeler à la rescousse,les passantsne pourraient plus
LA V'!EA PARIS. .1~1~
lire les petits pamphlets pariétaires qu'échangent les
adversaires, amoureux du même siègede député., Onne verrait plus les badauds arrêtés devant des pro-clamations decegenre "S
X. est un misérablecalomniatèur
Z. en a menti 1
Y. est un faussairet
Je souftlette Balandard sur les depx joues t
Mon indigneadversaireest un-lâche1
Oh 1 la grève de l'insulte, la trêve de l'injure par le
chômage de l'imprimerie1
C'est une perspective que plus d'un candidat n'en-
trevoit pas sans espérance. Et les Parisiens qui se n
souviennent de la littérature étalée sur les murailles
de l'avenue de l'Opéra, les palissadesdu Métropolitainen construction' au temps de l'élection Syveton ne
regretteraient pas ce débordement d'adjectifs boueux.
J'avais, en dehors de toute opinion politique, de la
gêne,et, commeFrançais,de la honte à lirecesplacards; S
je me disais « Que doit penser de nous un étranger
qui sort du Grand Hôtel et s'en va à travers Paris en $débutant par l'avenue de l'Opéra? Quelleidée peut-ilbien se faire de la ViHe-Lumièreen épelant les infa- `
mies étalées en plein soleil et impriméeslà en grosses
lettres, commepour rendre l'injure plus cruelle, plus
odieuse, en la réndant plus visible? » ,yJe sais bien que tous les pays ont unesorte deSevré ~B
éruptive, un « purpura auxheuresdes périodese!ec-
toratea.Mais tout de même, c'était attristant,!rritant,
indigna do nous, cette collection d'insultes multioo-
bres.
LA VfEAPMma.
Et nous ne verrions plus cela Et la grève des typo-graphes, arrivant en pleines élections,supprimerait lesdialogues à la Vadé placardés sur les « injuroirs » tSans doute, la lutte en parattrait-elle un peup)us fademais elleen semblerait peut-être plus correcte.
Mais rassurons-nous.Nous auronsnos placards, nosaffiches, nos injures. Le dictionnairedes interjectionsféroces et des méconnaissancesutiles de la politessecourante ne sera point fermé. Les typographes conti-nueront à composer philosopheseux aussi, philo-sophes narquois les affichesdestinées à porter.laconviction dans l'âme des électeurs sous la forme decalomnies.
Nous n'aurons pas cette grève.des éclaboussuresqui donnerait à des élections une apparence de cour-toisie inacceptable. Nous aurons, commed'habitude,les insinuations, les dénonciations,tes inventions, !esgros mots, les vocablesodieux, les verbes orduriers,toute la lyre Et les candidats, essuyantensuite toutecette encre d'imprimerie, à l'heure où l'on déchireralès aSiches et où on lessivera lesmurailles, se diront:
Aprèstout, qui se souvient desvieux papiers etdes vieilles calomnies?Averse é!ectora)e.Ce!amouilleet ne tache pas.
Il faut bien qu'ils aient cette conviction ou cetteespérance pour cette bataiUaà coupsd'af-fiches dont la grève des typographes serait une sortedo conférence delà Haye mise en, action.
Uneélection toute spéciale, très parisienne,ceUe-!à,dans le sens spécial et mondain du mot, – c'est
celle du marquis de Massa, succédant au marquis do
'B~~S!~
LAVtE.PA.Rrs.l~'M~
VoguecommeprésidentduCerclede l'Unionartistique,t' Epatant » puisque c'est son nom, l'anciencercledes « Mirlitons».L' «Epatant »avecsa terrassesur les Champs-Elysées,son hôtel, qui fut celui deGrimod de la Reynière, puis abrita l'ambaasade deRussie, l'ambassade de Turquie, c'est, rue Boissy-d'Anglas, un des cercles les plus boulevardiers deParis.
M.PhilippedeMassay régnait par te droit de l'esprit.Aimable, toujours jeune, c'est lui qui, tous les ans oupresque tous les ans, passait là en revue le événe-ments de l'année, les chansonnait, les couplétait si jepuis dire. Le voilà président) Va-t-il cesser d'être/'ef!'e(fer?
Avec LudovicHalévy,quiconte si biensessouvenirs,M.de Massaest commeun témoin toujours alerte d'unpassé devenu légendaire..Il rimait les rondeaux deCompiègne,mettait en verselets,les Co'MM<m<<HrMdeCésar. Il a distribuédes rôlesà Mmede GaHiSetet à laprincesse de Metternich avant d'en donner à MiJy-Meyerou à MlleLudwig.Trés élégantsous l'uniformed'officier des guides commeaujourd'hui sous le fracnoir, il allait bientôt combattre dans l'Est, aux heures,tragiques, et, aide de camp du général Bourbaki, il afort dramatiquement conté le suicide du soldat foude désespoir. Je croismême qu'il a gardé la balle quis'aplatit sur le front de son général.
Tout cela est !oin. M.de Massa est aujourd'hui leplus a~éle des Ma~M<Mde la Comédie,et au début <ië Schaque saison, après leretour des bains de mer~avant%!le départ pour la chasse,lorsque la sveltesilhouette de
1~4 LAVtEAPARIS.
l'ami de la Maisonapparaît auseuil de la petite portequi mène à la scène,nous nous disons
Ah voiciM. de Massa1 Lasaison recommence.Il sonnele rappel. Il donne le coup de cloche.C'est.
toujours le premier des Parisiens qui réintègre Paris,commeil est ledernier à le quitter, à l'heure du départ.Aveclui, la moustachecirée,la barbicheau menton,
c'est toute une époque qui réapparaît, qui revit, etcet habitué de la Comédiey fit jouer jadis, au tempsde M. Perrin, une pièce, Serviceen campagne.Il secontente maintenant d'applaudir celles des autres, etsi le Foyer renaissait, ce Foyer dont je parlais l'autre
jour, ce serait à des hôtes commeM. de Massaqu'onle devrait.
Il aura trop à faire avec les Salonsde la rue Boissy-d'Anglas. Maisvoilà du moinsun élu qui n'a pas euà subir les dures épreuves de l'amohe et à qui impor-tait peu la grève des imprimeurs.
Moisde mai, joli mois de mai, que nous apporteras-tu bientôt? AiphonseKarr eût répondu
Dans tous les cas, des lilaset desroses 1
r XII
VOYAGE AU PAYS DE CORNEILLEET DE FLAUBERT
20Avril,
J'ai profité des vacances de Pâques pour faire aupays normand un rapide pèlerinage littéraire. Dans
quelquessemaines,la ville de Rouen célébrerale troi-sième centenaire de Corneille mais je crois bien
qu'auparavant le comité qui acquit, pour l'arracher
sans doute aux démolisseurs,le pavillon de Gustave g
Flaubert; à Croisset,aura inauguré cette demeure oùl'auteur deAfo~arneBocarya passé.
Les Rouennais, quo Flaubert n'épargnait guère ?
lorsqu'il militait pour la monumentde son cher LouisBomlhet,ont depuislongtempspardonnéà leur illustre sSr
compatriote ses boutades et ses emportements. Ils ~~i~
sont très Sers– et ils ont raison–de cette gloire S!~incontestée. Oùest le temps(dont je me souviens) où
l'on entendait, lorsqu'on parlait de, Flaubert, ume~
parole;CQmjme~celIe-ci' ~$~,–Le~~TIaubërt.(!è iSIs~FIaub6rt).?:Ah-!~oùi,'un:~om:~~M~
~~garcom7qui~v~~fantot~;<~isaet~et~ta~
etputS qui; tout d'un coup, part po~r
1
1~6 LA VIE A PARIS.
à Carthage, commeça, sans criergare 1 Nousn'aimons
pas beaucoup cesmanières-là,à Rouen 1
Rouen a spirituellement oubliéles coups de boutoirde son fi, et j'espère bien que quelque jour, non con-
tente du bas-reliefde marbre apposéau mur du musée,elle élèvera commeà Armand Carrël une statueà Gustave Flaubert. Un très vivant et expressifbuste
de marbre, déjà placé dans ce musée, montre cequeserait la statue. Comment M. Léopold Bernstamm,
qui, je crois, n'a point connu Flaubert, a-t-il aussiétonnamment ressuscité ce bon grand Gaulois? Et
non content de sculpter le buste, il a pétri la statue.
L'image de l'auteur de Madame Bovary est toute
prête.Je venais de lire !c8Lettresà ma nièce, poignantes
et fiévreuses,où l'écrivain se livre avectoutes lesexas-
pérations desesnerfs et toute la tendressedeson coeur.Je me souvenais de ce qu'avait dit ailleurs GustaveFlaubert de sa demeure de Croisset « J'ai quelque
part une maison blanche dont les volets sont fermés
maintenant que je n'y suis plus. J'ai laissé le grandmur tapissé de roses et le paviUondu bord de l'eau.
Une touffe de chèvrefeuillepousse eh dehors, sur le
balcon de fer. A une heure du matin, en juiHet, parle
ctair de tune, il y fait bon venu*voir pêcher tes calu-~
gOts.x
C'est ce pavillon– tout ce qui reste dela propriétéde Flaubert–qu'il s'agissait de sauveret qui va deye-nir un de ces coins de terre où les admirateurs vont
évoquer, respirer commeun souCteles ressouvenirsdeceux qui y ont vécu. II est surte borddé la routeet tes
LA VIE A PARIS. ~147" 'J~
volets en sont clos commelorsque Flaubert l'a quitté.Un pavillon percé de hautes fenêtres, au toit carré de
briquesmoussues,et dont le balcon de fer gît présente-ment sur te chemin. On le scellera à nouveau devant
les deux fenêtres qui s'ouvrent sur la Seine et d'où
Flaubert regardait lepaysvert au loin.J'imagine qu'en
dépit du bon campagnard,Eugène Noël,le naturaliste
exquis dont la Viedesfleurssemblesortie de la plumede Michelet, et qui dit, en son livre-sur la Campagne,
que ni Corneille ni Flaubert n'aimèrent la nature,l'admirable peintre du pays normand dans J)~ac!aMe
Bofan/ devait aimer à ouvrir ses fenêtressur l'horizon
qui s'étend sous'le pavillon de Croisset. « Non, dit
Eugène Noël,il les fermait, au contraire,avec colère. »
Boutades encore que ces accès de fureur de l'écri-
vain contre la bellenature dont l'admiration bour-
geoiseet convenuele mettait en fureur. Maisil aimait
tout, en pestant contre tout. Il aimait les hommes
malgréleur bêtise, il aimait les rosesmalgréles piqûresde leurs épines.
C'est pourtant dans ce pavillon, aux boiseries du
XVIIIesiècle, avec de hautes glaces étroites entre les
panneaux blancs, que venait se reposer le robuste
travailleur, s'étendre sur quelque divan, fumer. Il yécrivait peu, quoique la brave femme qui pour nous
a poussé la porte d'entrée, retenue par des fils de fer,
nousdise et dise aux visiteurs que ce fut là que
Flaubert mourut, à la porte du pavillon, comme au
seuilde son studio.I! s'y reposait. Le repos1 Pourcor-
tains êtres agités, pousséspar ta passionou éperonnés
par la nécessité, le repos, c'est la terre promise, t~Mta
1148 LAVtEAPARIS.
a
terra, cellequi fuit et fuit toujours, terre de mirage.On le voit, le pauvre Flaubert, dans sesLettresd ma
7t:c, à court d'argent, attendant les revenus de son <
patrimoine, placé dans les scieriesde Norvège. Il est
fier, il est bon, il halette sur son œuvre qui ne lui
rapporte pas le vingtième, le centièmede ce que vaut <
une invention puérile à quelque romancier de paco-tille. Il rêve le théâtre et il tombe de haut. C'est à
Croisset qu'il vient conter ses désespoirset bercer sa
tristesse.La maison n'existe plus, ni le jardin en pente où il
trouvait <(b6te desepromener. Pourquoi? Pourfaire
del'exercice,commeM.H omais Cette maisonblanche,
une distilleriel'a depuis longtemps remplacée,grande
bâtisse enbriques rouges dont les murs semblent avoir
des lézardes et dont les vitres brisées laissent voir le
vide. Elle va, la distillerie, faire place à une impri-merie bientôt. Et du moins, l'ombre de Flaubert re-
trouvera là la lettre moutée, l'encre d'imprimerie, le
livre, le cherbouquin, ce qui fait vivre 1
Monsieur, nous dit là femme qui nous guide,M.Flaubert, lorsqu'il était là, danssonpavillon,parlaittout haut, si haut que les gens s'asseyaient là, sur la
pierre, de l'autre côté de la route, pour l'écouter.
Légende, sans doute. Mais toute légendea un fond
de vérité. Ce pavillon fut peut-être souvent le «guou-loir )) où Flaubert débitait de sa voix superbe les.
phrases majestueuses de Bossuet, de Coeneteau, de
Chateaubriand, ou de Flaubert.
– Mais, ajoute notre guide, vous pouvez voir
M. Colange, là tout à côté, et il vous parlera de
''("LÀ~VtE.A-'PÂt<!S.[~
1. s.31 1 'i\:riil
M. Flaubert mieux .que moi il a été son cuisinier. ~Q;~Et en effet, au-dessusd'un cabaret normand blanc
et d'aspect hospitalier, près de la rouge distillerie. ?~déserte, nous lisons cette enseigneque nous n'avions.
pas aperçue tout à l'heure en voiture « Colange, ?? ei
aubergiste, ex-cuisinierde M. Gustave Flaubert. » ~SVoilà un titre 1 Et l'ex-cuisinier de Cambacérèsou S~
deTalleyrand ne devait pas avoir plus de fierté.
Nous entrons chezM. Colange. §~C'est Mme Colangequi nous sert, ainiable, accueil-
lante et qui fut la femmede chambredeMmeCom- s§St,manville. Je croisbienque dans les Lettresà ma nièceU SSN
est question de son mariage, et Flaubert en parle avec %Sune affectionpleined'estime. ~'S
Votre mari était le cuisinierdeGustaveFlaubert,madame?
Et M. Colangelui-même avec son !oya! visageet un sourire dans sa barbe noire encore malgré ses
soixante-trois ans nous répond, évoquant avec une 3~
joievisible, un peu attendrie, les souvenirsd'autrefois,les repas du dimanche où Zola, Daudet, Maupassant, ~S
Lapierre,venaient partager le repas du maître, causer,vivre de la vie cérébrale qu'active encore un bon %S'~
repas. 'S~Et Flaubert devait être gourmet,aimer là bonne
cuisine?
–Ah) oui, monsieur. Et alors, on en faise!tdu
bruit autour de la table,on en disait J'ai suivi augst
M. Flaubert rué de'Monceau,a Paris, maisc'était ic~f~
qu'il était heureux.
Eh 1.,sans doute. Croissetc'était la halte, et aussi !ë 3~v"
150 LAVtEAPARtS.
calme pour ce grand ennuyé. Car Gustave Flaubert
promena, commeChateaubriand, son ennui à travers
le monde. Mais si l'auteur des Mémoiresd'outre-tombe
« bâillait » sa vie, l'auteur de Salammbôla « rugis-
sait ».Mais commeelles tombaient vite, ses colères)1
Quel mouton, même tondu ras, que ce jaguar t Gus-
tave Flaubert eût, comme le Coulanges de Mme de
Sévigné,méritéle surnom de «bien bon ».
Choseétrange) J'ai suivi, sur la côte de Canteleu,
le convoi de haubert, par un jour de mai d'une iro-
nique beaut-. J'ai vu ce logis endeuil et je n'en ai pas
gardél'imagedansmamémoire.Non,je nem'ensouviens
pas. Comment était la maison maintenant en pous-
sière?Je n'en saisplus rien. Nous marchons entre des
rangées de fantômes, hommes ou murailles.
Mais j'ai voulu refaire le cheminque je fisil y a tant
d'années derrière le cercueil. J'ai gravi la côte de ce
cimetière monumental où nous l'avons déposé. J'ai
cherchésa tombeparmi lestombes. Il ne dort pas très
loin du monument aux morts de 1870-71,qui se dé-
tache à l'entrée du lieu du repos il n'est que là, le
repos sur la verdure sombre et lui fait un beau
décor sévère. Flaubert avait eu sa rage patriotique,
commeles vaincus dontje dévouement et l'héroïsme
méritent un tel souvenir.
Et là-haut, à côté da sa mère,de son père le docteur
qui fut un maître aussi, et de sa sceur,Gustave Flau-
bert repose. Quatre tombes, quatre pierres,portant ce
même nom illustre « Flaubert )).Maisla pierre de
Gustave Flaubert est toute blanche. Marbre blanc,
couronnes blanches sur ce marbre où l'on peut lire
LA'"V!~A~AR!S~
les deux dates de la naissance et de la mort de l'écri-
vain, 1821-1880.
Comme Balzac du haut du Père-Lachaise,Flaubert
domineRouen du haut de la collineoù les monuments
se dressent plus orgueilleuxque le sien. La ville labo-
rieuse, la ville dont le pouls bat si vite au quartier
Martinville, la cité du labeur et du négoce, de l'éru-
dition aussi, de la science, la patrie des Pouchet,
l'écrivain l'a conquise,lefi Flaubert ladomine,comme
ce Maupassant dont le mâle visagélui fait face,parmilesfleurs,dans lesquare du musée.
Et ils sont populaires Prophètes en leur pays 1
Populaires(le mot eût fait bondir Flaubert) à cepoint
que j'ai vu, dans une revue d'un petit théâtre de
Rouen, Gustave Flaubert et Guy de Maupassant en
personne, sur la scène, celui-ci avec sa moustache
brune, celui-là avec sa longue chevelure de Celte, et
que, comme on sait, la marque suprêmede la popula-
rité, c'est d'apparaître, sous les traits d'un comédien,
dans une revue de fin d'année.
Gustave Flaubert ne s'est pasvu ainsi « panthéo-
niaé mais nous avons assisté à ce spectacle.C'est là
presque plus de la gloireque la statue même.C'est de
la gloire par les couplets. °
Tout naturellement, en cette revue, dans le défilé
des grands hommesrouennais, ily avait aussiCorneille.
Levieux Corneille,sur le pont de pierre, sembleveiller1r
sur la cité. Il'est l'aïeul vénéré de la grande ville. Sur
la maison de l'ancienne rue de la Pie, à l'endrott où
s'élevait sa maison(démoliecommele Iogi8:deFlaubert),
un buste rappelleses traits, et si la demeuren'est paa
~1SS~< !~A~ÏE''Â~'P~!<rs.
v une distillerie,on peut lire cependant, sous l'image dé? couleurbronzéede Pierre Corneille,cesmots «Cham-
poreau à 20centimes. »
Le logis de Petit-Couronne, qui est un musée, n'a
pas, du moins,de cesironies-là.
Nous y allons par la route même qui, de Rouen,nous a conduits au pavillon de Croisset.Le pays est
délicieux par ces jours d'avril. M. Mailletdu Boullay,
qui a écrit une notice intéressante sur cette maison
de Corneille,cite pour caractériser la campagnerouen-
naise une expression de Sainte-Beuve le charme
modéré;mais le charme continu, ajoute-t-il bien vite.
Les pommiers sont en fleurs, les crocus jaunes appa--raissent par touffesdans les prés verts c'est un frottis
de jeunes pousses sur les branches des arbres et les
haies, la haie normande où MmeBovary se piquait tes
doigts aux églantiers.Les fermessourient au soleil.
H nous faut passer la Seine en bac à Dieppedaie.Des bicyclistes trop nombreux menacent de faire
chavirer la barque et il faut mettre des cales à la voi-
t. ture pour que le cheval, qu'on tient par la bride, ne
S; nous jette pas à la rivière. Mais le voyage moderne
est devenu si banal que le moindre imprévu y prenddes airs d'aventure.
S§ -–L'autre jour, prés de Caudebec,une automobile I"
mal arrêtée s'est précipitée ainsi dans~â Seine, nous
~&" dit le passeur.
~'S Nous voici sur l'autre rive. Lamaison de Corneille,
.est toute proche. La voici. Par, son aspect rustique.
k~ ` avec sesfenêtres,sessolives,celogis,demeuremanartte
qui date xvic. siecte~'me 'rappeUë.-yaguement/Ia.
t:~ 'V.t~'A .'FA'lt tS.
maison de Shakespeare à Stratford-sur-Avon..Etj'y '~Sentre avec la mêmepensée de vénération. La maison
natale du poète est abattue. Abattue, la maison mor- %Ëtuaire de la butte des Moulins.,Ici, du moins,un peude Corneillerevit. Ceschambres l'ont vu passer.,Il a
dormi sous ce toit. C'est dans cette salle dite salle
de réception qu'il causait avec ses amis. Le dépar- .~g~a
tement de la Seine-Inférieurea restauré aussi bien et
aussi pieusement que possiblela pauvre vieille,maison /S
que les propriétaires, des paysans, des laboureurs sans
argent, laissaient lézarder, eussent laissée tomber en
ruine, lorsqu'un savant normand, – un de ces érudits r~~
moins illustres qu'un boulevardier spirituel et quihonorent la France sans que la France les connaisse,
Gosselin,retrouva dans les archives dutabellionagede Rouen l'acte d'acquisition par lequel le père de
Corneilledevenait propriétaire de la maison manante
de Petit-Couronne, où il voulait envoyer son fils
nouveau-né, Pierre, né commeVictor Hugo
Sanscouleur,sansregardet sansvoix. i~
M.Maillet du Boullayn'a garde de faire ce rappro-chement qui nous venait à l'esprit en songeant à ce f~petit Pierre que Pierre-AntoineCorneille,maitre dës~eaux et forêts, amenait ici pour lui donnerun air plusK~vivifiant q!!eceluide la rue de la Pie. E~ dèvâi'ent
emplir leur siècle–et.traver~er les siècles les vo~
de ~es":pètits~êtres~qu~'senAtMent:n'aYO~~
~do)mam~~vivre~"i.
'i' 'SLe verger,la cour, le puits, la niare.où Comejttle~ t:~
enf~t aregardélestêt~dsdes~g~~ puits' où
154 LA VIE A PARIS.
il's'est assis sur -lamargelle de pierre, l'auge où, nous
dit-on, il faisait boire sa mule,tout est resté tel quedu
temps du poète.Corneilleaimait lesroses,nousdit le gardienqui
nous guide (gardien de musée, car le logis appartientau département). On a planté l'espèce de roses qu'ilaimait, et, dans la saison, elles fleurissent là et em-baument.
Les roses de Corneillesont peut-être une légendemais en pareil cas, je le répète, les légendes sontséduisantes. Et lorsque le gardien, vieil homme fort
aimable, nous explique la vie de Corneilledans sonintimité rurale, nous l'écoutons en toute bonne foi,commeil nous parle.
Dev~ntla porte d'entrée, une pierreest placée,et ennous la montrant
C'est là-dessus que Corneilleposait le pied pourmonter sur sa mule. H n'était pas très bon cavalier.Il lui fallaitcet,appui.
Et devant la table de pierre où, dans le verger,l'au-teur de Cinna s'est accoudétant de fois, prenant poursiègeune autre pr rre quele lierre verdit
C'est ici que Corneilleécrivait ses ouvrages..ilne pouvait, paraît-il, écrire qu'en plein air. Chacun ases manies. H s'asseyait là et il travaillait.
Pourquoi ne serait-ce pas vrai? Lescartes postales,
ces feuilletsambulants de l'histoirecourante, cesboutsde carton qui transportent de l'érudition par là petiteposte, ne disent-elles pas, ces post cards vendues offi-ciellement à Petit-Couronne m3me « La table de
pierre surlaqueHePierreCorneilleécrivait sesœuvres, a
11 4 c:
LA VIE A PARtS. !?
Je n'ai rien contesté des détails que nous donnait le
guide, –ni le fauteuil « brodepar la reinede France )'
où il s'asseyait, ni la table, ni l'armoire normande quilui appartinrent, je n'ai fait qu'une observation
lorsqu'on m'a montré dans la salle de réception l'es-
quisse du « monument de Corneillepar Frémiet quiornele foyer de la Comédie-Française».
Hélas 1 non,nous n'avons pas ce Corneilleoù Fré-
miet représente la Muse couronnant-Corneille.
Je vous garantis, me répondait ce guide, que ce
monument est au foyerde la Comédie-Française1
Je vous affirmeque non 1
Mon affirmation l'a-t-elle convaincu? Je crois bien
que le GuideJoannelui-mêmedonne le renseignementsur t'œuvre de Frémiet et que les visiteurs de Petit-
Couronne continueront à chercher ensuite au foyerde la Comédieun Corneillequi n'y est pas.
Ona placésur la tablemême de la sallede réception,à Petit-Couronne, un buste de Rachet. C'est Rachel
qui, Muse de la tragédie,semble faire les honneursdu
logis du grand tragique. Elle fut la prêtresse de ce
dieu. «0 monvieuxCorneille xécrivait-ellelorsqu'onlui demandait quelque autographe. Et elle traçait surles albums la phrase que Scribe~et Legouvé luimettaient sur les lèvresdans AdrienneLecoMcre«r.
Il y a à Petit-Couronneune signature de Corneille.
Le comité des fêtes cornéliennesà Rouenorganise en
mêmetemps que M. H. Marcelà Paris a ta Biblio*
thèque nationale une exposition des souvenirs de
Corneille, autographes, éditions « princeps objets
ayant appartenu au poète, s'il s'en trouve. Je crois à
156 LAVIE A PARIS.
l'authenticité parfaite des meublesde Corneilleréunisensa maison.Leslivresprécieuxet curieuxy sont nom-
breux aussi. Et les portraits y abondent, depuis le
Corneilleà la moustachealtièrequelesbustes ont popu-larisé, jusq'i'à ce Corneille vieilli, la lèvre rasée, sans
barbe, que l'on voit au musée de Rouen et dont on
revoit unecopieà Petit-Couronne.
I! y a mêmeun Meissonier,au crayon, un Corneille
en pied, et une gravure du tableau de Gérome, Une
collaboration Molièreet Corneillecomposant .P~cM.Du dessinde Meissonier,le guidenousdit
Unvisiteur, un Anglais, en a offert 15000 francs.
Tout se mesure,en ce monde, à la valeur marchande.
Les visiteurs oublient peut-être les solives de boissous lesquelles, dans les combles, Corneille baissait
le front pouraller mesurer son blé, ou le four, près du
logis,où il cuisait sa farine poète rural faisant son
pain lui-même comme il le gagnait, rudement ils
oublient ce qui est la vie, ce qui reste encorede la vie
du passé, pour regarder ce Corneilleimaginaire quivaut «quinze nule francs »,s'il vous pla!t )
Mais ce que nous cherchons, retrouvons sous lestoits où ils ont vécu, c'est l'âme même des généra-teurs de nos âmes. Ici ils ont passé. Il reste d'eux ptus
que leur ombre.
Des couronnessans nombre encombrent, près de la
chambre à coucher,un petit cabinet où l'on a entassé,accroché commeaux muraiUësdes Jardies, dans la
maisondeGambetta les couronnesornéesde rubans
apportées lors de quelque cérémonie, d'un anniver-
saire. Celles-ci datent du deuxième centenaire de la
LA VIE A PARIS. 187
tt
mort de Corneille.Elles sont fanées,mais le troisième
centenaire de la naissanceva les rajeunir et les rever-
dir. Car Pierre Corneilleaura eu, à peu d'années de
distance, deux «centenaires »célébrés.Il mérite tous
ceshommages.– Je l'aurais fait prince, disait Napoléon 1~, s'il
eût vécu demon temps 1
Le vieux Corneilleest « plus que prince ». Prince
d'Horace et duc du Cid. Ses victoires sont de celles
que rien n'efface.Et je suis sorti de la maisonde Petit-
Couronneen emportant un souvenir du logis où, en
pèlerinage,les admirateurs de Pierre Corneillerevien-
dront bientôt quand le soleil de juin aura épanoui ces
fleursd'avril.
Il ne faut pourtant pas revenir trop souvent sur les
routes qu'on a suiviesjadis. Il y manque trop de com-
pagnons. On compte alors ceux qu'on a perdus en
chemin.Lorsde cesfêtesde Corneille,il y a des années
quand M. Mounet-Sullydit des vers, sous la pluie,
tête nue, devant la statue du pont de pierre,- M. Per-
rin était là, conduisant la Comédie-Française, et
AugusteVacquerieétait venu, poète normand accouru
pour saluer le grand Normand qu'Albert Sorel célé-
brera de nouveau bientôt. Et tout à l'heure, en me
rappelant le convoide Flaubert, la montée péniblede
la côte de Canteleu,l'allée du cimetièrequi menait à
la fosse nouvellementcreusée, je me rappelais que ce
jour-là je marchaisderrièreEmileZola,entreThéodore
de Banvilleet J.-M.de Heredia.
Nous parlions du bon grand maitre disparu. Nous
disionssa franchise,la cordialité de sa main tendue.
9.58 LAVtEAPARtS.
Il laisse un beau livre encore,disait Heredia. Je
3'ai lu. H a pour titre Bouvardet Pécuchet.
Zola est mort, Banville est mort, Heredia est mort.
Les voyages au passé décidément sont trop mélanco-
liques. Tout homme qui retourne aux chemins par-courus ne retrouve que des lambeaux de sa vie aux
ronces du chemin.Mieuxvaut vivre de la vie de fièvre,
près du cratère parisien, entouré des nouveaux venus <
qui, parce qu'ils sont jeunes, parce qu'ils s'agitent,
parce qu'ils espèrent, nous font croire que nous pre-nons part à leur activité même, et qu'ils nous font
rester jeunes en nous donnant un peu de leur jeunesse.Les voyages ne servent peut-être qu'à regretter
les étapes lointaineset à faireaccepter la bataille quo-tidienne le vrai voyage, celuiqui plaisait à Renan,
regardant la rive et descendant le ueuve le voyageà travers la vie.
XIH
Le1"mai.– Affichesetprofessionsdefoi. Lesarbresfruitiers-et le,poète. Candidats. Unerevue,Parisquipasse,et lesvieuxmursdupavillonRécamier.–Laventedel'Abbaye-aux-Bois. Unevisiteausalon-deMmeRécamier.–Chateaubriand.
Mmed'Abrantès. Commentondiscutaitentremaîtresses.demaisonà l'Abbaye-aux-Bois.LamartineruedeSèvres.–Unécrivaindisparu. M.G.Vapereauetle t~peMaM.Les.
penséesde G..M.Valtour. Le1" maiau tempsjadis.L'Histoirequipasse
21Avril.
J'ai connu le temps où l'approche du 1ermai appor-
tait aux bonnes gens de souriantes idées. Les jeunes
filles. songeaientà leurs toilettes claires, et nous nous
disionsque cejour-là nousmettrions enfinun pantalon
blanc.
Jolimoisdemai,quandreviendras-tut
Ce n'était pas l'approche du « grandsoir): c'était
la venue de l'aurore pnntaniére.Les poètes chantaient v
la date heureuse, commeils pouvaient, sur le mirliton
ousur la lyre.Le1~ mai, c'était l'espoir du printemps,
des Courettes le vernissagedesSalons et le reverdis-
aement des squares. Et voici que pour le Parisien –
et un peupour tout le monde-– la date joyeusedevientune date anxiëuse,etjemecroiraisipourùnpeu,revenm
160 LAVtEAPAR!S.
au tempsdu siègesi j'écoutaislesproposdestrem-bleurs.
Avez-vous fait des provisions?J'ai dessacsde pommesde terre dans mes caves1
On dit que les manifestants vont empêcher lesmaraîchers de pénétrer dans Paris 1
Nous aurions le blocus des radis, la grève dessalades 1
On rit un peu. On réfléchitbeaucoup. Il est certain
que nous voici au seuil d'un mondenouveau. Le qua-trièmeétat (quin'est point, commeonlepourrait croire,la presse, ce quatrième pouvoir)marche &grands paset la littérature pariétaire qui fleurit sous ferme d'ain-
ches n'a jamais produit de morceaux de style aussi
nets que ces revendications étalées sur les murs de
Paris. Il faut leslire et les méditer. Le murmure sourddont parlait Pierre Dupont en sa Chanson du painsemblesoulignercesplacards que les yeux distraits du
passant regardent à peine. Cesont là commeles.cahiers
des anonymes. Il y a cette fois quelque chosede plus
poignant et de plus redoutable dans certains appels au
nombre, à la foule.Et je voudraisqu'un collectionneur
philosophe,étudiant un à -unces placards, dégageâtce
qu'il y a de confus, de menaçant ou de juste dans cechocs d'idéeset d'appétits.
J'ai été surtout attiré, en regardant ces afriches,parla professionde foi d'un poète. Le «poète Bonnery »
ainsi a-t-il signé son papier qui réclame, entre
autres choses,la substitution à tous les arbres, même
d'ornement, d'arbres fruitiers. Utilitarisme et philan-
thropie. Plus de platanes mutiles. Des pruniers, des
LAVtE A PARtS. 'îiM~
i4.
pommiers.Tous nos jardins, les Tuileries, le Luxem-
bourg,plantés d'arbres à fruits. C'était aussi une idéedemon cher Henner,qui me disait, voyant les marron-niersde mon jardinet
Pourquoine faites-vouspas de tout cela un grandverger? Les cerisierset les pêcherssont aussi jo!is queles autres arbres 1
Ainsile veut égalementle poète Bonneryqui ajoute«Tous lesfruits de la terre à tout le monde.Cette conclusion ne déplairait à personne. Mais
voilà il y a le garde champêtre pour protéger les
pommesvertes, commeil y a des mannequinsdepaillepour effrayer les oiseaux, qui sont les communistesdel'air. Les moineaux francs auraient tôt fait de tout
dévorer, même avant les hommes, et les rêves des
poètes ne sont applicablesni aux cerisesni aux bas de
laine, ces bas de laine qui, aux jours d'épreuves, ont
permis à la France de payer sa rançon.
Puis, à côté de ces affichesmilitantes, j'en vois une,moinspolitique, qui porte un titre alerte et des noms
plus populaires Paris qui passe1 UnParis sans souciet sans peur, le Paris des refrains et de l'oubli. C'est letitre d'une revue, et les noms qui s'étalent sur la mu-raille ne sollicitentpoint de mandat électoral,mais desbravos (et ils en trouvent) Polin, Mayol, Anna
Thfbaud.
J'ai toujours aimélesrevues.L'autre jour, à Londres,
je me suis précipité, dès mon arrivée, versle Çoliseum,un vaste théâtre nouveau où l'on donne précisémentsous ce titre revueun spectacle d'actualité. Je voulais
savoir, par les allusions et les chansons, les couplets
ISS LÀV:EAPAR!S'{'
satiriques, ceque le peupleanglaispensede la situation
,actuelle, du Maroc, de l'Allemagne. Quand le Parle-ment est fermé,le théâtre laisseparfois percer le boutde l'oreille de l'opinion. Mais quel étonnement –en cette revue anglaise,le texte était de M.de Cottens,les décors de M. Amable, les costumesde M.Landolf.C'était Paris à dix pas deTrafalgar square.
Paris quipasse « parisine»du moinsen sonpays. Ettout à côté de cette affichejoyeuse, une autre grandeaffichejaune s'étalait sur la muraille que je regardais
une afficheportant ces mots «Ventesur surenchèredu sixième, au plus offrant et dernierenchérisseur,enl'audience des saisies immobilièresdu tribunal civilde 1reinstance de la Seine,séant au Palais de Justice,salle des saisies,à deux heures de relevée, en un seul
lot, d'une grandeet bellepropriété sise à Paris, rue de
Sèvres, 16, à l'angle de la rue de la Chaise. »Alors je regardai le bâtiment qui, derrière une grille
noirâtre surmontée d'une croix, s'élevait vieilli, véné-
rable, avecses grands toits d'ardoisebrune, sescloche-tons. Sous la désignation sans pittoresque de l'affiche
jaune «Grandepropriété, bâtiment élevéd'un rez-de-chausséeet de quatre étages sur une grande cour inté-
rieure, cours, jardins, cloître de couvent, le tout d'unecontenance superficiellede 7050 mètres carrés. Miseà prix 1680000 francs. » je devinât, je recon-nus (le plan dressé par l'architecte, M. Debrie, surt'aniche même, portait le nom de cette demeure his-
torique), je reconnus l'Abbaye-aux-Bois, un de ceslieux de pèlerinagelittéraire où revit encore tout un
passé qui va disparaître, qui eût disparu même si,
LA V!E'A'PAR!S.
l'Abbaye-aux-Boisn'eût pas été miseen vente; car, $J
pour l'élargissement de la rue de Sèvres, le pavillonhabité par Mme Récamier, illustré par elle, eût été S
emporté par la démolition.Paris qui passe 1 s
Et c'était précisémentsous les fenêtresde Mme Ré-camier que flamboyaient,à côté del'afHchede la vente,ces noms plus fameux pour la foule que ceux de
J.-J. Ampère ou du bon Ballanche Anna Thibaud.
Mayol, Polin
0 ironie 1 cette annonce de Paris qui passe. sur nfamurailles qui vont tomber
J'ai voulu non pas revoir je n'avais jamais visité e:~
l'Abbaye-aux-Bois, mais voir ce salon où Mme Ré-camier tint pendant de si longues années une sorte de
cour de respect admiratif, groupant autour du génieles
hommagesde tous les talents. Hsemblequ'à l'Abbaye- Saux-Bois deux seules ombres reviennent encore, Cha- "`teaubriand et MmeRécamier, Renéet Juliette
La concierge,qui nous guide A travers les jardins,les corridors du cloître, nous montre la petite fenêtre
où, tout d'abord, là-haut, au troisièmeétage, dans sa ~1petite chambrecarrelée,Mme Récamiervoyait monter ~N!les ministres, les amoureux du souvenir
C'est de là que Chateaubriand apercevait les co- SS
teaux de Meudonet regardait, en bas, «tournoyer les ~§religieuses. II y avait un grand acacia, aujourd'hui
abattu, qui montait jusque-là. Les oiseaux jasaient )~i$~dans le feuillage.Aujourd'hui la chambre est habitéepar une ouvrière qui a accroché à sa fenêtre ta cacede son oiseau.Vous la voyez d'ici.
Le jardin de Jenny l'ouvrière, l'oiselet de ta Rigo-
1 1 1: 1. ~l164 LAV!EAPARtS.
lette d'Eugène Sue, à cette place même où l'auteur des
Martyrs a rêvé, où, telle qu'elle apparut, inoubliable,
à Ampère, en sa robe blanche, un premier janvier, la
belle des belles s'est accoudée Le temps se plaît aux
antithèses, comme Victor Hugo.
Et ce n'est pas sans émotion qu'on gravit l'escalier
de pierre du pavillon Récamier, qui conduit au salon
célèbre. Il est bien modifié, le salon, comme l'escalier
lui-même. Les panneaux blancs en ont été arrachés,
emportés. La cheminée, qui voyait à gauche Juliette
sur sa chaise longue, à droite Chateaubriand pensif,
est toute moderne. De Mme Récamier rien n'apparait
là qu'une photographie du portrait fameux do David
appendue à la place où figurait le tableau de Gérard,
Cor~~e <tMcap Misène. Mais les parois, le plafond, les
fenêtres ont encadré ces réunions illustres dont Sainte-
Beuve se fit tour à tour l'historien respectueux et le
peintre narquois. Ce parquet où nous posons le pied,
toutes les gloires l'ont foulé ) Sur ces marches de
pierre, que de talons de grands hommes ou de femmes
exquises-des spectres maintenant se sont posés 1
Ici Lamartine a récité ou entendu réciter ses premiers
vers. Honoré de B<~ac, ce Balzac dont M. Brunetiore
vient de nous donner l'image qui vaut une statue,
Balzac a lu le début de la Peau dechagrin où, dit-on, et
je n'en crois rien, il songeait à Mme Récamier en créant
Fœdora. Là, rayonnante de beauté, avec sa haute
taille et ses cheveux blonds, superbe, apparut un soir
Delphine de Girardin, disant d'une façon admirable
–ses rimes de jeune Musa enivrée d'hommages.
Rachel s'est dressée là pour réciter .PAe<e. Il revient
t.&vtEApARts. "ie&M~
'~sa
de chères et grandes ombres entre ces vieux murs.
– Est-ce qu'onvisite souvent le pavillonRécamier?
Oh 1MlleDuhem, qui l'habite, a bien été forcée
de clore un peu sa porte. C'était un déNé de curieux.
Maisdans une quinzaine,il y aura là, pour les pauvres,une vente de charité que Mlle Duhem, très bonne et
très artiste, organise. Des ouvrages de femmes. On
pourra faire .unebonne œuvre en jetant un coup d'œit
au portrait de Mme Récamier.Récemment, nous
avons eu la visite de M. GeorgesCain et de M. Victo-
rien Sardou.
GeorgesCain a mêmeécrit un vivant article sur ce
jardin de l'Abbaye-aux-Bois, maintenant désert, et
qui fait songer à quelque béguinage de Bruges-la-Morte.
Mais il ne faudrait pas croire que Mme Récamier
ait tenu seule ici bureau d'esprit. L'Abbaye-aux-Boisfut pendant longtemps un lieu d'asile pour les gran-
des dames littéraires, si'je puis dire. Mme d'Abrantès
parle de ces «retraites amies »où il fait bon vivre. En
ces dernières années, Mme Foucaux, la sœur de
M. Augustin Filon, qui signa du pseudonymede Mary
Summer des livrésdélicats et plus qu'agréables,tenait
son salon à l'Abbaye-aux-Bois:.LorsqueMmed'Abran-
tés elle-mêmey mit sa fille,ily avait là dix ou douze
dames, spirituelleset titrées, anciennesamies de ~'im-
pératrice Joséphine ou survivantes des guerres de
Vendée, qui avaient leur « jour »commeelles avaient
leurs souvenirs et leurs rancunes. Et c'était unesérie
,de caqMetageset depapotages, de joliesévocations du
passé aussi Mme de Bradi racontait qu'eue avait
166' ~AVtEAPARtS.
failli être fusilléeenVendéeet disait, enplein salon de
Mmede Gouvello,à Mmed'Hautpoul
Vous avez menti 1
La Vendéenneet Mmed'Hautpoul, la «doyenne des
femmesde lettres »,en venaient souvent aux colores.
« Il y avait là, dit Mmed'Abrantès, de quoi faireinsur-
ger trente paroissesde l'Ouest. »
-Elle medit que j'ai menti t s'écriait Mmed'Haut-
poul. QuelleinsolenceMais pis encore,ellem'a dit de
me taire de metairel Moi1.
C'est encorechezMmedoGouvello,à l'Abbaye-aux-
Bois (ou peut-être chez Mme Récamier), que M. de
Kératry, le père,fut saluépar la Vendéennedece point
d'interrogationSavez-vousbien, monsieur, que dans « votre »
Chambre des députés il y a, dans le côté gauche sur-
tout, beaucoup de députés vieux et laids?
M. de Kératry salua, sourit et répondit
– Madame, si « vous » et les « vôtres » vouliez
permettre qu'aux jours d'élection on les choisit plus
jeunes, nous pourrions, je vousassure, vous offrir de
plus jolis garçons1
De temps à autre, Mme de Genfisvenait ajouter sa
note à cesquerellesde précieuses.Elle était l'aînée. On
la respectait parmi ces quinquagénaires. Elle faisait
son possible pour être aimable, et Mme d'Hautpoul
disait en puisant dans sa tabatière uneprise de tabac'
– J'engagerais MmeRécamierà la voir plus sou-
vent. M. dé Chateaubriand y gagnerait 1
Charitables paroles. On se demande comment ces
Philammtes ainsi réfugiéBaa l'Abbaye-aux-Boisn'en
;ë~~
LAVtEAPAR!6.
venaient pas aux coupsde griffeou ne périssaient pasde mélancolie.On dirait qu'elles jouent, dans un décor
aboli, des scènesdu Mondeoù l'ons'ennuie,et je signa-
lerais, à côté d'un Balzacou d'un Humboldt,plus d'un
Bellac dans cessalonsmaintenant fermés.
Et pourtant MmeRécamierdisait à Mmed'Abrahtés
précisément, qui rapporte ces mots dans le vieil article
des Cent et un où, un peu trop emphatiquement,mais
avec beaucoup de détails curieux, elle énumère les
hôtes et tes «ruelles », les caillettes et les coquettes de
t'Abbaye-aux-BMBJe ne m'ennuie jamais. Je reçois des lettres de
mes amis. Je leur réponds. Je pense à eux. Puis, quel-
quefois aussi, je pleure. Vous voyez, duchesse, que jen'ai pas le temps de m'ennuyer.
MmeAncelot,enses SalonsdeParis, nous a présentéMme Récamier commeune artiste en flatteries et une
poseuse. Elle eût vu sans dépit fermer ce temple du
dieu Chateaubriand.C'est aujourd'huimême,à l'heure
où l'Odéon répétera la FtftMeMede donJuan, que sera
vendu le pavillon où trouva son refuge ta « vieillesse
de René ». Puis on démolira t'Abbaye-aux-Boisdont
une société financièrefera ce qu'on appelleun pâtéde maisons ). Adieu le vieux logis dont Lamartine
disait «Quandje repassepar hasard danscette granderue suburbaineet tumultueusede Sevrés, je m'arrête
machinalement devant la grille de fer deta cour silen-
cieuse de t'Àbbaye sur Iaq<ie!!eouvrit l'MCaUerde
Juliette. Je regardé et j'écoute ~ipersonne iMoh~
ou ne descendencoretes niarches~ oet esoalier a,`Et~depmsVictor Hugojusqu'àLottis~~
168 l-AVtEAPARtS.
le futur NapoléonIII, venant visiterMmeRécamier,il
énuméretoutes lesgloiresqui ont passélà «la gloireintellectuelle des cinq règnes de cette France tantôt
libre, tantôt esclave,mais toujours la France et quireste le réveiMe-matmdu monde ».
Personne, dans quelque temps, ne verra plus ce
logis.Tout passe, et ce n'est pas seulement commele
dit la revue -Paris qui passe! Et qu'on ne s'étonne
point que des entêtés de souvenirs se plaisent à
évoquer ce qui n'est plus, surtout ce qui ne sera plusdemain.
Vous avez l'art des adieux, me disait Gustave
Vapereau en souriant. Vous me donnerezbien un salut
quand je partirai.Il me semble que les journaux, qui doivent tant à
Vapereau, au Vapereau,ont été un peu trop discrets
pour témoigner.de leur reconnaissanceà l'écrivain dis-
paru. Dieu sait ce qu'a été, ce qu'est encore pour les
journalistes le Vapereau,qui donne,sur les hommeset
les choses,le renseignementimmédiatet sûr. Une célé-
brité meurt. Vite, un entrefilet 1 Onouvrele Vapereau.Le Vapereauest le collaborateur nécessaire.Le Dic-
tionnaire des contemporainsa été pillé, cité, démarquédurant des années par des milliersde publicistes.
Aujourd'hui, c'est le Larousse que l'on consulte.
Mais le Vapereausubsiste. Il est plus spécial et plusmaniable. Et c'est lui qui nous donne, commel'esca-
lier de l'Abbaye-aux-Bois,des leçonsde philosophie.
Chaque éditionnouvelle fait du Dictionnaireun cime-
tière. Desnoms illustres disparaissent. H faut effacer,
emporter les morts. D'autres gloires remplacent les
LAV!EAPAR!S; '169
's
gloires défuntes qui s'en vont où vont les vieilles
lunes. M. Vapereau,à quatre-vingts ans depuis long-
temps passés, continuait à prendre des notes, à entaa- S
ser les fichespour l'édition nouvelle,l'édition future du
Dtc<:oMMatre.Car les nouveaux venaient qui récla-
maient.leur place à ce Panthéon portatif, le Vapereau.
Unoctogénairenotait.
Et tout en notant, M.Vapereau,sousle pseudonymede G.-M.Valtour,donnait à l'Illustration des pensées,desmaximesqu'il a réuniessousce titre l'Hommeet la
Vie,en un petit volumeexquis dont je recommandela
lecture aux déiicats.
M. Vapereau, libéral de 1848, fidèle à son poste,« vieille barbe » loyale, aura laissé biendes ouvrages
remarquables, le Dictionnairedes~MeraturM,les volu-
mes de l'Annéelittéraire(où il fut cordialà mesdébuts).Maisil n'espérait survivre que par ce petit livre où, en
phrases courtes, il avait mis, au cours des années, le
meilleur de sa vie et de ses idées, tout ce qu'il avait
observé dans une longueexistencedroite.
«Toute la vie garde te reflet des feuxalluméspar la
jeunesse sur ses premièrescimes », écrivait-il.
Cette pensée se pouvait appliquer à lui-même.
C'était un clairvoyant, non un pessimiste. Mais s
il avait depuis longtemps fait bon marché des illu- i~sions..
Quandje dis dd bien de l'homme,c'est de moi que
je parle quand j'en dis du mal, c'est auxautres que je
pense. t
« Nos vices,quand nous les quittons, nous laissent
170 LÀ VïË A FANtS.
des remords, et quand ils nous quittent, dès regrets. ))« Les intérêts soutiennent les principes,tant qu'ils
envivent.)) »
« Aen jugerpar ses élus,la politiquen'est pas moins
aveugle que la fortune ou l'amour. »
Ainsi pensait, se consolant de vieillir, l'auteur de~Ho?KMeet la Vie.Il faisait de la philosophienonseule-ment en paroles,mais en action. Pourtant, la mort desa femme ne laissa point le vieillard philosophe, et,
l'ayant perdue, il ne tarda pas à la rejoindre.Le Vape-~eaMprochain ne contiendra plus la biographie decet honnête homme, républicaind'autrefois et de tou-
jours.Paris qui passe!Au temps jadis, au !< mai, la corporation des
orfèvres portait à Notre-Damede Paris un arbre auxfeuillesnouvellesqu'on appelait le «mai verdoyantOnpiantait le mai, l'arbre de mai, dansles campagnes.Le mai évoque,pour-nous,une idée d'idylle et de joie.Les orfèvres aujourd'hui fêtent le 1~ mai d'une autre
façon. Et le sort veuilleque le mai verdoyant ne portepas de fleursrougest
Mairoseet verdoyant,Maidontla robeestverte.
disait VictorHugo.Pour le spectateur et pour le philo-sophe, ces jours de mai nouveaux ont leur enseigne-ment. Et si la fête du travaUestpaciHque,pourquoi nepoint laisser fêter l'éternel labeur? C'est ce qui couvé
dans les profondeurs qui est redoutable, non ce qt<i~'éta!e au grand jour.
"I.AVtEAPAR! ~"1~ a
Et qu'on le veuille ou non, devant l'affiche de la
revue de café-concert,commedevant les placards des.
candidats, devant « Paris qui passe ouParis quivote, – c'est l'histoire qui passe 1Est-cel'avenir quivient?
XIV
Lesaffichesélectorals. Cequepenselemonsieurquipasse.L'Hommequilit. L'Hommequineditrien. Lefonddusilence. Unmotdevieilouvrier. Lessceptiques. Lecandidatauxbilletsdethéâtre. Lethéâtregratuit. Panemetcircenses. LesCapricesdeMarianneetle1ermai. L'anni.versairedela mortdeMusset. AlfreddeMussetauchâteaude Gurcy. M.deRémusatjouantAlceste. LesauchâteaudedeGurcy.– M.deRémusatjouantAtceste.– Lesthéâtresdesociété. LettresdeX.DoudanetCourrierdeParisduvicomtedeLaunay. Onnesauraitpenserà tout.
4 Mai.
Ainsinousavonsmaintenant uneannéedevant nous
avant de voir refleurir les muguets du 1ermai, et filerles' « francs-nleurs )'. Les Parisiens ont, hier matin,
poussé un soupir desoulagement et répété «Tout estfini t » Comme si les questions redoutables se résol-
vaient par unepromenade de «chômeurs» et un dë8!é
de cavaliers. Et la vie a repris sontrain ordinaire, avec
les mêmes problèmes à l'horizon et les mêmes néces-
sités du lendemain. On va rentrer après être parti, et
l'on se croira très brave parce qu'on viendra voter
dimanche ou très prudent parce qu'on attendra je ne
sais où ies résultats duvote.
Songezdonc, disent déjà les éternels alarmistes,
songez qu'il y a encore «la journée »du ballottage tA ce compte, toutes les journéesque nous avons &
vivre pourraientêtre dos « journées». Il faut pourtant
LAV!EAPAR!S. '193~
15.
4~s.` bien s'y habituer, et j'ai été stupéfait de voir se fermerles théâtres. Les théâtres fermés, à Paris, sait-on bien
»` l'effet que la nouvelle a pu produire dans le monde?Les-théâtres parisiens se condàmnant à une clôture,
pSmême temporaire1 Onne fermait les théâtres, jadis,que devant un désastre ou un deuil national, et le
!S* Gymnasejouait, avec bien d'autres encore,pendant lesiège et la Commune.
Le soir de mai où les troupes _deVersailles péné-
1 trèrent dans Paris, un employédu Gymnasese préci-pita vers le vieux Derval, régisseur de la scène, et luidit, essoufflé,effaré:
Monsieur Derval, monsieur Derval, les Versail-lais sont entrés Ils seront peut-être ici dans un mo-ment. I! faut'prëvenir le public 1
? –Oui, mon ami, fit l'excellentDerval très froide-ment. Maison joue la comédieici.Attendez l'entr'acte 1
'1 faut toujours « attendre l'entr'acte » pourdonner
?les nouvellesdramatiques et ne point risquer de semerla panique dans une salle ou dans une foule. Nousdevenons vraiment d'une nervosité désespérante, etl'autre soir, dans un théâtre que je sais, les informa-~*M les plus folles,les renseignements«certains x les
plus incroyables couraient les coulisses,pendant quedans la salleon applaudissait Mussetcommes'il se fût 3agi d'un jour d'apothéose. Je pensais justement a Ï
Musset et à sonFantasio devant cesatllchesétectoraïes
qui colorent de leurs tons divers l'avenue de t'Opéra
B~~ et tes~rues de Paris. « St je pouvais, dit Fantasio à
J'ami Spark, être ce monsieur qui passe!? » Et aprèsavqirdécrit la belle cutdtto de soie et tes bettes fleurs
174 LAVtEAPARtS.
rougesdu giletet lesbreloquesdemontre et lesvasquesde l'habit du monsieur, il ajoute «Je suis sûr que cethomme-là a dans la tête un millierd'idées qui me sontabsolument étrangères BOui, ce sont les idées du« monsieur qui passe » ou plutôt du « monsieur quis'arrête devant une afiicheélectorale » qu'onvoudraitconnaître. Lemonsieur qui se campe devant le placardimprimé (placard socialiste ou conservateur) et le litde la premièreligneà la dernière,sans quesonœil laisse
transparaître une pensée, sans que sa lèvre laissetomber un seul mot, puis qui s'éloignesans un geste etredevient en effet le «monsieur qui passe le «mon-sieur qui s.en va », celui-là me trouble et m'inquiète,qu'il porte un patelot, .n veston élégant ou une vestede travail.
C'est mêmeun peu effrayant, le mutisme de cespas-sants et de ces lecteurs successifsqui regardent, sem-blent méditer et s'éloignent sans avoir livré au voisin
comme s'ils redoutaient de se compromettre –
l'ombre même de leur opinion. Et c'est pourtant lui,le « monsieur qui passe )),le monsieurmuet, le mon-sieur indéchinraMe, le monsieur-mystère,'qui est le
grand-électeurde dimanche et tient.notre sort danssamain.
Les réunions publiques nous livrent la pensée deeceux qui n'ont point peur de parler tout haut. Mais le'< monsieurqui passe (et j'entendspar là l'ouvrier quilit et ne bronchepas) est celui qui importe, caril pensetout bas.
Victor Hugoa écrit F~OMme rit. Je rencontre rsouvent ainsi, plantédevant cesa<uche&,T~o~<' qui
LAV!EAPAR!S. 17&
lit. Et l'~oMMequi sourit. De celui-là,on peut encore
interroger le sourire. Il est tantôt indulgent et tantôt
narquois. Il est ironique ou charmé. Il est bienveillantou hostile. Mais l'Homme qui ne dit rien comment
deviner sa pensée?Fantasio a raison cet homme-làa
dans la tête des milliers d'idées qui nous sont étran-
gèreset nous ne les connaissonspasC'est même ce silence des lecteurs d'affiches qui
m'étonne et que j'ai noté comme un symptôme decette absurde crainte du voisin devenue la marquemêmede ce temps. Je saisbien quele silence,commele
sommeil, peut-être une opinion. Mais cette opinion,
quelle est-elle? A coup sûr, ce n'est pas de l'enthou-
siasme.L'enthousiasmesetraduit toujours par quelquemot ou quelque geste involontaire. On n'a pas be-soin de crier un «bravo » pour le faire entendre. Le
silenceest plutôt une formedudoute et de la méfiance.Et ce sont pourtant ces silencieux qui, je le répète,feront dimanche la majorité dans le scrutin. Seule-
ment, jusque-là, ilsne veulent pas se livrer. Ilsgardentsecret leur sentiment. Ils en ont la pudeur ou la crainte.
Nous sommes loin de l'héroïsme d'une affirmation
publique. Mais si l'avenir, disait-on autrefois, est aux
flegmatiques,cet avenir, qui est le nôtre, appartient
aujourd'hui à l'Hommequi nedit rien et qui, dans trois
jours, déposera sonbulletin dans l'urne.
J'ai pourtant, je dois le reconnaître, entendu uneréflexiondevant ces afnchesmulticolores une seule
et que j'hésite à reproduire, car elle vaparaître d'un
scepticismeun peu amer et frisant le pessimisme et
nous espérons toujours que l'avenir, l'avenir en qùes
176 LÀVtÉAPARtS.
tion, nous apportera quelquedoucesurprise, un peude
bonheur, beaucoup de progrès.Bah disait une voix gouailleusedans le groupe
qui déchiffrait une immense afficheoù la liste des ré-formes proposéesalternait avec les injures adresséesau concurrent, ils nous promettent tous du beurre, eten fin de compte il ne nous restera que des croûtes
Je regardai celuiqui parlait, tandis que sept ou huit
spécimens de l'Hommequi ne dit rien continuaient à
lire, immobiles, muets. C'était un vieil ouvrier quiavait dû, en 1870,faire le coupde feu,et même un peuplus tard sans doute. Il souriait dans sa barbe griseet.haussait les épaulessous sa veste très bien brossée.Ses
yeux rougis aux prunelles fatiguéesgardaient encore,dans leur expression lassée, l'acuité particulière à la
gouaillerie parisienne et ce faubourien, Gavrochedevenu burgrave, s'éloigna en hochant la tête, ni
révolté, ni résigné blagueur– et allant à sonlabeur
après avoir exprimé sa philosophie personnelle dansune forme qui eût fait bondir M. Cousin, mais n'eûtpas déplu à Schopenhauer,ni même à Nietzsche.
Du moins, celui-ià n'était pas un silencieux. Lesilence est chose terrible. C'est de l'ombre, c'est de
l'inconnu, c'est de la nuit. Et arrêtez-vous devant les
placards qui sont !ep feuillesprintanières les plus lar-
gement épanouiesde ce triste mai humide et froidvous rencontrerezcommemoi, vous coudbierezcommemoi cet être qui tient notre destinéedans un petit boutde papier pt qui, maître anonyme de notre sort, auteur
des futures lois puisqu'il nomme les législateurs,s'appose decenom qui n'en est pasun
LA VIE A PARI 177'
L'Hommequi nedit rien.
Et qui gardele secretde la France.
Une de ces affiches,en vérité, mériterait pourtantqu'on s'exclamât devant elle et qu'on en remerciâttout haut le signataire. Je l'ai vue colléepresque surles murs de t'Opéra.
C'est la professionde foi d'un négociant qui se dé-clare socialiste et qui donne de ses convictions cette
preuve évidente
«J'offre un billet de théâtre à tous mes clients. »
A cela je ne vois rien à répondre. Ce candidat arésolu le problèmedu théâtre populaire. Il a créé lethéâtre gratuit, le théâtre électoral.' Il donnera, jepense, un billet de théâtre à chacun de ses électeurscomme il en fournit à ses clients. Il connaît l'âme du
Parisien, épris de spectacles. Du pain et des jeux. Les
jeux d'abord.
Votez pour moi, dirait-il volontiers, ô citoyens1et vous irez tous au théâtre 1
Au théâtre, soit Mais à quellesp.aces?Au théâtre,bien. Mais aux répétitions générales ou aux '« pre-mières »? Ah 1 le candidat aux billets de théâtre nesait pas à quoiil s'expose1 Sesélecteurscommenceront
par accepter le strapontin et exigeront un coin dansune avant-scène, jusqu'au jour où quelqueconcurrent
plus audacieux ouplus généreuxdira
Je vous offrel'avant-scène tout entière 1
Puis un autre viendra qui ajoutera:– Et moi, je m'engage à payer le souper après le
spectacle)l
Ainsi le suffrage universel mis à l'enchère nous
Ï78 LAVtEAPARtS.
1
mènera aux théâtres où personne ne payera plus sa
place et où l'Etat, impresario magnifique et gigan-tesque, invitera les populations à des spectaolesdonnés pour rien.
Et ce sera très cher.
Mais puisque nous parlons du théâtre, je demande,par exception, la parole pour un fait personnel. Il serattache d'ailleurs à la « journée historique ». Croira- St-on que j'ai reçu des lettres anonymes parce que, le1~ mai, j'avais aSiché,quoi? lesCapricesdeMarianne.
« Lescapricesde Marianne?Tu plaisantes? Eh bien,tu verras demain x (J'adoucis les termes de ces mis- !:Ssives.) Je ne plàisantais point. Je donnais, à la datefixée, la pièce que les abonnés de la série n'avaient '$!'pas entendue et je ne m'imaginaispas qu'on pût faireun rapprochement entre ta piècede Mussetet la «jour-née » du1ermai. Il faut toujours compter avec les gens ?~d'esprit. Les auteurs des lettres et dépêchesanonymes !Îen avaient sans doute infiniment.Moinscependant quede mots violents et de menaces.La Marianne de SMusset ne m'avait point du tout fait songer à la Ma- S'!rianne symbolique. ;S
Et – par une rencontre extraordinaire il se trou-vait que c'était, ce 1ermai, J'anniversaire de la mortdu pauvre Musset. Je n'y avais point pensé davan- t~tage.
Ce n'est,pas le 1ermai.d'ailleurs exactement, maisdans la nuit du 1erau 2 que Musset mourut. A uneheure dumatin, il dit Je vais dormir » Il s'endor- ~Hmit en effet et ne se réveilla plus. C'est donc, à dire 1vrai, le 2 mai que le poète de la Nuit deM<ttest inort.
LAVtEAPARIS. 179
Et o'était presque l'autre jour son cinquantenaire.Il y a quarante-neuf ans qu'il a disparu. L'an
prochain, peut-être, !a Comédie redonnera-t-elle à
cette date et sans songer à mal les Caprices de
~farMMMe.
Ces.Capricesde AftM'MTt~eont d'ailleursune histoire
singulière. Il était dit que le théâtre de Musset arri-
verait à la scène par les salons. Ce ne fut pas du tout
par nos comédiensqu'ils furent joués pour la premièrefois. Ce sont des amateurs (et quels amateurs 1) quidemandèrent à l'auteur lui-mêmed'arranger pour une
représentation sur un théâtre desociétéla piècepubliée
par la Revuedes Deux AfoM~M.Mussety consentit et
les comédiens du château de Gurcy,qui comptaient
parmi eux M. de Rémusat, le futur collaborateur de
Thiers pour la libération du territoire, et la comtesse
d'Haussonvi)!e, mère de l'académicien actuel, inter-
prétèrent l'oeuvre du poète avec un succès dont le
retentissement dépassa les portes du château.
X. Doudan, en ses lettres, nous a donné l'écho de
cette représentation qui précéda celle de la Comédie,comme l'interprétation d'!7~ caprteepar ta coTatesse
Rostopchine dans un salon de Saint-Pétersbourg pré-céda celle de Mme Allan. Lechâteau de Gurcyfut,commecelui de Coppetau temps de Mmede Staëi, un
foyer d'art dramatique. On y jouait Molière, on y
jouait Sedaine, on y jouait Musset. Les d,éputésles
plus éloquents, les doctrinaires les plus graves s'y
délassaient, en devenant acteurs, des travaux de la
S~' Chambre.
~f Doudan raconte que M.d'Haussonvillele père, arri-
180 LAV!EAPAR!S.
vant de Paris, oncompte qu'il va donner des nouvelles
du ministère. Ah1 bien, ouiLouise sait-elle son rôle de Victorine? Répétons
Victorine1
Le 3 juin 1844,X. Doudan écrit à M. Albert de
Broglie:« Hier, au dîner, on a parlé exclusivementdu ~At!o-
~op~esans le savoir et du ~[MM~rope.« Je vois dans la cour de Mme d'Haussonville des L;l
voitures qui font penser à l'attirail du Romancomique.Il part tous lesjours des barbes et des perruquespar la ~S
diligence. J'ai vu deux répétitions par te trou de la
serrure. Onjoue vraiment bien. On peut donner dèsà
présent un ordre de début à M. de Résumât c'est un ;S.S
grand acteur. Pendant qu'il joue la comédie, je lis sa ~~9dissertation sur la Trinité et sur la querelle entre
Abélard et saint Bernard. On ne se douterait pas que ~3c'est la mêmepersonne. ~S
Enfin, le grand jour de la représentation arrive. Le r~lundi 10 juin 1844,on donne à Gurcy les Caprices de
Marianne avecle Misanthrope.Et M.de Sahuneavait,
paraït-it, excellemmentjoué dans ces Caprc'cMle rôlede Tibia. « Il est à mourirde rire. )J ~Q~
Doudanannoncealors une lettre de M.de Bour~oingqui écrit à A. de Broglie «dans le plus grand détait K
sur la représentation «S'il ne te dit rien de lui-même,
je lui.doisrendre justice, et il a bien jouéson petit rote T~
de Basque on avait beaucoupprétendu qu'il nesavait
pas ce rôle, mais ce sont de mauvaises plaisanteries Q~desGaussinet desClaironde l'endroit qui ont degrands wiy~
airs avec les «utilités ».As-tu lu ces CaprMMde JMa-
LA VIE A PARIS. IN
rianne ? Ce n'est pas une pièce bien raisonnable, et
j'aurais cru que cela tomberait tout à plat, et que, de
plus, les faibles seraient extrêmement scandalisés de
l'étrange témérité du langage mais non. Mme Foy aune charmante figure, un peu tragique, et rien de ce
qu'elle dit ne peut être pris en mauvaissens. M. de Ré-
musat a mêlé un peu de philosophie platonicienne à
l'épicuréismedévergondéde son personnage,et tout a
bien tourné. J'espère que les journaux voudront bien
ne pas disserter sur cesamusementsde Gurcy.Ta sœura été charmante dans son rôle de Célimène.Tout ce
peuple d'acteurs vit paisiblement, dans la meilleure
intelligence et sans rivalité d'amour-propre. Cela est
bien rare dans des gensde cette classe. »
J'espère que les journaux voudront bien ne pasdisserter.
Les comédiens sont tous les mêmes, fussent-ils
comédiensde salons. Ils redoutent la presse. Ils récla-ment le silence.Le réclament-ilsde bien bon cœur? Neseraient-ilspoint tentés de dire
Ouloue-moiou tais-toi 1
Toujours est-il que ces représentations de Gurcydurent faire tapage. On en parla dans les gazettes.Et Doudan écrivait, le 19juin, à Albert de Broglie
« On m'apporte le feuilleton de la Presse sur lasociété dramatique. Il estbienveillant, Ony dit qu'augrand étonnement, à la stupéfaction de tout le monde,il s'est trouvé que dans cette société doctrinaire il yavait de l'esprit, de la bonne grâce et de ta .politesse.Voilà ce qu'on fait quand on veut louer les gens avec
délicatesse On M'<K'attdit que vousn'étiez ~K'ttmebête
1S8 LA VIE A PARIS.
mais je voisqu'il n'en estr:c~. On a beau dire ce qu'onvoudra des mœurs des comédiens,ce sont de braves
gens. »
Qu'était ce feuilletonde la Pressequirendait comptad'une représentation des Capricesde Marianne chezdes grands seigneurs?C'était une causeriedu vicomt&de Launay, un Courrierde Paris de Mmede Girardin,et je ne saispourquoile passage en questionn'a pas étéréuni dans l'édition des Lettresparisiennesdu «chro-
niqueur )).
J'ai trouvé curieuxde le faire rechercherdans la col-lection de la Presse.Mme de Girardin avait ainsi parléde ce théâtre mondain de Gurcy
« Depuishuit jours, les plaisirsparisiensne sont plusdans Paris on joue la comédie tout autour de la capi*tale; à G.y, on a jo'é !uncLle Misanthrope et
CaprMMde ~fdrMftMd'Alfred de Musset. Un ancienministre du 1ermars a représentéAlceste avec un rar&talent ilestfaciledecomprendreun rôledemisanthrop&quand on a été quelquetemps ministre. M~deR. a sudonner à cette noble amertumeun caractère nouveau,un accent de mélancolieplein de dignité on devinait
que l'honnête grondeur sentait déjà l'inutilité de sa
colère, et qu'i! ne l'exhalait que par acquit de cons-
cience, commeun homme supérieur qui accônipMtunf
devoirdeIoyauté,endi8antaumondede8véHté8sévères~sans illusion et sans espoir La belle Mmed'Hauss.était une Célimène charmante. Le~CoprMe~de Marianne ont été joués admirabtement parMme F. et M. A. c'était dans toute cette trpup~
LAVtEAPAKtS. 11183
une vivacité d'esprit, une élégancede manières, une
grâce, une gaieté, un entrain dont tout le monde était
stupéfait. Bref,ils étaient tous séduisants on nerecon-
naissait plus du tout les doctrinaires. On a joué jeudi s
encore le Misanthropeet le Philosophesans le savoir;o'était un peu long, dix actes de haute comédie. Eh
bien, les spectateurs ont supporté ce grave plaisir très
joyeusement il y avait là plus d'un philosophesans le
savoir. »
Le Courrier de Paris est du 16 juin 1844. Il donne p
bien la note de l'écrivain et porte aussi la date d'une
époque. M. de Rémusat jouant Alceste et les specta-teurs d'une comédiede société écoutant dix actes de g
répertoire 1 Aujourd'huion joue des revues. 'S
Musset n'assistait pas à la représentation de son
oeuvre.Onlui encontale succès. Hfut très vif. M.Othe-
nin d'Haussonville se souvient parfaitement d'avoir
oommencé l'équitation et pris ses premières leçonsde
cavalier sur une jument que son père avait baptiséetFermia en souvenir de ce triomphe dès Càprices de
~AfartttMMë'àGuMy.w L'exemplaire de la Revuesur lequelAlfredde Musset S
Avait fait les modifloations qu'Usouh&itait (entre ~~S
autres, la suppression de la scène Snate au Cimetière)
appartient aujoù~ h
~nës~de'rOpéra.et Ip plua~alerte'dès~yieuxParisiens~I~S
serait intéressant~ de"retro'uYer~p~teùx;souvenu'
~~i, de~e puNiér même'ayeo.Iescariantes''du~poète.~n,est~ë$~
ëS~B~g~~ ~n~œu~e ~G6médie~à~ ~ë~
S~~ ~~t.,vottà~ comment,k le ~~mai~j'aurat~-– en.M oho-;S~s~'<
"e:'<'(e:
.< <
LA VIE A PARIS,.184
mant pas célébrésans le savoir la date anniversairede la mort deMussetet fait sans le vouloirune àllusionà une autre Marianne que celledu poète.
J'aurai joué de bonne foi un autre proverbeOn ne saurait penser à tout. Surtout à l'infinie malicehumaine.
XV
Aproposdelamode. LacroisadeduPetitChapeau. Grandset petitschapeaux. Cequ'onvoitauthéâtre. LacomtesseGrefMheetla réforme.– Larévoltedesspectateurs.– CequeMmedeGirardindit despetitschapeauxdesontemps. Ilsgrandiront~–La modemasculine. Noshabitsnoirs.–Lesvêtementsdudix-huitièmesiècle.–UnetoitettedeRache).– <CommentRachelfaillit devenirchrétienne. Un romanmystiqueen1857. Lemarinet latragédienne. RacheletGabrielAubaret. Lesecretdutombeau.
18Mai.
–Eh bien, quedites-vousdu Petif Chapeau?– Le Petit Chapeau?Oh je vousenprie, ne parlons
pas politiqueMais il ne s'agit pas de politique) Quivous parle ~:3`;
politique?,Je vous demande ce quevouspensez non du
pet~chapeau;debataiUëetdelaredingotegnse,mai9~du petit chapeau do théâtre, du petit chapeau qu'il '"â~
s'agit de substituer, dans nos sallesde spectacles, aux S~terribles ëchafaudagë~queitfs ëlëgantesarborent sous
prétexte de coiSûre et qui empêcher les bravesgena
~You'~a~c~e,acteurs, de~~nd~ '¡:
~Comn~~tes~arbt~N~~ vom'le payâaget
~~N~T~s~~ ~Iè
~i~onne~dep~St~~ jours "IÍi~' ~publique,
h'e~d~o~inMM~ des ëpeçtateuïâ,qui x'°
~nt~au:itKë& vôir 'àutrë cho:~e
186 LA VIE A PARIS.
-que de la paille et des plumes. Mme la comtesse
Greffulhe a pris en main la réforme de la coiffureau
théâtre. Ce n'est pas une petite affaire, et il est en ~gFrance plus facile de renverser un gouvernementque $de modifier un costume. Les révolutions les plus mal Haisées sont cellesde la mode. Vous savez ce que dit
l'autre sur la difficultéde corrigerles enseignes.
Habitudes, préjugés,entêtement. On s'accrocheà la
coutume de la veille. On est fidèle à son chapeaucomme on devrait être attaché à ses convictions. Et ;f
pourquoi, soit dit en passant, la coiffureest-elle, dans ?
le. costumemasculincommedansl'habillement féminin, A
ce qui tient le plus au cœur? Un clou déchire notre
pardessus, nous en prenons notre parti en souriant
-cen'est rien, un simple accroc. Maisqu'un maladroit
nous écraseou nousbousculenotre chapeau,nousvoici
brusquement de la plus méchante humeur. On provo-
querait volontiersle malotru. Il sembleque la coiffure
:soit, pourl'homme commepour la femme,le couron- $nement même de toilette. C'est au chapeau que
s'attaque l'ennemi qui veut insulter son adversaire.'s
La coiffure, c'est un peu le cadre, le complémentdu
visage.
Suis-je biencoiffée?
Cette question, si souvent posée,redite, est commeune version spéci~e de ces autres phrases interrogaf~tives très fréquentes:
–Suis-je assez jolie?. Puis-je être remarquée? s~é
Remarquée-–lisez aimée.Et c'est pourquoi les femmesiiiënnent à leurs ~t~ ~S
peaux. Le chapeau leur est un instrument de régner ~$~<,
LAVtEAPAR!8. .1S7.
étant un moyen de séduction. L'effroi, l'indignation,la colère d'une spectatrice à qui l'ouvreuse vient
déclarerqu'on ôte sonchapeauauxfauteuilsd'orchestre
atteignent souvent les proportions de la terreur tra-
gique. « Mon chapeau Enlever mon chapeau~ »
Autant vaut être privée à tout jamais de théâtre et
renoncer à écouterla comédie.
n suffit cependant de déclarer que leschapeauxsont
interdits à de certaines places pour que les têtes
blondes, brunes ou grises se résignent à assister au
spectacle même sans chapeau. Soyons juste sous
prétexte de coquetterie, les spectatrices aux très
élégants mais aux énormeschapeaux Gainsboroughen
arrivaient à boucher absolument la vue des planchesaux infortunésplacésderrière leurs étalagesempennés.
II fallait il faut encore– braver le torticolis pour
apercevoir la moitié du visage de nos comédiennesou
!e boutdu nezdeM.MaxDearly.Envérité, les femmes
n'y mettent pasde discrétion. Lethéâtre, grâceà leurs
immenses chapeaux, aux chapeauxgéants, aux cha-
peaux-écrans,aux chapeaux-paravents, aux chapeauxde Brobdingnac.est'devenu une manière de supplice.On ,entend '-quand on entend on ne voit que des
demi-décors et des demi-acteurs..C'est le théâtre
hémiplégique.
Maurice Donnay, moraliste aoùriamt, voit en ces
chapeaux les symbolesmêmesde notre existence de
grëHoutUes, qui se veulent f~ire aussi grosses
BSeuf d'Or et ne songent qu'aux {esjtoMet ~.auz
~an~es. !t On n'apercoi~~yie.xd~t~ chapeaux, comme au
188 LA VIE A PARIS. ~S
voisinsse lassent de cesplumes,et il était temps quelàcomtesse Greffulhe se mît à la tête de la Ligue du
Petit Chapeau.Les malheureux représentants du sexe
faible (je parle des hommes) n'allaient-ils pas se ë~révolter enfin contre la tyrannie des chapeaux monu-
mentaux? N'avaient-ils point projeté, esclavesdésolésde la mode féminine, n'avaient-ils point résolu de secouvrir la tête au théâtre et d'opposerau gainsborough '.s~élégant le géométriquehaute-forme?Ils avaient juré,ces Spartacus du huit-reflets, de se coiffer hardiment $~du tube de soie et d'opposer chapeaux à chapeaux à S!!travers les rangéesdes fauteuilsd'orchestre. Quelcoupd'État 1 'Ë
Je comprends leur irritation. Mais je suis recon-naissant à la comtesse Grefïume d'avoir évité cette
~c~guerre mondaine qui eût rappelé les héroï-comiques 4~combats du Lutrin. L'influence de ~aoncharme et la
grâce de ses doigts de fée ont aplani la querelle des j~chapeaux avant qu'eUe dégénérât en bataille. Il ne
s'agit plus d'imposer aux spectatrices « la tête 4%~Snue )), ce qui pourtant a été fait quelquefpart, i~et qui se fait dans tous les théâtres en Angleterre
il s'agit d'adopter le plus élégantdesmoyenstermes,le modèle créé par la comtesse et qu'elle propose etdont elle offre de faire l'essai avecquelques autres $~directricesde la mode unesorte de diadèmeavec une i!fleur ou du tulle. Un chapeau qui n'est plus un cha-
peau. Un minusculechapeau, uneparureplutôt qu'unecoiffure. Un prétexte, un semblant de chapeau. Un &~Samour dechapeau, qui n'aurait de nom qu'en un deces ~~Sdélicieux diminuttfs des langues latmes <;apeM~,$
LAV!EAPAR!S. 18&
capellino, capellettino.Le capellettinodes spectatrices.
parisiennesJe ne sais ce qu'il adviendra de la croisade. Il est
possible, par exemple, qu'on retourne aux capotes,moins tapageuses que les grands chapeaux du « pa-roistre » d'aujourd'hui. Les capotes, qui vieillissentun
peu les visages,auront contre ellesles vieilles femmes.
Mais,quoi! ce que femmeveut, la modele veut aussi,et la comtesse Greffulhe,avec sa volonté séduisante,fera pour le petit chapeau cequ'elle a fait pour Wagneret Shakespeare.Il est bon qu'il y ait dans notre Répu-
blique de ces souveraines du goût qui rappellent un
peu nos élégancesà la mesure, à la distinction, à la
vérité. Lorsque !e prince de Galles avait adopté une
mode, le «high life» suivait.Il nes'agit pas seulement
y ici de « high life » dans notre Paris démocratisé, et
si elle mène victorieusement ce dont je ne doute,
point la campagnedu «petit chapeau »,la comtesse
Greffulhe aura rendu service à tout le monde, à
M. Perrichon commeau prince d'Aurec.Et je propose
que le sexe laid, la cohorte de ces horribles « tuyaux-de poêle ') que quelque Brummel (s'il en naissait)devrait bien remplaceret faire remplacerpar quelque
~feutre pittoresque et moins « migrainigéne a, je` demande que les spectateurs votent une adresse à la
~grande dame qui défend nos droits au spectao'e:« ~4!a c~~Me~ftFe<t< C~apean,les ~pec<a<eHMt'ecoK-
~&atM~J.'ai seutement que, s'i! est dëËMittyement
~Sado~
~pa~sien, Ttc peu à peu,ctimme l'Espagnol de
LA VIE A PARIS.MO
~'opérette. Tout d'abord il sera coquet, discret; H sefera délicieux et simple à la fois. Il sera cet exquisdiadème imaginépar MmeGreffulhe.Puis il aura toutnaturellement la tentation de se surcharger d'orne-ments nouveaux. Il sera ambitieux. Il voudra paraître,être lorgné, être décrit, tenter les photographes. Et!a fleurette sa fera fleur. Les pétales s'élargiront. Lés ".ï
foliolesse feront touffes.
PetitchapeaudeviendragrandSila modeluiprêtevie.
Puis, en bonne justice, comment mesurera-t-on !a~dimension du petit chapeau? Où commencerale grand
chapeau?
Bonnet, c'est un bonnet, ce n'est pas même un,
chapeau, diront les vieilles dames en arborant desdentelles superposées qui dépasseront la hauteur du
petit chapeau. < 1
Le parti pris est plus désagréable,maisplus radical, :v
qui supprime tout net le chapeau a l'orchestre et au
'balcon. Il n'est plus de contestation possible.Ni grand v:
ni petit. Pas de chapeau. Plus dechapeau, îLes révoltés masculinsdont je signalais!a mauvaise S
humeur et les complots antiféminins ne seraiènt-ita `
pas en droit de dire:
– Nous renonçons à nos chapeaux haute-formelsoit mais nous aussi nousporteronste petttchap6àu~Le chapeau n~u,!e chapeau rMd,r<?pera~
D'autant plus qû'Hs sont souvent chaûves, v
spectateurs aux têtes nues, que·qùèlque.vëut~'£"Muus'tem' carësse~të~ërâne.q~a~tota~e~a~~
I.AV!EAPAR!a. '~M~M
traire les spectatrices ont toutes des cheveux,vrais ou J
faux. La partie n'est pas égale.Et voilà donc un nouveau paragraphe à ajouter au
fameux «chapitre deschapeaux » queMolièrAa décou-
vert dans Aristote 1
Mme de Girardin, qui a dictéau vicomte de Launaycet axiome «La femmeélégantene suit pas la mode,.elle la fuit », s'élève, en mars 1844, contre ce qu'elle
appelle « ces horribles petits chapeaux qui sont à la
modedepuis un mois». Ellelescompareà des«assiettes.
à soupe en crêpeblanc ».Elle cite le cri indignéd'une« lionne»de sontemps répondant à sa modiste
C'est une coiffure de poupée 1 Je n'en veux
pas 1 ?
Le « petit chapeau » de la comtesse Greffulhen'a
rien de communavec les « petits chapeaux » queMmeEmilede Girardin attaquait, maudissait,déchirait
avec une « indignation légitime x (c'est elle quit'écrit). Ilsont la prétention nonpas de diminuer,mais.
d'augmenter le prestige et la renommée du bon goût
français.Et il sera dit qu'en l'an de grâce 1906, à l'heure oè
l'empereur d'Allemagnecaracolaitprès de la frontière
deFrance et faisait dela scienceavec des archéotoguea
~(Mfains après avoir livré une nouvelle bataille de
yRezonviUe sur c& terrain même où passèrent tes S~jchevauchées. de ta mort; au lendemain du jo~ o~i,
~dans Paria sittonnéd~p~ de fantassins
~~aGadjronsdecayaIene~~d'X
~rusa.te~matns~a!M.M8'poches~ "a"v,e,rs"81,
't,~nbuteurs dë~bulletins .devant' tes.'sectionsde''vot~~w 'iii> iu
LAVFEAPARtS.
montait en automobilepour allervoir l'étang de Corot'à Ville-d'Avray à l'heure où un autre roi regrettait de' B~partir pour Wiesbadenet la Suèdeparce que Paris luisemblait délicieuxmêmeen temps de grève, et qu'il yadmirait nos dragons comme il passe en revue sesdrabans, des Parisiennes élégantes comme desAthéniennes se réunissaient pour discuter la hauteurd'un nouveauchapeaude théâtre et s'inquiétaient nonpas des terreurs semées par les éternels alarmistes, 3~mais bravement et'en souriant, commeil convient à de "~S-vraiesFrançaises, du plaisir de voir des décors et du ":ibonheur de vivre.
– Je soutiens, répète Pancrace à Sganarelle, qu'itfaut dire la figured'un chapeau et nonpas la forme1
Je soutiens, moi, qu'il faut réformer ta coiffureau
théâtre, rendre les stalles habitables, et si l'on trouveenfin « une forme » ou « une figure » de chapeau,chapeau-jouet, chapeau-joujou,miniature de chapeau,chef-d'œuvre de chapeau qui eoit adopté parspectatrices –et, surtout, negrandisse pas envieillis- ~#
sant j'en serai enchanté. ~}Et cechapeau rêvé, il me semblebien que !a com-.
tesse Grenuihei'a chiffonné,J'a lancé, l'a oaiciaUsé. r.,Seulement, il ne s'agit pas'de l'imposer, maisde teconseiller. Nombre de femmes préféreront peut-êtreencore aller au théâtre cen cheveux )).Mat8s!lë~pëttt~~M~
.chapeau !euraied''bMtt,~eur~ied~~euX`
~r~dront'toutes,'pour I&us';grânde!~&~e.jeur~'v<M~i~~''sins, qui~n'ont pas,d~t~dë ~por~'d~ch~~peaux .&~p!um~s,et,qui,-dep~t~d'anh6~
~'maudissent., ~?~
LAVtEAPARtS. 193
~iT'
Seulement puisque j'ai cité le philosophe du
Mariage forcéprécisément il ne faut pas que cette
innovation, cette réforme,cette révolution,cette unionavecle petit chapeausoit un «mariageforcé »,maisun«mariage d'inclination ».
Et la question spécialedu Petit Chapeau se doublemaintenant depuis hier de la question «mon-diale »du costumemasculin.I! nes'agit plus seulementde supprimer les chapeaux de bersaglieriou de cheva-
liers-gardes que nous subissons. Sus à la redingote 1Abasles élytresde l'habit noir M. AlbertLambert fils,interviewé par un reporter du Matin, a fulminécontrenos vêtements modernes et, disciple de M. Mounet-
SuUy, déclaré que le pourpoint conviendrait mieuxà nos torses. Romantique et artiste, il a porté avecCertéles vêtements de Mussetet lemanteau d'Antony.La cape espagnolesied à ses épaules et ne messiérait
pas aux nôtres. Il est possible que l'hiver prochainlesMfeMsparisiens nous apparaissent drapés dans lemanteau de drap à revers de veloursrougedesderniersAndalous. Le pittoresque de nos rues n'y perdrait
rien, et un peu de couleurdans noscostumesrompraitcette note uniformede notre livrée de deuil.
Les statues en redingote de nos contemporainsprouventassez que nos vêtements manquent de style.
.Mais il faut peut-être au costume !'é!oignement–-SOette forme de l'idéal – pouFSqu'on te trouve pitto-
~tsque; et Diderbt.qut n'avait prévu n~Meissonier,
~MDetort, ni Maurice Letoir, ni François Ftamen~
~°~°~
~SP~. temps –~ces habttsi'de vèlo'u~et; dëj'abie-que:'
194 LA VIE A PARIS.
nous trouvons irrésistibles, lorsqu'un Delaunay ou une
Déjazetlesportent.
Quoi qu'il en soit, nos « jeunes premiers x réprouvent iï~te veston et maudissent l'habit noir. ~S
Et H est naturel que l'on consulte nos comédiens sur
!a façon dont nous devons interpréter ou corriger !a
mode. Une femme comme Mme Bartet serait l'arbitre i
tout naturel du goût. Raohe!, en son temps, avait,comme MHe Mars, l'art de se parer sans fracas, et je me
rappelle –j'étais tout enfant – l'avoir vue dans un
concert populaire de la rue Neuve-Saint-Jean (non
loin, s'il vous plaît, de la maison du bourreau) arriver ~a
en simpte robe de mousseline garnie de violettes natu-
relies, et séduire tout le monde en cette toilette de .S
romance, enRobe Mg~re '.g~Robe légère
D'uneentièreNancheur. ~i
Hermione triomphait par elle, et elle portait avec la S
même grâce !a sainte mousseline de Sardou que ta $~
tunique de CamiHe. Une femme est toujours femme. ~$;Et si Rachel avait voulu convertir ses contemporaineà !a parure de violettes ou même au peplum et au SS~demi-nu comme aux beUes~ nuits du Directoire, elle y j~S
eûtcert&tnement.réussi. ,M.Convertir) Je viens d'écrire t& un mot qui préci~~
sèment à propos de Rachet me pousse & poser un pro-}~Même biographique que j'ai fait entrevoir (léja~nun~~denoscauseries.,
Rachel, au moment de mourir~ s'est-eMeconverti&~N
au Youtait-ettese co&ve!'ti~aucathoticismef t !t!
On l'a anirmé. On ra me. Mais Yoiçi que j~
LAV!EAFAR!S. 195 I''
la preuve dans un ouvrage où certesonne se serait pasavisé de la chercher. C'est en un livre consacré à la'
mémoire d'un marin remarquable, le capitaine Gabriel
Aubaret, devenu Consulde France, et mort ministre
plénipotentiaire, que je trouve cet épisode inattendu
et qui ferait songer un peu à la Doubleconversionde
Daudet, au moinspar la tendresse.
GabrielAubaret, dont on vient de nousconter la vie,était en 1857 lieutenant de vaisseau, et, à bord du
bateau qui le transportait de Marseilleà Alexandrie,il avait rencontré Rachel Rachelmourante, et allant
demander au Cairele soleil,la santé. « Je senssouvent
quelque chose qui fait « crac x en moi quand je me
monte pour jouer, disait-elle peu de temps encore
auparavant. Avant-hier,dans ~oroee,endisant sonfait
à Maubant, j'ai senti le « crac ». Oui, mon ami, je
craquais. x
Le jeune marin souligneainsi ce motsinistre « La
matheureuse tragédienne en est &son dernier souille,
écrivait-il elle ne peut prononcer un seul mot et se
voit condamnéeà habiter )es bords duNil il y à tout
à craindre qu'elley reste.)) »
Elle n'y resta pas, et Gabriel Aubaret devait la
retrouver mieuxportante à son. retour d'Egypte, à
Marseiue. Et une Kaison; toute~
~touchante, quasi mystique,étafblit ators ehjtre le
marin et ractrice, lui très ënn~des~80uSFàa<~
jeune femme,eltëtou~eeaM~œur~ l'affeetion~~le cé:
~teutehtmt, si di~ïéMnt fautres~h~mes~ vné.
!~tuh;disant?pas::~«~~o~M~me~iui~r~ët~
{~s~oua~tauM~
LAV!EAPAt<!8.196
GabrielAubaret était très pieux. H parlait à Rachelde ses premièresannées d'enfance, à Montpellier,dessouvenirs de famille,de tout ce qu'il y avait de tendredans un passéévanoui. Elle avait, sur ses conseils,loué '"§près de Montpellierune petite maison de campagne,près de la propriété des Aubaret, et là, pâle et triste ?dans sa robe de soie verte, elle aspirait les boufféesdu printemps, son dernier avril, une dentelle noire Sposée sur ses bandeaux. Les enfants la regardaient, $:respectueux. Elle avait toujours pour eux desbonbons turcs, des sucreries bizarres rapportées du NCaire.
Ce fut là que le marin entreprit- choseignorée –'`~
de convertir Rachel au christianisme; et Gabriel
Aubaret, âme d'apôtre, Et si bien qu'avec l'aide de
l'évêque de Montpellier, M. Thibault, il décida tatragédienne à abjurer le judaïsme'età se fairebaptiserdans la chapelledugrand séminaire.
Le romande ces deux,âmesest curieux et rappelleceux qu'Octave Feuinët, le Feuillet de ~~Me, et ?Mme Sand, dans Mademoisellede la ÇttM<MK!,allaientëcrirebïentôt. ~~i~i;
Une dépêche survint qui empêcha la cérémOMe;projetée. Rache!était brusquement appeléeà Paris par ~~S,rla maladie d'un de ses enfants. Elle venait alors dechanger d'appartement. Elle habitait place Royale,d'où j'ai vu parttr son convoi, Gâbrie! Aubaret ~att~ _vretrouver, ta saluer, la consoter, !ui repa:ep de cette
''conversion'dont i! s'était fait J'instigateur.~ Jo/vts.~i~depuis deuxsemaines.place';Royate,;écnyait-t~'à~ ht~ami. Je na vois personne que ta chère malade et jeaumS~.<< /r~ ;A.~tS)Bm
LÀV!EAPAR!S. 'îST~S'jVlt
17. il~1
"G~
le témoin de tant de souffrancesque je m'en im- ;S~
~v prègne.)) » 'âL'été passa. Au mois d'octobre, Rach.etpartit pour
gt Cannes, s'établit au Cannet. dans un chalet apparte- S
nant à A.-L. Sardou, le père de Victorien Sardou, et
de Toulon, où il était au service,le lieutenant allait le ?
plus souvent possiblevoir la malade.
Voici, lui dit-il un jour, un chapelet en grenats
que le pape Pie IX m'a donné lui-mêmeà Gaëte.
La juive prit le chapelet, le regarda.
6; Voulez-vousque je vous apprenne le Pater?
Oui, répondit celte qui avait été Phèdre. Je ne le
connais pas.Et de la mêmevoix qui avait tonné «Rome,unique
objet de mon ressentiment», elle murmurait: « Notre
Père qui êtes aux cieux. »
= Un soir, elledit à Gabriel ~S
? –Je consensà être baptisée. Mais comment faire? a~'y.On me surveille.Sarahest là. Je ne pourrai jamais.
Lesoldatfit
–Vousserezbaptiséepanmoi! 1
g. Il put obtenir,raconte sonbiographe,toutes les auto-
~t risations voulues.Convertir Rachelétait pourle clergé
~i;j une victoire a~aezactatante. Aubaret eut les pleins s~pouvoirs.
? -Ellelui répétait :« Voussauverez mon âme x
Il ya !à, je le répète,un petit romanmystique d'une
curiosité particulière. Le lieutenant ne pouvaitquitter
~S Toulon autant qu'il l'eût voulu, et le mal dévorait
~I~Mhet'.qur'n'avait';plus que quelques'jours~av~v~~E.t'-tousdeux répétaient~commeun'.dùoà~là?6tMët<c<e.'SMM- 'f 'i-M
Ï9S LAVtEAPARtS.
Demain, j'apporterai l'eau bénite, dit ennn'
Aubaret.J~
–Ce seront mes étrennes tut-elle. !$~
Et le 2 j anvier, le lieutenantarrivait, 'portant dans $!~
une petite ûole un peu d'eau que lui avait donnée un
prêtre.
Elle prit de ses mains maigres !e chapelet, et, étendue ?
sur sa chaise longue, la mourante inclina la tête. Le
lieutenant allait prononcer les paroles sacramentelles. ?
A ce moment même – comme au théâtre – !a 'porte
s'ouvrit. j~
Un visiteur entra. C'était le prince Napoléon.– Vous 1 s'écria RacheL
Le prince regarda dans les yeux le lieutenant de ~g
vaisseau, qui salualentement, froidement, et sortit.
–A demain1 songeait-il.
Le lendemain il était? bord lorsqu'on lui dit
'.–Rachelest~morte't 1
A onze heures de ce soir même où elle avaitaccepté,
souhaité le baptême. Un dimanche.
GabrielAubaretraohetalachapeletmisauxenehères
à !a vente de la tragédienne, etLaoordaire seul put ?$
~triompher du désespoir de ee jeune hommerépétant SS
«,Rachel est morte. 1 »'comme si sa propre vie eût été S~'C~B.
Le docteurTampier, qui & soigné la tragédieme $~
avecle
~octeur.BërgonnieF' .et~r&sonté:Iea .DeM~'M~
.AeM~M ~acM, ne~ .'dit~pas ;ùn~mM~e.:oe~e'&venture/ t
~et,;siles.tettresde'Rachetà Gabriet~'e~aient'~oH~
~on 'pourrait ~uter..EUe~ava~~pa8sé.nu!t~
~es.;de~méres~o!
LAV!EAPXR!S.H99~('~
signées. Elle ne dit pas un mot de cette entrevue
Suprême.
EHe était morte aux chants de l'agonie entonnés
dans la langue des Prophètes par les rabbins appelés
télégraphiquement du consistoire de Nice.
Vole vers. Dieu, fille d'Israël ) 1
Le rabbin Isidor fit sur la tombe une allusion à la
prétendue conversion de Rachel. « Rachel, dit-il,est morte israélite 1 »
Le secret du roman mystique, du drame' que nous 'fi
révèle le biographe de Gabriel Aubaret est au Père-
Lachaise, où gisent tant d'autres secrets il est dans
le cercueil de noyer qu'enferme le cercueil de plombscellé sur le corps de Rachel (1).
'(D Mon savant confrère de l'Académie des inscriptions, ëM. s. Reinach, m'écrit à propos de ce récit
'?Cher confrère,
f Onlit dans )es~mctn-t d'A. Houssaye(tome V,pagel37) unephrase d o'\ N jésuite que. Sarah avait conté heure par heure laaenuère j~née de Rache! et
que le manuscrit de,cette relation ?était connu de Houssaye c'est de ta sans doute qu'il a extrait les ?quelques phrases qu'i) rapporte, sans indiquer d'autre source, aumême endroit. ?
n'J" cette lettre de Sarah est quelque part et encore inédite.nut r~nestmieu~quaIiBéquevouspourenprovoquerrexhumation.
Sentiments dévoués.
StMXeX RttNACH. t
En effet, il serait intéressant de retrouver cette'lettre de SarahFa.x. J'ai ouvert:ies ~M.~ d'ArséneHoussaye t ta pae< '?9indiquée. La dernière journée de Rachët y est ainsi contée ~S..Ouoiqu'eUe prit lamort au sérieux, il y avait encore eh eUedes retours de gaieté !e"e se moquait des méd~~ par des ,geitesde gamtne de Paris. C'étaitt rire et & pteurër., écrivatt Sarah
.aJuMs'.Janin.
~Efehcbrë!~ = ~Saarah lui fut douée jusqu'au dernier moment, comme RacM
LA'.VtE'A~PAm'S.
~r~~ fut °°ProuveraunjourunelettredeSarahoùelleconteheureparheure!ajournéefunèbre.)! i-~ que R~eccavenaittachercherElleditàpiusieursreprisesàSarah :Ï"N
T""e!avoispaspenchéeaupiedduHtt 'MEllenepouvaitdéjàpresqueplusparlerquandelledit A~S– Jesuiscontentedemourirundimanche.HesttristedeVtvreuntundi.. ~S~~LafamiUedeRachelprotestecontrecequ'etleappelleunelégende,!aconversiondetatragédienne.
XVI ~S
L'expositiondeschiens.– Lechienet la photographie.– Lestauréats.– Delagloriolechezlesanimaux.– Darwinet Kro-potkine.– L'en~'atae.– Blackd'AtexandreDumas,et Saca 4yeut,deSéverine.– Leschiensde)uxe.–Lamortd'Ibsen–H,Ibsenet DumasMs.
25Mai.
Lorsque le professeurMetchnikoncommençasur la ~Sguenon qu'on lui avait envoyée d'Afrique les expë-.riences qui l'auront mené sans doute à l'admirabledécouverte destinéeà préserver quelque jour l'huma-nité d'une affreuse et désolante maladie, peu s'en Sfauut que!esreportersne vinssent intervieweri'anima! SMtocutépar le savant.I!s s'empressaient à contemplerta nouveHevenue. Ils nous donnèrentsa biographie.I!s
~braquèrent sur la guenonlëurobjpctifphotographique S~A ce point que ië docteur Metchnikoff remarqua–très
sérieusement– quecette femellede t'orang.otttangdevenait « poseuse ".EUèprenait des attitudes. Eneatait- en reprësentation. .EM&,M!sentait/.visëe par
~objecMf.M&~efaisa~'coquette.y h
~~ÙnchafMtred'Matoire.mora~ de ~'pAo~~~p-opAM.' P
~j~~dat,est~~ins)~~ën~ t
~c<
~~ends~~onserviMotre)~ ~`
1 11
202 LA VIE A PARIS.
il leurdonnecette «gloire ') enherbe pardon t quedévore le moindre coup de soleil, mais qui sumt à
gonflercommedesballonnets lespetits amours-propreset à griser les jeunes cerveaux. Est-ce que ces bons et '-<~braves chiensqu'on exposesur la terrassedesTuileries
ne vont pas devenir «poseurs eux aussi, commela
guenon de M. Metchnikoff?Ils ne sont pas seulement ~ë c~
regardés,admirés,caressésdesyeux, adulés,acclamés`
ils sont photographiéscommedes ténors, et je trouve
leurs «instantanés », leurs «portraits »dans les jour-naux du matin, à côté des imagesdes derniers élus du
suffrage universel, les législateurs nouveaux et les
lauréats de l'exposition canine entrant de compagnie ;SS`'
dans ce Panthéon de l'actualité où le « bon jugesemblefaire faceau «bon chien ».
C'estune banalité de dire queles chiensconsolentles
hommeset quenosmeilleursamissontcescompagnonsmuets qui nous parlent avec leurs yeuxprofonds. K$
Et Pontomeregarde~vecsonmilhonnête.
Si l'on avait institué desprix devertu pour leschiens
commeon leur à léguédes sommespour leur éleverdes isS
tombeaux, iLy aurait un~ltvre d'or à écrire sur le
dévouementcaninet il ferait pâlir ms rapports annuels
sur les prix Montyon.AlphonseKarr a beaudireque 19chien aime son maître à peu prés comme il aime le
bifteck et qu'Ule natte en attendant qu'Ule dëvoM~fauteur des Guêpes calomnie le chien, comme ~Uj~~méconnatt le chat lorsqu'il lui attribue un e~sme'i~~ a,
forcené «~Le.chat.nevous'carosseipas, se.eaj'essei.à'"vous. .s!~
LA-VtE APARtS. ''SOS~
J'ai eu des chienset je les ai aiméscommedes êtres.Certains savants ont beau déclarer que la zoophilieestune sorte de manie, une façon de faiblesse cérébrale,l'amour deces «frèresinférieurs » estun élargissementde ce besoin d'affectionqui est en nous. D'autant plusque l'étude de l'esprit des bêtes nouspaye, par tant dedécouvertesinattendues, de l'amour desbêtes. Tousse-nel et Chervillenous ont assez dit et redit que nousavons fort à gagner à suivre un peuTexempte des ani-maux. Et voici que le prince Kropotkine nousrévèle,après expérience,que les bêtes, et les bêtes réputées.les plus bêtes, – ta grue, par exemple,cette calomniée'de l'histoire naturelle du vulgaire nous peuventdonner d'étonnants et utiles exemplesde dévouement.
Au contraire de Darwin, qui prétend que la « lutte
pour la vie », c'est-à-dire le droit du plus fort, le
carnage et le massacre du plus faible, est la loi de'
nature, le prince Kropotkine, donnant pour exemplesdes associations, des groupements d'animaux, nous
prouve que la loi naturelle c'est « l'entr'aide x.« Il se faut entr'aider. » N'est-ce pas le conseil,la
morale même de ce naturaliste supérieur que futLa Fontaine, et le prince Kropotkine n'a-t-il pointraison Je rechercher chez les bêtes des leçons desocialismepratique et debon altruisme?
Ces leçons, on pourrait tes trouver sur ta torrass&du bord de l'eau de l'exposition canine,où les amis duchien, amide l'homme, trouveront toutes les variétésde chiens, depuis tes petits chiens de tuxe~qui res-
senAient à des singes jusqu'aux grands cMen~d~~tagnë qui font penser àdes hommes;
n .1 1,
204 LAV!EAPAR!S.
Ahces regardspensifs,cesmélancoliesdesprunelles,ces immobilités de colosses blancs comme la neige M
qu'ils semblent aspirer, demander, regretter L'un
d'eux, superbe, dressé dans sa cage, me faisait songerzrt
à mon pauvre Brutus ramené de la vallée de Campanpour venir mourir exilé dans un coin de VaroHay. ?
C'est une exhibitionde LandseerqueceSalonvivantdesespècescaninesoù lescokersaux largesoreillesfont
penser aux coiffurestombantes deshéroïnesde MmedeGirardin ou de la Dame aux Camélias,où les meutesde briquets d'Artois ou de bâtards du Haut-PQitou,avec leurs piqueux galonnés, évoquent les grades #~chasses et les joies cynégétiques en quelque sorte
féodales. Des étiquettes triomphales brillent au-dessus des chenils Mention simple Mention A<MM- ,s~rable Mention trèshonorable;J"' prix 8' prix et les jvaincus du concourssemblent, sur la paille, cuver leur S
défaite, commeun candidat battu, tandis queles « primés », les « étus a attendent fièrement les
photographes. ï~Et les photographesaccourent. Ils sont là, accroupis,
braquant leurs appareils sur les lauréats tenus en ;)1laisse. J'ai vu un de ces triomphateurs regardant d'un
oeil stupéfait le lion de Barye écrasant un serpent de i!bronze sur la terrassedu bord de l'eau. Il semblaitprêt'à s'élancer sur lecolosse. 38
–Ne bougeonsplus l
Et il voûtait bouger, le brave chien. Il voulait
mordre.Onpourrait lui décerne!'le prix de courage.Puisc'est, dans toute l'exposition, un concert de
jappements, des appels éperdus, des plaintea, des
LAVtEAPARtS. 20& ?
hurlements de captifs donnant une forme spéciale à
leurs J~Mprigioni. Quelquebonne maîtressevigilantevient consolerces condamnéset lire un roman auprèsde son chien captif
Jevais,auxprisonniers,Desromansqueje lispartagerteschapitres.
On déballe, comme des colis, des braques éperdus
qui, la queuebasse, se laissent traîner vers la paille de.ces cachots temporaires.
Il faut souffrir pour être lauréat comme pour être
député. 1Et sur la place de la Concorde,c'est le marché des
petits chiens nouveau-nés, une sorte de Salon des
refusesen pleinair, deschiens attachésaux colonnettes'
des galerieset quêtant du regardunacheteurbénévole,
un'passant qui les délivrera. Prolétairesde la pâtée, à
côté de ces triomphateurs enrubannes de tricolore et
étiquetés de mentions glorieuses1
Les ennemis les plus acharnés des hommes aiment
les chiens et qu'ils ont raison t Atceste,j'en suis sûr,en cherchant un endroit écarté
Oùd'êtrehommed'honneuronait Jttiberté,
ou tout simplement«cepetitcoihsombre xoùilseren-
cogne et se ptait, avec « son noir chagrin x Alcesteeût
volontiers emmenéson chien. Hdevait avoir un chien,
Alceste,ne fût-ce que pour se conso)efdeCélimène.
A-t-on~tnn~mE dé ce t~e~ëMan~nMnaMëaYenture. de J~n-Jacques RM ren-
Yersé au~la butte~ NMésnU-Montantwpar le chien
306~LAVtEAPAR!S.
danois de M. de Saint-Fargeau qui lui passe entre tea Si
jambes et le jette à terre? Rousseau, cet Atceste
genevois,se relève tant bienque mal après avoir glissé )~le long de la butte, et le lendemain,lorsque Côrancezva le voir, il le trouve avec une infinité de petites ?bandes de papier colléessur les blessuresdu visage.
Ce pauvre chien, dit le philosophe,il courait un.
peu trop vite pour regagner le carrosse de sonmaître.Il voulait m'éviter. Il ne t'a pas pu. Je lui pardonnetAh 1si c'avait été un homme1
Si ç'avait été un homme, Rousseaueût déclaréqu'onen voulait à sa vie, et qu'il venait d'être victime d'unattentat prémédité.Maisun chien «Je n'ai pas su me
garer, je suis tombé. C'est ma faute » :~iEt c'est ainsi que les chiens sont amnistiés même
par les misanthropes, les persécutés et les ennemisdes humains.
Mais on nous les gâtera, les braves chiens, si on tes ~Ë
photographie. On les rendra glorieux et importants.Lesyeux honnêtesde Ponto sefixerontsur cesgravures $$et, lauréats d'un jour boums de leur triomphe, i!s ~S
voudront, eux aussi, se faire aussi grosque le bœuf. ?;Le kodak perdra toutes choses.Mêmela race canine.
Et les bouledoguesseront avant peu aussi « poseursque!aguen6ndeM.Metchnikou.
.s
Le chien qui dictait ici mêmedes ré<!exionsexcet-
!sntës, tout à fait pratiques, &M.Gunisset-Garnot,averti sur ce chapitre, – le chien, compagnonjS~eteM~de nos promenadesou de nos songeries,'a inspiréytmttS~!une Mttérature,et l'on en pourrait faire en yétite~Hn~~
"iitteraturespéciale.~
LA VtE À PÂKtS.~0~
Il a sa revue, commetous les animaux du reste, lajRe~e desanimaux illustrée,organede la Liguepour ladéfense des bêtes, et j'y lis bien souvent des traitsde dévouement canin qui me consolent un peu des
égratignures humaines. Les Mille et un traits de bontédu chien C'est un livre qu'on pourrait écrire. Dansunroman de Dumas père (qui eut là pour collaborateur
Cherville), il nous est conté l'histoire d'un bravehomme qui perd son ami le plus cher et retrouve un
jour le regard même disparu, le regard confiant, le
regard tendre, le regard caressant et bon, dans les
yeux de sonchien. Et Hn'en doute plus Black est la-
réincarnation même de l'ami mort, Black est Fêtre
fraternel redevenu le camarade sous la forme d'unchien. L'histoire, écrite avec émotion, est aussi émou-vante et plus intime que les étonnanteshistoires
de la Jungle, et le Black de Dumas et Chervillevaut
les serpents et les tigres de Rudyard KipMng.Partout je trouverais, sur le chien, des témoignages
attendrissants. J'ouvrais naguère un livre d'EugèneNoë!; la Campagne,et j'y trouvais un délicieux cha-
pitre sur la légende des bêtes. Des légendesqui sontde l'histoire, comme beaucoup de légendes. Par
exemple, l'étonnante bataiHe des rats qui a duré cent
cinquante ans en France, – la guerredu.rat natioaa!,le rat noir, envahi et dévorépar le rat gris jvenitde
~'tnde vers le milieu d~xvn'~siec~
races~ qui a fini p~r la vte~ot~ 'de l'étranger ~üe
~ba~son;pleut:le'~rat~~a~
~em~~on~ le~rat~h~ B~G~B~y~it,
~peù~.àvertt~uir~e~ 9~te'à4~;la.
208
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LAV!EAPAtUS.
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férocité chez le rat ce qui n'était que l'exaspérationd'une autre façon de patriotisme.
Lesbêtesnesontpasce qu'unvainpeuplepense.
Et pour le prouver, Eugène Noël cite ce trait vrai-
ment étonnant d'un chien
«Un chienet un chat, en l'absencede leurs maîtres,
se trouvèrent par mégarde enfermésdeux jours dans
l'ofiice.Unecôte debœuf suspendueau plafond devint.
pour le chat un sujet de fervente dévotion. Ce qui se
passa entre les deux personnages,on ne le saurait dire,
la comédiequ'ils jouèrent n'ayant pas eu de témoins
mais pour dénouementon trouva le morceaudebœuf à
terre, intact le chien, assis auprès, tenait le larron à
distance. Le pauvre animal, pendant soixante heures, $
avait gardé <tjeun le dîner de ses maîtres. Lafaim, le
sommeil,tous les autres besoinsavaient été domptés.
Et parlez-nousensuite des dévouementshumains et
des cochersfidèles Auprèsde la viande, le chienjeûne.):Il garde. Et le Sac d toutdont MmeSéverinea écrit les
mémoires, le petit chien dont sa maîtresse nous taitconnaître avec une pitié profonde « la vraie âmemaM–
cieuse et sensible, enjouée et tendre x (saint Thomas
d'Aquin reconnaissaitaux chiensune âme),Sac d !FoM<,
« petit chien laid, petit'chien vulgaire, petitchien derue », que Séverine déclare son meilleur ami, – it
mérite aussi,etplus que tousieschiens de luxe,d'entrer~« avec les petites étoiles deses yeux vifs o dans t~
galerie deschiensillustres.
Quand on aura !u Sac à Tout, on pourra se rend~~
compte de ce qui peut entrer de tendresse dan~~
/t.ÀV!'EA-PA~IS.08~
'i8.~
?-?-Ë~
« cœur minusculed'un chien)), et c'est une femme
de cœur qui a en compté pour nous, en poète, les
battements.f@~
Sac à Touteût-il eu sa place auprès despetits chiens
? choyés qui dorment dans des berceaux de soie,sur des
coussins de peluche ou des couvertures de fine laine,
g? dans les boxesdes Tuileries? Je l'ignore.Aujourd'hui,c'est le jour <<sélect sur la terrasse de l'Orangerie,comme c'était hier, au Palais de Glace,le grand jour,l'ouverture du concours des Arts de la femme. Et la
femme ici se révèle deux fois exquise artiste aux
Champs-Elysées,protectrice à l'expositioncanine.
? C'est le concoursdes chiensde luxe à poil ras, tenus
en laisse et présentés par des dames. Demain, ce sera
g le concoursdeschiensde luxe à poil long,tenus enlaisse
j aussi par la main des dames.Et ce triomphe du chien,cette exposition des chiens, ce Salon des chiens, ce
serait parfait si la photographie et la gloriole ne
devaient pas, je le répète, gâter tt affolerce qu'il y a
de meilleurdans l'homme, au diredu bon Charlet.
j Je reçois, ce matin, la nouvellede la mort d'Ibsen.
Le vieillard, qui luttait depuis de longsmois contre la
maladie, a cesséde souffrir. Il a cesséde penser. C'est
? un gtSnd cerveau qui s'éteint. Son influence sur la< pensée de son temps aura été profonde,Il a fait sentir'> au clair géniefrançais!'attrait,lapuissancedumystë!'e.
Il a fait passer aussi dansles âmesde nos Parisiennes
un peu decette mé!anco!iequi saisit tes femtnesd~son $
a pays rêvant danstes longues nutts~autordtita fjords,'t°
dans les petites maisonsrouges.La révotte d'unHedda
Gabier fut unarticle d'importation. Le Nord noùs~~
~10 LAvrEAPAR!S.
apporta de son brouillard et aussi de sa lumière.Une~K~lumière desoleilde minuit.
Henrik Ibsen sembla tout heureuxlorsque je lui disque Dumasfils,danssa RoutedeThèbes,s'était non pasinspiré, mais vaguement imprégné d'ibsénisme. Son ~jceilbrilla derrièreseslunettes. Sonvisageridé s'ëdaira~ ;Fd'un sourire.
Je voudrais, me disait Dumas, montrer que~l'ibsénismepeut être traité à la française1
Le jour où l'on connaîtra la Route de Thèbes,onverra s'il avait atteint son rêve. Mais je l'entends ~~1encorelouer a Damedela Mer.CeParisien comprenait, Ë
admirait, saluait ce Wiking de l'art dramatique.
XVII
Du généralDessirierà AlexandreDumasOs.– Souvenitsde .AS!ËBesanconet deBtMne. Unsoldatet un peintre.– ~a 'SaRoutederA~M. ZiemetMonge. Anciensthéâtres&ParM.
i
–UnMyredeaeoreMCain. ~S/M
8 Juin.
Les figuresdisparaissent qui ont un momentoccupe-Hustoire – ou l'actualité et j'essaye de les fixer au ë$passage quand j'ai pu connaître ceux qui s'en vont,leur journée finie.
C'est à Besançon que j'avais rencontré ce galanthomme, ce charmant homme que fut le général Dassi- 'vrier, une originale et cordiale figure de soldat, trèslettré à la fois et très troupier, fumant sa pipe à la â~,manœuvre et lisant le livre nouveau entre deux dé-
pèches omelettes, élégant et mate, portant joliment $~S~uniforme'et'donnant'~tortAien l'idée deoes~généraux~
diplomates, '!es.Duroo..et~Ies'.Ctarke,les -Canctauxet les ~àv
GouvionSaint~Gyr.dontun'denosomM~ àupérieues,Btsd'un générât ambassadeur,qui ~s~~
'e--nous-'d6nner~në g~epië''tout.;& $~;<&fMM<
'~M~~Bé!pat.!l)esstner,qui. eût~ertes'~t
~r~a~s~~stre~:'ifi,g,~~e"so,U",s"i,~r;;l,"r,e,d~,;s,al,'8,n,d,~,U,"e, C,â, .Il"c"e,l,l,r,i,,e.~u~M~aussi~hetIe~ténue~ >
~i.s9us~e'<j~es.~nion~
t j
~312-~ ~LA'~tE''A.PARtS'
de bois de FrœschwiHer.H avait sa page,tachée deson
tsang, dans l'histoire de ce légendaire 2° zouaves quicompta parmi ses colonels un admirable écrivain, tegénéral Cier, homme d'action et homme de penséecomme Dessirierlui-même. ?$
y, 'AMJ'avais connu le gouverneur de Paris en Franche-
Comté, lors des fêtes du centenaire de Victor Hugoen 1902,et je revois encore ce beau soldat portanttoute sa barbe grise, aussi jeune cependant de dé-marche et de regard à soixante ans qu'à quarante ans, s~et salué avec une sorte de familiarité respecteusepar ~~8toute cette population bisontine, très fière d'avoir
pour chef d'armée un enfant du pays, ce «petit '?Dessirier »que les vieux de «la vieillevilleespagnole»
avaient vu passer par leurs rues, ses cahiers d'écolier Sdans le carton pendu à soncôté. S
Et maintenant il commande le 7" corps, celui ~S~du duc d'Aumale,un corps de frontière il nous com-mande et il n'est pas fier l ~S~!
Certesnon. Et pourtant le générald'arméen'affectaitaucune.de ces manières à la fois cordiales et triviales
qui semblent quêter la popularité. Cen'était ni par le S;~costume o.ules dragées,commeCastellane à Lyon, ni y~par les poignéesdemain faciles,commed'autres, qu'il ~S~prétendait se faire aimer. Hétait simpleparce que!à
simplicité était dans sa nature même, faite de bonté .s
mâle,et qu'instinctivement savait bien que~part0)rth<â~où il allait, il était de ceux !que !a ~ranohisedesonvisage, son port de
~ête,~sOn~coùp~d'œi~B&~voix~;g~eussent fait remarquer entre tous, même sans l'éclat
de:I'uniforme. :y~M
LA VIE A PARIS. !HSt~ëS
Je le vois encore à cette représentation des Bar-
graves que la Comédie-Françaisealla donner au pays \i~de Victor Hugo.Besançonayant, je crois, son théâtre
en réparation, onavait logé le poète et ses interprètesdans une façonde cirque très vaste où la foule seprès-sait par une chaleur étouffante, un terrible temps
orageux qui allait couper de ses coupsde tonnerre la
foudre des vers de Barberousse et de Guanhumara.
Quelle poussée Quelle atmosphère1 Pas une place $M
disponible. Dans la logeoiHoieHe,le ministre, le maire, ?
le préfet, les autorités, sénateurs et députés. On
m'avait réservéunestalle au premierrang. Et le géné- $!ral commandant le 7"corps,près de la muraille,restait
debout, son chapeau à plumes sur son bras.
Je refusai de prendre place. ?
Asseyez-vous,général 1
Il eut un charmant geste do refus ;$
– Non, non. Fête littéraire. Cedantarma <og<e.Et
puis vous êtesnotre hôte et je suis chezmoi 1
Maisnon,mon général, puisqu'icila Comédieest '§!'chez'elle) 1 'SE
Bon gré mal gré, il fallut bien que le généralDessi-rier prit, occupât la place qui lui convenait mais il f~ile fit avec une bonne grâce qui s'excusait de sembler
s~~déposséder quelqu'un; il s'assit à son rang, mais en
disant, souriant et aimable:– J~étaistrès bien dans mon coin, moi. Dieu,que
c'est «embêtant xd'êtregénéraH 1
Il avait tous les titres, le commandant du corps
d'année de Besançon,pour apparattre au premier ran~
.de cette « fête littéraire ». Son nom, mêlé à l'histoire
214 LA VIE A PARIB.
des lettres comme à notre histoire militaire, ne figu- .Ërait-il pas sur'l'acte de naissancedu poète dont nous
célébrions,ce jour-là, le centenaire? ?L'acte de naissance de Victor Hugo est ainsi libellé
(jele copiesur une.photographie)
8ventôseanX.
Actede naissancede Victor-MarieHugo,né lejourd'hier,à 10h. 1/2dusoir..
Premiertémoin,JacquesDeletée,chefdebrigade,aidedeaampdugénérâtMoreau,âgédequaranteans,domiciiiéauditBesançon.
Secondtémoin,Marie-AnneDessirier,épouseducitoyenDelelée,Sgéedevingt-cinq,ans,domiciliéeà laditeville.
Surla réquisitionà nousfaiteparle citoyenJoseph-Léopotd-SigisbertHugo,pèrede l'enfant. '1~
Et ontsigné Hugo,Dessirier,épouseDeleiée,Deletée.
Et j'écrivais, en revenant de la cérémonie, sur le S
général Dessirier,quelques lignesoù, parlant dusoldat
défendeur d~ sa terre natale, de son homemême, je~
disais'qu'il était le petit-fils de cette Marie-Anne ~s
Dessirier, témoin dans cet acte immortel et femmedu ;~Ssoldat de l'an X. Je me trompais et le général releva*
mon erreur avec sa bienveillanceordinaire« Avec tous mes remerciements, cher mattre. Seu-
lement, je ne suis pas le petit-fils, mais le petit-neve~Sde Mme Delelée,qui était lasceurde mon grand-père.!
Je n'insiste pas. '$&« Très touché dusouvenir que vous gardez denous
et,qui est bien « le réciproque <de celuique vous avez i~
laisséparminous.'
« Mes hommages. –?
.~<<Gën~~DËastAtEM:
LAV!EAPAR!S. '5~
Depuis, devenugouverneur de Paria aprèscet autresoldat lettré, le général Faure-Biguet, qui a écrit sur Sla chasse en France un livre moins dramatique sansdoute mais aussi intéressant que le livre classiquedu h'
général Daumas sur les chasses d'Algérie, le généralDessirierm'avait toujours gardé et témoignéune affec- S
tion qui metouchait. Nouscausionsentoute rencontre. S
Je n'oublieraijamais les angoissescachéessousl'ëlé-
gancecalmeet la fiertésans bravade de cesoldat, rêve-
nant, il y a un an maintenant, d'inspecternos forts de
l'Est et nos troupesde la frontière, à uneheure inquié- ~Stante et qui pouvait devenir tragique. On sentait en ?
lui une froide résolution qui différait étrangement ~jdes fanfaronnades d'autrefois. Commetoute !'armée,comme tout le pays, le général Dessirierétait prêt à ?
défendrecette France à qui l'on paraissait alors cher- ~icher une si étrange querelle.
Ainsi, général,vous êtes satisfait de ce quevous
avez vu? lui demandions-nous,un peu indiscrètement S~
peut-être.– J'ai vu des braves gens qui sont prêts à tout. ?,$
Et ce qui meplait, c'est que cesont les plus jeunesqui ~êsont les plus résolus.Oui, je suis satisfait S:S
Et ne redoutant point la guerre, il ne pensait, ce ~$§soldat, qu'à assurer la'paix. ~S
II y a un'an. Déjà.un an Et c'est hier. Hter, le
départ du roi d'Espagne. Hier, le dernier salut du pré-sident de la République et du gouverneur de Par~
a la;gare des Invalides.Et ça beau général, quipot'tai~
Bi élégammentla plumeblanche,cet ônicierde zouaves
qui, Messeet prisonnier, avait sauté d'untrame~
SM LAVtEAPARtS.
'marche pour rejoindre les défenseurs de Bitche, le
voilà étendu dans le cercueil, sous les toits du vieux
palais des Invalides. Les drapeaux déchiquetés de t~i~~l'église se pencheront une dernière fois sur sa bière, <~
pour. saluer son uniforme. Ces drapeaux 1 Le tempsen fait de la poussière. ,~S
-<H y a quelquesmois, pendant le mariage de la fille ~3~
du généralMarcot,à cette églisedes Invalides,un petit
fragment des trophées appendus à la voûte se détacha,
emtoché,et tomba, tournoyant, commeun lambeau de ~S
gloire,sur les fronts,puis aux pieds des assistants. 3%Hy'avait là des jeunesgens de l'Ecole de Saint-Cyr,
officiersde demain, rêveurs de revanches futures.
Un général, présent à la cérémonie,se pencha, ra- !B~massa le fragment du drapeau dont la soie usée se t~~
déchiquetait entre ses doigts et, distribuant ces lam- ~iMbeaux aux saint-cyriens: ?9~
– Ceci vous revient de droit, messieurs1 C'est te ~S
drapeau qui vous baptise SS~Le gouverneur de Paris eût souhaité (tout le monde ~~M
rêve en ce monde) rapporter aux Invalides ~d'autres
drapeaux que cestoques glorieuses,des drapeaux quine sont plus cheznous, des drapeaux captifs qui déco-
rent d'autres églises, hors de 'France. Mais, pensif et
doux, comme l'émir du poète queMarie-AnneDessi-rier vit venir-au monde, il songeait peut-être plus aou~vent encore que les soldats servent aussi la patrie ` vlorsque, brasnus, ils aident tes paysansà couperle blé,à faire ta moisson,ta moissond'or des champsde nos ~M r
pays11sera dit qu'aujourd'hui, après un acte;de dëcèa, ~i~
'j;'C'y~?t,i¡:iJ:
LA VIE A PARIS. 217
~i9.
notre causeriene feraque releverdesactesdenaissance.Un comité, quis'est constitué à Beaune pour placer
sur la maison natale du peintre Ziem une plaquecommémorative,me rappelle l'affectionqui m'unit au
grand artiste et me demande d'aller donner dimancheun salut à mon vieil ami.
Ziem, qui revient de Niceoù il passe seshivers, s'est
arrêtétoutjusteàtempspourpromettreàMarseiUedefaire ériger là un monument au maître peintre Ricard,et il est reparti pour Beaune où ses compatriotesl'attendent et le veulent fêter.
"i Il y a, à Beaune, une maison deux foishistoriquecelle où naquit le mathématicien Mongeet oùFéHx
Ziem est né. C'est la même. Le sculpteur Rude a
érigé une statue au Bourguignon illustre le comitéde Beaune veut consacrer, du vivant même de Ziem,
la mémoire du grand peintre, du magicien de la lu-
~nuére. Et au bras de Mme Ziem,l'artiste, qui fuit
pourtant le bruit commed'autres le recherchent, assis-
tera vivant à son apothéose.Lesregistresconservésà la mairiedeBeauneportent:
<? i0 mai1746a été baptiseGaspard,ne leditjour,Cbde?" '°~ Monge,marchandforain,demeurantà Beaune,et de ~iS JeanneRousseau,sonépouse.LeparrainGaspardDeschamps,i'fS'archtndmercier,la marraineJacquelineJouard,te pèreprésent ?~0nt:signë,~iS' Jacques'tton~GMpard' Deschamps/Jte-? ~uetineJouard,Lhbmmé,archipr6trë,~~,cur~deBeaune.
~~oita~pour:Ie~avant. 'i
&~t~<)ici;pour.te peintre,né soixante-quinze'ans.apres.
~ie.même~gis':
3tS LAVIE'APAJMS<.
L'anmilhuitcentvingtet.un,le26févriera,midi,par~devMit'S~nousFrançois-Marie-AugusteFriquet,secondadjointdet'OMicierdel'état eivitdela villedeBtxmne,estoompamtQeo~~Bmthe-temyZiem,,tailleurd'habits,,demeurantà Beaune,âgédetrenter ~Sseptans,lequelnousa présentéunenfantdusexemascuUn,néàBeaune!e jour'd'hier,dumariage'contractéà N~itail ya m~iMMdeuxansentmluidéctacantetAnne-Marie.Qoadot,et auquatit.adonnélesprénomsdpFéIix.Francois.Geor);es.Phiubert.LesqueMeaS~:adéclarationet présentationnousont été faitesen'présencedt iS~Mathurin,Bernard,propriétaire,demeurantà Beaune"a)~ dequarante-septans,et François-JosephHutet,propriétaire,demeu. ~1rant audit Beaune,âgé'dtevingt-sirans,et ont te-pèreet testéitMinssignéaveenousleprésentacteaprèsquetectuMfautan.a .r9;étéfaite. ;~S
(Suivent,tes.signatures.) 'S~
AitMile fils:du marchandftu-MnMonge et' oeM'dutsEtëur d'habits GeorgesZiem ont glorifiétour à tourleur patrie, et la cité de Beaunea raiaomde les gionSetà)!euctour. Le eomité Zièm, présidépar M. A..Chtm-
~`~n
garnier, mBËdt l'honnejr de croire q)m ma pBésence ~Sà. eette tête de {amiUeierait plaisir à mon vieRami.Elle me ferait pIaiaiB& maii-même,voilât le certaîà,et je'votMb-aisque Iam<ert&mefûtt danmëad'aHeBen
Bourgogne,commej'aurais;TM~men NormamdM-aHetfêtefeorBeiMe.. ~S~
L'écrasant labeur parisien (dont je dirai quelques S~mots bientôt pour remercier mes, colîaborateura et S~momtiTMce;qm'i!s'.ont. tait)*ne, ie. permëttta<.pM..'Et~~Alexandre Dumasest tS, dont ta statue nous réchmte. $~H faat. !e.fêter ausai.et. lui donner, à Comédie,: ~~e~
soirée, à lui qui lui en donna tant et desi éclatantes.Et il n'y aura pas moins de dix discoursautour
~V
la statue deSaint-Marce~ux..Pi~diMaur~atQm',<pt'Ui~§
d~ndait.d''em~peonomcec~m\se~amt'hpBdd&Mtoë~e~Je me'rappene aujpurd'hui.en famMeta~~pM)~
'LA Wt'E A -P'A.BtS.
"(~~< ,'x
qm 'm'est cher, je iréentends les paroles mêmes de
Dumas – et N me semble que son 'verbe a '!& valeur~d'tmedécision testamentaire
Après avoir bien rëftëchi 'depuislongtemps Neja,après m'être bien étudié dans mes idées et dans masanté qui s'altère de plus en plus, je renoncedëfmiti-vement au théâtre. J'm fait un gros effortpour Ren'mavecDenise,je raiitenouveMpourvous avecFra~ietHoït,je suis incapable d'un jeroMt~Me.Le malaise perpétueldanslequel je vis etqui me condamnetout à coupà des
repos dont je nepenxprévoir !a daréene melaissepasTesprit dans les dispositions ~écessaipesà ce travail
où, pour moi du moins, la lutte est permanente.« Je n'ai phts Tâgedes revanches et je redonto la
vieillesse des Scribe et même des Corneille.Je m'en-donnirai sur les deux succès de Deniseet de ~'ea-
cabM, qui comptèten!ttrès bien le septième volume
que je vous envoie amjoard~bui.ife~eux quet'adnn--mstfateur et les comëdiensdu Théâtre-Français me
vmeKt toujours venir sans inquiétude; je ne teurdemanderai même pas de reprendre mes anciennes
Je suis tellement las qne.s'Maut tout vom~tt~e,mon rêve serait de ne 'phtsetitendre parler de moi. Je
p<MMsecette Méesi Mn que, 'bien queles morts n~en-itenaent plus rien, j'ai 'delond~toute espèceâediMours
~sm'Tnatombe. C'o~deiabesognedemoina~our vous.
VôuB~ paa~tire~ue je n'auBaïpasété un bon ~Ë
;,mi!M)ùsq~&!a'nn/)'»-
~~f'eBtend~ en ~esheuFes~ de lassitude M~ a~~
~~x'~aat-meTevMnt.~a~~l seTedreaBe,~se'~aMt,g~,~e''remetàfœuvre.
~.K~S
S20 'LAV~'À'WR~S~'
– Jemesuisremisautravail,et,jevousendonnemaparoled'honneur,cen'estabsolumentquepour â~vous.Grauestvenum'offrir,i!yaquinzejours,deuxcentmillefrancsdedroitsd'auteurspayésd'avance1$~sijeveuxfaireàSarahunepiècedontjeluiairaconté ~~Êlesujetetqu'iln'yaplusqu'àécrire.J'airefusé.J'ai r'~refuséàcauseduThéâtre-Français.Jenemereconnaispasledroitd'écrireunepièce,sij'enécrisencoreune, 9~pourun autrethéâtrequecelui-là.Maissijeconsi- S~dérequejemedoisàlaComédie,jeconsidèreaussiquejemedoisàmoi-même,etcequejenefaispaspourles ~&deuxcentmillefrancsdeGrauje ne~e feraispas.pourunmilliond'unautre.Pourquoiquece soit ESjene m'engageraisà fournirunepiècepourunedateSxe,avantqu'euefûtterminéeetquejefussebiensûr/S~d'avoirmisdedanstoutcedontjesuisencorecapable.Je veuxbienrisqueria bataille,maisavectoutesmesressourcesetletemps,etlaliberté!1 'Î~S
Voitàl'hommequ'ona accuséd'aimerl'argentvoitàl'artistescrupuleux,l'espritindépendantet nerquefut AlexandreDumasn!s.C'étaitbienlemem~hommequisousl'Empire,necombattantcertespasterégime,refusaitpourtantd'écrireunecantate.
Lorsqueje le pressaisdf medonnerenfincette S~~Route<~7'~&<M,àlaqueUeHseremettaità travailler
– Nousn6nousfaisonsd'iHusipnsnivousni mo!merépondait-H,sur ies réputationsUttérfËres,etsurtout sur les réputations''des. auteurs' 4~$~matiquës.Ceux-ciprennentuneteUeplacée,mqmen-tanément,quandHsréassissentHsaccaparentune($~teMëattention et its~
~3~
~E~'A~~RÎS.
M.
ont contre eux tous ceux qui voudraient et ne peuvent
pas en faireautant.
Et il ajoutait
~<i – Je répéterai ce que j'ai pendant vingt-trois ans <
répété à Montigny qui disait toujours « On peut` compter sur Dumas,mais onne doit jamaisl'attendre ».
~y C'est par ceprocédéde travail que je suis arrivé à faire f;
quelques bonneschoses.
Dans quelques jours, des voix autorisées célébre-
!&3 ront ces «bonneschoses- Et c'est pourquoi, pris ici,et par de multiples tâches, je ne pourrai aller saluer
à Beaune monvieil ami Ziem, le Vénitien de Bour-
~S gogne,maisen félicitant Beaunedemettre en pratique,
g~ comme le fait Paris, le,conseilde sir John Lubbock
« Lamémoiredes grands hommesest un legs précieux
qu'il faut conserver. »
Et pour passerde Beaune à Paris en Parisis,qu'il me ")
P~ soit pet'nna de signaler l'apparition d'um volume qui r~:
~~yintéresse la fois et la chroniquethéâtrale et la VteC. 'J,C'est le nouvel ouvrage de l'auteur des Coins
<<e P<M*M,M. GeorgesGain, qui s'est fait de l'arohéo- r
~~Xlogie parisienne, de rhiatoire anecdotique dé nos
monuments et denos rues une spécialité tout à fait \W
agréable. C'est un Parisien de paris.nis de Parisienset /g~
'aimant.'etadorant'Paria,jusqu'en ses carrefours et ses
~recoins. 9 inconnus,redoutables au besoins'Artiste 'et~
~érudtt, il, a, dans cette vieillemaison d~~Ia';nM".de8,
~îAàrais où, parmi, les broMes~deJ.-P.Mèhe'.é~d'Au~
~gu%te. Caitt,, -H'a!eul.eMe~pérë,on~.racontait .tàn~tde'~i.S~
~aou~ lé~f,\n~e.m&medede. ce Paris doat
~conte't'h~~ leahistonettes. aussi,TaMémantdes fi
.282 ]L.Av'M:'AT'A)Rts. S
RéaMx de nos .quartieœ antiques ou nca~eaux.
Aujourd'hui c'est la légendedu boulevard du Cntmoet des théâtres du boulevard, l'Ambigu, la Gatté, la
Porte'Saimt-Maï'tin, que Georges Gain nous conte $;sous le titre Anciensthéâtres<~Paris. Le théat:'e, meeon'ns~t<K)mmepas mm.Les amteurs,les acteurs, ceux
d'Mef et ceux d'à présent, il les a a-pptaudis,écoutés.Il les aime. Sardou lui a donné ses conseils, Haté'vyluiacontélesaouvemrs des Bébssements-~onMques,cesDeiassementsoù 'lesrevues deBtumet Plan, Bt~m,
toujours jeune, et Flan, suicidé (petutant le siège de
Paris),' amusërent notre jeunesseavec les rondeaux :'?chantés par Clara Lemomniersur la musique de Su-
zamMLagiër:
C'esttaprenHi~redupmrtempB: ~<Authéâtredela nature,Onvacommencerl'ouverture. S"!
Ah 1 les couplets de nos vingt ans t Le boulevardr
du Temple où les théâtre&, les anciens théâtres que t;ressuscite GeorgesCain, s'alignaient, oucant, comBie
en un étalage de rêve, du rire, deslarmes, de la terreur, Sj~les pétarades des pièces militaires, la poudre desba-
tailles, la farine,des pantomimesdePierrot Debù-Mau sortant de son <Bufblanc,Napoléon rayonnantdans un.feu debenga!e~.Je revoistout cela en teuiUB-tant ce volume et il me semble encore entendre ta~~g:grêlesonnette du marchand de coco: < Ala fraîche 1<
-Quiveutboke?.)).» 'SS!
Qui veut boiicedes souvenirs? H&t&ns-nous.Cen'estpas seulement maintenant l'entr'acte ami vaMnir~
~iSi
XVIH
Aproposd'unconcertdebienfaisance.–FrancisPlantéetttt'Maisondescomédiens– LaSorbonneetlaQattê.–M.Ccquelin.– Souvenirsd'unpianiste.– LepeintreSoroUa.–LeMidi.
22Juin.
OnTiedirapasqueta saistmest Me.Pans'pnN-? tnmeradesaspectsexquisetd'ëtonnantaasarpri~eB.!? 'Uproi– européenparle chapeaudesoie,asiatique&I parte haut-de-chausse– arrivetoutdrott~dnCam-
~t; iM)dgepourvoir,~HM plait,Tes~outevardsen
Mte~esi!hmnnat5oBsdescàtës.l'mvasiomdeatrottoirs? ~par~establesmnttipËées,!esrobesclaireadesfemmes, ?
~Fabes *~es dest~ 'thëa!tres'tërmëa.'
~devenant desrestaurantsfouverts,–Tmo'mtetoMë
&éYresingutiere,une~arta )?&~ieVMM,un
~utmboiem!ent'de'gaiet6.Ct~mmecesgM sontheUl'aUJ¡:1sedira ïe
~igXH~mnhod~eh.!S'n'Nt'Ies joumaMX'–OM<i~m' tFà4~-–8~era..q~:TeIoq~~ eëàimorte en~B~tBce/'et.
~S~iTMra~qoe~a.~ntt~~ haran.gutIIJ;¡¡t<
~d~tMi~ etI~RpwiTaÎ\i~me¡"<i,~
~o~ "t~stef'à~~pùQ:~i~a:ic,i~~
\22~. tAVtEAPÀR!S.
morale. Et fi le Parlement ou le Palais lui~paraissent 'i;S.~trop sévères,il aura l'Opéra pour oublierles danseuses
cambodgienneslaisséesen chemin, et même_!afête de
fseuilly si l'Opéralui sembleun peu oniciel.Il y avait longtempsque Paris n'avait eu son «roi » jJS~
en visite. Celui-cilui plaît commeun bibelot exotique. ~SLe souverain sourit, on le salut. Il passe. I! animeencoreParis qui n'a jamais été plus animé.
Je redoutais pour un autre roi, Francis Planté, queParis ne fût un peu déserté lorsque le maître pianisteviendrait donner le concert qu'il a promis à M.,Co- Y~quelin pour la maisonde Pont-aux-Dames.Maispointdu tout. La saison parisienne se prolongemaintenantj Sassez tard, et mercredi prochain la salle du théâtrede la Gaîté sera comble pour applaudir Planté, quivient tenir sa promesse, t~
Quellepromesse?Cellede jouer, tout seul, avec l'ad-
miraMemusique de la garde républicaine, au bénéuce Sl'~de cette maison de retraite que Coquelina bâtie en S~Seine-et-Marnepour les vieux artistes les Invalides 9~des comédiens. Coquelin, qui se fiait à M. GeorgesPetit pour la vente de ses tableaux et qui se faisait
applaudir à Londres pendant que le commissaire-
priseur dispersait ses Cazin~s'est fié à Planté pourl'organisationde cette matinéequi sera un événement
musical, et je dirai un événementlittéraire, car Plantéveut commenterbrièvement les morceaux qu'il ëxëcù-tera. Et commeil est éloquent, charmeurpar la parolc~S~comme par le talent, le régal seradouble.
C'est le plus généreux des hommes,vraiment, ce
Planté, que Rossini, qurraimajt tant, appelait son
– ~<
LAytEAPARtS. ~~5" ;i
csyoPlantino, se nommant lui-mêmeil papa secondo.
i du virtuose. Il va quitter son homeheureux de Mont-
de-Marsanpour venir donner à des comédienspauvresquelquesheures de sa vie. Sa vie est le mot. Lorsqu'il
joue, tout sonêtre vibre. Sesdoigtsévoquentle maître
qu'il traduit, mais son cerveau cherche, explique la
pensée même de celui dont il tient à rendre l'œuvre
S et l'âme.
Son plaisir est d'obliger,mais cesont sea nerfs qu'ildonne. il se livre. Il se dépense. Maisd'ailleurs jouerest pour lui une volupté et comme una nécessitéde
~,j toutes lesheures.Quand il ne jouepas, il chasse.Quand
g il nechasse pas, il joue.Je crois bien que M. René Bazin a raconté – ou
me raconta du moins l'aventure du romancier arri-
vant à Saint-Avit, un coin des Landes, et entendant
sortir de la petite égliseparoissialeune musique déli-
cieuse.–L'instrument d'où sort une teHe mélodiedoit
~~t être bien beau 1
~B~ Oh 1monsieur,non, c'est un vieil harmonium.
Maisalors, l'organiste est un artiste bien habile1
§< – Eh) 1 monsieur,répond le paysan landais, c'est
S~ M.le maire 1
? Comment,M. le maire? Vous avez un maire qui
? ce talent-là sur l'liàtmonium?
~K–––Ah)monsieur; c'est que M. le maire c'est
~P!anfé r
?& Et « monsieur!e maireava quitter Saint-Avtt pour
?? y~~ jouer pour autrui. C'est sa vocation;
g~c'est son habitude. S'it écrivait ses .SoMpe~H'~(et s~l
336 ~A'VtEAPARÏS.
les écrivait comme il les MUMe,ce serait une autre
séduction), il pourrait énumêrer toutes les charités
qu'H a faites de ses mervetHeuxdons. Maisje le con-
nais, N n'en parlerait pas.Il aurait, iort heurensement,bien d'autres traits à nous révéler, et s'oubliant lui-
même, selon son habitude, que de piquants portraitsil pourrait nous faire des autres 1
Quiconque a beaucoup vu devrait conter sa vie. Ilest navrant dese direque tel vivant emporte,à l'heure
inévitable, le capital de souvenirs qu'il emmagasina.Dumas filsétait inépuisablelorsqu'il évoquaitle passé.Le duc d'Aumale était étonnant, rappelant lesfiguresdes généraux ou maréchaux de l'Empire, les guerres
d'Afrique, lés imagesde Benjamin'Constant,de Hugo,du roi son père. L'un et fautre ont disparusans laisser
de Mémoires.Et que de faits, detémoignagesaont aveceux ensevelis1
Un artiste tel que Planté a beaucoupretenu et pour-Tait,devrait (ii !e fera) nous rendre Liszt, qui l'encou-
ragea, Thalberg, Mercadante, Ornià, Berryer. H Nerevoit jouant du Weber à Berryer~ui écoute.
A la viNaMedicis,il lui sembleêtM assis encore et
jouant i'œuvre de Liszt, &HK<FrfMpoMde Palile mar-
chant sur les /!o<A.C'est Franz Liszt lui-même qui avoulu faire entendre pour 'la premièreîois sonoeuvre
à la- princesse Wittgenstein, soeur du cardinal de
Hohenlohe,qui est là, tout~mue.Planté joue. ErnestHébert, pensif, l'œil profond, écoute. La prmoessejpense~umariageaLvecImzt, et ï~iszt songe~aprêh-ise.C'est an des demiem jours qu'il portera fK~b'tI'Mque.Planté H'oublierajamais ce ttabie'aù.~esalon rouge da
LAVtRA/PARÏS. "32~
directeur Hébert, cette crise d'âme du musicien.
j~; épris de solitude.
iEt il a connu bien d'autres <tillustres, depuis qu'il a,
~x' !e petit Pyrénéen destiné à devenir si vite un grand
( artiste, quitté les platanes des promenades d'Orthez,
& sa viUe natale.
~i Le pèr& d'une de ses compagnes, d'études était le;
§ y fameux, Isabey, le peintre, et quand le petit prodige
t&E faisait de la musique dans le salon de l'Institut,– au-
~Kdessus de la
ported'entrée si connM~ des Parisiens~ –
il avait autour de son piano un entourage de ces mer-
~iveilleuses miniatures exécutées jadis d'après nature,,
à Tilsitt, les rois, les empereurs, et a~ssi,. à côté de
I~apoléon 1~, le portrait de cet autre soM-verain,
Tah&a. Enfant,. Francis Planté a~ait adnsi~ c(Hmme
~bTalma hu-même, un auditoire de rois.
A dix ans,, il était e~tré aui Conservatoire~ dans 1&
classe de Ma~momtel. A onzs ans, H enlevait son
premier prix à l'unanimité.. Om le cheechMt, on le
choyait, on l'acclamait. H débutait dans le salon- de
~gM. de Nieuwerkerite~au Louvre, où un autre débutant,
d'un genre tout différent, Nadaud, taisait~ le même
sou; entendre pour la prenuère fois mie chanson qui
derenait vite-fameuse, ?$ Dettz 6eM<<ar<MS
~<S Deux beaux dêhuti!, un be<uid!mmoheK..
Maisum autre..d~but,/q~~date.- de,pîusteuj~ aj~~M
Mw; auparavant, est re9M'plua''c~Pttm'të'. G'<~Mt;.mt'.
~g' 'qj~Malaquais, pour une tê<M'dt'bIe~a~.ance.~<;pmBM)<'
le virttMaet.'on' !t, .AS~atmt~
~S~ at~lt£t~,4qp.QgJ:
228 LAVtEAPARIS.
l'apparition de deux petits prodiges, camarades et
amis dès cette époque,CamilleSaint-Saënset Francis W~Planté l'un, Planté, âgé de sept ans Camille Saint-
Saëns vieux de dix ans, s'il vous plaît. SEt le souvenir est touchant à rappeler au lendemain S%
du glorieux festival qui fut comme l'apothéose de
l'auteur de Samsonet DaMa, au moisde mai dernier, S~dans la salleErard. Le compagnondespremierspas du ~$imaître musicien avait tenu à cœur de venir fêter
Saint-Saëns, soixante ans, jour pour jour, après leur ~i~
première collaboration d'art et de charité, tous
deux fidèles,après tant d'années, à leur amitié, à leur
besoin de dévouement.
Lorsque Francis Planté parle de CamilleSaint-
Saëns, il s'attendrit. Et lorsque je publiai, ici même, (~l'acrostiche que le musicien poète composasur le nom ~&Sde Planté, je reçus cette jolie lettre spirituellement ~&
attendrie, que M. Saint-Saënsme pardonnera de citer.
Je n'y puis résister, tant elleest charmante:
BraganzaHôte),Lisbonpe, ~S
Moncherconfrère,12avril1906.
Moncherconfrère,Jerelisvoschroniquesde1905etj'y trouvecettephrasemélan. m~
colique:'JesubptùshabitueauxouMisqu'auxremerciemenb.Il neserapasditquej'auraiétémoinsreconnaissantqu'unsinge.Laissez-moidoncvousexprimermagratitudeetvousdire!eplaisir SS~quej'ai éprouveentroùvantenchâssédansvoscauseriesracres-~
;c tichequej'ai tresséà lagloiredePlanté.Jt enestfiercommed'u ~!S? trophée.Monque)apiècen'aitriende commun–hélas)– avec
~r,'les~céMbres.rrepMM~)M'vousconnaisse~t~ Nousnoussommesconnus&nosdébuts,Plantéet moi.Nou~
étionsalorsdes 'entantsprodiges etnousfaisonsparMemain~tenant dugroupedes'vieiUardsprodiges carsije nejoueplus
dupianoà Parisj'enjoueencoreà l'étranger,et je viensd'e~? applaudiet cpmpUmentéencorepar tes souverainsduPortuga),ai,
E i:a
LAVtEAPARtS.. .~8P~'S3
30;y
quisontvenusdeuxjoursdesuiteau théâtrepourm'entendre,mefaisantainsiunhonneurinsigne. q,
i Dansquelquesjoursje rentreà Paris,aprèsquatremoisd'absenc9,et undemespremierssoinsserad'allerà laComédie,quej'aimetant,commevoussavez,etd'échangeràcetteoccasionquelquesmotsetunepoignéedemainavecvous.Jevousparleraidecequej'aifaitàlagloiredeCorneille,quis'enseraitbienpasse¡et jecompteunpeusurvouspourmedétendre,caronmerepro-
S cherad'avoirmisenmusiquesesversimmortels.Je vousexpli-queraipourquoije l'aifaitet commentjenepouvaisfaireautre-ment.Gluckl'a faitavantmoi,dansIphigénieen .~MMeil estvraiqueje nesuispasGluck.Onestcequ'onpeut
Votreconfrèreet ami,C. SAINT-SAENS.8,
«Vieillardsprodiges a Le mot est joli.Maisil y a là
de la coquetterie et, sous leurs cheveuxblancs, la jeu-
È; cesse d'âme et le talent persistent. Ils ont blanchi, les
deux petits virtuoses du salon du quai Malaquais,mais pour rappeler le vers de Musset à Nodier –
comme les amandiers au printemps. Ils ont la même
,ardeur, la même vaillance et la même foi que jadis.Cette apothéose de Corneille, dont M. -Saint-Saéns
? parle là commeavec timidité, comme d'une façon de
~~sacrilège, Corneilleen eût été ému et son cœur eût
~$. battu aux harmoniesdu maître.
Saint-Saëna (je le voyais, l'autre jour, à cette
~Comédie-Françaiseoù Mme Bartet réapparaîtra quel-
~'fque soir sur sa musique, celle d'Antigone)est aussi
Ë&vigoureux~t inspiré qu'aux heures de fièvre juvénile
~Bëet de toi. Ouplutôt, commePlanté, il a la mêmefoi
~~et lés~m~ fièvres.L'art est mieuxqu'un consolateur.
~S~o dirais volontiersqu'il est un Conservatoire.
Au~ – et que Planté évoque àvao
~oh esprit &la foisnarquois et indulgent. C'étattdana
~salondu comte TaNheguy-Duchâtel,ranctën mi-
230 LA VIE A PARIS.
nistre de Louis-Philippe. Planté jouait. M. Guizotétait là, et aussi Berryer. M. Guizot était plutôt -ë~habitué à la musique rossiniennequ'à la grande écoteallemande, et le jeune virtuose assis au piano faisait \S~redouter à l'homme d'Etat quelque terrible aonatedont on prévoyait le début. Et déjà M. Guizottenait;
pour sortir à l'anglaise, le bouton de la porte, lorsquePlanté aperçut le geste, devina l'intention et tout
aussitôt mit une coquetterie à remplacer la sonate,non annoncéed'ailleurs, par l'ouverture de ~MH'<MMM.'SL'effet fut immédiat, L'austère auditeur, faisant N
valte-face, tournage dos à la porte ferméeet entendit;
l'ouverture jusqu'à la dernièrenote. Le pianiste avaiteu raison de l'homme d'Etat.
Qu'eût-ce donc été si Planté eût joué du Mozartà
l'auteur des JM~KOH'Mpour servir à l'histoire de mon ~N`
temps? Les Anglais, qui sont incomparables en ma' )~tière d'annonces humoristiques, ont imaginé un pros-
pectus, celui d'unpiano d'invention nouvelle,où yoS '.g~aperçoit, dans le piano mêmedevant lequelle pianisteest assis,uneombre, un fantôme,uneapparition fLaidé,blanche, fantastique– le spectre même de Mozart.Comme si Mozart, logé dans l'instrument, en étatjt~~i*&tnemême. Eh bien, cé fantôme de MoMEt~eFM~tVN,de mesyeux vu, le jour où, tout en causant,,~a
~`;,exp'nqMant,–en, rêvant, dirais-te, si tant'd'ijMp~~eaiion, .n'était'point' doublée''d~tant'.eSole~ 0
FrancisPlanté, laissant cpunraurle chideesesdoig~
.tOtMut. pour.-qaelq~'es/amiareconnaiesants'~ ou: plat~,ïMarMrmême,.paur' !a.:joM..d.e-< 'mOzMtiser.i~
;eonatc.de Mozart..11.s'arrêt~t,.jrep!:enM~c<~m~e~s.
j
;8~LA V!t A FAR!S. "3M~
ajoutait au mot pittoresque la note exquise, BMB
donnait Omrégal incomparable– quelquesinstantané
Ë~ rêve.
Et si simple, si heureux de jouer, de se donner, de
i~. travailler.
r;~ OM,dont!etravailestjoiet 1 s
– Mais,mon cher maître, lui disait un jour quel-
~u'un, vous avez dû innniment étudier ce morceau
~toury découvrirtant <!&merveiHos?
X Mon Dieu, cher ami, répondit-il en riant de ce
( bon rire franc et fin qui relevésa lèvre et fait pétiller ~i
%es yeux, cecivous représente Soixanteans de travail ) ï
g;~ Et, encoreune fois, il semble ? faire pardonner<~tte
$< virtuosité Souverainepar une bonne grâce séduisante 3
S justiSant ~~not d'un de ses auditeurs madrilènesqui g
~disait,aprês'concert:? – P~ J6 préfère Planté à Paderewsky, et $
?& voici pourquoi ~iMierewskyse fait prier pour se faire
entendre ;,]Francf! planté vous remercie de raroir
entendu)
Et Planté fait mieuxèncoiFBque dedire «merci i!
j~ ~~ne et ne dethande aucun'rejmerciement.Il est'.de
~ces'~res privilégiés.. qui semblentraoheteries dona.qu'3~ont.lr~Na en les partageant.
g~ Ën~v~tté,ce grand:!artistea lavocattonde:lalMe)!t-ir~~'faisance.j~s. œuvres. sB~t. nombreusea.pour~IesqatNes.
~~t~I' s'est.'m~~plié. Il'a joué jadis pour_la'libé~
~~i~NTitoire,. il-oue ~pouK~~OFpheMna'.de" la: ..g!)en~~~sqûe le~ve~-able'barôn~'Eistylor''fondai' t~AMe-
~$;a~n des arti~' ~musiciens .ands 'Plante~S~
332 LA ~!E A PARIS.
pour elle. Il fonda là, à son tour, une rente annuelle
attribuée à un «vieil artiste, le plus digne d'intérêt x,Et la pensionporte ce titre «PensionFrancisPlanté
Je ne voudraispas trop louer cette générositéadmi-râblé. Les demandesaccableraient le maître. La bontéattire tes quémandeurscommele miel attire les mou- «~ches. Et Planté veut s'en tenir à cette manifestation ~j$
suprême la journée inoubliablepour la « Maisondes '?!com8diens )).Il eût souhaité la ~donnerà la Sorbonne, ;Sjdans le grand amphithéâtre, devant la noble et poé-tique fresquede Puvis de Chavannea,commeil jouait ,$jadis devant les poétiques toiles d'Hébert. M.L. Liard,
!e vîce-recteurde l'académiede Paria, n'eût p as demandémîëux que de mettre,au servicede l'art ce merveiUeu~
amphithéâtre où la science d'un Curie nous expliqua s~désmiracies.MaistaloiestformeUe: aucune réunion<?cegenre nepeut avoir lieu danscepalais, où tout est
gratuit, même le génie.
CoqueUn a donc logé chez lui, à ta Gaité, le maître
,qùiveut donnerau logisdes comédiensune journéede 4
sa vie. (;~MEst-ce que la mythologieserait de l'htstoire? L'htf)- a~~
toire étant souvent une mythologie,tout est posstbte~ SS~Cemusicien quiapporte ainsi sa pierre& !a « M[ttisondoscomédiensNmefaitsongeràAmphiOn.donU&tyro ~id'or bâtit les muraillesde pierre. Amphionjouait et te6%moellons se ptàçalent d'eux-mêmesles uns suf les ;S~
autrës.~Les~doigtsde IPIa~Courant.s~les tOucMs'd'ivoire vaient tes cordesd*m'du
roi de tégende.Je sai~'bien ~que'te :!ogis de.Po~aux-Bame9;a'tous~sea;tnHi~
~onstruits. Mais' GoqueM~~toajo~ 'mbitteu~~ite~N~~
~f.i~~~~r
a3 m-L~ 'a
LA VUE À 'PA'R!&. '3'
/20.T.
trouve pas ses vieux camarades assez riches et il est <S
profo.udémentreconnaissant à Planté de cet appoint jgd'un art supérieurexplique par une parole exquise.
Beethoven, Mozart, Gluck, Brahms, Saint-Saëns $
joués et expliquésverbalement par Planté, la collabo-
ration de notre musiquede la garde républicaineavec
le virtuose, Parès et Planté, quelle bonne fortune
singulière1 Les maîtres du piano, les Diémer, les
Edouard Risler seront là pour applaudir le musicien
venu des Landes et qui, aussi vite qu'il sera venu,
disparaîtra après cette journée de bienfaisanceqû'il
regarde commele couronnementde sa carrière.
Ah 1si la Maisondes étudiants que l'on se proposede Construire,commej'ai vu déjà bâtie, rue de Lille,
la Maison des télégraphistes, avait eu Planté pour en
jeter les fondations1 Maisvraiment on ne pourrait
demander mêmeà un tel hommede renouvelerun tel
effort. Il a fallul'intervention d'un ami, Edouard Noël,t
pour arracher l'artiste à son home. 5
r Et leste commeun chasseur, entraîné comme un
Basque, Planté a répondu–H s'agit d'une bonneaction~ je viendrai)t
CesMéridionauxont unealacrité prodigieuse.Il y a i~dusoleil le jeu de Planté ëommeil y a de la lu- gg
gnuère –t-e~ quene.~mieret.danB..CN';vigoureu8e9:
~iles "'Ne Sorolla .queje regardais,.l'autM~jopr~~~ot-dë~auroi.se~?.tà~~ ~aveo~pém~sM~ j~
~p;agn~u!L:voyage: a~eltdes~l'yr~ lJea roàhea
~ugea~des-mera~< ~t6is~ d'oipangêrS~~ie~
Spay8a~d'une:~nten~f~~ déôàra s~
~~o~~ae~.perao~agea, vr~ ~une~.ma~ns&
234 LÀV1[EAPAR!S.
'K" °~ï
unique. Et commeje regardais cesintérieurs lumineux,ces portraits hardis; ces grèves où, comme dans les ..S%fjords de Zorn, courent pour se baigner des enfants
nus, je vois un homme jeune, solide, sympathique,et qui a emplidessalles entièresde sesœuvres, et c'estle peintre lui-même,M. Sorollay Bastida, dont l'expo- ~$sition est un desévénementsde l'heureprésente.
Il est de Valence.H s'est fait lui-même, rêvant souslesorangersde son pays. Chosesingulière,c'est Adolphe ?$Menzel,le peintre allemand, qui le révéla à lui-même.En étudiant les dessinsdu maître, lessoldats du tempsdeFr6dériclï,it se dit: «Je serai peintrel *LesoteH~t ~&!ereste.Etiapemturemodernecompte unmattredeplus.
Ce diantre de soleil eût dit Mmede Sévignécomme $~elle disait «Ce diantre de Rhône1 Encoreune fois.Lil y a je nesais quoi d'ensoïeiUédans l'art du musicien
qui va jouer, à la Ga!t6, pour la Maisonde CoqueUm.Et que les reporters ne cherchent pas à interviewerPtanté lia, près de Paris, un coindiscretoùitse terre.Il vient à son concert en automobile et s'enfuit en~
hâte, après le triomphe.. ~$~Un de ses biographes,M. de Rivière, conte ce joli f~S
mot d'une Parisienneà qui t'on demandait où, lors deson dernier voyage,1e.'grajMiartiste était descendu:~M~– Planté? Mais il ne descend pas, il monte t<Mt-f~jours 1
'Et envériM,si le mot~deSocrate.tant da;tON;repet~.tChacunest bon'.dan8.éschCNes';qu'M.Mit'eat just~jM!
,onpeu~direque'Plaaté,dMB.oe~ etdlp1l"qu'il enseigne,est'encore'tn~Hem' 'X~~
~M
XIX'
? ALBERTSOREL
NOTBSINTtMES.'~i~
g~ AuxhommagessolennelsquisontrendusaumaitMMstorien,jevoudraisjoindreunsouvenirémudonné ~Sauconfrére,à!'ami.
J'étaisassisauprèsdelui,iejourdel'inaugnFatMnde.lastatuedeComeiHe,placeduPanthéon.Hëcou-taitlesdiscoursavecuneattentionpassionnée.Cettecérémonien'étaitpasseulementpourluiunesorte4e ?~~fêteoiïioieUe,trèsprécisedanssasuccessiondehMtm-~S~
? gués,c'étaittagloriacationd'uneracedonti! étattissuS~et a~!aque!!e<Hia!ementHdemeuraitndète.~e Not~ N~
S hMmdqu'il était,et qu'ilétait~nerd'être,jouissait~4 cetteglonncationsuperbedugrandNormandden~
Mmage~sedressait-t&,Mdéta<Shait~sur'!ë-î6nd.~griad~TéguseSaint-Etienne-du-Mont. .N
AlbertSoret-aimait~pays~normanLd'ont~youtai~jSi~~$~cëtébrer ta contnM~MjdO!aMMd~i~~~h~aBhevée,?c'etattane~ort~;d*htstMre~
~~onMhdàtr~ersïeatM~es~iti~ait~e~~jtt ~ait~commëncéen ~rr~~ <~e~adn)ir~~<
~~war;6HStaveFIapbert~qu'i~d~&N<
?; 'nobatinuaiton'pronon'cant'.d~
236 I.AV!EAPAR!S.
à Rouen, cediscourssur le vieux Corneillequi lui causa
à la fois tant de joie et.tant de fatigue.Très las, condamné au reposet au régime, il voulut
cependant aller en personne saluer l'image et le sou-
venir du grand ancêtre. C'était sondevoir, maisc'était
aussi son plaisir.Un de sesprochesexprimait fort bien
le sentiment de juste orgueilquedevait ressentir ce fils
de la Normandie– Etre parti tout petit garçon de Honneur, et célé-
brer Corneille dans la grande salle du parlement de
Normandie1
Albert Sorel n'en tirait point vanité. Mais tous ses
souvenirs d'enfance lui revenaient tandis qu'il carés-
sait, commed'un ciseau"~speotueux,l'euigie du grand
Corneille,l'honneur de son tempset desa race. Je crois
bien que cette tâche, si vaillamment acceptée, et d'un
cœur juvénilement joyeux, lui causa une fatigue dou-
loureuse. "jj ~)La harangue, fort belle, était longue.A la fin,Albert
Sorel sembla défaillir.Son fils,anxieux, le vit pâlir et
s'appuyer sur la Table de Marbre pour ne pointtomber. Il eut peur.
A ce moment,dit le filsà quelqu'un, il me sembla
que l'Ancien l'appelait, le venait chercher1
Parole saisissanteet vraie. Levieux Corneillefaisait
en effetun signeà l'historien remplissantlà son devoir.
Devoir de lettré et d'enfant pieux, apportant, au périlde sa santé, à l'ancêtre, l'hommage des générationsnouvelles.
Il faut avoir connu Albert Sofel, avoir longuement
causé avec lui pour savoir combien ce bon Françaia S
~i.SK~
LA~ !E"A'PAiR!S.
était demeurébon Normand. Celivre, ce livre suprême
dont il voulait faire le testament littéraire de sa vie,
il enparlait avec amour
–Je veuxrésumer en quelquesfigurescette robuste <
race normande qui a tant fait pour les lettres. J'ai fait
.Flaubert, j'achève Corneille. Je vais faire Barbey
d'Aurevilly. Le livre do M. Grêlé est très complet.Maisje. voisun Barbey tout nouveau,et si Normand t..
Je ferai Maupassant.–Et Louis Bouilhet?
– Et Bouilhet.MaisBarbey et Maupassantd'abord 1
Ah) lesprojets, nosbeaux projets 1 Toutce quenous
entrevoyons, tout ce que nous rêvons 1 Lesplus beaux
)tvres se font peut-être en regardant passer, filer les
.nuages.Ce livre parlé d'Albert Sorel eût été superbe.
Ce qu'il en a écrit est de premier ordre, et l'hommage
rendu par l' «enfant de Honfleur »à sapatrie est, parses fragments, digne da l'entreprise.
Albert Sorelétait resté siprofondémentNormandde
cœur cruedans sa maladie, alorsque l'hémiplégiepara-
lysait tout le côté gauche de son corps, il disait, la
pensée intacte, douxet résigné,à sesenfants, sonfilset
sa fille, supérieurspar l'intelligence et le dévouement– N'est-ce pas que je suis très facileà soigneret pas §
du tout violent pour un Normand?
Nous allions, quelques amis de l'Académie et moi,
prendre de ses nouvelles,après la séance où fut élu le
cardinal Mathieu,et dans le salon du petit hôtel de !a
rue do Vaugirard, j'étais ém.uprofondémenten regar-
daht le portrait en pied où Albert Sorel;dtbout, nous
apparaissaitdans son cadre, avecsa belleprestance, sa
S38 Il LAVtEAPAR!S.
franche figure souriante et mâle, sa hâ&te taille ?6- ;%j'
gante, et en songeant qu'à quelques~<&de notA~etravailleur robuste, acharné, incessant, ~ette htr<~
vivante, ce lutteur laborieux, était couoMt– ?;
Il portait cependant le fardeau du labeur d'un br~
robuste. Lesépaules étaient larges qui,nna~~nent, ont
touché.Il sereposait de sestâches austères ?? Quelquesouriant intermède. L'historien très grave ~tdt un <causeur très charmant. On s'en souvenait *Mns le
salon maintenant fermé de Gaston Paris, autre j~rand
esprit. C'était un régal, en nos dînersde camaradBt,de
demander à Albert Sorel quelqu'un de ces éton~Ms
pastiches deVictorHugoauxquelsil se plaisait et ~'Hdisait si bien. Parodies ou suites, en quelque aorte)~t.
quidépassaientlesfameux ~fomMM~'arMMde DetprMt
– On ne sait pas, disaitDumasfils,si c'est du Hugoou du Sorel.
Victor Hugo en avait eu connaissance jadis. Un S~assure qu'il s'était mis à sourire. ~~S
Un soir, il laissa tomber ce trait
On dit que M. Albert Sorelfait mes vers aussi ``
bien que moi.Maismoi, je ne faispas les siens1t''
Nous avions supplié Sorel de laisser imprimer à un ;&~nombre tout à fait restreint (~exemplairescespastiches a;,réellement curieux et précieux, en nous engageant à
tenir sousverrou les exemplaires.Respect ou modestie,il ne voulut pas. Quelques-unsles saventpar cœur, ces
vers, et ils seront évidemmentpubliés quelque jour. S
La gloire de Victor Hugo nes'en offusquerapae, et t~renommée d'Albert Sorely gagnera, car on verra quet slettré délicat, pénétrant, fin, pittoresque, narquoi<j~~
.LA VIE A PAR!8. '2S8'
s'unirait en lui à i'h!storien de l'Europe pendant la '~i~
Révolu~qn française e~l'Empire.Le pru~Osiris, de oamtmiUefrancs, que le donateur r"
destinait surtout, dana aa généreusepensée,à quelque
invention scientifique,avait été dé.cernépar l'Institut
à l'oeuvred'Albert Sorel,Le rapport fait au nom de la
commissionpar M.le comte d'Haussonvilledit tout en
cette conclusionsi juste «Vous couronnerezl'œuvre
patriotique d'un boncitoyen. o
Et ce bon citoyen fut un charmant homme,un mai-
tre écrivain, un chef de famille admirable et un bon Sami.
.a
XX
L<roiduCambodgeàParis.– Unefête4t'Ëtysée.– Lesdan.seusesduroiSisowath.– UneféeriefaubourgSaint-Honoré.–Detabeauté.– Qu'est-cequeiabeauté!– LePré-CateIan.–LethéâtredeVerdure.– En1857etend906.–UnerevuedesVariétés.– SaMajestélaPluie.– ManuelGarcia.– Uncente-naire.– LefrèredetaMaiibran.– MatanteFontette. ~S
'6 Juillet.
Celuiquin'apasvute faubourgSaint-HonoréaumomentdelasortieduroiSiaowath,après!agarden-partydel'Elysée,amanquéundesspectacleslespluspittoresquesetlesplusinattendusquepuissedonner $tteParismoderne,ceParisoùtoutaboutit,lessplen-deursetlescuriositésdel'Extrême-Orient,lesramne-mentàetlescomplicationsdel'extrêmemodem-style.Touteslesfenêtresdufaubourggarniesdecudeuxe~decurieuses;Toutel'avenuequiconduitauxChamps-Etyséesnoiredemonde.Jedisnoireetjemetrompe ,f~destoilettesclairesdominaientdanscedimanched'etë~
R etjuilletmettaitsonsdieitcouchantsurlesrobeschan~ S~tées parlesromances
'Unerobelégère.D'uneentiere:Mancheur)~
Auxbalconsles femmessesepenchaientpouraper- S%~$~cevoirIe"souYerain.;en'.r<Aë~.d'QF,.et~Ie8~i~s!enn~
LAV!EAPAR!S. 24t~
'Si
ouvraient de grands yeux devant les splendeursde cescostumes asiatiques qui passaient dans les landaus
,§ découverts, parmi les casques et les cuirasses de l'es-
g corte. Une haie de spectateurs sympathiquesatten-daient lesvoituresroyales et descrispartaient decette
~i foule, pourtant démocratique «Vive le roi ))– ouS plus intimes et commefamiliers «ViveSisowath ))»
Lui, souriant d'un large sourire confiant sous ses
cheveux gris et son large chapeau constellé de pier-reries, faisait de la canne ou de la main des gestes
aimables, satisfaits et paternels, et j'ai vu le momentoùil répondait par des baisers aux baisers que lui
envoyaient du haut de leurs balcons les Parisiennes
éblouies par le ruissellement de ces ëtoB~sd'or. Il est
populaire décidément, il est sympathique,le roi Siso-
wath. Il donùe à la populationparisiennela sensation
S~et le spectacled'une féerieen plein air et qui passe. La
s~~suitedu roi est vêtue decostumessomptueux, les favo-Tttes aux noirs cheveux courts ont de grands yeux
g~~profonda, à ~afois rieurs et songeurs,et leurs petites
.~gtS~ font songer à de précieux bibelots
S~~d'étagère.Ces personnages de légende ou dégrevé,~~ëïicadres dans le décor un peu gris d'un élégant
~i; faubourg de Paris, semblent des héros ou des dieuxen
Ê~ Voyage,dépaysés parmi nos moellonset exilés même
j~so~les feuillagesdesmanMnniersdesChampai-Ëlysëes.
~Ï!s doivent nous trouver fort laids dansnos costumes j
~tmMiipcres.' –
&!È~ se dire en regardant nos oom
galets gris ot nospetits chapeaux de pailleà ruban noir?
~J~ ectëndù des Parisiens contester ta. grâcede petits
242 LAVtEAPARIS.
chats caressantsde ces favorites aux petits nez ooufta.Mais elles ressentent évidemment la mêmeimpression ?étonnée devant nos pâles visages. Elles ont l'air do ?statuettes de cuivre ou de bronze clair. Nous leurfaisonsl'effet debonshommesdeplâtre..
Tout est relatif dans la beauté. Les traités d'esthé-
tique n'y font rien. La beauté, c'est ce qui plaît. L'hor.rible Vénus hottentote que le roi du Cambodgea puvoir au Jardin des Plantes est réellement une Vénus, §c'est-à-dire la plus séduisante des créatures, pour les.~Hottentots. On s'est peut-être là-bas suicidéou égorgépour ce monstre noir qui nous fait horreur.
Les Parisiensqui sourient du teint desAsiatiquesne
remarquent pas le sourire de ces fils et de cea Miesd'Asie qui semblent dire ?
– Eh i quoi, sont-ce là les élégancesdu peuple teplus élégantde l'univers?
La vérité est que nos vestonssont antipittoresques,comparés aux robes laméesd'or de ces êtres de féerie,
S
et quenous avonseu,grâceaux Cambodgiens,la rep~ t~!sentation vivante du Songedun jour d'été.
Imaginezdes princes et des princessesde conte de ?fées apparaissant et disparaissant, avec leurs vete'~Sments d'or ou d'argenté dans une desTues de PMitt.C'est la vision que purentavoir le dimanche t~ jwniet, &vers 6 heures du soir, lea habitants des environa d~palais de fElysée,.
Et à travers les têtes des spectateurs et les b~ottej~!du jardin, nous avions eu unaut~ ap~tacle, cëh~~eit~Danseusesaux habits somptueux et aux casques d'ordélicieusement ornés et ~U6s, gluant sur b~
LAV!EAPA<t!S. S~S
vert d'eau qui recouvrait l'herbe de la pelouse.Jamais
Louis XIV, recevant avec solennité des ambassades
imaginairesrappelant le déHIêdes enturbannés autour
du mamamouchi de Molière jamais Napoléon II!,
voyant les ambassadeurssiamoisramper, commedans
te tableau de Gérome, devant l'impératrice Eugénie,n'eut ce spectacle unique d'une vision même du jRe-
mayana réalisée presque sous les arbres de l'Elysée.Rien de plus délicieux et de plus imprévu.L'Orient
fabuleux ehez le président de la République. Les
invités, les petites élèvesde la Légiond'honneur, stu-
péfaites, assistant à la pantomime idéale de ce poèmeen action. Encore une fois, la réalisation d'un songe.Tout ce qui parait perdu dans un lointain inaccessible
.amenélà par la volontéd'un souverain,ocrant, impre-sario royal, à des Parisiens étonnés, le régal d'une
légende dramatique réservée seulement d'ordinaire à
des Mtesde,choixdans quelquepalais mystérieux.
J'imagine le bon Théophile Gautier ou le rutilant
Paul de Saint-Victor ayant la délicieuse surprise de
cette excursiondesdanseusesde la courde Pnom-Penh
dans le jardin de l'Elysée. Quelsfeuilletonsstupéfaitset merveilleusementpittoresques ils eussent écrits sur
<? miracle t Quelsrécits ,i!s nous eussentfaits de cet
enlèvementduprinceOunaroute porté dans lachambre
de la princesseOussa,et descombats duprince amou-reux ContreKrang-Péam,roi des géants Maisnous
ï avons, nous l'habitude des choses~probables, tout
S oouspemMéauivre avec unefacilitéprodigieuselà loi
co~ta~te du progrès.Rien ne nousétonne. Lespëfttes
Sr ~danseusesdu Toi du Cambodge,toutes drapéesd'or et
244 LAV!EAPAR!S.
constelléesde pierreries, danseront au Pré-Catelan,de
par la volonté de leur maître, et rien ne nous paraîtra
plus naturel. Plus de distances, plus de surprises.Le
roi Sisowath est un Parisien commenous, et je dînais g jl'autre soir avecun Norvégienqui medisait leplus sim- ;§
plement du monde « Je pars demain pour le pote
Nord, et je vais tenter ce qu'a essayé Andrée) Au j~:
revoir 1 Abientôt 1. »
Nous avons touché du doigt le fabuleux, les rayons
Rontgen, la télégraphie sans fil nous allons voir g~tantôt la photographie à distance. Que d'exquises
petites créatures,soupleset fixesdans leursvêtements
de soie ou sous leur casque d'or, que soupèserait,
étonné, M. Josse, lequel, comme on sait, est orfèvre,
nous apportent, sur des airs inquiétants et d'une har-
monie plaintive, des visions de légendes d'Asie, des
poèmesvivants, des apparitions de créatures irréelles,
aux masques,diamantés et aux ailes de pierreries,cela
semble tout simpleà noscuriositéssans 8n, à nos yeux S~shabitués aux visions impossibles. g~
Avez-vousvu les danseusescambodgiennes?
Non j'irai les voir au Pré-Catelan.
Il sera curieuxde comparer les mouvements de
couleuvre de Sâat, la première danseuse, au vol de
libellule de Carlotta ZambeHi) 1$~
– Oui, la poésiede deux races1
Et l'on échangecespropos sans se douter de tout ce
qu'il y a de stupéfiant, de paradoxal, 'de séduisant
et d'exquis dans ce rapprochement, dans ce simple
énoncé,dans ce programme les danses grecqueset lea ;g~danses du Cambodgeencadréespar les décors &ta fma
,v ~s~
.3i.
.i:Kh~parisiens et attiques, si je puis dire, de l'Elysée et du
théâtrodoVërdure.`x
Desdanses~grecques,onadéj&toutdit.M.EdmondPottier est là pour interroger les vaseset !esstatuettes.
Pour les danses cambodgiennes, il faut consulter
M. Pavie, qui nous a rapporté des observationsprisessur le vif, au temps du roi Norodom,sur la littérature
et l'art du Cambodge,du Laos et du Siam. Il a écouté
la musique, non écrite mais transmise traditionnelle-
ment, des gongset des lames demétal, suivi les repré-sentations théâtrales où se succèdent les voyages, les
batailles et les danses,les flûtes laotiennes de bambou
iéger et lesxylophonesaccompagnantces mimodrames.
t Mais il nous a surtout expliqué que la mimique,les
marches lentes (comme nos valses) des danseuses et
actrices ont pour originalité d'être inspirées eh1
mon Dieu, c'est bien explicable – du balancement
même de l'éléphant. Il est plus leste qu'on ne croit et
p!u~ gracieux, l'éléphant. Le balancement en arrière
du pied avant qu'il pose à terre est, dit M.Pavie, l'imi-
tation même du mouvement familier à l'animal. Ces sj
déUcieuxpetits êtresserpentins imitentle pachyderme.Puis viennentchezcesdanseusesaux gestesMératiquea a
j'assouplissementdes bras, qui semblent disloques,et
des doigts aux ongles dorés qui paraissent brisés, tes
~renversements decorps, une grâcequieût pam étrangeune Tag!ioni<~tridicule à une GruimMd,et qùrest y
S~oharmante, grimantecotnme~ne Uqueurtermentëe~d~
pays du sok~ Ah) le déliGieùxooncoursde danses a~
~~tthéâtte dë~'Yerduro.reverd~soudain,.'à, '.d]x'mihutes'.ât..e d,a Verd\1l'e~erdt's9u.dam,
à il. 'dix,' mmutes,r:~>
&aùt6mobite'~dubou!evardpansienL 1 .S
i~84f!t' 'I.A"-VfE'A"'PAR!S'
.ty..
Et ce théâ~ de la Nature, qui entendit!'an defMar ~f~!egémissementd'Œdipe aveugle,il va reprendre, pour â~un &CH-,l'aspect qu'il eut, il y a tant d'années, lorsquela fantaisied'un NestorRoqueplanenfit un Meud'éteo-~Stion au temps du « quadrilledes lanciers n,des guides §fi
chamarres et descrinolines.Je nesaiscomment Roque- ~S`
plan avait obtenu le privitège de construire là un ~Sthéâtre. Un théâtre d'été. L'endroit était déticieux. ~;jUn coin de forêt shakespearienne,à vingt minutes (ht g~café Anglais.
Le succèsd'argent importait peu à l'inventeur de la« parisine Roqueplan est cet ancien directeur de ~S
FOpéra qui, lorsqu'il prit le théâtre du Châtetët,comme on lui faisait observer qu'il allait y mettre au'moinsun million,répondait d'un air détaché ce mo~
épique, cité par moidéjà, je croisbien–Un million Oh 1 non). Non). Vousexagérez
Huit cent milleî
Le théâtre du Pfé-Catetan eut sonheure. Onyjoua~des ballets où des brigands, avant les Brigands de
Meilhacet Hatévy,enlevaient de joMesAnglaisesqu'ilsforçaient non pas à chanter, commedans ~ra DMM~ ~S~mais à danser.
On peut voir, dans je ne aais que!numérode f~B~<'er&t&M~,I'image d'une représentation à ce théâtmdu.P~.Catetan.Tout~)f'enfait.~Le.théâ~ de la Natur'B,par. uncoup'de baguette~de.et.Mme-Georges Ley*gues, va nous montrer'Fa~agra unie au \Cambod~ ,k.et les échosdu bois de Boulognepourront croire qu'i!<
répètent .encore .!es:.musiques'd'Arban. ns'seront.-M*
,jeunis,!esarbres,.et.se.ra~ T
tÀ 'V!Ë~A
PAR!S..'24?~
Ma, si les arbres ont une mémoire.Mats t'evocatMn,cette fois, est de t'Art, et les danseusesdu roi Sisowath ;à
valent mieux que les ba!!erinos(où sont-eHes?)enga- .sS,`~
géespar lessuccesseursde Nestor Roqueplan,–-carteconcessionnairedu Pré-Catelanavait testement" passéla main 9'.
Seulement,comme au temps du théâtre des Fleura
(car le théâtre du Pré-Catelans'appelait il ya quarante Jans passés le théâtre des Fieurs),il faut compter avec
la pluie. « Si te temps te permet disent teapro-
grammes descoursesde taureaux. Le temps est taquin t:et ne permet pas toujours. Les danseuses du Pfé-
Catelan dansèrent maintes fois leur ballet sous !*aM
cher à Louis-Philippe,et les Mvuesde fin d'année s'es
amusaient comme elles s'amusent de tout.
J'étma bien jeune échappé Su collège, lorsque tes
Vanétés donnaient une revue qui nt fureur, sous ce
titre singulier d'une chanson alors populaire Ohéf
2Mp'<ttt agMe<!ttz/et où de jolies ûttes, aujourd'hui
disparues ouqui auraient besoinde boire la coupede
cette ~NtaMe~eJ~Mceaeeque chante Ëmite Pérgerat,chaataient teufseouptets, montraient teucs beaux 2
~yeux et leurs épaulesblanches, Judith Ferreyra, Rosé
~Deschamps, Géraudon, Gennetier (où sont-elles?), ett
de 1857présentait tout un tableau joyeux
~qui é~ait, comme omdevait dire plus tard, umdes h;~
~ctous de ta soirée :.te ~éatre des Fleurs au Pré-
~G&tetan.
~Atto~MPt~;S~ G'Mt:M.~o~a~m~MtW''
Bab,.t6t&.itrditt,.sp9ctttBtM. ~)~g~ ~t~tmirobt~mt t 'S~
k y`
2~8' ~LAVrE~A.PA~tS~
chantaient les jolies filles sur des vers qui ne valaient'
ni ceux de M. Abel Bonnard, ni ceux de M. Mauric~
Magre,ni ceuxde M.CharlesDerennes,les concurrents
du prix de Rome,des poètes.Et l'on allait au Pré-Catelan, où l'on jouait le ballet
de Nella (la jeune fille enlevéepar les brigands d'ope-,
rette).
Alors, l'orage éclatait sur le ballet et les ballerines.
Éclairs au lycopode, tonnerre au bruit d'une plaquede tôle, commeceluide Calchas,pluie simuléepar des Ssn
rayons métalliques. Le public tenait bon, ouvrait des
parapluies. Et Nella, les compagnesde Nella et les ri~
brigands napolitains dansaient toujours. A la fin, ils
dansaient aussisous desparapluies.« Pasde deux avec
riflards »,dit l'indication mêmede la brochure que j'at~sous les yeux. Autant de nymphes, autant de para-
pluies. L'orage cependant devenait si violent que les
artistes du ballet nepouvaient plusbougeret se grott- ,S
paient sousleurs abris de taffetas. Le public lui-même,
n'y tenant plus, quittait la partie, et tout s'achevait
par un chœur généralchanté sur l'air que tous lés Pari- t~siens répétaient en ce temps-là comme la « scie ))
annuelle, universelle:
Ohé) lesp'ttts,agneaux.ËvitoMta"ptute t'ÉvitonsIjj;'pblle
..OhA'tlM.p'tttf)at;neMt.'.BreMM'nm~.paftetat. ~M&~
PreMM'not'p.at'tptt,' :St~Nos~mtnteMx, ~S~
Notre:.paraptuie, .t~~~'ÉYttoMÏa/ptuie, .'y~i~
'Let'n's'de;cëi'vMux;t" 't~~
'A~A~P~~r~i
0 poésie deThéodoreCogniardet de Clairvillet Ces
couplets amusèrent des gens qui n'étaient point des
sots, et la pluie tombant sur le théâtre des Fleurs, les
danseuses aux parapluies faisaientrire.
M.et MmeGeorgesLeyguesont voulu éviter pareilleaventure à leurs invités, et dans6ethéâtre deVerdure,
si artistiquementaménagéparleurs soins,ils attendront
que le soleil ait séché les feuilles,bu l'eau du terrain
mouillé, et les privilégiés verront ators~dans ce
cadre unique, évoluer les danses antiques, les danses
françaises et les danses d'Asie, régal des yeux, sensa-
tion d'art délicieuse, visions de poète qui eussent
charmé Shakespeare,mais qui ne pouvaient apparattrevraiment dansla Forêt mouilléede Victor Hugo.
Attendons.
Il eut l'art d'attendre, en vérité, ce ManuelGarcia
qui meurt à cent un ans passés, après une vie artis-
tique si bien remplie. A-t-il laissé des Mémoires?Que
d'hommes et de chosesil avait puvou' )1 Lefrère de la
Malibran1 Lefrère de cette admirable Mme Pauline
Viardot qui est commele témoin de tant de gloire et
qui peut encore nous émouvoiravec la plainte d'Or-
phée)Sent un ans Ce!} chênes humamssontvénérables.H
s'SëtnMequ'its portent et 'emportent avec eux des spu-
~nu~ par mit}i~ commedes nids. J'ai eu une
~teiUe tantg, qu'on appelait h tante~Fontette et qm
~ëeu~~
~]Sita~ui!,porchëeh~ uneaitadellë,ad~bordde4
~~zèr~Péng(~ oJl185S¡¡à'9éllt
~pt ans, ta tante Eoh~~ était donc'née.'vers1750.
8&6 LAVtEÀPAKtS.
Elle avait vu, du fond desa petite maison perigordine,.J~~défilertout un siècle.Elle serappelait tout. Je la revois
encore, maigre et d'aspect fantastique, entassant sur
sonassiette les peauxdes figuesdont ellese nourrissait
presque uniquement dans la saison.Frugale, buvant à S
peine un peu de piquette trempée d'eau. A cent ans
passés, elledescendait encoreà la cave. Elle gravissaitles sentiers dujardin grimpant. Quand elleparlait des
prisonniers espagnols de Mina amenés à Bergerac,elledisait:
– Ils étaient noirs commedesrats, mais ils avaient
des yeux de diamant noir 1
EUe av.~itdéjà plus de cinquante ans à l'heure de
cette guerre d'Espagne dont ellem'entretenait comme
d'un événementde la veille.
EMc disait, en parlant de Voltaire, « mons!eurArouet ». Elle assurait avoir vu passer à Limeuit
Mandrin, le terrible Mandrin, enchaîné. Mais elle
devait Confondre le contrebandier sinistre avec
qaeïque autre bandit.
Pendant les journées de juin 1848,elle haussait les
epauïes,disant:
– J'en ai vu bien d'autres ). J'ai vu le « jourde !< S
peur't~J)
Et ellecontait ~nele « jout'dela peur o, autemps de é.'!a Révolution, toutes les clochesde France sonn~ent s~!etocsin &ta fois,commesi magnétiquementta pan!que.
se Mt répandue dans le pays.Sous taoourtme dévoile Meue~uvieux lit de<~te,
tante Fontette mefaisait joindreles mains et medisait~
ne me tutoyant pas
t.AVtEAPAHtS. Kpl
Priez pour la France1
Quand on me parle de centenaires qui s'en vont à S
cent un ans, commele frère de MmeViardot et de la j
Malibran, je suis tenté de dire, commele vieux bur- ?
.grave du poète « Ce sont des jeunes gens1 » Je me
rappelle la tante Fontette, son alacrité, son esprit, sa S:
bonté, cet être actif et maigre qui avait vécu au tempss
de Louis XV, deLouis XVI, de Robespierre,de Napo'
téon, qui était une vieille femme au temps de
Louis XVIII, une très vieille femme au temps de
Cavaignac, une aïeule et quelleaïeule1- autempsde Napoléon111,et qui, après le «jour de la peur x,la
Terreuc, Waterloo,1830, 1830,où elle avait vu le
drapeau tricolore reparaître à Limeuil, après 1848,
après le coupd'Etat, répétait, desa voixun peucassée
qui rappelait le sond'une épinett~ faussée
– Priez pour la France 1
Pauvre vieilletante F ontette1 Pourquoila mort de
Manuel Garcia, à cent ans passés, ta'a-t-elle rappelévotre chère image vénérée? C'est peut-être que je ne
vom ai oubliée jamais, jamais, ô bien-aimée tante
Fontette, endormie là-bas après cent sept ans de ?;
dévouementet de bonté t
XXI
Un été dramatique. Lespaquetshomicides. Lesennemisinconnus.– Del'amitiéet delahaine.– N'ayezpasd'ennemis.
Unemaisonde repos. LajournéedePont-aux-Dames.LarevanchedeMolière.–Unemaisonderetraitepourlesjour.nalistes. Lefardetl'encre.
27Juillet.
Semaine d'orage. L'été traîne, dirait-on, la grosseartillerie des tonnerres. Là-bas, la Douma fermée
semble un temple de la Liberté soudainement désaf-
fecté -une Maison d'espoir transformée en boite de `
Pandore. Mais ce n'est pas en l'ouvrant, c'est en la
verrouillant qu'on aura déchaînébien des maux. Rêves
d'affranchissement Espérances vaines Nous avoM
connucesportesclosesoù viennentse heurter lesrepré-sentants d'une nation. Etnoussavonsce que les coupsd'État coûtent à un peuple.
Lesoleilétaitrougeà soncouchercesoir,
dit une Orientalede Victor Hugo. Allons-nousassisteraà de nouveaux massacres, et sera-t-elle plus rougeencore, l'aurore de demain? En attendant qu'on re-formeou qu'on déformel'orthographe française, l'his-toire couranteajoute de nouveauxmots à la langue, et~
'<}\~f~}t:LA VtEAPARtS. S~ '28~
~a~
il nous faut épeler des vocables inattendus–pogrom S'~
par exemple, six lettres sinistres qui sentent l'égor-gement et puent le sang. Le Dictionnaires'enrichit.
.On prétendait qu'aux jours d'été, l'Histoire même
prend ses vacances. Elle chôme comme les autres
tribunaux. ?
Les dép8chesd'été, cette fois,n'ont rien de banal, ni
de vain, ni de reposant. Cesont desdépêchesinquiètes.Les Russes songent à leur sécurité, les Français son-
gent à leurs coupons. « Mes gages1-Mesgages1 Mes
gageso » s'écrie devant don Juan foudroyé le Sgana-relie de Molière,ce Sancho d'un don Quichotte éprisnon de l'honneur, mais du plaisir. Et Sganarelle est
peut-être un égoïste,mais il n'est pas un sot. Il avait
assez souvent averti son maître « Sachez,monsieur,
que tant va la cruche à l'eau qu'enfin elle se brise. ))
Sganarelle touchera t-H ses g~geset les emprunteurs ?
payeront-ils leurs coupons? Ainsi les calamités ont 'S
,leursrépercussionsintimes, et Fêgoïsmehumain prendtout naturellement s<tpart de l'anxiété générale.
Cesièclen'a pas six ans et il a déjà passé son bacca- 4';
lauréat ès brutalité. Il a fait ses dents sur la peau hu- <Sm&ine.Et peut-être nous garde-t-u encore d'autres gmorsures. Les réparations qu'il nous donne consolent
de ses tristesses. Mais l'écroulement de'tant d'espoirs~
cause aux moins timorés une angoisse profdntte~
L'Europe a fait depuis dimanche un saut dans l'in-
,Jco~nu.'– Bah)répondront les plus COnnants,– qui sont
couvent!ès plus forts~~–toute la marcheen ayant de
FlHtmanitén'est-éHepas une successif ;x:a;
1Il 2M LA VIE A PARIS.
la brume? L'homme traverse le brouillard comme le
clown le cerceau de papier, et, la culbute faite, il se
retrouve presque toujours en selle. Pour ceux qui se $
rompent les os, l'aventure finit tout, et si le dénoue-
ment n'est point gai, ce n'en est pas moinsun dénoue-
ment. Lisons les dépêches d'Odessa et attendons la
fin du drame.
Mais ce diablede Sganarellepoussetoujours son cri
avec une obstination fort naturelle
Mes coupons1 Mescoupons1 Mesgages).
Tandis que d'autres mécontents affirmentleur mau'
vaisehumeuren fabriquant des enginsféroces.L'explo-
sion de la rue de Bondy fait mêmeprévoir le délicieux
moment où la bombe deviendra un argument intime.
La joie d'ouvrir un paquet contenant une surprise :?
se doublera du petit frisson de l'incertitude si cette
surprise était assez simple pour qu'elle sautât aux
'yeux)1
~'ai lu que le malheureux homme qui a fait l'expé-
rience decet attentat à distance et par messagerdevait
d'autant moins s'attendre à être mitraillé ftt home s;
qu'il était aimé, estimé et ne faisait de malà personne.
«On ne lui connaissait pas un ennemi »,a dit un jour-
nal qui peut être fort bien renseigné, mais qui mai-
Nec~nt ne cannait pas le cœur humain.
Commentvoulez-vousqu'un hommequi rend volon.
tiers serviceaux gens n'ait pasun ennemi?. Il aérait
le seul. \~3j
M. Hœgelin'avait pas un ennemi? H n'avait d<mc
tajttdebien a personne?En vértté,–et.jj&n'aipasici le facileplaisirdu pMa-~
LAVlEAPÀmS. 'Sa~~S
doxe, ce sont surtout les bonnes actions ou les
bonnes intentions qui nous font des ennemis. J'ai
connu des hommesméchants. Ils n'avaient pas d'en-
nemis.
Peut-être parce qu'on les redoutait? Non,pas même.
Parce qu'on leur savait gré, les sachant méchants, du
moindre sourire. «Que m'avez-vousdit que X. était
détestable? Mais il est charmant. »
Avoir des ennemisest, dit-on, une force.
-'Savez-vous ce qu'il vous faudrait? me disait
Villemessant à mes débuts. Il vous faudrait des enne-
mis 1
Il en avait beaucoup,.Il s'en souciait peu. « Ils font
cortège »
On en a toujours. Il suffit d'attendre. On peut même
dire que la vie est une longue étape où l'on perd en
chemin ses amis, mais où l'on retrouve toujours des
ennemis au coursde la route. C'est une compensation.
Et comment se fait-on un ennemi?Voilàle mystère.
Il y a quelquechosed'inexpliqué dans la germination
de cette mauvaiseherbe, la haine. VictorHugoprétend
que la plupart du temps c'est un mot, jeté en riant,
ramassé par on ne sait qui, colporté un peu partout,
qui crée brusquement l'ennemi inattendu. Le mot, à
peine prononcé, va, vient, court, monte l'escalier, se
glisse sous la porte, entre par la serrure, se faU~Ue,
susurre, frétille, bourdonne, -–insecte et reptile, à la
toi~ – et répété, réentendu, grossi, macéréeempoi-
sënné, métamorphose, empiré, devenant balle tlOrs
qu'il n'était qu'un yolat)t de raquette, noua fait un
ennemi de celuiqu'il attetmt.
256 LA VIE A PARIS.
C'est possible.Ce n'est pas certain. Les faiseursde
mots les plus redoutables, les épigrammatistesles plusacérésne sont pas toujours ceuxqui ont le plus d'enne-
mis. Chamfort, pessimiste armé en guerre, en avaitmoins que Molière, qui était le meilleur homme du
monde. De nos jours, un AurélienScholl, qui n'épar-
gna point les «mots » et en cribla ses contemporains,n'avait pas d'ennemis,et sonesprit lui faisaitmêmedes
amis de ceux qu'il égratignait en riant KVoussavez,disait un boulevardier, le dernier mot que Scholl a
ciselésur moi? »C'était un titre commeceux que l'on
porte après les avoir achetés on le'colportait aprèsl'avoir subi.
« M. Ha!ge!in'avait point d'ennemis1 Il est pro-bable queses«mots » necouraientpas la rue deBondy.Mais il suffit de moins que d'un mot pour .tvo'r Un
ennemi, et, encore un coup, le moyen le plus certain
d'en recruter, c'est de rendre service.
Le baron Taylor, qui fut un bienfaiteur acharné, un
mutualiste avant la lettre, eut plus d'ennemisque per-sonne parce qu'il rendit plus deservicesà plus de gens.Vingt ans de dévouement lui étaient moins comptesqu'un léger refus. H aurait pu dire, en mourant, nonpas comme ce général espagnol que l'on suppliait de
pardonner à ses ennemis «Mesennemis? Je n'en ai,
plus, je lesai tous fait fusiller x mais « Mesennemis?v.Je les ai tous désarméspar ma bonté! s»
Désarmerses ennemis autrement qu'en liant le fer?Tâche difficile. Encore l'ennemi déclaré, celui quicombat à visagedécouvert, celui qui hait et fait pro°
fessiondehaïr n'est-il pas le plus redoutable.Lescoupa
.?.J~ 3e~'LA~~APARFS.~
\–~
M. 'S
sont amoindrisparce qu'ils sont signés.L'ennemi dan- ?*gereux, c'est l'ennemi caché, c'est celui qui distille sacalomnie comme l'expéditeur de paquets explosiblesmesure sa poudre chloratée. C'est l'ennemi masqué, ,8!l'ennemi à distance, l'ennemi anonyme, comme sa 4~lettre, l'ennemi qui expédie sa haine et va jusqu'aumeurtre par la poste. 'SS
Et quoique tout finisse par des chansons,commeadit l'homme de France qui compta peut-être le plusd'ennemis et qui s'en moqua le mieux, j'espère pour-tant que la tragique aventure de M. Hœgetin'inspi-rera pas nos chansonniers, comme le fameux MMM! '$j~explosibleexpédiéjadis à M.Constans.Il y aurait pour ;g§M.Fursy un sujet de chanson plus ironiqueencore
L'hommeà qui l'on ne connaîtpas d'ennemis.Et qui reçoit un revolverchargé par les messageries.La consultation donnéepar un chimisteà un de nos
confrères sur la meilleurefaçon d'ouvrir les colispos- SStaux afin d'éviter les explosionsne manque pas non ``
plus d'unedouceironie
– Immergez le colis suspect, ou apportez-nous-le.Nous nous chargeronsde ce soin. Mais,croyez-moi,le' S~ptussûr est encored'éviter les motifs de vengeance1
Au total n'avoir pas d'ennemis.Commec'est facile1Je sais quelqu'unqui, ayant des ennemissans doute,
et encore n'en croiré-jerien!–peut compter sur ses ~3~~amis commeceux-cipeuvent compter sur lui. C'estce
grand comédien qui vient de débuter sur un théâtre S~~par lui bâti pour les vieux comédiens – un théâtre °
antique tout neuf (encoreun théâtre antique)) C'estce i 9~Mmueur d'hommes,d'idéea et de foutesqui s'appelle
~M'SSS LAVHÈ&PAKtS.
Constant Coquetinet qui n'est pas seulement !'Mtiste%S~populaire, acclamé, légendaire,mais qui est encoreunf~ibienfaiteur de ses camarades, comme ce bon baron' ~JTaylor, dont je parlais tout à l'heure, aveccette diftë-~S~
,rence que le vieux baron était une sorte de phHan-S~w
thrope attendri et que Coquelin,toujours jeune, est ~$~une forcede la nature. ~S~
Il a eu sa journéehier, à Pont~aux-Dames,et il a eu ~Sle mot de la journée.Un mot qui ne lui fera pas d'enne- $~,r~mis. En saluant le président de la République venu~familièrement avec une bonne grâce charmante pour~'î~inaugurer le théâtreen pleinair de !a Maisondesconté-diens (une légère et élégante construction circulaire ~S~de M. René Binet, décor tout blanc dans un décor de~~verdure, portique athénien prèsd'un pont doboisjapo-nais) – en remerciant les présidents du Sénat et de S~!la Chambre et les ministres entourant le chef de !'Ëtat, 9§ë
€oque!in, rappelant les préjugésiniques dont lescû!~€; $~!dieas étaient accablés, s'est écrié fort joliment sS~
–-C'est la revanche de MoHère!1 '~BEt en effet, le chef de'la Républiques'asseyant à
table des comédiens retraités comme dit-on ~$Na;Molières'assit celle de Louis XIV pour goûter à t'ën-cas de nuit (M. Ingres a fait de l'anecdote lointaine;un tableau qui figure à la Gomëdie-Françàise, et~~M. H. Varenneen a fait pour l'inauguration d'hier a~prologue, un pet!t poème qui vaut an bon soRaet}~~c~e8tta constatation intime et-*officielleà ta foia de~~'importance du rang que le comédie&h pris dana~monde. En une République qui doit
aonger&AtM~8,-tous les serviteursde~rAftdoivent~tM'&.teurrang.;L~
''LA VIE A PARIS.'2~
artistes, quelsqu'ils soient, n'en font-ilspoint tagMre ?Aussi fallait-il voir la joie de Frédéric Febvre lors-
que le président de la Républiquelui attacha à !a bou-
tonnière la rosette de la Légion d'honneur t
– Aux pieds de la statue de Molièredisait, rayon- <$'v?
nant, l'excellent interprète de Dumasfilsen montrant
là statue queMélinguea signéeet que le fils de Mé-
lingue a donnéeà Pont-aux-Dames.
Coquelinétait joyeux de cette joie, et il pouvait se
dire (maisil ne le disait pas) que c'est bien lui qui a le
plus vigoureusement fait campagnepour qu'on déco-
rât les comédienscommecomédiens.Jadis, c'était du ~j
temps de Got et de Delaunay. Pour eux, Coquelin,
avec sa verve et sa verdeur ordinaires, demandait,
réc!amait la croix, cette croix que Jules Ferry allait
porter à Delaunayau foyer de la Comédie. `
On disait alors à Coquelin(on l'écrivait)
– Bah c'est pourvous, comédien,quevous demàn- %<
dez!a croix pour les autres)1
H répondait:Vous vous trompez. Je ~demande lacondition g
qu'on la donneaux autres, et non pas à moi1
Il ajoutait même, non sans Serté (j'ai cité la ré-
'plique)– Je n'en ai pas besoin 1 Madécoration, c'est mon
~niez)1 -~sSa
H n'en est pas moinsvrai qu'il mena bravement !a
campagne, commeil te ferait aujourd'hui pour Sarah-
Bernhafdt.Et Ha pu parler du préjugé vaincu -–enj~ fr
partie vaincu par lui – en portant un toast au prési–
Sent de la Répubiiquè, en écoutant debout les p*ro!ea,~
i~
26Û ''LA~'VtH'A~PA'tHS~' 'r'
hautement élogieuseset émues de M. Fallières, ce!a'devant le grand portrait de Talma que M. Victorien;Sardou a donné à la Maison des comédiens –uh'Talma grandeur nature, en robe de chambre, Tatma ??étudiant l'Agamemnonde Lemerciér sous le buste deLekain, Talma familier, avec un volume de Racine SS
auprès de lui, ~~roma~tte, Britannicus, Talma dansson salon, à Brunoy, avec un coin du jardin qu'il '3~aimait tant, aperçu par la porte entr'ouverte (et ce ~$tableau, signé de 'Vigneron,a figuré dans la maison M~même de Brunoy) – ce Talma que Napoléon le
aimait, consultait, respectait – et qu'il n'osa pas.décorer,~ui qui décoraun espion,d'ailleurs épique.
C'était un spectaclequi avait son prix Talma assis-K~tant, en efHgie,–non loindubuste étonnant de DumasS~filspar Carpeaux, à cette «revanchede Molièref. ~Sj
CeMolièret Coquelinl'a serviavecéclat. Il l'a vengéavec esprit. MaisMolièrea-t-il besoin d'être vengé? i~B
En vérité, oui. Quelquegrand qu'on soit, on a tou- 8~jours affaireà des ignorants ou à des aveugles.MoUére~i~Sbienfaiteur d'âmes,a sesennemiscommetout le tnondë.~~§C'est chezMolièremême, – chez nous, un soir quëSt~je donnais teMisanthropeet le Af~eew malgrélui que~~deux spectateurs qui avaient écouté les plaintes d'At-~Ë~ceste sans broncher quittaient leur place après te coup~d'éventail final de Célimène et, sans échanger un~~impression, muets, allaient dans le couloir consutte~~Sl'affiche. Ils lisaient lés titres des pièces,Te JtfMa~S~~thrope, celle qu'Usvenaient de voir, Jtf~ectM, ceM~qu'ils allaient entendre. ,â,
Alors, après avoir !u, l'un d'eux, d'un ton
S~ LA VrE''A''f'AR~ 'ZëÏ~
~âconstemé, résigné,dit à l'autre cessimplesparolesavec
un soupir
S?~– Et c'est du même).
Le soir des débuts de Mite Géniat, un 15 janvier, S~Séjour anniversaire de Molière,j'ai reçu cette carte pos-
~ale, que je garde
Les Femmessavanteset le Malade imaginaire le
mêmesoir? Ah ç&,monsieur, est-ce que vous vous
~'mpquez du monde? ~iS~~x
Et j'adoucis.
Donc il a eu sa revanche, ce Molière je veux dire
~~une revanche OMicieUe.Et Coquelin a eu ouicielle-
!~mentaussisarecompense,qu'i!nedemandaitnin'atten- s~
~Mt.~S Comme ses invités longeaient les champs et le pou- ?~
~glatiter pour se rendre à la maison même où les vieux
comédiens sont logés, !e présidentdela Républiquedit
'Mement en montrant le Me, le pigeonnier,l'horizon
~–Si vous n'avez point la croix, vous mériteriez le
i~]~énte'a~rico!et 1',
~~S~e ministre de t'Intërieur avait entendu.;Et M.Cte- i~
~~ïn'ënceau, avecun.à-prpposspiritueI,/annoBçaà'Cpque- '$~
~]Sn,qu'iHui'.décernait,'au nom.deI'Assistancë;puMique,
!&e:,de ces très.rares~médaihes~itn'est' que quatre ou
~~mq:titulaires,je crois) ~que~'on-.acoorde;aux:'grands' â
~Me&faiteurs. Et'il fut trës.ému,- Coq'uelin.-Toujours,
~~mme eût dit .M.Eebvre, au piecLdo.la .statue, de
1. '<.Ë~S~ot'ez ~q~'tL.n'yavait rien de.th6~t]faL.en~ceta.
~ait, ..par~un' beau. sotet! .d~j~I~~a~cha~?. 3rk~ai un a çna 2
~e,~uhe fêta.t cordiatept heureusecpmn~e;~vt,gnet-(~.~t.a. e us M~eg via! .< r
~S~~ ~AVfËAPARtS..
tistes du xvïti~ siee!e en ornaient les livres de choit$~De bonnes vieilles encore charmantes regardaient,de leurs yeux attendris, comme de braves geM do~Greuze, ces puissances qui leur rendaient visite, etW$:je pensais la chanson que détaiUesi bien MmeAnna.Thibaud:. '~J~
\~M.<row
Mais,hé!as<1unsoirlapiècequ'onjoueFinitpar montrert'eaveNdudécor.Lefardd'autrefoistombede)a joue, ?'~4L'artistes'enva,pleind'espoirencor. ??
Je ne me rappelle les vers qu'à demi. Il n'y avait
point de fard sur les joues, hier, dans la Maisond6 §~Pont-aux-Dames. jadis abbaye, – une abbaye où 9~4~réfugia un moment, s'il vous plaît, la Du Barry. N«n,S~non, il n'yavait pas de fard. Les larmes– et debonnetS~larmes –l'eussent effacé.
Et je suis revenu à Paris, emportant le souvenirde~~paroles charmantes, te rire étonnant de Po!in,ies duo*de MmeSimon-Girardet de M.Hugaënet,l'ë~ao dechanson de Chérubinmoduléepar MmeCarré. Voas~~auriez ét6 ravi, moncher Pianté, et votre nom ne fut!$~pas oub!M par ~os hôtes, s'il manquait sur le pr<jMgramme oùfigurait Mozart, 'P"
En wagon, la fête continue.'M. Galipaux mépt~sable, conte.'avec sa verve qui semble'faite N'ëap~t~boutevardier et d'humour anglais, des souvenirs
théâtM.etqu'itn'a pas o~ë dire toutàl'h~ure têt
!ogue où i! ratHenon pas l'air ni l'esprit, mais !a~.p&ro!es:de:t&M<JtM<!t!~Me. .S
s
.Savez'.voUsb!en, '.M dit' quetqu'Un,quecerten!t''o'éte~fo~'con~~
.iI, "«"'¡",·
~r?
~.y~p~~g~ )~
~poins en écrire d'autres sur !a même musique entrât-
~Mmtë?
en écrire même
~–Envérité! Et qui cela? ./$
~– Victor Hugo.
Et si !e scrupule de Galipaux, n'osant pas toucher
~~publiquement aux vers de Ia.MorMtH<tMe, inspirait a
un; autre poète ce que Victor Hugo a rêvé~ il serait
s~curieux que ce fût dû à cette journée de Pont-aux-
~X~ames.
~'7 ;TMais les paroles, que Hugo n'aimait pas, font corps-~
? ;~aa~c !a musique même de l'hymne national, j
~~S (~aHpaux est rentré à Brunoy où HviHégiature~ H
~M~e l'ombre de Talma te protège )1<
s s moi, je songe que si les gens de lettres avaient,
~~S~t un Coquelin, depuis longtemps ils auraient leur
de retraite. Batzac y avait songé, bâtisseur de j
~~j~ MMSun des nptres, journaliste et homipe
~Mi, me disait hier dans la claire saHe àjnanger du
g~~gMt da Pônt-aux-Dames, devant les peintures de
!s~M~My~Mh~~M~~
~ë* Hfaut que nous
ayonsnotre maison pour les
~Qurnalistes) Nous l'aurons. Je m'y engage 1
je vous !e nommats, vous yemez que ta maison
~&'tie.Et tes'.p.umcistes'vieiUia, dD.nt..reacre.ast.
~&~ëo,;n'envieront p)ua !e& vieux t~omédienst dont.
~a~~mM~
XXII
Un momentpsychologiques–La vieilleEuropeest fatiguéet'~X~disaitGavarni. Lereposdominical.Lacourseaubonheur.
Dimanchesfrançaisets«n<!<t~anglais. Letravail. Etles théâtres!– L'encyclique. L'abbéDeiarue.–Lesducsd'Orléans. La légende. Commentellese forme.– Lestémoignages.Cequepeutunkodak. Sheridanengoguette. S!-Une photographiedujeuneLobaudy.– Leprofesseurhindou.J~~l
Feringhea. Lessorcierset lessavants. UnsouvenirdeM.Jaurès. –Pourquoii'abbéDelaruedevaitfinirassassiné. S,
'i19Août.. '~3
Jamais, je crois bien, occasionne fut plus propioe~~Sde vivre, commedit L'Angély,par curiosité.Le monde
me paraît devoir assister avant peu à des spectaciët
inattendus, dramatiques peut-être, et rienne ressemble3~!moins à l'Europe d'il y a cent ans, alors que r<Ht~posait ici la première pierre de cet Arc de Triompheg~~qu'un officierde hulans devait moucheter, un jour~~d'une ballede sonrevolver d'ordonnance, rien n'est$~~moinscomparable à la vieille sociétédont nous avp!MS$~~connu les derniers survivants que cette société nou~§$~veHe qui se forme, qui se cherche, qui s'agite, quiS;vagit et rugit à la fois et qui, encore
amorpha~aujourd'hui, sera la société'dedemain.
Sur quelles comédies futures la toile va-t-eUe M'$~Slever?
ur futures
~S~~O"
r
v
LA VIE A PARIS. 265
23 1
j I! semb!ë qu'on en ëtaMisse les scénarios. Les sou-
verains se préoccupent, en leurs entrevues, des ques-
tiens internationales. L'oncle et le neveu, Edouard VU
et Guillaume 11, se rencontrent dans !e château même
s où mourut la mère de l'empereur, ta sfour du roi. Le
$~ tsarsait-iIque!eschahdePersesongeàs'européaniserK et à donner une façon de Parlement à son peuple, à
$s l'heure où le gouvernement russe se débat, comme
entre deux selles, entre deux Doumas? Face paie au
fond de son palais inabordable, le sultan interroge ses
~<g~ médecins et !e Nestor des chefs d'Etat, ~rançois-
& Joseph, se demande par queUes épreuves i! pourraitbien passer encore. Et tandis que les diplomates s'in-
quiètent du lendemain, et travaillent tantôt à l'éclair-
tantôt à l'assombrir, l'encyclique venue de Rome
??? bouleverser la vie d'un peuple, et la loi du dimanche,
S~~ ie « Lord's day x démocratique, en modifiera les
S~{~tno9urs.
~Ë& Repos dominical Interruption hebdomadaire des
eHorts quotidiens, constatation omcieHe do !a ]assi-
tude générale, H y a de tout un peu dans cette loi
offerte ou imposée, comme on voudra, à un peuple
fatigue. En un de ses pénétrants et remarquables DM-
~iSë~ ~ogMM que donne au JMerc~e deJ~aMee ce penseur ori-
gihaJ, libéré de toute entrave, qu'est M. Remyde Gour-
mont, je vois exprimerce sentiment que la tendance au
repos est très sensible parmi nos contemporains parce
au xtx~ siècle on a trop travainé vraiment, et.résul-
~â~~ tatdêsotant,onatravait!épourrien. ?
~~X~~ournen?
~<t~– Croyez-vous,dit un <Hès. interlocuteurs,de.
266 LA VIE A PARIS.
M. de Gourmont,((uele bonheur moyensoit plus élevé
-style destatistique – aujourd'hui qu'en 1780?Hestavéré que les hommesse plaignent aujourd'hui toutautant qu'à la veille de la Révolution. Mais ont-ils
raison de seplaindre?« Il est certain qu'en travaillant douze ou qua-
torze heures par jour, les hommes du xix" siècle
croyaient conquérirle bonheur pour eux-mêmes,oudu
moins pour leurs fils,pour leurs petits-enfants. Or, il
n'est rien arrivé du tout.
« Ils ont augmenté la fortune publique.« Oui, je connaisce paradoxe tout ce quiprofite
à la ruche profite à l'abeille. Seulementles hommesnesont pas des abeilles ils ont une vie individuelleet,même dans les plus basses régions, consciente. Et la
prospérité d'un pays fait-elle la prospérité des indi.vidus ? »
Ainsi parlent, dans leurs proposfaits de paradoxeset de vérités, M. Desmoulinset M. Delarue, les deux
bons bourgeoisparisiensque M.deGourmont met tousles quinze jours en scène. Je ne sais si les hommesduxxe siècletoucheront'enfinà cebonheur rêvé que leurs
pères et grands-pères croyaient certainement bienatteindre en leur temps. Mai~je constate que les géné-rations nouvellessont lasseset veulent arriver au plus
gros résultat par le moindre enort. Elles n'entendent
pas être dupes.Elles calculentavantte départ la somme
d'énergie à dépenser, et volontiers feraient-elles leurchemin commeles touristes voyagent en,automobileles bras croisés,pendant que le chauffeurbrûle, avale,dévore la route.
LAV!BApAms.z,~
Les «bras croisés » C'est l'idéat ~e l'homme mo-
derne, qui se contenterait fort bien de parler politiqueet dedégusterune «oxygénée tandis que la machine,
f l'esclave d'acier électriquement animé, ferait sonœuvre. Et peut-être la machine rendra-t-eUedéfiniti-vement ceserviceà l'humanité briséede fatigue.
Il est certain que l'homme, harassé de labeur, abesoin de repos,bien que le travail soit le grand conso-
lateur, l'instrument d'oubli, la raison de vivre pourne pas dire le nourricier,à ce point que pour le .travail-leur de la terre, par exemple,pour le paysan,.la plusgrande douleurest de renoncer à la tâche accoutumée.
Ah la plainte déchirante du remueur de sillonqui,M, vous dit, montrant sa bêcheinutile
§; – Quel malheur, monsieur! Je ne peux plus tra-s vailler 1
Q'"ne travaillepas ne mangepas »,dit un axiome
Sf~, de la maisonde Penthièvre que répètent volontiers les
? ~ons ahatteurs de bois vert. Mais le premier des ou-
vriers, celui qui créa le monde,se reposa, dit-on, le
septième jour, et ses fils inventèrent le sabbat, qui futune loi, une trêve non pas dominicalemais régulière.
!? Le repos hebdomadaireest donc nécessaire,utile etsain. Il apporte, après la tensionabusive,!adétente des
S~membres et du cerveau. On se reposeradonc oNigatoi-~rement, le dimancheune foisvenu, commeon se repo- ?
sait par raison ou par plaisir. Maisles gais dimanches ~M
parisiens vont-ils devenirles ~M~a~mélancolique~deLondres? Attons-nousvoir un Paris hermétiquement =:
ctos, et tandis que les dimanchesanglais perdent de N~
P~leur rigorismeet se parisianisent,tes dimanchesîran-
a.
Il~
268 LA VIE A PARIS.
çais deviendront-ils les dimanches anglais, et les lois
imposeront-elleschez nous ce que les mœurs commen- ?~cent chez nos voisins à ne plus interdire? Elles sont
décidément bien curieuses à observer, ces modiiica- 1~tiens, ces transformations, ces variations de notre
humeur nationale,et si tout cela est le progrès,vive le i~i
progrés) puisque aussi bien il faut le suivre.
Mais toutes les lois du monde ne feront pas qu.'un
Curie, par exempte,ne trouve la vie trop courte, et quele savant qui neconnaît ni lesfêtesni les dimanches
ne demeurepenché sur ses cornues,en son labora-
toire, et même n'allume sa lampe après sa journée
finie, disant commel'autre
Cequej'ôtomes nuits,je l'ajouteà mesjourst
Seulement le savant, c'est l'exception, c'est l'éHte. ~$~Le peintre, l'écrivain, le médecin, tous ceux qui ont
embrassé une professionlibéralefinirontpar travailler L?
plus que lestravailleurs et seront à leur tour commeles
ilotes d'une société plus heureuse en son ensemble,moins laborieuse, avide de ce paradis tangible, du
paradis terrestre qui s'appelle le « repos ».
J'y songe. Et les théâtres? Seront-ils obligés au
repos dominical?Que deviendraient les Parisiens sans
leurs matinées hebdomadaireset sans leurs soiréesau
café-concert? J'imagine qu'on n'obligerani Molièrele
matin, ni Polin le soir, à goûter ce repos oMigatoire. M' ·;
Pourtant, le comédiena bien droit à des haltes, et le
machiniste, en son dur métier, songe parfois à aller,lui aussi, au théâtre en famille ou~àse reposer sous,
quelque tonnelleà sontour.
1'l''LA VIE A PARTS. .269~
r
Je voudrais bien que parmi toutes les exceptions,
qu'accordera la loi, car les règlesne sont faites que
pour les exceptionset les lois quepour les exemptions,– on exceptât surtout ceux que l'on n'excepteracer-tainement pas les marchands devin, qui ne chôment
pas, ne ferment point, débitent toujours, versent la
liqueur d'oubli, celle qui donne le plus sûrement le
repos, le reposfinal,celui que Luther enviait et quel'alcool assurenon seulement aux individus, mais à la
race.
A-t-on songéau repos dominicalpour l'absinthe?
Maisplus que de ces dimanchesà venir, plus que de
l'encyclique du pape, plus que de l'entrevue du roi
d'Angleterre et de l'empereur, je crois bien qu'on a
parlé de la disparition de cet abbé dont tour à tour les`
gamins retrouvent le chapeau troué et les médiums
hindous la bicyclette jetée en quelque fourré.
– Où est l'abbé Delarue?
Partout.
Qui t'a aperçu?Tout le monde.
Tout lemondeet personne.Nestor Roqueplan,dans
une seule journée, s'amusait jadis à compter combien
de petites damesdu quartier Bréda, surprises par leur
maître et seigneur,se tiraient d'affaire en disant
–Pardon l,Cevisiteur était le duc d'Orléans 1
-Le filsde Louis-Philippe,.Ieprinceroyal, joli garçon
&qui MlleDuverger,le suivant unjour de revue, jetait ~°9iêtesfleurs du fond desa calèche, criblant de roses le
s, chevalet le cavalier.
e Roqueplanavait calculé que certainJMimancheon ?
270 LA VIE A PARIS.
avait compté jusqu'à quarante-cinq ducs d'Orléansainsi répandus dans les boudoirs de la capitale. H yaurait à faire demêmele total de tous les diversabbésDelaruerencontrés çà et !à, depuis que la recherchedu
prêtre disparuest devenueun sport d'été. Cherchezle :v;Bulgare, cherchezle curé. Et l'on cherche. H est pro-bable qu'on aura trouvé lorsque paraîtront ces lignes,~t ja nepenseà l'abbé Deim'uequepour soulignertoutce qu'il y a d'imagination, de crédulité et de suggesti-bilité dans les méninges humaines. Le romanesque test épidémique commela rougeote.Il sumt à la foulede savoir qu'un prêtre a disparu et qu'il est « entombe e ou « en bombe » quelque part, pour que ~3les commèresle voient à chaque coin de rue et queles malins le dépistent et le rencontrent à tous lescarrefours.
Blond ou brun, gros ou gras, petit ou grand, aucun
prêtre n'a pu se montrer traînant une bicyclette oudisant son bréviaire sans que quelque passant ne sesoit écrié C'est lui 1 » et n'ait aussitôt télégraphié i~« Je l'ai vu 1 »à son journal. On l'a rencontré, on l'a
croisé, on l'a dévisagé, on l'a reconnu. On l'a vu à ~S
Royan, on l'a vu à Biarritz, on l'a découvert à Ëvreux.Ilest signaléà Pau, il est pa~à pas suivià Londres.Telle légendaireIsaac Laquedem,patron des cheminearx, ~Si
qui apparaissait en un même jour à tant de gens àt~ §~
fois, sur toutes les routes du monde. ~$~Et c'est ainsi qu'il se forme dans les cenreauxan~
cristallisation, née d'une hallucination préalable, et :s~qui devient bel et bien une certitude. Appelezen jus-tice ces témoinsd'une rencontre impossible.Ils aHir-
t.AV!]EAPA!HS. 871
meront sous la foi du serment qu'ils ont vu, de leurs ,&~
yeux vu, ce qu'ils ne pouvaient pas voir. M~Voilà bien même l'ironique moralité de la publica-
tion de ces clichésphotographiquesdestinésà favoriserta recherchedes disparus.La plupart des gens n'ayant ~8~
qu'un sens médiocre de la ressemblancedécouvrent K~très facilementun «air de famille»entre le promeneur !;?
qu'ils rencontrent sur le chemin et le portrait qu'ils ï;3viennent d'examiner. Et pour peu que ce passant ait $!
t'air d'un prêtre, en pareil cas, le doute n'est plus pos- Ssible.C'est l'abbé Delaruet Le voilà 1 C'estlui 1
Pauvre abbé Delarue1Il eut le tort de laisser pren-dre une photographie de sa personne, alors que, sous ~Sla treille, il dégustait un verre de «vieille ') encompa-gnie du receveur des postes. La photographie a cela
de redoutable qu'elledonne au « geste leplus simplel'autorité du tableau d'histoire et qu'elle lègue à la ?~
~postériMles actions les moins héroïques.
Supposez l'homme le plus sobre surpris en état
d'ivresse maladive, par un photographe indiscret.
Toute sa vie durant, –et mêmeaprès ce-petit voyage
~à travers le monde, – il restera pour tes supersti-tieux du document t'ilote en état d'ébriété qu'on Smontre aux enfants pour leur inspirer la sage horreur !jS§
de l'alcoolisme.L'avenir le verra éterneUementdfms
J',al,CO,O"lisme."L'Ilve, nit le verra éternelle, m', en, t, dlilis
~cet équilibre instable.
Sheridan, ramassé en état d'ivressedans une rue de
~Londres, répondait aupolicemanqui!uideniandaitson <
;'aom: 'L~~'–'Monnom:?Amoi?.Jem'appeneW'!berforçejt
~Et ce nom du'vertueux Wi!berf0ro6,t'&uteur'd9.Së~S
272 LA'VtËAPAKIS.
TAeSchoolof~MK~s~le balbutiait ironiquemententre .~Sdeux hoquets. ~S~
Supposez la photographie inventée au temps de B~Sheridan, Sheridanvautré dans la boue, « pris » à !p.fois par le kodak et par le whisky, et le portrait-cartedu poivrot sublimeportant cenomimprimé «Wilber-force » passait à la postérité. L'avenir discuterait endes thèses érudites la moralité du philanthrope. 39
Méfiez-vousde la photographie, ô mes contempo- ~1rains Mme Humbert collectionnait aux Vives-Eauxles images de ses invités pour les compromettre unjour ou l'autre.
Je sais un indiscret qui, présentement, passe sesmatinées sur la plage, pour saisir au passage les Pari-siennes en rupture de bain.
Voicilesappareilsquipassent, S'SCachezbienvosrougespeignoirst -~S
I! y eut, pour divertir la malice boulevardière, cer-tain cliché du jeune Lebaudy, le «petit sucrier,n, que 4~quelque camarade avait pris, commeen se jouant, à .Ml'hôpital militaire, l'hôpital de Vernon, je crois. LeS~soldat Lebaudy, malade, avait gaiement, pour se dis-traire, offert à la sœur de charité qui le soignait de%~boire « à sa santé unverre de champagne. La soBur:<~avait accepté et choquéen riant son verre contre ce!u~$~du petit troupier. N~
A ce moment précis, vite, le déclic« Ne bougeons~~plus t )) Etl'on avait obtenu ce clichépittoresque lë~~.« petitsucrier », la coupe à la.main, sablant tecbam-~pagne avec une sœur de charité)1
LAVtEAPARtS. '273~
"~M- -:r`
S<K< Mdevait !e revoir bien souvent dans ses rêves, le %S
~~alheureux Lebaudy, ce cliché inattendu – comma
~~Buridan revoyait la belle tête du vieillard. On le lui ?
~i apportait de temps à autre.
SS~K– Ne croyez-vouspas que cette petite scène intime
serait intéressante à publier daM notre journal? ?
~~< On nous demande d'exposer ce clichédans notre
SSS.)saHedes dépêches.Ce serait en effet piquant. Nous y
~autorisez-vous?Le «petit sucrier »n'autorisait pas, suppliait qu'on
~~e publiât rien. :)Js suis malade, très malade. Et on croira que je
p~~mon temps à faire la fête à l'ambulance 1
Mais « la curiositéde la scène, le piquant de l'inédit,
~~t'intérêt du public, le devoir professionnel compre-
~~nez bien x. Le « petit sucrier x comprenait,en effet,
~~ussait un soupir, disait: « Combien?» Je suppose
~i'il voulait savoir combienil y avait en circulationde s
~tchés cette sorte. 'S
la photographieneparaissait pas. Et le miHion-
~jire tué par ses minions à pu mourir sans avoir vu S;
~tts quelque gazette son profilde maladesouriant à la
~cMren cornette blancheet sa maigremaintenant haut r.e
~ferme une coupede rcederer ou de saint-marceaux.
Quantau « professeurhindou '))qui a tout à coup ~'$$!f.`
~)H'gi' pouraider la policeeh ses rechercheset fairedu
en action, ceJui-Iàa fait uncoup de p&rtie, ~3
~~Ë%dup:de;géMe.-jrs'e8thau~~ 4s
~i.ttMt~'éts'est fait de~a renommée de rabbé'dMparu'f.f'
~~t~~destal.immédiat~ -S~~e&t"venu, il a exploré, il a deviné. '«Fënnghea.Sa~
_.rc
LA VIE A PARIS.'274
parlé 1 »disaient jadis d'immenses amches répandues~
par le Petit Journal pour annoncerun romanpopulaire. SLe professeurhindou a parlé, commeFeringhea.
CommeFeringhea, et un peu commePécuchet.
Cet Hindou qui découvre les crimes commepar aa~S
baguette de coudrier l'abbé Paramelle découvrait te~~
sources, ce professeurDevah, venu du pays des fakimâ~:`
pour stupéfier la région d'Étampes, me parait en seeSa
inductions et déductionsdépasserles limitesdu raiaoa- ?'
nement le plus simple.Maison n'est pas Hindou pourrien. ';Yjg
L'abbé Delarue aimait les voyages. L'abbé était! =~un imaginatif. Doncil a été assassiné1
Feringhea a même, en ses visions, aperçu les assaf~~sins. Ils étaient deux un jeune hommeet une fentntë.§Ils l'ont tué près d'un chemin creux. Maisne m'en~ à
demandezpas davantage.Et l'Hindou, venu là simplement pour l'amour deS~
l'art, annonceque, s'il ne trouve rien, samedi il quit-~tera la ville,.On l'aura vu apparaître, disparaître,cher-~
cher, indiquer, prophétiser, et si les recherchesrestent~infructueuses, les populations, hypnotisées par t'HtR~~dou, répéteront de la meilleurefoi dumonde
– Comment voulez-vous que les gendarmes eUM~
magistrats trouvent quelque chose,puisque rHindOM&Jn'a rien trouvé 1
Cet Hindou, parmi les raisons probables de rMtXis-~sinat du curé, indique ceHe-ei « Hsouffrait de ooM~~
pation une fois par semaine. ? Ne riez pas. C'e~M·
paraît-il, une des causes de la un tragique de Nàp~~téonler.
LA v'~ A j~A~ts. '~S78!
~Et les bonnes gens de Châtenay et les commé!'e&
~Êtampes croient en attendant la science impec-
!$~b!e du professeurhindou qui aspire et respire du
j~~Me pour retrouver la piste cherchée.Tels les Indiens
~~deS,romansde Cooper.Elle est loin d'être épuisée, la
~S~dMiité du monde.Elle a desprofondeursinattendues.
professeur Devah ):,ce titre, pour les bons pay-`
ne signifierait pas grand'chose. Mais cet autre
jJ~~tire « sorcier )), I&«sorcier hindou ') enimposeaussi-
à la foule. Entre le sorcier Devah et un homme
~~MtustrecommeM. Berthelot, la galeriehésiterait-eHe?
croit encore aux sorciers dans ce beau pays de
~rance, et M. Jaurès contait naguère un des souvenirs
dernière campagne électorale.Il gravissait, avec
paysan qui lui servait de guide, des montagnes
~utee pour aller jusqu'à des villagesperdus là-haut,
~~S~rnbtables à desaires dans les rochers.
~Ee paysan était républicain. Républicainsocialiste.
~~t~iyotaitet faisait voter pour Jean Jaurès. En cheinin,
~ttjau' futur député
pour
Jean,J,aUrès,
E'n',chetnin,
Alorsonva séparer.l'Eguse d'avec rËtat?
~–"L'a loi est votée.
Je sais. Maisque va deve!iir1ecuré? On ne peut
~je .supprimer?~Noc.ditM. Jaurès tout en marchant..
~tors guide,satisfait
~Tant mieux) 1 Nonpas que j'aime les curés, vous
~jnniprënez.Mais si on n'en avait plus, quidoncpréser-
~rMHës .troupeaux,de"t~ grëte.?.
~ObiUaez donc te parquet d'Et~mpes et ta maré-i1j~ez.donè. l~p,al'q~etd'~t~IllPése~il!l:nuifé-
B~Masee de la contrée. Vouan'empêcherezpas que la
~~=~y
i,l~
o
'L~~E~~mir~p
· eis~
..{Certitude et !a Confiance n'aiUtintà cemirao~)
Hindou qui vient déclarer au peuple: ~~NB
–L'abbé étaitconstipé/Donc on l'a
assassiné
L'empereur d'Autriche disait bien de songeRd~j~
Napoléon, à L'heure des défaites
– Get homme-là avait une trop vilaineécriture.
devait mal Hnir 1~S~j
Et peut-être– l'absurde étant parfois !a ri <
l'empereur d'Autriche et te professeur Devah onMM~~j
raison tous les deux.~?~
;t~ .s~~
"¡.iI1
~`
~e
y~
,· ~I~;=t i;
XXIII
Encore t'abbéDeiarueet lacourseau mystère.–Lescharlatans SS:`t'S
èles devins.– Lafoiauxsorciers.–Undevinparisien. ?!L'envoûtementen1906. Lesliseursdepensée. Voltaire, 'ilessorcierset lessonges. Unchantinéditdela ~enrM~f– LacatastropheduChili. Sentimentségoïstes. Pariset
Et` tremblementsdeterre. Un témoinde San-Franoisco.–j Savantsetsorciers. UneopiniondeDumasfils. Veremos. ?
M Août.
– Où ai!ot)s-nous?demandait-onun jour à Mmede~Staë!. -?
~:x:
Elle sourit:
~–A la bêtise 1
~S~à~etiseetàraMënationmenta!e.malheureuxcuré Delaruecontinuait à demeurer
M~ss'cas de foliene manqueraientpMde se
~~odmre,nou8~àssi8terions~hp!einxx9.8iêcte'àdes~
~g~~ comparablesaux-tbrsions, hystériquesdes.con-~naires du cimetière~de Saint-Médard.Le.diMrf'
pauyre..insensémQrt<aprês-avoirhabité,uneIcigé p!ahches~dans~net cour~nude~ du~quariiMB~
~~int-Maroeau,aurait un pendante.avec cette 'diné~
!es,phéhomènë9'et~n~M. ~produ~~ ,F~`~M~tombe,~ et
que.~s.!ëa~ymsj~'mo~ac~~poi!usqu'ici~ù:le~<< b d~e~C.h~t~na~ÿ
~tre~enterré. 'M~
S78 LA VIE A PAtUS.
Mais, en vérité, cette substitution des fakirs aux
magistrats, ce remplacement des gendarmes par des
dompteurs d'animaux, cette cohue de curiosité, cettefoire aux charlatans constituent un spectacleeffarant,et les disciplesde Charcot ont là une belle occasiond'étudier descas inattendus de suggestionet de névro-
pathie mêlée de sottise. Tandis que des chanteurs de
complaintes célèbrent sur un air de café-concert la
bicyclette del'abbé–comme la complaintede Fuatdésl'instrument du joueur d'orgue de Rodez de bonnesfemmes crédules suivent l'hyène qui doit déterrer )e
cadavre, et les liseurs de penséesont là pour demanderle secret de la terre. « Bien dit, vieille taupe s'écrie
Hamlet, interrogeant la voix souterraine. Voilà un
prodige bien étrange, excellent pionnier a»)
Le steeple-chase des prophètes d'Etampea res-semblemoinsà du Shakespearequ'à du Paul de Kock.
Faites donc des lois sur l'instruction gratuite et
obligatoire .pour voir s'épanouir ainsi dans toute .sa
splendeur la crédulité la plus stupéfiante t Jamais on
n'extirpera du cerveau humain la croyance à lasorceUerie.Recherches psychiques, foi aux esprits,télépathie,prémonition,médiumnité,tous cesmystèresqui côtoient tantôt la science,ce qui est intéressant, ``;et tantôt le charlatanisme, ce qui est ridicule, ont sur
l'imagination,deshommesun infinipouvoir. Le mondedes gobe-mouchesest aussi nombreuxque lesmouches
ellea-mêmes.Pans, notre malin Pans, si Se!' de Ma.?
Inmiêres, a ses sonoers, tout comme la hourga~la plus perdue du fond.de ta Bretagne. J'en ai vu un~entre autres, dans un logis de la Chapelle, ~i M~
LA VIE PARIS. '"8~'f-'
chargeait et doit sechargerencore d*«envoûter ))
~g ses contemporains, commeau temps de Ruggieriet de
S~;a Catherine deMédicis.
Un petit être grêle, élégant et pâle, portant le titrede vicomte, et faisant métier de tirer les cartes et de
? prédire l'avenir. II nous attendait, étalant ses tarots
graisseuxsousune sainte icôneoù brûlait à toute heureune lampe éclairant l'image du Christ appendue au
gSmur drapé d'une tenture noire. L'appareil était à lafois funèbre et tragique. Sacrilègemême, eût dit un
croyant. Puis le sorciernous proposait de piquer d'une
épingle, ta place du cœur, la petite statuette de cire`"`~
qui, après quelquepasse magnétique,devenait l'effigiej~ devotre ennemi.
– vous avez bien un ennemi? nous disait-il,d'une voix édulcoréo,commechantante.
Je doismêmeen avoir plus d'unj
~f Oui,mais (il insistait) vous en avez un que vous
~~)~ haïssez plus particuHèrement?–~Jene hais personne.
– Vous avez tort, répliquait le sorcier, très douce-
~~N? ment. H faut toujours haïr quelqu'un. Ce!a occupe.~~i~'D'aitleurs,même quand on ne hait pas, on est ha!.
~Ors'pourquoi être dupe?~~&S~ ce pratique, le vicomte aux tarots
~~P' d'une façon très tendre, avec de petits
~tes~égants et engageants.. « Unepiqûred'épingle 1,
~Un~toute;petit&
piqûre 'n,'t"S,~–~tons,,vous;ne~ttezenvoûter~peT~
~$'P~D~ierement''une da et""char~.
~n<ie' très :mameurëusëenenmënttge,Mais''qu~
2~0 LAVtEAPARtS.
excellente catholique, était une adversaire résoluedu:
divorce, a fait envoûter son mari. Elle a même prêtéune de ses épingles à chapeau. J'ai piqué la petiteimage. Là. Paf 1. Et la jolie dame maintenant estlibre sans avoir divorcé1
– Le mari était déjà souffrant?
– Non pas. Il a été tué dans un accident d'auto-mobile. Et voilà. Alors vous ne voulez envoûter per-sonne? C'est si simple1.
Je vous remercie,non t
Au moins,voulez-vousassisterà une messenoire?J'ai là deshostiesconsacrées.
Il ouvrait une petite boite, un drageoir,prenait entre f"ses doigts leshostiesmarquéesd'une croix.
Et commentvous les procurez-vous?Le sorciersourit.– Par de petits prêtres, dit-i- avec douceur. Il me
manque pour le moment une poulenoire.Maisce n'est
pas difficileà trouver. Donc, le soirque vous voudrez,à minuit. C'est l'affaired'une centainede francs1
La messenoire ne me souriait pas plus que l'envoû- S
tement et, malgré la réclame du sorcier, je m'en -tins~~au <tjeu des tarots a pouravoir le prétexte do soidpr~~le prix dema visite.Le grand jeu dece thaumaturge de i!~banlieue ne variait pas plus queceluides ,somnambulesqui tirent les cartes derrière !e rideau de leur roulotte, Maux fêtes des Logesou de Saint-CIoud.Banalités pour,!~8badauds. Prédictionsp.ourbonnesd'enfants.
Et sous la lampe qui brûlait toujours, éclairant tatenture noire, ces cartes étalées montraient leurs.
figures symboliques, leurs caractères cabalistiques.~
~s~~t
°
$y?x~v;~y~
'ibA'.V't'E ..A'~m' "2N.S!~"t'<< k
~a4.
~§~ Cela se passe à l'heure où M. Marconiinvente la tëM- j~
graphie sans fil et où les pastoriens révolutionnent la
~g science. Et je ne serais pas étonné d'apprendre que le
vicomteest parti pour Étampes et va se joindre au`
syndicat des sorciersen quête d'un cadavre.
~s. Les devins aussi, les liseurs de penséesont d'habiles
profiteursde la badauderiehumaine. Je me suisparfai-tement rendu compte de la façon dont, malgré le
bandeau ou le mouchoir qui leur couvre les yeux, ils
@; devinent l'objet qu'on a caché et qu'il leur faut trouver
~f dans un salon ou un atelier, quelquevaste qu'il soit.
Lorsqu'ils tiennent la main de celui qui a dissimulé
l'objet indiqué en quelque coin obscur, sous quelque
draperie, dans quelque meuble, et qu'ils vont et vien-
nent à travers la pièce, le moindre tressaillement des '–!
phatanges, la moindre accélération du pouls de celui
qui les guide, sans le savoir et sans le vouloir )
~X' (compèremalgré lui), leur signalent le voisinage de
l'objet.
Ils s'arrêtent.
~–C'est là?
~~w !Is interrogent,cherchent, reprennent leur marcheà ~jtravers le salon. Et après un tempsassezlong, le devm 'i~
aux yeux bandés a pour complicecelui-làmême qui a~ t~;;fcaché l'objet à découvrir.<0nse lasse à la End'être
~g~~FaIné par le sorcier'qui, après unesérie de «C'est'
~}&-?' auxquels on'répond :,«Non 1 s'écrie'victorieu~S'
~Bement:'
~–Ahleette'fois?.Non non pas encore 1
E!~comme'cettp chasse''mutite.pourrait durer une
LAV!EAPAR!S.~283'
éternité, on incline machinalementvers le coin-où le
portefeuille ou la clef ou la montre ou le livre bref
l'objet en question est caché, et on amène tout
naturellement, de sa propre volonté, le devin devant« l'inconnu »qu'il doit découvrir.Fatigué des alléeset
venues, onabdiquesonrôled'adversaire.On fait méca-
niquement le jeu du chasseur. On ne résiste plus. Il lesent bien. Il devinevotre impatience.
– C'est là, n'est-ce pas?– C'est là 1
II fouille,retired'un tiroir la clefou le porte-monnaie,arrache son bandeau et proclame, aux applaudisse-ments de l'assemblée
–Voilà) 1
Mais ce n'est pas lui qui a trouvé. C'est son guidequi a trahi. Du moins est-ce l'aventure qui m'estadvenue un jour, devant Dumasfils,volontierscrédule,chiromancienet magnétiseur. J'étale tellement las des
échecssuccessifsdudevin, que je lemenai,pour en unir,à l'endroit où j'avais caché un bibelot quelconque.Et lorsqu'il l'eut «déterré »,grâce à moi, je le laissaitout à sa joie et à son triomphe, heureux moi-mêmed'être débarrassé des doigts qui me tâtaient le pouls etsurtout de cette énervante~promenade qui pouv<dt, i:à travers l'atelier, se prolonger peut-être une heureencore. (o'
J'eusse d'ailleurs vainement essayé de convaincre v'
les assistants de ma complicité dans le prodige.?Emerveillés, ils criaient au miracle.Et comment leur
prouverque le devin ne devinait pas?Devant l'improbable, la foule croit au possible~
LA VÏE'P'A:S. \8~
~Devant le possible,elle est incrédule.Tout mystère la
trouve complice.
ES – nous osons, après cela, s'écrie Voltaire, nous
g~°'
moquer des Lapons, des Samoyèdes et des nègres,Sx ainsi que nous l'avons dit tant de fois1
Ce Voltaire avait ses raisons pour ne pas croire aux
sorciers et pour se moquer des fakirs de son temps,
& comme cet Abraham Chaumeix, qui se faisait mettre
en croix dans la rue Saint-Deniset eût fourni de beUe
copie aux reporters de son temps..
~'j On avait prédit au «vieillard de Ferney » qu'il ne
dépasseraitpas la trentaine. On lui avait dévoilé
l'avenir et peut-être lui avait-on proposé d'envoûter
M~ ennemis,commemel'offraitobligeammentlesorcier
de la Chapelle, l'homme aux hosties consacrées.Mais
Voltaire n'avait nu! besoin d'épingle pour piquer,comme papillons,ses adversaires il avait sa plume.
~B~ « Lecélèbrecomte de Boulainvilliers,dit-il quelque
part, et un Italien, nommé Cohmna, qui avait beau"
~~coupde réputation à Paris, meprédtrent l'un et l'autre
que je mourrais infailliblementà l'âge de trente-deux
~p a~ J'ai eu la malice de les tromper déjà.de près de
~ente années/de quoi je leur demandehumblement
~~SspM'don.,))»
~Voltaire en effet allait avoir soixante-deux'ans,:lors-
~M'ën'1756il écrivait ces lignes.II. devait'faire.mëntit"
~l~prédiction' très longtemps .'encoM.~Mais::voyèz~là''
~zarrèrie' de la nature, humaiNe.H~se:'n~oquë.dea'et- .i!"not'e'ses spngeSt-Au:'poin<d~.'vae.scien-
~&qMë,tI:e8t'vMi.~IIne~
~,napc,decafé,.mais'il sep}a!t~x:etFangëté8'dM6omn~
t.A.VtEAPÂms.
bulisme. Il eût suiviavec passion,s'il eût vécu denotre
temps, les expériencesde la Salpêtrière.Une nuit, il rêve qu'il se récite à lui-mêmele premier
chant de la RewM~e
JechantecehérosquirégnasurlaFrance.
Et les vers qu'il entend lorsqu'il est endormi sonttout dinérents de ceux qu'il a écrits à l'état de veille(Ah que c'est tant mieux t eût dit Banville).Puis,réveillé, il essaye de retrouver ce chant inédit qu'ilvient de composer,et c'est impossible.
Mais j'imagine que ces songes qui lui procuraient`
la surprise de recommencerla Henriade devaient
l'inquiéter autant que les inévitables songes des tra-gédies classiques.
Je sais une devineressequi se vante d'avoir préditles catastrophes de la Martiniqueet du Chili.Elle aussia vu tout cela en songe. Après le drame du curé de
Châtenay, qui ressemble à un feuilleton du Petit
Journal, les dépêches de Valparaiso et de Santiagoévoquent l'idée des versets de l'Apocalypse. )~
On compte les morts on attend les nouvelles.Onsedemande si lesamis qu'on a là-bassont ou ne sont pas~ensevelissousles décombres.
Et par un sentiment très humain et fort pe~héroïque, le Parisien s'inquiète de savoir si cette~épouvante qui désoleun continent peut, à un moment~donné, t'atteindre lui-même.Les savants le rassurenS ûce bonParisien, qui ne croit pas que les tremblomenta~.'?de -terre soient faits pourlui. Lesol du boulevard estassuré. On ne verra, jamais s'écrouler la façade dM!~
LAVtEAfAR'i'S.
Variétés. Et les catastrophes ne sont ici que des pré-textes à représentations de bienfaisance.
Qui nous l'affirme? Qui en est certain? Tout est
possible dans les caprices ou les lois de la nature.
Lorsque M. Camille Flammarion assure à un inter-
viewer quebon an mal an la terre subit, sans quenous
nousen doutions, une centaine de tremblements assez
forts pour traverser le globe tout entier, on reste
stupéfait, et l'on se dit qu'une de ces secousses,par
hasard, pourrait bien nous être destinée.Le Parisien
n'est point vacciné contre les catastrophes. Mais il
serait fort étonné si on lui apprenait quece qui atteint
les autres le pourrait atteindre un jour. II s'y ferait,
d'ailleurs. 11se fait à tout.
– Quand Paris manquera de fraises,'disaient les
i sceptiquesen 1870,il se rendra.
Il manqua de pain et ne voulait pas serendre.
Mais du moins pouvait-il alors se croire admirable
(et très sincèrement il l'était) tandis qu'être surpris
en sortant d'une première ou durant un souper ou
plus bourgeoisement en son sommeilpar le trem-blement de terre, cevoleur de huit, c'est une sensation
~infiniment désagréable.Impossiblemême de se croire
un héros en pareille aventure. J'ai entendu, l'autre
jour, un témoin du tremblement de terre de San-
MFranciscoexprimer t'étonnement que cause le cata-
&clysme.
~"– Tous les objets semblent déplacés.Onse demandé
~i l'on n'est pas te jouet d'une hallucination, et sur ce
~$ot mouvant,commesur le pont d'un steamer soulevé
Ëp~r'Ïà'vague, on ressent cet affreuxvertige des maui-
LAV!EAPAR!S.~'286
vaises traversées. L'estomac se trouble. Oa a te mal dé~~mer. ~~S
Le mal de mer sur la terre ferme, c'est l'ironie des
choses. Et l'homme, en cet état, n'a point tournure de~~demi-dieu.
–N'y pensons point, répond Pangloss, et prenoHa
!e temps comme il vient. Les cent et un tremblede terre de M. Camille Flammarion n'empêcherontpas~t'humanité de durer, et si les monuments s'6crou!ent,on les rebâtira. Ce sera de l'ouvrage pour les timousms, t: N
qui se résigneront peut-être à renoncer au, reposadominical. '~Sj
Bien des gens raisonnent ainsi. La Martinique n'a§~pas empêché la représentation d'un ballet ou le thë~~d'unSveo'ctock.. -S~
Lisbonne est àbimée et l'on danse à Paris, së~
disait encore Voltaire, il y a cent cinquante et unans.
ï! dirait .aujourd'hui que Valparaisc etSantiago sont~~
écroulées et que l'on se baigne à TrouviUe. L'optï-misme deviendrait un effroyaMe égo!sme dev de~~Stels désastres, et décidément tout n'est point parfM~sous la calotte des cieux. Peut-être l'avenir con'igeFà~t-il ce qu'il y a d'inique vraiment et de brutal dadestinées .humaines. 'N
~OMr<<)M<Mr<tt[en,vQm notre espérance; ?'&NÏ'OM<Mt tout aM/oMfd'Aut, voit~ t'tUMion.Tout est bien:aujou~o'hui, voilà¡'m,u8,ion,'
Il fautvivre entre cette iUusion et cet e~
"<(faire son temps a. sons .'r6a~menaoe9'diveKe~
t'inconnu. St t'en écoutatt !es sayants, tout swait~
LAV!ËAPAR!S. 287;
~dans l'air et dans l'eau, et « l'hommetrès propre )) de
Gharles Cros ne mangerait même plus un œuf à la
~So~que,de peur des microbesqui s'y peuvent introduire
~a.û moment précis où l'on brise la coquille. Si l'on
~coutait les sorciers,ce serait bien pis, et l'on ne sorti-
~ïâit plus decheasoi, de peur de la foudre.Le mieuxest~rMt plus dechezsoi, de peur de !a foudre.Le mieuxest
~;de s'en tenir au conseilde ce Stanislas de Grandredon
!Bqui, dans Francillon, a sa philosophie à lui très
~parisienneTire à pile ou face ce que tu dois faire. Quand
~npus ne savons plus nous conduire, demandons au
~asard de nous mener.
Stanislas, il est vrai, ajoute qu'il n'est plus bien
~sûf, depuis quelquetemps, que la terre ne tourne pas à
~~envers et quenous n'avons pas toustes pieds en l'air ?
la tête :enbas Ita tête .enbes)1
Et je n'en suis pas très certain non plus. Noua
Sqrerrons bien.
ia.
XXIV 'N
Encorel'abbéDelarue.– ~MtptptM. Cen'estpasJoeetyn.-–tLesMémoiresdeMistral. MmedeFlandreysy. La routeS~~JdeMaillane. Le sommetdelajeunesse FrédéricMistrat~~Set AlphonseDaudet. Un vieuxjournatsfarM-yom'nat.–3'LePetitChoseavantlePetitChose. Daudetinconnu. Ut ~S~~HtableauduParisdet859parPiccolo. Salonset brasseries.– 'S~La farandole de jadis. ~N
28Septembre. 'g
Ainsi, c'était la complainte vendue par les rues etî!'9~~criée par les camelots qui avait raison L'abbé
Delarue, que j'ai bien cru mort, entizé dansquelque S~~mare, enfoui dans quelque fossé,l'abbé Delarue étattvivant et même bon vivant. Il laissait déchaîner!es~~S!hyènes, pérorer les devina, et, ce qui était p!usgrave, ~Barrêter leschemineauxet les terrassiersaux vêtemeh~)un peu décMrés, il se laissait même accuser d'àyo!)'Sbrocanté des tableaux, et de loin, mais de très !ot~il trouvait toutes ces aventures macabres. Ohm'a!gSassassiné moralement 'disait-UhieràunreporteB~Cet assassinatplatonique lui parait sans nul doute pr~3?~férable à l'autre. 'a
L'histoire de i'abbé Detaruea comme un rën)!roman du xYnte.siècle. n.y~.eut;de,ce~~totre8~
reuses au temps passé. "Je crois b~qM~ .petiti;~
roman, quoique vu~Mre,restera Mgoadairë. La
LA V!E AFA!US. 'ë8~
25
S b.
S~deTabbé Delarue s'est produite au bon.moment.
SpD'abord elle fut la question de l'été: «Cherchez
g~l'abbé )' comme on chercha le Bulgare. Puis elle
S~fournit un terrain de polémiqueaux partisans et aux
~adversaires de la séparation de l'Eglise et de l'Etat.
L'àbbé fait cette séparation à bicyclette. Il abandonne
N~ta cure pour l'institutrice. Il cherche en Belgique un
~md d'amour. Le feuilleton de Ponson du Terrail finit
~par un roman de Barbey d'Aurevilly, !eFr~re Mor~.
~S~Noussommes loin de Jocelyn, de Laurence et du
~je'hMnSdé!e.
~;S .Mais– si l'abbé Detarue était un cerveau et une
~~onscienoe à la Lamennais il y aurait, avec ia tem-
~;p6te décharnée sous ce crâne, un admirable roman à
~~crire: ce prêtre amoureux qui gémit de rie point
pouvoir semarier à t'égUse)H Fa dit ou on le lui a fait-
~H'ë, car, avec les reporters et les devins hindous, il
~famttoujours se garder à carreau. Le prêtre qui a jeté
~soutane aux orties et qui regrette amèrement la
~ttëdiction d'un autre prêtre sur rajtmeàu conjugal
~~ë au doigtde ta bien-aiméë) L'empreinte dont
~stMnié a partereste profonde,et FerdmandFabre
~tSërit un mattretivro avecunte! Sujet.
~LamenmMS,passionné, ardent, xnHitant, pousse à
~otte pan*rinto!ëranc!B, gardait cette empreinte
S~B~pomt'"que, posant .à !a~,tribahe.de'.rAssetftbM'e~'s'
~ate/~un- projet./de~Sonstitùtibn,M~ëni~T~
~ébu~om']~ fran
~s'Je~M~ttre~~ esgrit à hnb~a
~uî~ë;paT~t~~ taçoû:'depaysân éprrsjade ~,e
~vi~eM- ~sonkë~llép~r~ûne
3~0 LAVtEAPARts.
?petite persMme qui tient serrés
ceux qu'elîe'tien.t~~
Amour, amour 1. « Savez-vous bien, disaitBérangerS~
de son ami Lamennais, que ce petit homme à été !m~~
6ne lame et un paquet d'étoupes en sajeunesse? .K.J~
n'était pas seulement un rude adversaire à. l'épé,e,
grand Lamennais. Prophète de l'avenir, U fut redou!
table aux prophètes du passe.
Et–voilà ce que pèse la gloire)–l'abbé Oelarusp~
est et restera peut-être dix fois plus populaire que~
lui. II y aura des revues de fin d'année pour consaofe)!
et bénir les amours de Fabbé Delarue.D'acharnéat%~
commentateurs soutiendront peut-être que ~'abbé~~
Delarue est bien mort, comme d'autres aSument qu~
te duc de PrasUn et le colonel Henry sont vivant.
g H y aura des faux abbés Delarue, comme .il y eutdM~~
faux dauphins, et en dépit de tous les télégrammes, de ?â
toutes les enquêtes, de tous les arrêtsofBciela, voiu~Ë~
t!Bn'ez que l'ima~natiom humaime inventera, forge!
aije'pBis'dire.un~mystéM.depIus.
Je Bevoulais~poiat parler de l'abbéDeIaBue.etc'aS~~
d'an poète que je souhaitais uniquement m'ocGn~B)~
aujourd'hui. Eréderic Mistml va publier sesAf&)M'g
en volume, et le.~po.éte de:.MaiUane .m'a fai< en..o(~
'?'.?' ji0)ftrs.'d'automne oùles.~pMmiéres feuiUes.tomt)~
t.o,uiEner ma penséa'yefs le.elair'~dt .'où'i.I&.ao~
& 'e!aœoirs':obaMd et.où.it.fera~~i ~m~d'aUec.'yivM.Ly~~
..Nous avOns.bien;'fa)tM~m'avqu'de8;
~MMtr~
j~ ,pllbij.@Je,1'lte,Am~iq~t
/.)~M~en;B~aBce~Jt~ J
~M<f~.~eHe'~)~~ua~
LAVtEAPARtS. ~'ËNl'
Vénus d'Arles, les Vénus gréco-romainesde la vallée
du Rhône et le muséeArlatan, et ce fut MmeJeanne de
Flandreysy qui porta les ~KOH'M aux Annales deM.AdolpheBrisson.
Aussi bien le poète a-t-il fait hommage à Mme de
Ftandr ysy du manuscrit de son livre, et il aurait puretracer à la première page le quatrain autrefois riméà MaNlane
LapouésioesunidéioQuedinsJ'amrvintrelusi.Unjours'appelaraMMio,UnautrecapJanodeFlandreysy.
Jeanne deFlandreysy a pourMistralceculte enthou-
SMateque professepour le poète de ~Vep'<ola.Provence'tout entière. Si vous rencontrez un volume de vers des M.Emile Ripert, le Cheminblanc,ouvrezrleà la page~o~,le jeune homme énamouré de son pays conte le
jR~erMOged Maillane. En approchant de la demeuBe
~de Mistral, le cœur bat dans la poitrine du pèlerinS~onune celui d'un fidèle à l'approche de son Dieu.
~Save~-vousquel est celui-versqui va la route Hanehe,Mute bordéed'oUviersgria?
SB ntutceiuiqae.Die~d~tineAux~andeschasasenMoret!-1
futceluiqueLamartineBe)T~aursonc{BBr:–tuipteuTait.
~fi: JocetynembtassantMiKiUe,OsprendeurfOnneparlaitpoint;¡
?! Onentendaitveiert'àbeme~Qutva.<ie~Mait!tthe~8atht.Point.
CMX(~misM~re<tMete'¡Htatasale<tots'eoouier,
S v Eteatme.retoutnanttaMte,&& IlrepritletrainverstesM~s)1
LA VIE'2~
Et le jeune poète salue «cet empereursans épéedu
grandempiredu soleil ».
Cardesa<<ttKotegaranceOnpourraitbienfaireundrapeau,EttoujourstoutelaProvenceSeracoifféedesonchapeau
Il aurait pu écrire «Secoifferade son chapeau »et îéviter. Mais vous savez que le vers moderne est
émancipé, le vers est libre 1J'ai lu avecun plaisir infini cesSouvenirsde Mistral.
Toute son enfance et sa jeunesse revivent là en des ijpages délicieuseset qui ne périront pas. Les imageaaussi des amis morts réapparaissent en des évocationscharmeuses Lamartine, Aubanel, Daudet. J'aurais~voulu pourtant plus de détails sur les années prochea Sde nous, sur tel contemporaindisparu,commeGounod, ?i
par exemple, qui chanta, lui aussi, la chanson dp 3
MagaM. Peut-être Mistral comptëtera-t-it un jour ses $i
Mémoires,si attirants et si vivants. ~iSGounod l'avait, Hy a quarante-trois ans, peint M
quelques lignes dans une lettre à son ami Ernest~ 4wHébert, datée précisément du viHageoù, en pleineProvence, le maître musicien écrivait ~t'etMe~«Mistral est une délicieuse nature, saine, digne,~simple et vraie. »Gounod chanterait vo!ontiers
OFrëdéri,.moun';tMtatnàdet.i. ,SS
Mais je l'ai la, cette lettre à Hébert, du grand muat~cien au grandpeintre, son « petit peintre )', – et ta~voici:- ~t.SS'S
M. 'M
~SSS~W~g
-2~~LA VtE A PARtS.
Samedi 28 mars 1863, 8 h. du matin.
Moncherpetitpeintrebien-aimé,Je serais très loin de mon propre cœur si je n'étais pas souvent
? près de toi mais les conditions de notre existence ici-bas s'oppo-;t sant à cette pénétration réciproque des âmes malgré la distance,
force est de se servir de la poste pour s'édifier à ce sujet. Je viensdoncte serrer la main au moyen de ce petit bout de lettre, qui, plus
heureux que ton vieux musicien, franchira le seuil de ce cher
atelier, où nous avons tant de fois devisé sur le passé, le présent ett'avenir.
Je suis en Provence c'est la Provence qui a remplacé déûniti-Vementcette Italie que nous aimons tani et où m'emportait une
si vive et déjà vieille passion.
Mais Mireille et son auteur m'ont arrêté en chemin, et ce paysque je comptais seulement traverser est devenu mon collaborateurnature! et clairement indiqué par le théâtre des scènes que j'y viens
étudier et traduire.
AssarémenttuconnaisiaProvence,etdepuis!ongtemps;jenemefiancerai donc pas dans des frais d'éloges ou de descriptions superflus.
Quand le mistral ne souffle pas, le lieu que j'habite est un paradis.Je suis à vingt minutes de montagnes qui cachent dans leurs
pth les plus délicieux valions le ciel, tu le connais et nous leconnaimpns, enfin, la Provence est l'Italie française, et je diraitneme qu'il y a des coins où l'impression est encore plus grecquequ'itaMenne. Cette profusion d'oliviers, de thym, de romarin, de
lavande me mène involontairement à Athènes et au mont Hy-Mette c'est un ensemble de tons et de senteurs enivrant.
S, Ma femme m'a donné de tes nouvelles. Je'sais que tu as étéSMentendre notre feMt; que ma chère Anna a passé dans ton
~teMerune heure charmante dont je prends ma part; que tu as
Ofert de m'illustrer Marguerite rétrospectivement, de même quetu veux illustrer Mireille qui est sûre ainsi de sa célébrité Je saistout cela, et je te remercie de tout,cela. Me voilà ton débiteur pour
t~Mgteihps,mais ]e ne me préoccupe pas de ma dette, sûr que
~t'amitié profonde n'est jamais insolvable.
Mistral est une délicieuse nature, saine, digne, simple et vraie, que~t~ aimerasbeaucoup.Je lui ai promis.devousfaire connattrecet hiver. `.
Je te quitte, mon bon cher ami, pour vaquer à d'autres devoir*e correspondance et a cette JtftMtMeque je fais beaucoup pour toi.? Si tu as deux iignes à me consacrer, porte-tes &ma femme qui'~itetesferaparyenir.
$M~')PP~-moi ~M charmant souvenir de ton heureuse mère, et
~crb&&'ma.Mè)é et crâne amitié.
'To.n'
Gocttox. ~7'~
~29$: LA--vt~-A'p'Ams.
EHeest exquise,cette lettre, et le musicien est 1&.–comme en tous ses écrits – un peintre aussi etséduisant. Gounod et Hébert, camarades de Romecompagnonsde la Villa, étaient faits pour s'entendre et,s'aimer. Hébert a illustré la Marguerite de ~a~t dansun portrait au crayon de MmeCarvalho que le Mad&l'admirable artiste doit posséder. Il n'a pas peint `MireiMe.maiail a dessiné de Mistralun beau portraitque Gaillard a gravé, lorsque Gounod fit connaître lepoète au peintre. Mistral l'aime
beaucoup ce por-trait, qui ugure à la premièrepage de .plusieurs d&aeaouvrages. L'an dernier, il en envoyait une épreura &l'auteur avec cette dédicace
mon ami Hébert, au grand o~M~eam &we:HeHrpor&'at<<~tp<~<e.– F. MtSTKA~.x
MaiUane,7 décembre1905.
Un autre poète qui eût à ia plume, comme Hébertau pinceau, fait « te meineur portrait )) de MistraJc'est AiphoBseDaudet.~Onpubliait récemmentunelettre où l'auteur de ~romOMtyenneracontait ses che-vauchées de
jeunesseaMtempsou il logeait là-bas che~`
la bonne mamanMistral, et oùl'ons'échappait du may~
par la fenêtre, sous les étoiles~Une JoliepagoàmettraMken note aux ~Mo~M de Mistral! S
Daudet jeaM, Mistral jeune, maiscommeun fr~e~aîné t Quelles chansonsdevaientchanteroes ciealeaen ,s~
liberté!1
Je voulàts retrouver, r<tutre Jpur, d~ns yMuSjournal oublié,
undessin de moi(car j'ai dessine jadi9)Nqui represemtattriesprisonniers autrichiens ~ie MagentâS
1.
L'A'V:t'iE''A'PA'nt9.'"§~
"i;
et d~ Spïférinofraternellement reçus par nos Parisiens "3~à !a gare du cheminde fer de t'Est, –!a gare de Stras- j
bourg, commenous disions en ce temps-tà. Un artiste,jMles Duvaux, avait utilise mon cmquis dans~le
ParM-~OMma!,où débutait par d'étcmnants dessins
(des chefs-d'œuvre) un peintre militaire alors tout i~
'jeune, Alphonsede NeuviIIe.
Or.enfeuiHetant te ~arM-yottrKo!pour y retrouvermon dessinaboH,j'y relus des article~ tout à fait'jolis, ?
ignorés aujourd'hui, d'AlphonseDaudet à ses débuts,de Daudet du temps de Mistral, de Daudet arrivant
de Ntmos à Paris, – ce Paris qu'il allait charmer,
conquérir, – et j'ai regretté que ces juvénilesehro'- §niques n'aient pas été réuniespour faire suite aux.S'oit- M
fe~tM«''MMAoM?Mede!e<)!rMet aux Trenteans deP<ou plutôt pour Ie~précéder.
C'est un Daudet «en <!eur'),si je puis dire, et c'est
déjà Daudet, le maître écrivain. H a déjà trouvé sa
forme, et on devinerait, en germe,ses œuvres futures ;~S
~(ians ces menus propos da poète des A~oM~MMS. ~`Le premier numéro du .ParM-ToMra~qui avait ses
h
~bureaux rue Le Peletier, 31, près du boulevard des
~~taKens,date~du t6 avrit i~9. C'est !a veille de
~~guerre. La parole sera Mentot aux correspondanta ~`,
~g<t&Iacampagned~JftaUe.Enattendant,PieH~Vert~ta;
~~pnne aux poètes, et Daudet, soa~ të~paeudbnyme'd~
~Piccoto~oonte Un hiver<tParis, <<MBpfMSMns~de':soi-t'
~~es t L'année 'demièfe,.dït-it, je me trou~N~~a.a~
~tête d'une quinzaine~;de'r(m)tsnoë~ –- ~quihz&-,petKw `F~~y~'
S!~)te&-d'!ûeuvre.dontje Tenais-~aBëoucher~anK~m~
~jfMnSre & 50~francs.je
BMmdùs'm~vait'pMamN~'de-
LA VIE A fARIS.
ss~s~
~9&
m'éditer lorsque je me serais fait connaître dans;
quelques sajous. Papa m'envoya d'Antibes un habit'noir fort joli, mon pantalon de satin était encore &moitié neuf avec cela j'avais des manières distin-
guées,pas mal de tournure et un lorgnondoré. »
Et Piccolo le Petit Chosequi deviendra le grandDaudet s'en va, dans les salons littéraires, étudier
à travers son lorgnon de myope qui voit tout et redire
tes Prunes, cesfameusesPrunes quefaisaientapplaudiralors les frères Lionnet.
« D'abord,lesalonde MmeVirginieAncelot,12, rue
Saint-Guillaume,aupremier étaged'une maisonfroide,mal éclairée,mais très propre. Ony dépensebeaucoup;
d'esprit. »Piccoloy revit «M. Patin, un petit homme
alerte et sautillant, qui sait beaucoup de grec et ne
parle pas mal le français, M. Vionnet, un octogénaire
superbe, vert et solide commeun chêne. ))et MeLa–
chaud, et M. de Beaumont. « Puis des poètes, oh)l~~des poètes MM. Péçontal, des Essarts père et nls,Karl Dadin,AI. Daudet, Hébrard,Arthur Ponroy, etc.,
de quoirefairedix foisla Be~rM~sdeM.deVoltaire. x
«Vers minuit, ajoute, narquois,l'observateur, je vis
apparattre unebonnegrossefigure,souriante rougeau-:dessus d'une cravate blanche:un léger frénussement!court dansle salon, c&tédes dames-et des demoiselles
Un jeune hommebien, qui était prèsde moi, dit
« C'est Nadaud.
« Nadaud se mit au piano, levale nez, retroussa ses
mancheset entonna je nesais pluaquoi. x
My a de la malice, dela grâce, uneMie humeu)~
~charntante dans ces croquis de jeunease. Et ;Pi<
"'LA~E~M~f\
~&. s'en va de Museen Muse,étudiant ces salons dont la
~mort a depuis longtemps ferméles volets, – emporté
~~leshôtes.~H s'ennuie chez Mme MélanieWaldor. « Ce soir-là,
ME 6n rentrant chez moi l'estomac chargé de babas et de
tasses de thé, je me chantais sur l'air du Trottc~e:
~S<( Hélas 1hélas1 quime rendra les figuesd'Antibes, les
~X«galettes de tante Eudoxie et le petit blanc de chez
~«'TIOUS? »
?? Piccolo 'encore une fois, c'est déjà le Petit Chosç.
i~~ il regrette sa Provence.Et pourtantil est reçuchez «la
princesse de la Tré. où il trouve, dans un intérieur
de Monte-Cristo,M.Barbey d'Aurevilly et MmeBlan-
~~i!;cheootte».
Chez Louise Colet, rue de Sèvres, il rencontre un
monde exquis, de grands poètes, de grands magistrats,
de grands écrivains, MM.Leconte de Liste, Béchard,
~GOuain.jecroismêmeM.Babinet.«MmeColetest encore unebelleblonde, sa filledéjà
une joliebrune disait Piccoloen sortant de ce osalon
S'Arthënice » dont il devait plus tard reprendre en
~Mus-œuvrela la peinture.Mais c'est chez une sociétaire de la Comédie-Fran-
~~Ë~ çaMe, la matinée du dimanched'Augustine Brohan,
~~?~0 Lord Byron, ~4, que le provincial de Provence
~oembteoubliër leplusfacilementlesngues et les gatettes
~tt'Antibes.
~g~j; ~A est petite, dit-il, reçoiton robe
~S~cpnetée, a tes"épau!o8'' agréables; les,yeux,'fort"
~p'ands,un"'regard 'd.e'biohe effarée et sounre.~û.n~
~mniepasune.
298 LAVtEAPARLS.
« MNeBrohan n'y voit pas très bien, moi je sms
presque aveugle, et quand on me présenta à elle;nous
étions si près l'un de l'autre que mes lèvres frôlèrentson front; j'en eusdes frissonsdans le dos.
« Eh bien, nevous gênezpas,vous 1 medit-elleen
souriant.
« C'en fut assez pour me faire rougir et me mettre-
mal à l'aise tout te reste de la matinée. »
Et il y a là, chez la comédienne,Jules Lecomte,Paul d'Ivoi, Mlle Favart, Mlle Fix, Mlle Dubois,« M. Guizot fils et M. ViMemainneveu. » Mais
Daudet ne desserre pas les dents et passe pour un
pKnce valaque. On retrouvera ce souvenir dans un
chapitre de Trenteans de Paris comme,dans un autre
livre de l'auteur du Nabab, des pages alertes sur les
~'<ï!c'Ms/'M![Ctt!M.
Et du temps de ces « petits cuadros ".de Piccolo;
Alphonse Daudet, logeant hôtel du Sénat, rue de
Tournon, avec Gambetta, était déjà quasi célèbre.On
donnait, un soir, un banqset à PhilbxèneBoyer, et au
dessert, entreun toast du baron taytor et un morceau
chanté par Gueymard, Daudet se levait, disant deevers~.<tM.AlphonseDaudet, 1'auteur des AMOMretMM,a été fêté et applaudi de façon à fairecrcire qu'itaTaH~
partagé ses dix-neuf ans avec tous ses auditeurs
disait dans te J~rM-7ottFfMt!'artic!esigné Fabrice.–et Fabrice, c'était Pierre Véronpeut-être.
Ge qui est certain, c'est qa'à rimitation d~Bdmond
~bout dont les Lettres, d un bonjeune &oMMe4 .°
~coaMneJtfade!eMevenaient de faire fuMur.Atphonttes
Daudet écrivait, avant les LeMrMde Mo~fJtfcmt~~
LA VtE A fARLS. ~s~ i
des Lettresà ma tante Eudoxie (~'An<&e~),oùil pro-
iBMnait la bonne tante un peu partout dans Paris:
à Bicêtre où chantaient les frères Lionnet et, dansurne
autre série de tableaux intitutée les Nuits par~MM~M,
<!hez la Rôtisseuse, au café Belge, au caté Mazarin,
duquaftier latin, à la Closeriedes Lilas,puis encoreà
la. brasserie des Martyrs, où il rencontre ces « rates f
qm'it étudieradans Jack, disant « Je n'essayerai pas
de savoir le nombre des talents étomfCésdans l'atmo-
sphère des pipes et du houblon. aH serait curieux de
CMnparercette description dela brasseriepar Daudet à
~l'acte pittoresque du CMgn~ de Mendê6, évoquant
;iemêtne milieu. «H y a là la salledes poèteset ta saHe
des philosophes. On se croirait en pleine Académie,
~c'est-à-dire en plein pays de routine et d'exclusivisme.
(L'amteurde l'Immortd montre dëjà des grMes.) Ici,
:]enneaet vieux,tout le mondecrie~«Vivela jetmesae »x
i!)Btaiaon y méprisesmgttliérementtout ce qui est jeune
S~ n'axas les. aUures~yendroijt. »
? Et Piccoto méne.~enaortamtde là, tante,Eudoxie
~tMqn'à la Beute-Noife, jusqu'à la Reine-Blanche,à
~$!y9<B-MemtmaftM, Mx HaMe~ Baratte, au
~MtmMant des KPieds humides ou<t!U<' Hesard!~t<t
~iReuMhstte où riMt plonge pour um~ou~dans-une
S'~ttHM~im H !a conduit miLapm-BIanc.dtms
~<F6~é, Lapm-Blamed'ENgèns Sue, ~J!UBqu~<<~ez~
$~ chiNonmeMet~STÔdaurs dehan'iéresi
~MaNS ,MMM,\qu~tBS<-ho<!cëu)'9i.~-Bi<oa&.tamte~
~~dOxM~.<p!i,~mB'Mupp<M)më~AM~~P.aria,~de P.afVttt'
Ê~.&iB~:)B<ui/MgM~tM~
É~pr<M~e:BMho)mê~Bd~te~
"SOO .'t.:A''V'tË'-ÀPAR!'S.
Puis, lorsque Piccbioa assezpromenéla bonnedame~j~dans ces bas-fonds, Daudet renonce à lui servir de:
guide, la renvoie à Antibes et prend dans le FarM-
Journal une rubrique nouvelle.
C'est maintenant,. par petits chapitres humouristi~~ques, t'jH~Mtotre<<'H~chienqui n'avait jamais vu Paris,et c'est toujours, Dieu merci, Alphonse Daudet. Ce
«Trapp, un chien de ferme qui ne manquait pas d'un'-j'S~certain esprit d'observation et de justesse x, le suit :s~
partout, s'éprenant en passant des levrettes de Bréda
Ils vont, Trapp et son mattre, chez les Cannibalesde
banlieue (les apaches de 1~9) et chez le fameux res-
taurateur Dinochaux~où s'attable « un certain cha-
noine nommé Monselet qui fait quatorze repas par g~~jour ».Lechien dépiste lesoriginaux, ArmanBarthbi,,Guichardet des ouMiés pénètre dans « l'intérieur
hottandais d'Henri Monnier, rue Ventadbur entre«chez un certain M.OctaveFeuillet dont la cervelleest
une vraie mine d'or,. et qui mène en tête à tête avep~~`
une charmante jeune femme l'existence la ptua paisi-blement bourgeoise qui ae puissevoir x. (Et voilà M~
genèse de cette poignante et exquise nouvelle qu~s'appellera l'Homme<tla cercetted'of.)Trapp frappe &la porte de la\RecHef!MDeM~Mondes,« oùl'onne reçoi~~
pas les chiens– ni tes manuscrits » à la jRecMeetM'
p~eMnedeLacaussàde: wJevislà, dit-il, dansun jtiOB~
et muet commeun élèvede l'abbé de FEpée, M. Th~~`"
philé Gautier en contemptation devant une grosa~~mouche qui'tanJtounnait'dés ai!es;sur'tësvitrea.
·"
\D'un'trait, Baudetnous;peiht'aihsi:un<Pari~:d'àut~X
.Mis,plus familier, m<)iEs.'poseur'que~ceM~d~ ~°
j~1
~yN,~S~~
LA V1G A hA'ltt$'. 'e~'é~a"~
"'2<~i,
~~S d'hui, et des hommes que le temps, hélas a a mués en ~j~
~$~Nstatues! 1
Et il serait dommage de laisser perdre ce que disait :~<
~$~ ce poète de dix-neuf ans d'un autre poète qui venait ;i
de mourir. Je trouve, à la date du 7 mai 1859, dans un
~~i numéro du vieux journal, un feuilleton intitule les &
i~aMMetoM~, « petites histoires du printemps », cette
page ironique à la fois et doucement mélancolique
~Ë~ Il y a trois ou quatre ans, je me trouvais dans un des restaurants
~du Patais-Royat, quand je vis entrer et se placer près de ma table
~§Kunhomme jeune encore, mais à t'œit éteint, au regard abattu. Avec
~Sjf!~eta, un air de grandeur et de distinction étonnant. ?;
~~Ë~ Hs'assit et demanda la carte du jour -t'uae voix nonchalante. A
~Apres dix minutes d'inspection, il se tourna vers le garçon Don-
~P~MMM~M~M~'1 'itj
~»~ ..Onlui répondit qu'il n'y en avait pas et qu'on en trouverait
~~p't<BcHement 'Cherchez-en. J'attendrai. Je veux une caiUe, Je
Jg~MqMk~)' 1
Je crus que j'avais près de moi un de ces grotesques qui battent
~~Bitë pave de Paris pour la plus grande joie des badauds et des obser- j
~Àpr4s une demi-heure d'attente, on apporta la caitte it la prit, r
~déftt une ei!e, la mordit du bout des tevres, puis, la rejetant .g
~i~ns son assiette qu'il poussa loin de lui Décidément, dit-i), les ~S:
valent rien.. r
~~p~tt.se.tevaet sortit. .?~
~&t}ué!qu'"n,presd<)moi,mesbu<uaque c'était Aifred de Musset,t,
~~g~t.J~'ressentisune émotion singulière.. '$
~Pauvre Musset Pendant sa vie, il fut le plus malheureux de <~Sts :it eut ta jeunesse, la gloire, a tortùne;))goafa& toute chose.
~t~a~ ne nt qu'y goûter et jusqu'à son dernier momeMueut aux iy~
~res cette, phrasenavrante dont je mesouviendrai, toujours
~ë~cidéme'nt.tescaiUesneYatent.rion.'
N<tMMe<oM de Daudet,renouveIës~des.GH~e~
~t'~Iphonse K.arr,res9eml)lent.ptus,à. dës~papiUoM.
~Sj&-des~uêpes..Eto'o9t:co~un pal,illon nnir, cette
~S~arttibn,, cette.évo.catiôn..d9-Mu8set.le
~t~'bt!s6,'ttent. dans; cette'phrase de .dêgo.ût,
3S3 LA.V'!E~A~ARt.'S.
–Décidément, les vailles ne valent rien..
Les cailles – et le reste.
Et c'est tout Daudet aussi, avec son charme et
vision aiguë, dans ces lignes retrouvées en feuiMetaat S$'S
'm vieux journal oùje voulais revoir ce que je vis un
jour: des ouvriersparisiens passant du pain à
des~g~
prisonniers autrichiens, des zouaves et desCroatea~~
fraternisant dans un coin de Paris après s'être entM-$!~
fusillés dans les rizières de Lombardie.
s,Mais, &<Me DetM, que c'est loin tout cela 1 – Et c'est
Msr.'S~
« C'est, comme dit Frédéric Mistral en sesJM~Mo:rM,
le sommet de ma jeunesse, » Et H m'a été doux
revenir un moment à Daudet jeune, à unau
presque inédit, àpropos de Mistral, « le
beauBer comme le roi David, x, qai jadis, en !'Uë de
1~
Barthelasse, en face des remparts d'Avignon, menait1~
farandole des grands gars et des beUes nllesavec jfeS~
« Petit Chose », et si quelque vieille s'envenait gF~
gnant, répondait
– Laisser, la mère Aux poètes tout est p
Es MM<~ /aMeM~ MHm~ C'est.nouaqui faiacBS~~
~es'psaumes 1
.LespsaunMaet,t'epûpee':deJa.Protvence.-
~Ë~i.' ~Y
~g~Aproposd'uneconnedebattons.–UneidéedeNadar.–La~S~ photographieaérienneentempsdsguerre.– Lettred'untec-
tourencoreta bougeotte–Petitrcroquisdeïaphcedeta~Concorde.–Unballonattemand.–Unlivredevoyages.–
~jM&Cequedisait)atoute.–L'*aero-autobao..–Ptusde~oaMitrer–Uneexpressionpopulaire.– Lesautomobilesettanavigation
~j~.ttertenne.
S~ SOctobre. ;'§
~C'étiaità laveilled~siègedeParis.Legénéralde
~~SMontaTiban,mimstre~delaGuerre,vit amver'daM-jMm;:j
~~abmet'un.granddiabie,à roeilétrange,r~pën6trMttet 'f'~~S~pr~fomd,rondsousdes'sMtrcHs.herissés,quitmdit 'S~
~~&~–'Monsieur.le ministre,~voûtez-vousconnattfe~'S~~siBze!ment''etmécaniquementlesmoavemeBts~de't'ien-
StM~~–-Certes,. nt~munstM.~
connaissait ce!utquitm.partàit.'C'etMt'I'intte?tMe-~~a~ronàutequi avait'pasaitmné..-IB.momdeNvec'tes. S'~~~f~ëasionsdu..6~. ~ait'ami'~e George~aind,~âyattL'6crit,:en.demaBdamt~
~d&J~càa~~tamatt;pour~
royau~du'otë~~bq'
~a~des~Meu~~~X~Monaieur..N~
~3<M~ LAVtEAPARtS.
comment nouspourrions arriver au résultat dont vouas g~~me parlez 1
– C'estbien simple. Duhautd'unbaHoncaptif, jemecharge d'envoyer de cinq minutes en cinqminutes desclichés phutographiques qui, au moyen d'une opéra- ~~V~tion mégascopiqueet microscopiquequ'il serait trop:longde vous expliquermaintenant, pourraient et pour-Jront reproduire et cela, monsieur le ministre, à,
plusieurs kilomètres de distance les mouvements x~d'un corps de troupes. Et voici, faites par moidms les t~conditions indiquées, des épreuves qui vous permet-tront de juger de mon système.
Le ministre examina les épreuves, trouva l'expé-rience concluante, la proposition tentante, le procédA;j~~extrêmement utile et ingénieux.Mais, quelques joura~j~~après, une tempête emportait te ministèreet l'Empire, <~et Nadar dut se contenter d'organiser pour rien,
pour te plaisir, par patriotisme et par passion –te $~service des battons-posto. ,,ç~
H n'en avait pas moinsdeviné tout le parti que l'O!~s~S
.j peut tirer du ballon photographique, si je puis dire,
;ehtampsde guerre, et ces clichésaériensexécutésaudessus de l'ennemi, à distance, et jetés du haut de~
g t'aérostat commeune poignée de test pu une page~arrachés au carnet d'un reporter, constituaient uJtt~S~~J précieuseméthoded'information. On
s'em.~ryirap~u~
~êtreun-jour.Je m'étonne que'lea 'Japdnah,;qm-'n*o~
~point: Ia\tâM!e;~ Nàc~ar,maiéqui onont l'âoti
~vité.cérébrate,.n'en,aMht'pà~ fait usage -JS~N~,< parce que le moyé'nest:pr~titlpe`~qu'on'â~eutk~l~~
~nterdit'autte~ la c~oupAs~.
'i;' /¡
~'2 "r~aro t
~Ei';Yv~~E~ à~7y, ~`~
~,4_ y 1,~· r, j ~` s T r~Yi~~~kM '~ri ~g`
'·
LA ViG A` PAÂT,q~~ J'e ~` v
$86,
1Il~. s3~°
'Y':T'FC~r~Gorciion-Bennettd'emporter là-haut le moindrekodak, ~~i~de prendre, au-dessusdes villeset des forts, le moindre i sSclichéphotographique. ~S~
Un de mes lecteurs m'écrit tout justement à propos :i~de cette coursede ballons à travers les espaces
« Eh bien, monsieur, vous qui avez lancé dans la
circulation un mot dont la fortune a été rapide, un ~gmot adopté maintenant et courant, la «bougeotte »,
que dites-vous de cette folie de gens sérieux qui con- g~siste à braver le vent, la terre et la mer en montant en
ballon sans autre idée que d'aller le plus loinpossible? yLa voilà bien, cette fois, la «bougeotte)), et les con-
currents de l'étonnant steeple-chasede dimancheder-Sj
nier me paraissent avoirété atteints de la «bougeotte », Ê<~d'une« bougeotte)) spéciale,la «bougeotte x aérienne.
~N'est-ce pas bien votre avis? »
Non, certes,et il y avait un autre désirque celui de
$« bouger»dans l'attrait de cette course quasi fantas- i~J
SMttue
Je ne croispas que CesmiiMet ~tmiHMrsda curieux
gi~i s'entassaient sur ta placede !a Concordepour voir *S~~partir !es baHonsengagés se disaient que ces bulles
~'<t'air,parentes à ta bulle des chalumeau~ gonf)éepaLf)~g~les enfants, symbolisaient pourtant t'éteniene aspi-
S~&tMnde l'homme vers I'inûni,!ë besoind'aller ptus
~(&et ptus.haut,' de conquérir respace~aerien~ttprès~
~~Oir'A peu près-conquish''terre.Non, je:ne cro~
~Ne~8?badaNds-–etnôtez,qaeje: l~;bads,u.~eriè
ë'e~tnë~n~.de.mi-vortu~ ;–- :'apnge~ë~qu~~in~mttvi .dans;t~r~de ~t'Ë~eX~ ~5.
tt~nsi;'v.6r~rinconnu," dépensant,'coimm~ dit,`yur~a
''306~ t.A ~:t'E; A ~Ams.
c.ou"ageinutile,au moinsenapparence,maismarquantdans tes nuages un sillonnouveau, une étape en ~S
cette éternelle course à l'impossible ta direction des ?!$!aéronefs. ~8!
Ils n'y pensaient pas, les badauds, mais cet impos- {~sible, les concurrents tentaient de le braver, de te ~s~
dompter. Du moins quelques-uns d'entre eux en J~~avaient-ilsl'idée.
Impossible, ai-je dit. Voilà un mot à rayer du die-tionnaire. L'impossible de la veille est la réalité du
lendemain. Je regardais l'hélice de M.Santos-Dumont'
percer, tarauder en quelquesortel'air commeune vritte. sS
C'est peut-être cette machine, un jour, qui dépassera 4~l'Américain Lahm et ira tout droit plus loin que Scar-
borough. Qui sait? En attendant, le spectacle était, <~au simple point de vue pittoresque, admirable par ce
soir d'un féerique dimanche qui sera peut-être le Sdernier beau dimanche de la saison. J
Un ciel d'un bteu doux, unciel de Parme, celui du
Corrège les Champs-ËtyséesoriMés de soleil der-rière les grillesdestuileries, huit, dix, douze,quatorze, S<~seize battons qui oscillaient sous la brise légère, avec 3" Sdes balancements lourds d'ëtéphants, les uns brunscommedesjman'onsénormes,les autres jaunes commedes oranges ou des citrons gigantesques.La dépouittë~M,deCendrïllortdevatft la terrasse. Une féerie en pleinParis.
Et c'était un grand on, une clameur étonnée ët~~
joyeuse lorsque de cette foutepresée, tassée, partait~~,l;~s.~
'Fespèce'de~ahit.in8tmotMmontantver9;~,F;~`.~
qui, !&<haBt,prenaient congé, a~ ~Ÿ`4
.<" '~`
H:?, "?i:¡\tii)j!LAVIEA PARTS. '3~7"
allaient, au hasard, vers l'inconnu. On les suivait des
yeux. Ils étaient tout à l'heure des hommes dont on
eût pu reconnaître les visages. Ils devenaient'bientôt,
là-bas, au-dessus de la masse d'arbres des Champs-
Elysées, des points à demi noyés déjà dans la brume S
et qui diminuaient, diminuaient, disparaissaient, 3
tandis que s'élevait dans l'air, majestueusement, un
ballon nouveau, saluéd'une acclamationnouvelle.
Les curieux regardaient les numéros, là-haut,
interrogeaient leur journal « C'est un espagnolt
C'est un américain) Ah) 1 c'est un français 1Celui-là
est allemand) 1Et du ballon allemandse détachaient,se déroulaient des banderoles tricolores aux couleurs
allemandes, puis aux couleurs françaises,que la statue
ds Strasbourg, avec ses couronnes funèbres, regardaitflotter dans l'air et tomber dans la Seine.
Quelqu'un, à mes côtés, lorsqu'un ballon passaittout juste au-dessusde l'obélisque,disait en souriant S
~~Tiens, le vers de Musset1 »
Commeunpointsurunt.
Puis, le soleil couché, tous les ballons, tous les
«points » qui emportaient des hommes disparus à
l'horizon, elle s'écoula, cette foule, ayant purement et
S simplement assisté à un spectacle, comme lorsque, $"
~dans" mon enfance, 1'aéronaute Poitevin s'enlevait,
&l'Htppodrome, monté sur un cheval. Elle ne se disait
~pas que ce): voyageurs,dansleur nacelle,nerisquatient ~~M
~oint ~9eu~ementleur vie pourgagner une coupe ~Taei-
S~Miqtte; commesur un champ de courses ordmii&e;
~mats~qu~enréalité ils tentaient un effort nouveau; vorB~~
~M~AR!S~
"1le but ardemment, âprement poursuivipar un Renard
? hier, par d'autres aujourd'hui. Ce n'est pas unique-ment une gageureou un sport dont Paris a eu le diver-
tissement dimanche. C'est une expérience, et je vou-
EF drais que chacun des concurrents, depuis celui qui aatterri le premier jusqu'au vainqueur qui de la placede la Concordeest allé à Scarborough,rédigeât ses
impressions, donnât, heure par heure, le résultat deses observations, et nous aurionsainsi le plus curieux
et le plus original des volumes de voyages.
Voyages en ballon, non plus imaginaires commeceux de Jules Verne,voyages scientifiquementexacts,et qui par la variété des sensations, la diuérence des
tempéraments, constitueraient des documents très
précieux, à mon avis, pour l'histoire (encoreen marche)de i'aérostation et de la navigation aérienne.Peut-êtrece volume spécial ne se vendrait-il point commeun
roman de Willy,mais il me sembleque l'Aéro-Clubestassez riche pour payer une page de son histoire, et <
M. 'Qordon-Bennett pourrait s'offrir lé luxe d'un telt album.
Tout est dit maintenant. Il n'y a pas eu d'accident.Les aéronautes sont sains et saufs et le championd'Amérique est vainqueur:Il n'y a plus qu'àrecom-
~g mencer, et avec l'admirable obstination d'un Baltht~~
g~ zar C!aës, M. Santos-Dumont continue. Il me f<u~
~? t'eSet d'un de ces auteurs-dramatiques achaMësquj&entassent dans teura croira dès mahuscritaincôm-3~x
plots,des ébauches, du théâtre <<impMBibte)',commet
~~yje disaisraùtre jour, et qut, un beau soir,devant le public avec une œuvre achevée qui ëtonttes
i .T 'x ,"i;):)~WeJ
LA V!E A PAR!S. ""Sff~
et qu'on acclame. Cela dit pour ne découragerper- ~Nsonne, ni les chercheurs de ballons dirigeables, qui ;Ësont nombreux, ni les porteurs de manuscrits, qui sont
innombrables.
Et parmi les curiosités que mon humeur chercheuse
entasse unpeu au hasard, je trou'e un «billet d'entrée
pour voir le modèlede la machineaériennedes sieurs
Launay et Bienvenu ru" de Rohan, n° 18, aux
anciens Quinze-Vingts en 1784,'Ce Launay, natu- ';S
raliste, et ce Bienvenu, machinistephysicien, avaient r~
inventé « une machine avec laquelleun corps, contre
sa propre tendance, monte dans l'atmosphère avec
une vitesse qui égale le vol de l'oiseau et est suscep- $:tible de pouvoir être dirigée à la volonté de l'homme
sans lesecoursde la physique ni du ballon M.Santos- (~Dumont doit la connaître C'fst une espèced'aigle, de
vautour, d'oiseauRocdesJtftHeetuneNuits, quidéploieses ailea et porte son propre moteur. Je crois bien que
!'a~wte/inventée par Ponton d'Amécourtet le roman- S
~cier maritimeG. de La Landelle, et renouveléedu jeu~d'enfant nommésp~att/e, avait un aspect analogue,
cette <!&'<we/dont l'inventeur me disait «VousaMez S~~`voir commec'est simple et qui, au lieude monter au
~ptafond, m'alladroit dans la figureet faillitm'éborgner.S –-Expérience manquée, je vais recommfencer, ;;i~~Ajoutait l'apôtre du «pluslourdquel'air ». "$~
'–Non, non, merci, mon'cher:LaLandëUë1 ''Q~
~Depuis ]a machMie~quelles PansMns'de,1784 pou-
raient ëxamineif.rue''de~Rphanjusqu'au cigare ~~du~f;M
E!iMwe~Renar<t'ete t à l'aéroplanede'M.'Sahtoa-Dum~
~t[~ë"<feMchefChe's,que'de veines/que "de substance'
~3t6. LAVtEAPARtS.
cérébrate dépe'nsée à ta poursuite de ce rêve Et o'e~
pourquoi, sous ta distraction spertive de cette oonrse
de ballons, it y avait une idée qui me hantait, qm~m'attirait l'appétit de partir avec ces touristes de: S~l'air et d'aller n'importe où, au gré du vent, par-desaus,ta mer, dans quelque coin nxe par te hasard, comme si
ta vie parisienne n'était pas aussi hasardeuse que I&
voyage aérien, et les contemporains coudoyés chaque
jour aussi légers que tes ballons 1
Et mon correspondant, en lisant ces lignes, m'aocu- '$~sera peut-être aussi d'avoir des symptômes de « bou-
geotte ')).
J'ai d'ailleurs, dans cette foule curieuse, noté des M
propos assez significatifs. Les femmes regardaient ces <~
buttes d'air avec ta visible tentation d'altor là-bas, sS
par-dessus les arbres des Champs-Etysees. Une autre
sorte d'hyatéhe le désir (les moulins étant banalises)
de jeter son bonnet par-dessus tes battons. S
Des philosophes pratiques échangeaient, au contraire,
des observations qui n'eussent déptu ni à Bouvard ni
à Pécuchet
–Tout de même, quand ia circulation, aérienne gIS
sera inventée, nous n'aurons plus du moins à craindre S~d'être écrasés'! 1
Cela dépend. I! y aura peut-être des a~o-aK~M$~
(eh charabia de l'avenir )) qui nous tomberont sur 1~crâne )1
– Oui, mais alors nous n'aurons pas à oraindMd&~
poussière t~'S~
Ija poussièret S'il est vrai, en eBet, qiMtea genneB~Mmorbides puttutent dans la poussière des chemmjt),
?. '4~s~LAiV'tE'À'PA~m. ,SN~
combien.de trillions, de quintiHionsde microbes les
voitures automobiles auront-eHcsmis en circulation
pendant ie dernier été 1 ~i~
( Les maisons de campagne qui montraient leurs ;?~façades et ouvraient leurs fenêtressurïesroutesauront
été enveloppéescommed'un nuage de poussière,et les
< plusacharnéspartiaansdetavulëgiaturesnngentàdeser-ter lesenvironsdeParis empuantispar les automobiles.
? Le peuple, si pittoresque en sesexpressions,dit vo-
g tontiers, non sans une certaine ironie méprisante, de
que!qu'un qui «fait des embarraso ~x~a? – En fait-elle,de la poussière1
j, L'expression s'applique d'ailleurs plus volontiers §~f, aux femmes.Faire de la poussière,c'est, pour Gavro- ,E$? che, insulter vaguement « aux honnêtes femmes qui
i~ vont à pied »,commedisait le philosophede comédie. S§« Elle fait sa poussière! x s'appliquait plus volontiers ~<ià Marcoqu'à MimiPinson. r
r
Le monden'a jamais plus « fait sa poussière »qu'en
~~ce temps de démocratie.La poussièrede l'automobile
est aussiparfoisde la poudre auxyeux. Un hommequi Sg~
SS P une automobile et « fait sa poussièrea tout
aussitôt un crédit qu'il n'obtiendrait pas s'il montait
~enfiacre.
.~S~~i;~ Mais la poussière finit par être aveuglante' et tes'Ë~
~~pauvres diables se demandentsi les faiseurs de pous-
~.K'siêre.neleur font pas avaler bien desbactéries ;'sibiën~R~ëS'is..me. demande'si, en triplant,'dëcupiant, oentù~Mi%
~p!ant '!à 'vitesse,la'cireulation terrienne,ptus .pratique
~qu& l'autre,: n'accélère~point' toutesne,P,I~P,t,JqJ,
la propagatitin de laphtisie. toute.soes"P,
ousslêà
~n~~~la~ropagation'deta'phtisie.
~j~j~ ~A~Vns.~A~P~1:~·;7~.
Problèmequi regarde les savants.
En cela, le bon bourgeois parisien avait raison qui~~constatait qu'avec la navigation aérienneon n'aurait~ M
plus à craindre la poussière. 3~– Pardon, monsieur,répondrait un Barbey d'Aure-
villy, il y aurait encoreà redouter la poussièred'astres)
~$~
XXVI ~S~
Unspectapteparisien. Lesticketsdesjoueursauxcourses.– S~'SPhysionomiesdeparieurs. L'émeutedé Longchamp.–Votes!–Trahis)–Laguerre.–Unsous-marinengtouti.– t~Jules,Verne. Martyrsde la paix,hérosdela guerre. Unsuicide. Amoursdethéâtre. AuConservatoire.Lerêve
H et lavie.–L'opiniondeBrichanteau. $S
19Octobre.
~Devant le grand portail d'une haute maison, dans
rue luxueuse,j'aperçois, en merendant au théâtre, fiS
Mdernieraprès-midi, une foule pressée que surveit-
S~~Bntetcontiennentdesgardiensdelapaix. Qu'est cela?
N~~Ya-t-Htciun accidentou uu meurtre? La foule a l'air ~M
~~M avoir hâte d'arriver jusqu'au seuil
K~S~togis ouvert. Je m'approche. Un curieux veut tout
~i~~otr, même en hâte. Unepancarte Manchetracée à !a S,~)ntain engrosseslettres me renseigne,bienvite sunoequi
~M~~passo « Z,M<tete~de ~.eoHMe?" Mro~<payA!<!<!
~eMre <j'H<!<reheures. ')C'est.une agence.de'~paris, :M
rembourse les mises de~'cettefameuse çout~~ë.
~ongcha!)tp dpnt.'Ie résultat'fut une émeute.
~Etje~m'approche~de-ces~geM~qui~nt~a.~qu~
~oir~omme,,pOHà uüe repréaentation,
t~,q~C)I)D\D\eÍ;o:~r'!l88istel'àunê~Pl'?se~taÍil)*
SS$~tu6s',de!a~ComédM'so~~ du Théât~e
~MaM~combieN..I' 'k~k~
~)~rentë/LIot~!ës'vMage~~o~
314 LAVtEAPARtS. ~e
Il y a chez ceux qui attendent le remboursement de t~leurs tickets comme de la colère concentrée. Des ou– ??vriers, des ouvrières, tout un petit monde de pauvresgens ayant dimanche parié sur un cheval comme ilseussent mis autrefois sur un quine à la loterie. Ilssont blêmespour la plupart, avec des yeux ardents etdes paroles de violence. Des employés en redingote~S~
râpée se mêlent à de vieilles femmesen cheveux,des i ?
portières de faubourg, des mtdheuroux qui tiennentleur papier à la main, te serrant entre les deux doigtscomme un billet de banque. Et des récriminations-
partent de ceslèvres crispées.«On voulait nousvoleri~~On nous a votes) ))Lejoueur qui perd sa misedevient aSinstantanément furieux. Bans un oercte, s'il s'y g~e~un tricheur, les doigts se font férocespour le saisif <mooUetet l'étrangler. ïl n'y a: plus de mondains ià S~bête humaine est déchaînée.Ainsi, sur le <~Mtmp d~courses. lorsque la foule soupçonnequ'on a~aitsaate~la,coupe ellesetue sur l'alcool desbuilotset te petrob $Sdes automobilespom'mettre te feu aux baraquememtxi.
Le joueur, le parieur hurlent « On nous vote 1 ,rtcomme le soldat repoussé crie « On nous trat~tLe vent du soupçon souNte~tusmviolent que cehmdela déroute, et l'on se jette sur la caissedu pari mututtË~~commeondéfoncerait'rageuseme~tetirMt<tu<Mow!ieB~~Et ce n'étaient pas des apachesqaia~tionnm~M])'le -trottoir;de.tai rue en'attendaht.'ta.'Mmbeumemen~~
d&~urs.tickets.pnoo!'e;Mae:.foM,dea..tetesttemMi~traYaittetms,
dès-faces! p&tes'd'oa?rieM'~y~c~~&OM,t:.de~papier,es~j~ ~Nw-ji(N~ne.'Toute.ene'pop)ia~~.tiQ&\de/pauvMt~he~s~~dB!~M~aueurs''p'<q~ ~h~
~&~sLA VM A' p~tttS. .*3!tS~
cheval qui court, là-bas, peut donner, s'il arrive au
poteau, dixfois,vingt fois ce qu'on a missur son,nom
tout degainjd'un moisentier, une petite sommeqaiest une fortune. Le rêve 1
Rien de plus triste que ce défiléde petites gens que
je cohtemplais là, la tête basse et commedéçus. Eh 1
oui, on leur remboursait leur argent. Mais qui leur
rembourserait leur espoir? Cette course, qui ne comp-tait pas, c'était précisémentceltequi devait leur assurer
!e gain voulu, le gain souhaité, le gain certainl Ah 1
s'il n'y avait pas eu de tripotages, un "coup de Jar-
nac t disait un maigre petit homme lettré. Je voyais
!à un échantillonde toute cette population qui se pré-cipite versles champsde coursescommete dipsomane
chez ie marchand de vin. La pelousea son alcoolisme.
Ces hâves travailleurs perdaient leur journée à venir
;!&faire queuepour récupérer l'argent qu'il eussentphis
jurement sans doute perdu dimanche. Et ces exem-
< ptaires de parieurs acharnés m'apparaissaient, avec
leurs yeux aHumésde violence,commedes fanatiques
<!u,pan,d'impénitentsamoureux du hasard. Quelques-
;:)tnes deces pauvresifemmesaux jupes étiméos,faisant
la queue pour « rentrer dans leur argent )), merappe-
~îaient, sousleurscapelines de laine, !es Parisiennesdu
~temps du aiégestationnant sur ? trottoir à la porte
~ef boucheries pour avoir de la viande de cheval
gfte chevalqui ne courait plus. Mais les aïeulesétaient
~r~queal
~~3<HNJbiënd'argent draine au petit peuple ce jeuv
~e~t~u dont iles bookmtdœrs sont les meneurs? Le
~~ccara n'est tien, comparé &cette immense pMtie
3't6". 'LAVtE.pA'Rt's~
éternelle, jouéeçà et là, à travers lemonde.Lespauvresgensregardaient, devant moi,de leurs yeuxvagues, iea'~J~tickets inutiles, commePerrette contemple son pot au~B
'Mlait renversé.
Adieu,veau,vache,cochon,couvéet.`
Adieu, tout ce qui représente le gain d'une course,le cheval favori, !e rêve qui flotte, là-bas, dans !a.
tunique de soie claire du jockey 1 ~SUne femme qui montrait son ticket à un vieux
monsieur décoré,l'air de quelque onicierretraité, très!
pauvre, se rebiffait avec violenceparce que le vieiUardlui disait 'S
Madame,vous n'avez rien à réclamer. Ni,Par exemple Et pourquoi? ~~tParce que votre ticket est celuid'une coursequi
a été normalement courue. ~~S– Comment cela? .S
– Voyez votre numéro. On ne rembourse pas cenuméro-là?
On ne rembourse pas 1 Ah1 nousallons voirça tOn ne rembourse pas 1 On doit tout rembouMert'On a volé) On a volé tout le monde1 ~~M
Elle était tout à l'heure une bonne femmeP~tiente,marquant !e pas, avançant lentement, son ticket ~Hpapier à la main, et maintenant elle devenait unë'mégère que les agents ne pouvaient calmer exatte~Melle ne
comprenaitpas qu'on ne rehdtt point !'aFg~versé à tout le monde. L'argent, te grandmot6Mr;monde, poussait l'ignorante impulsive &desvioleRCi~
~~langagequi.'pour unpeu, fuMeMdeyeauM.des.
'Â~tE 'A'R!S~S~'N
~'a?~
–On me rendra mon argent, puisqu'on rend bien S~ hcelui des autres 1 Monargent Monargent 1
Etc'était,danscetteruedeParisetdanscettefoute,
rappel désespéré d'Harpagondépouilléde sa cassette i
« Rends-moimon argent, coquin!Ceux-là mêmes, dans le groupe, qui voyaient c!ai-
rement que cette femmen'avait rien à réclamerpour;? unticket périmé, une course courue, les autres récla-
mants disaient:
– E!!e a raison1 Ondoit restituer)1 Toutrestituer 1
J'avoueque le spectacle étaitassez
triste et que la~moralité des gageuressur le galop des chevaux m'ap-
;? paraissait enveloppéed'une certainemélancoliedevant QJ
ces gens aux vêtements très pauvres et aux facesmala-
dives qui, ouvriers, artisans, petits employés, bour-
Sr geois dans la gêne, modistes ou couturières, valets de
~iChambre du quartier ou prolétaires des faubourgs,
~ëtaient tous– tous dans des conditions diuérentes
~§– ces jouets du hasard qu'on nomme des joueurs,
~~squànt le gain de la semaine èt le pain du jour sur
~catte toque rose ou bleue qui passe là-bas et porte la
S~déception ou la fortune. Quellefortune)1
Et je m'expliquais très bien la révoltante scène de S~
~idimanche, le piUage,t'incendie, te « défoncage des
~~isaés~du pari .mutuel avec l'argent routanteà te.rre'
g~t.tea :bil!ets de banque-agités en:t'air, spectacle pitto-
S~fesque.et répugnant~qùime fait-songer,au CoM~
~et''&'t'attaque.~ l'ar~e~t
~eti;'question, 1a~ br~lifë~~tnaine~est~d~a~ée~i!
~faut/ni:montrer..Ie''8àng~aux.fauveSfnit~ ,t 1~
~i~vtttsés.Et; j'avoue ~ue~ 9UN',ea(~ante,~pour~.o~
~gMi~ m!Vt.EA'PAXi'!8.
Paris, viHe policée,que le lord-maire n'ait pas~assisté aS~à cette échauitourée.11eût rapporté de la douceur de
moeurs des Parisiens une idée singulière.Fausse d'ail- ~~Xleurs. Et au surplus, la foule est partout la fouledemandez à M. Sighele. Les meetings de Hyde parkfinissent aussi assez souvent par des brisements de
grilles, et je me~rappelle une lettre deProsperMérimée ?$~à quelque inconnue où, vers 1866,se trouvant à Lon-dres avec son ami Panizzi, il écrit précisémentqu'it à .S '``vu la foule, f~emob,briser en quelquesminutes et avec $~~une joie parfaite les grilles pourtant solides de Hydepark. Je dois noter qu'il ajoute « J'ai remarqué~d'ailleurs que parmi lesémeutiers il y avait beaucoup'de Français. ')) ~'`~~
rp.Il est possible,il est probablequeparmi les révottee â
qui, avecles liqueurs du restaurant Rouzé peut-être, ~°A
faisaient un punch des baraquements du pari mutuel, $~~N y eut un certain nombred'Anglais. Il y. avaitde toutun peu assurément. Et G'est~aimique l'on. peut dire'que les parieurs et les briseurs de b,arfiéressont Ubm-échattgisteset que la cotefedes joueurs déçus est ëp4 S~démiqueetintemationaÏe.' 'S
Mais sir Walter ~emghan Morgan et.nos hôtes .ont~pu voir '.unParis, très différent 'du Paris ~aiMéde, di~
hanche,.et je'n'en-Kuis.pomt'fâchépburt'bonneur'.deS~
Parisiens~. ~8~~Là semaine aura d'aiHeurs'été;dramatique. La cats(y
'Btr6ph3.d'EperHon~ia disparition du' f.tt~~&.Biae~..–te. LtttM.après..!e .F(~–9ont'.de,tMgnant<t~épreuves qui femetteNt'aUtSecond.plan.:touteB~M:p!')~
~cupations'indiVtdueMeB.~ n~lrne'
X.tE, '~tp~i~
a tme sorte de comédieprête à tourner au tragique,
an steeple-chasedu général Outcha~ofet ducapitaine r;
Easipof, et je ne suispas biencertain qu'il ne se trouve
point des parieurs pour engager des sommes aur le
capitaine ou sur le générât commesur MonsieurPer-
ncbon «Il le rejoindra II ne le rejoindra pas) It est :s,
Paris) I! n'est plus à Paris)"C'est la coursedu ;&`'
Brésiliende l'opérette poursuivant la gantière jusqu'au ` a:
pôle. Mais l'opérette peut devenirsinistre et les ga-
geuressurlerésuttatde lacoursesemblantternblement
tugabres.La lutte des sauveteurs contre la mer, la recherche
angoissante du point précis où le Ln~Mest englouti, ?
rajudété de tout un peuple à l'idée que de malheurMtx
manns sont enfermésau fond de l'eau dans uneprison J~
de métal, ce drame sinistre étreint les cœurs et fait
passer dansles imaginationades visions d'épouvanté. ?;
~~Oncélèbre ce soir même, au Ch&tetet,la mémoirede â
i~Mes Verne, et lescomédiensjouent MtcAe!~<rogo~au
~~éne&cc de la statue qu'an Mdoit étever à Amiens.
~'est Veme qui eut la conception première de cette
~a~igation sous-marine et ût à ses hérosfaire <vingt
~miHe Ueuessousies mers L'hommeesttoutfier–et
~Ëaraison – lorsqu'i! a vaincules éléments,pénétréies
~~t'ofondeurs~ arraché à rineonn~'s~m.'sedret.~t.ise.ifait'
~BMiltreide là nature. It:Jaaoan~voIonté.
M3<)imime.'Toùt.a'.coupeUe'se~vengë.. EUeMvenge~parj?}~~~t!asaTd,ar~'i)~Eévu~ap::oe~ aote\lrl1l~qi.é:qm-:
~iMSqaemettt~'tait '<on appariMor~'dans..te-dMme'~iM-}'
~!n~acciSënt. ~r'
~~o~nyë~on::noM~o.;<~ n~me'temp~deB~
380'''LA'"V'!E"A'r'Ams.
risques nouveaux, tout progrès apporte avec soi des'
dangers, comme toute montée vers le bien-être con-~S~corde avec de nouveaux besoins.Le monde futur, tel
que le peint un Wellsen ses prophéties, sera seméde
périls commele ciel est semé d'étoiles. L'homme v&at) fnnd ~u gouffre.Il a le sous-marin,qui s'agite et vaet marchedansl'eau glauque– et legouffre le saisit et râle garde. Nos pauvres marins Ils seront sauvés peut-être. Ce soir, quand paraîtront ces lignes, puissequelque dépêcheheureusenous rassurer sur leur sort
Mais qu'est-ce que la guerre, qui fait, en temps de ~Spaix, des victimes quand même? Artilleurs tués auxexercices à feu par l'éclatement de quelque obus, $~matelots prisdansla vase, au fondde la mer, et voyant slentement venir l'agonie. On ne saurait songersans un S~
1`
frisson d'horreur à ces drames qui se peuvent renou-veler chaque jour, qui sont les aléas quotidiens dela vie.
Ainsi est compliquéeet bourréede périls notre exis-'tence moderne,et à moinsde la simplifierau point de8 ~``
revenir aux quiétudes des peuples pasteurs, il faut ~$~bien accepter les effroyableset multiples dangers qui
e,
sont la rançon même du progrès.Les pasteurs, au sur-
plus, avaient à redouter les bêtes fauves, et toutecréature vivante a"que!qu'unà redouter aussiouquelquechose. Lalutte p~ur la vie, jamais déftmtionne fùt~~plus juste.
Mais.ilest des épreuvesquisont plus atroces que !eS"~Bautres. Et le drame du Z,K<Mt,comme celui du ~'s~~fadet est de celles-là.Fe/a<~<lLH<MJNoms joyeu~~alertes, ailés ) Ils n'auront pas porté bonheur auKSou9-S~~
~s~p~a,a;y
LA VLB A~'BA.RtS.~S~S~~
.'––marina ainsi baptisés. Encore une fois, tout espoirn'est point perdu et les braves gens dont on nous adonné les noms seront peut-être arrachés à cette mer
qui les étouné.
Tout ce qui se passe autour de nousest, à mon avis,
peu de chose,comparéà cette scèneatroce, qui se jouedans les profondeurs de l'eau, là-bas, depuis vingt-
quatre mortellesheures.
Saluons-les,ces martyrs de la paix, aussi glorieuxque les héros de la guerre~
Et voici que lesexamensdu Conservatoirevont s'ou- $vrir précisément sur un drame. Oh 1 undrame beau-
coup plus simpleque la tragédie de Bizerte.Un drame
d'amour. H manquera dans une classe du faubourg S
Poissonnière un jeune artiste dont je ne sais pas le
nom, et qui a vouluse tuer, me dit-on, par amour'pourune camarade.Lefait est assezfréquent,chosecurieuse,dans ce milieude rêve où les nervosités plus surexci-
Messe heurtent à des réalités qui semblent plus dou-
loureuses,plus injustes. S
Je sais unecharmante femme,aujourd'hui souriante i!
et fort peumélancolique,qui manqua un jour à l'appelde son nom, faubourg Poissonnière. ~N
Mlle est-elle souffrante? demanda le direc-
teur au professeur.Elle s'était tiré un coup de revolver au-dessousdu
coeur et eUe était en péril de mort. Elle aimait un
cojmëd!onet elie ne pouvait vivre à l'idée qu'elle n'en ~s
était pas aimée. De bonne foi elle voulait mourir, ett $~son revolver en était la preuve. Àujpurd'tlui/sou~
linéique costumedosoubrette, se souvient-eHejamais
ql,(' .e"1{.
3S~ LÀ.'VM'À:'P,~<t<S..
qu'elle a joué ledrameau naturel? Je ne le crois.guère.Si le malheureuxqui a voulumourir.revient à la vie,
il estprobahte qu'il souriraplus tard à cette idée qu'ila pris au sérieux le rôle de Werther. Ons'imagine q<Mles comédiens jouent éternellement la comédie. <s
aiment, ils souffrent, ils pleurent comme les auttM,derrière les toiles peintes. Les phrases amoureuses '~SS
qu'ils débitent sur les planches ne leur sumsent pm. s~Cesphrasesmêmes traduisent plus d'une fois les aen- B~timents intimes qu'ils éprouvent.
Je ne sais pas ce qui a poussé ce jeune éiève à enfinirà vingt ans avecune existencequi devait pourtant ~Xlui sourire, mais je suis certain qu'il a dû, avantd'es-
aayer de mourir, murmurer quelquesvers désolés de $~
poètes ou quelque déclaration d'amour empruntée S~au répertoire deseunes premieM
Sivouscroyezquejevaisdire ;3~'Qui'j'ose.aime!i'~
Les amours de théâtre somtdes amours comme!M/~autres, mais une sorte de poésieencoretes enveloppe,comme du renet de la rampe. Quoide plus attendris-sant que la demièrelettre de cette enfant – une aotnce %$&de vingt ans, abandonnée par un séducteur –
e~disant «.Je suis indigne dos miens, je ne veux pas ~Wtomber plusbas, je mesupprime. »Appétit–ou habi-tude – du dénouement théâtrat tragique, qui reB~semble d'amours singulièrement à ce morbide entrât~nement versle suicide, vers le meurtre aussi, qui sévitS Lsur la femmerusse.
Le jeunehomme quia voulu mpurir a pris au~ënèut~ gce
quin'estqùepassager,et i: ansqué, dotthë saviepeut~
LA V!E A pÀRÏS.'3S3~
être pourunesouffrancedont la guérisonestfaoHe.Mais
qui disait donc que l'amour et le roman d'amour sont Mmorts en cemonde? Ils sont encoresi vivants, au con-
traire, qu'on en meurt et qu'on en meurt mêmeau 3
théâtre, même en ce Conservatoireoù toutes les espé-rahces printanières s'agitent, battant des ailes commedes oiseléts dans une volière. ?
– Eh bien, mais, me disait hier mon vieu a.miBri-
chanteau, il ne me déplaît pas qu'on se tue, de tempsà autre, pour une femme, surtout lorsqu'après tout il
N'y a pas mort d~homme.C'est vioux jeu,, mais c'est
romantique t Et par là, cela ne me déptait pas, quoi-que ce soit souverainement ridicule. Mais bah moiaussi j'ai voulu mourir pour une camarade, et vous
voyez que je meporte assez bien. Si notre Werther en
réchappe, il jouer&peut-êtreiespères nobles ptus tard t« A propos, ajouta monvieux comédien, il faudra
'que je vousparle si t'on;remet sur Ictapia iaquestionde ~avou'si les comédiens sont des artistes indépen-
~dSataoudes salariés. Toute peine évidemmentmente
cataire et toNSlescitoyens, du pfemierau dernter.aont §]
~<tMSatanés, sauf RothachiMpeMtTêtr&!Maisje vous
awo~eque le mot ma chaque. Bohème,at~i~, cahotaétire eMa~et faiot, tan~qMe'vous~v~oudrMt,mais ubte
;du moins, éperdument Mbrede m&sealpi<tataisie')
~jS~BHNdM;e.a~ tEdipesalarié'1.I,,e ~d~aala
~.t'E'est~eut.~ja~rogrè~vO~st'peù~
~eM~ê~ë;~t.aw~~ h.~?a~~do~~j~uo&M~ a~
~lî~~M~~s<m'~ih~~tm,.ot,
~a~iL<iisp)M~o!
XXVH
Lesauteursd'~rt'ane.–CommentMassenettravaiMe.–Une?collaborationpartéléphone.– ArmandSiivestro.– 7i'<onM.– '?Lesstatues.– Lemauvaistemps.– SouvenirsdeGrM<Mt<!n.–Ca&o<tM/dePaiUeron.–CommentGiocondafutacoueiitieà Païenne.–Auteurssimës.–Uneinauguration.–Angeto~Marianietles&w. à~a<~mone~~air<et.– Deuxpotytech-?!niciens.CommentCarnotdécoraSiivestre. ??
26Octobre.Je nesaispascommentcepoètehorsdepairqui ~Ë
trouveiemoyend'êtreacclamedeuxfoisdans!amêmejournée– devantlebusted'unamimortetsurla scènedel'Opéra,te soir–etqui,aubesoin,ensor-tantd'unerépétitionde!eFterge<~p~,eût parfai-tementpusedonnerte plaisird'écrire,tandisqu'on<t'applaudissait,quelqueétincetantfeuilletonsur te K~vaudevillequ'onjouaità!amêmeheure,je nesaispas commentM.CatulleMondesa collaboréavec1~M.J. Massenetpourarriver t'œuvreadmirablequeM.Gailharddonnaithier..
Cequeje sais,c'estquejeneconnaispasau mondeM~unartistequisoit,p!usquelegrandmastcien,extrao'dmairëmëht''précis,,iàborteux~'maitre.'de' son'~emp~Mcommeill'estdeMnart 1J'aieu!ajoie profonded'une~~coHàbQration.avec'!ui.J'admiraM~~Masse'tet':pou~ee~~ggéniequ'il prodiguedepuis.sa'jeuneMe,
~––B~S~AV!EAPARtS. '386~S~
-M'
x
jeune et inspiré. Je ne connaissaispas l'extraordinaire
~Si puissancede labeur et l'activité prodigieusede cecréa- ;i
~teurinfatigaMe..
~j~S D'un sujet que je lui avais contéil s'était épris et me
demanda un rendez-vous pour en causer. Il arrive,
bouillant, vibrant, charmant..
~~f~ – Voità ce que c'est l'aventure d'un homme qui
S~ passe son temps à jouer de la flûte pendant la Révo-
!ution. On se proscrit, on s'égorge il joue de la flûte.
~;S Robespierre triomphe, Robespierretombe il joue de ?
la flûte. Au 31 mai, au 9 thermidor, toujours il joue, le s
bonhomme, il joue de la flûte. Et je vous passe le
roman qui deviendrait le poème – le titre serait le
Menuetde M..Mttc/te.
Massenet écoutait; son œi!, commesondant l'inté-
S~ rieur d'un théâtre, voyait s'agiter les personnages
~$ toute sa belle physionomie, rieuse d'ordinaire, deve-
~~nMt pensive avecune expressionardemment attentive.
Non, non, le sujet serait trop petit; Lemenuet ne
~S;~ contiendrait pas seul le drame d'amour que je rêve.
~~? Votre Piuche serait un bon rote pour Coquelin.Mais
~M je veux, c'est un type de femme.Une~emme,
jg~~L~kmm~nouscherchons.L'inspiré devient inspirateur.
~fJEn'.causant, j'ébauche un plan. Je raconte.
~SonoeHnamboie.~r~–G'est~cela Ah .oui,, cette~fois,~ç'est,.cet~ Ëh, ;tS~S
mettez-vous&t'œuvre, et envoyez-ntoi:'te Mvret. 'N.,Te pars.Jô vais àlacalDpagn.e.je'l'ern.porter~i, et.
~j~ais:bien'vous étonner– 'voua/neme -verrez,p!us~ ;$~~
~vousen'donnëmaptrble.
~386'
1
LAVTEAPAtttS.<
–J'enseraisdésolé.
– Non, non, vous ne me reverrez que lorsque ma
partition sera finie. D'ici là, je vous laisse à vos occu-
pations. Trouvezle temps de jeter sur le papier ce quevous m'avez dit. Moi, je vous le répète, je disparais tNous ne nous reverrons plus 1
Cela a l'air l'incroyable mais nous n'avons colla-
boré, le maître musicien et moi, que par le téléphone.Un changement de mots, une modificationde phrasecoupde téléphone.
Allô, allô1 Je travaille. Maisvoilà tenez-vousàtelle ou telle expression?
Dutout.
Par quoi pourrait-on la remplacer? Allô 1Vousm'entendez?P
Oui. Par tels mots.
Parfait. Merci. Je continue.
Le récepteur unefois raccroché,chacun retournait àses affaires.
– Il faudrait un chœur de soldats, redisait le télé- y
phone une autre fois. Unechose très courte–Bien. Je vous l'envoiepar la poste.Et te téléphonede reprendre lesoir même, quelques,
heuresaprèsJ'ai reçu la chose.Merci.
–Est-cebienletonvoùlu?– Absolument.Et le chœurest déjà composé.
.–En vérité? .M
'–Envénté;
3ans la névrë de la composition, t'entraimèmeatde~
songipheuxiabeur, rien n'atcetet'autèurd~
LAVIE'APARtS. '33'7l;$~
.i' est tout à son œuvre. Il est levé dès t'aube. Sescoupsde sonnette téléphonique m'éveillaient parfois le ~$~
&~ matin.IR. "8~0 vous dont le travail est joie, vous comprendrezla ~s~
volupté de créer qui s'empare d'un tel artiste. Mais .?§i~ jamais je n'ai misux compris qu'en cette étonnante ~S? collaboration par le téiëphone, à la minute précise,
sans phrases, sans prolégomènes, chaque questiop ?$
g allant au but, chaque communication étant utilisée :.$~sans perte d'un instant, non, jamais je n'ai mieuxcom- ~SJj
~j pris le mot superbe de Gounod «Le génie, c'est un
torrent mais avec des quais. » '§~Et les quais des quais de marbre peuplés de sta-
tues féminines Thaïs, Esclarmonde,Manon, Ariane, G
Mane-Magdeteine–enserrent ici un torrent dontl'eau, i~;`'
pure comme de l'eau de source, chante une immor-
teMechanson qui charme nos douleurs, célèbre nos
&? tendreasea, berce nos rêves, te rêve humain,le rêve i'~
~$~ divin, la Femme, l'Amour, et donneune douceur con- 4!~
~~solatnce. aux larmes'qu*eHefait'coûter.' ~S~
C'esten~e.voyant~àl'œuyre.'que'j'ai~comptistGutce.ce
~qu'H y avait en Massonet'-d'énergie,de. jeunesse et, ,S~
~ë~eMcoM une fois,.de précision.'Le mot du bohème.de ~t
~MMrger Il y a desannées où.fon.n'est paa.entram
~est.rexoùse'des paresseux, pour:ne~pas.diredesimpu)8-
~aBts..I/inspiration n'est pas une mattresse fantaisiste
~qù'on attend~quàndeite Teut bien: vous àccorder~quet-
~(tMes.h.eures :de'' sontemps;c'est:une .cQmpagne'dé, k~
~chaqùa'.jOMrqùi~s'assied à' ia. tabtë. de: trayaN-.o~mmBau~
~yer'd'hàbitude. 'Vi.ctor,ÎÏu'g6s6 ievait.'pour 'écrire.g~
~ebout'.dés'!e6h matin, da~ Gurnese S~n,y3
~3~ ~LA'vtE'A'PA~.tS.
comme dans son petit logisde la rue Pigalle ou son
cabinet de l'avenue d'Eylau.L'idée ne vient que quand elle sait qu'on peut
nous trouver, disait-il.
EUesait, avec Massenet, qu'on trouve toujours à sa '~g~table, près de son piano, ce grand travailleur qui a ~~j
gardé la vaillancede sesvingt ans. La Musen'aimepasles absents. Et combien.devrais artistes, musiciensou
poètes, ont manquéleur vie parce qu'il n'y avait pas do 'S<~quais au torrent et parce que la Museen question et
l'Occasion,les venant visiter et ne les trouvant pas au $'Si
logis, au studio,ont laissé leur carte en inscrivant les
trois lettres tristes commeun De prolundis P.. P.C. J~Nous avions jadis, avec Massenot, Georges Gain,
Armand Silvestreet moi, collaboréà un livre fraternel
dont Silvestre avait écrit le texte, GeorgesCain com-
posé les illustrations et Massenet la musique, moi me
contentant d'une de cespréfacesqu'on me demandeet
qu'on me reprochetour à tour. C'était Floréal,et je ne
me doutais guèreque j'aurais le plaisir de devenir ptua~~étroitement le collaborateur du maître musicienet que
j'aurais à donnerlesalut d'adieu au poète, solide,rieur,bâti à chauxet à sable, tel queFont sculpté tour à tour!AntoninMercié et ThéodoreRivière. ~8~
Il a bien faitu, le bon et très aimé Silvestre, ayoi~~pour l'inauguration de son monumentnon pas le sq!6M$~qu'il aimait commetous les méndionauxet aussHes~~gens du Nord mais le temps maussadeet bruntëtm. t
la Toussaint. 'S
Lefroi'ddetoup,te.tethps.de.ehien.
~~i~r~o7ia §~n y,l4.s i t
LA VI~e1 PA'~il~$.?
f h ç ~sst''
'4
,y~z,
a
s ~`~'
~h
.1,~i
28 45~t~t_a
3
~dont parlait Musset. Il faut aux poètes cependant, &N!8~' eHigie ouà leur tombeau, de la lumièreet desrosés. J~~
Lesfeuilles rouiUéeset momUées,l'atmosphèregriseet
~t t spongieuse, l'horizott attristé ne conviennent guère à 4~
~K: cescérémonies.Le Balzac de Falguiére fut inauguré
par une journée de bise, et les assistants relevaient le
coltet de leur pardessus et eussent volontiers réclamé
S$ des braseros. Il devrait y avoir une saison pour
S~ les statues com:epour les débuts, une saison où, si
t'averse des discours est inévitable, on pourrait du t,
S~ moins éviter tes cataractes duciet.
Car dites-vous bien que tous les assistants de ces~
fêtes et mêmetous les orateurs ne sont point là pour
~t;! leur plaisir. Ils éprouvent une joiesincère;souvent pro- jS
'§ fonde, à honoreravecune piétéHua!eun grand homme,
~& .un compagnonde batMUeou un ami.Maisils songent, 3~
~g si la bise siNe ou si!a pluietombe, au vers de BoHëau 3~
Pourhonorerles mortsfontmourirlesvivants. ''tS~
~g~.j./JuIes Simon,,parcequ'H.était fort éloquent'et'.parce--S~
obligef, .usa~ainsi sa vie à'
~fendre hommageà aUtrui.'Et cequi.est ironique,.c'e&t {
~u'onl'accusait volontiers de~seprodiguer..Ma!ade,it;
~aHait,commeun sotdat.aufeu,.à~ces rëunions~qn'M'prë-
~8idatt.avec'unemaitnse'qu'on;soùhaiter~ et f~f
~g~.on.lw~faisatt 'Un~.grMf'de f ubiquité d&sM~ouement~~~ëtMt.~un devou-~ poup ce~ 'qùront~parIë~Më~~deS~~
~&~u~c&,qu~H% pensaient du~ d'or; èt laz
~omédM~anc~9e~ I'autourde
~M~dë~.S~<et,m~ deazf~
~iM'~dont'infot~R&~ un N
~330' t'A~ -VtE A PARUS
4'?
spécial. Armand SUvestre avait, avecM.~Eugène.
Morand, délicieusement rajeuni ia vieille et poétique 'i.~
légende de GriséHdis. II m'en avait !u !e premier acte,
qui était exquis, en me demandant s'H fallait continuer. S~
Certes. Et de cette collaboration des poètes dVj~M J$~
naquit une sorte de charmant « mystère où te DiaMë,
qui pourrait être ptusméphiatophétique, semble comme
évadé d'un conte jovial de ce bon et gai Silvestre.
Le dénouement de Cr~~M – les vers où !opetit
Loys remet au marquis et à GriséUdis réunis l'anneau
que lui a donné sainte Agaês– fut improvisé !e $~S
soir même de !a première représentation, avant que %§
Mlle Ludwig vtnt réciter !e prologue du Meneur de "M
''SU..'i~
? -– Peux-tu apprendre quatre vers et les dire tout à J~
t'heure ? demandaient les auteurs à ta petite Gaudy qui
'jou<dtLoys.
– Oui, répondit l'enfant.!SW
S On lui donna un de ces petits papiers qu'au théâtre ~S
.??'. 'onappetledes'ebéquets". Il. .S
?, –Étais-taMrh terre! t ~8!
Et Loys répondait:
S' Aucie),etmonreve<tait'denxt 1
~'T DieudetonParadietvttiteavtrUeivoHa!! f~
$~" Dantt'MBr. parmi tes étoitM.Dans l'uur, parmi lesétoiles,
J'at.trpuvé~cefanneMpo)tr'vOm.. ~S!
'I/ef[et.futconaidér~te.~C'était.rheure;-o'!Ï!es'dMn~
~eëugioux et !es.'mystérea;.etaient-&.ta mode, où~!e 'Ehnet~
~~t~<PP.~Msaitun.peu;;p~out.8ur'!aracène'et~
"/L'A V!E'A PAtttS. '?- ~?';S!SSË
vers au théâtre Libre, où M. Rostand écrivait !a ~<MKt-
n<<tMe, tandisque les auteurs de ~~MM eux-mêmes
portaient au Vaudeville des DromM <a<y& suite de
tableaux religieux accompagnés d'une musique de
Gounod et de M. Laurent Léon, l'excellent et modeste
directeur de l'orchestre à ta Comédie, dont Gounod lui-
même me disait
– Cette partition-là ferait !a réputation d'un recta-
mier 1
Puis ta vogue passa des pièces mystiques, et PaiHe-
ron se moqua dans Co&o~M~ des auteurs qui suivent
te vent. Son Larvejol, fauteur de Vierge e< ~Venne qui, ~ii
dan~ sa pièce B~cet~te, doit ennn révéler la formule du
théâtre nouveau, passait du réalisme au mysticisme
avec une facilité prestigieuse
–Ma pièce a eu un succès
– ~Meet~e? demande Pégomas. i~
–Non,~aw!e1 1
–Comment, ~OM<e?
–Oui, j'ai vu que !e public ne mordait plus aux
pièces raidbs; alors j'ai chan~ mon htsitd'épaule et,
tout on gardant mon sujet, je l'ai débaptisé, moyenâgé,
;mM en vers et transformé on mystère ~<Mn<e t
Je ne crois pas que PaiUerohetMi songé à SHvestre en &S
Msant, sur la scène, ta critique des drames sacrés. 1~
poète des ~t~M d'or eût été de taille à )ui répondre. La §~
;&ohhomieduToutousainn'at!aitpaa<Aeztuisan~nef-
~osité. L'insuccès -de. TrMhM~ Z~OHOM.l'avait 'fort'
~$eoM,:e~i!.y attachait une t&portance trop.~ande.I~-
~~Mut~'réeUement.et comme;d~n,<tm(M~
~T- Mon. ohep..amt, :me dMaitj un jour~Henn .Mei!hao,J;
LA VIE A TfARtS.`''
quand une de mespièces tombe, il est biencertain queje n'allume pas des feux de joie. Mais je me dis.que,
é`
quand cela arrive à un confrère,ce voisin-là n'en est
pas déshonoré.Et alors j'en prends mon parti et conti-
nue à me serrer la main à moi-même.
Les agences télégraphiques, qui transmettent avec
autant de soin les nouvelles des théâtres que les ren-
seignementssur l'anarchie auMarocou les attentats en
Russie, nous ont appris que la dernière tragédie de
M.Gabrieie d'Annunzioétait tombéeà Rome.Croyez-vous que d'Annunzio soit diminué parce qu'il a été
sifflé?
Je l'ai préciaémententendu situer et acclamer tout ï
à la fois, le mêmesoir, à Paterme, quand il donna auxSiciliens la première représentation de <?Mco~a, que 1~MmeSuzanneDesprésvient de jouer à Paris. §
KNuovissima disait t'amche. S
J'ai là le programmeencore.
Nùovissima, ta pièce inédite, admirablement jouée
par EleonoraDuseet Ermete Novelli,fut étrangementballottée. Dansles loges, les belles Siciliennesapptaa- %i'
dissaient, rappelaient la Duse, réclamaient 1'auteuf~d'acte en acte. Lespetites places,au contraire,siMtaient~joutrageusement. Et côndutt par Duse, l'auteur n'en~!a},
apparaissait pas moinssur, là scène,une fois,deux foM~
plusieurs fois, saluant, s'inclinant, couvert de brav~~par les uns, de huées par tes autres. Une tempête où~dans ta bourrasque, tombaient des nëurs. ';`
Je crois bien qu'en Sn de compte tes étudtants'gPalerme-brisèrent un peu tes vitres du théâtre. Mat~c'est ta vie artMtiCfueenÏtatie onprotesta,on accitu)!
LA~AHM~ 9~$– .f;
on a névre.D'Annunziopeut se montrer dans.cette. `~'
auréole mi-partie de colère et d'amour, et il ne s'en
trouve pas diminué. Il peut être situa en personne, t~comme à Palerme ce soir-là. Il sera « ovationné
ailleurs. Chaque ville d'Italie a son humeur spéciaie,son jugement propre, et telle œuvre qui tombe à Rome
se relève à Florence ou à Naples. Autant de cités, 'sjautant de publics divers, autant de premières. S
– !t y a des «rattrapages »,dirait un boulevardier.
Il y a aussi des dangers, puisque la pièce applaudieici peut être durement secouéeailleurs.Au total, ces
cours de cassationartistiques ne sont pas sans intérêt $?
pour l'art. Et un auteur commeGabrieled'Annunzio,
qui se moqued'avoir des ennemis,peut dédier dans sa
superbe son œuvre aux chiens de. qui aboyèrentcontre cette tragédie ». §
Très sincèrement j'oublie le nom de la ville dont
d'Annunzio compara les habitants à des chiens. Il
répondait par une insolenceAleurs morsures et passason chemin.Et cette dédicaceëutrageante ne lui sus- SS
citapas plus d'adversaires qu'il n'en avait auparavant.Je crois qu'il faut faire ce qu'on doit faire et se (~
moquer des clameurs, comme on doit, à l'occasion,
des sots qui sont nombreuxet mêmedes méchants
qui ne sont pas légion. Mais le nfe ne consolait pas,'plus Silvestreà Paris qu'il n'aura consoled'Annutizioa
Rome. ~S~§S Quant à la température de ce jour d'inaugura~îo~ ;4
~SHYestre'lui-Mêmeracontait \&'ses~amis"u&?souve]M~
~~yoyagequi peut'êtrë !a,pbi}osophie,de'!a~):~urnëe~et;~
~%6me'ceHêd!9!a,vie~ -S~~M
i.. 334.. LAVtFAPARtS.
I! faisait desconférencesen Belgique.Un brave gar-
çon, qui l'admirait fort, s'était constitué son guide et
ne le quittait pas d'une semelle. ''i~Irez-vous au musée, mon cher ma!tre? J'y vais
avec vous. Vous voulez aller saluer Constantin Meu-
nier dans son atelier? Je vous accompagne. ~ËSilvestre subissait sans souiHermot ce compagnon
d'ailleurs dévoué. A un moment donné, le temps se ~j~mit à la pluie, et Silvestre, pour dire quelque chose,
prononça tristement:
Quelsaletemps 1
Alors, avec un conciliant sourire, le bon guiderépon-dit philosophiquement. S~
Cetavaut encoremieuxquepas de temps du tout!1
Et il m'a sembléhier que le souriredupoète, exprimé-
par Antonin Mercié, soulignait ce souvenir qui eût S~amené chezEmestjtenan un hochementde tête appro-
:batif.
Soyons juste d'aiHeura.Leciels'était éc!airci,!atem- US
pérature adoucie, et tandis que MmeSéverinesaluait S~avec un charme de parole vraiment exquia le poète au t~~nomdes femmeset queMme Bartet disait, avec M.Sil-
vain, desvers de Silvestre, puis un sonnet deHeredia&
son ami, je regardais,dans la foule,le véritable artisan
et imprésario de la fête, le CompagnonËdète qui ae ~)~dérobait à tout regard et qui de ses efforts et de aes
deniers (je !e.dénonce)élevait Cemonument à !'amit!é,
sans dire un mot, commeil fait toutes choses. t~C'est AngetoMariani,!e bibliophile,qui a fait impn' S~
mer jadis pour son amiSilvestreun précMUXvo!unM, ji~sur japon, désespoiraujourd'hui desamis déslivres,U!tS$~
&À VIE APARrs~ '8S~
reintrouvable et merveilleusement imprimé, les
A i~oMMe~ .Ma~emoMeHe B<e<, et qui, après avoirdonné
le papier du Japon à Silvestre, lui a plus que personne
donné te marbre du Cours-la-Reine.
0 amitié, H y aencore des amis 1 X
Et tout justement je songe que ce Silvestre, qui fut
~$ très aimé, eut à l'Ecole polytechnique un camarade
qui,avant de devenir président de la
République, fut
~$ ministredes Finances. C'était Sadi Camot.
Le premier jour où it s'installa au ministère, Carnot
?$ songea à son compagnon d'autrefois.
Armand Silvestre, employé aux Finances, trouva un
p sur son bureau, avec ces mots
? « Tu as trop longtemps attendu. Je t'ai décore.
!Viensm'embrasser » »
Et !e chef de bureau se jeta tout ému dans les bras
duministre.
~S~N'ai-je pasjadis conté le fait? M est bon & rappeler
~autendemaindu jour où l'on a célébré le talent et.ia
~$ bomt6de SHvestre. Le souvenir de Carnot eût fait plai-
~Ë~siràC€huqui~criYit&tG<otref!M~oH(~MH-.
XXVIII
Antithèsesparisiennes.–UneMtemiiitaire&IaBoissiereettarepre-sentationdeBiribi. Enfantsdetroupeetcamisards.–L'Atri-'gque. Lachansonde Bruant. Quim'atait lirele livredeM.GeorgesDarien. UnarticledeOuida. Lesdeuxguerres.Laguerrenationaleet laguerrecivile. Cequeferaientles S~antimilitaristesencmd'invasion. Petitesnouvelleset petitsscandales. Volsde collierset votsdestatues.–Publicité,actualité,romansdela minute. Lamortd'un~eintre. Sou.venirsde FritzThauiow.–Lesruisseauxde -France.-LeroideGrèceet Rodin. ZM.Buf~acM..
8Novembre..
Les spectaclesse suivent et ne se ressemblent pas. S~J'avais fort envie d'aller voir Biribi après avoir assisté~u détiM des petits pupilles de l'orphelinat Hériot $~devant le monumentdu commandant, à la Boissière.Et j'eusse sans doute~ëtéému par la vuedessouffrances ~~8infligées aux « camisards » comme par celle de ces
& enfants de cinq ans portant à la main leur képi et mar- ~~T'°'ohant au pas dans leurs petits pantalons rouges. Maia~
5:
l'émotion eût été différente.
Jen'ai pas vu.ta pièce de M.GeorgesDarien, qu'o~*3~dit si poignante, maisj'ai lu le livre de l'auteur et j'a~entendu
Bruant,de sa. terrible, voix métaHique,laisser."tomber,, commeimpassible,farouche, denses. lèvMsS~~
torduese sa fàce.rasede' révolté,' !es coupteta.de~tt~
~hanson-: .~J~
"LA~'t'E~~AKt~ '3?~~LA :pÎ-L1,A, PARt$. `3.i~ ;t,
.M'y
S ABiribic'estenAMque ?~Ousque'i'ptrstort
Estobtigéd'poser~achique jEtd'faire.emort.
chanson lugubre, où l'argot se fait vengeur avec son `
levain de rancune et qui retentit comme un cri de
désespéréau fond des cabarets artistiques.
ABiribic'est1&qu'oncrèveDosoifetd'taim;
C'estlàqu'ilfautmarnersanstrêveJusqu'àtannt1
LesoironponseàsafarniHeSoustegourbi.
Onpleureencor'quandonreupiUeABiribi.
M. Georges Darien avait mis en action dans sonroman ses souvenirs de disciptinaire, et, chose singu-!i6re,c'est en lisant le compte rendu de son livre fait
par une i!!ustre romancière ëtrangère que j'ai eu le
désir immédiat de le connaître. C'est l'auteur de
s~PM~.c'est Ouida qui m'a révélé ~trtM et M. Darien.
~~Utda est unedesrenomméesde la littérature anglaise,
mais Ouida est de race française, et, sous son pseudo- $SMhyme, porte même un nom français Louise de la S
Ramée. Elle avait été frappée parl'accent de pitié qui
~f)e dégagede ce récit aux détails sinistres. Ette t'avatt
~Sdit, et sonarticle consacre&<<Btribix et à <<Bas-tes-
~'EtBura M,dans ses <<GritMatStudios w,me donnait
~Enyie'dec6ntrôter.son''jugement~ 'ss§
p~Slj'auteur~du ~jR~Me~ ~M, monvoisinet',amt.~GWston DëschaMps~'qu~me'pardonnerait~abs'.dbute-: "'S~d&.dire .que j'at la-sës~f~oHf~t~.ao~F~ ~i
~Mge~ paMtpMM~avëc'ptaisir, me'reproomerait~u~
LAVlEAPARtS.338
être de marcher sur ses brisées si je m'attachais àparler de Biribi. Je ne me risque à toucher au théâtre Het aux livres que de très loin et lorsqu'ils serattachentà la vie, aux proposparisiens.
Or, l'espèced'antithèse qui se présente à monesprit,cet orphelinat où l'on recueille les fils des soldatset ces paysages d'Afrique où les troupiers marchentharassés sous le soleil cru, ce double spectacle, l'unréel, l'autre rendu vivant par la .scène,me semblepor-ter à !a rénexion, et si différentsl'un de l'autre pour-tant, l'un reposantet l'autre lugubre,les deux tableauxfont naitre des penséesde pitié.
Il était consolant et touchant, le défilédes pupillesde l'orphelinat devant le marbre sculpté par Cartes àla mémoiredu commandant Hériot. Devant la veuve, 3très émue, et ses enfants, corrects en tours uniformes :Sde dragons, les enfants recueillis,élevésà la Boissièremarquaient lé pas, et les'petits, les plus petits, tes toutpetits mettaient à ce devoir – le salut au monument
une attention sérieuse, un geste de, respect quasireligieux.C'était touchfentet charmant, cette enfanceen uniforme,et je songeaisaux souvenirsd'enfants dotroupe que nous contait J.-J. Weiss et que pourrait ?!évoquer aussi, je crois, JeanRichepin, t'affranchi.
Il y avait tout juste vingt ans que l'orphelinat de la ~SBoissière avait été inauguré par un ministre dela~~Guerrequi s'appelait le générât Boutànget,et vingt ansaprès le généralqui assistait à t'inaugurationdumonu-ment représentait uh ministre de ta Guerrequis~nomme le générât I~quart. Que d'événements et de~dramesèntreces deux dates l~et~9061. Je'tM~oroM~B
tAy!EAPA!!)f9. "~33!
pas que périodehistorique fut plus émouvante et plustroublée. A dire vrai, elle appartient plus encore auroman qu'à l'histoire. Et pourtant elleest de l'histoire.Mais quoi on ne songeait guère au passé en voyantle défilédecestroupiers minuscules,la France en fleur,disait Hugo enparlant de la jeunesse,l'armée en bour-
geon. Depuis vingt ans, 900 enfants sont sortis de
l'orphelinat de la Boissièreet sont entrés au régimentou dans la vie civile.Il y a déjà, autableau d'honneur,sur la muraille du réfectoire, plus d'un nom de ces
pupilles d'autrefois devenua ouiciers, des galonnés,comme on dit ailleurs. Il en est qui ont sur la poitrinela médaille militaire. Leurs noms et prénoms sont là.Et le lieutenant, qui veut bien nous guider à traversles dortoirs, les salles d'étude, nous le fait remarqueravec une bonne grâce qui ne va pas sans un justeorgueil.
C'est que lui-mêmeest un étévede l'orphelinat. C'est
qu'il s'est assis'sur ces bancs, devant ces pupitres dechêne noirci.C'est qu'il a épelé,sur la muraille, lessen-tences peintes çà et là; et où l'on a demandé à Lacor-daire une définitionde la bouté et à Chatterton une
glorificationdu travail. Je ne nommeraipas l'anmMeofficierqui,leprenuer,~)M'e~mrcette sorte depalmarèsdu devoir. ,1
J'avais avec plaisir revudansla galeriede MmeHë-riot undes tableaux les plus fameuxde ta nn du der-
nier sjtécIe.~M~em~M MrtOHcAMd'Alphonse deNeu-
;yitte, faisant face à une étnbuvante C/Mrge~'artïM~ted'Edouard Detaitte. Comme nous sommes bm;i, de
iMtat d'esprit qui nousfaisait trouver jadis dans. ta
340 LAVtEAPARXS.
seule exhibitiondecesDernièrescartouchesunesortedo
riposte au vainqueur, une espérance de revanche!1Revanche par l'art d'abord en attendant cellequi nous `;apparaissait à l'horizon, pareille à un mirage. Nousincarnionstoutes nosrésignationsfarouches,nosdéses-
poirs muets, dans le geste admirabledu petit chasseur
impuissant, désarmé, adossé au mur et les mains dans ?les poches de sonpantalon, le sourcil froncé, le képitordu, semblant dire
Eh bien, quoi J'ai fait mondevoirQu~importe t .~jQu'on m'assomme,qu'on me fusille1Que tout craque,que tout croule Voilà) 1
r;:É
Ah 1 oui,des Dernièrescartouches dont la reproduction entableau vivant dansune.revuede find'annéede WilliamBusnachfaisait courir tout Paris au théâtre ~3du Château-d'Eau – nous sommesloin 1Et le tableaude de Neuville,dont !aoeuleurs'est bonifiée,commeun j'~vin généreux, avec le temps, semble aujpurd'hui de
l'archéologie.Lesromans antimilitaristesont remplaceles tableaux militaires. Dans le beau livre de Vignv,quelques-uns,sur la couverture, supprimeraientvolo~tiers du titre Jemot « grandeur»pour laisser subsister $~seulementcelui de « servitude». [;~
Servir, cela veut pourtant dire aussi être utile. ??!zBiribi nous étale les terreurs et!es horreurs de !a~
terre d'Afrique, et sur la rive gauche,des uniform69~
étrangers, desuniformesàUemands,nouspartent dec~~ s~qu'il y a de durdans ce vocable « Discipline)'. Et ta
mêmeesprit de révolte, ou,commeon voudra, d'atten-drissemëct, souMe de l'autre côté du Rhin. Je vi~rautre jour, à l'étalage d'uneHbratne.~nMvMpuMië~ `,
.1 L A VIE~5"
nYU i~5
L~'vrE~
29.
à Leipzig et portant sur sa couverture, comme une i'S
cocarde ou un drapeau, les trois couleurs françaises. Q
C'est, sous forme de roman, une étude de !a légion
étrangère au service de ta France. Cette légion dont ?
l'histoire attirante comme une iégende compte tant
gd'héroïsmes et de sacrifices, Camaron dans !e Mexique,
Madagascar, pour ne citer que deux souvenirs. Et
comment s'appellent ces -MtMerttMgeM der /raM<B~M-
cAe~t ~'rem~e~egt'OTt? L'étiquette définit te livre
ttetMe~afeMt (Esclaves blancs Í)
? parmi ces esclaves, un déserteur aHe- f
mand qui croit rencontrer en Afrique une Hberté qu'il
netrouvepasensapatrie,et!asdeiaschtagueane-
mande, va mourir sous ta cravache des Français (je cite
à peu près textuellement). M est traité de « sale Prus-
sien )) et de « canaille x par ceux qu'il sert, et lorsqu'ilS
meurt, l' « esclave blanc x, H s'écrie, pour prévenir les 'S
futurs déserteurs incorporés dans !a légion étrangère: ~j
?' –'Entends-moi, peuple aHemand, et sauve tes nts) t
nfaudraitdemanderaucoloneIDominé.quidéfendit
Tuyen-Quan avec ses tëgionnaires, si en vérité on traite ?
en<feMM ~MafeM les soldats de la Jégion. Ce que je sais
bien, c'est qu'il me disait, !e héros, en parlant de ses
compagnonsde dévouement
? –Toutce que peut l'énergie humaine, on peut te !ig~
demanderà ces hommes. Ils le donnent. A toute heure,
o~ faire appe! à leur courage.Hs répondent. Une S~
~poignée de ces. gens, qui se sont fait de !a légion une'
ËS~ un-régiment tout entier. Venus de''tous 'les'
~5~c<~n~du. monde,'– et parfois débris 'de tous.tes.~S~
~mondes,–- iis,retrouvent'comme un
.foyer dMis.te;
~42' "y't~X'p~
campement des camarades en marche et la popotedes compagnons.
Esclaves blancs t Noussommestous. plusou moins
esclavesde notre destinée et de notre labeur. Esclaves
de la tâche quotidienne, esclavesdu pinceau ou de la
plume, esclavesde l'outil, du marteau ou de la char-rue. Le titre du pamphlet allemand pourrait s'appli-quer à toutes les vies humaines, et ce n'est pas seule-
ment le tricolore français qu'on imprimerait sur les
couvertures des livres, mais les couleurs de tous les
drapeaux et lesbannières de tous les métiers.
,L'hommeest népour être heureuxsans doute, – il le
croit, et son effort, durant le temps d'esclavage
blanc, noir ou jaune – qu'il passe sur terre, tend à la
conquête de ce bonheur qui fuyant, fuyant toujours,semble un leurre, une fantasmagoriedont le spectacleest chaque jour ironiquement infligéà des dupes.
La duperie voilà ce.qu'il faudraitavoirle couragede,dire et de se dire –est de tous les états. Et escla-
vage pour esclavage,encore vaut-il mieux servir son
pays, et miragepour mirage, avoir pour chimèreaune'
patrie et un drapeau.Cessentimentalités paraîtront sansdoute bien attar-
dées à des espritssupérieurs.;d'ailleurspersonnené nie
que la.guerre ne soit un simple assassinat, que le mas*
sacrede l'hommepar l'hommene soitunehorreur et mm
crime. Cequiest eifroyablementironique, c'eat de eem-
tater que les adversaires de tonte guerre natioM~edéclarent qu'ils s'y opposeraientjusqu'à s'insurger, de
telle sorte que la guerre civile remptaceratt la gaerfe
étrangère et qu'on fusillerait,par exemple, des voiaHM~
~'ttE~'p~~a'~ ?~
(ce qui serait plus commode) pour ne point faire~feN'B'~sur des étrangers. Affairede principes.Ce paradoxe a
sonpittoresque.Maisvoilà ce qui est tout à fait curieux qu'un régi-
ment passe, musique en tête, dans la rue, toutes les
fenêtres s'ouvrent et tous les gamins suivent, au pas ;:S
gymnastique.,Je voudrais voir l'accueilqu'on ferait, à,rs
Longchamp, un jour de revue, aux petits pupilles en
pantalon rouge que nous regardions dimanche. Un t~ra
coupedeclairon modifiebiendes théories.Et si, ce dont
le sort nous garde, nos fils devaient assister aux spec-tacles qui ont navré notre jeunesseet qui restent inou-
bliables pour nous, je ne désespéreraispas vous
m'accuserez d'optimisme d'apprendre non que les
antimilitaristes se sont faits soldats –je ne vais pas
jusque-là mais se sont faits francs-tireurs pourdéfendreaussila terre de France. w'
Au total, il n'est pas mauvais que des œuvres de S
pitié et même d'indignation fassent réuéchir un peuceux qui ne rénéchissentguère et on ne peut toujours
s'occuper du vol des coHiersdenos mondainesou de
NOs'àctrices.
jr Lejournalisme actuel, qui tend à tout dramatiser,
regarde commeune bonne fortune toute aventure de
ce genre, et le grossissementqu'it donneaux incidents
fait de la vie à Paris quelque chosede cinématojp'a-
~'M!?
La curiosité puMiqueconîond,;en de mêmes-propos,
.;M':mystere d'!sis''J&voyageuse': et'te'déto~Mmenf'
~<ïes ferles de'MUë~Bemay,:t'ouvertuM..du.cpuN''de~ ,`
t~~G. Ferrero' ou\deiceM<'do' MmeCurie.et 'ie& Mpgrà-
~{~' .c.
~S44" 'A~A~
phies de sainte Thérèse, la mort de Fritz Thaulow e
l'incendie du piédestalde la statue deCharlemagnepar 2"â~des « fricoteurs » ff~sant leur cuisine aux pieds du
vainqueur de Witikind. Un jeune hommeporteur d'un S'~revolver passe dans le jardin du Luxembourg, et le
hasard malencontreux fait que son revolver part dans ~Ssa poche et le blesse. Tout aussitôt les imaginations
s'allument, et l'on se demande quel roman d'amour
cache ce coupde pistolet.Et tout cela s'appelle la publicité, c'est-à-dire la S~
gloire.La publicitéqui.met au mêmeplan le héros et le
meurtrier, privilégiésde l'actualité. Des cambrioleurs
viennent de visiter, rue Cambacérès,l'hôtel du général SJ~Jacquin. Je m'étonne que le portrait du général n'ait ~S
point paru déjà avec cette indication «M.le général §~
Jaoquin, qui vient d'être cambriolécette nuit. Abso- J~,lument commeon nous donne les profils de Coquelinon de Jeanne Granier, reprenant, l'un Nos &<~ ?~ x.rgeois, l'autre Education'deprince.
Oh a été surpris à Paris de la mort du peintre Thau-low. C'était un colosse,un de ces êtres qui semblenttaiUéspour vivre centans. Solide,superbe avecsa belle ~S:!
Ëgurefrancheencadréed'unebarbebipnde.gnspnnante~ce géant norvégien dont la poignée de main broyaitles doigts amis m'apparut un jour,'en un costumede 1
chauffeur, la casquette blanche au front, commeupeti); a~sorte de Titan de l'automobile. Il était admirable de,force, desanté. OnSongeait,enGOnt<6mptantcethpnMMe~ tdu Nord, à Tépithète'donnée. pM' Daudet"au.~gràn~Tourguénief'ebon.géant. ~\L~
Ce .géant je parJe.de.Thautqw'– était un~poé~t~
'S'E'A~P~I~y~
le peintre des eaux courantes, des torrents, des vieux ~S
ponts de Bretagne ou de Vérone, et il semblait qu'on S&entenditchanter l'eau qui coulesur les caillouxde ses 'S
ruisseaux. Il rendait aussi avec une intimité puissante ~Sles soirs tombants, l'impression de tristesse des logisallumés dans la nuit. Je me rappelle de lui une cathé- '·kdrale illuminéeet projetant sur les pavés d'une rue de
province l'ombre du plomb desesvitraux. Hy avait là
un sentiment puissant et rare. Je le lui disais.° S
Il répondait, souriant, très simple:
Ça vous pla!t? Ça me p!ait aussi.
Je voyais, l'autre soir, le roi de Grèce,se promenantsur le boulevard avec son aide de camp, comme un ~S
bon bourgeois coudoyé librement par les passants,
citoyens d'une République. Il s'était arrêté devant la
vitrine d'un marcha)id oùs'étalait une ~tc~re deThau-
low. Sans doute il eût complimenté le paysagiste de
Norvègedevenule peintre de nosruisseaux de France,
et s'iM'eût rencontré,il reût invité àpeindre l'Eurptas,
les coinsde l'Attiquë, commeil vientde dire à Rodin
« Venezdoncà Athènes pour voirles antiques,voscôn-
~j~réres10
Et commeje l'ai faits! souvent,il'aurait féMcitéFritz
T~aulow, le géant Thautow,sur safièremine. Je ne me
~querai ptus à cescomplimentssur !a forcedes gens.
i,§cyons superstitieux et netentohs point le sort. !L
~~n'ast arrive de souhaiter, d'envier la robustesse d~~~)aniet: Vierge,:revenant de' 'chasser'~ou!'s'dans~tes~
~Ryréh~set-qui~ë'sen~ ~èle~iderriain,'1~°pauÿreVièrgeétait frappé de paraly'sxepauvre de.~araJysic.j~
~m'etais'promis'd'aItervistterratelierdeThaulow,
S~A~U~A~~m~
ce foyer d'art oùMmeThaulow ajoutait la création de~
ses cuirs d'art aux tableaux de son mari, et j'aurais vu ~B~
là, en pleine vigueur, un artiste à qui souriait la vie.'S~
Lorsqu'un moment nous redoutâmes entre la Suèdeet
la Norvègeune guerre qui eût été fratricide (l'épithètoconviendrait à toutes les guerres),on publia que Fritz
Thaulow, capitained'artillerie dans l'armée territoriale ~M
norvégienne, avait fermé cet atelier, mis ses pinceauxsousclef et pris le train pour aller à Christiania revôtir.
son uniforme. 'Ë~MJe souhaitai à Thaulowde nousrevenir. ?
Mais il n'avait pas quitté la France. Son atelier était.
toujours ouvert..– Je ne pars pas. Simple fumisterie de quelqu'un.
que je connaisbien, me répondit-il.La « fumisterie ') pouvait être aussi, pour quelque-Sj
marchand, une réclame habile. Les tableaux d'un
peintre qui va risquer de se faire tuer à côté de sea'canonsmontentde prix aussitôt. «Thaulowest part~ g~~
pour la guerre. Il ne signera peut-être plus de Thàu- ~`.
low. »
Il n'y aura plus de ThauïoW,cette fois, et la mort
terrassé le géant dont j'èntenda encoreta. voixspnore~célébrer avecuneardeurto~tte méridionale,en
unit~ens&leiUé,'si je puis.dire, –ces' Norvégiens..aonHetS~~
~ProvenGaux.du~Noi'd~–' Victor tïugo, lagl&iM,
.génie'deVictor.Hugo,en.un..b.a~quetdo'nn~ -p'arlèe
.poëtea'Ioi~.du'centenaire''d6.I'&uteur.~
Et. je. croyais .Y6icdebout,'làcoupe.,en~mam~de
Titattsdont. le'poete!'t./évoq~é.les'omË~ sù~X~~`~~
:lac~e,Job,ou.Magm~s,m laa~b~x
LA V~ËA PA'R~S. '4~~
c Monde,un Job venu du pays des Vikingset qui, filsde 'ë~.ta .'mer, amoureux de l'eau qui passe, de l'eau quichante, de l'eau qui court et sembleemporternosrêves,de l'eau, ce mystère mouvant ou stagnant, sem-blait destiné à porter la longuebarbe quasi centenairedu vieux Job.
Et Thaulow, ce rude et superbe Thaulow, n'avait. S~plus que six ans à vivre. ~S
Legrand artiste n'avait que letorse decesburgravesque nous fêtions en nous disant que le maitre norvé-
gien deviendrait, à sontour, un burgrave parisien.La mort dispose.
?' XXIX
t.e reportageet les reporters. VictorHugoreporter.–UneinterviewdeLouisVeuillotavecM.deMetternich. Lesmots )?enMme.– LeprincedoMetternichet l'Opéra. Lemonument ?de CharlesGaruier. Un directeur:PedroGaithard.– ~A
iK L'Opéraet la Comédie-Française.–CequeNestorRoqueplan '9penseraitdespetitesCardinal. LeCoMo~Otr. :'?
i<i Novembre.Novembre.
Cesmultiplespublications deZ.e<~Met de Mémoires,Mémoiresdu prince de Hohenlohe,~e«rMdu comtede S~Hatzfeld, qu'est-ce que cela prouve, en vérité? Que le S~reportage est décidémentla loimêmede la vie moderneet que les reporters sont les roisdu monde – rois de la S~publicité, aussi puissants que les rois du cuivre, d~
pétrole ou des chemins de fer.,Voulez-vousdominer $svotre temps, faire trembler les souverains et les ~S~ministres, connaître les secrets d'Etat, pénétrer dans
les palais sanssubir le supplicede l'antichambre,devinerl'avenir, provoquer les éyénements, au besoin préci.piter tes guerres?Faites-vous reporter. On
éconduiraitVictor Hugo,offrant de lire à un puissant de ce mondeK~june des pages ~des ;FetttM~d'AH<OMMe;~t'hutsai~~
j~~
`annone ait sur le seuil de porte~ouve!'te.a;.deux~~battants:~ M~Victor~Hu~auteur de8:C~('HM,J~~
~K' admirables instantanés. qui .sont .da;histoire~'cursivja;~et mpubUablo.-M.Victor~H~go'reporter.
F~
LA VtE A' PARIS." "34~
30
..a~ -,Ii
Et M. GustaveSimon me le disait l'autre jour – S
le nombre des notes prises par le poète au cours de sa
vie, au Sénat ou à l'Académie, pendant les séances, f
dans ses promenadesou ses voyages,est considérable
encore. Il utilisait pour l'Hommequi rit (la Chambredes lords) ses impressions de la Chambre des pairs.Tout événement historique, il en jetait sur le papierte récit, qu'il gardait en ses tiroirs. Quel étonnant et
poignant tableau on s'en souvient que la mort,
l'autopsie de Talleyrand, le cœur jeté au ruisseau,dans la rue Et il y a telles révélations aussi saisis-
santes, des scènes violemment dramatiques, dans ces
pagesinéditesencoreet qui serontdesvolumesdestinés
à devenir classiquesun jour 1
Victor Hugo reporter H eût été enchanté du titre.
ït eût souri. Il me semble que je l'entends, avec le bon
rire qu'il avait, cet olympien– Eh bien, mais je suis moderne, je suis dans le
mouvement, moi aussi 1
On est toujours « dans le mouvement » quand on
écrit pour l'éternité. Et te poètelyrique, que personne
n'égale, égaleet surpasseSaint-Simonencesreportagesdu génie.
Un autre très grand écrivain, qui malmena fort
Victor Hugo et que le poète des Cliâtimentsn'épargna
guère, pourrait, si les reporters, rois du monde,
fondaient jamais la Maison des Reporters, avoir sa
statue dansle vestibule, faceà face aveccelle deHugo.Anttthèse ironique, du reste: c'est LouisVeuiltpt. Ce
joumatistë magistral fut un reporter avant te reppr- `:
tage. Il inventa t'interview avant de manier la pote-
350 L~VtEApARtS.3'~JO La ~IE'vA~PAR35.
mique. Il a réuni dans ses Mélangéscertain article qui, i~à mon avis, est un modèlede reportagesupérieur, et je §'dirais volontiers à mes jeunes confrères « Si vousvoûtez savoir comment un écrivainpeut être reporterou, ctce~ceMa,comment un reporter peut être un
écrivain, feuilletez Veuillot et vous trouverez un
exempleà suivre,sinon dans lesidées,du moinsdans lamanière, x
C'est tout 'à fait curieux, et j'ai été moi-mêmeétonné de la trouvaille. L'article date de près desoixante ans il nous parle d'un homme disparu et de §questionsquisemblent abolies,maisen réalité toujours S
brûlantes. L'homme est M. de Metternich, celui quenoscontemporainsne connaissentquepar sesMémoires .$et aussi par le drame de M. Rostand, l'Aiglon, où il
joue un rôle qui vraisemblablement l'eût fait sourire, i~Les Mémoiresde M. de Metternich,commeceux de ~S
M de Talleyrand, furent en partie pour nous une ~Sdésillusion. La conversation, l'interview du prince $~avec Louis Veuillot est au contraire des plus intéres- a-'
santé et des plus inattendue.
Au moisde juin 1849,le princede Metternichétait'ABruxelles. il habitait une maison bâtio par !e Vto!o- iS"
niste Bénot,te maride la Malibran agréabledemeure, ~Javec un petit théâtre qui servait au prince de salle à
manger. Louis VeuiUotàIIa satuer; ouplutôt, oomme~on dirait aujourd'hui, et je répète le mot, F «mtervie-wer &. Des propos du' grand diplomate Técdvai~catholique nous dira: « Je reproduis, la plupart ttn~~temps, jusqu'à sesexpressions.)) Etgrâceau talent du ~t
~Teporter,il, semblequ~n.entenaeMetteimich.pa!~e<f~
'v~'&
L'adversaire de Napoléonétait alors « un vieillard~de soixante-quinzeans, sec, très droit, l'air doux et ~S! k;fin, la tête fourniede cheveuxblancs ».LorsqueLouis
'Veuillot entra, « il écoutait dans une cage gazouiller ~~SSun serin ». Il en avait entendu gazouiller bien
d'autres 1 ]'~8Et il se prit à parler, à se confier,à se confesser,
comme le font parfois les vieillards revenus de toute SSi!ambition:
« Voilà longtemps que je suis sur la scène. J'y ai SS°~
précédé la Révolution je suis ce que l'on appelle un
personnage antédiluvien il n'en reste plus guère demon espèce))'» .8~
Comme les vieillards, il est mécontent. Il dit i i
Veuillot
Nous ne sommespoint sortis du margouillis.» ~9
Ou:
«Nul hommene sait eu va l'Europe. »
Il n'aimepas le «polonisme)). Il a mêmeune théorie ~?
particulièrequ'il estpiquant aujourd'huide reproduire ~S~« Avez-vousquelquefoisréfléchi, dit-il au reporter, jS
à la significationdes « ismes »? L'étude d'une langue ~Sbien faite est le meilleur cours de logique. L'espritcherche bien souvent des définitionset des démons- S~trations que les langues lui servent toutes faitoa.
Quand la langue française ajoute l' «isme Mà un $~substantif, elle ajoute à la chose nomméeune idée de
mépris, de dégradation. Il y a des exceptions, bien
entendu, maisvoyezsi cen'est pasune régie. Commën-a~~3~
e,n"'t,en"d,Ü,cequ'il Y"e"Z,S,i,.de.,ep"'es.élevétU"n,e,l"è,g,l,é,P,o,Dieu
A~çona~par'ce qu'il'ya de'plus:éleyé, « théos'.)), Bieu;,songez à ce que;c'est'~que le « théisme N.Royapt~
353 "'L.A''Vtt:A~A'RtS/"
voyez ce.qu'en fait le « royalisme ». Liberté quedites-vous du « libéralisme »? Et le « polonismen, etl' «italianisme »,et le «nationalisme »,et le «popu- J;larisme »,.etc., etc. Tous ces« ismes sont dëtes- i'itables ».
Il allait jusqu'à vouloir que la religion catholiquene fût pas le «catholicisme »qui comprenddes choseset des personnesplus catholiques ou autrement catho-
tiques que l'Eglise il l'avait écrit dans une lettre àDonosoCortès. Il détestait l'optimisme, le pessimisme ?et le nihilisme.Cette causerie grammaticalea son prix ?4sur les tévresd'un tel homme.
AVeuillotqui lui parle de SilvioPellico,d'Andryane,il affirme avec audace que l'auteur de Mes Prisons ainventé ou grossises souffrances
«Pas un mot de vrai ) x»
Puis, laissant là le passé SS« Je ne vois point clair dans l'avenir, dit-il en
hochant la tête. Ce qui sortira de tout cela?Ce ne sera
pas le bien, voilà ce que je tiens pourassuré.Attendez- i~.`~vous à toutes les variétés du reste, a
Ce qui est important, c'est, chez l'homme d'Etat
autrichien, sa terreur de la Prusse:« Il y a, dit-il, deux monstres qui menacentt'Atte-
magne, et l'un, si ce n'est l'autre, la doit dévorer. L'unest le teutonisme,l'autre est leprussianisme. n
Le prussianisme Un de ces MMMque le princeredoute.
Metternich compte, parmi les éléments révolution-naires allemands,l'élément juif et dit à Veuillot M
"–IIest,jecrois,.inonehstfchez-vous?
't;A"~tE~e~t~
.30.
~S~s;S – Hostinconnu,répond Veuillot.Les juifs,sauf en
quelque coin de province, où il font. te commerce, ~S~n'ont point de rôle particulier en France. ~S~
Louis Veuillot ne s'exprimerait plus de même
aujourd'hui. '~X
Et il note les propos du prince, tandis que la prin-
cesse,silencieuse,attendrie, couvant du regard levieux
diplomate, dit avec amourau journaliste ?~Il est si bon1 ~~jLes dernières paroles de l'homme qui avait en
ses mains tenu une Europe modifiéeet lui échappantont la tristesse lasséed'un lutteur vaincu
« Le rôle de toute sagesse humaine est achevé, ;i~monsieur. La forceva régner ici-bas et le monde est
perdu parce que le droit, désormaissans force, nesera
?. pluaqu'unobjetdensée)') 1))
~i Et il -pleura,ajoute Veuillot.
Ledroit vaincupar la forcetH semble que lespectre 9~
de-Bismarck, de ce Bismarckqu'il n'a point connu, se
dress6 devant les yeux du vieillard interrogeant tes
choses futures. Instinctivement il pleure sur les desti-
nées de cette Autriche qu'il a, voulue grande, et je&? m'imagine M. de Beust, qui fut un lettré, lisant les rs?
Mélanges religieux,historiqueset littéraires de Louis
Veuillotet rencontrant au tomeVI dela 2°sériele récit
de cette .interview. r'
reH<oMMMe,J~'HMMtKMMe,JVa<Mna!MMe!Tous les ~iÊmots soutignés par M. de Metternich en sa boutade ï&
~g~~po!itico-académique. t ~i§~
S~ Je..pourràis~ presqueafni'mer,.en~par!ant'dë.M.~de'i~~
~&Beust,. voyant accomplie.par .te prince de. Bismarck.~
?4~ 'LÂ'~ÏË;A~ARI'S~
la prédiction du prince de Metternich, je pourrais
ajouter, moiaussi
Et il pleura. j~SM. de Metternich était un fin diplomate. Il gardait
la conscience d'une valeur, dont il avait d'ailleurs
donné des preuves. Il disait volontierspourtant« Je sais fort bien manier sur l'échiquier politique
ces pions qu'on appelle des hommes mais – quisait? je serais peut-être incapable de diriger
l'Opéra."»
Tout lemondeneparlerait point sur ce ton demodes-
tie. Tout le mondese croit apte à tout. Le monument
bâtt par CharlesGarnier est admirable, vu de l'exté-
rieur, et on a un plaisir esthétique à en gravir l'escalier
fameux, un soirde première. II sembleque l'architecte :~S~.vousinvite à une sorte d'ascensionglorieuse.Ex&m'né i~;et étudié du dedans, l'Opéra est une redoutable $~machine, coûteuse et luxueuse, et cet immense S~Ssteam-boat est plus difficileà diriger que le bateau
d'~rMMe. '~j~M. Gailhard, pilote cordial, vigoureux et do belle S~S
humeur, a pourtant, durant vingt années, avec desassociés divers, mené sa barque ou plutôt conduit, àtravers les écueils,ce vaisseau géant, ce transatlan-
tique. Dans un an et deux mois son privilège expire, ~$!et déjà les concurrentsse proposent pour succéder& ~~Jce Toulousain qui ~st une dés iigarea parisiennMles plus populaires et tes plus aiméee:Ce ne sont passeulement des sirènes qui suivent le bateau vcguant <vers/Naxos, ce sont de. très sympathtquea'requiM' ,rnageant dans le siHageet attendant:ta~proie,. ce~~qui' S
~Y,,<~S.~t~,~i~,
est d'ailleurs le droit de tous les requins et de tous tes~~vivants.
Et il faut que ce brave et bon Pedro Gailhard soitfort estimé et obéi de son personnelet le tienne bien Sen main pour qu'autour de lui, quand il passe, sa,canne légendairesous le bras, ceux dont il est le chef S
ne disent point S
– Vous savez, le patron va partir 1Fini, le règne)1Où se trouve doncle soleillevant?
Gustave Larroumet, qui ne fut pas tendre pour moi,mais qui avait beaucoup d'esprit, me disait avec saverve gasconne, lorsqu'il était directeur des beaux-arts
–-En arrivant à mon cabinet, je sais tout de suite,par l'attitude de mes garçons de bureau, s'il y a
quetque part un article désagréable publié sur moi.Les uns étalent, sans avoir l'air d'y prendre garde, lejournal hostile ou railleur. Les autres le cachentmaladroitement quand j'apparais. Au total, tous ledénoncent ainsi et le soulignent. Je me dis: Bon 1encoreun éreintement °
Un directeur de thé&tre a de ces impressionset de
ces surprises en supposant que quoi que ce soit le
surprenne. M.Gaiihard, lui, traverse les groupes dechoristes, de chanteuses et de. machinistes, le sourireaux lèvres, et il n'a d'ailleurs rien à redouter de tous $ices ooH&borateuraqui, je croisbien, seraientdésolésde0
~te~oirjpartjtr.
Et cependant, en vmgt années de cette bataille M~!
quis'ap,Pèlle1a, vie de.;théâtre~oombien
~d'ennemis a Monpu se faire un homme qui tient !as~
~S6~ "LA~~E~A~t~
"s
destinée, t'amour-propre, la vanité, les intérêts detant et tant de ses contemporains dont chacun (ce
qui est assez naturel) ne se préoccupe que de sa petiteaffaire personnelle Que de quémandeurs éconduits t
Quedemanuscrits refusés1 Quedepartitions entendues1
Que de chanteurs renvoyés à la province, sans parlerdes maîtres-chanteurs, dont on retourne la quittance Sd'abonnement à leur bureau 1 Que de recommanda-
tions qu'on n'a pu satisfaire, avec la meilleurevolonté
du monde 1 Que d'appétits qui n'ont pas eu leur j
pâture ) Que de chanteuses dont un personnageinfluent dit « C'est une étoile » et dont un Reyerdéclare: « C'est une guimbarde) » Que de mécon-
tentspour un satisfait Que de désolations pour une
joie qu'on a plaisir à donner Chaquepremièrevousfait
un lot d'ennemis de plus. A un ennemi par jour, ~j
comptez ce qu'il enpeut rester après vingt ans, cars'il
.en meurt, il en renalt et le total est le même. j~On ne saura jamais tout ce qui tournoie d'intérêts g~
divers autour d'un théâtre de ce genre.M. Perrin, phi-
losophe, disait «C'est le plus beau des bagnes ".Le
foyer de la danse a sa répercussion jusque dans la ~S
politique. Mme Cardinal a son action' personneUe~commeMme de Pompadour. A-t-onoublié que Fexpé- J~dition du Mexique, laquelle nouscoûta les bords'du
Rhin et la Moselletout simplement, eut pour cause,,fr~
'me loge d'abonnement &l'Opéra, une loge que M.de
Morny réctamait absolument pour le banquier Jecker? ~S~L'histoire –t'hittonette qui influa sur notre histoire)
–vaudraittapeined'êtreracontée.
Pedro GaHharden auraitbeaucoupde moinstragiquesyv
LA'V!E~APARtS~
sans doute, mais de piquantes à redire. Il arrive unmoment où l'heure des Mémoiresest une consolation.Mais surtout que les confidencesne soient pas des
~MOu'M(!'<Mt<re-<oM&e!M.deHohenIoheeûtéprouvé,je gage, quelque plaisir à voir, de son vivant, la
grimace de M.de Bismarck.
Mais non, M. Gailhard n'a pas l'envie d'écrire ses
Mémoires.Il n'en est pas au testament. Directeur de
l'Opéra jusqu'à la fin de décembre 1907, il ne veut ~`
partir, s'il doit partir, que le 1~ janvier 1908,pour les ?
étrennes de son successeur. Jusque-là il travaille. Il
fut tenté de se retirer, voilà deux ans, et il l'eût fait
alors sanscrève-cœur.L'idée que les rivaux le veulent
débusquer lui donne sur les nerfs. Et cette existencede «manager est ainsi faite quand la mer est calme,on se laisse doucement be"oer au roulis du navire ~S
v'
quand elle est houleuse, on ne veut point quitter le
bâtiment durant et devant la tempête.Et pourtant, quelle bonne nourricière que la terre
ferme1 Quellejoie profonde dans le labeur personnel, SSloin des souciset des taquineries de tant de gens dont
on éprouverait unsi vif plaisir à étaler les raisons quidictent leurs attaques) Ah) !a fable de La Fontaine
«Si mes confrèressavaient peindte! »)
Je sais desconfrèresqui savent peindreet qui savent
récrire.
Carvalho, un impresario admirable, le révélateur
de F<!tM<et de !t'eMKe,entre autres chets-d'œuvre,vint un jour me proposer de faire ce qu'il appelait te
~JoumaI-Aniche)'
– Nous sommesattaqués quotidiennementet nous
358 LAVfEAPÀtUS.
ne nous défendons pas 1 Or, nous avons nos africhés
qui peuvent nous servir à répondre.Que diriez-vous– '~a~et que dirait le public – si, sur les colonnesMorris,
après le titre de la pièce du jour, nous imprimionspar
exemple ceci « Lire tel journal. M. X. attaque la
direction de l'Opéra-Comiqueparce que M. Carvalho
lui a refusé une pièce, ou une loge, ou un engagement,ou un fauteuil aux premières»?? ~S!!
– Cher monsieur Carvalho, répondis-je, le publiene dirait absolumentrien et n'irait chezvous que si la
pièce était bonne.Pour moi, je vous donne ce conseiltout simplement laissezdire et croyezque les raisons }~cachées sont, pour les initiés, des raisons visibles..Et
dans son ensemble,ne trouvez-vouspas que la presse, JiX~avec qui vous entendez polémiquer, laisse la venté
intacte pour un publie qui d'ailleurs, de plus en plus,se fera « sa presse ))à soi-même?Elle est souvent 16
taon qui pique elle est plus souvent la conseillère 'i!qu'il faut entendre. En regardant les guêpes,ne songez
qu'à leurs ailes
M. Carvalhopartit sansêtre convaincu(et d'atlleurs n.ne fit pas de Journal-Amche).M.Gailhardest un peude mon avis. Il laisse dire. Il fulmine,mais il vit avectes nécessités inévitables.Ses colères,il les fait passeren pétrissant de la terre glaise. H sculpte. Son atelier ~uest son «consoloir '< commele pupitrepour d'autreaL.~î~Il n'a d'ailleurs aucune haine. Il va droit devant eoi, Sle verbe éclatant et la main large. Si je parle de lui, ce sg~gn'est point parce que- je mepermets de me mêler sana~aucun droit de cette question palpitante, la quëstion~gde l'Opéra dont je ne dois pas m'occuper c'est q~
~A'~t~P~RTS~
l'Opéra, grâce à M.Gailhard, fut, à une heuretragique,le fraternel refuge de la Comédie-Françaisesans asile,
et ciue je ne l'oublie pas. `'
Alors le public qui va souvent à l'Académie de
musique pour voir la salle – accourait aux. représen-talions d'OMepe roi ou du .8r'"g<'oMge~t&OM'?tedonnées à desprix inférieurs à ceuxde l'Opéra–aux
prix de la Comédie, et les recettes des lendemains,cellesdes œuvresmusicales,s'en ressentaient.
Ça m'est éga!, disait Pedro Gailhard, vaiUant,cordial. Je sois un peu, moi aussi, de la Comédie-
Française!1
II y avait débuté,en effet,chanté,alors qu'il portaitencore la casquette des élèves pensionnaires du
Conservatoire (on logeait au Conservatoire*alors).Avec Capoul, avec le chanteur Caron, il avait fait
partie des chœurs d'Esther; et dans cette cérémonie
du Bourgeoisgentilhommeque nous jouions, à FOpéra,i avecdes costumesarrachés à l'incendie, qui «entaientencore le brûlé, Pedro Gailhard avait jadis– avec
quelle verve!–chanté aussi, joué, miméle mufti: F
Dara.dara,Bastonnara.
Il est fier de garder dans son cabinet le ~o!~re de S
Houdon que les sociétaireslui portèrent un jour, pour
lut témoigner leur reconnaissance. $S
Pedro Gailhard ne demanda rien & la Comédie, ;?~â
locataire. Aucontraire,,il lui prêta, donnases décors. Si~i~e-monde'n&nt.point'préuve alorsd~~cet~~rat~iS~
~H~artistique. '~S~
r.Çr. ~tW, hn k ,~s
~360 LA'V!E'A'FX'S.
C'est un hommeloyal, et sescollaborateurste savent'$~bien. Même les petites Cardinal, qu'on l'accuse do S~laisser écouterdes mots qu'eues peuvent entendre non
pas dans les coulisses,de l'Opéra, mais sur les scènesles plus «snobiques », les petites Cardinal parlent de f;S~« Moussu Gailhard » commedu plus juste et du plus S~paternel des surveillants. Ah comme Nestor Roque-plan, qui s'amusait à la blancheur et à la pointeacéréedes dents des «rats »de son temps, eût joliment S~raillé ce puritanisme intempestif t Elles en attrapentbien d'autres au. vol, les petites faubouriennes, enallant à la petite classe l S~
Mais ce n'est pas M. Gailhard qui leur aura faitentendre l'argot courant des bodinières et même des ~~?~salons. C'est un brave homme. S'il n'est plus directeurde t'Opéra, il ne sera pas diminué, et je sais bien des
gens qui le regretteront. z;
C'est tout ce que je voulais dire en souvenir du
temps où t'Opéra fut, sans exigerde loyer, le proprié-~^t'taire de la Maisonde Molièresans maison.
'tt.'É
~B~ XXX
ptPf.,
'ALFRED STEVENS
Ce ne fut pas seulement un peintre de la vie pari-
té s's que le maitre artiste qui vient de mourir, ce fut
~iobservateur profond de la nature humaine, un
poètede l'éternel sujet de toute poésie la Femme.
~iLa Femme de son temps, identique à elle-mêmedanstous les temps, et dont le costume seul varie, que cesoit la robe de brocart d'une courtisane du Titien, le
4~ voile de la MonnaLisa du Vinci, les jupes éclatantes
~d68 femmes de Rubens, les corsages de aatm des
~S§'deNattier. Stevens'peignit surtout-
~ùx.'tR~s~'Ia'~mme. et la Mer. Il laissera des
~<(~6neurs& délicieuses des « marines» admirables..Coloriste vigoureux, il fut le continuateur de ces
~maitresdespays-BMqMfonttenirtouteune~h~dans un coin
~ansun coin de iogts namand. Il fut d'ailleurs un
parisien, notant avec un charme tour &
~~gHto~~ëH~.et.inquiëtant.!a.grâce,,1e~ourire~ou~a'
~~cè8~mmes,.qu'tt/saisissa)t~~aM;.Ie~.geste~
~?MS'" ~e.M'tendresse,ou:dM~dë8egpoi!Maiàce~qH't!
~rehdai~urtou<c~n~:seh8ibi~ sana~l decëfto~nsib~e qut~est~'comm~
~otion,,–it']~
362 LA VIE A PARTS.
la larme du veuvage, le sanglot de la lettre d'adieu.
Avez-vousvu la Duse écrivant sa lettre de rupture à
Armand Duval? Quel accent poignant) Que! écrou-
lement dans l'attitude de I'MMQ7Mo/'a<aC'était là une
femme d'Alfred Stevens. Les tableaux du maître, une
DouloureuseCertitude, les Amours éternelles,donnent
cette irrésistibleet puissante impression.Mais avec la douleur, il avait l'élégance,l'attirance.
Quelleséductiondans son Ophélie,quellegrâce savou-
reuse~ dans cette jolie figure blonde qu'on voit au
musée de Bruxelles, tenant entre ses bras une touffe
d'iris et que le peintre, la peignant bionda e grassa,
appela, je crois, la Bête d bonDieu Toutes les créa-
tures de Stevensn'avaient pas le doux regard de cette
belle fille ni la tendresse honnête de ses femmesdu
mondeendeuilouen visite, et plus d'une fixait sur nous
ses yeux de sphinx. Et lui aussi, comme tous les
peintres de la femme, tenta de deviner, de fixer
l'Ënigme. Ses mères et ses veuves, ses-mondainesen
toilette de bal, en satins jaunes, en satins blancs, ses
élégantes en crinoline, ses coquettes drapées d'un.?,
cachemire de i'Inde semblent démodées peut-êtreaux Parisiennesd'Helleu ou aux Américainesde John
Sargent, mais elles ont ce qui éternise la séduction,
ellesont la vie. Cesont des êtres dechair qui vivent la, ?
devant ces paravents et parmi ces laques japonaises. 3~jaElles pensent, elles souffrent. Elles sont contempo-raines d'OctaveFeuillet et vivantes-commeles femmes
de Balzac, spirituelles aussi comme les baronnes
d'Angede DumasSis. ';<~Un regard de femme,–ce qu'il y a dé plus~iSiu~a J
ï+~at~
LAV!EAPAR!S. "3~
à saisir, ce que ce grand magiciende la palette, notre
cher Ernest Hébert,poursuit et rend si admirablement ?
jusqu'en son plus déconcertant mystère, – Alfred
Stevens l'exprimait aussi, et allant jusqu'aux coeurs %?brises (Hébert,lui, va jusqu'à l'&me),il nesecontentait
pas d'être un prestigieux peintre d'étoffés. Le « gris jt~Stevens )),ce ton argenté qu'il donneà sesmers, à ses
grèves, Stevens t'a enveloppait les figures qui, deson
atelier, sortaient pour enrichir les galeries et honorer §les musées..
I! avait connu la vogue, Alfred Stevens. Il avait vu
les amateurs et les critiques défiler, admiratifs, dans
son studio. Il était, à son heure, un roi du boulevard, ~$et l'on citait ses motscommeon se disputait ses toiles.
L'âge était venu, puis la maladie, la paralysie. Le ?
beau cavalier flamand, haut et fiercommeun Van der t~
Helst, restait assisen son fauteuil, mélanoouquement, i;'Sattendant la fin après avoir eu la gloire. Un roi en -?exil. Il y a un mois, on célébrait, à Carqueiranne, Je
mariage d'un de sesfils. Je doute que le maitre ait pu ~Squitter l'avenue Trudaind pour se rendre dans le Var.
C'est en sonatelier que la mort est venuele prendre. ':S
Il ne la craignait pas. Lorsqu'en 1870les Allemands
assiégèrentParis, un garde national parisien, qui fit
son devoir comme des milliers d'autres, disait à SStevens ~S
Je vois bien des Parisiens partir pour Londres. ~S~Vousavezle droit,vous,de partir pourBruxelles:vous
..êtes Belge..
Stevens sourit. -M~~– AUpns donc) J'ai reçu pendant des années
3~ LAVtEAPARIS.
l'hospitalité de Paris. Est-ce que c'est au momentoùl'on présente l'addition qu'il faut filersans payer?
Il se fit franc-tireur. Ce grand beau garçon que l'âgeavait courbé, je le revois superbe en son uniformebrun à brandebourgs noirs. C'était un militant en
toutes choses.Il était d'ailleurs filsd'un ancien officier
de l'Empire et, après Navez, élèvede CamilleRoque-plan, qui répétait volontiers
De la couleur1 Dela couleuret de la vie Et c'estainsi que l'on est sûr devivre.
rk~ï
XXXI
Laséparationdelabagueet duchâteau.–LedramedeKer- K~Stears. LaBagueaudiamantbleu,romanduhigh-life. La i~baguede LéonideLeblanc. Unautre anneau.–AurêUen .j~Scholl et tes ~tmouM de théâtre. Hernani en Bretagne..–
L'hospitalité. Le repos hebdomadaire et le repos ddminicat.
–UneafïIchedet'égIisedeDampierre.–Lesdimanchesd'au- %Strefois. Fermetureet chômage. Montaigne.Mœu/snou- yg~ivelles. Lepassé. TheworldMtoogoverned– !tya trente-sixans. ~SS~
7 Septembre. '3
Vraiment, ce problèmede la Séparationde la Bagueet du Château aura fait verser autant d'encre quee
la question de la Séparation de l'Eglise et de l'Etat.
Sj L'anecdote intéresse (signe des temps, comme on
disait jadis), passionneaussi vivementl'opinion que-le ~~5~redoutablefait Mstorique.Et c'est tout simple. L'af- 7~8
faire de la Bogae<!K~MM<!M<<eM.est un roman, et le ~Ë
rpman~intëresseratoujours le publicplus que tout au
S~ m H faut avouerd'ailleurs quesi,dans la question
~~t~ ecclésiastique,nos consciencessont jeu, c'est deyos?: existences quotidiennes qu'il s'agit dans raifaire du~
châteaude~Ker-Stears,comme,dahs.cette~autre~quea-
~pn.tout&fait;agaçante,;to-reposhe~doN!
~t. Nous sentons.tpus.que'ai' noùs~ne:pouvons'pas~tous~
~être'Yptés d'une bague'de cinquantemiUe''fra~cs,to'us~ ~~rr
~Bpus 8pmmes~exposés'à;cesaventùres;pù~tapresse~~me~
'366 LAVtEAPARfS..
en mouvement les domestiques, les voisins, les por-tiers, les indifférents,les passants pour savoir la véritéou pour officialiserle mensonge.11y eut, au temps de
l'Empire, un député, naïvement préoccupédessecretsde famille,qui fit proclamerpar la Chambrele respectdu «mur de la vie privée ».M.de Guilloutetpousseraitles hauts cris en ce temps où le pauvre mur est pul-vérisé par l'indiscrétion quotidienne comme par uneautre sorte de dynamite.
Des secrets de famille? Il n'en est plus d'aucunesorte. Ne vous avisezpas d'inviter chezvous un mon-sieur quelconque qui peut causer un scandale inat-
tendu, écraserun voisin avec votre automobileoublesser à vos côtés un compagnonde chasse, – toutaussitôt les juges d'instruction improvisés que sontles journalistes de l'information interrogeront,votrevalet de chambre,votre cuisinière,le gardechampêtre,le chemineau qui d'aventure se trouvait présent aumoment du coup de feu, et tout aussitôt un roman,soudain grossi, dramatisé,, démesuré, s'étalera dansles colonnesdu journal, sous des titres sensationnels,avec majuscules,et le journaliste, sans autre mandat
que celui « d'arriver bon premier », aura instruit,.soupçonné, accusé, condamné avec une rapidité de.
coup,d'œil tout à fait césarienne.Ve~n,('M~{,scrtpM.On parle souvent,dela)réforme de la magistrature.
Le journalisme la réforme tout naturellement. Il sesubstitue à elle.lirait mieux, il fait pis il joue!e rôle;du jjUry.Il amène devant les jurés une affaire toute
cuisinée,.commedisent les policiers, toute jug~e.]je&
jurés,.8uggestionné8par les reportagesquileaont ém~.
'LA!V!.EA.~P.A,R!S.38~
arrivent à la cour d'assises avecleur conviction:arrêtée,leur siègetout fait, et dans les réponsesde' L'accuseils
cherchent à retrouver les impressions,les informations
du journaliste. «Hment l,Monjournal ne m'avait pasdit ça
°
Et je voudraisbien savoir commentlesjournaKstes~mes confrères, traiteraient un. juge d'instruction quise montrerait avec un accusé aussi pressant, aussi
agressif parfois qu'ils se manifestent devant un libre
citoyen interrogé par eux. Ils n'auraient, avec rMson,
pas assez de proses indignéespour protest contre la
façon dont le procès serait instruit. Le bon reporter,très différent du bon juge épanoui en mansuétude,voit des coupables partout. S'il n'en voit pas, il en
crée. Sans.coupable,pas d'informationintéressante. H
plonge sonregard dans les prunellesdesgens. H se fait
une opimian(et il la partage,non seulement avec lui-
même,commeM.Prudhomme,mais avecseslecteurs),hune opinion formelled'après la physionomiedes;gens
oula façomdontiislui ont répondu.SiFonvous accuse
jamais d'avoir vole-les tours de Notre-Dame,prenez
garde à la façondont vous répondrez quandle joat'na-liste enquêteur vous demandera où vous les avez
cachées.
L&momdrehésitation,le plus petit mouvementd'in-
dignationtet de surprise, et.vous êtes perdti Perdue ou:
dmmoinsétrangement compromis.Le lendemamvoua
tirez, en.grosseslettres, dans votre jouF~aI,ee titre
« t/ai'Mre X. ~.accompagné de ce sous-titre
« X. se tEouble.H ne répond pas à nos' questions.
Culpabilitéprobable. »
368 LA VIE A PARIS.
Non pas « possible» notez bien « probable ».L'oeil de lynx du bon reporter ne s'y trompe pas. Et
puis, s'il se trompe, il sera toujours temps de recon-naître et mêmede <cméconnaître »une erreur. N'espé-rezpas et n'essayezpas de rétractation. Lamagistrature
journalistique revise difficilement les procès qu'elleinstruit (instruction obligatoire pour la curiosité pu-b~ue).Un ~ur-- ~me rappeUefortbien le fait-un
reporter, ayant appris que le pauvre et grand Maupas-sant venait d'être frappé de folie, va demander au
peintre Le Poittevin, le peintre parent de l'écrivain,des renseignementssur la santé, l'atavisme de l'auteurd' Unevie.
Il va chezJe peintre ou il n'y va pas. Toujours est-il
qu'il.publie un article fort documentéoù il fait parler :d~M.Le Poittevin qui révèle, sur lestares du merveilleuxcerveau troublé, une inunité de détails. Le lendemain,le peintre proteste. Il n'a jamais dit ce qu'on lui faitdire. Il n'a jamais parlé de Maupassantcomme on l'a
imprimé. Bien plus, il déclare qu'il n'a jamais reçudans son atelier le journaliste en question et qu'il nel'a jamais vu de sa vie.
C'était net. Celasemblait concluant..Mais l'interviewer de brandir sa plume et de répli-
quer bien vite «Comment1 je n'ai jamais vu M. LePoittevin Comment) Cb n'est pas dans son atelier S~que j'ai eu l'entretien en questionMais je vais le ~`at
décrire, cet atelier. Preuve que j'y suis entré. Tenez,il ya, à droite, en entrant, un grand tableau deM. Le~~SPoittevin, une marine dont, entre parenthèses, je ne
dofMeMtMp<M~ta<reM!M.')» ~S~
LÀ VtË A~FÀR!,S..Sëë~S~
Et voilà. Ou l'entretien n'avait pas eu lieu, et le .S~reporter avait mis dans la bouche de M.Le Poittevindes paroles que le peintre n'avait pas prononcées. S~Ou M.Le Poittevin avait reçu chezlui, en toute bonne
foi, un journaliste qui, pour remercierson hôte d'un M'~'°
moment, parlait commeon l'a vu de la peinture qu'il $~SM'avaitpas à juger et qu'onne lui montrait pas.
Voilàdonclepaiementdel'hospitalité)
dit le vieux RuyGomezde Silva.Maistoute la question ~§est là le journaliste enquêteur est-il un hôte ou un i~juge? A-t-il pleins pouvoirs pour interroger les genset ouvrir les lèvres comme il ouvrirait les serrures? S:~On serait stupéfait si un simplecurieux,un amateur de
vérité, entrait chezvous pour vousposer des questionssouvent étourdissantes. «De quel droit, cher monsieur,avez-vousmont~mes étages pour placerce point d'in-
terrogation? »Sicecurieux est un journaliste, i! tousles droits. Il tire son carnet, il taille son crayon, il
~regarde, il note, il épie, Il commente,il a souvent sonthème fait d'avance,et vos réponsesn'y changent rien.H est le serviteur de l'Opinion. Que dis-je? Il est
l'Opinion publique1 Ehoui, l'Opinion publique puisqu'il la triture, puisqu'il la fabrique, puisqu'il la fait t
Et pour cette fabrication, tous tes éléments sontbons. La mixture est composéede toutes les herbes delaSaiht-Jean. Vous avez unennemi?Onle fait p~ler~Votre domestique, celui pour qui un grand homme
~même n'a pas de secrets et qui pouvait apért!evoir,à~§~~ftravers
les rideaux, Loms XtV :sans".perruq!te,~vot)'e i~
~omestique, on le fait jaser. Caleb, le déyoué;CaIeb,S~~'0< 0,,0-.r"~
370 LAVt.EA.PA.Kt9.
n'eût rien dit. Maisla racedes Caliebest quasi,perdue.Caleb existe, mais il devient rare. Et puis, le plaisird'être imprimé, ce besoin de jouer un rôle qui piquenos~contemporains et surtout nos contemporainesd'une tarentule spéciale,cellede la publicité, -– la s&t!
du «paroistre ))et du paraître « surle journal x.Ah
comme Marton,.Frontin, Lisette ont tôt lâché leurs
écluses de paroles) «Monsieurle comte est un ours.
Madamela comtesseest une folle. Monsieurle conseil-
ler ne payait pas nos gages. Et Madame devait à
Dieu et à diable. )' Ils se débondent, les serviteurs.
Eux aussi auront leur portrait dans les feuilles,comme
les lauréats du Conservatoire ou les héros de l'auto- ';S
mobilisme Eux aussi feront gémir la presse quifait gémir et rire aussi tant de gens')
Et voilà comment la comédie du castel de Ker-
Stears intéresse un peu, tout le monde, tous ceux du ;c
moins, qui ont dans leur logisdes domestiques qui 'S
peuvent avoir des reporters dans leur manche. On c~s
peut émettre en principe aujourd'hui qu'un contem-
poraimconsentira à tout pow avoir dans un journalle cliché desa photograp~M.Pas plus tard qu'avant-
hier; un pauvre brave homme est tué dans une ru&duM!M
faubourg Saint-Antoine.La' victime a Utiofcntme,des
enfants. J'ouvre un journa] j~yvoisune femmeassise,un mouchoirà la main, &côté d'un garçonnet attendri î i~
qui la Begarde.Et j&Iis au bas de la: scènetouchante K~«:La veuve anéantie pleure prés de son jeune fils. h
AinsLle photographeaccourt, et ne pouvant,faire un i;instantané dutcadavM de la victime, il en prend un~~g~du désespoir de,la veuve. Emil&de (Sirardinallantse;
LA VIE A'PAR 18'. .3~
battre aujourd'hui avec Armand Carrel eût'apostéun photographe sur te passage du rédacte'm*du Na-
~oKo<emporté avec une balle au ventre.
On ne sebat pas en duel tous les jours. Omn'est pastous les jours assassinépar quelque bandit (quoiqu'ilsemble qu'on en doive prendre un peu l'haMtode).
Maisona tous les jours des voisinsou des serviteurs,et nous sommestous exposésà voir paraître les AM-
moiresdenosdomestiques.LeschâtelainsdeKer-Stears
ont pu lire ce qu'on disait d'eux à l'office.Ces menus
propos decuisinedeviendrontde plus en plusla manne
des informateur'. Saint-Simonet Dangeaunefaisaient
pas fi, après tout, des renseignements des « soldats
d'antichambre '), comme dit Marivaux.
II était naturel que dans cette comédiede la Bagueau ~MMOMtbleu,– qui vaguementme fait songeraux
DMMMnoirs de Sardou oà un gentleman passion'me« fait )' lesperlesde celle qu'il aimeen lui taisamt~ame
déclaration d'amour, il était inévitable )queLisette
et Frontin eussent un rôle. Mais si l'hospitalité est
une chose assez sacrée pour qu'on éprouve quelquemalaise à voir l'hôte accusercelui qu'il a accueMi,les
dome~tiquesnesont-ils pasunpeuaMSsi,toutservtteurs
qu'ils soient, desMtes d'une nature spéciale, deshôtesfamiliers et quotidiens,et la discrétionne de'vrait~elle
pas être pour eux le devoir pTOfessionnel!'Devoir
professionnel, celui de taita t~iM, eMMBBpour Ié~
journàiMtecelui de tout dice. Mwaïité iltiest plusfacile de divutguer ~n secret que de ie gardei', et Ie~drame deia ~*tefctetMeesm présëttt rea~toe par eeKM 4
fdesFt(M&a<'OM!M. ~– 'Stbavardes."?~8Ë;,(,,< .>
3'78 LAVfEAPAR!S.
Je vois encore le catalogue de la vente des bijouxde Léonide Leblanc, où cette bague, devenue désor- 'S
mais aussi fameuse que l'anneau de Polycrate, était
décrite. Elle voisinait avec le collier qu'arborait dans
les grands soirs la belle fille et qui fut un des «clous )) $$de la représentation de Joseph Balsamo à l'Odéon.
Le collier de la Du Barry, porté par une Du Barry
moderne, aussi charmante que le buste même de 'i
Pajou 1 Le temps, pour Léonide Leblanc chargée de
parures, était loin où elle n'avait au doigt qu'unanneau brisé où un écrivain sceptique en apparence, jsentimental en réalité, avait fait graver, sous une date
que j'oublie, cesmots dont je mesouviens «Aurélien'
à Léonide. Pour toujours. M
Combienavait duré ce «toujours »?Ce que durent
les amours de théâtre. Et c'était précisément le titre ~M
qu'AurélienSchollavait donné à l'histoire d'une autre
passion qui, disait-il, l'avait fait souffrir.
Je lui parlai de ce petit anneau d'or si simple une ~Salliance – qui ne valait pas la bague au diamant bleu
que la mort allait arracher des doigts de la belle x`>
Léonide pour la.faire échouer dans le flaconde poudre §Q
dentifrice d'un ex-diplomateen villégiature. r:
Aurélien Schollse mit ? rire. D'un de ces rires un
peu contraints où, sous la blague du boulevardter,onsent l'écho de la tristesse du poète. ~$~
– « Aurélienà Léonce. Ah t que c'est loin 1.
Il s'attendrissait. Chamfort bien vite chassa Musset.
– Elle était bien belle Elle l'est toujours. Mais
vois-tu, mon cher, on la placerait sur le mont Btanc~ M~~qu'elle serait encore accessible 1 ~S j
~<
LAV!EAPAR!S.
\32;> r~
Amours da théâtre Léonide Leblanc, elle, avait
écrit un roman aussi, les Petites comédiesde l'amour,en collaborationavecM.AlphonseLemonnier,aujour- 'jd'hui directeur à Bruxelleset rédacteur d'un journaltrès vivant, intitulé Je dis tout.Est-ce qu'elle.ne signa
pas d'autres livres du pseudonymede «Mademoiselle
Maximum »?C'était le temps où, à Baden-Baden,ne
jouant que «le maximum »en effet,elle faisait sauter
la banque, rentrait à Paris cousue d'or, et six mois
après n'avait plus le sou.
Elle avait, du moins, des colliers en mourant et
des bagues, et la bague au diamant bleu, post-scrip-
tum, dernier chapitre dont le titre pourrait être .i'« Ceque deviennent,les bijoux célèbres.» S
La bague de LéonideLeblanc aura eu la gloired'être
photographiée et mise, triomphale, sous les yeux des
populations. Maisqu'est-ce qu'un diamant bleu sans ?
ta couleur?
C'est donc pour ça, auront dit les lecteurs philo-
sophes des journaux informés, que l'Hernani de Ker-
Stears aurait abusé de l'hospitalité en détournant <
cette autre espèce de dona Sot,,et quf te châtelain, Sn'imitant point la conduite légendairedu vieux Ruy
Gomez,aurait livré son hôte à ce don Carlos justicier
qui porte le nom deM.Jérome 1
Le vieillard de Hugo, rico /Mm&re« vieux jeu »,BMnaçaitde laisser démotir son castetjpierre à pierre S~
pour empêcherqu'on ne touchât à un cheveu de so~hôte. Pourunepierre, d'ailleursprécieuse,et q~~les mille carolus d'or (fHemani, ? eastittaLn Jt)ifeto~loin de jouer la magnanime scène des <(piortraitBjN,
374 LAVlEAPARtS.
livrerait volontiers cet hôte au service anthropo-
métrique. Cet épisode des « Déplacements et ville.
giatures »de l'été de 1906ne manquerapas depiquantni même de pittoresque~et je prévois une scène de
revue de fin d'année qui s'appellera la Viede château.
Et ce serait très gai sice n'était fort triste. Le roman-
tisme avait plus de panache. Il est aboli dans les
moeurscommedans le reste. Et c'est dommage.Mais il faut bien nous faire à ces coutumes et inno-
vations) à cette vie si différenteen ses moindres mani-
festations decelle que l'on vivait. n'y a pas si long-
temps.
J'entrai, l'autre jour, dans la vieille églisede Dam-
pierre en allant aux Vaux-de-Ceraay. H y a, sur le
pilier de droite, sous l'i~oription nêmo rappelantaux habitants du pays qu'un Da~pierre a voulu quesa main gauche– cette main paternellement étendue
aur la contrée fût conservéedans ce pilier même,
dans la pierre de l'église, une affichetoute blanche,
l'affiche de l'Associationpour le reposet la sanctifica.
tion du dimanche qui rappelle étrangement les pla-cards apposés par les corporationsdiverses dans les
principalesvillesde France.
Les socialistes font du~catholicismesans le savoir
et les syndicats fraternisent involontairement ainsi
avec lesparoisses.C'est très curieux.
Eh bien oui, il exista, depmscinq)mnte-troisans
tout juste, une Associationpour leMposdMdtmanche,saluée et consacréepar deux brefs pontificaux, en
1854celui de Pie ÏX,eni895 celui, deLéon XIU,
~tquiasonbuUetin,sesJigtMS,se80omités paroMsitHU'
'~–&~sss~"1
LA VtE A fARtS. 'S$
ses diplômes de zélateurs, ses tracts, ses images d&
propàgande, le Reposen famille,le Reposaux cAoMp~, i
le Reposéternel (qui pousseà desréflexionsdominicales.plutôt mômes).
Les zélateurs, s'ils sont paysans, laissent ~eursme' ;ftairies closes, la charrue immobile.On n'écrit pas. delettre te dimanche.Le dimanche on n'envoie pas depaquet. On n'achète-rien le dimanche. On refuse ce Sjour-là les livraisons des commandesfaites la veille.On réclame des compagnies la fermeture dominicaledes gares de petite vitesse. Voilà ce que font les asso-oiés et ce que vont, les imitant, faire les syndiqués.
L'erreur decertainsqui pensentinnoverest de recom-mencer. Telle pièce noaveHen'est qu'une reprise. Letitre seul est changé. Révolutionsd'étiquette, quandla misère et la maladie réclament des solutions pluspressantes. 'S-
Dieu~me garde d'être jamais le <<!t«fe<<M'du tempspassé) Il a toutjd'abord un grand défaut, le temps Spassé. Il est fini.,Eût-i! été l'âge d'or, il ne reviendra S!plus. I!peut avoirsoncharmedoucementmétaBeoiiqw, Smais il est mort. C'est un fantôme. Un doux fantôme,
~.soit,,nMds uneombre.Adieu le passé 4 SSeutement,ce passé, qui n'est pas si vieux, qui date ;s
d'hier, il avait son prix, ce passé,où l'on pouvaM~t!'&. `certain d'avoir du pain frais le dimanche,des théâtM~ouverts pour divertipet.despaarmacies~on~verKMH-
Mes~pour' y trouv~mi~ remède, le.saM.peut.&tM.~c~ de'beMm.
11 est.agé~ quelquessemaH~:a;p~ ~z~
~ce'.passéoù
l'om était H~~eJtravaiHer' st~o~ VM~~semN~t et une'~t que la
pteua~~t~r~Mm~~S~~4)." '<
~l, 376 LA VIE A PARIS.
?: même n'édicta point ne vous obligeaitpas à chômeret
?.: vous tourner officiellementlespouces.Ah les tristesdimanchesde congé, alors qu'en cesjours de sortie onn'avait pour se divertir que quelquenuméro du Jour-
pour tousou du Mo~e ïllustréoffert par les parentsdont la voixvous disait tendrement n Tiens, amuse-toi ))Ceslongsdimanchesde farniente où l'on se pro-menait sur le boulevard aux boutiques fermées oudans la rue Viviennedont tous les volets étaient clos,
~è: ces interminables dimanchesqui faisaient regretter le
collège,la salled'études, les camarades,les pions eux-
? mêmes, cesdimanchesde repos forcéqu'on nous don-nait commedes joies, ces lourdsdimanchesd'été prèsde la fenêtreouverte, ces grisdimanchesd'hiver où les
?. collégiens de mon temps ne connaissaient pas les
iS« matinées » théâtrales, ces plaisirs dominicaux, ces
~S dimanches de haltes imposées ou de lugubres prome-
~Ënades au Bois, sinistres commeun pensum, malgré
8% leur nom repos », tes voitàdoncrevenus, et reve-nus pour tout le monde 1 Est-cepossible?
On m'a demandé pour une « enquête )) ce que jepensais de la fermeture possible des théâtres le di-
~imanche. J'ai répondu «Je ne connaisqu'une heure où
t~~ l'on ferme les théâtres, c'est ,1'heure des malheurs
~? publics Le sort nous préserve de l'entendre encore
sonnert x
B~ joli pamphlet de Paul-LouisCourier en fa.
~;ivur des FtHo~eoM~'o~ empêchede ~aMfr)II aurait
tacitement son pendant T~tt&e poM~ <f<!fo~-
~S~ ~P~cAe~e <r<t<'atHer. 'Assurer, du 'bien-
B$~ vaudrait mieux4ùede,leur
~rLA VfE A PA'RIS. 'ËtT~S'
.r
.a
assurer du chômage.L'esprit de la loi est bon, il estd'une inspiration humaine. Mais la liberté, l'âpre etdouce liberté tour à tour, la divine liberté, la libertémême périlleusepour celui qui l'adore, voilà la solu-tion de tous les problèmes, et si chacun raisonnaitcommeMicheldeMontaigne,il y aurait plus dedouceurdans le monde. A chacun le droit de s'endimanchers'il lui plait et de garder sa veste de travail « si ça luichante
«Ce sont ici mes humeurs et opinions je les donne
pour ce qui est de ma créance, non pour ce qui est àcroire. Cen'est pas la loçon~d'autrui,c'est la mienne.
Et c'est mon homme,ce Montaigne.Il ne faut d'ailleurs rien prendre au tragique, et
l'Impossible ne peut être roi, commeUbu. L'article 3de la loi française à peu près calquésur l'article 4 dela loi belge établit bien des exceptionset accordele droit de roulement aux hôpitaux et aux théâtres,aux drogueries et aux magasins de fleurs naturelles
(roses, ils ne vivraient que ce que durent les roses).L'exception confirmela règle, dit le vieil axiome.Mais
l'exception est la tangente par laquelle s'échappera, <>dans le cas présent, la raison.
Il est louable de faire des lois qui semblent justes, 1et qui le sont en principe. Il faudrait seulement etpréalablement refaire les moeurs.Ce n'est pas la tâche
d'un jour la, journée eût-elle plus de huit heures.
~(~uetest le moralisteou le politiquequi déclarait qh'~
~de ~rtait~ moments le ParMten se révoltait,~ 'i'o~Q~touchait à ses enseignes?.
Il s'agit de bien plus~que.de'ses.enseighes.'il's'ag~dë~
'37S'' LAVÎEAPÂRtS.'
ses habitudes. Je ne dirai point, pour ne pas grossir la4
question, qu'il s'agit de ses libertés.Maisqu'est-ce que
l'habitude, si ce n'est le droit pour tout homme d'em-
ployer sa liberté commeil lui convient?– Eh bien, il changera d'habitudes! me répond j
quelqu'un.C'est possible.Maisje me rappellele temps où notro
formule était «Le monde est trop gouverné. » C'est
même pour cela qu'il y a trente-six ans, un jour de
septembre, des milliersde gens, qui pour la plupart 'ne i
sont plus là, firent une révolution..
u
XXXII
A proposd'unclown. Auriol,Boswell,Foottitet Chocolat.–LasouscriptionpourChocolat. JoeGrimaldi. Cequepeutuncomique. CommentRaimond,duPalais-Royal,sauvalavie&unofficier. Lafindescomiques. Lafind'unroman.
L'abbéDelarueet MarieFrémont. Rentréeau ber-oai).–EtFenfant!–Vivre savief–Le centenairedel'ArcdeTriomphe.– Un motde Btuoher.– LapeinedemortetLouis'X!V.– Eh cesontdeshommes) a
29Novembre.
J e nesaisricudeptustristequelavieillessed'tm ctown.Leclown, c'est la fantaisie, la gaietéen paillons,Ie'Fit'&
fantasque et fou,la <h'ôteriëdébridée,la farceimprévue,le coupde pied qui de l'esprit, la gambadequi est unlazzi. Leclowndoit être vif et jeune. It incarne te mou-VënMn~etla vie. Leclownest pour l'enfant une visionde rêve,. quelque chose commeune apparition falote, <
Mmp~nM~a~nimé;Un,j:oujollvivant-Chaquegénération;de tout petits a son clown commechaque genératiom
d~jemneshommes et de jeunes femmes~ason poète..Auriot, costumé e~GhinoiàeoT~ un personasge. du .):
~~Ma~~ero~~u'Ai~e?,est~c:b~ du règne nw~de ~ouia'PbHippe.H~ ;est ;e-ctowm'o~eaM,con~me.
~Mu8set'~st~;poëte-d~d~ ~~pactag~ 'avoole;:JftÎDle,~;]~burm~~ ~seu!, a!Ftiste,~dts~<!i~j~~qm~!M'~fâss~:pM~fmtttesf ~rsmça~~em~onam~'ta::
g!~t~& !a~faveur':pub~ 9~ cQürt'~tlc¡,f1.. a~<aaaM~!t ~e./p~iietp~e~aùx~i'unamh~ F'~erïQ~M 7~,7,~
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380
A
LAvtEApÀms.
blafard commeunelunepleine,faitconcurrenceàAuriol,leste commeun pinson, sautillant de barreau en bar-reau sur sa chaise.SousNapoléonI II, c'estBoswellqui,règne, Boswell,personnageà la foisbouffonet drama-
tiquement shakespearien, récitant des vers d'llamletà travers ses cerceaux en papier, et amoureux d'une
écuyère, ayant cette idée fixe de mourir dans la pistemême devant elle pour lui prouver que sa passionn'est pas une plaisanterie. Farceur, mais évoquantYorick, le pauvre Boswell.
Un jour, la tête en bas sur le veloursde la barre quisépare le public des écuyers, il reste là, immobile,commeattendant l'apoplexie, congestionné,rougesousle maquillagede son masquede bouffon.On lui cne
– Assez ) assez
H persiste. II ne bougepas. A la fin un autre clown
le repousse,le relève.
–C'est dommage.ditBosweII.C'eûtétéunebellemortl
II y avait en lui un terrible comique macabre. H
égayait et il effrayait. Priée, élégant dans son maillotnoir avec un papillon entre les deux omoplates, était
plus souriant, joli garçon, alerte et gai. Foottit aussi
amusait, amusait tout simplement sans ressembler,commeBoswell,à unêtre chimérique gambadantparmiles contemporains. Il y eut encore un autre clown,\1'd'une fantaisieéperdue,qut apparut, disparut,vraimenti" f;.
comique. II s'appelait La Pérouse.Qu'est-i! devenu?Riendeplusdifficileque dètrouyer, dans ce <tom:une;f
étonnant de la clownerie, uneoriginalité, un genre.AprèsAuriol, acrobate classique;après BosweU.clow~Kromantique, nous avons eu le clownbon enfanHëstë$~r
LAVtEÂPARtë. '38i~
solide, devenu bientôt populaire, Medrano, glorieux
désormais sous ce pseudonyme si connu, Boum-Boum.
Il ne cherche pas midi à quatorze heures, celui-là.
Herculéen et alerte, il divertit tout simplement. Il a de
l'esprit..Il est du Midi. Théodore de Banville l'eût
chanté, le montrant comme son autre clown fabu-
leux bondissant jusqu'aux étoiles (1).
(t) J'ai reçu à propos du clown Medrano, de Boum-Boum,Medrano qui fut le clown de Goncourt comme Auriol celui deBanville et Boswell celui de Baudelaire, car tout clown a, jele répète, son poète, une lettre fort intéressante dont l'auteur,qui est un de nos célèbres chirurgiens, tient à ne pas être nommé.Soit. Mais si je tais son nom, je ne veux pas priver mes lecteurs deson récit Medrano à Mentana.
A Mentana Parfaitement. Voici l'histoire!<y a plus de vingt ans, le docteur Courteaux vint, un jour, me
prier d'aller voir un de ses malades à Montmartre. Cas urgent.C'était l'hiver, il pleuvait, des fondrières, de la boue jusqu'à mi-jambe. Le pont Caulaincourt et tes grandes rues du versant nordde Montmartre n'existaient pas encore. Dans une mette que je neme rappelle pas, une maison sordide, un escalier infect. Au troi-sième étage. C'était là. Nous poussons la porte. Le spectacle de laplus grande misère six enfants, le père occupé à coller des abat-jour en papier, la mère couchée, gémissant, brutant de uèvre, setournant sur son grabat elle avait un abcès au sein.
Pendant que l'excellent docteur çourteaux préparait la malade,:~e regardai te logis.
Les murs étaient couverts de grandes photographies, dont la
fantaisie contrastait avec la tristesse du logis. Photographies deMedrtno-Bôum-Boum, Medrano là tête'en bas, Medrano faisant? Medrano dressant un chien, Medrano embrassanttendrement ,un petit cochon, etc.,– it y en avait plus de trente.
.Côurteaux, interrogé, ne put pas m'expliquer.Le lendemain, quand je revins, je voulus en avoirïe cœur net.
Mais c'est Medrano Il est donc votre parent r demandai-je.–Medrano n'est pas mon parent, dit simplement le père de
tàmiUe;itil été mon prisonnier.~–~t
– Il a été mon prisonnier en Italie. Il est devenu mon ami, car
je tûi ai sauvé la vie.
g– Comment cetat
– Oh c'est bien simple. C'était le soir de Mentana. Le combat
388 LA VIE A, PARIS.
Mais d'autres se barattent la cervelle pour inventer
quelques tours inconnus, quelque type inattendu. On
voit arriver un jour, parmi les écuyers en frac et Jc9
clowns bariolés, un être bizarre, hésitant, titubant,
blême, une mèche hérissée sur le front, le nez rouge, la
lèvre tombante, le regard stupide. C'est Auguste.
Auguste, avec sa cravate mal mise et son habit mal
boutonné, Auguste dont on se moque, qu'on repousse,
à qui l'on administre les taloches retentissantes après
était fini. Une demi-douzaine de garibaldiens s'étaient faufilés dansle camp, sans doute avec de mauvaises intentions, car le colonel
du. j'étais sergent donna l'ordre de les fusiller. La chosefaite, nous aperçûmes un de ces lascars qui s'était sauvé et s'étaitglissé près de nous. Nous mangions la soupe. Lui, crevait de faim,et il nous demanda à manger avec une figure si drôle, si drôle qu'iln'y eut pas moyen de résister. On lui en donna.
Quand il eut fini de manger, il recommença ses grimaces maisc'étaient des grimaces si amusantes qu'on se tordait. Puis, c'étaientdes sauts périUeux, des dislocations, des gambades.
Bref, nous l'avons caché pendant une couple de jours. Ensuite,on lui donna des habits civils, et il resta dans le camp avec moiune bonne semaine, comme mon ordonnance. Je m'étais attachéà lui mais il mangeait tellement, cet affamé, que j'ai dû lui fairefaire demi-tour. Alors il est parti.
Je t'avais oublié, moi, quand douze ans après il me rencontre,sur le boulevard extérieur, me saute au cou et m'offre un verre.C'était Medrano 1 Oh un brave garçon H m'a envoyé toutes sesphotographies, et vous les voyez là. Vous savez, quand vous vou.drez aller à Fernando, vous n'aurez qu'à me faire signe, je luidemanderai des places je l'ai vu travailler plusieurs fois, c'est unfameux t. Les petits voudraient bien aller aussi à Fernando, mais :`
quoi 1 ce n'est pas possible pour te moment ils n'ont pas de sou-liers..
0,Boum.Boum, un héros garibaldien').
·
J'ai reproduit l'histoire en effaçant le numéro du régiment et enlaissant au conteur la responsab;lité de cette aftaire de fusillade–~·
qui n'est pas tendre, tendre. Pour Medrano, apprendre qu'il tutgaribaldien etportalachemise rouge avant I~yest~ 4 pailions, Mn'est pas cela qui le rendra moins populaire a Montmartre. Au
contraire. "<x'.
LAVtEAPAfUS.''3~
les crocs-en-jambemultipliant les lourdes chutes dans
la salle, Auguste, le jocrisse de l'acrobatie, et ce typed'idiot exaspéré, de paralytique général lâché parmi J
les hommes et les chevaux, enthousiasmesi fort les
enfants – les grands et les petits enfants qu'Au-
guste est bientôt pour Paris un personnage légen-daire commeGiantuja à Turin ou Arlequin à Ber-
game. Les «Auguste )' deviennentun emploi comme
Auguste devient un type. On figure,on joue les «Au-
gustë dans les cirques forains après les cirques de la
capitale. Ce clown tabétique devient un clown classé,
classique.Mais tout lasse. Voiciun nouvel acrobate, un amu-
seur nouveau.Cetui-tà, c'est Chocolat.Le nègre, pareilaux minstrelsanglais,promène sa facedébonnaireà la
fois et narquoise dans les pantomimes et les mimo-
vaudevilles. Chocolatà son tour est la joie du public.Il est le clownà la mode, le personnagenécessaireà
toustesin~ermèdesetAtoutesIesfêtes.Sonvisagenoir
remplace dans les acrobaties la figure blafarde du
matgre Pierrot. Chocolat triomphe. On va "oir Cho-
colat. On fait à Chocolat des rôles spéciaux,ta nocede aCAoeo~o<est aussi célèbre aujourd'hui que les bêtises
fameusesde Janot au xvm° siècle.Pas debonne soirée ?Ssans Chocolat. L'entrée de Chocolat,pour les gamins
parisiens emballés,a la valeur de l'apparition de Caruso f~
«iamsta Bc~~te, en Amérique. Chocolatest roi. <:ho-
~OQ!atest'maitre.Vive:ChocGtat!'1
~lEtpuisjenesaisquelvent~etnstessesou~
~évememontrera gci~e, et voilà Chocolatdistance et M
~aMae.disparu.11 revit d~Ba'Ms'j<)u<)BtdM:'[)<m-
.,384,LAVtEAPARtS.
Ga''
Y
nay, commele grand Debureau revivait dans Charles~»~Debureau. Ceslendemain de lazzi sont sinistres. C'est!ereversdetamédail!e.
C'est Brummel, !'ë!égant, finissant dans la maisondesfous.C'est Joe GrimaMi,!eoiownfameux,regrettantles gambades passées. Joe, le familier d'un princede
`
Galles, le roi de Londres, et.dont CharlesDickens,qu:aimait les acrobates commeil aimait les excentriques;n'a pas dédaigne de conter la vie, le clown GrimaldiSgurant, comme Ne!son, dans le Piutarque de l'An-gleterre.
Et pourquoi pas? Encore une fois, un clown, c'est ~'`~du rêve vivant. Ils ne sont pas si nombreux encemonde, ceux qui nous divertissent, nous arrachent `~;aux soucis quotidiens, détachent pour nous que!que~plumerosé desailesde l'iHusion. S
– J'étais au fond de l'Afrique, medisait un jour 6un omcier qui 8t partie d'une expédition célèbre, et~j'éprouvais, je ne sais pourquoi, –ou plutôt je sa!S~pourquoi, – une impressiondésoléede délabrement;~de désespoir. J'étais !~s, anémié de corps etd'ameSëEt (c'était !âche,sans doute, maisc'étaitatnsi)jes(Mt-Sgeais, – le croirez-vous?– je pensais, en regarda.mon revolver, qu'une gâchette pressée nntt bien deaSennuis et arrange bien des choses. ~Je devais ~tre~tna~~lade d'esprit, ta brousse tne semblait unétouCoir.
j'aurais peut-être co~ ~8ugges~
tipn~me ~passait'a.tStë,~–m&~r6~ aiue
serats tué,.– ntai~voH~que~e/'he pa~~:rt'
~ueHe .suggestMn~ma~t~'Ade~aimbhd~~Pa~S-~
dece
Rai`mond,si~~r8)~
:&,A~~ç& u.d aÇ
LA V!& A PÀRt~ ~8S~
33
et si fin, lorsqu'en caleçon, et quelque bougeoir à!à
main, il était en bonnefortune pincé par sa femme, la `~~
silhouettedufantoche,l'ahurissementducomédien,son f ?,
facies,savoix,sesgestesdrôles,tout merevint à la fois,
m'apparut comme dans une hallucination). J'étais
énervé, désolé, désemparé. et soudain la vision 'de'
Raimond me fit rire. Oui, je me mis à rire dans tedésert commej'avais ri au théâtre de la Montansier.Mon revolver me parut brusquement inutile et mondésespoir sans cause. Fini, l'ennui) Dissipée, la tris- "s~tesse nerveuse1 Le comique Raimond, à distance,m'avait tout simplementsauvé du suicide i ??
Et voHàla forcede ces amuseurs.Clownsou mono-
loguistes, ils nous enlèvent notre souci commele den- Satiste nous arrache une dent. 't~
Le pauvre Raimond,si divertissant et qui préservaitainsi les coloniauxdu désespoirà distance, devait fimr ~N
tristement du reste, et ces rieurs connaissent souvent t~SStes dénouements désolés.Il n'était pas fou comme ce %~N
pauvre Gtl Pérès, le Brésilien de Meilhacet Halévy ~$~qui s'imaginait que, sur son conseil,M. de Bismarckallait nous rendre l'Alsace et la Lorraine Il me l'a
promis,; c'est un rë!tré,.mais ~est un homntedepa~ X~rrôle ~disait-il. Non, mais Raimond était trtSte,ef~ 2k'dans;sa mélancolie'il ..voyait.'passer.~et,rep~sser'-rta'
~]n~&thëôneides.~ qu'iL.àvaitjOués~et-o~t~ ^`~.y
~fots,am'ant;heure~ mam;persécu~é,il a~àit fm de~ànt,
~q~ue~que~m'ari.de~va;~ oû rëgù, àômme dà~na~~r·.
~a~h~~d'Qr~au~~de sawou~or;sane,~{~
~~n~e~d'tujn~
~të~~ës~onu~es~a~~a, bo~ri~ f
~3S8 LAVitÉAPARtS.
un autre. Et, comme épigraphe,les mots dits et reditssi souvent :~t!<M,p(MryM'M&/1
Les chansonniers des cabarets, qui sont des comi-
ques aussi, et souvent amers, ayant devais refrains
pour tous lesincidents d'une ironieinattendue–voilà
que les amoursde t'abbé Delarue et de l'institutrice
inspirent des couplets railleurs,avec leur dénouement
que ne faisaient prévoir ni les Confidencesimprimées,moins touchantes que celles de Lamartine, ni les
interviews; ni les déclarations de ces révoltés voulant«vivre leur vie )).L'abbé Delaruese sépare de Marie
Frémont. L'abbé Delarue rentre au berçait. I! yaura de la joie sans doute pour le pasteur saluant le
retour de sa brebis.Maisil ne valait vraiment pas la
peine de tant protester d'un amour insensé, d'une
passion irrésistible.
Ah viens,je t'adore,éperdu)
comme dans la Favorite « Viens dans une autre
patrie tx La patrie nouvelle, c'était la Belgiqueoù le {
curé voyageur fit d'ailleurs aux reporters intelligentsl'effet d'un pauvre diable dominépar un être de vo-
lonté. Il parlait peu, se cachait, se terrait. LevoHàqui
rentre 6mgrâce.Cem'estpas uncaractère, et cepécheur `
aura peu d'autorité pour moraliser les pécheresses. SEt–car it faut unevictime à tous cesdrames–~que
deviendra t'entant? Danstes divorces, 'iMruptures, testnstesses de ràmour, te sacrmé,c'est toujourst'enta
i'tnnocont, t'être qui ne demandaitpas &naitre et Si $<
qui l'on initige ta vie à t'heurë de la passion et te
~i'm<dh~àl'heure.delas6paFati<m. ~Z' rf
f`w
LA. VUE A PAKtS. ""3~j§%
Ÿ<<·.
;?~s~
Aht bahtFenfant! Il a t'avenir! il se tirera
d'affaire commeil pourra t Vivonsd'abord notre vie
Ce programme d'existence égoïste n'est. pas sans
élégance, soit, mais il est cruel, et décidément l'idéee
de sacrifice n'est pas précisément ce qui inspire une '~MH
société de plus en plus égoïste. L'abbé Delarue a fait §ce qui lui a plu, MarieFrémont s'est affranchiecomme
elle l'a voulu. Ils ont fait des mémoires*chez les four.
nisseurs et publié leurs Mémoirespour te plaisir de lâ
curiosité publique. Quant au petit être, s'il naît de ,$
l'aventure, peu importe 1 Il est le pMt-MMptMndu
roman. Msetirera d'affaire commeil pourra. M&pour- :j~
tant, lui aussi, le droit de «vivre sa vie x) Soyeztran-
quille L'institutrice lui apprendra l'orthographe et le
prêtre repenti lui donnera sa bénédiction!C/t~ an SIl y a encore des scènes ironiques pour les faiseurs
de revues de fin d'année.
Et dans cent a:ns on en verra bien d'autres t Qn
oéMBrerapeut-être avant cent ans le centenaire du
divorce comme on a célébré le centenaire du code
}K civil, comme on voulait tSter un autre centenaire,!& ceMd'un monument de pierre. !N~°
Ns devait-on pas on eCet célébrer le centenaire de
rAre.de'Triompb&~ Gustave Courbet paya de'ses.
~deniers'Ia Mconstructiom\<te-laeolonne:'Vond&me'–
~ë'br'MMe.grandïs~uanoa'pleurs,conMne'~disàitAugtts~?~
~p~BaTlHer, des:pr6mj~rs .~<~ct~)~stes~~ï~e&t,ét~
~~p~uant~de. r&ppelei~que 'au.'temps~de~i~i~~~Nes~auratioia's'étSs~~jpeu.près expn~~tr~PAr~S~w
~Tëot~~d~~Ëto~eomm~ `Y~
?.? ~.P~~ 'de~a':.c0lonn.ede la ~randë~Arméë/Pas~uss~r
')."q~,
~?"388 LA VIEAPARIS.
vivementcependant.Maisc'estune questiondenuances.
Lapassionpolitique,quitouràtourdresseetdémo-Utdesstatues,s'enprendauxmonumentscommeauxhommes,etlespierresmêmesnesontpointépargnées
§ lorsqu'ils'agitd'uneaffairedeparti.M.deBeaumontn'étaitpointCourbet.Et cependant,aucoursdetaséancede!aChambredesdéputésdu15juillet1824,toutenréclamantuncréditde500000francspourlestravauxdet'ArodeTriomohe,Hs'exprimaitenses
termes ».«Cinqcentmillefrancsvoussontdemandés,mes-
sieurs,pourcettedernièreconstruction.Pareillesommedoitvousêtredemandéependantdixans,cequiporte
;§ à cinqmillionslasommetotalequ'ildoitencoûter&~.Y taFrancepourM<<tMerdespM/TMMM<ntCtHt&M<r~e!
d'MttK~.Quandonpense,messieurs,queces5millionssuSiraientpourachevertepalaisdenosrois,pourjeter i;cinqpontsmagnifiquessurnospluslargesfleuves,oupourtoutautreobjetd'uneutilitéréette,Hestimposai-
b!edenepasregretterqueceMeM<tMe~ep:errMKe~ot'(p<Mg% re~edans!Me~atMesde!a<ef/-e.Maisitfautt'avouer,
messieurs,cetteentrepnsepattropavancéeaujour-d'huipourqu'ilsoitpossibledetalaisserincomplète.
Je m'imagineVictorHugoMsantiediscoursd~M<deBeaumontetarnvantauxlignesquej'atSOuM-
g~ gnées«cettemassedepierresquieûtdû'resterdans
S~~'tes entraillesdetaterre))– tai.quitdevait,~treMeans~plustar~d,chanfer«l'archedémesuréequ'it voûtait
~gf.Mte~pourservtr;debase,&,quelque~gtga&tesque~Mgte'~t~airain. ~f:SS
'A"-V!E~A".ë~~S,J~
z
0 vasteentassementciseléparl'histoire1Monceaudepierreassissurunmonceaudegloire1
Édificeinouï
Le prix de l'édifice eût semblé à M. de Beaumont
plus utilement appliqué aux constructions des Tuile-
ries et l'arche devait servir, un jour, de porte triom-
phale à une arméevictorieuse,qui n'était pas l'armée
française. Aussi bien peut-être a-t-on eu raison de ne
point célébrerle centenairede cemonumentoù tant de
noms glorieuxsont gravés dans l'amas de pierre. Un
officier allemand, en passant dessous,en un jour de
deuil, déchargea son revolver sur l'arche admirable et
la balle du Germain,le stigmate brutal du vainqueur,est le post-scriptumironique de toutes cesvictoires.
Walter Scott raconte quelque part et je cite
textuellement qu'après les désastres du premier
Empire, lorsque Blücher, parcourant nos musées,
s'appropriait nos chefs-d'œuvre, le baron Denon, qui
l'accompagnait, lui faisait observer humblement,
presque à mains jointes, queles objets dont il s'empa-rait n'avaient jamais appartenu à la Prusse. La seule
réponse dumaréchalfut ceHe-ci:–– Halt's maul (Taia ta gueule))
Et ce sont là les répliquesbrutales aux éblouisse-
mehts de la gloire, les lendemains de tout triomphe. fS
~Arc de l'Etoile, qui semblait coûter trop cher
t<)t.de Beaumont, est fait nonseulementd'un ama~d~ S
~pterres, mais de cadavres eiCttasaês.Il m'on~est paa S~ ~i
~una~s'~Btés dë1a~ati(~/et~q~ ·.
~j~rs~re~d'ïéaa.~quetq~passanfs'~poifte~u~
~o~n'e:~aa;gigahtesqu~ r eonsolô1:
~390!LA viE'~AjpARrs'
aprèstout deplusd'unetristesse.Carle passéestun-patrimoine.
– Seulement,me disait un philosophe,.ce n'est pas
lorsqu'il est question d'abolir la peine de mort qu'ils peut s'agir de fêter l'Arc triomphal quireprésente tant
et tant de morts1
H y a façon de mourir, pourrait-on répondre. Le
devoir militaire n'a rien Je comparable avec l'égor-
gement de bourgeois ou d'ouvriers attardés par les
apaches, qui avant peu n'auront plus pour crânerS l'horrible prétexte de la guillotine.Il parait (les statis-
p tiques l'affirment du moins) que la peine de mort'
n'empêchait aucun crime. Jamais, assure-t-on, le
spectre du bourreau n'a fait reculer u;i assassin. La
& perspective de ta Nouvelle effrayait même un peu
plus, dit-on encore, les travailleurs du revolver de
poche ou du couteau à virole que la,menace de I'« Ab-
baye dëMonte-à-Regret ». Je n'en sais rien. C'est une
? expériencefaire, et le spectacle de la machine rouge& n'a jamais été pour les malandrins qu'une sorte de
$ tableau de mélodrame– un mélovécu et sinistre où
3 le sang ne sort plus d'une vessie, comme au théâtre,maisdesartérestranchées.
Et puis, il fautrespecter la vie humaine jusque dans
§? cesdéchetsd'humanité quesont tes scélérats,conscients
ou inconscients.Louis XIV, qui n'était pas un senti
mental, n'avait jamais voulu étabtir la peine de ntort
%S contre les déserteurs.Un jour Htaisait au marquMde
~i~Nangiscëreproc'he:'
~~& Votre tégtment'n'est.pascùmpht, marquis)':I
–:Sirë, répondit.cet.onicier,~hOHS'ne viendrons~"x
s c
t-?~. S~~SH~g~~ ,y,s~;i
-LA V!ËLÀ ~ARIS. 'l~'M~~f;
jamais à bout de compléter nos régiments si l'on neCasselatêteaux déserteurs! .P~
A quoi le roi répliqua– Eh ) 1 Nangis,ce sont des hommes)Voilàla vraie raisonet le véritable argument. Fauves
échappés à travers nos faubourgset nosrues, menaces
vivantes, soit. Eh quoi ce sont des hommes M. Jo- J!
seph Reinach aurait pu mettre en note à son projet ;3humanitaire cette réponse inattendue de Louis XIV $qu*Htrouvera dans un vieil écrit du xvtn~ siècle, !eCodé de la raison ou Principes de morale pour serpir 1d l'instructionpublique.
XXXIII
Ungrand-cordondela Légiond'honneur.– ErnestReyer.– Il;;& faut durer. Lesvieuxet lesjeunes. L'espritdeRayer.Ë Grétryet lamusique. Réponseàunreporter. Cequepen-sentet disentlesétrangers. UnelettredeBonn-sur.Rhin.
Unecroisadefrançaise. Cequedeviennentlesboulevards.`
Salonsenpleinvent. Croisadeallemande. Lesphotogra-y phiesartistiques. Traitedesblanches. Parisiennesde
Guillaumeet étrangèresà Paris. -D'oùvientla corruption;,< française 9'
!( 7 Décembre.
C'est Émile de Girardin qui disait « Il faut durer.?:) Le secret du succès, c'est de durer, » Ernest Reyer,& qui a de-l'esprit, a saisi le précepte au.vol et Fa mis
fort joliment en pratique. Il a duré. Il pris la vie par~ebonc8té, celuidu travail, et bourru bienfaisant, bon
compagnon aux allures militaires, il a regardé passer,voltiger ses rêves entre deux bouffées de sa pipe.
Entre temps, quelques chefs-d'œuvre lui montaient
~& -au cerveau: Sigurd, MamM< Il se rappelait gaie-
~i ment le temps d'E/'o~a~e, de l'éphémère E~<ro<e, S:L;que ce brave HatanHer, qui n'était pas un lettrécertes, mais un directeur de théâtre à poigne et àcanne, appelait ~~r<M<ra<e.La popularité !ui venait,~ ?
fi''
~sS le consolant unpeu de cette inconsbt~le àyenture: !a`
jeunesse qui s'éloigne. Mais «ilduraitstn durait e~agrandissait, D'annéeen année,sa renommëedevenai~
~S~deJa gloire,et
avant-hier,(tevantuhe-étitea8sembIée,S'!
'>c~ ,¡-LAV!EA PAR!S'3~
le maître musicien, « orgueil du pays », recevait des ~Hmains du président de la Républiquele grand-cordonde la Légiond'honneur.
– Allons,.lui dirait Girardin s'il était encore de ce
monde,vous avez euraison de durer 1
D'autres auraient cette gloire, à leur tour, Bizet,Lalo, trop tôt disparus. Ce sont des honneurs quiressemblent fort à des chevrons. Peut-être faut-il être
jeune pour y trouver quelquejoie.– C'est du plaisir éventé. Je n'ai personneavec qui
partager tout cela, répétait déjà Reyer lorsqu'on lui
donna je ne saisquellerécompense.H se trompe en disant que « personne o n'est la
pour prendre une part de ses triomphes.Ily a sesamis
en sont heureux. Je suisbien certain que lorsque le
grand-maître de l'Ordre remit les insignesà son filleul,
H'exce!!ent ThéodoreDubois, qui était là, et notre cher
~Efnest Hébert, s'il était présent, ressentirent uneémotion fraternelle, sans parler du ministre, l'ami le
~~plusdévfméd'Ernest Reyër, M. GeorgesLeygues. Ils
sont, le mattre et lui, voisins je crois,ià-bas, de tempsdans le Midi et causent d'art et de musique
~sbusiab~ clair.Ce so~t les bonneshaltes.
Ma}&qu'it est loin, si loin, le temps où nous allions
écouter, au Théâtre-Lyrique de !a placedu Châtetet,
~Garva!hoMgM<e,cette Statuequenousdevionsrevoir SS
~l'Opéra prenant une revanche éclatante comme ce t S
S.FatM<dont un critiquedisait lors des premières reprë. `~~
~a<!nLta.t][Qn8:
~–t~nds~gardeJ-Tu~sais.toi, si'tu.n'es.pas,sage,.jf
~mënje~i'voitl'opéra ~deGounod' "$~
Il .1 1- ~l'j
394 'LA VIE A PARIS.
j~
Gounod, commeReyer, a duré. Je sais des gens quitrouveraient volontiers que les maîtres durent trop.Le respect n'est pas précisément cf qui étouffe les
nouveaux venus. J'entendais, du vivant de Victor
Hugo lui-même,un poète dire et ce n'était pas un
poète vaincu «Va-t-il longtempsétendre sur nousson
ombre, cegigantesquemancenillier?»Depuis,le poète,
jeune alors, a vieilli,et toujours applaudi, il doit cepen-dant entendre murmurer à ses oreilles ce fameux
«Place aux jeunes qui est le glas éternel sonnéparlesimpatients. Un glas que tour à tour toutes les oreilles
perçoivent et qu'on sonne même un peu plus rapide-ment d'année en année, commesi chaque générationnouvelleavait plusde hâteencored'avancer la pendule,
Dumas fils septuagénaire développait ses biceps et'~
répétait volontiersen riant: «Quand je lis dans un
journal que des voyous (on ne les appelait pas encoredes apaches)ont attaqué, au coindequelqueboulevard
extérieur, un malheureur vieillard de soixante ans,
je songe que je voudrais bien voir la tête que feraient~~ces rôdeurs-tà s'ils risquaient les coups de canne d'un
hommede soixante-dix »
Je ne conseilleraispas à de plus jeunes de se risqueraux boutades et aux reparties de Reyer, dontl'espntest bien aussi redoutable que les musclesd'Atexa~dr~Dumas. Ï! n'a rien perdu de sa verve méridionale.Ce
Marseillais parisianisé depuis tant d'années, misa~
thrope comme Chamfort, mais~d'apparence seule
ment, a de l'esprit commeRivarol. Il a appris de bonnetheure que dans la lutte quotidienne,les doux ~tqut~~<
parait-it, le royaume dés Gieu~appartient, n'ont
L'A VIE A PARIS. .39~ ,5
attendre sur la terre que des horions et des coups de
griffes. Il n'a pas attendu qu'on lui dise, comme au s
bon Henry Murger risquant par hasard une plaisan- <
terie mordante «Tiens, mais les dents vous ont donc g
poussé? » Il a montré les dents tout de suite. Et
commeelles étaient saines et blanches,mais pointues,on a respecté ses canines. <?
D'une franchise cordiale, avec son aspect d'omcier
de cavalerie, une façondeLasallede la mélodieavec
la bouffardeentre les doigts, il a été célébrépar ses
mots incisifsen mêmetemps que par ses œuvres.Il yavait un boulevardier aux répliques cruenes qui lui. J
ressemblait. C'était Théodore Barrière, le Desgenais
vivant de ses f~NMdemarbre.Reyera seméautant de
boutades en cheminqu'il a fait de bien autour de lui, et ?
ce n'est pas peu dire. Ce grand musicien est un brave ?
homme.terrible, si vous voulez,maisdélicieux.
Le jour où on lui annonça qu'il était nommégrand-
officier,il écrivait, mélancoliquementheureux, à une S
amie:' ~i~« Certes, je suis content. Mais ce qui m'attriste,
c'est que ni Berliozni Gounodne l'ont été t »
Il souriait naguère, en s'interrompant tout à coup, ~mdans un élogequ'il faisait d'un jeune musicien ?
–Ah t diable,je vieillis!Je deviens indulgent 1 S~
Grandadmirateur deWagner, ce quiest tout simple,il a même certains enthousiasmes pour de jeunes
wagnériens éperdus. Leurs obscurités voulues ne S§lui plaisent pourtant qu'à demi. Haimeles jeunes.
–– Seulement, dit-il, les jeunes gens devrMent
j~rendretous les matins un verre de Grétry)1 ~ËS
LAVJEAPARtS.396
Ce qui est admirable, ou plutôt piquant, commeon dit, c'est précisément que Grétry déclare qu'ilne faut pas abuser de la musique si oh veut en jouirlongtemps. « II est essentiel d'observer en musique.une espèce de régime, dit-i! quelque part dans sesEssais. Le matin, je ne touche mon piano avec plaisirque,parce quela veilleje n'ai pas entendu de la musiquependant quatre heures. » Il n'allait pas volontiers authéâtre. Suivreun régimemusical Sousla plume d'un
musicien,c'est charmant.
Je crois bien que la plupart des hommes, compo-siteurs, comédiens, auteurs dramatiques, raisonnentun peu en fait de pièces, opéras, drames ou comédies,comme le bon Grétry et commele vieux d'Ennery
On ne vousvoit jamais aux premières,monsieur
d'Ennery?Non. Quand la pièce est mauvaise,ça m'ennuie;;
et quand elleestbonne, que voulez-vous,çam'embête)Ernest Reyer en aurait, de cet esprit-là, à revendre~
L'été dernier, n'avait-on pas fait courir le bruit que ,`l'auteur de~:gw~ était fort maladeà Mouthier-Haute-
Pierre, dans le Doubs?Un étonnant reporter, piqué de la tarentule de)
l'actualité, eut alors l'idée ingénieusede lui envoyerjprobablement pour hâter la convalescence–~cette
aimable question:
–Regretteriez-vous de mourir?
Ernest Reyer fort heureusement est très cFâne.~n~s'amusa de la question.
Je viens, écrivait-il alors &une Sdétë amie, <i~'s$une lettre exquiseque je voudrais po~~ir citer t(~~
LAV!EAPAR!S. 39T'
34.BB
entière (il s'interrompait, pour l'écrire, de la lectured'un roman de Walter Scott, car il aimeWalter Scott,ce qui lui eût valu une autre accolade,cellede Barbeyd'Aurevilly) je viens de recevoird'Anversune lettre
pleine de compliments'et accompagnéed'une feuillede papier sur laquelle est imprimé ceci « Enquête.Regretteriez-vous.de mourir?.. Pourquoi? » C'est un
journaliste qui, à l'exemple de quelques journauxfrançais, veut de la copie à bon marché.Voici ce quej'ai répondu «Je regretteraisde mourir parceque très
probablement/'e retrouverais dans l'autre monde des
gens que j'ai pris grand soin d'éviter dans celui-ci. »Vousvoyez que je vous écris sur une espècede papierà musique pour ne pas perdre l'habitude de composer.Maisje la perds tout de mêmede plus en plus. »
En supposant qu'il dit vrai et se reposât sur ses
!auners, l'hommeque le chefde l'Ëtat a décorédevantses émules et ses pairs, comme on embrasse un
nouveau jtromu devant les oniciers et le front du
régiment, le maître qu'on a fêté à t'Etysée peut sedire qu'il a vécuunedes plusdroites,desplusvaillanteset des plus sympathiques existences de ce temps.Je ne parle-pasde la gloire.Cfest durabiot.
J'ai eu plaisir Mesaluer, en passant.Et je remarque,du reste, que les journaux se sont donné le mot pourrendre à Reyer un respectueux hommage. Ils l'ont
toué, pourtraicturé, mis à l'ordre du jour. Ils ne l'ont
pas étranglé avec son cordonrouge.0 miracle 10 surprise) Voità un mattre que les
étraNgersadmirentet que ses compatriotesn'insultent
'pas~
LAVtEAPAtUS.398
Ces étrangers sont surprenants. Ils continuent &se~figurer (d'après nous) que Paris est l'égout collecteurdu monde. On a publié jadis un livre fameux, les,Français peints par eux-mêmes.Quel est l'éditeur qui,mettra en vente les Français calomniés par etM~m&Mes?
Un brave habitant de Bonn-sur-le-Rhinm'écrit pourme demander s'il n'y aurait pas lieu de fonder uneligue (encore)), une ligue contre les imageriesporno-graphiques, les photographiesdécolletéesqui s'étatent,me dit-il, chez les débitants de tabac et les-libraires,etme pose cette questionnaïve
« Dites-moi loyalement, monsieur, si tous ces pro*duits malsains ne viennent pas de France et s'il. n'yaurait, paslieudeprêcher contreeuxune croisadequ'on
`
appellerait la Croisade~cMpane?»La tettre est là, longue,éloquente,et je me demande
si par «croisadefrancaise )'môncorrespondant entendune croisade organisée par !a France ou contre, coqu'il croit des productions de la France. Je lui répon.drais volontiers que le temps des croisadesest passaisqu'il nes'agit point deprêcher,maisd'agir. !i estcertainS~u
que le flot monte,et que, sous prétexte de mettre BOU~iesyeux despassantsdesétudesesthétiqueset desMadé-~mies'd'art, onétale dea~uditésqui doiventfair~!et)on.t~heur desc~egiens, ma)squi étonnent un peu et o<§qupnt lespassants.Il nefaut pas être lebon.J~.Tart~C~pour demander que t'oncacheceaphotosqmeleaa~dQ! :'`cents savent bienvoir.On vendaujourd'hui deata~um~portati~de nudités comme<ias pochette<JatM~r<~
des carnets de timbrea-poste.Ettes brades gensdeBt~SS
LA V!Ë A:'F~HtS.'
sur-le-Rhinde sedemanderet de nous demandersi cesdéshabillésviennent de France commele khan-khan. ?
Étonnerai-je mon correspondant bien intentionnémaispeu renseignési je lui dis (ceque j'ai bien souvent
répété) que ces nudités viennent d'Allemagne?Bellesfillesaux formes massives,leur nationalité serait déjàrévéléepar leur aspect si les prospectus;les annonces,les alléchantes réclames, accompagnésde photogra-vures, ne nous donnaient pas les adressesmêmeset la
provenance de ces musées secrets qu'en peut se pro-curer pour tant de marks, a Etudes artistiques. Véri-tables études prisessur le nu. »Moyennantun mandat,ces photographies passent allégrement la frontière.
Elles forment,le long des boulevards,une longuefrisecontinue d'éclanchesde femmes,commedisait Veuilloten ses <MeMMdeParis.
Et ces boulevards, encore unefois, ces boulevards
envahis par unepornographieaussi facile que le jour-nalisme de chantage, ces boulevardssont un Salon
perpétuel de nu, Salon de printemps, Salon d'été,Salon d'automne,Satond'hiver.Saton de saletés.
.Oh)jesaisqu*onamauvaisegrâceaprotesteret&sefaire, commele demandete bon bourgeois do Bonn,te Pierre t'Ermite d'une croisade qui appeMefattlestement te surnomdePierre te Raseur~MtusjecoM.
tatoeimptement quedans ta partie jadbta~usétëgante
du boulevard, – ce îàmeuxBoulevard tant vante et
dont vote; que M.~rnest Là ~ë~nesse se tait~ M
~au~cceurj'même' de~ce~ho~!evard,~n~;c(~e"
.~ctM~~de~ ~et. ;I~ fduta-~s'amasM~devant~~M-
'~o<fiiqu~-où"~on''vend.es' objets.qu'on'.dëbttaMi.,
M~00"L~VtË.A'PAR~8~?\S~
ï
seulement dans les ruelles sombres, aux environs du~
Palais-Royal, au temps de Balzac,et même, disons-le,au temps de cette fameuse corruption impériale quenotrs jeunesse,ànous,a tant f!étrie – ouqu'onallait, je :`
l'ai dit déjà, acheter au delà du Rhin, en s'arrêtant à
XehMorsqu'onallait à Baden-Baden.
Mais ces objets divers, ô mon correspondant de y
Bonn-sur-le-Rhin, sont vos compatriotes, et je vous
demanderai à mon tour d'organiser, avec vos amis de
Cologne et de Berlin, écœurés comme nous do ces
turpitudes pseudo-artistiques, je vous demanderai i
d'organiser, là-bas, cette croisade que vous souhaitez
qu'on prêche ei~France, et je réclame de vous, à mon
tour; la Croisadeallemande.Surveillez vos photographes et dites à vos modèles
que ce qui est fait pour l'atelier n'est pas fait pour les j,boulevards. Les apparitions fantastiques de déesseahindoues ou de sorcières Uu sabbat des bals des;'e;
Qnat'-z'Àrts n'ont rien de lubrique et forment un
spectacle étonnant. II y a là la féerie des formes, du ?°
costume, de la lumière.C'est le déshabillé,le nu, sou-vent fort laid, qui est choquant. Sous prétexte debeauté la Beautémoderne,la Beautéantique,on o<îr&~
parfois aux lycéens d'étranges exemplaires du sexe.
oui leur causera bientôt d'assez aimables ennuis.
Cette « exhibitiondes blanches » est le pendant <??cette traite des Manches qu'on poursuit, traq!)~ ;r~commeautrefots les négrierset les marchands dechai~Shumaine. M. Hamard vient, lisais-je tout à l'he~r~!d'arrêter, dans un hôtel garni qneiconque~~de~M~
courtiers qui expédiaient de pauvres nUesà t'ëtrang~
~Il.,1".3G
~3~l,1,~'i~ ?~~fx."~ï~je~,
.MfSS~L'uned'elles,, sonsac de voyageà la main,se préparait SSSàpartirpourMetz.
Engagée dans un café-chantantt ~i~ â
Pseudo-cafés-chantants,que fournissentde «numé- S~ros » les rabatteurs de malheureuses. ~S
Voulez-vousun engagementquelquepart? â~Où cela?
A Londres, à Buenos-Aires, aux Indes, en 'i~Australie.
–Bien payé?
Bien payé1
Mais je ne sais pas chanter 1 <
-Qu'est-ce que cela fait? Vous apprendrez en
route 1 ~i~Et l'on emballe les pauvres filles,la plupart igno- s
rantes, commeonexpédierait despaquets.EUescroient ?
aller à la fortune. Hya del'or à l'horizon. Ellesvont à
ta misère, à la débauche, à lu phtisie. Traite des
btahches, expositiondes blanches;,rôti, bouHU,mêinë
chose,dittefauxm6decmdeMouère.
Or, il est à remarquer (et jerépondsencoreici
moncorrespondant de Bonn)que depuis un*ou deuxX' ~sS
ans, depuis quelques~oisSurtout.I'étranger~~e&o~
expédie pas seulement des académiesphotpgrapMe~et de menus objets d'ùn~~ noisettes
.aussi.~mais ~t~nous.'ënv~~en~.ch~~M~e~M~s~ ,f.~
,prod)~;viYahts..]~sqtM~tq~sIestBn~~ donilént,s:
'!e'"bona;1a~abyt!û~~im~ oornme on dit là=liae,
.sont de~~ët~g~s~n~a'arriVag~~ona~aB~ j~
mar6e~d*iM~g~res,~de~~ennoisës,
,de~Belges.' ~L~~Parisienne.~cette.-petite; ~Pa~:8!tnës~~es. c
't.
4~2 LA VÏË À PAt~ÏS.
piquante, pimpante, spirituelle, amusante, qu'AlbertGuillaume nous montre chez Bernheim, croque d'un
oràyon ou caressed'un pinceau si fin, la Parisienneest
noyée sous!a Flamande,la Saxonne,!a Poméranienne.Et les étrangers, on voyant évoluer toutes ces étran-
gères, assiégés, débordés par l'afllux de toutes ces
tentatrices exotiques, pour parler comme'M. Pru-
dhomme,– de s'écrier que Paris est décidément la
sentine dont parle l'Ecriture (et par Ecriture il faut
entendre aujourd'hui les~écrituresdes gazettes et des
reporters).
Qu'on prêche donc et organise, si l'on veut, une'croisade internationale. Je croirais volontiers qu'il enest temps. Paris envahi par cette clientèle nouvelle
perdrait bientôt de son renom et de son charme. H ne
sermt plus que le «passage despassagères,».On 1'avait
appelé autrefois r~M~e~e monde, au temps où
Malet s'indignait commenoua. On l'appeUeraïtbientôtle ~'M'eo*cïoc~«<t''det'univers. Thés de cinq heures,maisons de thé. Exposition quotidienne de ces étran-
gères que les sieepimgsettes steam-boatsnous amènent
par bandes, commejies vots d'hirondellésou de grues..~ite, vite, ô bon bourgeois de Bonn-sur-te-RMa,
prêeÏfë):astoùr~devous,je vousprie, et empêcheztout 4d'a&ord vos Mondesou brunes et fortes compàtnotMde nous~apperter à Pans teur part de il corruptiontfancaise'")1
Ywru '4y'M
LamortdeF,Brunetière.–Unsoldatdelettre:.–T<the4 ~Sl'Académie.– Oùvatapopularité.– Unplébiscite.–MoUere.<!,&WPasteuretledix-neuvièmesiècte.– Lascience.–Victor;'S~~KttgoetLouisBlanc.UneleçondeCurie.– M.BerthelotetPasteur.– Lachimie.– L'homme'quisauve.Lespoètes. ~Sip~–Unpoète.–JevaisreUre~ContempfettOM.
14Décembre.
Jeneparleraipasdugrandhommedelettresqueta!ittératurefrançaiseperdu.J'auraiunautredevoirenverslui,quiseraunperineuxhonneur.Maisjetionsà constater,pourla gloiredel'opinionpublique,sisouventinjuste,quetoutlemonde,cetteMs,a senti!a;përtefaiteparte mondedeta pensée.Amis,admira.teurs'ët.'adversaires'deF.Brunetiérese~ont.incM&'as.<ievant"'ce'caractère,cetalent'etcetteconsdience.
~Tous'IëspuMicistës.-quiaavent.'leprixde~atâ<:he'g~ottdïenne/et~portent.bravementte'poids~du..j'ouF,~
~cttt,sa}uëcetécrivain-mourànt-ënquelque"sortë.t'a.3~~ptume,&a'main,.donnantàla ~f~te-~MDetM!~JM<Mt<S;
~,aur,)MontMgne.'ou'sur~tes-p~M-'AM~.Mme,~t~e,~e8;àrtic!e8'comparées a~m~~~oh-tënvre'(!'etude'surWontai~ie,.'en''.pattiou!ier,e~h~d'œuy~e),etoor~'gëan~enco~~a'v~~i~s~mt~u~
e,O,t~l,'~oMëf~pr~h~iMK~~ IïRdoue:
~~Ah~Ia~ëro~meidi~
~M4' LÀVtËAPARIS~
« numéro », c'est pour moi ce qu'est pour vous une
première et il arrive tous les quinzejours 1Il apportait à la composition du « numéro » la
même passion, la même ardeur à la fois fiévreuseetrésolue qu'il mettait à remplir toutes ses tâches. Lavie de cet homme d'un prodigieux labeur est. un
exemple vraiment admirable de dévouement à cettechose toute simple,mais qui remplit de ses problèmeset de sesconflitstoute la littérature à la fois ettoute lavie le Devoir.Mais encoreune fois,ce n'est pas dansune causerieque je puis mêmeesquissercette originaleet puissante physionomie. Devant le mort illustre,je ne me rappelle que le mourant, le mourant sto!queet émouvant, se consolant de la fuite des jours par letravail qui absorbe et fait oublier,et se hâtant de for-muler ses pensées suprêmes parce qu'il sentait bien
que~seaheuresétaient comptées.Chères et bienfaisantes berceuses de nos douleurs
qui êtes les Lettres, berceuses d'illusions.fdernièreset éternellesamies, quels sont donc votre toute-puis-sance et votre charme que vous apportez à noasounrances le voile de la chimère et le rayonnementd'une sorte de joie apaisée?
Il y avait quelque chose de tragique dans l'aspectémacié de Brunetière à ses derniers jours. H y avaitaussi une résignation douloureusement émouvantedans le calme aveclequel il semblait attendre, braver,mépriser le momentfinal.
Un jour, pendant une de nos séances académiques,je ne sais à propos de quel vote avant lequel fi eut'voulu et nepouvait pas prendrela parole
.3~
."LAV t p A :t''A~tN.
r
Vous ne votez pas ? lui disais-je. 'SIl sourit et sans amertume
Un homme qui ne peut plus parler ne doit pas .~S~voter 1'~w8&
Mot déchirant d'un maitre orateur qui avait connula puissance, t'entrainement, les triomphes da taparole.
Je salue, je le répète, je ne. jugepas le maître dont ânousavons suivi leconvoiet dont les Lettres garderontla mémoire. L'empreinte de Brunetière fut profondesur le cerveau des normaliens. A l'Académie, commeailleurs, le vide énorme qu'il laisse sera difSeitement S~comblé. Il y était, comme partout, militant et « pu.gnace » (c'est.le mot par lequel M. d'HaussonvUtele ï;caractérisait, en le recevant parmi nous). ~j
Dansune lettre de H. Taine, datée du 14mars 1880(24,rue Barbet-de-Jouy), je lis en je ne sais quelcata-logue d'autographes ces lignes relatives à t'Aoadémie
française «Je suis fidèle aux séancesde l'Académie;s S~c'est le devoir d'un nouveau venu, mais ce devoir estfort agréable. L'Académfe irançaise est'une sorte declub composéde genstrès divers, mais très polis; quicausent familièrement avec une égalité parfaite; les
questions politiques ou religieuses, si brûlantes,s'attiédissent dans ta grande salte où l'on fait le Die-
tionnaire chacun ne présente de soi-mêmequ ce pest acceptable pour autrui, et l'urbanité y est cëUe~du~S~derniersMcte.
')' Eh,.bien,-jusque,;dans.ses~répKques,'r'ses.charge8..à fond de; tram,, sës'-ïipostés;! bataHtëuses,
.Ferdmand.-Brunet~gardàit,sbu8''son~~appa~~ 5%~`agressiye~Purbanité dont parIe,'T.Mne.H'x-a~ait;.u~
W~. 406 LAVIBApARtS.
sensibilité cachéesous sesboutades,et onécoutaitavec
un plaisir infinicegrand lettré parlant, mêmedans ses
oontroverses les plus vives, la langue des honnêtes
gens.Ferdinand Brunetière était-il populaire ? Je suis
persuadé que si quelquejournal faisait,.pour connaître
l'auteur le plus «répandu s dece pays-ci,une sorte de
plébiscite comme le J°e<[<Parisien en fait un poursavoir quel est l'homme du dix-neuvièmesiècle le
plus remarquable, cet appel au peuple sans dangerdonnerait une écrasante majorité a unsavant ou à un
hommepolitique plutôt qu'à un lettré.
Ce serait mêmeune expérienceà tenter. Cesconsul.
tations toutes platoniques ont leur intérêt. Et aussi
leur ironie.On se rappelle qu'un jour, à cette question
posée à tous les conscrits de l'armée allemande « Queeavez.vous de M. de Bismarck? », plusieurs (etj'entends des centaines) répondirent: « Je ne connais
pas. »
Je parierais que devant une question analogue'( Qn'est-ce que Napoléon? », plus d'un bon paysanirançais resterait muet commeces troupiersallemands.
Rien n'est plus fugitif et p!ùs étonnant que la gloire.Dans la consultation particulière que je suis avec
curiosité, comme, de loin, une courseà Longchamp,– c'est Pasteur qui tient la tête.
VictorHugoet Gambettaviennentensuite, et tantôt
le tribun dépasse te poète e).le poète semble devoir
battre te tribun. Et ce n'est point,croyez-le,parce qu'ila écrit &?Feuilles<~M<o~eque Victor Hugodisputele prix à LéonGambetta.C'est parce qu'il a rempli
LA VrE' 'A.A.R.!S; ~Ë''?WË
monde de ses vers politiques. La politique est le plusi ~S.Ssur moyen d'arriver à la popularité.Je dia<(y arriver )~ 'S~La, garder, c'est autre chose. 'M~
Lazare Ca.'not, Napoléon,M. Thiers, voilà les noms
queretient la foule.Les suffrages,il est vrai,varieraientselon le journal qui organiseraitun plébiscite,et l'élu, 4~le favori serait tout autre selon la couleurde la feuille.. t~Maisje prends cette consultationpour cequ'elle est, là $'!où elle est. Eh bien, il est très intéressant de voir,
que le triomphateur, c'est le savant, c'est Pasteur.Pasteur dépasse de beaucoup tousses concurrents~
L'homme du siècle dernier, c'est, pour l'opinion,––
pour cette partie de l'opinion à laquelleon fait appel, S~– l'homme qui sauve. Celui qui console, comme le
poète, ne vient qu'après. Quant à celui qui tue,-on le S~r:àglorineencore,maismoins.
Et quel est le sentiment qui poussevers Pasteur la
recoanMssance nationale? Ce Pasteur, immortel etcomme sacre, que l'om osa, de son vivant, traiter d&
charlatan (le mot fut imprime,hélas )). Le sentiment ~s~
qui guide la foulevers cet homme, met!son nom sur S~;itous cas hulletinade vote (qui ne donnent malheureux ,ksèment aux élus le droit de voter,aucuneloi), oesentis
ment, c'est évidemment celui de la gratitude, mais,
disons-le,c'est un peu aussi celuide l'ëgo!sme. Pasteurest l'élu parmi les autres appelés parce quN:est le
sa~veur. 1Ta £ait ~euler.la rageet la dtpbtééne asauveur.H-a.fait recule!la~ rage.et.la dipM~rie. ~l'~al~con~a~tu/la.maladie' Jla"dispute< des;viës~hùm'ames..&,'la-~mort.De là;.sa.populanté: eiH'asantet.Et-Iég)- r.
;tune. ~Ê~
.ictor'Hugo,.appMnant&.Bordeau'<qNeLouis,Bl.à~c~~a
~?~08.~ L'A 'V!E"A'' PARIS~
arrivait le premier sur la liste des députés de Paris <
en 1871,disait (un peu étonné)– Celaest juste. C'est juste. Monillustre ami Louis
Blancavait été exiléavant moi1.
Ce n'est point parce. qu'il s'exila en quelque sortedans son laboratoire que le savant aujourd'hui réunittant de suffrages,c'est parce qu'il a sauvé tant de genset que tant degensespèrentqu'au besoinsesdécouverteslès sauveraient demain.
Le poète consoledo la vie, mais le savant protègede la,mort. Tous les alexandrins de la terre ne valent
~as, pour le vulgaire qui souffre,uné bonneordonnance
qui soulage,et lesContemplations(voilàce qu'il faut.sedire).sont moinspopulaires que le bouillonde culture.
Je vois que Curie, que le D~Rouxbattent dans ce
ateeple-chaseLamartine et Mussetet même le grandamuseur des générations précédentes, le bon et inta–
nssable Alexandre Duinas père. C'est tout naturel.C'est le même sentiment de crainte reconnaissante, v
« Sauvez-moi)Sauvez-nous! x De plus en plus lémédecin deviendra !e protecteur et le confesseur de~eux qui necroient pas. Voltaire,désespéréde mourir,aë tourne vers Tronchin commeLouisXI vers Coictier.Ainsi va le monde,et il fautnousdire que le joueur de
S
ilûte qui berce la douteurest moinsattendu, souhaité, ?appelé quele docteur qui.la soulage, r ?
Ainsi, eri croirela etinaultàtion dontje leAinsi, &en croire la consûltatio!) dont je parle,le
~è<~ passé serait non pas le Hèc!e de yi<~or]~go~? !cnce]uide Napoléon~–mais le sièclede Pasteur. C'est~~1~ tnomphede la science,mais d'une certame science~ ~'S
~~leq~sau~e~je~e répète. La glorifioâtinndu'savan~ed
LA VIEA'PAR!S. /4~SS%~
3g'
sentiment admirable, a pour point de départ un senti. ~J°;
ment moinsnoble,en vérité: celuidela peur.Je ne vois pas parmi les « favoris » de la course le ;S~
nom de M. Berthetot, qui aura des statues et dont le ~?'=§~cerveau égale celui des plus grands. Pourquoi? Parce ~M;quesa science,à lui, n'est pas faite pour le vulgaire.Unchercheur qui fait des miracles en chimie organique .A~Sn'est pas, ne peut pas être aussi facilement populairequ'un savant qui, encoreune fois, vanous guérir de la
rage ou va nous guérir de la phtisie. Il est aussi
puissant, il est moins dramatique. Un critique de ~ithéâtre nous expliquerait facilement la différence.
–Mais pourtant, Curie?
– Eh précisément, Curie avec sa découverte du
radium apportait au public je ne sais quoi de mysté-rieux et de stupéfiant. Le radium 1 Lenom hu-même
est attirant. Hébtouit.
J'ai assisté à la Sorbonne,à une leçon du savant si S
justement célèbre. Il donnait'à'des auditeurs entassés
dans !o grand amphithéâtre des explications que pasdeux d'entre eux sur dix ne pouyaier~ comprendre.Maistous applaudissaient,tous acclamaient.Unetueur
vague apparaissait au fond de l'immensesalle plongéedanst'ombr" 'S~
Le radium C'est te radiumEt l'enthousiasme du public saluait ta découverte~
du noble et fier chercheur. Il y avait !à la sùggeation~même'dHmiracië.~ .SS~
'–Vous~avezvttle radium?. -S~
G'étfdt'dudé!ire.'Etobntme.on.avait.raisôNd'ap~àu*,dit,de satuer/ce savant si modeste On~batMt"dM~$~
~0 LAVrEApAHtS.
mains de confiance.La science marche donc enpremière lignedans !es'préoccupationsde nos oontem.porains, et c'est le savant qu'avant tous la foulesalue.Ous'arrêtera-t.eUe,!a8cienoe?Commentferale cerveauhumain pour emmagasinersans éclatertoutes les con.naissanceshumaines?
L'aimant attire les morceaux de fer jusqu'à ce quele poids trop lourd fassetout tomber, me disait M.Bër- 1thelot dans une comparaison que je gâte sans doute.
Cequi est certain, c'est que,pour ne parler que de cemaître lui-même,en matière de chimiei! y avaitautre.fois quatre, cinq ou six revues spécialesqu'il suffisait jau savant de connaître pour se tenir au courant desrecherches.Aujourd'hui il y en a cent, deux cents, cinqcents, et dans tous tes paya et dans toutes les langues. iHy en a quis'occupent non pas seulementdes travaux :Jde générante,mais deproblèmespartioutiers,dopoints,déterminés. Il en vient d'Amérique par ballots, ai je )1)puis dire. H en vient de Russie, il envient de partoutH faut accorderplus de temps à Fétude d'une question~~3de chimie très restreinte qu'il n'en fallait autrefo~pour étudier là- chimietout entière. La scienceostaou'veFaihe,univarseUo,!a.Miencedéborde. ~i
–Etcomment fera-t-onpour tout savoir?Le cerveau humainest unesaMedespeotade oû~<tm%
ne peut pourtant pas caser tous les spectateurs quiS~tiennent à assister
aunerepéMtton géhérate.~oonï~~naitre «la nouveauté ». T~S~
Quand le cerveau sera trop plein, ~refusera, !u~~
~uMt, Je~ service. Et c'est à l'immani~ futuM de~~débB<mi]!ërc6mme~te<tepouTKt.. .&
dsyY~~tS~~
L w~
~-LA.VtE.A.~A.Rt~
·
En attendant, l'humanité présente salue, couroBne, ~Ê~acclame les bons serviteurs de l'humanité. Ce ptébis-cite sur le nom de Pasteur est significatif.Et c'est bienpourquoi je le note en passant. ~SS
Je n'en vais pas moins– qu'on me le pardonne –rouvrir, à la page qui console,le livre desCoM<eMp!a-,l ;ilions. Rien ne vaut, je crois, une poésie qu'on aimé.Maisquoi Pasteur était aussiun poète il fut un poèteen action (1)..
(1)OntrouverasurF.Brunetièrede~notescurieuses,caraote- ?roques,
et destettreset confidencesdanatederniervolumedela ViedeFarMdemonamiM.JeanBernard,quiréunittouslesanadestrès intéressants,vivantset éruditsarticlesde~<Mpm. ??<ionceFe<~e.CesonH&deslivresdeMNiotheque. S
XXXV
~t-t' La·légendeat l'histoiredeJulesBarbeyd'Aurevilly. LettresnS~; La.légendeet rhietoiredeJutesBarbeyd'AureviDy.– Lettre*!gK d'amouraudix-neuvièmesiècle.– Une'passioniitteraire.–'<f L'AngeNBnc.– Lavieillessede Manfred.– Un amouretS~ de rameur.
SS~. 16Décembre.
S Notre Midin'a pas tout pris des gloires françaises.
~g~ Place aux Normands La Normandie a fait,cetteannée, parler d'elle, et !e vieux Corneilleen aura ëtela cause. Rouena eu ses fêtes littéraires, commeParis,
~R et sousles pommiers on a dit desvers, commeau paysde Mistral sousles oliviersgris.M.Albert Sorel,qui a
Menparlé deFlaubert lorsqu'il s'est agi d'ouvrir une
souscription pour le rachat du paviUonde Croisset,~a dit dans la GrandeS&Hedupa!aisde justice, devtMtt.la tab!e de marbre noir, tout ce qu'il y a de profond'
~S<S dans le génienormand, dans l'âme cornélienne(cornet!-
Me/tMe,devrait-on dire, observait MmeSéverinedevant x,.le Panthéon, tandis que les orateurs saluaient le Cor-S
-neilIed'AUouard).
Puis, une dizaine de jours après ces fêtes de Cor-~
neiUe,un~imanche, la Normandie aura vu l'inaugû~~ration du paviHon,de Flaubert, rép.Ctrë,trahstonne~e!)~<'neille, et dÍlJlImche,laNormari~ieauravu
l'i~â.1
_r,muséeet ouvert aux passahts.;]Hs~.peuyent,êtr~Re!~les Normànds/U~auront absorbél'attention pubHqM~
~Hs~nt anirmé/ittfierté, la~yitaUtë.'de'[eur~ra~~I~
~s~d
IYI~`.LA VIE C -AP A R I 5 'i~
~~71$ s `^~Lç,?~LA VIE A PAR!S.'g~S
35. Ê.35
,"v ~J,t
«calvados »n'a pasbrûlé, corrodétout idéal. Et cette
Normandie, que Barbey d'Aurevilly compare, avec
sesplùiesfréquentes,à une belle filleaux joues fraîches-~S~sur lesquellescoulent des larmes, la grasse terre nour- A~~ricière aura le droit de notsc !'an 1906parmi les plus.5~glorieux de son histoire avec ces deux cérémoniëa i ($~heureuses Corneilleacclamé dans son logisde Petit- ~~S
Couronne, Flaubert célébré dans son « retrait » du SJSbord de l'eau. /§~ ~i
Et je n'oublie jamais Bouilhet, en parlant de FIau-
bert. Les noms fraternellement unis des deux amis
évoquent commeune légended'affectionet de dévoue- ~$~ment. Le poète de Me!aMMest une sorte de cadet, de
petit frère du romancier de ~<aMMM.Us rêvèrent
ensembleles gloiresdu théâtre, et lorsque lea P~tien-
nais organisaient des trains de plaisir pour venir à J~Paris, applaudit' MeM~tMede Mo~arey que jouait
t'Qdéon, Gustave Flaubert en était le chauffeur. Ne $N
dëvait-Hpas, plus tard, fairerépéter à ce mêmeOdéon
Ay<K~e<KOMet!e~!$~,desonamimort? ?3Une autre tégende littéraire normande, bien tou- ~§
chante et curieuse aussi, c'est celle de l'admiration
pleine de sacrificesdu bon Trébutien, de Caen, pourson mattre et ami Barbey d'Aurevilly Trëbutie~
recopiant desa nobleécriture de calligraphetout ce qui a.~A`
tombait de la plume de.Barbey,,poussant' son ami.à
noter les sensations, les pensées, les réuexMnsqubti~ ~f
diennea que hauteur des DM&o~aMlaissait échapper~
dans ses conversationsplus divines que diaboUqûes,
ëHes,ou plùtût si profondes,~i étincelantes à la foN~
,'et,si:numaines.. 'S$~~M
~<4-Ï'4' 'LA'~JE'APÀ'RtS.
Il y eut brouille entre Trebutien et~Barbey d'Au-revilly. Mais la postérité ne s'en spucie guère. Et lesnoms des deux amis, commeceux de Bouilhet et de
Flaubert, resteront unis à jamais. « Trébutien veut
que je lui fasseun memorandumde tous les jours queje passerai à Caenet, pour moi,ce que Trébutien veut,Dieu le veut, »
Et, en 1856, Barbey d'Aurevilly recommençaitpour son ami ce qu'il avait fait autrefois pourMauricede Guérin, ce qu'il devait refaire pour la noble femmequi lui avait arraché des mains le verre d'alcpoLdonttant de Normands meurent et que, pour cette œuvrede salut, Trébutien avait surnomméeFAnge blanc «.
Tout justement, Mlle Read,. la fidèle exécutricetestamentaire de Barbey d'Aurevilly,vient de pubMerce DeMter pMMora~MMécrit, en 1864, pourMme'deB. Et cen'est plus d'une ville norniande qu'est datece.Memorandumsuprême, c'est de Port-Vendres,c'estdu bord de la « grande,bleùe»,commedisait cet autregrand Normand, Guyde Maupassanit,qu'onze poun't
(,l.oublier en parlant de Flaubert ou c'est d'une'bastide quelconque de la <(gueuse parfumée s. LàProvence après la terre normande. Mais le pays duoidre inspire mieux Barbey que le pays des ciga!es. Hest plus barde que cigalier.
On le dirait descendu, un tuth à la main, d'âmebarque de vieux pirate.~11 est superbe et~comique~~a;~fois. Maiscomique commeces capitana~h6ro!quesSe< §toiles ide Vélasquez ou des dramMideJ~M H~ ae
~~On'a.~attribuë~~paulAnéne~ce~ot~ qui .'donne~N~~
~ce même~Ie~geste.altier~B~ey~~
LÀV!E A- PARIS. ~4t~~9~~~S~x?~
– Du sublime au ridicule il n'y a qu'un pas S~Barbey d'Aurevilly le danse 1 -S~
11 y a surtout dans ce laird égaré parmi la medio-
crité des caractères et des costumes, une mélancolie
cachée que devinait Alcide Dusolier dans notre jeu-
nesse, que souligneM. Paul Bourget en publiant le
Memorandum cette mélancolie qui n'est pas le
pessimismeamer des âmes nouveUes,mais plutôt une ?'
révolte généreuse, une aspiration vers l'idéal trop S-
éloigné,fuyant, décevant. Je lisaishier sur un précieux S
vohuue appartenant au comte J. Primoli, la première t
édition de Clara <?<Mtt!,cette note autographe de
Stendhal «Ce livre est de M.Mérimée,jeune hommedeans, fortmélancolique,»C'était la maladie
commune. Ces romantiques furent 'des. inassouvis.
Leurs petits-neveux sont des dyspeptiques et des
harassés. f!.
Ah) par exemple, harassé, Barbey ne l'était pas.
Vieux, il redressait sa haute taille après une nuit ?
passée à causer,à souper, et il disait X
–~ Quanddéjeunons-nous? t"
Il avait quatre-vingts ans qu'il écrivait encore à
l'Ange Mano des lettres d'amour,d'un amour ëpure, 'g
idéal, d'un amour de Dante vieillipour une Béatrice ~j
qu'il voyait éternellementjeune.
Mmede B. a, pour~quelquestrès rares amis, tau i~
imprimer, autographier ces admirables, ces incomp&' `
raclée lettres qui m'ont rien de similaire en Mt~ra~
t!Me.Les lettres passionnéesdeFauteur des JtfM~ ~g~qU'om-publiait naguère (et que M. Louis TiMmas
''éûnira, j'espère, dans sa CowMpoKdancëde C'~taMOM- 3réunira, -j'espère,,dànssa C01'responÍlàncBde,C1ictteCJ~~
~,Lg LA~ VIE A PAR~B..416 LAV!EAPAR!S.
briand), ces lettres brûlantes, jets de sang et de lave,
que le vieillard adressait à une jeune fille,sont déohi-
rantes parce qu'elles sont charneH~s.Cellesde Barbey
octogénaire à l'Ange blanc gardent, dans la passion,une pureté, une beauté de sentiments qui donnent à
ce dernier amour l'accent attendrissant d'un cantiquele Cantiquedescantiquesde la vieillessedu lion de
Tortoni, de.la vieillessedu don Juan de Valognes.Je ne sais pas d'être plus sensibleet plus naïf dans
sonaffectationet dans sa posequecet admirable et bon
d'Aurevilly, toujours enbataille, furieuxen apparence,tendre et accessibleen réalité. Son Me~toraH~KMest
Y
surprenant de candeur. Il note commedes événements
dont se peut étonner le monde desfaits pareils à ceux-
ci « Levé. Fait friser. Pris un verre~d'eau. ~Ouvert`'
mafenêtre, »Cen'est pas l'hypertrophie du moi. C'est ~jlespectacledesonmoi à travers la vie.Il est ainsi, et ce w
comédiensuperbe ne joue ni la comédie'de l'élégance,ni la comédiede la littérature, ni la comédiede l'amour.
Trop exalté, pour être critique, il fait du journa-lisme pourtant. Il est critique. Mais il loue ou il M-mine plus qu'il n'analyse. 11est surtout un peintre, un
évocateur.Et, paysagiste admirable, il nous donne,enses Memoranda,une vue saisissante de ce paysage
intérieur, sonmot. 3M. Paul Bourrât avait, an tête des Jtfe~rM~ jj
publiés par lui en t883, écrit unepréface (tout à faitsupérieure)où il entrait avec aa pénétration de mtLttre~essayiste dans l'âme même de ce byronien, Barhe~« Sa littérature a été, pour M. d'Aurevilly, un soag~~iréparateur disait-il, et rien n'est plus exact.
~tA~V!~ ~KrS~J~
Tiomme fier avait vécu dans un monde de « visions!
magnifiques)).
Barbey fut-il satisfait de cette magistrale étude?
Il se montra froissé un peu, si j'en crois sa lettre de :J~
remerciement à son «préfacier », de ce que Paul
Av~
Bourget avait dit de ses costumes, de ses prétentions
&M « brummelisme ». 9~
Je puis, grâce à Paul Bourget, publier cette lettre,
qui fait honneur du reste aux deux écrivains et qu'on ?~`
me saura gré de faire ecanaitre
Mon cher Paul,
Voilà votre introduction Je l'ai bâtonnée sabréa effacer
partout où ma personne physique apparaissait et m'offusquait.C'était bon pourles maroufles de ce temps-ci, -mais parfaitement t
indignedemoiet.devous. ~$Laissons ces sornettes offensantes aux petits journaux. Vou:i K
t'avez compris.Vous n'avez pas fait de résistance, quand je vous m'f..dit desupprimer tout cela. Il faudra donc trouver une autre entrée S
'ënmatière.maisvoustatrouvereïseuiementavectepointqueje i~
vous atsignatedesr&onanme~emafM (restêesecrètemaisentrevue
Ipar tes sagaces qui me connaissent) et que vous devez ajouter & c& ~S
que vous dites de mon talent qui est une bataille contre ma
fCMehnede destinée et la vengeance de mes rêves. La chose deman- S~dera peut-être une refonte plus qu'une retouche.
Je vous la oonseiHerais. Faites comme Miohetet dont c'était là jméthode. Récrivez votre introduc~on de la première tigm à la
dernière, et vous verrez comme ce repétrissage pour <tn<nti.tMH~ S%!copie donnera d'unité et de force à ce que vous ferez. J'ai ajouté &> !;Svôtre, idée, que je trouve très benne, pour expliquer mon genre S~de talent une autre idée que je crois nécessaire, mais il ne faut pasfaire de mon idée une rallonge a la vûtM it faut te!) fondre toutesles deux avec l'art qui donne i'harmonieuse réalité de la vie.
N'est-ce ptts la réotité, <ot<<<-la réalité de ma vie et de mesprocédés.
ttitettectuet~quevousvoutezpénétreretexposer! ~S'~? Maintenant, autre chose, Une petite observation a propos (t'u~petit opbli. Monlivre ne s'appelle pas JMemeMn<<Mm.tIl s'appelle, r
-'jM<itt)er<m<<«. 'M~~? !I y en a deux. Vousn'avez parlé que d'un seul. Après C<Mft,itp
y a fe)'<-Ten<<fe<, après t'Ouest, le Midi. C'est la même manière; ~j~ ~k
:{¡: v,,
~i'8 LAVJfS;Af'A~RIS.
de. penser en courant et d'écrire à bâtons rompus. !i me semble'que vous devez signaler à son tour ce second memorandum, quin'aétéécritquepourmoi.
!fe n'insiste pas sur ce point et vous pouvez n'y pas insister,mais un mot serait bon à dire. Ne dire qu'un mot, mais il fautou'it ë,soitdit. ·
Je vous écris sans relire, mais vous verrez derrière ces quelqueslignes hâtées ce que je n'ai pas le temps d'y mettre, mais ce quevous aurez l'esprit d'y voir.
Votre ami,J.B.d'A.
Son talent « une bataille contre sa chienne de vie
et la vengeance de ses rêves )' ) On ne saurait mieux.
dire et la souffrance de toute une existence de misère
noblement bravée, de misère cornélienne, dirais-je,
apparaît ici poignante. « 7*oo late (Trop tard 1)
C'était sa devise, le testament même de ses espoirs.
Eh bien, non, il ne désespéra jamais. Il vieillit, H
mourut les yeux de la pensée fixés sur l'Ange blanc et
sous le regard pieux de la Dévouée qui lui survit et <
veille sur son oeuvre comme elle a veillé sur ses.der-
niers jours. L'homme qui écrivait, au seuil de la mort,
la lettre qu'on va lire n'eut pas à maudire la destinée.
EHe lui garda jusqu'à ta nn FéterneUe namme,)ajeu-~
NesseétemeUe.
Ah! si :'on publiait ces effusions chastometït.~
lyriques à Mme de B. t, ~j
C'est le 1" janvier 1888. Barbey d'Aurevilly prend
tapiumeetécrit:
rans.vendredi.SJheMrea. S~ f'
Ma chère âme, – carifouj! l'êtes toujoum; – cette tettre, ~S~
pense.voaBarnveratedétettaMeJourderAn.VoMttttvet.j'toujours déteste ce jour; mats je vous aime, et yoit& powqMHJe 7vvousécris.. .M~'
Depuis ma dernière lettre, & laquelle, par paMnth~e.voM~l,!
n'avez pas encore répondu, j'ai menétmeMM: t~te vie. ~tter~
-r~-r.s~~LA VIE A PAK!S.
nelles corrections des (EttprM el des Hommes mangent tout mon ~'K~temps et il s'y ajoute d'autres ennuis. Soit lassitude soit dégoût ~rnaturel de moi-même, je ne m'intéresse plus guère à ce qui m'inté~ .;irossait autrefois. Ma santé est bonne, mais mon esprit est malade, ~ÿ
:ret je sens ce que m'exprimait si sublimement la pauvre Eugénie de i~Guérin quand elle disait: Le ciel tomberait qu'il n'ajouterait pasà monaccablement.. »
Avec cela, nous avons le plus horrible des hivers, un froid cou-
;pant, de la gelée, de la neige qui semble vouloir tomber et qui netombe point. J'aimais mieux les brumes de Valognes. Elles avaient
leur poésie mystérieuse. Mais Paris, l'hiver, n'est bon que pour les
mondains, et si je l'ai été dans ces quelques dernières années, jen'en suis plus un. D'ailleurs mes bonnes amies, Mme de Pô. et
Mme de Br. ne sont pas à Paris. Mme de Br. passe l'hiver & '<
PanetMmedéPo.assezmaladeducœur,estencoreaDeaavitle.Je ne~ais donc chez personne et je reste au coin de mon feu, livréà ce travail terrible des corrections dont je vous parlais plus haut
et qui ne sont pas près de finir, mes volumes à publier étant
nombreux et représentant toute l'oeuvre critique de mavie. -?Ah ma vie 1 Elle a été une vie d'efforts, de luttes, de travail
sans repos; mais, du moins, elle me sert dans ma vieillesse (cet &'affreux mot qu'il faut savoir dire )) et elle me fera peut-être une
renommée. peut-être. qui saitï Je n'ai pas grande croyance à
la gloire et j'aurais mieux aimé un peu de bonheur avec vous.
Dieu ne l'a pas permis. Il faut se résigner. Mais te moyen de ne ë%
pas penser aux rêves écroulés. quand on se retourne et qu'on ?~regarde derrière'soi. '4§
Ma chère âme, je vous demande pardon de vous envoyer pourun Jour de l'An ces tristesses, mais je suis dominé par des pensées g
~tns fortes que moi. A d'autres époques, j'avais plus de puissance
aur moi-même, je trouvais dans. ce que j'Écrivais une diversiou t~Sun. arrachement à une idée fixe, qui me faisait souffrir c'est cela~
avec t'impérieuse nécessité de vivre, qui expliquerà mesouvrages,bien plus que te désir de'la gloire que je n'ai jamais beaucoup e<
et d'une popularité que j'ai toujours méprisée, comme le siècle qui
pouvait meta donner et qui l'a donnée 4 des indignes i Vous donc, S~Smon Ange, ma véritabie Ame, vous êtes la raison et t'exptictttion
de m& vie et de ma pensée. Et si je vous le dis si tristement, m~
aujourd'hui, c'est que cette tristesse vous prouvera ce que vous
m'avez été toujours et ce que vous m'êtes malgré le temps et ta
mortqui.peutvenirdemain.ATOUSdonc, ma chère âme, à qui)evondrais taire tant de bien,
en:tu! disant tout ce que j'ai dans te cœur pour Elle et qu~n'y~ :â
.p'trira jamais. .S%~'Votrs fidèle et éternellement adète, -S~
BAtY.'/g~
420 LA VIE A PARIS.
4
Et après cette lettre, qui n'est qu'un cri de détresse~et d'amour, le copiste écrit
«Baby était une abréviation du nom ue Barbeyusitée par le fils de l'Ange blanc quand il était tout
petit garçon. Barbeysignait volontiersainsi seslettres
à la mère, par ressouvenir des débuts de leurs senti-ments. »
Pauvre Baby! Quel impénitent idéaliste et queléternel amoureux amoureux d'une âme I! a, je le
répète, quatre-vingts ans tout juste lorsqu'il envoie à [Mme de B. cette lettre qui fait songer au jugement
porté par une femme sur La Fayette vieilli «Le
marquis est un de ces hommesqui peut encore, Ason
Age,faire une déclarationd'amour sans être ridicule)1 »Il n'est pas ridicule parce que sa sincérité garde une
\0'
candeur d'enfant. Levieux Flourens, le père de Gua-tave et de l'ancien ministre, assurait que l'hommedevait atteindre l'âge le plus avancé en greffant uneseconde jeunessesur ta première (la vraie), etM. Jean~~Finot, dans un livre de tout premierordre, quasi clas-~aique déjà en matière philosophique, la PMoMpMeii.de!tt !o?t~('t~,qui enlève toute horreur à la pompée-tive de la mort et dore d'îllusionsexquises la vie quenous avons à vivre, nous prouve que !e corps a Sotr ?
idéal, en développant scientifiquement la paro!ede~saint Augustin « Le corps est aussi une orëatton~
'divine. »
Romantique impénitent, cevieux ligueur dëBarbë~ ï~'d'AureviUy songeait sans doute à la divine gueni~f~mais il était surtout lyrique et idéaliste. Dans ~n~~autre de ces lettres &Mme de B. extradrdinMMSeS~
\N~.Ë~
'LA~r~C~~ ~Â~E~~1
,a
passion et de respect (et que nul n'a lue,sautj[M<pHyi-)M~légiés, et que. je voudrais bien posséder,/comme~un~monument decette littérature ducceur.qui:vaut~toutës~les autres), dansunede cesconfessionsécEites.Barbey,.catholique et pratiquant, rappelle avec un orgueil deManfred le temps où il passait à travers Jes.salons~de~
Tortoni comme un Titan foudroyé – un Titan
boulevard des Italiens.
Pavenswoqd de l'Inquiétude, si l'on veut l ? ~3~En note, de la main de l'Angeblanc «1877.Jtfo~t.N~ i~
~eF~MM."1)
'L'' Mardi,4 heures.'S!
Machèreâme,il aurait'dûparattrehierun articlede moi;maisil a étéretafd~dehuitjours,sansquej'aie a meplaindrede
~ipersonne,etvouapourquoi,moi,le.R<M'<tg<<~t'7n}Mt~<«de,jevous ~&~par~ned'êtreinquiète.Je saistroplemalquecelafait.t
Je n'ai quele tempsdevousfairece:mot:J'attendscelui- là S!S~evons,quimediraquevousallezarriveràParis. ~~S3,
Adieuet à bientôt.Priezpourmoi,dimanche,le jourdemesJ. ~§'â~it*~ques,vousquiavezrachetémonâmedet'mdi(;nitédela vieet~peut-et~de'làdamnationëternelle. 'S~~readeie.ëterneHementadoie..
âme
:> ,B.<,
Ah le touchant roman que celui de ce vieillards« étemeUëmentfidèle,»,commeil écrit &l'encre rouget
~~il éonratt ainsi deson sang,s'il le fallait), fidèleà.~pn~
~Têve,àsesadmirations,à.son.amo~r-l ~f.
gS~'rtt~mQun'a.~opmme,il avécu,le.~vieux.ohoa~~u~
ë~tentm,mpQrtant intacte, sa'.chimére. etytout~l~e~s!
S~MU~~ jouer encore, par'haMtudo, d&nuié~icQnun~s~
!gt~a~~Ou!Man~d~poto~ c~`~;
~~6&tOUt.'en'8uivant./lamesse;'dans.le.bréviaire~ ~ot~s~abbé. r~
~43S/" .'R'À\~fËAPA.]R.
–Cette figurede Barbey d~AureviIlyest vraiment de
celles qui attirent, retiennent, appelant à ta 'fbis~~l'admiration et le sourire. L'écrivain est un maître.L'homme est un enfant. Un enfant sublime, jamais'la définition ne fut plus juste. Je disais que ce notait
pas un «critique » (la seule façon dont il jugeait.–~Gœthe le prouverait amplement). Mais dans ses ,â~«éreintements » il a des mots qui illuminent de&êtres. On pourrait, de Barbey, recueillir, faire unchoix de jugements frappés comme des médailles –des médaillesaux profils parfoisun peu brutaux, can-~caturaux. Ce n'était pas «le bon juge», certes, mais ë~c'était une façon de peintre fulgurant. Il emportaitle morceau. Barbey a trouvé plus que personnedecé~
définitions, de ces surnoms commeceux qui nagu~oouraient Paris menue monnaiede la conversation– et dont George Vanor, parait-il, avait le don de
\« frappe')).. ~Ë
Lorsqu'un' jeune écrivain, consacrant à Barbey ~M
d'Aurevilly sa thèse de doctorat, écrivit surFauteur~~
du Chevalierdes Touches et du Prêtre Mor~ deux'i'M'~i)
in-octavo, je sais tel cnttque averti et très fin, qui~~=
– Deux gros volumessur Barbey 1 Etque forà-t-OBi~~'pour de plus grands?
II est, au siècle passé,«deplusgranda *qaeBarbey~âAsans doute. II n'est pas d'hommes plus:repr~en~t<
,'d~m'état d'âme. Cet Antony lettré' 'ne; fut~pa~'désolé'par a.aectatibm-etpar mode.II' fut Ie~'K<f~.e~l'-Inquiëtudee par'sincérité et par''tem,p~ra!t(ëiM.
~t'fut surtoutl'amoureux,de 'I'amour,du:.plus"ch~~)~~t~u':¡.. '} r r~$
,~}:i
t.Â"'Vr&A~'PAR~S;f~
et du plus fierdesamours, et je voudrais qu'on pûbl~t' &§Ceslettres à l'Ange blanc pour montrer que ce dtab~- §
lique Barbeyfut, au total, un bon diable– et.'qu'à~~l'heure où Sand et Musset ne badinaient pas ayêc ? s
l'amour, il était d'autres cœurs aussi qui battaient,-avec une ardeur pareille, qui restaient fidèles ets'M* SS `''
maient non pas tout haut, mais en haut.'Il semble que je parle là de quelquespersonnages
légendaires. Barbey d'Aurevilly a en effet sa légende– que son histoire vraie ne peut diminuer. Au con
'raire.
XXVI .H:~XXXVI
:;&¡>i$A proposd'uneévocationdu secondEmpire.- Un compto~ fignoréetledramedela~aoeKt. Cequem'aconteM.Victorien ë~Sardou. LecaviardechezChevet. A la Comédie.FrM<çaise. Unpersonnaged'autrefoisRigolboche.– Qu'Mt-eUedevenue!– DePène(Mané)et la danseuse.–LesMémoire*deRigolboche.JulesJaninetLouisVeuillot. VermoM~–Y'~ËAuxDélassements-Comiques.Lequartierlatin. Bullier.– '!i:%Cequia disparu. Lesétudiantsde190~. M.ÉmiléLoubet~
M.Campinchietle bâtimentde la rue de la Bucherie.– vPourtaMaisondesÉtudiants.–Demaint. (~~
20Décembre,
Pendant que défilaient, sur la scène du thëâtre
,R6jane;!es jo!is costumes, les crinolineset les rubans~ vles « suivez-moijeune homme » qu'on dirait dëtachëa%d'un album de MarceUin, je songeais, après avo~applaudi la Savelli, et souhaité bonne fortune à 1~~$~créatrice, à la bonne fée d'une scène nouvelle, o~
je pensais à une aventure que m'a plusieursfois contee~~Victorien Sardou et qu'il ne m'a pas défendu de
répéter.'
C'est un de ces romans de l'histoire qui, st'on~I~écrivait, pourraient prendre pourépigrapheles vers d~S~~
-~Dante-Gabrie!Rossett! « Jesuis'ce'.qui aurait~
;~être,et ce qui n'a pas.été.Le texte.ex&ct;~u~!p:o~~m'échappe mais !a.penséëest bien ce!!e-!à.
€e qui aurait pu êtrë~ s- C'est ,d'atn~ùrs~<mt83h§~~
r..`fk
s y ~1
LA VIE A PAR: S. `;
.Ma
vie ou ce qu'on pourrait dire de ta vie. On a toujourspassé à côté d'un péril ou d'un bonheur. %'$
Il y avait, du temps de NapoléonIII, et il y eutjusqu'en 1900, !ogé, encastré, si je puis dire, dans *Sles bâtiments de la Comédie-Française,un établisse-ment fameux de liqueurs et de comestibles celui durestaurateur Chevet. Restaurateur par hasard, car. ?Chevet n'ouvrait guère; au-dessus de ses magasinsassez vastes, que de petits salonsoù des habitués, des,gourmets venaient prendre des repas choisis,sous des
pjafonds un peu bas. Cessalonsétaient commeadossésà la Comédie-Française,et une muraillefort peuépaisse– on l'a vu depuis les séparait de la salle qu'avait
décorée,refaite enpartie l'architecte Chabrol.Un jour, le patron du magasin de comestiblesvit
arriver chez lui deux jeunes gens, deux Russes, qui }demandèrent à dîner. On leur servit leur repas dans
Une des petites pièces en question, et tout naturel-
lëmentils commandèrent du caviar. Le garçon leur ?<
~~aervitdu caviar. Ilsy goûtèrent et poussèrentles hauts J~~~ns.~
– Ça, du caviar?. Pour qui nous prenez-vous?. y~Nous sommes du, pays 1 Ce n'est pas le véritable-
caviar de la Volga1. Vos esturgeonsdevaient être de
qualité secondaire1. C'est à peine, ça, le caviar infé- S
ijEteur quenous appelons le MMorroM~e.
$––Mais, messieurs, pourtant 1 ~S~s~–Bon pour des moujiks, votre caviar, garçon
nous revenons jamais dimerici, nous vous montM-'S~~~oné oé que-0 que, du Caviar'
n,ousvo,u,",s"
m
(),n"t"r,
i=~
4:i~q~M~oë~qùe'o'estque-'du.caviar!
~~e~garcon était ~humilié.Le 'patron monta faire,~e~
~86' :?.~ -tA/ ~M! ~~iHTS. S~
excuses. -Personne jusqu'ici .ne s'était plaint, du.Oavia?~S~~
i'de Chevet. II était désolé. Une autre fois il donner
'ces -messieurs un autre .caviar. ;)~S
-–Une autre fois,'une autre fois.Ë&~
– Une autre fois, dit nettement undes..deux~
jeunes gens, nous apporterons notre caviar! .Car ~~&~
faut -être juste, tout le reste du repas étaitexcelleat~
Puis les deux convives, disparurent. 'MSa~
A quelques jours de là, on les vit revenirl'un 'et~
l'autre mais l'un deux, cette fois, portait sur te ~FM
un petit baril blanc cerclé de bois.
– Voilà du caviar, dit-il, du vrai caviar 1~&
Et l'on se mit à table.:$i!~M
Le couvercle du tonnelet enlevé, un desconvivesy~
oBrit au restaurateur de goûter à ce caviar vraitnen~
exquis. .i'
"–- des œufs Men,pressés, .bien salést.G'est.ceItt?~
~~donc.'du'caviar.)1
/S~B
Ji~falMtbien reconnaître que le caviar
ainsi
..était '.exoeHent. Les dîneurs promirent de'd(mne!&
l'adresse de l'expéditeur au lieu d'origine. Ils ladon~
nerént ,même .et on les remercia. ~i'~
Le repas Sni, Hsprièrent qu'on mit
dec6tëit~8~ë
.pl'écieuxrbari!: 'SS~~i
.,–.Gardez-nous .notre caviar. Nousn'en.trou~e'~S~~
rions-pointdepareudans'tout Paris.-s8~
Ah ces messieurs.~ont.amateursj~-N!P
f – Fanatiques, .donc!Ayez''bien~BMn.du~<!avia~
~T–.Ne -craignez, neh.; Legar.con.a~a,8cm:d~3
'tonnelet comme d8~ses,.yeax:. vous.te~jmettr~S~
~jp~Cftmmànda~~atron. '7
LA~IE A PA~!S..
Alors, de temps en temps, les deux anus venaient'dîner <hez Chevet, maniaques, demandant toujours
tieur caviar et leur petit salon d'habitude.
J!s causaient de choses indifférentes,ou plutôt des
petits événements parisiens, de théâtres, de courses,ï
du duc de Gramont-Caderousse,du duc de Morny,
~fde comédiens, de comédiennes, de danseuses de
TOpéra. De politique, jamais.
Et '~lavinrent ainsidiner à des intervallesrapproohë9t
Jusqu'à ce qu'enfinle barilde caviar fut achevé.
Unsoir, ils réclamèrentleur.caviar.
Mais, dit le garçon, il n'y a plus de caviar 1 Ces
messieurs l'ont consommé. Le baril est fini. Si ces
Messieurs veulent se contenter du nôtre, en attendant
l'arrivée de celuiquenous faisonsvenir.
<– Non, non, non, nos t s'écria l'un des convives.
~~Votre caviar rouge, jamais t. Nous nous passeruns
S:de caviar pour aujourd'hui. La prochaine fois nous
~SFàpp~cteMnanotre caviar.
Peu de jours après entrait eneffet dans le magasin? de Chevet un des deux amis, porteur d'un tonnelet
Ë;ïde bois jtianc. Onle salue, il demandele garçon.Le
~gat'eom arrive.
j Ah1ah Monsieur apporte son fameux caviar) 1
A–– Oui, donc déjà) Et oùallez-vousle mettre pour> -touche~qM'MR'ytouchepas? ,'>
– Où mous avons mis l'autre, monsieur; dans là
['~pettteamnoire.voussavez.
Parfaitement. E ayez-enbien soin, je vouapMe('y
m~–-Monsieurn'a à s'inquiéter de.meni M~~
~y<Hlà. ,Dono-à~biantôh.A demain'eu' à..ap)fê~~
'42~ ..yr- ~L'A VtE-Â'~f~R'
demain. Cela dépendra de la première.des Vanetes~.Le'garçon prit le baril des mains du d!neur";q<Ï!S~~gs'éloigna,et le monta près du petit salon, pour~l~
déposer dans une armoire voisine. ~ë~~SMais en montant les marches de l'étroit escaMepf~~S
qui menait aux sallesbasées où l'on dînait parfois,.u)~impressionde doute lui traversalacervelle.Le tohnelët'lui donna la sensation de n'avoir pas le même poittssS~i~que le précédent. Du caviar? Était-ce bien du caviàf~quecontenait le,baril? Et si par hasard, par impossibi~ce n'était pas du caviar On ne sait pas Oh ne'sait~jamais 1
Il redescendit'et fit part de ses doutes au pat!'on.)'N~– Qu'est-ce que vous voulez que ce soit? 'Vo')is''S$ëï~
'êtes fou 1'S~~
– Je suis peut-être fou ou imbécile,mais qu'est-~e~
'~qùe. vous.voûtez?ce-tonnelet-là, on.peut'tOujoufSt'S~~l'ouvrir, pour voir l 'S~M
~– L'ouvrir? Et si tes clients, !orsqu'i!s-vont reVeM~s'aperçoivent qu'on a débouché leur caviar, croiet~'qu'ony a goûté?
'– Oh t refermer le. couvercleet resserrer tes 'cërot~S~~ce n'est pas malin, patron) 1 Et du moinson se
compte. 'P'B~
'"–Eh.bien.va') l:â!!ë~
Et l'on remonta dans le petit saton,'et du..b6uf,d~$~~ciseau,délicatement, onsouleva.te'couvercle. s~
Le'patron et legarçon-pousaerent'ëh'même~'te~p~
lemêmecri.
la t.S~
~–De !a poudrer
~e,n'ëta~pa~ caviar'que'contënMt~t~~
LX;'vitE''A'~PÂBÏS'.'S
nouveau c'était de la poudre. La salle où l'on dînait "S~
~t;était située presque au-dessousde l'avant-scènetmpé- f
~fiaie–- côté jardin et le tonneau, en faisant expto- S~
sion, pouvait faire sauter l'empereur dans sa toge. ??
~S'Les deux hommesse regardaient tout pâtes.
?*?' Hein si je n'avais pas eu cette idéa-tà, patron 1
~S~ ~Voyez-vous,ce n'était pas le mêmepoids, ce n'était ?!~i~pas le même poidst
~~E~On avertit immédiatement le commissairedu quar-M. Pietri fut mis au courant sur-le-champ. On E:
'âttèudit. On guetta les passants. Le restaurant, sur-
veillé, devint une souricière. Aucune souris n'y fut.
~~p)'ise. Les deux jeunes Russes ne repa: jrent pas.
'%Ë~~Bn~ su que leur poudre était éventée, leur
:projet connu? Personne ne pourrait dire aujourd'hui
? on ne les revit plus au Palais-Royal. Nul ne
s'ils vraiment Russes,d'où ils venaient,
~~Sep qu'ils étaient. Ce qui est certain, c'est que leur
iM~tohnistet de faux caviar devait faire explosionsous les
N~~ed~de NapoléonIII.
Pietri recommanda aux gens de l'établissement
~~Ghevét te secret, qui fut bien gardé, et je crois bien
~$! que c'est un des hauts fonctionnairesde l'Empire qui
~$~~ le fait à VictorienSardou,après le 4 septembre. ?
S<yec son merveitteux esprit chercheur, te maître
~~i't~amàturge essaya bieh ~e~trouver le secret, do.'péné-
'r'!e mystère. Impossible.'L'aventure du'barit~de'
'jMfvtjtreat et demeureraunedecesénigmestte rhistoire~ s.,
'?;ttre tragi-comiquequi comptetantde drames'arn-
~aa~dénouëment et tant de mélodrames~~rtés.v~
t 'y~nsàis, je' te répète, uwotontairement~l'aut~ F
~48~A.~
smr.cfandis que,caressant sa moustache(un pë~tr:op~$~
hpire), traversait la salle des Maréchaux le.oottiédt~qui HguraitNapoléon IH, tandis que dans la cp~ltM~~ta musique jouait l'air de !a ~eMeFo7'<eM$e
PartantpourlaSyrie, 'SLejeûnentbeauDunois. 'i.:K.
Sensation étrange d'ailleurs, et d'une mé!ahoOMëSMpénét.&nte voir à l'état de spectacle, c'est-à-diMd~~f
Jëgende,ce qui fut la réaHtë,la vie, à l'heure où J'<)~~
avait'vingt.ans.!La ~a~Mt, qui a évoqué hier des ombres,a remiBje)~~
lumièreunegloire passée,la «gloiredu siècle)',com)~e]~~ontdisait alors,une de ces Hgurësétrangesque lapapja~~ttarité hissesur son piédestal et qui, apparues Un,~e~<~Msoir~et venues on ne sait d'où, disparaissent ontte~comment.C'est Rigolboche.Le iriom est restée ai~x~epërsonnantéqu'il recouvrene dit .plus rien auX?g6n~
:ratipnsnouveMes.Jecrois .bienqu'ellevit toujours 'et ;je '.po)U'ram:Q
;te.;n.om'qu'eneporte.' Autemps d'Arsène '.Houss~~M~~'du'petit de Massa ;pour .parte!* .co.mme' là~pi~
'de; M..Max.Maurey,Rigo!b.oche~iait Ia~e!ne:.<f~t~[~.siste. du.Paris 'qui s'amuse. Louise.'VemUo.t';i'~t~
~<~ppartraictur6e ~commeThër68a,\daB'8~;se8~d~<";de.Pa~M?.Je m'ensais .rien. 'Mais.lorsque;. HtgoH;
'pnt.,la~pIume,.que.ne,M,prêta.jp.M's~ am~~G~i~
'.reUe'se.compare..&.Vëuiupt. ~n/'lit ~daM~i~t~
i'tgo~ocAe. ,<< .U'~n'a. tpujoMts.c~t~p~ n~.II'.éMve~.voix, je.lèye'ta'' jambe'i.n6'u9:adnMNLëa~~j~
.~pp~;no~en~ehdre.t'~ <~S~S~
t:V~E'P'ÀRtS~[~S~S~·;
SgEHe levait t&jambe en effet. Vêtue' d'ùn~costume. `~'
~y'canotier o~ de débardeur, elle faisait faire cercle S$;
~iKt!tour' d'elle lorsque le bout de son pied atteignait
~~des; hauteurs prodigieuses.On montait sur les chaises jS
~&ù casino Cadetou au bal Bullierpour la voir, comme,
M~'a.u'temps duDirectoire,les muscadinspour apercevoir
~~y~tme Récamier entrant au Petit-Luxembourg. Rigol-était illustre, du salon au faubourg, comme
$~ l'Antinoüs du trapèze, et comme plus tard
g$ P~ ou la belle Otero. Unchroniqueur alors tout-
puissant, Henri de Pêne, qui signait «Mané »à !'7K'
~pe~KfaMM&e!g'e, le seul journal un peu libre parce
~~jû'Hvenait de l'étranger, avait fait la renommée
S~~e Rigolboche.Dans un accès charmant de paradoxe,
~~d;e Pêne avait inventé Rigolboche.«Manë lui dëdiait
!t)ês chroniques réunies en volume par Dentu. Rigol-
~ig~J~ehe' était une puissance.
~~S~oK~' ~o" P're.comme'disait~Mme Dorval;en~,
~<!Bmt d'eHe-même.Du reste onpeut encore se~rendre
~~S~~Hhptede ce qu'elle était si l'on retrouve ce petit livre
~~M~eaù rare, tea'~MOtrM de 7!{~oMoeAe,.oùChamra
%~S~~inée levant la jambe et oùunephotographiejaume
~ttt tpomtre encostume de~débardeurde Gavami ou-de
~S~atter' carnava!esque,~te pantalon rayé. boùfrant,j
~it~t&uBe: flottante; ta cravata lâche, un feutre-campé,
~~S~p~rruque~Hancho à catogan. C'est-dans.. ce
~j~n'Bate~ qm'on' aurait pu nous' la montrer'dans?;
"ota:&e ~MàbiHe,aH'théâtre' Réjane; Costume~hM-KS
,S~~p)~ dootnn6htairet. photogtaphié pari-Petit'"et'
Rrx~ t,,
~JM'<!ntOt~<&~tgoMtoc~(née.à. Nmoy/voH~
~`
't~J~?\
tout ce que noua revête ladanseuse) firent d'amëu!S~
scandale, comme soncoup de
pied en l'air. Ju!6aS~S
Janin s'emporta dans le YoMfMa! des D~o~ contre catte~Ë
gloire bizarre, qui un beau jour, voyant unsorgë~t~~
de ville verbaliser, menacer du « violon x unecanta-S~
rade un peu trop fantaisiste 'en sa danse, avaitdit?a~~
l'agent de l'autorité « Laissez-la donc C'est b:e~~
plus rigolboche 1 » (Et !e nom lui était reste.) 'f
Deux moraHstes indignés publiaient « chez tous )$s~~
libraires » un petit livre en colère, A &iM/oMo~'y~~
« sans portrait ni vignette », disait ta couverture, et~
un lithographe du CAerK'ert, Chartes Vernier, réKn~S~sait en'un album une aërie de trente
lithographies
.Rtg'o.oe~wMM/e.
C'était l'époque où les Hbretti de ce genre pu~$~làient sous les galeries de t'Odëon et
où VermO~eN~
qui devait mourir d'une bâtie en mai1871, pubîi~S~
son premier écrit, CM DaMM, qu'on !ù;tant
'ché etqui était un
pseudo-pampMet.Où sont lesbe!i~~
heaumières et les neiges d'antan?~S~~S
Vous entendez bien que Rigolboche devait ttvo~~
)a man'e.ia tentation du théâtre; Bullier se suffit paa~~
certaines étoiles. E!!e sauta sur !a scène desDëtM~~
ments-Comiques, et Sari, bétonnant imprésario, la ~n~en lumière dans une de ces amusantes revues
de~~S
d'année qui faisaient courir tout Paris au petit the~g
plein de fredons et dechansons, du boùtevard~S~
Ten~pte. LudovicHatëvy a rappelé ces' souvenim.~a~~ §
une lettre à
Georges,Cain.:M~8'M.'E;r)test;jEtiu~jours jeune etspintue! comme ea tous temps, pOM~
,mieux que personne conter ce~tëmp~degaiet~vr~e~~
f.S~
LA. V!Ë A PAN!S.
~A~M
~Mùrgor, Mario Uohard,Edmond About allaient voir, ~~yi·-
~sla'bas, danser Rigolboche.– Tiens, dit un soir 1' «étoile »à About en le regar-
~S~~dant, vous me ressemblez,vous!C'est vrai, vous êtes
K$Si tout mon portrait – mais je suis mieux que voua
Ë~–Naturellement, dit About..
'Au temps de cessoirées, j'étais tout jeune. «Quand
j'étais étudiant )o comme dit Nadar en son beau
g~~Rvre. Je partais le matin au petit jour pour aller
prendre des répétitions chez un vieux professeur où
Ê~]g voyais parfois Eugène Despois,esprit supérieur et
~t$~aiment un mattre. Je montais la rue Saint-Jacques,
§~y aujourd'hui transformée, crevée, démolie, et si pitto-1
~6.~res~ alors, encore moyenâgeuse, comme on dirait
Je regardais, près du Petit-Pont, l'en-
~~$&~gne légendairedes «Deux Pierrots )', toute criblée
~ar les balles de juin, mouchetée,trouée comme une
~Utnoire. C'était le vieux quartier latin. Les cours de
~tt't-MM'c-Girardin et de M. Berger m'y attiraient
plus que là Closeriedes Lilas.
S~S' ~!ors~« Levieux quartier latin se meurt) s
P&chantait'volontiers le refrain de Lopère T.M
!~W~ Non,tt<t'Mtpt)M,monvieuxquartiertatin)
'de mes amis, mort aujourd'hui, et~'qui dovatt
~djer.aYeo'Adoiphe Amat, autre disparu, la ~epH<
~Me, porter'l'uniforme d'omcier de mobiles.,eù~
B ~$*P<"S ~.costume de sous-préfet,écriv&it'~M~<M*
~M ~eMmM'~tt ~ttartter Z.a<)~.Aujourd'hu~S
f..aon "pourrait ëcrire'quelque brochurette, sou~~
t2~°
~V~g~ 'LA'~EAPAR~ ~N~
le même titre et chanter commeen ce temps-là; apr~S~avoir béni Maya~e: 'i~~
Leclou, 'X'$~Leclou, \:s:tS~~
Vivele clouQuandonn'apas'l'sou, '$8
Vivele clou
Mais il me semble tout de même que les étudiants ~Sont des préoccupations plus sérieuses, et leur ass~~ciation nous donne l'idée d'un groupement plûs frA-ternel. Nous étions isolés ils se rapprochent. L'~?$~
sociation, l'A, comme on dit, devient une in9tit.utK)H,
et, au dernier banquet de l'A, M. Emile Loubet, avo~i~une bonhomiecharmante et une pénétrante éloqnen~.t~Sa parlé à ces jeunes gens de la scudarité qui est lentr~~force et de cette vertu supérieure l'union. <tAt'époq~
où j'étais étudiant, leur disait-il, nousm'avions~)M~~
d'association; nous étions seuls, désemparés, étoign~les uns des autres. » Et l'éminent « étudiant Ko~Sâ~raire » de louer les étudiante d'aujourd'hui d'a~i~~enfin uncentre de réunion, une bib!ibthê<pto,unë s~d'étude.
Voyez-vous l'étudiant pauvre dans sa chiMN~)~~
froide, par ces soirs d'hiver ? Imaginez !esm<imo<t~<gdé décembretombant, tà-haut, sur ces jeunesépaL~MSSsur le livre de médecine ou'de,,drottt L'Assoc~donne auprovinciat éteignedu AoMMfa.'niMatta ~~j[<êt la lumière.Il travaille àsom.ai.se<H'~ause;f'~M~il vit.
'L<~L'e.Consei]municipaldéParisdoit,toaër'P~
~plu~ l'ancien localdeyMiUë'Fàc'u)t6de~
"LA VIE ~P\AR;t'&8~
rue de la Bûcherie, à l'Association des Etudiants.
antique logisde science,vestige du Paris d'autrefois.
Onaperçoit encore là, me semble-t-il, à l'angle de la
tue et de l'hôtelColbert(car je n'ai pasrevula rue depuis
des années), le dôme de l'ancien amphithéâtre, la
rotonde qui remplaça le petit amphithéâtre en bois
des temps légendaires.Au xv! siècle,la Faculté abandonna les bâtiments
de ta rue de la Bûcherie pour un logis situé rue Jean-
de-Beauvais, jusqu'à son installation dans les écoles
~o chirurgie établies déjà sur l'emplacementactuel de
i~Êcote de médecine.M. Grébauval a rappelé ces sou-
venirs au Conseilen proposant la location à bail, pour
%tmedurée de quatre-vingt-dix-neuf ans, du bâtiment
!~e ta rue dela Bûchsrie à l'Associationdes Etudiants.
La décisiondoit être prise avant la fin de l'année et
~e vote ratifiera ou repousserala proposition, qui date
~uBjuiltet. Depuis ces jours d'été, M. Campinchi,
~ctit et chaleureux président de l'A-,s'est dépensé
i~en eSorta. M.Liard, avec son dévouement habituel;
~ëst sympathique et zélé. Je suis sûr que M. Lavisse a v
~ag~. Les étudiants offrent de réparer, d'aménagertes
'Bâtiments caducs de la rue de la Bûcherie.Il leur faut
???000 francs..!yt,
~ous les trouverons1
~~EMc ne doute de rien, la jeunesse. Et elle a raison.
~S~~ëStperduquandon doute.D'ailleursMécènea lais
~(~eveux..~$~~s le Conseilmunicipal hésite.
~~S-~Bans.quatre-vingt-dix-neuf ans, s'écnait':M.,Be~
~ut~il est probablequ'il y auraencoredes étudianjtsijs
'436 'LA.VÏEA!R!a.?.
– Ce ne sera plus la jeunesse des écoles, disa~MM.Fribourg. ~S
Et l'on riait.
'Ne rionspas. Ce sera toujours la jeunessede Fràncë~~
Nousaurons disparu. Les plus jeunes dé t'A ne serontph~~que desombres,devieuxportraits dansdevieux cadr'esQ~Les étudiants de l'an 2006ne connaîtront plus peux~i~leur auront assuré un local, de t'ëtectricite, de la vtft.Maisle quartier latin a besoindecetteMaisonde la Jeu-~S
nesse, pendant decet hospitalier logisqueM.d'Estour-ëne!tes de Constantappelledéjà i~Maisondes~<a~e~°~§ set où l'on fêterait les hôtes iiiustre~de passage.'u)~~Nansen, un Carducci, un lord Kelwin, un Rudy~~SKipling. Je croisbien que M. le préfet de la Sotne~ttt~~dévoué à toutes les œuvres utites etsi convaincant,car il a cette force le charme, obtiendra pour tes '&
étudiants de 1907ce logisde la rue de la BOchoneils se trouveront plus largement encore qu'au 43de )~~rue des Écoles,et dénnitivement Paris aura!e«hpm~de labeur et de camaraderiequ'il faut à la jouneMe~
Ce sera là mon souhait de l'an qui finit.Onnesait jamais,quoi qu'en dise Mmede Thébes,
qui vous attend avecl'an nouveau. 1907 sembte no~S'~e
sourire; en réalité il nous.guette. Et que! qu'H soit~c~~« belan neuf vive l'avenir et vive aussi la jeun~SM~~
tout simplement parce qu'ils sont la Jeunessef~~Sl'Avenir!f "M~
~~ABLE ALPHABËTtQUEDES.N~MS~~
?"
S~tard, 160.~~)0ut(Edmond),298,433.
~))rant6s(M~d').159à
53,54,179.~tpaI<io,A.t62.~~(AdQtphe). 433..~~ëM.~Ëdmundode),110.
~~tût.~6?.296.
~B~uN~a'(G./d'),105,134,
S~(PàM).~4~~~aM,.75.
Aubaret(Gabriel),.105,1'95~S~àl98.
Auber.379.Aubigné(Agrippa'd'),lO~S:~
115.117.Audo(Marie),84. ':r~Augier(EmMe),68,76,lin~~§!~
123.. 'SAuguste,382. 'i~8~Aumale(duo.d'~70, ~'t~S
!}12.226.. 'S~Aurec(Princed*),189.~M.SAuriol,379,380,~38~S~S~-Aymard(Gustave).~8.
B
'Bac.111. ~i.$E~ceni,109. ~ËBaiMy,72. ~s~~
/BaHanche,~63..BaMot(D''),98.'1,i~~Batzàc,74,75,:A.i51,~'167,~63,.36i:S
STi :f ~~Y4
~;i7
~~3~' ~~T~eLE~ALP'H~S~TI~U~BES N01N81
~i~Barberpussë,213.
.Ba)'bëy d'Aurevilly, 237,
289, 297, 312, 397, 412 &
;423.
Barbier (Auguste), 92, 95,
96,387.
Bardoux, 95, 96.
~Baron,78.
Barrière (Théodore), 395.
Barry(Générat),34-36.
Bartet (M"), 79, lOt, 104,
194,229,324,334.
Barthet (Armand). 300.
~~Barye,204.
Batame (Charles), 89.
Battenberg (Princesse de),
~1~.
Baudetaure, 381.
Baudin.SO.
~Sazin {René), 225.
x peaum~ 112.
Beaumont (de), 296, 388,
~38~
*BeauvaHet, 125.
~Beer~G.). 106.
Beethoven, 233.
BeMn (Théophile), 67.
BeUac,167.
Bet~~ 263.
~Bé)-ànger,138,290.
~Berger, 433.
Bergerat (Emi!e), 247.
E~ Be~gommier (D'), 198.
~<)')ot,950,
~~oi6,M5,
~~?~31,
f~â~tta)'d'(M.-),.2t8.
Bernhardt'(Maurice),1"2.
Bernheim, 402. ~S!Bernshamm
(Leopôld). 'l;4'6p$~~Berryer, 56, 70; 226, 230~Berthaut~ 435.
Berthetot,' 275,. 403~ 4'09;gBertis (Sir Francis), 3'), 'MS~~M
Bertrand (Georges), 89.Bertrand (Joseph), 100.S~Besson (Louis), 62.' 'S~~S
Beust(de),353. 'S~
Beyte (H.), 74.
Bienvenu, 369. ''Fs~SBinet (René). 258..
~S~~Bismarck (Pierre de),58~
353, 357, 385, 406.
Bizet, 393.
Btanc(Loms), 4<'3.0,7~
408..
Bianchepotte .(M""),.
Btaztus.63.
B!ucher, 6, 379/389~
Blum, 222, 482. 'iS~B
Bocher.183.'
Bod)ey,33.Bodley, 33.<
Boerne (Ludwig), ~O'S~46.
Boileau,329. 'BBoissiër (Gaston), 1
403.
Bonaparte
Mon),' 106 M7.''W~~M
'Boncza- '(Wandt
BontnarUnt(C!o~t~
BQnnaM'(Ab9t)~2~âe!
~BËT~'E('D~~N~
~`xc'yy zâ.,~~E~4~~ "#~,d~
~Bonnery.160.
Nëofet.. 72..
~prnier (Henri de), 51,
~pl."
de),
$~0ssuet,148.
~osweM, .379, 380.
~Souithet (Ijouis). 146, 237,
~~13,. 414.
~ouitty (J.-J.), 118,120.
~ouhinvHHers (Comte de),
?~283.
~oulmge)'(Générât), 338.
~Boûtn-Boum, 381.
in de Lassouche, 78.
~O~rbati (Général), 143.
;%ëot)rdeau(J.), 47.
~ÊOMrget(Pau)), 62, 415,
!K$~
~Htr<pHnt; (de), 180.
~yef (Phitoxéne), 298.
~M~'(M" de),165.
?~?~33.
~~f~d''s.95.
~as~ttt, ~T.
~(J'eB), 80..
~~tÈttant~au. 20.
~ridaine,. 63:
~~on' (Adolphe), 291.
;(Atbert de),. 180,
~han~tes),100.-
~S~an"(Aut;u&Une),. 297.
~(MtdeMM),54-55,
~t~3.'125.
p~(Pa~)..3.i.'~N~~$'936.
~384,
Brunetière (F.), ~64, 403~~06.. 'J~~
Builon, 207.
Bulow(de),49. r "iBuloz,52,53,54,55.Busnach (William), S40.
C'A
Cabanel, 90.
Cain (Auguste), 221.
Cain (Georges), 4, 165, 211,
221, 222, 328, 432.'
Caleb.370.
Cambacérès, 149.
Campmchi,424,435. ?'
Canclaux, 211.
CapeUe~Marie), 111.
Capout,359.'¡',
Capus, 114.
Ca)'ducci,436. ~S~
Garjat(EtienM),80,~9~91., '?
Cartes, 338. y;
Carnot (Lazare), 407.
Carnot (Sadi), 3; 324,385.
Caron,M9.Carpeaux, 260. 'S~
Carré'(M'*e),M2:.
Garrejt (Armand)~ l4(~'37t. -N~S
Cartigny, 59. -M~Carvatho, 357; 358, 3M~S
Garva!ho.<M'"<'),CaMm:r-P~â
Casimir-Perier; t~~Castet~e,Ss~
~0~TABTB~]~~TtQ~C~
CatiMna,106.
Cazm,224.
GéMmène,57.
César, 107.
Chabrol, 425.
Cham, 431.
Chamfort, 256, 372, 394.
Champmélé, 122.
Changarnier (A.), 218.
'Chaplain, 19, 65, 92, 93, 98
à 104.
Charcot, 278.
Charlet, 209.
Charon, 72.
Chastes (PhUarète), 56.
Chateaubriand, 149, 150,
159al68.
Chaumeux (Abraham), 283.
Chénier, 57.
Chervine, 203. 207.
Chevet, 424 a429.
-Chirac (de), 80, 87 à 89.
Chocolat, 379, 383.
Christian (Roi), 16, 17.
Cicéron,75,106.Claës (Balthazar), 368.
Clàirin (Georges), 128.
Clairon (M"e), 76, 121, 123,180.
C!airviUe,249.
aar!ce~211.
Qemenceau,261.
CMopatre, 105, 106, 112.
Gter (Générât), 212.
wëtctmb~
G!QQtz(AnachaMis), 108.
~o~eteau, 148.` 108.
Cogn.iard'(Théodore)t~Coictier, 408.
~S
Colange.148. ~gCotet (Louise), 297.
\t~~Colonna, 283.
CommanviHe (M"),. 149i~~Conradin.40. ~Ê~
Constans,a97.. "N~Constant (Benjamin), "l'O.'t~Ë~
2M. 'Ë~Contât (M"e). 78,~20.Cooper, 275. ~'SSCoppée (François), 97; .§~
CoqueHn a!n~, 90, 2M:233, 258 à '263, ~25.34~~
Coquelin Cadet, 33.
Corancez,205-206..CorbeiHer(MauriceCorneil!e, 37, 78, .118t.t~§~
145 à 158, .2~8, S!19,236,'4ia, .413.gS~
Cornwan (Sir Edw~')t"
Corré~e, 306.
Cortès' (Donoso), '352.S~~Cottens (de), 162.'
Couder, 10.
Courbet (Gustave), 90,8~~
Courier (Paul
Courteaux .(D'). 381.$~Cousin, .176.'
Croiset-(Maunce).; IM.'S~
Gros. (Charte~ ~8~
Ganisset-CaFnbt.~206~S~~
Cune,.232,:M'409. ~$~
~A.N~6~t~ Al~al~8~`~ .`~~l~l~`
DMChatnp~~Q~p:ard~
Descha~ps-(~asto~i~
Deschamps.'(Rose),24~
Desctée(Aimée),92,
104. .K.
Desgenais, 84.. "W~$~Desmoulins (CamtHe),' ''30~s~~
75,266.
Despois (Eugène), 433.
Desprès (Suzanne), 332.Dessiner (Générât), 211. a~
217.
DetaiMe (Euouard), '339.
Devah, 275.
Dickens. (Chartes), 384.
Diderot, 193. ~S~
Diémer.233.. -a~K
Diogène. 1~9.'
Dominé (Cotonet),.34't.
Donnay (Mauhc6)._ 20,~1~
Doré. 72.~~3~~
Dorvat~(M~), 58, 4~M~
Doudan (X.), 172,179~0ë5!
'N~
Dry (A.), 211..~S
Du Barry, 262..
Dubois(Théodore), :'393;XiB~~
Dubois(M"').~ '298.
DuBoys'(~ean), 89<
Duchesne(Alphonse),'9.0.
Dudoux'(M.),M'.°.. ,f;~
Dudtey (Lady),5.S~~
Duhem(at"'),~M5t~i~~
Dumas. (A.),~74~;
120.\126,~M1~L~2~
~tt'tiHter-.Fteury;70.
~M~&clin (Kart), 296.
~&an86au,7, 371.
~<.e.110, 131, 415.
~afcier,90.
~ahen.(Georges).336, 337.
~&rwih,201 & 203.
~S~u~igny, 100.
~~paudet,.l'49, 195. 292, 294
~S'~ 302, 344.
164.
~~B~Mthcourt,78.
(Max), 187.
~~jË~bnë,'l62.
~ë~eout.72.
~reau~222, 379. 384.
~&)'S~(Abbé),.264, 266.
~S3;6~&'276t&77.à 28,7.288.
'9(~S79. 386.387.
~aMnay,51,194,-259.
~~§~t~('Jacques).'214.
~SoK,(BMpn).~389~.
.2:48.
milë), 76.
~AB&E~A.EPH~~W~~E~D~t~~
~M~~A~ab~~M~
~2t8,219,'22Q,'226, 238,259,~60,277,362,394.
~iD<imësnH(M"~),122.BHpaty,56.
,Buptn, 114.
Dupoht (Pierre), 90, 160.
Bu~ms (Daniet), 101.
D (Chartes), 3.
DuroG,211.
Duse (EMonora), 332, 361.
:D)tsoHer (Atoide), 415.
D (Jules), 295.
;~Duverger (M"e), 76, 269.
~ùvergier de Hàuranne,
97.
~S~~ E
~ËSouard YU, 3l, 265.
~(tmij~fatrice42.
~SE')~
~g~Mefy~d'), 1.27, 396.
~!SBe~(J~b6 de I'), 300.
~~BSjCttdier"(Paut), 65.
Essarts (des), 296.
Bsstpot (Capitaine), 319.
~~Estautué,
289.
de Constant,Estournellès ds Constant,
~y(d'),'436.~Eugénie (Impératrice), 243.
tS~
~~)~e.(Fer(}inand). 289.
~9.
FaUières;7, '11/2~0. .g~FaUoux,56. :t'S~sFauré (Félix), .119.
Faure-Biguet, 215.@%Favart <M"<)/.51,298.Favre (Jules), 90. -NFebvre (Frédéric), 259, '2M~Fénelon, 115.
Feringhea, 264, 274,'276's~Ferrero (G.), 105, 110,
112, 343. d~~
Ferreyre, 247. "S$~EFerry (Jules), 259.
Feuillet (Octave), 362.S~Fieschi, 85. ` r~
Figaro, 112..
Fitjm <Augusttn),165. r1'n
.Finot'(Jean),420.' ~~`~~`
Fix (M'"), 298.,
Ftamen{f'(Francois);g
Ftammarion"(Cat)nme),286,384. ty,
Flan, 222;
Ftandreysy (JeanM'.a%291." '7y
Flaubert, 137, ~5ë~5~235, 4't2, 413.
~BFlers (Robert, de), :25,3~Flourens, 420.
Fœttëste (baron) ..)Ë't~1~5. >
Fogàzzaro,~105,li0~
Foottit,: 379,~3S~S~
Foucâux(M"'),(i.65. i`Fouquter~(~en~~
Foy ,(M~), 10f
$rapoisqüe fleune, 7$"
~li E' ~d
~r~" .TABLE~~KAB~Tt~S~S~
~~François-Joseph( Empe '<
~reur), 72,265.
P$K~i.c H,234.
~S~6)n4ot,loi, 155.~mont (Marie).379,386,~?~87.g:~nbourg, 436.~Friquet (F.-M.-A.), 218.
~Mer (Hedda),309.~~Gaithard(Pedro),324,348,~~?354 ~360.~toUard, 294.
~MpaUx, 262,263..(Princessede),16,
~~Uît[et'(G6néralde),'3,33.
~~aNiNet.'('M'Mde).1-43.SM!etta'(Leon),. 7,90,~6,29~406.~i.a~Manuet), 240,249,
137.
~ntOr.jfChartes),99,348,
98.
~p~),.H9,.M3,
Geiger,100. '=~S~~Geniat(M"<),-201~Gen!is(M~de),~166~Gennetter,'247.George(M"'),78. ~S'~Gérard,164. 'ËGéraudon,247. 'SS~Gérome,156,243. "SBGiantuja.383.GHPérôs,385.~ :'(:Gilbert~BaUet,92.Girardin(Emilede),~S~
392,393. 'S~~Girardin(M'de),164-18~
185à194,~204.S!Gladstone,31. '3~ËGlatigny.(Albert),89.~~S~~Gluck,229,233.S~~Gœthe,110,422..Gonco<irt,381.' 'S'SGoidomJïennet~308.Gorki88GosseUn,.153.'Got,77,99,124,,259t.ggGoudot(Ante~Mahe);Gounodt138,2~')fa94,3%
331,393,394,-395~Gourmont(Rémyde~S~
2e6.Gouvello(M~~),,i6~~
GouvionSaint.Syf~S!Godan(Leom)~?~~Gramott'(t~de)~GMmont.CfuteM'g S
gg
ft ~'rÂ~HY.E AI:i~FIÂ$ËT~QUE~11.L$ ~NtÔil~ ~H~
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~~0~~220.
~St~ard~lOl.
~aùvat;\435.~(~fëtfulhe (Comtesse), 185 à
~1~194.'
~c~Qregh~loe.
~Ct~try, 392, 395, 396.
~Qreuze (Jean-Baptiste), 48,
?~9,262.
Gnmatai (Joe), 379, 384.
Grimod delà Reynière, 143.
Gruhy (D*),48.
~lanhumara, 213.
S~~ Gubernatis (Angetode), 105,
-109,. 110.
~uëm~ (Maurice de), 414.
!@Ë~uér!n'(Eugénie'de), 419.
~ey~ard,'298.
S~SS~e'BatzM, 78.
s~S~S~cËSrde~OO.~
~~H~un~ l6.
~~HMattitne' 5, 41, 265.
~S~HtaMme~~A!bert). 392.
~SS;402.
~M!outét'(de), 366.
~&HnaFd~;24~~itpxjGuirand de 8Mevota,'22.
~mtty,106.
~iz&t,. 230, 298.
H
~H,/a54.'256.2M.
~aMier~392.~.75,.143,
S~âM~~M~'6,385,432. 'r.
HanotauXY.'74'Hatxteld
(Comté'de),948~ï~
Hau~onyiHe'(d'),i79,M
183,2~W 4.05;;},
Hautpout (M'
Hébert, 227,232, '2M,~9~S363, 393.
Hébrard, 296.
Heine (Henri), 37 '&4~?S~NHelleu, 362.
Henner, 161.
Henry (Colonet), 290. ~SHeredia, 157,158, 334.Hériot (Commandattt),~3~
338.
Hériot (M~), 339.Hérodote, 78.
Hervieu. 85, 114.Hohentohe (Pnh~e;),
3'4à, 357.
Homais,' i'48. ~N'
Houssaye(Arsène),
120,1.22,1
Hugo.-(Victor);
47, 56, 59'
153, 164, 1.67,~t7'0,M212. ~18, 2l4~.M~3~S
24.9. 252, .255,
339,346,348, "3:7~g.39.4,.'403, 406t
Huguenet,~262.K'i~
Humbe)-t.(F;'),~2~(M~
Humbert'(M°')<l~S,HUmbMdt,16'7î'
TAHBHjJË ''A~E~'tirc~
=,:
~taen (H.),201,208à 210.
????' 99,258.S~bey.227..
r (Rabbin),199.
i (Pauld'), 298.
J
~~cque arles), 100.
~Jacquin (Général),344.
~&nin(Jules). 71,119,199,
~X4,~32.383..
~~)[C'ou)rt'(de),19.
264,. 275..56.
~jacqueUne),?.~~SK'e. (Impératrice),
~i~'j~roy,100.
~~ë~'de'la Gravière,112.
:144.202,
KipMng9 (RU~436.'
Kock(Pau! 'de),"278/§Kropotkine,-201 '4- 203~
L
Lacaussade,300.. 'S$S<Lacjtaud,111,296., '??;Lacordaire,198,'339.~A~Lacroix(Jules),76,Lafarge.(M")~ltf5,'tli§~La Fontaine,52,'203.Lagier(Suzanne),.22'2'g,~Laguionie,'102. '$'Lahm,306.. ')'LaJeunesse(Ernes).),39~Lalaisse,72.LaLandeUe(G. de'!i,2~
309.Lalo,393.Lamartine,51,168 29.1,292,'à'86,~S~.La'fnbert(Atbert)
65,193;Lamennais,289,~0.LAMesangére,72.Lami(Eug&ne),C2.Landotf,.162;Lapiert'e,,149.Laquedbm(isa pLa Ramëe
381..e~
TABLE ALPH ~B:ET!tQUE~D'E'S'NÛ'M'S.?~~4&
Lafrôumet (Gustave), 355.
LasaUe,395.
Lassave (Nina), 80, 85, 86.
!jassouche (Bouquin de),78.
~La Tour-Saint-Ybars, 76.
Launay (Vicomte de), 172,
182, 309.
Lautour.Mézeray,59.
ravisse, 435.
Lavoix (JHenri),126.
Lebaudy, 264, 272.
Jb&Mano(Léonide), 76, 365,
~372, 373.
JLecomte(Jutes), 114, 298.
Ijë CorbeiUer(Maurice), 62.
Lecouvreur (MlleAdrienne),
;M2."
~Ij~oyen, 8.
~efebvre (Maréchal). 72.
~fëyM,-77.'
~iM~ouvé, 16, 76,120,155..
~ekain, 260.
fMtoir (Maurice), 79, 193.
S~ëmattre(Fr6déhck), 20,21.
îjemercier de KeuviUe, 89.
Lemercier, 260.
Lemonnier (Alphonse), 373.
~LemoMier (Claire), 222.
Léon (Laurent), 331.
LéonXin, 374.
~Léotard, 431.
~pére,-433.
~oittevin,307, 368, 369,
~~Le!-y(M~ de), 52.
!~ygues (M. et ?"), 246,
MS~
Leygues (Georges), 393Lhoinme, 2t7.' \SLiadières,56.. 'NLiard (L.), 232, ~3S.</ J~R~Liebknecht,:43. "SLionnet (Frères), 296; 299..Liszt, 226. ~~S~Lombroso (César), 107,10g,~
110.
Loubet (Emile), 16, 42<SS
'434.i~Louis XI, 408. 'S§Louis X!V, 11, 243,258t~
369, 379, 390.. ~S~Louis XV,251. ~SLouis XVI, 11, 251.
Louis XVIII, 18, 251.
Louis-Philippe, 121. 'S''S~Lubbock (Sir.'John),'2~~S~Lucien, 78.
:S~SLucullus, 107. -?~~Ludwig (M"e),.143~83~~Luther, 269. ~s'B~
M
Machiavel, 61. .i~~
Magnard (Francis), 'TO~~g'~
Magre (Maurice),.248.Maillet du BouHay,l!'X;S~Malibran, 240, ~49,$~
25' 350.
Matot .(Hectot')~402,Mandrin, 250.
A.;M~S~~Manfred, '412, 421. '°'~
Marcel {H,),.i55,
ëm?: :rAR~,t", At~FHAR~°`ltQijÉ DE$ ~'Ôljx$1 ~`~
~~M'ce)Un,424.'Jt
~~arcpni,~281.}i
~~[eUSpt.(Général), 216.
~iMariam (Angelo);324,334. t
~~M~ri~aux,59,'74, 371.
S~S~MarIborough (Duchesse de),t
~S'~
~~MMmontd,
227. J
B~M'S.(M" 58, 59,121,122,
~1M,194.
~Ë$Marttnet,72. ]
~SKtarty (Georges),138.
$S~Màssa (Marquis de), 132, ]
SS~'42,-143.144.
~~assen
324 à 329.
~g~aSueu.(Cardinal),
237.
~~if~atMtde~; (Princesse),62.
~~SMatteuçci,133.
~~SM~tton,75..
~bant,.124,195.,
~wssant,'149,151,-237,
~y,(.Max).430.
~Satt!<f)~Cather.inede), 279.
~édrano,38t.
~~ëHh'àc,74, 126, 246, 331,
~e~ss'<)nnier,120,
156..
~S'ingne,~01, 259.
~S~n'd~ssohn,137.
~n~.(eàtuHe),299, 324..
~(Aaotphe),
43, 23:4.
F
Mercadante,~226~?j~Mercte (~nt(min~47~tS5<)~~
61, 64,~328, 3S4;S!Mérelli (M~), 80;84,~@~S~
112.
Mérimée, 56, 318,.415~Mésangère (La), 72. 'y('
MetchmkofF,201, 206.~SMetternieh, 348, 350~-35~~
353, 354. 'S~ hzMetternich (Princesse de),S~â
~3.'M
Meunier (Constantin), 3.24.Meurice(Paul), 101-M!i~S
Meynadier.99..
-Mézières, 33, 92 a~ 9~Ë~'<.
Mezzara, 51.' ?'ë~:S!~
Minhelet. 59, 108,~35~Milan de Serbie .'(Rbt), 4
Mily-Meyer, 143.
Mimi'Pinson, 18~ .~g~Mirabeau, la. ~<
Mistra), 290 a~294,30~S412.
'SS~Mocquard, 118, i!'5~i:S~
Molière,57,'59, 7<103~i~~,1i
l?9..1iM.J:S&3~ r~268, 401, .403.
Monge, 211, 217 a219~'SËSËMonnier (Henry )~lil~~S~Mig~Monselet, 89,90. ~S~Montaigne, 69, 78,~365~
403..
Monta!embërt,~56:S8~SMontauban (Gen'ëraT~d(~'$~
.303.' .i~S~Montaus~er;;303 385
` 'il,'~$~5`
i-av
;MontMSt~
~8~TÀ~I;E'~t.ipHAB~T~S'
Montesquieu, 72.
MonMgny,221.
tttonya!. (Georges), 68.
'Morand (Eugène). 330.
~Moreau (Général), 214.
t. Morëau le Jeune, 72.
Morny (Duc de). 356, 427.
Mounet (Paul), 25, 34, 35 à
37.
Mounet-SuUy, 34. 157, 193.
S Mozart, 137, 138, 231, 233,
,262.
Muller (Max), 87.
purger, 327, 395, 433.
~Murri (Linda), 105, 111.
Musset (Alfred de), 38, 43,
~6,47, 50 à 65, 119, 124,
~137, 172 à 184, 193, 229,
301,329,372,379,408,
~~423,
tS~Mùsset~(Pautde), 60.
NS'?'
M~
Nadar, 89, 303, 304, 433.
~~Nadaud,227,296.
S~~Nansen, (Marquis de), 390.
se 436.
Napoléon 1~. 29, 74, 175,
$~ .27, 251, 260, 406, 407.
~~N~poléon !H, H5. 243, 251,
~?~351,380, 425, 429, 430.
~S~attiêr, 361.
~gNaMZ, 364.
~aa~
~~ssa~
Nérard (Antonin), 76. ~gNeuviUe (Alphonse de), 29~Ë~
339.340.
Nietzsche, 176.. 'S~Nieuwerkerke (de). ~27.g~~Nittis
(Joseph .de), l32,'i34~S~Nodier, 229,
379.i~~S~~Noël
(Edouard), 233.Noet (Eugène), 147,207~sa
208.
Norodom, 245. 'S~NoveUi
(Ermito).'H2,33~Nucingen.75. 'N
o
Octave, 106.
Orûta, 226.;5~~
Ortéans (Duc d'), 269.S.Osiris, 47, 131, 239.
Otéro, 431.
Oudme, 100.'B
Ouida, 336, 337.'S
Outchakoff (Générât)~
P
Paderewsky, 231.
PaiUeron, '92, 324, 33t'
Pancrace, 192.,
Panizzi, 318.'3$
Paramene (Abbé), ~7~'3~Parés, 233..
Paris (Gaston),~3S..
Pascal. 97,115..
Pasteur, 4b3,407,AOa,
~TAB~~A~HÂB~M~E~WE~
"~s<
~4
~;K'M
~X~SutfS, 431..
1
]
et, ]
~tM):0'(StIvio),352.
~e'(de), 424,431.
~ribaud,78.
~eM~chon,189.
erner, 57, 59.
73, 74, 120, 144,
~6:7,.219, 356.
~gfe.tit'(Georges).224, 431.
105.
295, 296, 297.
~M't (Général). 338.
22.
r. c, rr,, 78,
~F.132,' 137. 138,
233,'262.
~t'Âncien,13.2,133,134.
~t~tayque,78.
~S'~tËdgar),101.
(Raymond),102,
~atm~lei, 163,262, 26~.
~~Mmpâdom-M""de), 356.
~jm~(Arthur), 296.
~t~<t~(P.), 56,76.
~?(Mar!e),61.
~ëM~dM:Ten'aii,~89.
~tuf<.ih/: (Armand de),
Ponton d'Amecourt, 309. :*S~~
Porel,67à79.
Pottier (Edmond); 245..
Pouchet.151.
PouIet-Matassis, 89.-'=.
PozN(D''),102.
Prastin (Duo de),. 290.. ~M~
Prévost-Paradot. 125.
Price, 380.
PrimoH (Comte J.), 74, 415.
Privât d'AngIemont, 299.
Provost,124.
Pruvost, 131. ~S~
Puvis de Chavannes, 30 :MK:S~
232.
Pyat (FéHx), 118, 121,124~
R ~S~
Rabotais, 47, 69, 79.. :Jf~S~
Rachel, 56, 76~85,122,~t2~B~~
155, 185,~194 &.200.
Racine, 37, 62, 75, 260.. ~S%M
'Ratfet, 72..-jSja
Raimond. 379, 384, 385.
Ramée (Louise de La), 331.;
RaspMt.lll.?~
Rastignac, 75.'SS
Raucourt (M""), 18,12~
Read(M"~),414.
RéoamieF,159àl68,43l.
Régnier, 78, 100.'~S;
Reinaoh( Joseph), 391.
Rëinach (Satomon'). t99~
Réjàne, 72,.M4.ë~
Rémusat(M..de),t7,2~~
180.18i,.182,;lMM'SS~Ë
g~B.I.E~At.j~
<' Renan'(Ernest), 158, 324.
Renard (Colonet), 90; 300. y
~Restout (~"e), 57.
$~ Reyer (Ernest). 356, 392,
393; 394, 395, 896. 397.
~Rioard, 217.
A S Kichepin (Jean), 338.
Richet (Chartes), 75.
Rigotboche, 424, 430, 431,432, 433.
Ripert (Emile), 291.
c Rts)er (Edouard), 233.< RtStori, 112.
Rivaroi. 394.
~S~ Rivière (Théodore), 328.
~Rivière (de), 234.
Robert. Macaire, 21.
S~' ~Robespierre, 251, 325.
.Rpdenbach, 98.
~x~i~dm,;336.
~RfBderer, 119.
~~Rœntgen,244.
~RbHand (Amédée), 89.
~Roqueptan (Nestor). 246,
?~269, 348, 360.
Rossetti (Dante Gabriet),
t~ ;424.
~'â ~.Rossini, 224.
Rostand. 115. 331. 350.
~RbstQpchine. 179.
~T~ Rostopchine (Comtesse), 52.
~Roty, 93, 101.
~S~Ti.ouher, 90.
~Roojon (Henry), 101.
§~;h~R'ousseau (Jeanne), 217.
~Nsseau (Jean-Jacques),
~M~
Rouvier, la."
Rouvière, 90'
Roux (D'), 40
RubM.361.
Rubempré, 75.'~S~
Rude, 217.'
Ruggieri, 279.
Ruy B!as, 18.
S
Sâat.244. 'S~Sahune (de), 180.
Saint-Autaire,57. 'M'S
Saint-Bernard, 180. :$'~
Saint-Marc-Girardin,Saint-Priest
(A.~ df!Saint-Seiens (Cam)Ue'),~8~
229, 235.'3$~~
Saint-Simon, 849, .37.1~Saint-Victor (Paût'<ie),
Sainte-Beuve, 75.. '-<i:S%SakeHaridés (M""),'
Samson, 59, 78,. 10.0.1'24 M.26.'
Sand- (Qeorge).. 4.7,119.125, 196. 303,42~~
Sandeau (Ju)es), 76, ~i2.Santos-Dumont, 306, 30~~
309.
Sarah-Bernhardt,t, 118,à à 131,259. -S
Sardou (A.-L.),;197.,
Sardou'(Victonen),~S'165, 194, 222,
.26<)t~!t2\};
~K. TABLEA'MH'Ap~TJfQ.U'E~~S.~<
g~Sargent(John),362.S~ari,'432.
~g~.a'veUi,.424.~$ëap4n,68.
~Cheffer,45.
~GhoH(Auré)ie!i),256,365,ss~~–
~§'chopenhauer,1.76.~8ct!ùmann,42.~~ptt (Watter),389,397.~~Cnbe,155;219.~$!Se<i~me,179.
~Men(CamiUe),42.~ives'(de), 31,32.ao athilde),134.Moyenne,201, 208,334,
~~Vtgné~.(M'"ode). 150,
~î~ymour(Lord),.85.
~tH-e!!e, 192.
~~t~e&peare,33,106,153,g~249, 278.~~)'t(:an,'264.271.MSt)eck6)'(Edouard),48.~t~éyès,3.
~~i~te,.318.~i~tvain,334.sre (Armand).324,~~9'M,329,330,333,334.
~ë)tnon(Gustave),349.
~~Ïmon(Jutes), 101,103,
~gittto't-Gifard(M'),262.M~u<Kn,.7.8.p~~ath, 240à249.
~~at~234.
Soret..(Albert),its,. 13~?~157,235à'239,412.
Sorotia,223,233,234.SparkIet.llR.StaC!(MMde),179,277~Stanton,290.Stendhal,74,96,415..Stern,112. ~3~Stevens(Aitred),361à364.Sue(Eugène),76,164,.299.~'?S~SuUy-Prudhomme,92,96
à99,104. .SSummer(Mary),165.Syveton,141. ~~Sa
T ~i~
Tagiioni,245. .ë~§Taine,32,33,4Q3,405. ;STallemantdes&éa)M6,"222.TaUeyrand,19,.149,à49,Sëten .?.X<!
Talma,77,121,22'7,260~~$~~S. "Ë
Tampier(D~),198. ~S~Tanneguy-Duchatel,229.Tastu(?"<'),54.Tay!or(Baron),231,25.6~~S,~
258,298.Tercncc.7 S. 'f;SThalberg,226.Thautow(Fritz).336,'344.
à347. -$$~Thébes(M°"de),436,'8~~Thérèse.430. 'HS~~Thibaud(Ant)a),t6t,t~S~S
262, /'r~S~
~B~C~-D~8 N~(1'M~i f~~
~Thibault, ~196.'
~~Mërry (Auguste), 48.
Thierry (Edouard), 51,118.
~Thiers, 407.
:Thptnas(Loujs), 415.
S~ d'Aquin (Saint),
208.~Thouvenin, 77.
gtTite Live, 78.
Titien, 361.
T 136.
~~Totsto!,108.
~~o?a4eHi (Comtesse), 52.
~~TorMeMi (Comte), 112.
~Tourguenief,344.
~%ToMSseneI,203.
~~rebutten, 413, 414.
~Mtat,88.
S~Ï'~quart,'43l.
~(Générat),41.
~$<oKëMn,408.
J~79.-r
S!Ë~
SS~K' u
~ëchard (Mario),' 433.
SB~" v
~acquerie (Auguste), 26,
~ta.de,,48.`
~R!~a)Hè's'l..
yS~%<B').92.
~irt.56.
~M,),1S9,1M.
'Vanor''(Gëorges),~2$M~
Vapereau (G.), ~i~l
Varenne (H S58,Varus
(Qu'ntiUus),Vautrin, 75.,
Vaùvenargues, 7~.
Vélasquez, Uft.
Vermoret, 424, 482.gVerne (Jutes), '308,i:~S~
Vernet, ,72.
Vernier(Chartes). ,~32.
Vernon,101.Veron (Pierre). 295,i~VeuiMot~(!~ouis),6,{~~g
à 353, 424,~3Ó'<i
Viardot.,(PauMne)..2~~Vienne 296"
Vierge(Danuët),. 3~
Vignero.n,6Q,
Vigny~(AMred~!de),~340.
ViUemain,298.
ViHemessant, 255.Vinci, 36f.
Virgite~a, t03.
Vitet, 51.
Voltaire, '32, 33~250,'283, 2.84,.286~
'M6,~8~~Mat
Wagner, ~89,,39~<Watdof''(MetM<e),
"~`P~a~t,~T'AB'LE\t.L'P~'Al!'ÉT'rQ~'Ë,'0~ l~j0D~8 `
~lc~~t x~n
<M-()7,–CoMHt..)m))ritoe)'icË«.C«<T<
~~t)Bt,226.
Ë~~her (Théodore), 4.
~ê)8s.(J.-J.), 338.
~ëi)s,'326.
~tier,26.
~~Ï~g, 210.
~erforce,271.
~~tUy,. 308.
~~tttgcnstein (Princesse)
x
~ënès. (Marquis de), 21,
y
Young (Arthur), :t:
Z
ZambeUi (Cartotta), M4. 1~~
Ziem (Fétix), 120; 211, 217
&221. .S~
Ziem (G.-B.), 218.
Xota (Ëmtle), 149, 157,S
158..S~
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