Le débat scientifique en classe un exemple concret en cours de maths (niveau BAC) Julien Douady...

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Le débat scientifique en classeun exemple concret en cours de maths (niveau BAC)

Julien Douadyenseignant-chercheur (sc. physiques) et conseiller pédagogiqueUniversité J. Fourier, Grenoble (France)julien.douady@ujf-grenoble.fr

Atelier de formation – École Polytechnique de Montréal – jeudi 26 février

« dépoussiérons l’enseignement… »

Titre original :

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Les étapes de l’atelier

1) Le débat scientifiquea) deux modes cognitifs fondamentauxb) la place et les objectifs du débat

2) L’exemple des intégrales (calcul de surface ou volume)a) vivre la situation en tant qu’apprenantb) découvrir la puissance du dispositif

3) Comment procéder demain ?a) les points cruciaux pour réussir un débatb) une méthodologie pour la préparation

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Les étapes de l’atelier

1) Le débat scientifiquea) deux modes cognitifs fondamentauxb) la place et les objectifs du débat

2) L’exemple des intégrales (calcul de surface ou volume)a) vivre la situation en tant qu’apprenantb) découvrir la puissance du dispositif

3) Comment procéder demain ?a) les points cruciaux pour réussir un débatb) une méthodologie pour la préparation

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Le débat scientifiquedeux modes cognitifs fondamentaux : des rôles différents

Le mode magistral Le mode (socio-)constructiviste

montre-démontre-explique tout de manière cohérente

cherche à problématiser unsavoir qu’il juge essentiel

Le professeur

Logique de la problématisation

Les étudiants doivent rentrer dans une

problématique commune : auteurdoivent comprendre le discours etla logique du professeur : auditeur

Logique de l’explication

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Le débat scientifiquedeux modes cognitifs fondamentaux : forces et faiblesses

Le mode magistral Le mode (socio-)constructiviste

• Discours à la fois rigoureux, cohérent, exhaustif

• Rassurant pour l’enseignant• Économe en temps

• Doute, incertitude de l’auteur• Prise d’initiative, responsabilité

engagée par les étudiants• Richesse et diversité des points de

vue exprimés

Forces et dynamique

Faiblesses et limites • Coût élevé en temps• Prise de risque pour l’enseignant• Improbable capacité à faire émerger

des savoirs complets, justes et bien ordonnés

• Passivité de l’auditoire• Impuissance face à des concepts

ardus (obstacles épistémologiques)• Difficulté à donner du sens profond

(à quoi ça sert tout ça ?)

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Le débat scientifiqueles objectifs du débat

Objectifs du débat scientifique = créer du sens• en générant du doute, en faisant ressurgir les contradictions• en autorisant des rapprochements abusifs• en engageant une responsabilité d’opinion

Attention : les étudiants ne construisent pas le savoirmais ils :

• s’associent à une problématique commune• construisent du sens • développent de l’intérêt

pour les savoirs que le professeur va leur enseigner

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Le débat scientifiquela place du débat

Les deux modes sont opposés et complémentaires

Le mode magistral Le mode (socio-)constructiviste

Enseigner des méthodes, des techniques opératoires…

Enseigner des concepts fondamentaux, des notions difficiles…

Un débat se termine par une phase magistrale où l’enseignant• met de l’ordre dans les idées• apporte le contenu qui fait défaut• fait émerger le sens lié à la problématique

L’alternance entre les deux modes doit respecter leurs dynamiques propres

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Les étapes de l’atelier

1) Le débat scientifiquea) deux modes cognitifs fondamentauxb) la place et les objectifs du débat

2) L’exemple des intégrales (calcul de surface ou volume)a) vivre la situation en tant qu’apprenantb) découvrir la puissance du dispositif

3) Comment procéder demain ?a) les points cruciaux pour réussir un débatb) une méthodologie pour la préparation

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Exemple des intégralesles règles du jeu

• 1ère phase = débat privé (quelques minutes)vous pouvez discuter (du sujet) avec qui vous voulez...dans le but de vous forger une opinion personnelle

• un vote vous vous déterminez personnellement en fonction des réponses proposées, en étant capable de justifier votre choix

• 2ème phase = débat publicvous défendez votre point de vue en donnant vos arguments à vos collègues (et non à moi), pour les convaincre.

Le débat privé est alors interdit, tout comme la critique...

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Exemple des intégralesla consigne

•Vous avez 3 propositions à examiner

•Pour chacune d’elles, vous devez vous positionner en étant capable de justifier votre choix…

OK (j’adopte cette démonstration)

NON (je refuse ce raisonnement)

Autre (vraiment impossible de choisir OK ou NON)

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Situation n°1

Pour calculer le volume V d’une sphère de rayon R, on la découpe en tranches élémentaires parallèles au plan (xOy).

Le volume dV d’une tranche de petite épaisseur dz située à l’altitude z est donnée par :

Le volume total V est donc

r(z)

2 2 2dV r dz R z dz

2 2

34

3

R

RV R z dz

R

OK NON Autre

z

y

x

O

z

dz

r

R

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Situation n°2

Pour calculer l'aire latérale du cylindre de rayon R et de hauteur H, on découpe de même en tranches élémentaires parallèles au plan (xOy).

L'aire latérale dS d'une tranche de petite épaisseur dz située à l'altitude z est :

L'aire totale est donc donnée par : (z)

OK NON Autre

2dS R dz

02

2

HS R dz

RH

z

y

xO

z

dz

R

H

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z

y

x

O

Δz

ri

zi

R

Situation n°3

Pour calculer le volume V de la sphère de rayon R, on peut aussi découper la demi-sphère supérieure en n tranches de même épaisseur Δz. Le volume ΔVi de la tranche Ci située à l’altitude zi est donné par :

Comme

on a donc (par passage à la limite)

Le volume total V est donc

OK NON Autre

2i i iV r z

2 22i i idV r dz R z dz

2 2 3

0

42

3

RV R z dz R

2

2

2

constante

i iz z z z

z

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Situation n°4En suivant une procédure analogue, pour calculer l'aire latérale d'un cône de hauteur H et de base circulaire de rayon R, on peut découper le cône en tranches élémentaires parallèles à (xOy).

L'aire latérale dS d’une tranche de petite épaisseur dz située à l’altitude z est celle du cylindre de rayon r(z) correspondant :

Par Thalès, on obtient

L'aire latérale totale S est donc

On retrouve ainsi que : l'aire latérale du cône est la moitié de l'aire latérale du cylindre (même base et même hauteur)

OK NON Autre

2 ( )dS r z dz ( )r z H z

R H

02

H H zS R dz RH

H

z

y

xO

z

dz

Hr(z)

r(z)

R

z

H-z

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Institutionnalisationautour des procédures infinitésimales

La procédure infinitésimale est pertinentepour évaluer une grandeur G d'un objet Ω

longueur aire volume masse travail potentiel etc...

dont le calcul ne peut pas se faire simplement car G dépend d’un paramètre qui varie dans l’objet.

Ωl(z)

z

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La procédure infinitésimale est inutilesi le paramètre ne varie pas (cylindre) !

Ω

l

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Philosophie de la procédure infinitésimale :

• découper Ω en tranches Ωi “assez fines” pour que,

sur chaque tranche,

le paramètre gênantne varie quasiment plus

• le calcul partiel de Gi sur chaque tranche est facile

• le résultat global est la somme des parties

Ωi

h

li

Gi = li · h

G = ∑ Gi

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Dans la pratique :

• le professeur choisit un paramétrage astucieux

• il considère la tranche ∆Ω ou dΩ, d’épaisseur ∆z ou dz, il appelle ∆G ou dG le résultat correspondant

• les symboles d ou ∆ sont accompagnés des mots magiques « petit » ou « infiniment petit »

Et ensuite…

• dG = f(z)·dz où f(z) est une fonction qu’on « arrive à calculer »

• on passe de ∑ dG à ∫ f(z)·dz puis à G = F(b) - F(a)

même si cela tend à montrer que 1 = 0(évitons paradoxes et contradictions)

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1er paradoxedisparition des ennuis = disparition de matière !

• Si l’épaisseur de la tranche est nulle :

le paramètre ne varie plus il n’y a plus de matière“que vaut une somme infinie de riens ???”

• Si l’épaisseur de la tranche est non nulle :

le paramètre varie toujours un peu le calcul exact sur la tranche redevient impossiblesauf si la procédure est inutile...

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1er paradoxece qui n’est jamais dit…

• L’épaisseur de la tranche est non nulle

• Gi reste incalculable

• On prend un modèle Mi qui facilite le calculΔz

f(z)

( )MiG f z z

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• Par honnêteté, on reconnaît que GMi ≠ Gi

• Il se crée sur chaque tranche une erreur de mesure

1er paradoxecomment s’en sortir ?

Réel Découpage Modèle

i M iiG G

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2nd paradoxedisparition de l’erreur = disparition de la mesure !

Pour avoir sur chaque tranche...

on les rend de plus en plus fines :

Dès lors tout devient infiniment petit !

l'erreur et le résultat

local

0i

0i 0MiG

0z n

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2nd paradoxece qui n’est jamais dit…

i M iiG G

Comme et

1

n

iG G 1

n

M MiG G

on aura donc 1

n

iMG G La méthode n’est utile que si

10

n

i n

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2nd paradoxecomment s’en sortir ?

• Si l’erreur est du 1er ordre : εi = Δz = H/n

alors

erreur globale incompressible

• Si l’erreur est du 2nd ordre : εi = Δz² = H²/n²

alors

erreur globale nulle en passant à la limite

• En général, sur chaque tranche, il faut : GMi >> εi

n

1

n

i n

Hn H Hn

2 2

210

n

i n

H Hnn n

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Synthèsevalidité de la procédure infinitésimale

si on parvient à écrire : Gi = f(z) x Δz + ε(Δz)

et si l’erreur est du 2nd ordre : ε(Δz) < Cste x (Δz)²

alors la théorie nous assure que :

0( ) )0) (0(

HdzG z F Ff H

égalité « absolue » !

sinon, on fait n’importe quoi !

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Retour sur les situations examinées

Situation 1 : aucune vérification, on est chanceux

Situation 2 : aucun paramètre variable, inutile

Situation 3 : vérification faite, on est certain

L'erreur (∆z) est majorée par la différence de volume des cylindres de hauteur ∆z et de rayons respectifs r(z+ ∆z) et r(z)

donc du second ordre : (∆z ) ≤ Cste · (∆z)2

z

R

r(z+Δz)

r(z)

Δz

O

ΔV=π Δz[r2(z)-r2(z+Δz)]

= π Δz[2z Δz+ (Δz)2]z

R

r(z+Δz)

r(z)

Δz

O

ΔV=π Δz[r2(z)-r2(z+Δz)]

= π Δz[2z Δz+ (Δz)2]

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Retour sur les situations examinées

Situation 4 : aucune vérification, foutaise !

L'erreur commise est de l'ordre de 2 R (l - z)

< z·[ 2 R · (1/cos() – 1)]

donc de l'ordre de z (si ≠ 0)

z

z l

ΔA= 2 R (l - z)

R

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Les étapes de l’atelier

1) Le débat scientifiquea) deux modes cognitifs fondamentauxb) la place et les objectifs du débat

2) L’exemple des intégrales (calcul de surface ou volume)a) vivre la situation en tant qu’apprenantb) découvrir la puissance du dispositif

3) Comment procéder demain ?a) les points cruciaux pour réussir un débatb) une méthodologie pour la préparation

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Les étapes de l’atelier

1) Le débat scientifiquea) deux modes cognitifs fondamentauxb) la place et les objectifs du débat

2) L’exemple des intégrales (calcul de surface ou volume)a) vivre la situation en tant qu’apprenantb) découvrir la puissance du dispositif

3) Comment procéder demain ?a) les points cruciaux pour réussir un débatb) une méthodologie pour la préparation

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Comment procéder demain ?les points cruciaux pour réussir un débat

Quatre ingrédients essentiels

•objectif du cours : consistance épistémologique• situation proposée : pertinente et polémique•débat : dévolution de responsabilité, neutralité• institutionnalisation : contextualisée et percutante

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Comment procéder demain ?la consistance épistémologique : avec ou sans ?

•Une situation sans consistance épistémologique

θ

3 m

4 m

« Quelle est l’aire de ce parallélogramme ? » A = 12 x sin(θ) (en m²)

A = 12 m²

• Une situation avec consistance épistémologique3

m4 m

« Quelle est l’aire de ce parallélogramme ? »

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Comment procéder demain ?la consistance épistémologique - suite

Ici, la consistance épistémologique consiste à imaginer, à partir de la situation proposée, d’autres situations possibles :

Situations cruciales

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Comment procéder demain ?la gestion du débat

Pendant le débat, le professeur doit absolument :

• laisser assez de temps pour l’appropriation• assurer la dévolution du problème• noter et reformuler les opinions sans les déformer• rester neutre vis-à-vis des arguments exprimés• aplanir les difficultés « secondaires et bruyantes »• faire ressortir les opinions divergentes et incompatibles• épingler intérieurement les arguments-clés

qui serviront dans son institutionnalisation

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Comment procéder demain ?l’institutionnalisation : étape clé !

L’institutionnalisation est l’étape la plus difficile ; elle doit :

• réorganiser les propos exprimés pour en faire un ensemble construit et cohérent

• s’appuyer sur les idées émises, et renvoyer aux questions débattues

• apporter les concepts manquants• ne pas éviter l’obstacle épistémologique• éviter tout jugement sur les opinions :

« nos tâtonnements ont permis de franchir une étape »« contextualisée » et « percutante »

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Comment procéder demain ?une méthodologie pour la préparation

Un canevas temporel robuste pour préparer un débat• Avant :

identifier un obstacle épistémologique et une situation pertinente tester la situation auprès de collègues issus d’autres domaines imaginer toutes les réponses possibles pour ne pas être pris au dépourvu

• Pendant : Présenter clairement le nouveau contrat 1ère phase = débat privé (10-15 min) : dévolution du problème le vote : permet la prise de responsabilité 2ème phase = débat public (20-60 min) : confrontation des idées 3ème phase = institutionnalisation (10 min) : réorganisation des savoirs

Les premières fois, sollicitez un collègue ou un conseiller pour vous observer

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Merci pour votre attentionavez-vous des réactions / des questions ?

Le diaporama et le « mémento » sont disponibles sur le site du BAP :

http://www.polymtl.ca/bap/doc/index.php

julien.douady@ujf-grenoble.fr

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