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LE PLACARD, L'ARME DES PATRONS CONTRE DES CADRES INDÉSIRABLES

Lamise au placard est assimiléeà du harcèlement moral

d'obtenir sa démission. Cet-te pratique concerne essen-tiellement les cadres. Noussavons tous, par exemple,que dans la fonction pu-blique, il est pratiquementimpossible de licencierquel-qu'un, encore moins un res-ponsable (sauf dans le casd'une faute grave).La stabi-lité de l'emploi amène par-fois la hiérarchie à exercer lamise au placard pour en-gendrer lassitude et dégoûtchez la personne concernéeet espérer ainsi la pousser àpartir.

Au risque de vous cho-quer,.la cause peut en êtreaussi tout simplement l'ou-bli. J'ai eu, en ce qui meconcerne, l'occasion d'ob-server de tels cas, consé-quence de la restructurationd'une organisation ou d'unservice, de l'externalisationou même de la suppressiond'une activité. La personnese retrouve en sureffectif etl'on oubliede la réaffecter ou

UN DIRIGEANT PEUT

CONSIDÉRER QUE LA

POSITION HIÉRARCHIQUE

DU CONCERNÉ EST

POLITIQUEMENT SENSIBLE

ET QU'UNE DÉCISION TELLE

LE LICENCIEMENT PUR ET

SIMPLE RISQUERAIT DE

DÉSTABILISER LE CLIMAT

SOCIAL. IL DÉCIDE DONC

D'OPÉRER DIFFÉREMMENT

ET DE RECOURIR AUX

PRATIQUES DE MISE

AU PLACARD

Isolement, sentiment d'inef- F-------- ----------------- ----""" .ficacité et de «ne servir à rien»sont les difficiles conséquencesd'une mise au placard, parfoisplus difficile à vivre qu'unsimple licenciement, explique-JamalAmrani, DG du cabinetJadh,

Il livre quelques clés pourcomprendre et décrypter ce phé-nomène ... Entretien.

• Quelles peuvent être lescauses de ces mises à l'écart?• Les causes sont multipleset varient d'un contexte à unautre. La cause la plus fré-quente est l'incapacité ou ladifficulté à licencier le colla-borateur. L'entreprise pourdiverses raisons souhaite ledépart du collaborateur,mais ne peut pas recourir aulicenciement. Le coût du li-cenciement peut s'avérertrop important. Cela est en-core plus vrai dans nos or-ganisations du fait de l'ab-sencefréquente de reprocheslégalement justifiables. Lerisque de licenciement à ca-ractère abusif est présentdans ces cas et à un coût éle-vé.

L'entreprise exerce doncune pression pour déstabili-ser l'employé, dans le but

Iamal ArnraniDG du CabinetJadhCertainesentreprises ontrecours à desméthodesprofessionnellestrès responsablespour gérer uriprojet de départ

• La cause la plus fréquente du placard est l'incapacité ou la difficulté à licencier le collaborateur.• Tous ceux qui peuvent gêner sont susceptibles d'être mis au placard.• C'est une démarche contre-productive, les conséquences sur l'individu et l'entreprise peuventêtre dramatiques.

• Peut-on parler de la miseau placard comme une pra-tique courante au Maroc?• il n'y a pas de raison pourque le Maroc échappe à cetype de pratiques. On ob-serve d'ailleurs les mêmesscénarios et les mêmescontextes professionnelsqu'en Europe. Cette pra-tique reste assez courantedans le secteur public et ausein des institutions impor-tantes du secteurprivé ou se-'mi-public. En revanche, depar son coût et son impact ~amŒm~aEm=~ amaa __ ~œg~eE __ Em __ œsœemœ~ESanaBmmœz__~~ggaa __ ~œM1sur l'environnement et la re-lationdu travail,la PME ma-rocaine ne peut pas se per-mettre de recourir à ce pro-cédé.

J ..

de lui confier une nouvelletâche. Cela est trés possibledans les grandes organisa-tions. Cet oubli reflète ledysfonctionnement de cesorganisationset l'échec de lagestion des ressources hu-maines.

te activité syndicale et re-vendicativepeut faire l'objetd'une mise au placard. Uncadre très compétent et quia de l'influence sur les autressera mis à l'écart pour ne pasentraver l'action d'un nou-vel arrivant censé opérer deschangements importantsdans l'organisation. Ou en-core quelqu'un impliquédans un conflit qui a malévoluépourrait aussi être in-justement perçu comme unélément perturbateur et vi-rulent et se voir ainsi écartéde l'organisation.

De nombreux salariéspeu-vent faire l'objet de cene pra-tique. Ses conséquences surle plan humain peuvent êtredramatiques. On ne sort pasindemne d'une telle épreu-ve. La sensation d'injusticeest flagrante. Les cas de sui-cide et de comportementsdépressifs largement média-tisés ces dernières semainesen France permettent de serendre compte de la gravitédes conséquences de toutesles formes de harcèlement autravail. La mise à l'écart quien fait partie, c'est une hu-miliation terrible pour l'em-ployé. Elle signifie une dé-gradation violentedes condi-tions de travail et une dé-qualification en termes deperte de notoriété et de pou-voir décisionnel

Les pratiques sont nom-breuses. Parfois, le placardi-sé ne disposemême pas d'unespace de travail; parfois, aucontraire, ses conditions ma-térielles excellentesfont illu-sion et il se retrouve dansune sorte de «prison dorée».Il n'en reste pas moins qu'ilest salarié tout en étant in-actif, comme s'il n'existaitpas. Il ne figure plus sur lesorganigrammes. Parfois, onlui affecteun titre flatteur enapparence comme «chargédemission!» ou «conseiller»qui sont une manière «déli-

... 1 ...

• Certaines personnes sont-elles prédisposées à la miseau placard?Il Je dirais plutôt que cer-tains contextes ou certainstypes d'organisations favo-risent les mises au placard.Je pense particulièrement àces organisations pyrami-dales très lourdes qui consti-tuent un terrain très fertileau développement des clanset des lunes d'influence. Lesabus de pouvoir, les règle-ments de comptes et les ja-lousies empoisonnent l'am-biance.

Oui, certaines personnespeuvent également être pré-disposées à la mise au pla-card. Un collaborateurà for-

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LE PLACARD, L'ARME DES PATRONS CONTRE DES CADRES INDÉSIRABLES ------------------------------------,

... 1 ...cate» de le mettre à l'écart.La plupart du temps, les di-rectives hiérarchiques sontplus fortes et violentes: ilfaut éloigner et ignorer l'in-désirable!

Il arrive pourtant que l'onconfie des tâches au placar-disé inactif, soit par obliga-tion en raison de compé-tences pointues qu'il est leseul à posséder, soit pour lepousser à l'extrême et faireen sorte, qu'en réaction, ilcommette des erreurs dansl'exécution des travaux de-mandés.

• Qu'est-ce qui peut expli-quer cette attitude venantd'un dirigeant? Est-elle vrai-ment stratégique?IILa «mise au placard» c'estla mise à l'écart. A partir delà, il est plus facile d'imagi-ner qui peut être concerné.En réalité ce sont tous ceuxqui peuvent à un moment ouà un autre gêner. C'est-à-di-re des personnes dont lafonction, le rôle ou les attri-butions ou encore le réseaud'influence constituent unecontrainte et un obstaclepour l'autre (dirigeant, col-lègue ... ). Ils peuvent gênerquelqu'un ou une équipe ouencore une organisation ouun service.

Questions à

YASMINA CHBANI• DG du cabinetDale Carnegie Maroc

Il La Vie éco : Est-il possiblede dresser un profil type duplacardisé ?Il Yasmina Chbani : Il n'y apas vraimentde profiltype.Onatoujours l'impressionque ce sontles 45 ans et plus, les hautsfonctionnaireset autres cadresd'entreprise qui sont les plusconcernésmais la mise à l'écarttouchetout le mondeaussi bienles jeunes que les moinsjeunes,hommesou femmes,cadres ounon-cadres,brillants ou incompé-tents...C'est un concoursde circons-tances qui fait que le courant ne

CERTAINES PERSONNES

PEUVENT ÊTRE

PRÊDISPOSÉES À LA MISE

AU PLACARD. UN

COLLABORATEUR À FORTE

ACTIVITÉ SYNDICALE ET

REVENDICATIVE PEUT

FAIRE L'OBJET D'UNE MISE

AU PLACARD. UN CADRE

FORT COMPÉTENT ET QUI A

DE L'INFLUENCE SUR LES

AUTRES SERA MIS À L'ÉCART

POUR NE PAS ENTRAVER

L'ACTION D'UN NOUVEL

ARRIVANT CENSÉ OP1ÜŒR

DES CHANGEMENTS

IMPORTANTS DANS

L'ORGANISATION

Un dirigeant peut consi-dérer que la position hiérar-chique du concerné est po-litiquement sensible etqu'une décision violente tel-le le licenciement pur etsimple risquerait de déstabi-liser le climat social. Il dé-cide donc d'opérer diffé-remment et de recourir auxpratiques de mise au placard.

Un manager peu compé-tent qui a du mal à assumerune démarche de licencie-ment d'un collaborateur se-ra tenté de procéder de lamême manière

Dans tous les cas, une cho-se est certaine: cette straté-gie est peu payante. Bien aucontraire, ses conséquencessur l'individu et sur l'entre-prise peuvent être drama-tiques. L'entreprise perd ennotoriété et en image insti-tutionnelle, Son dynamismepeut être affaibli du fait dela dérnotivation des salariésqui en découle car cesderniers observent et font'souvent un constat d'injus-tice à l'égard des victimes deces pratiques. Les employéspeuvent perdre confiancedans les relati.ons hiérar-chiques et se demandent: «Aqui le tour ?».

• Selon vous, quelles sont lesvoies pour sortir du placard?

.D'abord une meilleure ges-tion des ressources humainess'impose. Ces problèmes serèglent par la formation, lareconversion et la gestionprévisionnelle des emplois etdes compétences. Mais en-core faut-il que la DRH fas-se partie du comité straté-gique de l'entreprise. Sonimplication est importantepour maintenir une vigilan-ce quant à l'attitude de cer-tains managers.

Nos exigences à l'égard desentreprises et de leurs pra-tiques managériales doiventtenir compte de la qualitédes rapports et des relationsinterpersonnelles au sein desorganisations. Le recours àla responsabilité sociale desentreprises (RSE)) se doit dejouer un rôle fondamentaldans l'observation de cesphénomènes.

Certaines entreprises ontrecours à des méthodes pro-fessionnelles très respon-sables pour gérer un projetde départ. La plus connueest l'outplacement. Il s'agitd'une assistance extérieureofferte par l'entreprise auxsalariés dont on envisage ledépart. Elle est souvent pra-tiquée dans les cas des fu-sions absorptions où l'en-treprise se retrouve avec descompétences en double.

C'est une solution qui faci-lite la réinsertion profes-sionnelle du salarié dans desconditions de dignité et dereconnaissance. Le principeconsiste à faire le bilan descompétences du salarié,d'identifier un nouveau pro-jet professionnel pour lui etde convenir d'une démarcheet d'une stratégie de pros-pection pour un nouvel em-ploi. Cette assistance exter-ne se termine avec l'insertiondu salarié dans son nouvelenvironnement profession-nel. Un processus de suiviest généralement prévu éga-.Iement.

Quoi qu'il en soit, j'estimeque dans tous les cas, il estindispensable de recom-mander au placardisé de par-ler de sa situation. Il doit enparler à son entourage im-médiat (délégués du per-sonnel, médecin du travail,avocat, chef d'entreprise ... )

Comme je l'ai dit plushaut, la mise au placard estassimilée au harcèlementmoral. Cette problématiquemérite donc un débat plusélargi avec une véritable ré-flexion juridique destinée àcombler le vide qui existe ac-tuellement dans le code dutravail marocain sur le sujet.

PROPOS RECUEILLISPAR

BRAHIM HABRICHE

sieurs attitudes répétées, il y aeffectivementlieu de s'inquiéter;au contraire, s'il est exceptionnel,on peut direque ça arriveà tout lemonde...Si le salarié conclut qu'une pres-sion s'exerce sur lui, qu'elle s'estmanifestée à plusieurs reprises,qu'elle porte préjudiceà ses acti-vités, à ses performanceset àson intégration, alors il faut envi-sager de changer d'entreprise, outrouver une autre solution, et nepas attendre longtemps pour lefaire.Eneffet, il ne servirait à rien des'épuiser moralementpourunehypothétiquerevanche.Epuisé,on n'est plus capable parla suite de se lancer dans unnouveaujob. Lesexpériencessontsuffisamment nombreusespour ledémontrer.

PROPOS RECUEILLIS

PAR B.H •

passe pas entre un supérieurhié-rarchiqueet son subordonné.Entout cas, cela dénoted'unéchec en matièrede gestionderessources humaines.

• Quelles peuvent être lescauses?.11 peut d'abord y avoirun chan-gementd'organisation dans le-quel certains salariés n'ont plusou ne trouventplus leur place.Certainsne jouent pas le jeu duchangement.Ducoup,quand les managersn'arrivent pas à rallierles récal-citrants, ils les oublient.Ilpeut y avoiraussi la menacepotentielleque représententcescollaborateurspourcertains ma-nagers qui choisissent d'annihilerles ambitionset performancesdeceux-cien les brisant. Ily a éga-Iementceuxqui n'ont pas pu at-teindre leursobjectifsouencore

ceuxqui commettentdes iautesimpardonnables.D'autres peu-vent être maladroitssans l'avoircherchéet, du coup,se retrouventsous l'emprised'une mise àl'écart.Enfin,elle peut tout simplementdécoulerd'un simpleconflitdepersonnespourdes causes com-plètementsubjectivesou peutêtre le fruit d'une rancœur...Entout cas, il n'y a pas.plus des-tructeur que d'être placardisé. Ona ainsi vu des individusentreren dépression.Parfois,la situation n'est pasaussi grave qu'on le pense, maisla victimeest fragilisée.

Il Peut-on parler d'un phéno-mène nouveau?••Lephénomènea toujoursexistésauf qu'onen parlait moins.Au-jourd'hui, il a pris plus d'ampleur.Ainsi,on parle de plus en plus de

harcèlementmoral,de souffranceau travail et d'autres aspects quientachent la viedes entreprises.Lephénomèneest inhérentà toutsystèmeoù se jouent des rela-tions humaines,de pouvoir,et oùdes objectifscollectifssont à at-teindre.Ilfaut soulignerégalement queles victimes le cachaient le plussouventalors qu'aujourd'hui leslangues se délient.

.Comment une victimepeut-elle sortir de cettesituation?IflLapremièredes choses à faireest de se poserdes questions parrapport à soi-même..Est-ce une mise à l'écart délibé-réeou un comportementnormalsanctionnant une petite baisse deperformances?Sice comportementest récurrent,qu'il s'est manifesté par plu-

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