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MÉMOIRE TECHNIQUE DE FIN D’ÉTUDES
PRESENTE POUR L’OBTENTION DU DIPLOME
D'ETUDES SUPERIEURES DE LA MARINE MARCHANDE
PAR
JEAN-DAVID BIGOT
MINISTÈRE DE L’ÉCOLOGIE, DE L’ÉNERGIE,
DU DÉVELOPPEMENT DURABLE ET DE L’AMÉNAGEMENT DU TERRITOIRE
École Nationale
de la Marine
Marchande de
Marseille
ANNEE SCOLAIRE DE SOUTENANCE : 2009/2010
L’ENSOUILLAGE DES CABLES SOUS-MARINS DE
TELECOMMUNICATION
MÉMOIRE TECHNIQUE DE FIN D’ÉTUDES
PRESENTE POUR L’OBTENTION DU DIPLOME
D'ETUDES SUPERIEURES DE LA MARINE MARCHANDE
PAR
JEAN-DAVID BIGOT
PROFESSEUR REFERENT : M. LANSADE
MINISTÈRE DE L’ÉCOLOGIE, DE L’ÉNERGIE,
DU DÉVELOPPEMENT DURABLE ET DE L’AMÉNAGEMENT DU TERRITOIRE
L’ENSOUILLAGE DES CABLES SOUS-MARINS DE
TELECOMMUNICATION
ABSTRACT : Optical fibre submarine cables have a major role in the world of
telecommunications. About 90 % of the world stream of information passes
through these cables which form today an immense global network. Lying on the
seabed, submarine cables are not free from any danger at all. Still today, the
anchors and the trawling of fishing boats are responsible for most of the
disturbances arisen, following damage to one or several cables. To ensure the
protection of a network on which the users become more and more dependent,
burying the cable under the seabed is preferable wherever it is possible. Burying
equipment is very diverse, plow with ploughshare, submarine robot, wheel slicer,
and are operated each in particular conditions. Over the years the statistics show
that cables are protected better and better, burying continues to show its
advantages.
KEYWORDS : submarine cable - world network - fibre optic - ocean - stream -
capacity - telecommunication - laying - exploitation - shore-end - numerical - sea
- dangers - human activities - trawling - anchor - interruption - fault - network
defect - serious disturbance - interconnection - redundancy - restoration - burying
- very deep trawling - plow - ROV - generalization of burying - documentation
research - composition of seabed - CPT - burying track - burying mechanical -
ploughshare - operational deep - deep of burying - power - speed - jetting -
burying tool - hardness restriction - extreme condition burying - soft rock -
trenching wheel - excavator chain - vibroshare plough - jetting plough -
inconvenients - post-burying maintenance - environmental impact - PLIB
mission - statistics - effectiveness.
RESUME : Les câbles sous-marins à fibres optiques occupent dans le monde des
télécommunications une place capitale. En effet, transitant sous les mers près de
90 % du flux mondial de l’information, ces câbles forment aujourd’hui les
véritables clés de voûte d’un immense réseau planétaire. Reposant au fond des
mers, les câbles sous-marins ne sont pas pour autant à l’écart de tout danger.
Aujourd’hui encore, le chalutage et les ancres des navires sont responsables de la
plupart des dérangements survenus à la suite d’une coupure d’un ou de plusieurs
câbles. Afin d’assurer l’équilibre d’un réseau dont les utilisateurs deviennent de
plus en plus tributaires, l’ensouillage qui consiste à enfouir le câble sous les
fonds constitue la règle dès lors qu’il est possible et souhaitable. Les engins
d’ensouillage sont très divers, charrue à soc, robot sous-marin, ensouilleuse à
roue trancheuse, et sont mis en œuvre chacun dans des conditions particulières.
Au fil des années, les statistiques montrent que les câbles sont de mieux en mieux
protégés, l’ensouillage continue de faire ses preuves.
MOTS-CLES : câble sous-marin - réseau mondial - fibre optique - océan - débit -
capacité - télécommunication - pose - atterrissement - numérique – mer - dangers
- activités humaines - chalutage - ancre - interruption - défaut - coupure de réseau
- perturbation grave - maillage - redondance - plan de rétablissement -
enfouissement - ensouillage - chalutage grande profondeur - charrue - ROV -
généralisation de l’ensouillage - étude documentaire - bathymétrie - nature des
fonds - CPT - tracé d’ensouillage - mécanique d’ensouillage - soc - profondeur
opérationnelle - profondeur d’ensouillage - puissance - vitesse - jet d’eau - outil
d’ensouillage - contrainte de dureté - ensouillage en condition extrême - roche
tendre - ensouilleuse à roue trancheuse - ensouilleuse à chaîne excavatrice -
charrue à soc vibrant - charrue à jet d’eau - inconvénients - maintenance post-
ensouillage - respect de l’environnement - mission PLIB - statistique - efficacité.
BIGOT Jean-David - DESMM - ENMM de Marseille - 2009/2010 1
SOMMAIRE
Remerciements ............................................................................................................ 3
Introduction ................................................................................................................. 4
Ière
Partie - Le câble sous-marin : un vecteur majeur et sensible
du réseau mondial de télécommunication .............................................................. 5
1) Introduction à la pose des câbles sous-marins ................................................. 5
a) Histoire de la pose des câbles sous-marins ................................................. 5
b) Généralité sur le déroulement d’une pose de câble sous-marin ................. 8
c) La place du câble sous-marin dans les télécommunications mondiales ... 10
2) Nécessité de l’ensouillage des câbles sous-marins ........................................ 10
a) La mer : un milieu hostile pour les câbles sous-marins ............................. 10
b) Les conséquences d’une coupure de câble sous-marin ............................. 12
c) L’ensouillage, un moyen de protection efficace ....................................... 13
3) Histoire de l’ensouillage des câbles sous-marins .......................................... 14
a) Les débuts de l’ensouillage ....................................................................... 14
b) Le problème du post-ensouillage .............................................................. 15
c) La généralisation de l’ensouillage ............................................................ 16
IIème
Partie - La mise en œuvre de l’ensouillage ................................................. 17
1) La campagne hydrographique ........................................................................ 17
a) L’étude des fonds ...................................................................................... 18
b) Le choix final du tracé ................................................................................ 19
2) L’ensouillage par charrue à soc ...................................................................... 20
a) Introduction à l’ensouillage par charrue à soc .......................................... 20
b) Compétences des charrues à soc classiques actuelles .............................. 25
c) Mise en œuvre de la pose charrue ............................................................. 26
BIGOT Jean-David - DESMM - ENMM de Marseille - 2009/2010 2
3) l’ensouillage par ROV .................................................................................... 28
a) Introduction à l’ensouillage par jet d’eau sur ROV .................................. 28
b) Description d’un ROV et mise en œuvre de ses outils d’ensouillage ...... 29
4) Autres engins d’ensouillage ........................................................................... 32
a) Des conditions extrêmes d’ensouillage .................................................... 33
b) Des engins d’ensouillage particuliers ....................................................... 34
IIIème
Partie - Aujourd’hui, quel retour d’expérience sur l’ensouillage ? ........ 36
1) Limites et inconvénients de l’ensouillage ...................................................... 36
a) Une maintenance post-ensouillage délicate .............................................. 36
b) Des moyens coûteux ................................................................................. 37
c) Nature des fonds parfois impraticables ..................................................... 37
c) L’ensouillage et le respect de l’environnement ........................................ 37
2) Même s’il est possible, l’ensouillage est-il systématiquement nécessaire ? .. 38
a) Activités sous-marines limitées ................................................................ 38
b) Cas particuliers des dunes sous-marines ................................................. 38
3) L’ensouillage est-il réellement efficace comme moyen de protection ? ........ 38
a) Retour d’expérience des missions PLIB ................................................... 38
b) Les statistiques .......................................................................................... 39
Conclusion ................................................................................................................ 40
Bibliographie ............................................................................................................. 41
Glossaire ................................................................................................................... 42
BIGOT Jean-David - DESMM - ENMM de Marseille - 2009/2010 3
REMERCIEMENTS
En premier lieu, je tiens à remercier particulièrement M. Fouchard, ancien cadre
ingénieur de France Télécom Marine pour son aide précieuse, sa disponibilité et pour
l'intérêt qu'il a témoigné à l'égard de mon travail.
Merci à mon tuteur M. Lansade pour ses conseils avisés.
Merci à l’armement de la compagnie Louis Dreyfus Armateurs qui m’a permis
d’embarquer comme officier câble sur mes deux dernières missions, m’aidant ainsi à
mieux appréhender mon sujet de mémoire.
Merci à tous les cadres, officiers, ingénieurs, marins et chefs d’équipe passionnés, de
Simec, Travocéan, Louis Dreyfus Armateurs, France Télécom Marine et Axiom qui ont
bien voulu donner de leur temps pour m’éclairer. Je pense spécialement à M. Saiani,
M. Conigliaro, M. Fiore, M. Bougeard, M. Ouin, M. Rickards, M. Camba, M. Poye-
bottan et M. Le Fur.
BIGOT Jean-David - DESMM - ENMM de Marseille - 2009/2010 4
INTRODUCTION
Afin de connecter les continents et les territoires éloignés dans l’immense réseau
planétaire des télécommunications, les opérateurs ont recourt aux océans pour tracer des
voies sous-marines. Formant aujourd’hui une gigantesque toile d’araignée de plus de
600 000 kilomètres de long soit 15 fois le tour de la Terre, l’installation dans le monde
entier des réseaux téléphoniques, de l’Internet et des réseaux professionnels de télévision
numérique a été rendue possible essentiellement grâce aux câbles sous-marins à fibre
optique. Transitant la quasi-totalité des flux mondiaux de l’information, les câbles sous-
marins sont les ressorts majeurs de l’actuelle explosion des télécommunications. De plus
en plus dépendants des services que permettent les nouveaux moyens de
télécommunication, les utilisateurs de cet immense réseau que forment le monde de
l’économie, de l’information, de la politique et des divers réseaux sociaux sont devenus
très sensibles aux interruptions voir même à une baisse de la qualité des transmissions.
Garantir une fiabilité maximale du réseau mondial est donc devenu un impératif pour les
prestataires des services de télécommunication. Or au fond des mers et surtout près des
côtes, les câbles sous-marins sont exposés à de nombreux dangers. Depuis les débuts de
la pose de câbles au 19ème
siècle et encore aujourd’hui, les causes d’endommagement les
plus fréquentes relèvent toujours des mêmes usagers de la mer : les croches de chaluts et
d’ancres représentent aujourd’hui encore près de 80 % des causes d’interruptions
constatées. Après la seconde guerre mondiale, malgré les interdictions et les
recommandations prodiguées auprès des usagers de la mer concernés, les conflits
d’intérêts ne purent jamais être résolus, il fallut alors trouver une solution radicale. La
méthode de protection par ensouillage qui consiste à enfouir le câble sous les fonds
marins, commença à faire son chemin à partir des années 1960, ayant le mérite de
satisfaire tous les parties.
On a pu assister depuis à une évolution rapide des moyens d’ensouillage mis en œuvre
par les opérateurs de liaisons sous-marines. Repoussant sans cesse leurs limites au fil des
progrès technologiques, ces engins puissants, sophistiqués et opérationnels à très grande
profondeur sont aujourd’hui capables de prouesses techniques impressionnantes. Les
procédés d’ensouillage font appel à un savoir-faire et à des techniques complexes aussi
bien pour les ingénieurs qui conçoivent les engins d’ensouillage que pour les équipages
qui les mettent en œuvre. Bien qu’il arrive encore que certains câbles soient sectionnés,
les statistiques montrent qu’ils sont de mieux en mieux protégés, au fil des années
l’ensouillage confirme son efficacité.
Ière
Partie - Le câble sous-marin : un vecteur majeur et sensible du réseau mondial
BIGOT Jean-David - DESMM - ENMM de Marseille - 2009/2010 5
de télécommunication.
1) Introduction à la pose des câbles sous-marins.
a) Histoire de la pose des câbles sous-marins.
19ème
siècle : le câble sous-marin télégraphique.
Le siècle des Lumières inspirent les ingénieurs en charge de la mise en place d’un réseau de
communication qui conçoivent alors un système basé sur le principe de la télégraphie optique.
Créé après les conquêtes Napoléoniennes, le réseau des frères Chappe dont la vitesse de
transmission est bien plus rapide que le cheval couvre le grand Empire et forme avec ses milliers
de tours sémaphoriques le tout premier réseau moderne de télécommunication. Au début du
19ème
siècle, le désir de communiquer rapidement et hors des frontières est rendu encore plus vif
par les nécessités politiques, sociales et commerciales. Les découvertes fondamentales en
électromagnétisme arrivent à point nommé pour franchir un pas décisif. Il est alors possible de
transmettre presque instantanément et à longue distance un signal cadencé qui représente des
lettres et des chiffres : la télégraphie électrique est née.
Lorsque l’on découvre au milieu du 19ème
la gutta percha, plante produisant une espèce de
gomme proche du caoutchouc possédant une excellente conservation dans l’eau de mer, il est
possible d’isoler un conducteur et la télégraphie connaît alors un développement fulgurant dans
le domaine du câble sous-marin (photo).
A l’échelle continentale, après plusieurs tentatives infructueuses, c’est finalement le 5 août 1858
La liaison Calais-Douvre constitue la
première liaison commerciale par câble
sous-marin reconnue par l’Histoire. Posée
le 19 octobre 1851 par le remorqueur
anglais BLAZER (photo), elle marque le
début des télécommunications sous-
marines. Ce câble encore en service 40 ans
plus tard constitue le prototype des câbles
sous-marins posés par faible profondeur.
En 1855, le célèbre système Morse est
adopté pour interconnecter les différents
réseaux nationaux existants en Europe.
BIGOT Jean-David - DESMM - ENMM de Marseille - 2009/2010 6
que le premier câble transatlantique de l’Histoire est posé entre l’Irlande et la Terre-Neuve par
l’AGAMENNON et le NIAGARA (photo). Il est possible de transmettre en morse environ trois mots
par minute et Victoria, la Reine de Grande Bretagne et le président Américain Buchanan
inaugurent la ligne par un message courtois et plein d’enthousiasme : « Puisse, avec la
bénédiction de Dieu, le télégraphe atlantique être à jamais un lien de paix et d’amitié entre les
deux nations sœurs ! »
20ème
siècle : la transmission téléphonique analogique.
Après la mise au point du télégraphe électrique, il est naturellement venu à l’idée de chercher à
transmettre la parole par un chemin identique. En 1876, Graham Bell trouve un dispositif qui
transforme les vibrations acoustiques en un courant électrique variable que l’on peut transmettre
jusqu’à un récepteur capable de les restituer. Comme pour le télégraphe, dès que le téléphone se
développe à terre, le problème se pose de lui faire franchir les mers. Le premier câble
téléphonique sous-marin international est ainsi posé en 1891 entre Sangatte et Saint
Margareth par le câblier MONARCH (photo).
BIGOT Jean-David - DESMM - ENMM de Marseille - 2009/2010 7
Pour autant, le développement du téléphone reste limité aux courtes distantes pour des raisons
techniques et seul la radio permet d’établir des liaisons intercontinentales dans les années 1930.
Mais la qualité de transmission n’est guère commerciale et sa mise en œuvre demande
l’intervention d’opérateurs aux deux extrémités de la liaison. Il faudra attendre bien des années
plus tard, en 1956 (première liaison téléphonique transatlantique TAT 1), pour que les premiers
câbles téléphoniques franchissent les océans. La technique des répéteurs immergés implantés à
intervalles réguliers pour compenser l'atténuation progressive des signaux permet d’établir des
communications à longue distance. C’est la fin définitive des câbles télégraphiques qui forment
alors un réseau mondial d’une longueur totale de 650.000 km. En 1961, sur la liaison Europe -
Amérique, les 21 câbles télégraphiques transatlantiques existant sont simultanément abandonnés,
leurs circuits étant absorbés par les deux premiers transatlantiques téléphoniques. Les câbles
coaxiaux téléphoniques se développent alors avec les satellites de télécommunication et le terme
concurrence est progressivement remplacé par celui de complémentarité car on n’imagine pas
l’installation d’un câble nouveau sans un plan de rétablissement par satellites, et inversement
pour sécuriser le réseau mondial. Le réseau mondial des câbles téléphoniques ne dépassera pas
350.000 km au milieu des années 1980, soit plus de la moitié en longueur du réseau
télégraphique posé en un siècle mais offrant une capacité de transmission infiniment supérieur.
Fin du 20ème
siècle : l’explosion des télécommunications par fibre optique.
En 1966, le britannique Kao qui travaille au centre de recherche du constructeur britannique
Standard Telephones and Cables (STC) démontre que la transmission par fibre optique
remplacera la transmission par câble coaxial dès lors qu’on saura libérer les fibres de leurs
impuretés. C’est seulement 33 ans plus tard que ce chercheur est récompensé par le prix Nobel
de Physique. La fibre optique commence à connaître ses premières applications dans les années
70 sur des applications terrestres. Fondée sur l’envoi d’information sous la forme d’impulsions
lumineuses dans une fibre, cette technologie innovatrice semble prometteuse et les grands
centres de recherche se lancent dans des programmes d’études approfondies pour mettre au point
des applications sous-marines. Britanniques, Américains, Français et Japonais lancent
simultanément des programmes nationaux de recherche et développement.
Malgré quelques difficultés techniques liées à la fiabilité des composants optoélectroniques
(lasers et circuits de détection), les premiers essais sont très prometteurs. Le premier système
transatlantique à fibres optiques TAT 8 est mis en service en 1988 entre les Etats-Unis, la
France et la Grande Bretagne. Il offre une capacité de 7860 circuits, supérieure à celle des
derniers câbles analogiques TAT 6 et TAT 7 réunis (6.000 circuits).
Avec de tels débits, une qualité de
transmission excellente, un faible coût et
une fiabilité plus que correct, le câble
sous-marin à fibre optique s’impose dans
les communications planétaires en cette
fin du 20ème
siècle. Tous les câbles
analogiques sont retirés du service avant
même leur fin de vie et les satellites
incapables d'offrir des capacités de
transmission comparables sont réservés
aux réseaux de télévision, aux services
téléphoniques pour les zones
continentales faiblement peuplées et aux
mobiles (navires et avions).
BIGOT Jean-David - DESMM - ENMM de Marseille - 2009/2010 8
En résumé - Avec l’arrivée de la fibre optique, les progrès en matière de capacité de
transmission ont été fulgurants. Du jamais vu en 150 ans dans le monde du câble sous-marin plus
habitué à des développements où la tradition l’emporte sur l’innovation : en effet de 1860 à
1950, la télégraphie sous-marine est une technique aux performances quasi-stationnaires où les
améliorations restent faibles. Entre 1950 et 1985, la transmission analogique sur câble coaxial
passe de quelques dizaines de voies téléphoniques transmises à quelques milliers soit un facteur
de croissance de plusieurs centaines sur l’espace de 35 années. Quant à la fibre optique, entre
TAT 8 (1988) et la liaison APPOLO (2002), la capacité de transmission a été multiplié par
environ 5.000 en 14 ans mais plus de 40.000 si on compare TAT 8 et les systèmes actuels dont
les capacités techniques sont de l’ordre de 12,5 Terabits/s !
En guise de conclusion pour ce premier point introductif, ce diagramme qui illustre à l’échelle de
l’océan Atlantique l’explosion des capacités au fil des progrès technologiques.
b) Généralités sur le déroulement d’une pose de câble sous-marin.
Le parcours qui mène in fine à la pose et à l’exploitation d’un câble sous-marin comprend
plusieurs étapes. La première consiste à déterminer l’emplacement du câble. Vient alors sa
fabrication en usine, son transport et son chargement sur les navires. S’ensuit la pose, le travail
en mer sur les câbliers et enfin sa mise en service et sa maintenance.
Un câble est constitué d'un assemblage de différents types de câble (diamètre, résistance,
souplesse, nombre de fibres), de joints et de répéteurs (dont le rôle est d’amplifier les signaux
qui s’atténuent et se dégradent avec la distance). Cet assemblage est conçu pour une route prévue
et initialement reconnue lors d’une campagne océanographique. Les types de câbles ont été
choisis en fonction de la nature du fond et des caractéristiques de l’installation et la position des
répéteurs ajustées pour que ces derniers reposent sur le fond à un endroit précis.
BIGOT Jean-David - DESMM - ENMM de Marseille - 2009/2010 9
Une fois fabriqué, le câble extrait de l'usine par une machine de traction à pneus, est lové
manuellement dans les cuves du navire. Un plan de chargement est établi pour disposer
rigoureusement le câble dans ces mêmes cuves. Les répéteurs sont chargés par l’intermédiaire
d’une grue et stockés hors cuve sur des étriers en zone climatisée sur le pont de travail. A la fin
du chargement, l'ensemble de la liaison est jointée à bord de bout en bout puis testée afin de
vérifier la bonne continuité du câble.
La pose commence en tout premier lieu par l’atterrissement : le navire s’aide de son système
de positionnement dynamique pour se maintenir sur le tracé retenu le plus près possible de la
côte sans mettre le navire en danger. Le bout du câble est remorqué vers la plage, soutenu par des
ballons flottants attachés en série sur le câble. A son arrivée sur la plage, le câble est solidement
ancré et connecté au réseau terrestre. Des plongeurs libèrent tous les ballons pour que le câble se
pose sur le fond par son propre poids, puis le navire s’écarte doucement de la côte, la pose
commence.
Afin que le câble soit posé précisément où il doit l'être, un navire câblier ne peut agir que sur
le positionnement du navire, sa propre vitesse et sur la vitesse de filage du câble. Cette dernière
se règle par l’intermédiaire d’une machine à câble installée sur le pont du navire. Elle extrait le
câble des cuves de stockage et contrôle sa vitesse de filage en fonction de la vitesse du navire et
de la sur-longueur nécessaire, le « mou ». Le but du mou est de permettre au câble d'épouser
étroitement le relief afin d'éviter les suspensions sur les fonds irréguliers et les tensions
résiduelles dans le câble, ces deux facteurs ayant tendance à raccourcir la durée de vie du câble.
La présence de mou facilite également la récupération du câble pour d'éventuelles réparations
par contre il ne doit pas être trop important afin d'éviter la formation de boucles sur le fond et la
pose de longueurs inutiles et onéreuses.
BIGOT Jean-David - DESMM - ENMM de Marseille - 2009/2010 10
c) La place du câble sous-marin dans les télécommunications mondiales.
En 2013, la population internaute dans le monde devrait atteindre 2,2 milliards de personnes
contre 1,45 milliard en 2009. Parallèlement, la technologie optique atteint l’âge de la maturité. A
l’aube du 21ème
siècle, la fibre optique offre des capacités de transmission qui s’expriment
maintenant en Térabit/s et permettrait même d’augmenter les débits proposés aux usagers à terre
si ceux-ci étaient raccordés aux serveurs par fibres optiques et non par une paire de fils de cuivre
(fin 2009, certains serveurs commencent à le proposer). Le développement spectaculaire des
capacités débouchent à l'hégémonie sans partage des câbles sous-marins dans le domaine de la
transmission à longue distance. Aujourd’hui, l’énorme augmentation de l’offre de capacité
résultant des améliorations successives de la technologie optique suscite une croissance des
besoins alors qu’il y a toujours eu déficit de l’offre par le passé. L’amplification optique et la
transmission numérique, plus que la déréglementation ont permis la naissance de l’Internet et du
multimédia. La technologie par fibre optique est le vrai moteur de l’explosion numérique qui se
propage maintenant par déferlantes successives dans la plupart des régions du monde.
L’introduction rapide des techniques à haut débit dans la boucle locale (ADSL, câble, mobiles et
Internet haut débit) va encore accroître la pression sur les réseaux à grande distance et en
particuliers sur les câbles sous-marins pour qu’ils offrent un service avec zéro défaut. Oui ! La
fibre optique (sous-marine et terrestre), domine sans partage le monde des télécommunications
numériques.
2) Nécessité de l’ensouillage des câbles sous-marins.
a) La mer : un milieu hostile pour les câbles sous-marins.
Les causes d’ordre technique
Les câbles sous-marins reposent au fond de la mer ;
c’est tout ce qui fait l’originalité de ce support de
transmission (photo). Or, la mer est un milieu hostile
dans lequel les câbles doivent survivre. S’ils sont
installés suivant les règles de l’art, ils épousent sans
tension résiduelle et sans suspension toutes les
oscillations du relief, leur vie doit s’y poursuivre
paisiblement, surtout lorsqu’ils jouissent du calme des
grandes profondeurs. Cependant, plus on s’approche
des côtes et plus les câbles sous-marins sont exposés à
toutes sortes de dangers, venant de la mer elle-même
mais aussi et surtout de ses usagers. Au 19ème
siècle, les
premières compagnies responsables de l’entretien de
ces câbles ont été très rapidement confrontées aux
interruptions perturbant le fonctionnement de leurs
réseaux. Depuis 150 ans, nous avons eu tout le loisir
d’analyser leurs causes.
Les câbles forment un assemblage complexe de divers constituants : répéteurs, égaliseurs, unités
de branchement, joints, etc qui enregistrent quelques défaillances. Les pannes, jadis fréquentes au
début de l’ère des câbles sous-marins sont devenues très rare de nos jours, la norme étant un seul
défaut technique pendant toute la durée de vie d’un système (théoriquement 25 ans).
BIGOT Jean-David - DESMM - ENMM de Marseille - 2009/2010 11
Les causes naturelles
Les courants provenant de l’agitation de la mer ou des marées peuvent provoquer des usures
mécaniques du câble par érosion. En particulier au niveau des barres rocheuses ou des bancs de
corail si des suspensions existent sur le câble. Ce dernier par son propre poids va en effet
entraîner une usure prématurée par effet d’abrasion de part et d’autre de la suspension. Ces
agressions seront accompagnées d’un effet naturel de corrosion du fait de l’oxygène dissous
dans l’eau et de la salinité du milieu si une intervention rapide sur le défaut n’est pas effectuée.
Eboulements, avalanches, tremblements de terre, activités telluriques ou sismiques sont aussi
des dangers sérieux. La célèbre catastrophe de Nice en octobre 1979 fut à l’origine un glissement
de terrain sous-marin de 150 km qui provoqua au large une coupure en série de plusieurs câbles
téléphoniques. Plus récemment le séisme de Rouïba en mai 2003 provoqua en mer Méditerranée
la coupure de tous les câbles situés dans un rayon de 200 Km (Sea-Me-We 2 et 3 ainsi que Flag,
les 3 artères reliant l’Europe à l’Extrême-Orient).
Les animaux « destructeurs » ont été quelques-uns dans l’histoire curieuse qui les lie aux
câbles sous-marins. Dans les premiers temps du câble télégraphique, les vers marins et quelques
petits crustacés comme le taret ou le xylophage appréciaient beaucoup l’isolant du câble, la
fameuse gutta percha et s’y introduisaient pour la dévorer jusqu’à l’âme du câble. Plus
récemment, les requins ont aussi constitué une menace sérieuse par morsure amenant les
fabricants de câbles à concevoir des câbles dits « fishbite » dotés d’un écran métallique destiné à
casser les dents des requins.
Les dérangements causés par les activités humaines.
Venons-en maintenant au plus grand fautif : l’Homme lui-même. Les causes accidentelles dues
aux usagers de la mer représentent 80 % du total des dérangements. Elles sont diverses et
proviennent essentiellement de croches directes depuis un navire en surface.
Parmi elles, les activités de pêche en
sont la cause la plus fréquente. Le
chalutage se développe avec
l’arrivée de la vapeur après la
seconde guerre mondiale et les
chaluts occasionnent de nombreux
dérangements jusqu’à des
profondeurs de 2000 m. Aujourd’hui
encore, malgré les interdictions de
pêche par arrêtés dans les zones
fréquentées par les câbles, le
chalutage représente toujours près
de 50% des défauts sur le plateau
continental. A noter également qu’un
chalutier est gravement mis en
danger lorsqu’il croche un câble car
il peut alors chavirer soudainement.
L’ensouillage protège les câbles mais
aussi les pêcheurs !
BIGOT Jean-David - DESMM - ENMM de Marseille - 2009/2010 12
D’après les chiffres de l’International Cable Protection Commitee (ICPC), comité international
responsable de la protection des câbles sous-marins, on dénombre aujourd’hui à l’échelle
planétaire environ 125 interruptions par an du fait de la pêche et des ancres de navires.
Les barges ou certains navires spécialisés lors des travaux sous-marins (prospection,
océanographie, carottage, pose de pipe-lines) présentent également un danger. Il arrive parfois
même qu’un navire câblier croche un câble lors d’une intervention sur un autre câble tout
proche.
Enfin, il faut prendre en compte la menace terroriste. En effet rien n’empêcherait aujourd’hui
un navire mal attentionné (voire même un câblier pris en otage) de couper à l’aide d’une ancre
ou d’un grappin toute une série de câble en quelques heures en vue de perturber gravement un
réseau et donc une région ciblée.
b) Les conséquences d’une coupure de câble sous-marin.
Nous l’avons vu, les câbles sous-marins forment le cœur du système mondial de télécommunica-
tion. Transitant un flux d’information phénoménal à très longue distance, il n’est pas difficile de
comprendre que la coupure de plusieurs câbles (passage d’une ancre, tremblement de terre)
puisse causer des perturbations graves sur l’équilibre local d’un réseau. Les conséquences sont
parfois très lourdes pour les pays touchés et peuvent être ressenties à l’image d’une panne
d’électricité, très durement aussi bien pour l’économie que la politique ou encore les réseaux
sociaux, etc. Les perturbations peuvent aller d’une forte dégradation de l’internet à un black-out
quasi-total des télécommunications, l’accès à des communications internationales étant aussi très
fortement perturbé. Les conséquences économiques sont nombreuses et concrètement par
exemple les transactions bancaires peuvent être affectées. Les cas graves restent relativement
rares (un tous les deux ans) car sur la plupart des « gros » câbles dont le bon fonctionnement est
crucial en raison des débits qu’ils assurent, en plus d’un ensouillage de qualité, on établit un
maillage, c'est-à-dire des liens de redondance censés permettre un déroutage des flux en cas de
problèmes. Ainsi l’Europe, l’Amérique du nord, le Moyen-Orient, l’Océanie et l’Asie sont des
zones plus ou moins bien câblées pour pouvoir « se retourner ». Aujourd’hui par exemple une
coupure de plusieurs câbles en mer Méditerranée donc entre l’Europe et le Moyen-Orient en-
traine un déroutage du trafic par voie terrestre, satellitaire (plus rare) mais aussi sous-marine par
Tout navire au mouillage sur un câble
sous-marin ou à proximité constitue
aussi un risque majeur lorsqu’il chasse
sur son ancre ou qu’il la remonte
(photo). Une ancre est faite pour
crocher les fonds et retenir un navire.
Sur un navire de grande taille (350 m),
une ancre peut s’enfoncer jusqu’à
environ 2 m dans des fonds sableux et
plus encore lorsque les fonds sont
meubles. Il n’est pas difficile de
comprendre qu’elle représente un fort
danger même pour les câbles
ensouillés.
BIGOT Jean-David - DESMM - ENMM de Marseille - 2009/2010 13
l’autre « côté de la boucle » : Europe - Atlantique - Amérique - océan Pacifique - Asie - océan
Indien - Moyen-Orient. Dans tous les cas les coûts sont exorbitants pour les opérateurs. En fonc-
tion de la qualité des plans de rétablissement existants, le retour à une situation plus ou moins
normale peut être rapide (quelques heures) tout comme il peut prendre quelques jours. Et là est le
problème.
A noter enfin que les coupures de câbles sont aussi préjudiciables bien-sûr pour l’image du câble
sous-marin lui-même. A l’époque du câble téléphonique, avec l’escalade des capacités qui rend
un câble ancien insuffisant pour secourir totalement un câble plus récent, le risque est de voir
s’évader le trafic vers la concurrence des satellites. De nos jours, à l’époque de la fibre optique,
le danger pour le câble sous-marin serait de voir se développer pour les liaisons non
transocéaniques un réseau de câbles terrestres plus sécurisés.
Dernier cas en date - Le 19 décembre 2008 s’est produit à quelques minutes d’intervalle la cou-
pure de six câbles sous-marins ensouillés dont quatre majeurs en Méditerranée entre la Sicile et
la Tunisie : Sea Me We 3 et 4, Italie-Lybie et FLAG. La coupure due au passage d’une ancre sur
ces segments de câbles reliant la Sicile et l'Egypte, a générée d'importantes perturbations du ré-
seau internet et des liaisons téléphoniques entre l'Europe, l'Asie et le Proche-Orient. Le trafic
vers l'Asie a pour l'essentiel été dérouté par les Etats-Unis, mais le trafic Europe vers le Proche
Orient et l'Asie a été gravement perturbé.
c) L’ensouillage, un moyen de protection efficace.
Aujourd’hui, les mesures de protection mise en œuvre pour assurer le fonctionnement d’un câble
sous-marin sont prises à trois niveaux :
- Avant la pose, par le choix judicieux d’un tracé et de points d’atterrissements où les risques
étudiés sont limités.
- Pendant la pose en s’assurant que celle-ci soit effectuée dans les meilleures conditions et qu’un
contrôle de la qualité du travail soit instauré.
- Après la pose par une politique de surveillance, d’information et de prévention auprès des usa-
gers de la mer.
Pendant la pose. Il est vite apparu que la simple pose d'un câble sur le fond marin l’expose à de
nombreux risques. Il existe divers procédés de protection mis en œuvre au cours de la pose ayant
chacun leurs avantages et leurs inconvénients. Parmi eux, l’ensouillage.
- Une première solution consiste à protéger le
câble lui-même, en le renforçant par une
épaisse armure (photo) sur une partie de sa
longueur jusqu'à une profondeur d'environ 2000
m. Au-delà, on considère que les risques
d'endommagement du câble du fait des activités
de pêche et autres sont négligeables. Cette
solution a l’inconvénient d’être coûteuse, et de
ne pas réellement résoudre le conflit d’intérêt
avec le monde de la pêche
BIGOT Jean-David - DESMM - ENMM de Marseille - 2009/2010 14
- Le recouvrement est la technique qui consiste à déposer une couche de gravier, de cailloux ou
bien des sacs de sable et des barres de ciment en série sur le câble lui-même. Ce procédé est mis
en place seulement par petit fond à l’approche des côtes. Dans le même ordre d’idée, il arrive
aussi de recouvrir le câble de tubes métalliques articulés nommés coquilles lorsque celui-ci tra-
verse par exemple une zone très caillouteuse ou une barrière de corail.
- Dans certains cas aussi, le poids du câble peut être augmenté de façon importante pour per-
mettre l’auto-enfouissement du câble dans le sol marin. Néanmoins ce procédé atteint vite ses
limites dès que les fonds deviennent durs.
De manière générale, plus l’on s’approche des côtes et plus les câbles sont exposés. Aujourd’hui,
la profondeur moyenne d’ensouillage est de 1 m sur le plateau continental (moins cependant si
les fonds sont durs) et jusqu’à 2,5 m près des côtes ou pour des zones particulièrement exposées.
Il existe aussi des cas particuliers ou l’on ensouille à des profondeurs bien supérieures (le maxi-
mum connu est de 15 m) lorsque les fonds sont à la fois très meubles et très exposés.
3) Histoire de l’ensouillage des câbles sous-marins.
a) Les débuts de l’ensouillage.
Durant l’entre-deux-guerres, l’accroissement du tonnage et de la puissance des navires de pêche
à vapeur rend de plus en plus fréquent les détériorations de câbles par chalutage. Les opérateurs
se mettent alors à réfléchir à la mise en place d’un système efficace de protection des câbles face
à ce type d’agresseur et l’ensouillage des câbles commence à être évoqué.
La première tentative d’ensouillage d’un câble sous-marin fut réalisée en 1938 au large de
l’Irlande. Essai novateur en ce temps et mené avec beaucoup de brio puisque le câble fut
ensouillé sur une longueur de 80 km pour une profondeur de 30 cm. A l’époque cependant la
méthode reste controversée puisque l’on pense qu’il sera très difficile d’intervenir en cas de
réparation nécessaire sur un câble ensouillé. Le mode d’ensouillage alors choisi est déjà la
charrue remorquée. A noter qu’à la même période en Allemagne, l’entreprise Harmstoff se
spécialise dans la pose de câble de rivière et met en œuvre, elle aussi, une charrue mais précédée
d’un dispositif d’injection de jet d’eau sous haute pression. Ce système ingénieux d’eau sous
pression permet de faciliter la formation de la souille par le soc. Le procédé d’ensouillage est là
plus évolué, les ingénieurs s’activent et des concepts novateurs naissent dans le domaine, alors
tout jeune, de la mécanique d’ensouillage. Peu de temps après, la guerre vint arrêter net les
efforts consentis dans la recherche et il faut attendre 1959 pour qu’une reprise sérieuse des
études sur les techniques d’ensouillage soit relancée.
- Enfin une dernière solution plus
radicale, la plus couramment mise
en œuvre aujourd’hui car elle
assure une excellente protection du
câble, consiste à ensouiller le
câble sous les fonds dans une
tranchée creusée (photo) par un
engin sous-marin.
BIGOT Jean-David - DESMM - ENMM de Marseille - 2009/2010 15
A cette époque effectivement, plusieurs systèmes transatlantiques alors en place comme TAT 1,
TAT 2 et CANTAT 1 souffrent énormément du passage répétés des chalutiers sur les bancs de
Terre Neuve. Les intérêts des pêcheurs et de l’état se croisent et malgré les interdictions de
chalutage, les interruptions sur ces lignes aux capacités de transmission importantes sont très
nombreuses.
On se décide à étudier l’idée de l’ensouillage systématique des câbles sous-marins dès lors qu’il
est possible. Les futures poses transatlantiques en projet TAT 3 et TAT 4, dont sont responsable
les Américains AT&T, sont exposés à leurs deux extrémités aussi bien sur le plateau continental
américain qu’européen. De l’autre côté de la planète, les Japonais sont confrontés aux mêmes
types de problèmes et de très nombreuses coupures viennent perturber leur réseau national.
Associés aux Américains, ils se lancent ensemble dans des études de faisabilité de diverses
méthodes d’ensouillage. Quelques années plus tard, il ressort de ces études deux constats
importants : il est possible d’ensouiller jusqu’à la profondeur de 60 cm lorsque les fonds sont
relativement meubles et il préférable d’utiliser le creusement par charrue à soc, bien plus facile
à mettre en œuvre que les systèmes à jet sous haute pression. Les conclusions tirées, chacun de
son côté conçoit ses propres prototypes et se lance dans des poses de petits segments avec
ensouillage.
Coup du sort cependant en 1974, à quai, la salle des machines du JOHN CABOT, navire tracteur de
la charrue américaine prend feu. Le navire ne peut pas reprendre la mer et il faut absolument
trouver une solution pour respecter les dates contractuelles de la mise en fonction de TAT 6, la
prochaine liaison transatlantique. La France est appelé à la rescousse et répond favorablement :
les chantiers du Havre se mobilise et arment en moins de 6 mois la charrue américaine Seaplow
4 sur et un portique de mise à l’eau sur l’un des tout derniers câbliers de la flotte France
Télécom, le VERCORS. Les deux extrémités de TAT 6, 170 km côté Ouest et 200 km côté Est
sont ensouillés dans les temps : la France fait un retour fracassant dans le monde du câble. Le
VERCORS devient par ailleurs pendant quelques années le navire ensouilleur mondial n°1.
b) Le problème du post-ensouillage.
Dans la précipitation des années 1970, les grands opérateurs s’attaquent exclusivement au
problème de l’ensouillage et l’on reporte à plus tard les problèmes d’intervention pour réparation
après ensouillage. Cependant les premiers ennuis arrivent. Une réparation délicate sur TAT 4
Les Américains se distinguent en 1969
grâce à leur charrue Seaplow 4 (photo) par
l’ensouillage des deux extrémités du
transatlantique TAT 5. Les Japonais eux
bien plus tard en 1976 grâce à leur charrue
KDD à l’occasion de la pose de la liaison
ECSC. En matière de technologie
d’ensouillage, alors qu’Américains et
Japonais s’activent sans relâche, la France
elle est à la traîne. Pour diverses raisons :
les grands projets français ne traversent pas
de plateau continental et il est déjà assez
compliqué comme ça de maintenir en bon
état de fonctionnement le réseau alors en
place.
BIGOT Jean-David - DESMM - ENMM de Marseille - 2009/2010 16
(partiellement ensouillé par les américains durant les années 70) fragilise le câble et entraîne une
succession d’interruptions. Les navires ne sont pas correctement équipés pour ensouiller de
nouveau un câble après une réparation.
c) La généralisation de l’ensouillage.
L’ensouillage dont l’efficacité commence à faire ses preuves se généralise dans le début des
années 80. Dès lors que l’étude préalable des fonds montre que ceux-ci sont praticables, cette
méthode de protection devient quasiment systématique. Les études dans le domaine des charrues
s’accélèrent et de nombreux modèles voient le jour, plus développés et plus performants.
Fin des années 80, l’extension de la pêche au chalut à des profondeurs de plus en plus grandes
entraine les constructeurs à repousser les limites de leurs moyens d’ensouillage. Le Royaume-
Uni jusqu’alors en retrait dans la pratique de l’ensouillage revoit son jugement et se lance à son
Les navires s’équipent alors de robots
filoguidés aux multiples fonctions :
chercheurs de câble, bras manipulateurs,
coupeurs de câble, le tout équipés de
projecteurs de caméras et d’outils destinés
à guider les engins par rapport au câble.
En 1981, les célèbres « SCARAB »
(Submersible Craft Assisting Repair and
Burial) financés par un consortium sont
les premiers engins de ce genre sur le
marché et forment les ancêtres des robots
sous-marins que l’on nomme aujourd’hui
plus communément « ROV » (Remotely
Operated Vehicle). Après les SCARAB,
on retrouve côté français les séries
SCORPIO 2000 (entrée en service en
1990) et HECTOR (2 à 6) qui arment
aujourd’hui les navires France Telecom.
Les nations qui s’impliquent alors
dans la construction des charrues
ne sont que trois : les Etats-Unis et
leur charrue deuxième génération
Seaplow 5, le Japon et la France
qui se lance dans la fabrication de
sa propre charrue Elise 1 (en photo
sur le VERCORS) avec l’entreprise
ECA-SIMEC (initiative que les
Etats-Unis n’apprécieront pas).
BIGOT Jean-David - DESMM - ENMM de Marseille - 2009/2010 17
tour très énergiquement dans les études de cette technique devenue concluante. Quelques années
plus tard en 1985, les britanniques associés aux danois se distinguent par l’ensouillage d’un des
tout premiers câbles à fibre optique GB-Belgique à l’aide d’une charrue novatrice sur double
patins avec soc à roue tranchante. Dans la même année, BTL, le centre de recherche britannique
lance SMD (Soil machine Dynamics Ltd) qui dès 1987 construit des charrues pour C&W, BTM,
et AT&T. En 1988, SMD confirme son statut de leader dans la construction d’engins sous-
marins d’ensouillage par la pose du premier transatlantique à fibre optique TAT 8. Jolie coup de
force des anglais qui occupe le devant de la scène en quelques années !
Aujourd’hui, les grands opérateurs (ATT, KDD, BT, Alcatel et FT) sont tous dotés d’une
gamme d’outils complémentaires (charrues, ROV et ensouilleuses petits fonds) et une industrie
anglo-saxonne d’outils nouveaux continue de se développer en Grande-Bretagne mais aussi aux
Etats-Unis. Les fabricants de moyens d’ensouillage, et surtout SMD, proposent de nombreux
engins s’adaptant aux différents types de sol et toujours plus performants. En France SIMEC se
défend bien lui aussi et propose des engins performants : charrue type Elodie et série de ROV
type Hector équipent tous les navires France Télécom.
IIème
Partie - La mise en œuvre de l’ensouillage.
1) La campagne hydrographique.
Dans les années 60, l’ensouillage apparaît comme une nécessité pour assurer la protection des
câbles sous-marins (tout du moins les plus importants). Certains propriétaires de câbles
commence alors à comprendre dans le budget d’un projet le coût d’une campagne préalable de
reconnaissance et d’étude des fonds. Ces études facilitent grandement le choix d’un tracé
judicieusement déterminé en fonction de la nature des fonds praticables ou non. Même si celle-ci
reste obsolète en comparaison de ce qui s’est fait quelques années plus tard, la première étude
des fonds d’un trajet de pose se fit en 1970 à l’occasion de la pose du câble transatlantique TAT
5. La campagne de reconnaissance se limitait alors à de simples relevés bathymétriques et de
température.
Dans les années 80, le tracé du futur câble fait l'objet de recherches bathymétriques plus
poussées et s’étend à la connaissance de la nature des sols. Avec l’invention de nouveaux outils
de reconnaissance acoustique couvrant des surfaces importantes et l’arrivée de l’enregistrement
numérique, les campagnes océanographiques génèrent un volume bien plus conséquent de
données géophysiques. Le « Survey », la reconnaissance des routes devient un marché très
lucratif auquel s’atèle notamment en France l’Institut Français de Recherche pour l’Exploitation
de la Mer (IFREMER) et le Bureau d'Etudes Industrielles et de Coopération de l'Institut français
du Pétrole (BEICIP).
Pour la pose d’un nouveau câble sous-marin, le choix final du tracé est déterminé au bout d’un
cheminement en trois étapes :
- Une étude de documents est faite où l’on détermine un ou plusieurs tracés préliminaires :
étude des cartes marines, géographiques et bathymétriques déjà existantes, lois et
règlementations dans les zones traversées, activités humaines actuelles ou à venir (pêche, zones
pétrolières...), etc. Le choix des atterrissements est un compromis entre les facilités de transfert
des circuits sur le réseau terrestre et l'environnement marin à leurs voisinages.
BIGOT Jean-David - DESMM - ENMM de Marseille - 2009/2010 18
- Un couloir de pose d’une certaine largeur, le corridor, comprenant le(s) tracé(s) préliminaire(s)
est déterminé. Commence alors la campagne océanographique de l’étude des fonds compris
dans ce couloir.
- Suite à la campagne de reconnaissance, un choix final de tracé est judicieusement déterminé la
où les fonds sont les plus praticables pour la charrue.
a) L’étude des fonds.
L’objectif d’une campagne océanographique est d’acquérir des données relatives au relief des
fonds marins et à la nature du sous-sol. Les différents outils d’acquisition, basés sur l’acoustique
marine, fournissent des images du fond de la mer ou du sous-sol marin le tout calibré par des
prélèvements.
La reconnaissance des zones d’études s’effectue en suivant parallèlement et espacées de manière
régulière les routes des poses prévues afin d’obtenir une couverture complète. Les outils de
reconnaissance aujourd’hui utilisés sont les suivants :
Les sonars à balayage latéral, sorte de poisson immergé, fonctionne sur le même principe et
présente l'avantage de visualiser les fonds sur une largeur importante. Ils fournissent une image
acoustique appelée sonogramme. Celle-ci indique en fonction des teintes de gris sur l’image, la
répartition des différents types de sédiments superficiels et des fonds rocheux ainsi que leur
morphologie détaillée. Le système se compose d’un poisson remorqué qui émet un signal
acoustique se renvoyant avec plus ou moins d’intensité selon les caractéristiques physique et
morphologique du fond.
Les prélèvements par carottage sont faits après les campagnes de reconnaissance géophysique
afin de calibrer les données d’imagerie acoustique. Ils permettent d’obtenir une coupe verticale
d’une dizaine de mètre maximum des couches sédimentaires du sous-sol et d’associer ainsi des
classes de sédiments à différentes réponses acoustiques.
Les « Cone Penetration Test » (CPT). Jusqu'en 1997, pour estimer la difficulté d’un ensouillage
par charrue, des essais sont directement effectuées par les navires de pose équipés d'un grappin
Les sondeurs multifaisceaux sont des équipements de
cartographie sous-marine fixés sous la coque, fonctionnant
par émission-réception d’un signal acoustique, produisant
ainsi des données de bathymétrie. A chaque cycle
d’acquisition, le traitement du signal fournit
perpendiculairement à la route du navire, une série de
sondes bathymétriques, calculées à partir du temps aller-
retour du signal. L’enregistrement du niveau de rétro
diffusion du signal acoustique sur le fond, qui est
dépendant de la nature du sédiment et de la morphologie,
permet de générer une image du fond en teintes de gris. Ce
type de sondeur allie aujourd’hui une portée (10000m) et
une couverture remarquable avec une rapidité d’exécution
et un confort des observateurs qui à la fois visualisent sur
écran et cartographient automatiquement sur commande.
BIGOT Jean-David - DESMM - ENMM de Marseille - 2009/2010 19
ou d'une charrue miniaturisée. Les données recueillies sont transposées aux charrues et autres
engins d'ensouillage. Cette méthode qui sollicite les navires câbliers s’avère longue et coûteuse.
En 1998, le Consortium de Sea-Me-We 3 n'accepte pas cette méthode et sollicite FUGRO
(prestataire de service « survey ») pour déployer une solution aussi fiable et plus économique.
FUGRO propose ainsi des mesures in situ sur les sols du projet par CPT afin d'améliorer les
prédictions d'ensouillage et le travail des charrues ou autres jetting. Ces mesures de pénétration,
depuis longtemps éprouvées et validées dans le domaine pétrolier sont donc introduites pour la
première fois dans le domaine des câbles sous marins.
Le positionnement de l’ensemble des travaux à la mer (routes et prélèvements) est un élément
primordial de la chaîne d’acquisition. Il est assuré actuellement par le système de positionnement
par satellites GPS. Le GPS peut être utilisé en mode différentiel (DGPS) en utilisant des stations
terrestres de référence pour affiner la mesure et fournir des précisions de l’ordre de 1 à 5m.
Les résultats des mosaïques d’images acoustiques et des prélèvements sont représentés sur des
documents cartographiques : les cartes morpho-bathymétriques (photo) montrent le relief
sous-marin et les cartes sédimentologiques représentent la nature et l’organisation des
composants du sol marin. La reconnaissance géologique sur des zones localisées du plateau
continentale et plus particulièrement en bordure côtière permet d’obtenir des documents
cartographiques jusqu’à l’échelle 1/10000.
b) Le choix final du tracé.
L'étude et l’interprétation des informations recueillies sur le corridor en campagne
océanographique permettent de choisir un tracé définitif. On privilégie toujours les fonds les plus
meubles afin de faciliter le passage de la charrue tout en minimisant les longueurs de câble, le
prix du kilomètre étant très couteux. Les cartes reprenant le tracé précis avec ses changements de
route et l’évolution de la composition du fond sont sans cesse consultées à bord lors de la pose
par les équipes passerelle et charrue.
Le prix de telles campagnes varie
aujourd’hui entre 1 et 4% du coût total
d'un système. Ce pourcentage varie
essentiellement en fonction de la
répartition petits fonds - grands fonds
et du besoin ou non d'ensouillage, donc
de mesures CPT. Il est très important
de noter que ce faible pourcentage
conditionne une grande partie de la
fabrication, de la pose, de
l'ensouillage, et donc finalement de la
fiabilité et du comportement futur du
système
BIGOT Jean-David - DESMM - ENMM de Marseille - 2009/2010 20
2) L’ensouillage par charrue à soc.
Comme nous l’avons vu précédemment dans la première partie, la charrue à soc simple fut la
technique retenue par les américains en 1966 pour les premiers essais d’ensouillage. Au cours de
ces quarante dernières années, les performances de ces engins sous-marins n’ont jamais cessé
d’évoluer sous la pression de clients soucieux d’assurer toujours mieux la fiabilité de leur réseau.
Profondeur opérationnelle et profondeur d’ensouillage, puissance de traction, vitesse
d’exécution et qualité de l’ensouillage sont les cinq domaines dans lesquels les charrues ont
faits d’énormes progrès, bien qu’elles aient atteintes certaines limites. En quoi était-il important
de résoudre ces problématiques et quelles solutions techniques ont été apportées ? Nous
terminerons ce chapitre par la description générale des charrues d’aujourd’hui et la présentation
de leur exploitation à la mer.
a) Introduction à l’ensouillage par charrue à soc.
Principe de fonctionnement - Suite à l’atterrissement du câble, on commence la pose et le
bateau s’écarte de la côte. Dès que les fonds deviennent praticables et au plus tôt à partir d’une
quinzaine de mètre, la charrue est mise à l’eau depuis l’arrière du navire par un système de
portique pivotant. Une fois la charrue en position sur le fond, le navire continue sa route à
vitesse lente sur le tracé de pose et tracte la charrue par l’intermédiaire d’un câble de remorque.
Depuis les cuves de chargement, le câble de télécommunication est déroulé par l’arrière du
navire, jusqu’à la charrue et y passe à travers pour se déposer dans le fond de la tranchée formée
par le soc de celle-ci (photo). Les organes de la charrue que forment l’hydraulique,
l’instrumentation et les éléments de surveillance sont télécommandés depuis le navire par
l’intermédiaire d’un câble dit ombilicale. La longueur de celui-ci est ajustée de manière à ce
qu’il reste largement éloigné de la remorque et du câble de télécommunication. Lorsque le trajet
de pose rencontre un obstacle comme un autre câble, un pipe ou même des fonds impraticables,
il y a deux solutions : remonter la charrue sur le pont, décharger le câble de celle-ci et poursuivre
la pose ; ou bien remonter la charrue à mi-profondeur et continuer la pose jusqu'à franchissement
de l’obstacle avant de la redescendre à nouveau.
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Description d’une charrue classique
Nous allons décrire maintenant une charrue classique d’aujourd’hui et développer quelques
spécificités techniques novatrices.
Le châssis est la structure métallique qui forme le squelette de la charrue. Extrêmement solide, il
peut supporter des efforts très élevés allant jusqu’à 150 T !
Le soc est la lame métallique située à l’arrière de la charrue qui permet de creuser la tranchée
dans laquelle le câble se dépose. Un soc étroit permet un ensouillage plus facile dans les sols
durs et un recouvrement rapide de la souille après son passage. Une technologie dite
d’ensouillage par « jetting » équipe le soc de certaines charrues anglaises et américaines, de
plusieurs buses projetant des jets d’eau sous très haute pression afin de faciliter la formation de
la tranchée. Il existe aussi des systèmes à soc vibrant qui facilite l’ensouillage dans des fonds de
galets. La dent à l’avant du soc permet de perforer le sol et facilite la pénétration du tranchant du
soc.
Les patins soutiennent la charrue et lui permettent dans une certaine mesure de « monter » sur
les obstacles qui se présentent à elle.
Les stabilisateurs à l’arrière associés aux patins assurent le maintien de la charrue sur ses quatre
« pattes ». Les hauteurs de celles-ci sont indépendamment réglables afin de s’adapter à la
profondeur d’ensouillage et aux contraintes qui s’exercent sur la charrue.
La barre de traction/l’arceau à laquelle sont fixées les deux brides de la patte d’oie du câble de
remorque est capable elle aussi de supporter des très hautes tensions. Le changement de route de
la charrue se fait par le déplacement latéral du point de traction de la charrue.
La cage/le châssis avant/la goulotte d’entrée est l’élément tout à l’avant de la charrue par
lequel le câble entre dans la charrue et sur laquelle sont fixés plusieurs équipements importants
comme le sonar, le compas, quelques caméras et des lampes.
Le dépresseur/la porte, élément clé d’une charrue, est le bras articulé situé à l’arrière de la
charrue au dessus du soc qui vient appuyer plus ou moins sur le câble afin de régler la
profondeur d’ensouillage choisie et aussi l’empêcher de sortir du soc.
La machine à câble de la charrue (lorsqu’elle en est équipée) a pour but de maintenir une
tension constante et minimale à la sortie de la charrue (on parle de tension résiduelle), afin
d’éviter que le câble ressorte de la tranchée sous l’effet de distension. Cela est possible en faisant
varier la vitesse de la machine en fonction de la valeur de la tension résiduelle, le système est
autorégulé.
L’instrumentation se compose des différents capteurs de position, présence de câble, pression,
tension, température, inclinaison mais aussi d’un compas, d’un sonar (qui est capable de détecter
un obstacle jusqu’à 200 m) et d’un échosondeur.
Le système hydraulique qui prend en compte le moteur, les accumulateurs, le dépresseur, les
vannes, les flexibles et les vérins sert à actionner les différents commandes.
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Caractéristiques générales
Le poids des charrues sur le marché s’échelonne entre 17 T et 35 T. Les charrues légères sont
plus économiques puisque plus facile à tracter mais supportent moins les hautes tractions lorsque
les fonds deviennent plus difficiles.
Les dimensions sont de l’ordre de 10 m de long pour 5 m de hauteur et 5 m de largueur.
Le système hydraulique se compose d’un moteur électrique, de pompes, d’accumulateurs, de
réservoirs, de distributeurs, de filtres, de vérins et de réfrigérants. La pompe alimente les
distributeurs et détermine ainsi la position des éléments mobiles (patins, dépresseurs,
stabilisateurs, barre de traction et vérins de direction).
La puissance électrique fournit par l’ombilical avoisine les 35 kW.
Le contrôle et la commande des divers équipements se fait à distance depuis une cabine de
pilotage.
Le chargement du câble se fait manuellement une fois la charrue sur le pont par l’ouverture de
la cage.
L’angle de traction (compris entre 10 et 25°) dépend de la difficulté de pénétration de la
charrue, donc du type de fond, de la pente et surtout de la profondeur opérationnelle.
Les diamètres acceptables de passage des câbles s’échelonnent entre 17 et 80 mm et jusqu’à 400
mm pour les répéteurs.
Le changement de cap de la charrue se fait par le déplacement de son point de traction. La
différence réglable de hauteur entre les patins et les stabilisateurs peut aussi aider la charrue à
prendre un angle d’inclinaison visant à faciliter un changement de cap.
Le système de mise à l’eau comprend un portique, le câble de remorque et son treuil.
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La mécanique de pose et d’ensouillage
Nous l’avons vu, l’ensouillage par charrue présente un intérêt majeur : pouvoir assurer
simultanément la pose et l’ensouillage. Avant de rentrer en détail dans la mécanique de
l’ensouillage, revoyons quelques principes de base sur la pose simple afin de mieux saisir la
complexité mécanique qu’entraîne l’ensouillage du câble par une charrue.
Le but d’une pose est de déposer au fond de la mer, depuis un navire, un câble tout en lui
assurant un positionnement précis et une sécurité optimale. Le câble ne doit pas être installé
seulement sur un tracé préalablement déterminé mais aussi selon des conditions particulières de
tension ou de mou. Le mou ou excès de câble doit permettre au câble d'épouser étroitement le
relief afin d'éviter les suspensions sur les fonds irréguliers et les tensions résiduelles dans le
câble. La présence de mou facilite également la récupération du câble pour d'éventuelles
réparations. Par contre ce mou ne doit pas être trop important afin d'éviter la formation de
boucles sur le fond et la pose de longueurs inutiles et onéreuses.
Etudions maintenant les principes de base qui permettent de comprendre le comportement du
câble dans l’eau.
Surface
Fond
D
LB (Lay back)
LD
(Lay down)
α
C
(Caténaire) β
Point de
contact
La caténaire C : Longueur de câble entre le davier et le point de contact du câble avec le fond.
Point de contact : Point où le câble touche le fond.
L'angle α : Angle du câble par rapport à l'horizontale.
L'angle β : Inclinaison du fond par rapport à l'horizontale (compté positif si le fond augmente
dans le sens de la pose, sinon négatif).
Le lay-back LB : Distance horizontale entre le davier et le point de contact.
La profondeur D : Profondeur d'eau au point de contact, on peut y ajouter la hauteur du davier
au-dessus de l'eau si non négligeable.
Le lay down LD : Distance horizontale entre la position d'un point du câble lorsqu'il sort du
davier et sa position lorsqu'il touche le fond.
BIGOT Jean-David - DESMM - ENMM de Marseille - 2009/2010 24
La constante hydrodynamique H : Constante calculée à partir du poids du câble, de son
diamètre et du coefficient de friction. Elle est propre à chaque type de câble et relie la vitesse
d'enfoncement dans l'eau du câble avec la vitesse à laquelle le câble est posé (vitesse du navire).
Constante généralement exprimée en degré.nœud.
La figure 1 est la représentation typique de la pose dite en régime établi. Le câble est considéré
homogène, la vitesse du navire VN constante ainsi que la vitesse VC de la machine à câble
(vitesse de filage du câble), le fond est plat. Lorsque que la vitesse du navire et la vitesse de la
machine à câble atteignent une valeur suffisante pour permette au câble de s'enfoncer sans
retenue, la caténaire prend le forme d'une droite, il n'y a aucune tension d'exercée sur le
câble au point de contact. L'absence de tension au point de contact est la condition sine qua
non pour pouvoir poser du mou.
Pour cela, sur fond plat, la vitesse de la machine à câble devra être légèrement supérieure à celle
du navire. En régime établi, l'angle du câble par rapport à l'horizontale, l’angle α, est fonction de
la constante hydrodynamique et de la vitesse du navire. Le point de contact est généralement très
éloigné du navire.
Remarque importante à propos du mou - La vitesse de pose avec la charrue étant inférieure à
la vitesse à laquelle le câble s'enfonce dans l'eau, notre câble ne prendra pas la forme d’une
droite mais celle d'une chaînette, donc la tension T0 au point de contact ne sera pas nulle :
La figure ci-dessous schématise la pose d'un câble et son ensouillage par charrue.
Surface
Fond
α
α
Câble
lourd Câble
léger
D
Ombilical
T0
Remorque
Caténaire
10° à 25°
BIGOT Jean-David - DESMM - ENMM de Marseille - 2009/2010 25
La longueur de la caténaire entre le bateau et la charrue est ajustable afin que le point de contact
du câble se situe devant la charrue à une distance telle que la tension à l'entrée de la charrue soit
réduite au minimum. Cependant cette distance ne doit pas être trop importante car le câble
pourrait former un coude à l'entrée de la charrue sous l'effet de la progression de celle-ci vers
l’avant. C'est par l'observation directe de la remorque et du câble au moyen de caméras situées
sur l'avant de la charrue que la tension du câble de télécommunication est réglée depuis la
machine à câble afin de respecter une distance comprise entre 50 et 200 mètres. Le simple fait de
lever le câble devant la charrue pour entrer dans la cage et le frottement du câble au passage dans
la charrue font que même si le câble est posé sur l'avant de la charrue avec une tension proche de
zéro il y aura en sortie une tension résiduelle sur le câble ensouillé.
Il est particulièrement important de conserver la tension résiduelle aussi faible que possible,
spécialement au niveau des changements de cap ou lorsque le fond présente des ondulations car
une tension trop importante aura tendance à faire sortir le câble de la tranchée et à engendrer des
suspensions. La valeur moyenne de la tension résiduelle après passage de la charrue est
d’environ 200 kg. Comme nous l’avons vu, certaines charrues sont équipées d'une machine à
câble intégrée ayant pour but de réduire cette tension résiduelle. Il apparaît donc que le mou et
la charrue ne sont pas compatibles. Cependant, en raison des petites variations de cap de la
charrue le long du tracé de pose, le mou calculé après la pose peut varier entre 0 % et 0,25 %.
b) Compétences des charrues à soc classiques actuelles.
Evolution des exigences d’ensouillage
Les efforts consentis depuis plus de 40 ans dans les études sur les charrues permettent
d’ensouiller aujourd’hui à des profondeurs opérationnelles plus grandes, plus profondément,
dans des fonds plus durs et le tout plus rapidement.
La profondeur opérationnelle - Dès la fin de la seconde guerre mondiale, la pêche au chalut se
développe considérablement. Au large de Terre-Neuve et du Labrador, les chalutiers européens
modernes remplacent les traditionnels doris et les chaluts ratissent en flottille tout au long de
l’année jusqu’à des profondeurs de plus de 600 m. En 1960, les premiers chalutiers à relevage
latéral cèdent la place aux navires opérant par l’arrière et laissent encore moins de chance
d’éviter la rupture des câbles qu’ils croisent, même armés. En 1966, on se base sur les
profondeurs maximales de chalutage de l’époque et l’on conçoit une première charrue capable
d’ensouiller jusqu’à 900 m. Les profondeurs opérationnelles des charrues ont évolué en parallèle
avec les progrès du chalutage : 1000 m dans les années 80 et jusqu’à 2000 m dans les années 90
pour couvrir les profondeurs atteintes par les chalutiers australiens et néo-zélandais. A l’inverse,
près des côtes lorsque les fonds remontent, les charrues à soc des navires poseurs sont limitées
dans leur rayon d’action jusqu’à la profondeur d’environ 15 m. En effet, dans une telle
configuration de pose, les navires tracteurs ne peuvent pas s’approcher trop près des hauts-fonds
alors que d’autres engins sous-marins type charrues à jet d’eau très haute pression ou robots sur
chenilles à roue trancheuse montés sur des barges sont capables d’intervenir.
La profondeur d’ensouillage - En 1938, au large de l’Irlande, nous le savons, la première
charrue de l’histoire est capable d’ensouiller à 30 cm. 44 ans plus tard en 1982, progrès notable
avec les charrues américaine Seaplow 5 et française Elise 1 (entreprise française Eca-SIMEC)
qui ensouillent respectivement à 60 et 75 cm. Les chalutiers de l’époque les plus dangereux
tractent alors des chaluts qui s’enfoncent d’environ 40 cm dans le sol. En 1987, Seaplow 6
BIGOT Jean-David - DESMM - ENMM de Marseille - 2009/2010 26
double l’aptitude d’ensouillage de sa prédécesseur pour atteindre 1,2 m de profondeur et se fait
vite rejoindre en 1990 par Elise 2 et son 1,1 m. Dans les années 90, on se contente d’une
profondeur d’ensouillage d’une valeur moyenne de 1 m qui semble faire ses preuves et satisfaire
la clientèle. Aujourd’hui, la plupart des clients demandent un ensouillage à au moins à 1 m et
pour certaines zones à risque 1,5 m voir 2 m même si cela reste très difficile techniquement dans
des fonds durs. Certaines charrues sont capables d’ensouiller localement pour un danger
particulier jusqu’à 3 m dans des fonds sableux, ce qui est la profondeur maximale pour ce type
d’engin d’ensouillage.
La puissance de traction - Il est important de se pencher sur les puissances maximales de
traction atteintes par les navires tracteurs car celles-ci témoignent de la capacité grandissante des
charrues à ensouiller dans des fonds toujours plus durs. Dans les années 80-90, les tensions
nominales des charrues américaines (Seaplow 6 et 7) s’échelonnent entre 10 et 40 T. En 1990 la
charrue française Elise 2 tracte à 35 T. Dès 1995, un pas est franchi lorsqu’Elise 3 ensouille à 40
T. Les anglais arrivent peu de temps après à ces valeurs là et aujourd’hui toutes les tensions
nominales des charrues avoisinent les 60 T. Il est devenu possible pour certaine charrues
anglaises de type « rockplough » d’ensouiller dans des fonds rocailleux.
La vitesse d’exécution - Même si les poses charrues restent des missions très laborieuses, au fil
des années et des améliorations précédemment citées, les temps de pose se sont
considérablement raccourcis. Cela s’explique par trois raisons raisons principales : augmentation
de la puissance des navires, perfectionnement et résistance des engins d’ensouillage et
amélioration des procédures et des compétences des équipages.
c) Mise en œuvre de la pose charrue.
La documentation - Un navire câblier reçoit pour la mission qui lui est confié un document qui
synthétise l’ensemble des documents nécessaires aux opérations : le System Load and Lay
Instruction (SLLI). Celui-ci comprend :
Voici les profondeurs et les vitesses d’ensouillage
d’une charrue en fonction du fond dans lequel elle
ensouille :
Vase/glaise : 2,5 m - vitesse 0,8 m/s.
Argile/Sable : 1,75 m - 0,5 m/s.
Sédiment non compact : 1,5 m - 0,4 m/s.
Sédiment compact : 1,2 m - 0,3 m/s.
Craie/roche tendre (photo) : 0,7 m - 0,2 m/s.
Roche dur morcelé : 0,4 m - 0,1 m/s.
BIGOT Jean-David - DESMM - ENMM de Marseille - 2009/2010 27
- Le plan de chargement des cuves du navire câblier.
- Les cartes de pose précisant le tracé, les obstacles (épave, pipe, câble) et la nature des fonds.
- La liste des points de la route (pour chaque changement de cap ou de vitesse) : le Route
Position List (RPL).
- Les recommandations concernant les tests pendant la pose afin de ne pas détériorer le
système.
- Un diagramme en ligne de la composition de l’ensemble du système et des ses différents
éléments.
- Les procédures de sécurité liées aux risques électriques et optiques.
- Le guide opérationnel qui donne des informations sur les caractéristiques techniques du
système.
Le logiciel de pose - A bord, un logiciel est utilisé par les hydrographes pour contrôler
l’évolution de la pose et anticiper l’enchainement des opérations. Il s’utilise en pose avec ou sans
charrue ainsi qu’en réparation et règle par lui-même les vitesses navire et machine à câble.
La DP est le système de positionnement dynamique d’un câblier agissant sur les hélices, les
safrans et les propulseurs tunnels et azimutaux afin de l’aider à suivre une route précise ou au
contraire à rester en place sur un point fixe. La charrue est équipée d’une balise acoustique
permettant de la localiser et de l’afficher sur les écrans de la console DP. Celle-ci permet de
réduire les contraintes exercées sur la charrue. Il faut pour cela intégrer à la console la valeur de
la tension du câble de traction qui sera considérée comme une force extérieure s’exerçant sur le
navire, on règle alors deux seuils : l’un qui entraine le ralentissement du navire, l’autre qui le
stoppe. Par exemple, suite à un ralentissement ou un arrêt du navire, la tension sur le câble
diminue. Le navire reprend de la vitesse lorsque la tension est inférieure au seuil de
ralentissement pour rejoindre la vitesse de consigne.
Les mises à l’eau et les remontés de la charrue sont des moments critiques ou le navire est
stoppé. Il faut veiller à ne pas emmêler les trois câbles : télécom, ombilical et remorque. Lors du
croisement d’un autre câble ou d’un pipe, la charrue est remontée sur le pont ou laissée en
pendant entre deux eaux avant que la pose ne reprenne.
Les situations d’urgences et les avaries sont multiples et causent bien souvent de long retards
sur le calendrier de la pose : panne de l’ombilical, panne d’instruments, casse de flexible, panne
hydraulique, renversement de la charrue, collision avec un obstacle, arrêt buffet dans des fonds
très durs, rupture du câble de remorquage ou de l’ombilical, panne de portique, panne du treuil
de remorquage, etc.
Conclusion sur la charrue
La charrue à soc est un engin robuste et puissant qui est capable d’ensouiller sur de longue
distance et relativement rapidement (max 0,6 m/s) en comparaison du ROV (0,15m/s). La vitesse
de pose avec ensouillage reste cependant dix fois moins rapide qu’une pose grand fond sans
ensouillage. Opérationnel pour des fonds compris entre 15 et 2000 m, cet engin est capable
d’ensouiller jusqu’à 3 m dans des fonds sédimenteux et quelques dizaines de cm dans des fonds
rocheux. La lourdeur de sa mise en œuvre rend cependant les opérations d’ensouillage délicates.
BIGOT Jean-David - DESMM - ENMM de Marseille - 2009/2010 28
3) L’ensouillage par ROV.
Historique - Dans les années 70, l’ensouillage est décidé sans se préoccuper immédiatement de
la manière dont on répare les câbles ensouillés. On pense pouvoir différer l’étude de la question
mais il n’en est rien et les ennuis arrivent rapidement sur le transatlantique TAT 4 ensouillé
quelques années plus tôt. On constate en effet qu’il est quasiment impossible de récupérer par
grappinage ce câble ensouillé de type grand fond sans le couper. En effet le navire de réparation
enchaîne 88 dragues coupant systématiquement le câble au moment du crochage. On appelle à la
rescousse le câblier français MARCEL BAYARD qui réussit à réparer la liaison après 27 dragues
seulement ! Pour un tel travail de fond on pense après cet épisode à la solution des sous-marins
habités de poche développés pour intervenir sur les premiers champs pétroliers offshore mais
l’expérience s’avère dramatique pour deux d’entre eux qui resteront bloqués au fond sur le câble.
a) Introduction à l’ensouillage par jet d’eau sur ROV.
Un ROV assure deux fonctions :
- Ensouiller un câble : après une réparation, le ROV repasse sur le câble et le réensouille par
l’intermédiaire d’un système de jet d’eau sous pression injecté sous le câble. Ce procédé est
communément appelé l’ensouillage par « jetting ». Après une pose avec ensouillage par charrue,
un ROV intervient également lors d’un Post Lay Inspection and Burial (PLIB) et parfait la
qualité de la souille si nécessaire. Les PLIB par ROV sont devenus contractuels au début des
années 90. De cette manière, environ 30 % du total des sections ensouillées sont
systématiquement contrôlées à la demande du client et certaines portions réensouillées si
nécessaire. Un mauvais ensouillage peut avoir différentes causes : présence de rochers, sols durs,
mou du câble trop important créant des suspensions, répéteur de taille trop importante pour la
charrue, etc. Il existe des cas où la charrue ne peut pas ensouiller comme lors du croisement du
câble avec un pipe ou un autre câble et par petit fond. le ROV trouve dans ces cas l’une des ses
applications.
En 1978, dans le cadre de la
maintenance des câbles sous-marins
en Atlantique, plusieurs opérateurs
développent en commun un engin
télécommandé non habité, le
SCARAB, pour Submersible Craft
Assisting Repair And Burial
fonctionnel jusqu’en 1996 ! Celui-ci
est la première application de
l’engin sous-marin que l’on nomme
aujourd’hui communément ROV
pour Remote Operated Vehicle.
Depuis, de nombreux modèles ont
vu le jour et tout comme les
charrues, la technologie des ROV
s’est considérablement développée.
BIGOT Jean-David - DESMM - ENMM de Marseille - 2009/2010 29
- Réparer un câble ensouillé : un ROV est capable de repérer l’emplacement d’un défaut sur un
câble grâce à son détecteur, de le désensouiller, le couper et bosser ses extrémités sur des filins
venant du bateau. Le navire remonte alors les deux extrémités pour ensuite les jointer une fois le
défaut exclut et remettre l’épissure finale à l’eau.
b) Description d’un ROV et mise en ouvre de ses outils d’ensouillage.
Sur un navire câblier, l’ensemble du système ROV comprend :
- un véhicule équipé.
- un moyen de mise à l’eau et de récupération.
- un ombilical avec son treuil.
- un pupitre de commande.
- un système acoustique de navigation et de localisation.
- un système de distribution électrique.
Dans le cadre de ce chapitre sur l’ensouillage par ROV, il n’est pas nécessaire d’étudier
l’ensemble de ce système. Aussi nous nous concentrerons sur la description de l’engin et de ses
moyens d’ensouillage.
Les dimensions d’un ROV moyen sont les suivantes : 4 m de long sur 3 m de large pour 3 m de
haut.
L’ossature métallique se compose de tubes en inox ou en aluminium soudés assurant la liaison
mécanique de l’ensemble. Elle abrite la plupart des organes vitaux ainsi que les réserves de
flottabilités tout en permettant un accès large pour la maintenance des équipements.
Les éléments de flottabilité permettent d’assurer à l’engin une légère flottabilité positive. En
pratique, quand l’engin est inerte dans l’eau, la face supérieure doit affleurer la surface.
BIGOT Jean-David - DESMM - ENMM de Marseille - 2009/2010 30
Les propulseurs au nombre de huit sont installés aux huit coins du ROV et agissent sur celui-ci
pour qu’il se déplace dans les trois directions : avant/arrière - gauche/droite - en haut/en bas.
Lors des opérations de jetting, ils permettent notamment d’atteindre une poussée verticale
d’environ 1000 kg pour le maintenir plaqué.
Les appuis sur le fond sont assurés soit par des patins soit par des chenilles. Le choix se fait
dans le compromis de l’adhérence et de la stabilité face à la rapidité des manœuvres.
Le module hydraulique comprend ou bien un seul moteur électrique submersible (250 kW) qui
alimente ensuite les pompes hydraulique jetting et propulsion/appareils ou un moteur électrique
pour chaque ensemble jetting et propulsion/appareils. Le circuit hydraulique est réfrigéré à l’eau
de mer au moyen d’une pompe et d’un réfrigérant.
Les compensateurs. Lorsqu’un ROV travaille par exemple à sa profondeur opérationnelle
maximale qui est aujourd’hui de l’ordre de 3000 m, tous ses composants sont soumis à la
pression de 300 bars. Pour éviter que les modules soient écrasés par la pression et que des
entrées d’eau se produisent dans les moteurs électriques, les réservoirs, les transformateurs et les
bras manipulateurs, ceux-ci sont remplis d’huile et mis en surpression par les compensateurs.
Comment ? Les variations de la pression extérieure sont transmises par une membrane aux
compensateurs qui utilisent la pression extérieure de l’eau pour égaliser les pressions.
Les équipements qui équipent un ROV sont les caméras, le sonar, les lampes, l’altimètre, le
profondimètre, les bras manipulateurs et les outils d’ensouillage.
Le système de détection du câble se compose de deux détecteurs : le TSS 350 et le TSS 340 :
- Le TSS 350 : le câble télécom doit être alimenté pour qu’il puisse être détecté. Ce système dit
passif est équipé de deux bobines qui reçoivent la fréquence émise par le câble et calculent sa
position par recoupage des deux vecteurs de direction du signal calculé. Profondeur de
détection : environ 1 m.
- Le TSS 440 : détecte tout matériel conducteur exposé ou ensouillé par émission d’un champ
magnétique, c’est un système dit actif. La détection du câble se fait soit grâce au cuivre qu’il
contient pour conduire l’alimentation des répéteurs soit par son armure métallique. Un altimètre
couplé au système permet un calcul immédiat de la profondeur d’ensouillage. Profondeur de
détection : environ 2 m.
Les outils d’ensouillage
L’ensouillage se réalise grâce au
jetting : de l’eau de mer sous
pression à très haut débit est
pulvérisée en direction du sol de
manière à évacuer les sédiments, et
creuser une tranchée de 20 à 40 cm
de large pour 2 m de profondeur au
fond de laquelle le câble vient se
déposer.
BIGOT Jean-David - DESMM - ENMM de Marseille - 2009/2010 31
Le ROV se limite en matière de dureté du sol à des fonds de type sédimenteux compact. L’eau
sous pression est fournie par deux groupes : la HP qui monte à 8b et débite à 300 m3/h et la BP à
4b pour 500 m3/h. Le très haut débit plus que la pression pulvérisée (relativement faible) permet
d’évacuer les sédiments et d’assurer un creusement efficace de la souille.
Pour réaliser l’ensouillage, trois outils sont nécessaires :
- L’outil avant en forme de doubles crochets pulvérise l’eau HP et dégage les sédiments sous le
câble.
Conclusion sur le ROV
Le ROV est un système pratique et efficace pour intervenir en correctif d’une charrue lorsque
celle-ci ne peut pas ensouiller (présence d’un câble ou d’un pipe) ou lorsque la qualité de la
souille n’est pas satisfaisante. Intervenant jusqu’à une profondeur opérationnelle minimale de
quelques mètres et maximale de 3000 m, ce système reste cependant très lent 0,15 m/s et se
limite en matière de dureté du sol à des fonds de type sédimenteux compact.
- L’outil arrière, appelé
crosse, pulvérise par
l’intermédiaire de deux
rampes de l’eau HP et de
l’eau BP.
- Le presseur (dont le
mouvement est indépendant
du bras de jetting) placé entre
les rampes de l’outil arrière
appuie sur le câble qui se
dépose au fond de la tranchée.
Celui-ci est muni d’un
détecteur de présence de
câble.
BIGOT Jean-David - DESMM - ENMM de Marseille - 2009/2010 32
4) Autres engins d’ensouillage.
Historique - En France, pour répondre à la demande de clients autres que les
télécommunications, un certain nombre d’industriels se penchent dans les années 70 sur la
question de l’ensouillage en cherchant à y apporter des solutions différentes de la charrue et du
ROV. Dès 1973, COMEX construit une première ensouilleuse, puis TRAVOCEAN (entreprises
Marseillaise toutes les deux) une seconde en 1978 à l’occasion de l’ensouillage d’un câble
d’énergie entre la France et l’Angleterre. Un an plus tard, la société SIMEC estimant qu’il existe
aussi un marché dans le secteur des télécommunications pour ce genre d’engins se lance dans la
conception d’un engin télé-alimenté et piloté par un plongeur. Le CASTOR 1 est opérationnel en
1980 et des essais en rade d’Hyères démontrent l’efficacité de cet engin dans les fonds sableux.
Des chantiers au Moyen-Orient dans des sols durs coralliens permettent de constater la
complémentarité du Castor et des ROV. Sa profondeur opérationnelle ne dépasse pas quelques
dizaines de mètres, le câble étant mis en place dans l’engin par des plongeurs. L’idée sera
poursuivie, et, en 1989, SIMEC sort un nouvel engin télécommandé le CASTOR 2 :
Cet engin autotracté à chenilles permet l’ensouillage du câble après sa pose. Des bras
manipulateurs placent le câble, déjà posé sur le fond, dans une goulotte. Une roue trancheuse
creuse une souille pouvant atteindre une profondeur de 1,1 m et l’engin est capable d’opérer
dans des sols durs de type corallien jusqu’à des profondeurs de 1000 m. Un outil d’ensouillage
par jetting peut également être installé ainsi qu’une chaîne à godet permettant d’ensouiller dans
les zones sableuses jusqu’à 2 m de profondeur. La réussite de cet engin polyvalent encouragea
les grands opérateurs Américains, Japonais et Britanniques qui sont tous dotés aujourd’hui d’une
gamme d’outils d’ensouillage comprenant ce type d’engins capables d’ensouiller dans des
conditions difficiles.
Explications - Il arrive que les propriétaires des câbles exigent un ensouillage très profond de 2
à 15 m dans des sols meubles ou de 1 à 3 m dans des sols très durs que ni une charrue ni un ROV
ne peuvent assurer. Ces demandes particulières sont évoquées le plus souvent à l’occasion des
atterrissements ou localement dans des zones très exposées comme les zones de mouillage, de
pêche intensive ou d’activités sous-marines soutenues. Plusieurs entreprises dans le monde sont
spécialisées dans l’ensouillage des câbles par petits fonds (de 0 à 70 m) dans des conditions
BIGOT Jean-David - DESMM - ENMM de Marseille - 2009/2010 33
particulières. La filiale Louis Dreyfus TRAVOCEAN propose ainsi ses services et assure grâce à
une gamme d’outils très large l’ensouillage de câbles en condition extrême que ce soit de
profondeur d’ensouillage, de dureté du sol ou de profondeur opérationnelle parfois très faible
voir quasi nulle. Les navires supports qui assurent la mise à l’eau et la traction de ces engins sont
des petites unités de type supply/remorqueur (photo) ou des barges en propriétées ou affrétées
pour l’opération.
a) Des conditions extrêmes d’ensouillage.
Les engins les plus puissants (à roue trancheuse ou à chaîne excavatrice) décrits dans ce chapitre
sont capables d’ensouiller dans des fonds « durs » dont la résistance s’évalue entre 50 et 100
MPa. Le tableau ci-dessous répertorie la nature des roches ou du type de fond associée à une
certaine force de résistance.
Nomination Point de rupture
(MPa) Estimation de la force Type de roche
Extrêmement dur Supérieur à 250 Roche ébréchée après plusieurs coups
d’un puissant marteau
basalte récent,
granite, quatzite
Très dur 100 - 250 Roche ébréchée après plusieurs coups de
marteau géologique
amphibolite,
basalte
Dur 50 - 100 Roche effritée par un seul coup de
marteau géologique phyllite, corail
Moyennement dur 25 - 50 Roche pénétrée d’au moins 5 mm par un
simple coup de marteau géologique
calcaire, charbon,
schiste
Tendre 5 - 25 Roche perforée d’au moins 5 mm par
une lame de couteau craie, potasse
Très tendre 1 - 5 La roche s’effondre après quelques
coups de marteau géologique
argile, roche
fébrile/morcelée
Un support surface de grande taille n’est
pas toujours nécessaire du fait du poids et
de l’encombrement réduit des machines.
On choisit ces navires en fonction des
particularités du chantier : météo
habituelle sur zone, profondeur, longueur,
poids et volume du câble embarqué,
diamètre du rayon de courbure, nécessité
d’une force de traction, etc.
Dans la plupart des cas, le câble est déjà
posé sur les fonds et ces engins viennent
ensouiller après l’atterrissement. Plusieurs
passes sont parfois nécessaires pour
assurer l’ensouillage à la profondeur
contractuelle.
BIGOT Jean-David - DESMM - ENMM de Marseille - 2009/2010 34
b) Des engins d’ensouillage particuliers.
- Ensouilleuse à roue trancheuse
Ces ensouilleuses sont toutes propulsées par un système de chenille car les puissances de
traction nécessaires sont très élevées du fait de la dureté du sol. La roue trancheuse à dents type
scie (cf photo précédente du castor II), située à l’arrière de l’engin est solidaire d’un soc mobile
qui la recouvre et la dépasse. Cette roue est mise en rotation puis le soc s’abaisse, vient
lentement s’enfoncer dans le sol et extrait les sédiments. L’engin avance et le câble passe à
travers le soc donc au dessus de la roue trancheuse. Sous la pression d’un presseur comme pour
une charrue, il se dépose au fond de la tranchée. Les profondeurs d’ensouillage atteintes sont
d’environ 1,3 m pour une largeur d’une trentaine de cm et la profondeur opérationnelle est de
l’ordre de 100 m. Cette ensouilleuse est capable de creuser dans des roches comme le corail ou
le basalte qu’une charrue est incapable déjà de perforer. L’usage de ce type d’engin n’est donc
pas d’ensouiller très profondément mais dans des fonds très durs le tout à une profondeur
opérationnelle intéressante.
- Ensouilleuse à chaine à pic/godets
Ce type d’outil dit aussi à « chaîne excavatrice » s’adapte sur l’engin précédemment décrit en
remplacement de l’outil de tranchage. Selon le même principe fonctionnement qu’une
tronçonneuse, une chaîne à pic/godets est équipée d’espèce de crochets, de « pics » ou de godets
en série décalés les uns des autres d’une vingtaine de centimètres. Cette chaîne mobile en place
autour d’un support fixe est mise en rotation et vient creuser le sol pour extraire la matière. Un
soc fixe équipé d’un dépresseur recouvre le support de la chaîne à pic pour faire passer le câble.
De la même manière que la roue trancheuse, la chaîne est mise en rotation puis son support
s’abaisse et vient lentement creuser le sol. Sans atteindre les performances de la roue trancheuse
en matière de dureté de sol, cet engin est capable d’ensouiller par contre jusqu’à 2,5 m pour une
largeur de tranchée de 30 cm. Une ensouilleuse à pic/godets se limite à des fonds sédimenteux
compacts.
BIGOT Jean-David - DESMM - ENMM de Marseille - 2009/2010 35
- Les traineaux à jets d’eau (« jeeting sledge »)
Ces engins sont des sortes de traineaux sur patins équipés d’un long bras de jetting de quelques
mètres de long qu’ils trainent à l’arrière. Il est possible d’enfoncer ce bras articulé et d’assurer
l’ensouillage d’une tranchée profonde de 3 m. Ce type d’engins se limite à des fonds
relativement meubles de type sable non compact. Dans le même ordre d’idée des engins-
traineaux, dans les zones à risque accentué comme le mouillage de Singapour, un bras de
jetting ultra-puissant de plusieurs mètres de long manipulé par une grue permet l’ensouillage du
câble jusqu’à quinze mètre ! La profondeur de la tranchée s’explique par la nature du fond très
meuble dans lequel les ancres des navires s’enfoncent elles-aussi de quelques mètres.
- Les charrues à soc vibrant/jetting
Certaines charrues particulières peuvent assurer l’ensouillage de câbles près des côtes dans des
fonds relativement durs. Il s’agit des charrues à soc vibrant (photo de gauche) dont la mise en
vibration est assurée par un système combinant hydraulique et pneumatique. Il est possible pour
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ces charrues d’ensouiller dans des fonds de galets ou de types sableux compact (sédiments,
graviers) jusqu’à 2,2 m mais du fait de l’alimentation nécessaire en air, la profondeur
opérationnelle se limite à une cinquantaine de mètre. D’autres charrues enfin reprennent le
procédé du jetting (photo de droite) et sont équipées d’un soc jetting qui perfore le sol
uniquement à l’aide des jets d’eau. Il est possible d’ensouiller par ce procédé des tranchées de 2
m de profondeur dans des fonds sédimenteux compacts à une profondeur opérationnelle de 60
m.
Conclusion sur les ensouilleuses
Les ensouilleuses petits fonds assurent la protection des câbles là ou elle est la plus nécessaire
c'est-à-dire près des côtes. Les contraintes de travail peuvent être nombreuses et extrêmes : sol
difficile (corail), ensouillage profond (3 m et plus) et profondeur opérationnelle très faible
(jusqu’à la plage). Les moyens mis en œuvre restent cependant justifiés au vu de la menace
existante.
IIIème
Partie - Aujourd’hui, quel retour d’expérience sur l’ensouillage ?
1) Limites et inconvénients de l’ensouillage.
a) Une maintenance post-ensouillage délicate.
Par grand fond, l’ensouillage des câbles se généralise depuis maintenant 20 ans à 1 m voire un
peu plus (1,10/1,20). Près des côtes, il n’est plus rare qu’un client demande un ensouillage à 1,5
m voire 2 m notamment pour un atterrissement. Enfin, nous l’avons vu, certains ensouillages
exceptionnels comme les zones de mouillage peuvent atteindre 5 m, 10 m voir 15 m comme à
Singapour (fond très meubles). Aussi, au fil des années et de l’augmentation des profondeurs
d’ensouillage, les réparations d’un câble ensouillé se sont avérées dans certaines situations très
compliquées. A ses débuts la méthode de protection par ensouillage a d’ailleurs été longtemps
critiquée pour cette raison-là, les grappins de récupération de l’époque n’étant pas toujours
capables de crocher un câble enfoui. Les techniques se sont améliorées, certes, mais aujourd’hui
encore la maintenance post-ensouillage reste un travail délicat.
- Jusqu’à 1 m d’enfouissement (pour des
fonds relativement praticables), dans la
plupart des cas la réparation ne pose pas
de problème. Première solution : on met à
l’eau le ROV pour repérer le câble, le
dégager, le sectionner et enfin le frapper
au filin du bateau pour le remonter.
Deuxième solution : on met à l’eau le
détrencheur qui est une sorte de grappin à
dent monté sur deux roues que l’on tracte
à faible vitesse depuis l’arrière du navire.
L’augmentation de la tension dans la ligne
de traction du détrencheur indique que le
câble a été croché, il n’y a plus qu’à le
remonter sur le pont.
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Dans des sols durs, même si le câble a certes moins de chance d’être en défaut suite à une
croche, il arrive pourtant qu’il faille le désensouiller pour le réparer. Puisqu’il est très difficile
d’atteindre le câble, il faut parfois remonter jusqu’à une section ou il est ensouillé moins
profondément pour espérer le sortir de sa tranchée.
- Passé 1 m d’ensouillage, seul le ROV peut intervenir et ce jusqu’à 2 m, mais idem dans la
limite de fonds praticables.
- Après 2 m, il faut mettre en œuvre un puissant jetting de désensouillage ou longer le câble
jusqu’à une zone ou il est ensouillé moins profondément pour espérer le crocher puis revenir
jusqu’au défaut grâce aux tests.
b) Des moyens coûteux.
Le coût de la mise en place d’un câble sous-marin comprend la campagne hydrographique
d’étude des fonds, sa fabrication et la pose elle-même. Sans compter les frais engagés pour
assurer la maintenance du câble après sa pose, les dépenses sont très élevées et pour rentabiliser
au mieux l’installation, les propriétaires de câbles cherchent à minimiser les prix autant que
possible. Pour prendre l’exemple d’une installation récente en Pacifique Nord, le prix total du
projet est de 85 millions de $. Le coût de la campagne hydrographique s’élève à 6 millions, celui
de la pose à 15 millions et celui de l’installation en elle-même à 64 millions. Concernant la pose
et notamment l’ensouillage, ces chiffres sont très variables en fonction du pourcentage de la
longueur ensouillée. Certains propriétaires sont tentés de réduire les coûts en minimisant le
pourcentage de longueur ensouillée ce qui ne va pas dans le sens d’une protection maximale du
réseau.
c) Nature des fonds parfois impraticables.
La dureté de certains sols est parfois telle qu’il est impossible d’ensouiller même avec des engins
puissants. Dans le cas du chalutage et des croches d’ancre, là où la nature du fond empêche
l’ensouillage cela ne pose pas véritablement de problème puisque la pêche et le mouillage eux-
mêmes ne sont pas envisageables. Par contre dans le cas d’autres activités sous-marines, il arrive
que les câbles non ensouillés restent ainsi exposés : immersion de déchets ou activités pétrolières
par exemple. Une dernière solution consiste à protéger le câble en le recouvrant de coquilles
plastiques ou métalliques.
d) L’ensouillage et le respect de l’environnement.
L’étude de l’installation d’un câble sous-marin prend en compte un facteur devenu capi-
tal aujourd’hui : l’impact environnemental. La pose des câbles s’effectue en conformité avec
certaines normes environnementales et après obtention des autorisations officielles et notamment
des permis pour les atterrissements. Les préfectures maritimes (loi sur l’eau) ainsi que des socié-
tés de protection du littoral se chargent d’évaluer l’impact des travaux prévus. Pollution des
eaux, propriétés chimiques des câbles, rayonnement électromagnétique sur la faune et la flore
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font partis des critères étudiés avant la délivrance des autorisations. En ce qui concerne
l’ensouillage, il n’existe pas de réglementation particulière, les impacts environnementaux étant
alors étudiés au cas par cas.
D’après les acteurs concernés, par grand et moyen fond le passage d’une charrue ou d’un bras
de jetting de ROV n’a pas de conséquences graves. A ces profondeurs, l’impact reste en effet
limité pour deux raisons :
- Le passage d’un engin d’ensouillage se réduit dans l’espace à quelques mètres et dans le temps
à quelques minutes. Autant dire que cela est négligeable en comparaison par exemple d’un chalut
grand fond d’une largeur de 5 m qui est capable de ratisser une même zone plusieurs fois dans
une journée.
- Les zones concernées n’abritent pas une faune et une flore très développées.
Par contre par petit fond, près des côtes et tout spécialement pour les atterrissements, il est par-
fois localement interdit d’ensouiller par exemple dans le corail ou à travers un champ d’une
algue protégées comme la posidonie en mer Méditerranée ou encore à travers un parc marin.
C’est près des côtes que la faune et la flore sont les plus développées donc les plus protégées et il
arrive que certains projets soient ainsi refusés ou déroutés pour ces raisons-là.
A noter aussi que toutes les huiles qui alimentent les systèmes hydrauliques des engins
d’ensouillage doivent être obligatoirement biodégradables.
2) Même s’il est possible, l’ensouillage est-il systématiquement nécessaire ?
a) Activités sous-marine limitées.
La pose d’un câble sous-marin sur un plateau continental n’implique pas forcément qu’il soit
nécessaire de l’ensouiller si les risques auxquels il est exposé sont faibles. L’évaluation des
risques comprend essentiellement les dangers que sont les activités de pêche et les mouillages
des navires. Il faut bien saisir que certaines zones du globe ne sont pas soumises à la même
densité d’activités sous-marines que d’autres et par conséquent lorsque les activités de pêche
sont très faibles et le risque d’une croche par une ancre quasi nul, il n’est pas toujours utile
d’ensouiller. Cela peut sembler aller de soit mais il arrive que certains propriétaires insistent pour
que leur câble soit ensouillé bien que cela ne soit absolument pas nécessaire.
b) Cas particulier des dunes sous-marines.
Il existe un cas unique ou l’ensouillage d’un câble peut s’avérer moins efficace pour le protéger
que le fait de le poser simplement : le cas des dunes sous-marines. Sous l’effet des mouvements
de dunes, un câble ensouillé peut laisser apparaitre au fil du temps des suspensions. Celles-ci
peuvent être très dangereuses pour un câble car elles l’exposent plus que la moyenne à une
possibilité de crochage par une ancre, un chalut ou un quelconque appareil sous-marin. La pose
simple du câble sur le fond associée à une interdiction de travail sur cette zone est parfois plus
efficace qu’un ensouillage qui n’est pas sûr de tenir dans le temps.
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3) L’ensouillage est-il réellement efficace comme moyen de protection ?
a) Retour d’expérience des missions PLIB.
Nous l’avons vu, les Post Lay Inspection Burial permettent de contrôler visuellement si
l’ensouillage a été réalisé correctement (par grand et moyen fond mais aussi pour les
atterrissements). Que ce soit par charrue, par ROV ou avec tout autre engin, les rapports de ces
missions de contrôle permettent de se faire une idée de la qualité de l’ensouillage réalisé
aujourd’hui. D’après les opérateurs interrogés, on observe rarement des suspensions et près de 95
% des longueurs ensouillées respectent les exigences contractuelles. N’oublions pas que les bons
résultats des contrôles conditionnent les recettes d’une mission, aussi il est impossible pour les
opérateurs de moyens d’ensouillage de tromper le client sur la qualité de l’ensouillage effectué.
b) Les statistiques de l’ensouillage à l’échelle mondiale.
Dans le monde entier, plusieurs navires câbliers sont affectés à une zone géographique donnée,
stationnés près d’un dépôt de réserve de câbles, parés à réparer immédiatement tout défaut se
présentant sur l’un des câbles de sa zone. Des accords de maintenances liant les propriétaires des
câbles à une compagnie de navires câbliers permettent ainsi de couvrir tous les océans et les
mers du globe : Atlantique, Mer du Nord, Méditerranée, Océan Pacifique, Océan Indien et
Océanie. La compagnie France Telecom Marine associée à une compagnie Italienne assurent par
exemple la maintenance de la méditerranée dans le cadre de la Mediterranean Cable
Maintenance Agreement (MECMA). Ainsi lors des forums internationaux SUBTOPIC, grand
événement qui regroupent tous les trois ans tous les acteurs du monde des câbles sous-marins, les
armateurs publient des analyses et des statistiques sur les défauts concernant leur zone. Lors des
derniers forums 2004 et 2007, tout en déclarant que les défauts sont très variables selon les
régions et les risques, ces analyses établissent sur intervalle de dix ans (1997-2007) :
- Qu’il y a 10 fois plus de dérangements par faibles profondeurs (2 défauts/1000 km par moins
de 200 m) qu’au-delà de cette profondeur (0,2 défaut/1000 km au-delà de 200 m).
- Que les actes de pêche sont toujours la cause d’environ 50 % des défauts et les croches par les
ancres environ 30 %.
- Que les causes naturelles (tremblements de terre, activités sismiques) représentent moins de 10
% des défauts.
- Qu’il y a une division par 10 du nombre des défauts sur les câbles à fibres optiques avec la
généralisation des profondeurs d’ensouillage de plus de 1m.
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CONCLUSION
Les premières études sur l’ensouillage des câbles sous-marins ont commencé voila plus
de cinquante ans. Quel chemin parcouru depuis ! Les premiers engins mis à l’épreuve par
les Américains à la fin des années 60 ensouillaient péniblement à 60 cm par 800 m de
fond ... Quelques années plus tard, en 1975, au bout de 6 mois de mise en condition le
VERCORS terminait d’ensouiller laborieusement les 370 km des extrémités du câble
transatlantique TAT 6.
Aujourd’hui, les engins d’ensouillage ne se limitent pas à la charrue, les ROV mais aussi
les ensouilleuses petits fonds (à roue trancheuse ou à chaîne à pics par exemple) sont
capables d’assurer des exploits techniques chacun dans leur domaine et le tout dans des
temps limités. Les profondeurs d’ensouillage se sont généralisées à au moins 1 m et sont
même possibles par petit fond jusqu’à 3 m dans des sols relativement difficiles. Les
profondeurs opérationnelles quant à elle atteignent aujourd’hui 2000 m pour les charrues
et 3000 m pour les ROV. En bref au fil des années, la technologie s’est considérablement
améliorée et il est possible aujourd’hui d’ensouiller quasiment n’importe où.
En 50 ans, la nature des dangers auxquels sont exposés les câbles sous-marins de
télécommunication, elle, n’a pas changé. Cependant les effets sur les câbles sous-marins
se sont aggravés avec l'efficacité des techniques de pêche et le développement du
transport maritime. Même si leurs localisations à évolué, les activités humaines sous la
mer sont responsables de près de 80 % des interruptions, essentiellement par le chalutage
et la croche des ancres de navires au mouillage.
Cependant les statistiques l’attestent, avec la généralisation de l’ensouillage à 1 m depuis
maintenant une vingtaine d’année, le nombre des interruptions a fortement diminué. Ce
chiffre devrait évoluer en s’améliorant puisque grâce aux nouveaux moyens
d’ensouillage, les propriétaires de câble n’hésitent plus à faire ensouiller plus
profondément près des côtes, là ou le nombre de défauts est le plus fréquent. Près des
grands ports mondiaux du transport maritime, les câbles sont protégés à plus de dix
mètres sous le fond de la mer, il s’agit d’une protection nécessaire et coûteuse mais les
techniques existent.
La fiabilité des réseaux de câbles sous-marins va donc en s’améliorant cependant il arrive
encore que plusieurs câbles soient sectionnés simultanément entraînant des perturbations
très nuisibles pour les pays touchés. Les opérateurs bien plus que l’ensouillage sont
généralement fautifs : Ils cherchent à minimiser les investissements en posant leurs
câbles sur la même route et ne dispose pas d'une capacité de rétablissement suffisante.
L’année 2009 n’a pas donné d’exemple d’interruption grave et c’est une bonne nouvelle
pour l’avenir du câble sous-marin. En effet il faut garder à l’esprit que pour des liaisons
non-transocéaniques, celui-ci n’est pas à l’abri d’être écarté à la faveur du câble terrestre
si il devient impossible d’assurer sa protection.
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BIBLIOGRAPHIE
Ouvrages
- DU MORSE A L’INTERNET, 150 ANS DE TELECOMMUNICATION PAR CÂBLES SOUS-
MARIN - Auteurs : Gérard Fouchard, René Salvador, Yves Rolland, Alain Paul Leclerc - Edition
AASCM - 2006.
- LD TRAVOCEAN - SUBMARINE CABLE INSTALLATION - Edition 2009.
- CABLESHIPS AND SUBMARINE CABLES - Auteur : Sir Edward Wilshaw - Edition K.R.
Haigh - 1968.
- FAMILIARISATION AUX PRINCIPES DE BASE DE LA POSE D’UN CÂBLE - Auteur :
Cdt Guitton - Septembre 2004.
- MECANIQUE DES CÂBLES SOUS-MARINS ET REGLES RECOMMANDEES POUR
LEUR POSE - Auteur : C-E Roden - Bell Telephone Laboratoires - 1964.
- POSE DES CÂBLES SOUTERRAINS ET SOUS-MARINS - Ecole Supérieure d’Electricité -
1987.
- ASSOCIATION DES AMIS DES CÂBLES SOUS-MARINS - Bulletin n°38 - Mai 2009.
- Acte de colloque IFREMER sur l’ensouillage des câbles sous-marins de télécommunication -
Auteur : Gérard Dupin - Décembre 1990.
- LA RECONNAISSANCE DE LA ROUTE DES CÂBLES SOUS-MARINS - Auteur : Patrick
Musellec - 2005.
- FISHING AND SUBMARINE CABLES / CATCH FISH NOT CABLE - Auteurs : Stephen C.
Drew et Alan G. Hopper.
Sites Internet
- www.cablesm.fr - Site de l’Association des Amis des Câbles Sous-Marins. « L'AACSM
s'attache, dans toutes ces activités, à susciter la participation la plus large des personnels des
câbles sous-marins et de leurs familles, en faisant notamment appel au témoignage des retraités
et en s'efforçant de sensibiliser chacun, responsable ou agent, à la conservation de tout matériel
et document susceptible de présenter un intérêt pour l'histoire ».
- www.ldtravocean.com - Site de LD Travocéan, filiale de la compagnie maritime Louis Dreyfus
Armateurs, spécialisée dans l’ensouillage par petits fonds de câble énergie, de
télécommunication et de pipe pétrole et gaz.
- www.iscpc.org - Site du Comité International pour la Protection des Câbles sous-marins
(ICPC).
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GLOSSAIRE
ASN : Alcatel Submarine Network
AT&T : American Telegraph and Telephone
CANTAT : Liaisons transatlantiques reliant la Grande Bretagne au Canada.
C&W : Cable and Wireless
DGT : Direction générale des Télécommunications
FLAG : Fiber Loop Around the Globe
FT Marine : France Télécom Marine
FUGRO : Société hollandaise de travaux hydrographique
ICPC : International Cable Protection Commitee
ROV : Remote Operated Vehicle
SCARAB : Submarine Craft Assisting Repair And Burial
SEA - ME - WE : réseau South East Asia - Middle East - West Europe
STC : Standard Telephones and cables Ltd
SUBTOPIC : Conférence internationale sur les systèmes sous-marins de
télécommunication à fibre optique.
TAT : TransATlantique
TYCO : Groupe industriel américain repreneur d’AT&T.
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