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Les dispositions
(habitus) :
les vertus et
les vices
Michael S. Sherwin, o.p.
Printemps 2021
Lundi 10h - 12h
Mardi 11h - 12h
Les vertus selon le Catéchisme• « La vertu est une disposition habituelle et ferme à faire le bien.
Elle permet à la personne, non seulement d’accomplir des actes bons,
mais de donner le meilleur d’elle-même. De toutes ses forces sensibles
et spirituelles, la personne vertueuse tend vers le bien ; elle le poursuit
et le choisit en des actions concrètes. » CEC 1803
– Le but d’une vie vertueuse consiste à devenir semblable à Dieu (S. Grégoire de Nysse, beat. 1 : PG 44, 1200D).
• « Les vertus humaines sont des attitudes fermes, des dispositions stables,
des perfections habituelles de l’intelligence et de la volonté qui règlent
nos actes, ordonnent nos passions et guident notre conduite selon
la raison et la foi. Elles procurent facilité, maîtrise et joie pour mener
une vie moralement bonne. L’homme vertueux, c’est celui qui librement
pratique le bien. » CEC 1804 2
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Les Habitus de la personne humaine
• Définition générale de l’habitus:
– « L’habitus est l’état suivant lequel on est en bonne ou mauvaise
disposition » (Aristote, Métaphysiques V 4, 22 [1022b10]).
– Disposition de l’âme disposant bien ou mal la personne dans sa
nature et dans ses actions. (voir ST I-II 49, 2 - 3)
• Habitus entitatif : (un habitus de l’âme dans son essence)
– Il n’y a pas des habitus entitatifs naturels dans l’âme
– Habitus entitatif surnaturel : La grâce qui dispose l’ essence de
l’âme à participer à la nature divine (2 Pt 1.4) (ST I-II 50, 2)
• Habitus opératif: (un habitus des puissances de l’âme)
– Disposition de l’âme qui dispose bien ou mal les puissances de
l’âme pour l’agir humain.
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Formation des dispositions opératives (habitus)
• Certaines dispositions existent
naturellement dans la personne:
– L’habitus des premiers principes dans l’intelligence spéculative.
(intellectus, compréhension) (ST I-II 57.2
– L’habitus des premiers principes dans l’intelligence pratique.
(syndérèse – « synderesis » ; préceptes premiers de la loi naturelle)
(ST I 79.12; ST I-II 94.1 ad 2)
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Formation des dispositions opératives (habitus)
• Certaines dispositions sont acquises:
– A travers la répétition des actes: poser à
nouveau et encore le même type d’acte.
• Ces mêmes dispositions peuvent aussi être corrompues / remplacées :
– A travers la répétition des actes: en posant des actes contraires à la
disposition acquise.
• Exemples : apprendre à jouer du piano : un placement de la main remplace un autre;
Apprendre une langue : une certaine prononciation remplace une autre
• Nous comprenons les vertus infuses par analogie avec les acquises
– La répétition des actes d’une vertu infuse mérite une croissance de la vertu
– Mais, la croisant est toujours un don de Dieu (l’analogie de la croissance d’un arbre)
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Bonnes et mauvaises (habitus) dispositions• Une bonne disposition incline l’agent :
– à agir d’une manière qui convient à sa nature.
– à agir selon la raison droite.
– à agir en fonction d’une fin convenable.
• Une bonne disposition est ce que la tradition appelle une vertu
• Par contre, une mauvaise disposition incline l’agent :
– à agir d’une manière qui disconvient à sa nature.
– à agir contre la raison droite
– à agir en fonction d’une fin inconvenable.
• Une mauvaise disposition est ce que la tradition appelle un vice
« Quatre vertus jouent un rôle charnière. Pour cette raison on les appelle "cardinales" ; toutes les autres se regroupent autour d’elles. Ce sont : la prudence, la justice, la force et la tempérance. . . . (Sg 8, 7). Sous d’autres noms, ces vertus sont louées dans de nombreux passages de l’Écriture. » (CEC 1805)
“Aime-t-on la justice ? Ces labeurs, ce sont les vertus; [la sagesse] enseigne, en effet, tempérance et prudence, justice et force;
rien de plus utile pour les hommes dans la vie." (Sg 8, 7)
“La structure entière des bonnes œuvres est édifiée sur quatre vertus" S. Grégoire le Grand
Quatre vertus cardinalesLe sens de « cardinal »« Cardinal » vient de cardo, cardinis:
Le mot latin pour “charnière”; une
vertu “cardinale” est une auprès de
la quelle la vie morale tourne.
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Les vertus cardinales
• La vertu de la raison pratique
–Prudence (sagesse pratique): « raison droite à propos de l ’action humaine. »
• Dispose un agent à commettre une action droite
• Rend bons l ’agent et ses actions
• Ne peut exister sans les vertus morales
• La vertus qui considère les moyens à une fin
• Les vertus des appétits (vertus morales)• Ces vertus visent une fin
• Ces vertus régulent les passions
• Ces vertus ne peuvent exister sans la prudence
Vertu de l ’appétit spirituel (la volonté)
–JusticeVertu de l ’appétit irascible
–forceVertu de l ’appétit concupiscible
–Tempérance ST I-II 61
Inclinations naturelles et vertus théologales• Les inclinations naturelles de l’esprit nous orientent
vers notre fin naturelle de deux manières :
– La lumière naturelle de l’intelligence : cette lumière donne à l’intelligence la
capacité de connaitre en acte les premiers principes de l’agir. C’est par la
connaissance des premiers principes de l’agir que nous pouvons raisonner à des
bonnes conclusions concernant les actions qui nous amènent à notre
épanouissement naturel (à notre fin naturelle).
– La rectitude naturelle de la volonté : La volonté est naturellement inclinée vers
notre épanouissement et vers les biens qui le constituent.
• N.B. : pour S. Thomas une « inclination » n’est pas un mouvement, mais un principe de
mouvement, comme une pente inclinée :
• Les principes supranaturels d’agir humain (foi, espérance et charité) nous
mènent vers notre fin supranaturelle d’une façon analogue. 9
ST I-II 62
Inclinations naturelles et vertus théologales• Les principes supranaturels d’agir humain (foi, espérance et charité) nous
mènent vers notre fin supranaturelle d’une façon analogue.
– La Foi :
• Elle infuse dans l’intelligence une lumière par laquelle
elle connaît les premiers principes (articles) de la foi.
• Elle meut la volonté par un instinctus intérieur
de donner son assentiment aux articles de foi.
– L’espérance :
• Elle incline la volonté ver Dieu comme une fin accessible.
– La charité :
• Elle incline la volonté ver Dieu comme Celui avec lequel nous sommes
vraiment unis, dans une certaine union affective spirituelle (amitié).10
ST I-II 62
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Les vertus cardinales infuses(ST I-II 63.3)
• Les principes naturels et les vertus cardinales acquises
– Nos principes naturels: Ils nous orientent vers notre fin naturelle.
– Les vertus cardinales acquises: Elles perfectionnent nos principes
naturels concernant ces actions, qui sont autant de moyens pour
atteindre à notre fin naturelle.
• Les principes surnaturels et vertus cardinales infuses
– Les vertus théologales: Elles sont des principes surnaturels d’action, qui nous orientent
vers la vision de Dieu comme notre fin surnaturelle.
– Les vertus cardinales infuses: Elles découlent de ces principes surnaturels, et nous
orientent droitement dans ces actions par lesquelles nous attendrons notre fin surnaturelle
(ces actions qui sont « ad finem » : « in ordine ad finem supernaturalem » (ST I-II 63.3 ad 3).
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Les vertus cardinales infuses• Les vertus cardinales infuses diffèrent
des vertus cardinales acquises:
– Elles ont une fin plus élevée.
– Elles ont une mesure plus élevée, d’après
laquelle elles régulent nos actions:
• Par exemple: la tempérance acquise est différente de la tempérance infuse.
– « Or il est évident que la mesure imposée dans ces sortes de convoitise est d’une autre
essence lorsqu’elle est conforme à la règle de la raison humane, et lorsqu’elle est conforme à
la règle divine.
– Ainsi dans la nourriture, la raison humaine établit pour mesure qu’elle ne nuise pas à la santé
du corps et n’empêche pas l’exercice de la raison; mais la règle de la loi divine demande ‘que
l’on châtie son corps et qu’on le réduise en servitude’ (1 Co 9, 27) par l’abstinence du boire, du
manger, etc. » ST I-II 63.4
La centralité de la foi vivante (la confiance aimante)
• Les vertus cardinales infuses transmettent l’aptitude à connaître et réaliser les actes qui sont intrinsèquement ordonnés à notre fin ultime: la béatitude d’une vie intime avec Dieu.
– Elles nous donnent la capacité de vivre la morale chrétienne.
• Les vertus cardinales infuses, cependant, ne nous fournit pas nécessairement l’expérience psychologique subjective de facilité et joie dans la morale chrétienne.
– Ces vertus infuses peuvent coexister avec les effets persistants de nos anciens vices acquis, des effets qui nous inclinent psychologiquement vers le péché (nous disposant au mal avec promptitude, aisance et plaisir).
• De là, pour vivre selon les vertus infuses, nous devons avoir une double confiance (nous devons faire un double acte de la foi) :
– La confiance que l’enseignement moral du Christ nous conduit réellement vers notre bonheur ultime.
– La confiance que le Christ nous donne ici et maintenant l’aptitude à réaliser ce qu’Il enseigne.
La centralité de la foi vivante (la confiance aimante)
• Une petite précision : analogie et nuance dans la tradition
– Deux notions de facilité et joie : en anticipation et en acte
• S. Thomas reconnait que même les vertus cardinales infuses
fourniment une certaine promptitude, aisance et joie,
mais souvent on l’expérimente seulement au moment
qu’on pose l’acte. Avant de le poser nous continuons
à être confronté par les effets persistant
de nos anciens vices acquis.
– C’est-à-dire, la décision prise de faire l’acte (une décision faite avec amour et
confiance dans la foi), nous faisons l’acte avec aisance, promptitude et joie.
– Avant de prendre cette décision, nous pouvons lutter avec des inclinations fortes à
agir selon nos anciens vices.
– D’où l’importance de cette double confiance en Dieu.
Le vice : un péché de malice
• Pécher d’un vice :
– Faire l’acte avec aisance,
promptitude et un vraie plaisir.
– Faire l’acte comme quelque chose de
« naturel »
• Le vice (une disposition stable) fait
l’acte peccamineux sembler être
« connaturel », comme si le vice soit
pour notre bien.
• Le vice nous fait aimer la mort comme
si elle soit notre bien . . .
– C’est pécher de malice certaine 15
La véritable malice (certa malitia) (voir ST I-II 78.1)
• L’homme a naturellement l’appétit du bien.
– Si donc il en vient à désirer le mal, c’est qu’il y a
du désordre et de la corruption dans l’une ou l’autre
des puissance qui sont chez lui les principes de l’action.
• Les principes de l’action humaine sont
– l’intelligence
– l’appétit rationnel (la volonté)
– l’appétit sensible.
• Si donc le péché s’introduit dans les actes humains, c’est :
– par une défaillance de l’intelligence, comme quand on pèche par ignorance
– par une défaillance de l’appétit sensible, comme lorsqu’on pèche par passion
– par une défaillance (désordre) de la volonté,
• Pécher par défaillance de la volonté s’appelle pécher par véritable malice. 16
La véritable malice (certa malitia) (voir ST I-II 78.1)
• Un principe de l’agir humain :
– On peut choisir de laisser perdre le bien qu’on
aime moins, pour s’emparer du bien qu’on aime
davantage.
– Par exemple, on peut choisir d’endurer la perte
d’un membre pour conserver la vie, qu’on aime
davantage :
• Le Général Gouraud était grièvement blessé par un
obus pendant la première guerre mondiale. A cause
de la gangrène dans son bras droit, les médecins
l’ampute pour sauver sa vie.17
La véritable malice (certa malitia) (voir ST I-II 78.1)
• Application du principe du moindre bien
au péché de la véritable malice :
– Quand on aime moins un bien qui est objectivement moins et choisit de le
sacrifier pour un bien qui objectivement vaut plus,
il n’y a pas de péché.
• Par exemple, l’amputation d’un bras gangrené
pour sauver la vie.
– On pèche par véritable malice quand on aime
plus un bien qui est objectivement le moindre
bien, et on le choisit tout en sacrifiant le bien
qui objectivement a plus de valeur.
• Par exemple, choisir le confort au lieu de la justice.18
La véritable malice (certa malitia) (voir ST I-II 78.1)
• « Le désordre de la volonté, c’est d’aimer plus le
moindre bien (minus bonum magis amat). »
• « De cette façon, lorsqu’une volonté déréglée
aime un bien temporel, comme les richesses ou la
volupté, plus que l’ordre de la raison ou de la loi
divine, plus que l’amour de Dieu ou toute autre
chose du même genre, la volonté veut bien perdre
un bien spirituel pour posséder un bien
temporel. »
• L’acte de choisir le moindre bien est un acte de
véritable malice.19
La véritable malice (certa malitia) (voir ST I-II 78.2)
• Question : Qu’est-ce qui pousserait l’homme à choisir le moindre bien,
de sacrifier un bien spirituel pour un bien temporel?
• Réponse :
– Le fait d’être disposé à appréhender le moindre bien comme
un bien qui vaut plus (comme son bien à lui ici et maintenant :
de l’apercevoir dans son intelligence et de l’éprouver dans
ses appétits comme son bien) .
– Le fait d’avoir une certaine connaturalité (connaturalitas)
avec le moindre bien.
• Une telle connaturalité est normalement l’effet d’un vice.
– Mais, dans le mystère du péché, la connaturalité de la volonté pour le moindre
bien n’est pas toujours le résultat d’un habitus acquis (un vice) voir ST I-II 78.320
La véritable malice (certa malitia)
• « Celui qui possède un habitus trouve préférable en soi
tout ce qui est conforme à son propre habitus; cela lui
devient en quelque sorte connaturel, dans la mesure où
l’accoutumance et l’habitus finissent par être comme une
second nature. Or ce qui agrée à quelqu'un selon son
habitus vicieux est exclusif du bien spirituel. Il s’ensuit
que l’homme choisit le mal spirituel pour obtenir le bien
qui lui agrée selon son habitus mauvais. Cela, c’est
pécher par malice volontaire. Il est donc évident que
quiconque pèche par habitus pèche par malice
volontaire. »
ST I-II 78.2 21
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