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7/29/2019 Nouvelles 86
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86
Survivalles nouvelles de
janvier 2013
La passivit cest fini!
Construire le vivreensemble en Nouvelle-Caldonie
Halte la violence auBangladesh
Portfolio : Frank A.Rinehart
7/29/2019 Nouvelles 86
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Sommaire
Echos des campagnes
Halte la violence dans les
Chittagong Hill Tracts
Raja Devasish Roy
Portfolio
Frank A. Rinehart
Construire le vivre ensemble
Roch Wamytan
La passivit, cest fini!
Pierre Beaucage
Les Nouvelles de Survival n86, janvier 2013
Prix de ce numro : 4 abonnement : 15 Directeur de la publication : J.-P. Razon
Rdaction : S. Baillon, D. Dauzier, J.-P. Razon
Imprimerie : Corlet, Cond-sur-Noireau
ISSN : 1154-1210 CP : 1009G89188
Dpt lgal : 1er trimestre 2013
Survival International (France)
Association reconnue dutilit publique
Photo couverture : Mosteose (Holy Rabbit), Iowa
Frank A..Rinehart, 1898.
Merci la Boston Public Library et particulirement
Karen S. Shafts.
Le supplment de limpression en quadrichromie de
ce numro a t gnreusement offert par notre
imprimeur.
Ce numro peut tre lu en ligne ou tlcharg en
format PDF ladresse suivante :
www.survivalfrance.org/actu/publication
Survival International France
18 rue Ernest et Henri RousselleParis 75013
T (33) 1 42 41 47 62
info@survivalfrance.org
Survival aide les peuples
indignes dfendre leur vie,
protger leurs terres et
dterminer leur propre avenir
Survivalles nouvelles de
Le 11 dcembre 2012, Theresa Spence, chef de la rserve cri
d'Attawapiskat dans le nord de l'Ontario au Canada, entreprenait
une grve de la faim pour protester contre les gr aves problmes
sociaux auxquels est confronte sa communaut.
La rvolte de Theresa Spence a t l'tincelle qui a enflamm un
mcontentement croissant des Indiens contre les politiques nolibrales du
gouvernement fdral. Cest ainsi qua surgiIdle No More, un mouvement de
soutien leurs revendications et de protestation contre un gouvernement qui,
quelques mois auparavant, avait adopt deux lois sclrates prvoyant des
restrictions sans prcdent des droits autochtones sur leurs terres et leurs
ressources.
Le mouvement a pris, au fil des semaines, une ampleur nationale il sest
dissmin dans plusieurs villes des provinces du Saskatchewan, du Manitoba, du
Qubec, de lOntario et au-del mais aussi internationale : aprs des
manifestations aux Etats-Unis, en Nouvelle-Zlande ou Hawa, un
rassemblement est prvu Paris le 16 fvrier.
Idle No More que nous traduisons par La passivit cest fini, fait rfrence la
fin dune certaine apathie des peuples autochtones du Canada (Premires
Nations, Mtis et Inuit) et leur volont de se mobiliser pour agir en sappuyant
largement sur les rseaux sociaux.
Simultanment, lautre extrmit du continent, au sud de lArgentine, la trs
forte mobilisation des communauts indiennes mapuche-tehuelche et des
assembles provinciales a eu raison de lune des plus puissantes entreprises
minires du monde qui savre tre... canadienne. La Pan American Silver
Corporation vient de cder sous la pression des manifestants : elle nexploitera
pas le site minier de Navidad, dans la province de Chubut, lun des plus grands
gisements de plomb et dargent non encore exploits.
Il y a fort parier que cette forme daction qui catalyse des forces autour de la
cause des peuples indignes est appele se gnraliser, amenant lopinion
publique internationale prter plus dattention aux problmes auxquels ils sont
confronts et leurs revendications. I
4
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La passivit, cest
fini!
PARIS LONDRES MILAN MADRID BERLIN AMSTERDAM SAN FRANCISCO
En couverture : Mosteose (Holly Rabbit) Iowa Frank A.Rinehart 1898
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conflit est le manque de volont du
gouvernement de protger les droits
en particulier territoriaux des
peuples tribaux dont les terres sont
accapares pour des projets industriels.
Survival International a crit auministre de lintrieur, P.
Chidambaram, pour lexhorter
mettre fin au harclement et la
dtention de ceux qui manifestent
pacifiquement contre les violations de
droits de l'homme en Inde.
Safaris humains
Malgr le scandale international
quont suscit les safaris humains dans
les les Andaman, les autorits de
l'archipel continuent d'ignorer une
dcision de justice visant tablir une
zone tampon autour de la rserve de la
tribu des Jarawa permettant
d'empcher les intrusions de touristes
et autres envahisseurs. Survival a
exhort la Cour suprme indienne
prendre des mesures immdiates pour
faire cesser l'exploitation touristique de
la tribu.
MalaisieUltimatum des Penan au
gouvernement
Le 1er novembre dernier, les Penan du
Sarawak, ont suspendu le sige de la
route du barrage de Murum et ont
accord un dlai au gouvernement
pour leur garantir des indemnits et
des terres cultivables afin de palier aux
effets ngatifs du futur barrage.
Premier dune srie de 12 nouveaux
barrages prvus au Sarawak, il
inondera les terres des Penan dont plus
dun millier devront tre dplacs.
RussieMenaces sur les ONG
RAIPON, lassociation russe des
peuples indignes du Nord, a t
contrainte de suspendre ses activits en
octobre suite une rpression
gouvernementale l'encontre des
ONG. RAIPON a fait plusieurs
propositions de modification de ses
statuts pour qu'ils restent en
conformit avec la loi, mais legouvernement les a toutes rejetes.
Le mme mois, des tireurs masqus
ont pris d'assaut le sige de la
cooprative Dylacha des Evenk de
Buryatia en Sibrie et ont enlev deux
hommes vers une destination
inconnue. En Russie, les lois relatives
aux ONG sont frquemment
modifies dans le but de contrler
leurs liens avec les organisations
internationales.
CanadaDclin dramatique des rennes
Selon les dnombrements officiels, le
troupeau de rennes de la rivire
George, qui tait autrefois le plus
grand du monde, a t rduit une
infime portion de sa taille originelle.
Ce dclin sans prcdent suscite la vive
proccupation des peuples indignes
de la rgion qui estiment que les
projets industriels et miniers canadiens
en sont la cause principale.
Royaume-UniLa Couronne ignore les peuples
indignes
Le gouvernement britannique ne
ratifiera pas la Convention 169 relative
aux peuples indignes et tribaux de
l'Organisation Internationale du
Travail, malgr les promesses du parti
libral en 2009. Cette dcision a
choqu les partisans de cette
Convention, d'autant que les activits
des compagnies britanniques dans le
monde ont un impact majeur sur les
peuples indignes. La Convention 169
qui, jusqu' prsent n'a t ratifie que
par 22 pays, est la seule lgislation
internationale contraignante en faveur
des peuples indignes. Elle reconnat
leurs droits la proprit collective de
leurs terres, l'autodtermination et
la consultation sur tout projet les
affectant.
BotswanaLa rpression continue
Dbut janvier, trois enfants bushmen
de la rserve du Kalahari ont t
arrts et emprisonns par la police
paramilitaire botswanaise parce quils
taient en possession de viande
dantilope.Cest le dernier en date des
actes de rpression perptrs par les
autorits dans le cadre dune nouvelle
politique gouvernementale visant
intimider les Bushmen qui sont
retourns dans la Rserve aprs leur
victoire juridique de 2006. Mais
depuis lors, les Bushmen qui
dpendent principalement de la chasse
et de la cueillette sont rgulirement
opprims par un gouvernement qui ne
leur reconnat aucun droit notam-
ment celui de chasser sur leur
territoire ancestral.
5
BrsilTuez-nous et enterrez-nous ici
Cest par ces termes que les Indiens
guarani de lEtat du Mato Grosso do
Sul ont lanc, en octobre dernier, un
appel dsespr au gouvernementbrsilien aprs avoir appris quils
allaient tre expulss de leur territoire
ancestral. Leur appel a t relay par
de nombreux rseaux sociaux et a
mobilis des milliers de sympathisants
dans le monde entier. Un juge les a
finalement autoriss rester sur leur
territoire jusqu' ce que celui-ci soit
dlimit et officiellement reconnu.
Fin novembre, une autre communaut
guarani dnonait la pollution de sa
principale source deau par un
propritaire terrien qui occupe son
territoire depuis deux ans. Une autre
communaut affecte par la prsence
d'un gant nord-amricain de
l'agroalimentaire dnonce linvasion de
la canne sucre sur son territoire
ancestral associe lutilisation de
pesticides qui ruinent leur vie et leur
environnement depuis quatre ans.
Parc Yanomami : 20 ans dj
Environ 700 membres de plusieurs
communauts yanomami se sont
runis en octobre pour participer la
crmonie du vingtime anniversaire
de la reconnaissance du territoire
yanomami par le gouvernement
brsilien. Survival qui a men
campagne pendant plus de 20 ans
auprs des Yanomami tait parmi les
invits. Cinq jours de dbats intenses
ont t ponctus par de fastueuses
crmonies. Lun des principaux
points qui a t dbattu est le projet de
loi minire qui risque douvrir les
territoires indignes l exploitation
minire grande chelle.
Les Aw attendent une rponse
Alors que prs de 50 000 personnes se
sont mobilises dans la campagne de
soutien aux Aw lance lan dernier
par Survival, leurs revendications sont,
ce jour, restes sans rponse. Dbut
novembre, une dlgation de quinze
Aw sest rendue la capitalebrsilienne pour exhorter le
gouvernement expulser leurs
envahisseurs et protger leur
territoire. Ce qui ne la pas empch
de donner son feu vert l'expansion
dune voie de chemin de fer qui
menace dangereusement la tribu.
Survival a lanc une opration de
sensibilisation d'envergure
internationale l'occasion de la
Journe internationale des droits de
l'homme le 10 dcembre :
www.survivalfrance.org/awa-action
ProuLe tourisme, une menace pour
les Indiens isols
Survival a lanc dbut novembre une
campagne de sensibilisation
l'attention des touristes qui se rendent
sur le site archologique du Machu
Picchu. Plusieurs groupes d'Indiens
isols vivent en effet dans la rserve de
Kugakapori-Nahua-Nanti, moins de
cent kilomtres de la citadelle inca.
Bien que cette rserve soit protge, le
gouvernement a lintention den ouvrir
certaines parties l'exploration
ptrolire et gazire. Survival a appel
le gouvernement pruvien cesser
toute exploitation des territoires
habits par des Indiens isols et
respecter son engagement de ne pas
lancer de nouveaux projets de
dveloppement dans la rgion.
ColombieTentative d'assassinat dun
leader arhuaco
En novembre dernier, Rogelio Meja,
Indien arhuaco, lun des plus
importants leaders indiens de
Colombie, a t victime d'une tentative
d'assassinat alors quil circulait en
voiture avec une charge de campagne
de Survival dans les contreforts de la
Sierra Nevada de Santa Marta. Les
Arhuaco sont en premire ligne dumouvement indien en Amrique du
Sud. Plusieurs de leurs leaders ont t
assassins et un nombre considrable
d'Indiens ont t tus dans le conflit
interne qui svit sur leur territoire
opposant les narcotrafiquants la
gurilla d'extrme gauche et l'arme.
IndonsieLe prsident indonsien cibl par
des manifestants Londres
Une manifestation organise par
Survival International et des
organisations de droits de l'homme a
perturb le dbut de la premire visite
officielle d'un prsident indonsien
Londres depuis 33 ans. Les
manifestants ont dnonc le triste
record de lIndonsie en matire de
violations des droits de l'homme, la
rpression brutale des tribus de
Papouasie occidentale et les relations
que le Royaume-Uni entretient avec
une unit anti-terrorriste indonsienne
implique dans le meurtre de leaders
indpendantistes.
IndeRpression dune manifestation
pacifique
Medha Patkar, militante des droits de
l'homme, a t remise en libert aprs
avoir t arrte par la police de l'Etat
du Madhya Pradesh pour avoir
manifest pacifiquement contre un
projet dirrigation grande chelle sur
des terres tribales. Cette militante n'est
pas la seule avoir t inquite pour
son activisme en faveur des droits de
l'homme; plusieurs militants ont t
harcels, arrts et emprisonns sur de
fausses accusations. La racine de ce
4
Echos des campagnes
Nous invitons nos lecteurs
se reporter notre site
internet o toutes ces
informations paraissent
sous une forme plus
dtaille.
Si vous souhaitez tre
informs en temps rel des
communiqus et actualits
que nous diffusons quasi
quotidiennement, abonnez
vous notre flux RSS :
feeds.survivalinternational.
org/SurvivalFrance
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arrestations et dtentions arbitraires,
tortures et kidnappings et fit des
milliers de victimes.
Le 2 dcembre 1997, un accord de
paix qui prvoyait une large
autonomie des CHT fut sign entre le
gouvernement du Bangladesh et le
JSS. A la demande des parties, j'ai
contribu aux ngociations finales
comme conseiller et facilitateur. Cet
accord prvoyait, entre autres, le
retour des rfugis et des personnes
dplaces, la restitution de leurs terres,
la dmilitarisation de la rgion et la
rsolution des conflits territoriaux. La
plupart des dispositions de cet accord
ne sont toutefois que trs partiellement
appliques : l'arme est toujours
prsente dans la rgion o rgne un
climat d'inscurit permanent,
l'conomie est toujours entre les mains
des colons bengalis, la colonisation et
les dpossessions se poursuivent,
nourrissant des flambes de violence et
de graves atteintes aux droits de
l'homme.
Cinquante annes de rpression et
de violence ont contraint des milliers
de Jumma l'exil, soit pendant une
dizaine d'annes dans des camps de
rfugis en Inde, soit de manire
permanente, dans plusieurs pays du
monde, formant une diaspora prsente
sur les cinq continents. En octobre
1987, la France accueillit 72 enfants
jumma d'un orphelinat bouddhiste des
CHT qui avaient d fuir en Inde en
pleine guerre. Ces enfants, qui ont
grandi dans des familles d'accueil, ont
russi renouer des relations avec
leurs familles d'origine. Depuis
quelques annes, ils ont cr des
associations de solidarit avec les
Jumma des CHT.
C'est l'initiative de l'une d'entre
elles, l'association International
Jumma Voice que j'ai effectu une
tourne en Europe du 27 octobre au 3
novembre pour sensibiliser l'opinion
publique et la convaincre d'appuyer le
processus de transition dmocratique
du Bangladesh, de trouver des
remdes face aux violations des droits
de l'homme et prvenir la monte de
tels actes, de combattre le racisme et la
discrimination dans le cadre de
l'accord de paix de 1997.
Cela a aussi t l'occasion de
clbrer le 25e anniversaire de
l'arrive de ces enfants en France et les
15 ans de la signature de l'accord de
paix. Si, durant des dcennies, nous
n'avons eu pour seul choix que de
subir ou de prendre les armes, il est
grand temps que la socit civile et les
grandes instances internationales se
mobilisent en faveur de la dfense des
droits des peuples autochtones des
Chittagong Hill Tracts. I
76
Le 23 septembre dernier, des
groupes extrmistes bengalis
ont attaqu des communauts
indignes de Rangamati, la
capitale des Chittagong Hill
Tracts (CHT), une rgion de collines
couvertes de forts d'environ 13 000 km 2,
situe au sud-est du Bangladesh. Lors de cet
affrontement, une soixantaine de Jumma
ont t blesss, dont certains gravement, et
leurs maisons vandalises et dtruites. C'est
le dernier en date d'une longue srie d'actes
racistes commis contre mon peuple,
lesquels, en l'espace de quelques dcennies,
ont fait des milliers de victimes et sont
gnralement rests impunis.
Jumma est le nom collectif que l'on
donne aux onze peuples indignes ou
tribus dont les Chakma auquel
j'appartiens qui vivent depuis des
gnrations dans les Chittagong Hill Tracts.
Le Bangladesh qui compte 160 millions
d'habitants sur un territoire d'environ 1/6
de la France est l'un des pays les plus
densment peupls du monde. Le pays est
majoritairement musulman tandis que les
Jumma, qui reprsentent une population de
700 000 personnes, sont principalementbouddhistes. La tribu des Chakma, la plus
importante de l'ensemble jumma, en
compte environ la moiti.
Avant la colonisation britannique et
l'annexion des CHT au Bengale en 1860,
les Jumma en taient les seuls habitants.
Sous le Raj britannique, les CHT furent
reconnus comme zone tribale ,
bnficiant ce titre d'un statut
constitutionnel spcial et d'un certain degr
d'autonomie. Les trangers la rgion
n'avaient pas le droit de s'y installer ou d'y
possder de la terre.
Avec la partition de l'Inde et
l'indpendance du Pakistan en 1947, la
rgion perdit ce statut par un amendement
de la Constitution quelques annes plus
tard. Ds lors, dans un processus encourag
par le gouvernement du Pakistan oriental
(aujourd'hui Bangladesh), des milliers de
colons, la recherche de terres cultivables
ou d'opportunits commerciales, vinrent s'y
tablir. Dans les annes 1980,
approximativement 450 000 bengalis taient
installs dans la rgion sous le contrle
direct et avec le soutien du gouvernement et
de l'arme.
Au dbut des annes 1970, aprs
l'indpendance du Bangladesh, les Jumma
rclamrent la restauration de leur
autonomie. Le gouvernement refusa, y
voyant une menace scessionniste, et
l'arme employa la force contre les
manifestations non violentes et autres
formes d'action civique. La situation
dgnra peu peu en conflit arm
opposant les forces de scurit gouverne-
mentales au Shanti Bahini, le bras arm du
plus grand parti politique jumma : le Jama
Samhati Samiti (JSS). L'action contre-
insurrectionnelle entrana meurtres,
violences sexuelles, incendies volontaires,
Halte la violence dansles Chittagong Hill Tracts
p
ar Raja D
evasishRoy, roi des C
h
akma*
Dans le cadre d'unetourne europenne
destine sensibiliserlopinion publique la situation de sonpeuple desChittagong HillTracts, auBangladesh, le roitait Paris le 31octobre dernier oil donnait uneconfrence de presseque nous avionsorganise avec laFondation FranceLiberts.
* Devasish Roy (n en 1959) est le
Raja (roi traditionnel) des Chakma.
Avocat auprs de la Cour suprme
du Bangladesh, il a sig en tant
que ministre d'Etat dans
l'administration intrimaire du
Bangladesh en 2008. Il a
rcemment t dsign comme
membre expert des peuples
autochtones d'Asie l'Instance
permanente de l'ONU sur les
questions autochtones pour 2011-
2013.
Les enfants de Buddhapati Chakma, assassine par des soldats en fvrier 2010, sadressent aux journalistes. Satrong Chakma
Raja Devasish Roy
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8
Frank A.Rinehart,
photographecommercial
Omaha,Nebraska,avait tcharg de
photographierle Congrsindien de
1898, dans lecadre de
lexpositioninternationale
Trans-Mississippi.Plus de 500
Indiens de 35tribus
assistrent la confrence,
offrant Rinehart
lopportunitde rendre
compte de lavie et de laculture des
Indiens
dAmrique duNord laubedu XXe sicle.Si la plupart
de sesportraits sont
poss enstudio, il
mane deuxintimit et
dignit,qualits rares
au XIXesicle.
Portfolio
Frank A. Rinehart
9
Page de gauche : Hattie
Tom, Apache.
Ci-dessus : Antoine
Mose, Flathead.
Ci-contre : Deux petits
braves, Sac & Fox
Nation.
En haut gauche, Chief
Wolf Robe, Cheyenne.
En haut droite, Pete
Mitchell (Dust Maker),
Ponca.
Toutes ces photos ainsi
que celle de la
couverture sont
conserves la Boston
Public Library, qui nous
a autoris les publier
ici.
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1110
difficults politiques surviennent et que
lAccord de Nouma est nouveau dis-
cut dans son esprit et dans sa lettre, au
point de remettre en cause sa dimension
dcolonisatrice.
Transferts de comptences incomplets,
remise en cause de certains acquis
comme le partage des responsabilits ins-
titutionnelles, rformes structurelles in-
dispensables dont la perspective sloigne,
le tout sur fond de bilan mitig de lAc-
cord de Nouma conduisent les indpen-
dantistes sinterroger sur la volont des
autres signataires respecter leur engage-
ment.
Une question resurgit : cherche-t-on
nouveau utiliser le rapport de force
politique issu de la colonisation de peu-
plement pour bloquer le processus de d-
colonisation en cours?
Comme en 2011 et nous lavions
dj relev lors des prcdents Comits
des signataires nous faisons le constat
que des dispositions importantes de lAc-
cord de Nouma connaissent des retards,
mettant un peu plus en difficult les res-
ponsables politiques caldoniens et lEtat.
Nous rappelons, encore une fois, que ces
retards ne sont pas le fait des indpen-
dantistes : les pralables techniques et finan-
ciers au dmarrage de lusine du Nord,
laboutissement du dossier du corps lectoral gel,
la mise en uvre tardive du chantier des signes
identitaires, le non-respect de lesprit et des prin-
cipes des transferts de comptences... Autant de
causes ayant retard la concrtisation des fonda-
mentaux de lAccord de Nouma, savoir le r-
quilibrage, une meilleure intgration des ralits
kanak, la citoyennet, une transmission des com-
ptences sur la base dun meilleur service en di-
rection de notre population . Voil ce que
nous crivions en 2011 en introduisant
un certain nombre de dossiers que nous
souhaitions voir traiter et qui restent dac-
tualit.
Mais cette situation de rsistance de
la part des non-indpendantistes nest
pas nouvelle. Ds le deuxime Comit
des signataires, en janvier 2002, le
FLNKS a rappel son souci de voir abou-
tir la rvision constitutionnelle destine
prciser le contenu du corps lectoral
alors que le RPCR confirmait son op-
position cette rforme. Pourtant la re-
connaissance dune citoyennet de la
Nouvelle-Caldonie, dont le cor ps lec-
toral restreint est la principale fondation,
tait bien une condition politique ma-
jeure de lAccord du 5 mai 1998. Le S-
nat faisait ainsi observer en 2007 que la
dfinition du corps lectoral pour la consultation
sur l'accession la pleine souverainet et pour
les lections provinciales est un point essentiel de
l'quilibre dfini par le processus de Nouma et
s'inscrit dans le prolongement des accords de Ma-
tignon . Il a fallu attendre la runion du
Congrs de Versailles, le 19 fvrier 2007,
pour entriner par 724 voix contre 90,
le gel du corps lectoral puis la dcision
Un Comit des signataires at cr par lAccord deNouma sign le 5 mai 1998entre le gouvernementfranais, lesindpendantistes du Front delibration nationale kanak
et socialiste (FLNKS) et lesanti-indpendantistes duRassemblement pour laCaldonie dans la Rpublique(RPCR). Il est charg deprparer et de suivrelapplication de cet accord.
Cette lettre a t adressele 5 dcembre 2012, laveille de la runion lHtel de Matignon du 10eComit des signataires, Jean-Marc Ayrault par RochWamytan, signataire FLNKS delAccord de Nouma, co-signe par Nko Hnepeunne,
Union Caldonienne, AlosioSako, RassemblementDmocratique Ocanien etSylvain Pabouty, DynamiqueUnitaire Sud.
Les Accords de Matignon et
de Nouma ont t conclus
avec des hommes de
conviction qui avaient une
vision ouverte et imagina-
tive de lavenir. Lobjectif tait bien sr le
retour de la paix entre les communauts
mais aussi de sattaquer aux origines de
leur confrontation, savoir un systme
et une socit hrits de la colonisation.
Alors que notre proccupation ma-
jeure reste aujourdhui de construire le
vivre ensemble et de se projeter dans un
avenir commun, nous souhaitons vous
faire part des proccupations, voire des
inquitudes, dont notre dlgation se fera
lcho loccasion de ce 10e Comit des
Signataires.
A moins de deux ans de la dernire
priode institutionnelle qui dbutera avec
les lections provinciales de 2014, il est es-
sentiel de rappeler ce qui a incit le
FLNKS signer les Accords de Mati-
gnon-Oudinot, puis lAccord de Nou-
ma.
La colonisation franaise en Nouvelle-
Caldonie a conduit rendre dlibr-
ment minoritaire le peuple kanak dans
son propre pays. Cette volont a perdur
tardivement comme en tmoigne la di-
rective Messmer du 18 juillet 1972 qui
recommandait de faire du blanc pour
noyer toute ide dindpendance.
Une domination organise qui sest
perptue dans les institutions caldo-
niennes, o les indpendantistes, repr-
sentant la grande majorit des Kanak
ont toujours t cantonns dans leur
condition minoritaire, lexception de
la priode 1957-1969 lissue de laquelle
lEtat franais se rappropria le pouvoir.
Il en rsultat une histoire politique mou-
vemente qui fit estimer aux indpen -
dantistes que le fonctionnement des
institutions locales ne permettait pas aux
Kanak dapporter des rponses leurs
aspirations lgitimes.
Lhistoire latteste, la dmocratie ft
utilise pour maintenir les Kanak en
marge de leur pays, ce qui les incita
sortir des institutions le 18 novembre
1984.
Le 26 juin 1988, les reprsentants du
FLNKS apposrent leur signature Ma-
tignon, puis le 5 mai 1998 Nouma
parce que ces accords prvoyaient des
mcanismes de rquilibrage en faveur
des Kanak et un processus daccs du
pays la pleine souverainet. En dau-
tres termes, ces accords engageaient un
processus de dcolonisation auquel les
indpendantistes ont accept dassocier
les victimes de lhistoire dont ils ont
reconnu la lgitimit lors de la Table
ronde de Nainville-les-Roches en juillet
1983.
Pour les indpendantistes, rintgrer
les institutions et participer nouveau
la vie dmocratique correspondait donc
au pari quil tait possible de faire
progresser la dcolonisation avec les non-
indpendantistes.
A la veille de 2013, alors que dclen-
cher la consultation sur laccession la
pleine souverainet sera bientt possible,
il faut faire le constat que dimportantes
Hienghne, 1984 J.-C. Francolon/Gamma
Construire le vivre ensemble
Lettre au Premier ministre
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1312
1Revisiter les transferts de com-
ptences, non seulement dunpoint de vue technique, mais
surtout travers la matrise relle ou
non, de la Nouvelle-Caldonie,
exercer ses comptences. Dans ce ca-
dre nous demandons une extension
de larticle 56-2 de la loi organique et
la mise en uvre de larticle 27.
2Poursuivre les travaux sur la
question des signes identitai-
res et nous ritrons notre
demande dinstauration dune
citoyennet caldonienne incontes-
table, conformment lAccord de
Nouma et aux dispositions des arti-
cles 4 et 188 de la loi organique.
3Avancer dans la matrise des
ressources du pays dans le ca-
dre dun schma industriel mi-
nier et mtallurgique qui prserve les
intrts gnraux du pays.
4Dvelopper la matrise par la
Nouvelle-Caldonie, au travers
du schma damnagement et
de dveloppement NC 2025, des sec-
teurs porteurs davenir dans les do-
maines de la recherche, du savoir
scientifique et technologique, de lex-
ploration et de lexploitation de res-
sources nouvelles.
5Se doter des outils de rduc-
tion des ingalits conomi-
ques et sociales, de justice, de
dconstruction de lconomie de
rente (politique fiscale, organisation
de la concurrence, accs lem-
ploi) qui, par leur inexistence ou
les retards dans la mise en uvre,
minent le socle de la dmocratie ca-ldonienne.
6Lentire lgitimit de la re-
connaissance de l'identit
kanak passe imprativement
par le lien la terre. La mise en place
du fonds de garantie sur terres coutu-
mires ainsi que le dispositif des
ZODEP [zones de dveloppement
prioritaires], participeront une
meilleure valorisation du foncier cou-
tumier. Par consquent, le transfert
de lADRAF[agence de dveloppe-
ment rural et d'amnagement fon-
cier] devra prendre en compte ces
impratifs de rquilibrage.
7Dvelopper la formation des
cadres suprieurs locaux no-
tamment kanak et ocaniens,
et cela ds la formation initiale, pour
des mtiers et des fonctions o ils sont
aujourdhui absents. Un effort par-
ticulier sera mis en uvre par les par-
tenaires de lAccord de Nouma
pour informer, sensibiliser, et favori-
ser laccs des tudiants kanak et
ocaniens aux tudes de sant, leur
russite aux concours et les meilleu-
res conditions de leur retour en Nou-
velle-Caldonie. Cet effort particulier
pour la sant sappuiera, notamment,
sur un groupe de travail mettre en
place Paris. Ds le premier Comit
des signataires qui sest tenu le 2 mai
2000 Nouma, les partenaires ont
fait de la formation, initiale et conti-
nue, une priorit pour le dveloppe-
ment de la Nouvelle-Caldonie et
de laccompagnement de la Nouvelle-
Caldonie sur la voie de lmancipation . Il
sagit notamment de permettre laNouvelle-Caldonie de mieux se
prparer lexercice de compten-
ces rgaliennes.
8Permettre la Nouvelle-
Caldonie de mieux apprhen-
der et grer les flux migratoires
externes.
9Mobiliser lensemble des struc-
tures et des dispositifs locaux
et nationaux, en faveur de la
jeunesse kanak et oc anienn e, en
perte de repres, subissant les inga-
lits sociales, les ingalits scolaires
et lexclusion du systme scolaire,
souffrant dun manque de reconnais-
sance identitaire dans leur vie quoti-
dienne ou dans des institutions, y
compris de la Rpublique.
10La dfinition dune poli-
tique pnale qui intgre
davantage les infractions
conomiques et fiscales. Nous de-
mandons une mission dexpertise et
dvaluation sur le fonctionnement
de la justice en Nouvelle-Caldonie.
11La mise en place par le
CSA dune enqute sur
les drives de la station lo-
cale de service public NC1re ainsi
que linstauration dune procdure
de contrle permanente du plura-
lisme politique et des temps de pa-
role. Cette procdure est essentielle
alors que la Nouvelle-Caldonie
aborde une priode cruciale qui d-
terminera son avenir politique.
de la Cour europenne des droits de
lhomme en 2009 pour mettre un terme
cette affaire. Cela tablit dfinitivement
que la dcolonisation de la Nouvelle-Ca-
ldonie ne peut saccommoder, comme
ce fut le cas dans un pass rcent, dune
volont den faire nouveau une terre
de peuplement
Faut-il encore rappeler ceux qui nous
donnent des leons de respect de la d-
mocratie et de combat contre les inga-lits que les Kanak ne sont devenus
citoyens quen octobre 1946 et nont eu
accs au suffrage universel quen octo-
bre 1957
Les non-indpendantistes dmontr-
rent aussi une constance ne pas respec-
ter le FLNKS, le maintenir dans une
position minoritaire et refuser un par-
tage du pouvoir. Ainsi, de 1999 2004, la
FCCI [Fdration des comits de coordi-
nation indpendantistes], issue dune dis-
sidence du FLNKS, et le RPCR de
Jacques Lafleur ont constitu un groupe
commun au Congrs afin de prserver
leur majorit absolue. Pourtant, le pre-
mier et le second Comit des signataires
(2000 et 2002) appelaient plus de coll-
gialit dans llaboration et la prise de
dcision au gouvernement de la Nou-
velle-Caldonie, ainsi qu des rencon-
tres plus frquentes des signataires entre
deux comits afin de rsoudre les conten-
tieux
Autre illustration du non respect de
lesprit de lAccord, la rsistance des non-
indpendantistes dans la concrtisation
de lusine du Nord. Ce grand projet in-
dustriel a pu aboutir grce la seule d-
termination des partis indpendantistes et
de lEtat qui, en sortant dune position
de neutralit, a soutenu et rendu possible
ce projet en application de lobjectif de
rquilibrage.
La priode 2011-2012 ne sest pas dis-
tingue par une inversion de tendance
malgr quelques initiatives aujourdhui
combattues par les plus conservateurs.
Ce nouveau Comit des signataires voit
donc resurgir les mmes problmatiques
avec parfois une remise en cause des fon-
damentaux de lAccord, savoir la pleine
reconnaissance de lidentit kanak, la
ralit dun rquilibrage dans lensem-
ble de la vie conomique et sociale, la re-
mise en cause de la capacit de la
Nouvelle-Caldonie smanciper,
assumer ses responsabilits au travers des
transferts o lEtat garde des lments
essentiels de pilotage ou de contrle, voire
des pans entiers de comptences qui
compromettent le bon exercice des
transferts.
Au-del, les indispensables luttes contreles ingalits, travers notamment la
mise en place de rformes structurelles
de la fiscalit et de lconomie, font lob-
jet de pralables ou de postures de la part
de partis politiques qui ont pour rsultat
le maintien du statu quo et de rentes
tablies.
Dans ce contexte, notre dlgation es-
time que les conclusions de ce 10 e Co-
mit des signataires doivent raffirmer
les fondements et la finalit politique de
lAccord, soit une dcolonisation effec-
tive et irrversible de notre pays, devant
dboucher sur sa pleine souverainet, et
la construction dune socit quilibre,
rassemble autour dun projet collectif.
Le FLNKS rappelait au Comit des si-
gnataires de 2007, au travers des propos
de Paul Naoutyine, que lAccord de Nou-
ma a vocation btir un destincommun et une
citoyennet en devenir, reconnatre lidentit ka-
nak et le droit lautodtermination .
Nous restons sur cette tonalit, consi-
drant quil sera plus facile davancer
dans la construction du destin commun
mesure que la dcolonisation progresse.
Au moment o lon aborde la dernire
phase de lAccord de Nouma, il nous
parat indispensable de respecter nos
concitoyens en les clairant pleinement
sur les enjeux et en fournissant toutes les
donnes leur permettant de se prparer
choisir lors des prochaines consulta-
tions. Cest aussi une condition pour per-
mettre une volution effective desmentalits.
Nous sommes tout autant persuads
que lever toute ambigut sur la finalit de
laccord favorisera la mise en uvre de
rformes structurelles indispensables et
la ncessaire dfinition dune politique
pays dans de nombreux secteurs.
Vous laurez compris, refusant de nous
cantonner aux constats des retards et des
checs, nous continuerons participer
activement la dfinition des moyens
permettant lapplication pleine et entire
de laccord du 5 mai 1998. Pour cette
raison, nous souscrivons la proposition
de lEtat de crer une structure prenne
charge de tous les transferts de comp-
tence de la Nouvelle-Caldonie, nous en
partageons les objectifs mais pour en ac-
crotre lefficacit, nous pensons quil faut
y adjoindre un chancier.
Nous voyons dans cette proposition et
dans les paroles du ministre des Outre-
mer, M. Victorin Lurel, qui affirme
quon les considre facultatifs ou obliga-
toires, les transferts de comptences font partie
de lAccord et ont vocation tre mens une in-
dication que lEtat, troisime partenaire
de lAccord, a dcid de scarter dune
neutralit qui laisse le pas des affronte-
ments politiques locaux dbouchant sur
une quasi paralysie institutionnelle du
pays.
Voici donc ltat desprit qui nous
anime la veille de ce 10e Comit des
signataires de lAccord de Nouma, une
dition qui, nous lesprons, permettra
de poursuivre la ralisation de cetaccord,
dans son esprit et dans sa lettre, pour le
bien-tre de tous les Caldoniens.I
12
Les questions prioritaires traiter
LAccord de Nouma a
vocation btir un
destin commun et une
citoyennet en
devenir, reconnatre
lidentit kanak et le
droit lauto-
dtermination.
Paul Naoutyine
7/29/2019 Nouvelles 86
8/9
nes sur leurs terres et leurs cours deau
face aux compagnies qui exploitent les
ressources forestires, hydrauliques, min-
rales et nergtiques (ptrole et gaz).
La grve de la faim de Theresa Spence
a t ltincelle qui a enflamm le mcon-tentement croissant des Amrindiens face
aux politiques nolibrales du gouverne-
ment fdral. Dans tout le pays, a spon-
tanment surgi un mouvement de soutien
leurs revendications et de protestation
contre lattitude du gouvernement. Les
tambours indiens ont rsonn dans les
villages reculs comme dans les grandes
villes et jusque dans la capitale Ottawa.
Le mouvement Idle No More (La passi-
vit, cest fini) tait n, qui comprend la
fois les autochtones des zones rurales et
ceux, nombreux, qui vivent dans les vil-
les, en particulier les jeunes. Dautres
Canadiens, proccups par les droits de
lhomme et de l'environnement, ont ral-
li la manifestation.
Le gouvernement canadien a, de
manire inattendue, convoqu le 11 jan-
vier dernier les l eaders de lAssemble
des Premires Nations (APN), la princi-
pale organisation indigne du pays. Les
journalistes indpendants et les analys-
tes politiques saccordent dire quil sagit
dune tentative (assez grossire, dailleurs!)
de dmanteler le mouvement de protes-
tation. Il sagirait doffrir quelques mil-
lions de dollars aux leaders pro-gouver-
nementaux pour les inciter se dissocier
des revendications actuelles et affirmer
leur confiance dans le gouvernement.
Theresa Spence na pas assist la ru-nion quelle considre comme une impos-
ture : en effet, le gouverneur gnral ny
assistait pas non plus, ce qui a fait de cette
rencontre un banal change de vues. Par
ailleurs, deux jours plus tard, le gouver-
nement fdral octroyait 300 millions de
dollars pour amliorer les rseaux
daqueducs et dgouts sur les rserves.
Le succs de cette manuvre gouver-
nementale nest pourtant pas assur : la
base militante amrindienne fait pres-
sion sur ses leaders pour quils rejettent les
lois 38 et 45 et elle soutient Theresa
Spence. Deux associations autochtones
de lAlberta (principale province ptro-
lire du pays) viennent de saisir le tribu-
nal fdral au sujet de ces deux lois,
quelles considrent inconstitutionnelles
puisquelles nexigent plus la consulta-tion pralable et violent leurs droits ter-
ritoriaux inscrits dans la Constitution
canadienne de 1982. Pour les mmes rai-
sons, en Colombie-Britannique, un autre
groupe autochtone attaque devant les tri-
bunaux lAccord sur la promotion et la
protection des investissements trangers
(APIE) que le gouvernement canadien
vient de signer avec la Chine.
Lhiver indien actuel n'est pas sans
rappeler le printemps rable du Qubec
en 2012 : ce qui fut d'abord une grve
tudiante contre l'augmentation des
droits de scolarit se transforma en un
vaste mouvement social qui finit par ren-
verser un gouvernement corrompu qui
dirigeait la province depuis neuf ans.
Comme les tudiants, les autochtones
sont une minorit au Canada, mais ils
sont trs dtermins et gagnent des
appuis de plus en plus nombreux. Ce
mouvement parviendra-t-il mettre en
chec le gouvernement le plus raction-
naire que le Canada ait connu en un
demi-sicle? Cette partie de l'histoire
reste crire. I
15
Au Canada on utilise
lexpression t indien
pour dsigner certaines
priodes de temps
doux et ensoleill qui
se produisent aprs les premires geles
de lautomne. Cependant, cette anne,
cest en plein hiver canadien que se
rchauffe la scne politique autochtone.
Le 11 dcembre dernier, Theresa
Spence, chef de la rserve dAttawapiskat
(peuple cri) dans le nord de lOntario, a
entrepris une grve de la faim pour pro-
tester contre les conditions inhumaines
dans lesquelles se trouvent les 1 200 habi-
tants de sa communaut. Beaucoup de
familles y vivent entasses dans des loge-
ments insalubres, dans une rgion o la
temprature descend moins quarante
degrs lhiver. Cette situation, loin dtre
unique dans le pays, nest malheureuse-
ment pas rare dans ce quon appelle les
rserves indiennes, cest dire les ter-
ritoires o ont t relgus les peuples
autochtones aprs larrive des
Europens. Theresa Spence a annonc
quelle ne mettrait fin sa grve de la
faim que si le P remier ministre Stephen
Harper et le gouverneur gnral accep-
taient de la recevoir pour discuter des
problmes aigus auxquels sont confron-
tes les nations indiennes.
En rponse, le gouvernement fdral
canadien, qui a autorit sur le million
dautochtones du pays, a dclar que les
problmes dAttawapiskat rsultaient
dune mauvaise gestion budgtaire.
Quelques mois auparavant, la majorit
conservatrice du Parlement avait forc
ladoption des lois 38 et 45, dites lois
mammouth, qui prvoient une restric-
tion sans prcdent des droits autochto-
14
La passivit, cest fini!Vers un hiver indien au Canada?
Le mouvement decontestation des PremiresNations du Canada qui admarr en novembre 2012
en raction une nouvellelgislation que leur
impose le gouvernementcanadien prend de
lampleur.
Rcit de Pierre Beaucage*
* Anthropologue, Universit de Montral,
Canada.
Manifestation Halifax, Nouvelle Ecosse, 11 janvier 2013 DR
Regarde-moi!
Regarde-moi!
Je suis une
enfant de la
terre...Natasha Kanap Fontaine, potesse innu, lors de
la manifestation de Montral, le 11 janvier.
7/29/2019 Nouvelles 86
9/9
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