Qui suis-je : C…

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Ann Otolaryngol Chir Cervicofac, 2006; 123, 3, 159© Masson, Paris, 2006.

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ABÉCÉDAIRE HISTORIQUE

Qui suis-je : C…A. Werner, R. Cauchois, O. Laccourreye

Service d’ORL et de Chirurgie cervico-faciale,Hôpital européen Georges Pompidou, Université René Descartes-Paris V, 20-40 rue leblanc, 75015.Tirés à part : O. Laccourreye, à l’adresse ci-dessus.E-mail : ollivier.laccourreye@hop.egp.aphp.frReçu le 12 décembre 2005. Accepté le 12 décembre 2005.

Je suis né à Gambarana près de Pavie en Lombardie, en1822. Ma venue au monde fut sans histoire si ce n’estqu’elle eut lieu dans notre vaste propriété familiale commec’était alors l’usage surtout dans la noblesse. Mon pères’intéressait beaucoup aux sciences et entretenait d’excel-lentes relations avec Antonio Scarpa (1747-1832) ; ledécouvreur du labyrinthe membraneux venait souventdîner avec toute la famille. Il n’est pas exclu qu’il soit à l’ori-gine de ma vocation médicale. J’entrais à l’université dePavie en 1840 où je m’intéressais rapidement à la microa-natomie.

C’est en parfaite opposition avec toute ma famille que jepartis, en 1845, à Vienne poursuivre mes études à l’institutd’anatomie du hongrois Joseph Hyrtl (1811-1894). Monexamen final, passé en 1847, concernait le système vascu-laire du lézard des sables et me permit de devenir l’assistantdu Pr. Hyrtl lui-même. La révolution de 1848 me causaquelques soucis. Mes opinions libérales n’y auraient pas étéétrangères… ou mes prises de position sur l’indépendancede l’Italie... Les militaires occupèrent le laboratoire et je per-dis mes manuscrits et mes préparations microscopiques.Il me parut alors prudent de quitter rapidement les lieux.

Après un très bref passage dans l’armée piémontaise,grâce aux recommandations de mon père (qui fut ministreplénipotentiaire de l’Italie !), je partis à Berne chez lePr. Gustav Gabriel Valentin et de là gagnais Londres, ren-contrant, parmi d’autres, Sir James Paget (1814-1899), puisParis où je rendis visite à Charles-Philippe Robin et HermannLebert. Invité en 1850 par Albert von Kölliker dans sonlaboratoire de l’université de Würzbourg, j’ai d’abord tra-vaillé sur la fibre cardiaque, puis sur l’anatomie de la gre-nouille et du têtard avant de me consacrer au ganglionspiral et au nerf acoustique. C’est alors que je fis la connais-sance du professeur Rudolf Virchow (1821-1902) avec quij’ai longtemps entretenu d’excellentes relations car nouspartagions les mêmes aspirations libérales.

J’avais trente ans quand, à sa mort, j’hérite du titre demarquis de mon père. A la même époque je commence àme brouiller avec Kölliker qui n’hésitait pas à faire paraîtremes articles dans sa revue en s’en attribuant la plus grande

part. Cette brouille est définitive après le travail effectué lorsde la dissection d’un éléphant… à Rome en 1853 car lecompte rendu que j’en avais fait était entièrement dénaturé.

En quatorze ans j’avais atteint le sommet de ma carrièrede microanatomiste. Complètement absorbé par la succes-sion paternelle, dégouté par l’attitude de mon « patron »,je n’ai plus jamais exercé mon art. Qui plus est, je deman-dais que mon courrier ne me soit adressé qu’au seul nomde Marchese de San Stefano Belbo, sans mention du titrede « dottore ». Marié, j’ai alors consacré le reste de monexistence jusqu’en 1888 à la gestion de mes vastes proprié-tés dans le domaine de la Villa di Casteggio et, surtout, à lamort de mon épouse, à l’éducation de nos deux enfants.Un de mes amis dira que j’avais préféré le blason à lascience ! A mon décès aucune nécrologie ne fut publiée : lemonde scientifique de l’époque m’avait tout simplementoublié !

En Oto-rhino-laryngologie je suis célèbre de par ma cel-lule, mes piliers, mon tunnel, mon ganglion et monorgane, tous localisés dans la cochlée. Vous m’avez bienentendu reconnu aussi je vous prie de croire à mon souve-nir distingué.

Figure 1 :

Marquis Alfonso de Corti

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