Science, santé, environnement Que croire ? Qui croire

Preview:

Citation preview

Jean-Paul Krivine Association française pour l'information scientifique.Rédacteur en chef de Science et pseudo-sciences

www.afis.org

Science, santé, environnementQue croire ? Qui croire ?

L’Afis est une association de la société civile régie par laloi de 1901.

Les personnes qui adhèrent à l’Afis le font à titre privé etn’engagent pas leurs employeurs ni les organismes, lesmouvements associatifs ou syndicaux auxquels ellespourraient appartenir par ailleurs, pas plus que cesentités ne sauraient être engagées par les actions, lesécrits ou les prises de position de l’Afis.

Elle ne reçoit pas de financements d’entreprises

Que faut-il croire ?

Les scientifiques confirment avec 99% de certitude que le réchauffement

climatique est bien d’origine humaine

Glyphosate : un cancérogène que vous avalez dès le petit déjeuner

le niveau de preuve de cancérogénicité chez l’animal et chez l’homme est considéré comme relativement limité

La mortalité par cancers continue de baisser en Europe

Que faut-il croire ?

La matière est composée d'atomes

L’inconscient est structuré comme un langage

Qui faut-il croire ?

7

Les journalistes

Les scientifiques

Son médecin

Les associations

Les réseaux sociaux

Les politiques

Les agences sanitaires

Les entreprises

Les institutions scientifiques ?

Pourquoi « croire » ?

§ Que croire pour la décision§ Que croire pour l’avancement de la science

Est-il rationnel d'accepter les théories scientifiques ?

§ La rationalité • Dépend de l'information dont nous

disposons.• Celle des chercheurs repose sur une

information que le grand public n'a pas.

§ Faire confiance ?

9

– L'évidence, c'est que la Terre est plate…

Jean Bricmont, « Comment justifier

l'autorité scientifique ? »

§ Le rôle de la science • À été extraordinairement progressiste• Scepticisme scientifique versus

autorité divine ou royale.• Pas basé sur la confiance.

§ L'arroseur arrosé ?

Même si les théories scientifiques sont vraies, ou approximativement vraies, il n’est pas nécessairement rationnel de les accepter :

La vérité dépend du monde tel qu’il est

La rationalité dépend de l’information dont nous disposons

Jean Bricmont

Est-il rationnel d'accepter les théories scientifiques ?

§ Étendre le « scepticisme humien » sur les miracles• La technologie est réellement un «miracle»

reproductible et visible par tous. • La capacité à prévoir.

11

David Hume (1711-1776)et les miracles

Expériences personnelles :§ Miracles : jamais vu directement

mais entendu parler.§ Il existe des gens qui se trompent

ou qui cherchent à tromper.Il est plus rationnel de croire qu'on se trompe ou qu'on nous trompe.Exiger des preuves convaincantes qui inversent cette préférence.

§ Mais pas toujours aussi simple…• Les controverses sur des théories « sans

application » (évolution, big bang) • Les assertions sur les dangers potentiels

futurs : pourquoi devrait-on faire confiance aux scientifiques ?

11

Jean Bricmont, « Comment justifier

l'autorité scientifique ? »

Santé : comment s'établit la vérité scientifique ?

Un étude « ne fait pas le printemps »

§ Fonctionnement normal de la science• Soumettre à évaluation• Validation, vérifications• Reproductibilité

§ Le « peer-to-peer »• Processus de relecture• Comité de lecture

§ Les niveaux de preuve

§ et... les limites et difficultés

13

La qualité de la preuve

14

Les témoignages

Les preuves factuelles

Quelle place pour le témoignage ?

§ Sur le plan scientifique : aucune• Médecine moderne : s’affranchir de la subjectivité

(patients, médecin)

§ Sur le plan du diagnostic individuel : important• Orienter le diagnostic• Aider à évaluer les effets d’un traitement

§ Sur le plan médiatique : …• Suscite l’émotion et attire l’attention• Passe pour une connaissance générale

Différents type d’études

§ Études d'observation• Observer sans modifier• Transversales (à un instant t)• Longitudinales (études de cohorte)• Cas témoin (rétrospectives)

• Partir de la maladie et remonter aux causes• Biais d’anamnèse (se souvenir des années après)

§ Études expérimentales (essais cliniques)• Modifier les conditions pour analyser les

conséquences• Essais comparatifs

• groupe témoin, placebo, traitement de référence…

§ Méta-analyses• Combiner les données de plusieurs études• Biais de publication, biais dans les articles, etc.

Les essais cliniques

§ Études « randomisées, en double aveugle contre placebo »

§ Publiées et évaluées par les pairs

17

Le premier essai clinique contrôlé(scorbut et vitamine C)

(James Lind). 1847, douze marins avec symptômes de scorbut. 6 groupes :• Un litre de cidre, • 25 gouttes d'élixir de vitriol (acide

sulfurique) trois fois par jour• Deux cuillères à soupe de vinaigre trois

fois par jour, • Un quart de litre d'eau de mer par jour• Une pâte médicinale composée d'ail, de

moutarde, de racine de radis et de myrrhe • Deux oranges et un citron par jour. Et en plus, un autre groupe de marins malades qui continuaient le régime normal (le groupe témoin).

§ Questionnement systématique :• « l'affirmation repose-t-elle sur une étude

sérieuse, publiée dans une revue, évaluée par les pairs ? »

• « un groupe témoin ? »• …

Faibles doses, effets très faibles

§ Les faibles doses• Biais de l'épidémiologie:

• Incertitudes sur les expositions.• Les pièges des sous-groupes.• Le biais d'anamnèse.

§ Les processus improbables • « Le niveau de preuve n'est pas

suffisant pour permettre de conclure de manière solide […]. Nos recherches ne permettent pas d'exclure une certaine efficacité clinique mais, compte tenu de la faiblesse méthodologique des études retenues dans notre analyse, les preuves ne sont pas suffisamment convaincantes. »

18

Irradiation naturelle :• France : en moyenne de 2,4 mSv par an• Ramsar en Iran : atteint 132 mSv par an (avec

pics 250 mSv)• Kérala en Inde : entre 15 et 75 mSv par an

Expertise collective

§ Revue systématique• Collecte, évaluation critique et de synthèse des

connaissances existantes sur un sujet donnée

§ Les agences sanitaires • Ne produisent pas de nouvelles connaissances.• Elles examinent les éléments de preuve

existants.

à en vue d’une prise de décision

Idéal Négligé Biais inconscients Biais conscients Falsification Fraude

Bonnes pratiques Fraude

La zone grise des pratiques discutables

Non intentionnel Intentionnel

Fabrication de données« Triturage » des données

Changement d’hypothèses après résultat

Manipulation d’images

Non déclaration de conflits d’intérêts

Résumé, communiqué de presse embelliMéthodes inappropriées

Échantillon trop faible

Erreurs statistiques

Méconnaissance méthodologique Falsification

Plagiat

Les mauvaises pratiques scientifiques

Hervé Maisonneuve : rédactionmedicale.fr

Les mauvaises pratiques scientifiquesBiais, fraudes et embellissements

Seulement 36%des étudesreproduites

22

Santé : comment s'établit la vérité scientifique ?

§ Des études jamais reproduites qui ont défrayé la chronique• Mémoire de l'eau• Fusion froide• « Les OGM sont des poisons »

§ « Journaux prédateurs »• Simplificateurs de Pi• Impact de l'ingestion de maïs Bt176 par

des vaches, Gilles-Éric Séralini, Scholarly Journal of Agricultural Science.« Un maïs OGM reconnu toxique pour l'alimentation animale » (L'Humanité, 27 janvier 2016), « Une nouvelle étude du professeur Séralini démontre la toxicité d'un OGM sur des vaches » (Reporterre, 23 février 2016). Une question au parlement européen (Michèle Rivasi).

Quelles solutions ?

Une boussole pour s’y retrouver

ExemplesMaladie de Lyme

Glyphosate

Climat

La justice et la loi disent-elles la science ?

§ Des décisions de justice• Électrosensibilité, vaccination hépatite B et

sclérose en plaques, glyphosate, Lévothyrox, etc.

• Expertise et jury populaire• Logique judiciaire et logique scientifique• Statut de l’expertise judiciaire

§ Une corrélation suffit-elle ?• Cour de justice de l’Union européenne a

décidé (21 juin 2017) qu’« un faisceau d’indices graves, précis et concordants » pouvait suffire. Une simple corrélation, une « proximité temporelle » (par exemple une sclérose en plaques qui apparaît peu après une vaccination) ou encore l’absence d’antécédents médicaux pouvaient faire partie de ce faisceau.

À propos de corrélations

www.tylervigen.com

Dépenses US science, espace et technologieSuicides par pendaison, strangulation et suffocation

Personnes qui se noient dans une piscineL’énergie générée par les centrales nucléaires aux USA

Nombre de nouveaux docteurs en mathsQuantité d’uranium stocké dans les centrales américaines

Consommation de fromage (par personne)Décès en s’emmêlant dans ses draps

De « bonnes raisons » pour des craintes infondées ?

28

Information scientifiqueet arguments rationnels nécessaires…

§ OGM• Sélection plus précise ; analyser le résultat et pas juger le

processus ; des dizaines de millions de personnes en consomment depuis des décennies ; tous les avis des agences sanitaires sont unanimes…

§ « Électrosensibilité »• Aucune étude ne met en évidence un effet pathogène (seuils

exposition réglementaires). Études ne montrent pas la capacité des personnes à identifier la présence/absence d'un champ électromagnétique.

§ Vaccins• Protège de maladies terribles, des dizaines de millions de

personnes vaccinées, effets secondaires graves exceptionnels…

§ Glyphosate• Le CIRC de l’OMS évalue le danger, et non le risque• Toutes les autres agences sanitaires au niveau mondial…

29… mais insuffisants

Quelles sont ces « bonnes raisons » ?

30

§ L'utilité perçue

§ Les biais cognitifs

§ L'amplification d'Internet@

§ L’idéologie, la politique et l’économie

§ La médiatisation

L'utilité perçue

31

L'utilité individuelle perçue

§ OGM de première génération : pour l'agriculteur.• Pour le consommateur lambda les fruits et légumes

ne sont pas meilleurs (donc ils sont réputés moins bons).

• (Les médicaments OGM sont acceptés).

§ Vaccins• Se prémunir de maladies qu'on ne voit jamais, qui

ont disparu.• (Mais aucun problème à faire appel à l'hôpital en cas

de besoin sérieux).

§ Antennes relais• L'antenne relais n'est pas perçue comme vraiment

utile (elle peut être plus loin).• (L'utilisation du smart phone plus émetteur est

accepté).32

L'utilité collective§ L' « utilité collective » est plus abstraite,

plus lointaine• Les OGM réduisent les risques pour les

agriculteurs, limitent l'emploi des intrants…• La couverture vaccinale protège les personnes

vulnérables.§ Il y a « toujours moyen » de faire autrement

• Sans pesticide, sans vaccin, sans OGM, éloigner les antennes-relais, etc.

§ « Pas dans mon jardin » (nimby)• Les éoliennes, mais pas dans mon paysage.• Pas de gaz de schiste dans mon voisinage, mais

du pétrole d'Afrique ou du Moyen-Orient.• La couverture vaccinale… assurée par les autres

33

Une certaine rationalité (pourquoi devrais-je supporter les externalités ?)

Les biais cognitifs

34

Les biais cognitifs

35

Croire en des idées fausses

§ Impact des biais cognitifs sur la démocratie et la prise de décision§ Rôle amplificateur d'Internet

§ De mauvaises raisons ou des théories non valides § L'esprit est la dupe du cœur. § Des arguments les plus justes… fondés sur des a priori auxquels

on prend d'autant moins garde qu'ils peuvent plus facilement être considérés comme allant de soi.

§ Économie comportementale§ Deux systèmes qui régissent notre façon de penser :

• le « système 1 » rapide, intuitif et émotionnel ; • le « système 2 » plus lent, plus réfléchi, plus contrôlé et plus logique... Mais plus

paresseux.

§ Biais cognitifs

Économie comportementale : science évaluée (1)

§ Effet de halo

36

Le blog de David Louapre

Économie comportementale : science évaluée (2)

§ Effet d'ancrage

37

Le blog de David Louapre

60 m 30 m

Ancre aléatoire Ancre absurde

Ancre précise

Économie comportementale : science évaluée (3)

§ L’expérience de Ash• Le pouvoir du conformisme : un individu a tendance à se ranger à

l’avis unanime d’un groupe, même contre sa propre opinion

38

L'économie comportementale et les nudges« coups de pouce » s’appuyant sur une architecture de choix qui affirme garantir la liberté d'action aux agents concernés, tout en les incitant à faire le bon choix.

§ Quelques leviers• Comparaison à une norme sociale• Amorçage du comportement• Réinterroger ses habitudes de façon

ludique• L’engagement• La réciprocité• Les valeurs par défaut

§ Politiques gouvernementales• USA, UK…

§ Discussion• usage et finalité ? Manipulation ?

39

Le poids de nos idées a priori

40

§ Le biais de confirmation et la paresse intellectuelle• Informations qui confirment les croyances • Ignorer ou discréditer celles qui les

contredisent (= préjugés sont renforcés).• Rechercher une information contradictoire

requiert un effort et faire face à une « dissonance cognitive » est désagréable.

Ø Rejeter ou disqualifier l'élément perturbateur (fait, argument, information) est alors cognitivement plus facile.

§ Le biais de croyance• La logique d'un argument est biaisée par la

croyance en la vérité ou la fausseté de la conclusion (erreurs de logique ignorées si la conclusion correspond aux croyances).

Darwin et le biais de confirmation

« J’ai pendant des années suivi une règle d’or : si je croisais un fait publié, une nouvelle observation ou une idée allant à l’encontre de mes résultats, j’en dressais sans faute et immédiatement un mémorandum. Car je savais d’expérience que ces faits et pensées-là, bien plus que les faits favorables, ont tendance à être oubliés. » (p.116)

41

Trompé par les chiffres, la causalité§ Le hasard est perçu plus régulier, plus étalé

dans le temps ou dans l'espace, qu'il ne l'est en réalité• Les cancers de Preignac (Fernelmont en Belgique).• La « vague de suicides » à France Telecom. • Biais classiques sur les faibles doses.• Étude des sous-groupes

§ Biais de proportionnalité (rôle de l'amélioration de l'outil d'observation).• Cancers de la thyroïde, cas d'autisme.

§ Difficulté à appréhender des causes multifactorielles• Affaiblissement et mortalité des colonies d'abeilles.

§ Biais d'ancrage en situation d'incertitude• Nombre de morts suite à Tchernobyl (Fukushima ?)

§ Attribution d'une cause à un effet• Coïncidence et causalité, Corrélation et causalité

42

L’étude des sous-groupes§ Statistiquement significatif.

• < 5% de chances d’être dû au hasard • 20 substances sur ces 25 caractéristiques:

500 comparaisons• Le hasard fera (en moyenne) 25

comparaisons « statistiquement significatives »

§ Analogie : • 5000 fois jets d’une pièce de monnaie non

truquée • On découpe la suite des 5000 jets en 500

séries de 10, • 25 (en moyenne) de ces sous-séries

auront une forte prédominance de piles ou de faces.

• « statistiquement significative » (si on avait fait une seule série de 10 jets, la probabilité d’avoir cette répartition extrême en termes de nombre de piles ou de face a moins de 5 chance sur cent de se produire).

• On aurait pu relier ces 500 séries à n’importe quoi

43Cf. article Catherine Hill, SPS 323

§ L’aspirine en prévention secondaire des AVC est inefficace chez les femmes.§ Le traitement antihypertenseur en prévention primaire est inefficace chez les femmes.§ Le traitement antihypertenseur est inefficace ou dangereux chez les personnes âgées.§ Les inhibiteurs de l’enzyme de conversion de l’angiotensine ne réduisent pas la mortalité et le risque d’hospitalisation chez les patients souffrant d’insuffisance cardiaque qui prennent également de l’aspirine.§ Les bêtabloquants sont inefficaces après un infarctus aigu du myocarde chez les personnes âgées et chez les patients avec un infarctus de la paroi inférieure du myocarde.§ La thrombolyse n’est pas efficace si elle est faite plus de 6 heures après le début de l’infarctus du myocarde.§ La thrombolyse de l’infarctus aigu du myocarde est inefficace ou dangereuse en cas d’antécédent d’infarctus du myocarde.§ Le citrate de tamoxifène est inefficace chez les femmes atteintes d’un cancer du sein qui ont moins de 50 ans.§ L’avantage de l’endartériectomie carotidienne pour une sténose symptomatique est réduit chez les patients prenant uniquement de l’aspirine à faible dose en raison d’un risque opératoire accru.§ L’amlodipine réduit la mortalité chez les patients atteints d’insuffisance cardiaque chronique si cette insuffisance est due à une cardiomyopathie non-ischémique mais pas si elle est due à une cardiomyopathie ischémique.

Chacune de ces affirmations a été réfutée par la suite.

Les limites de sa propre expertise§ Les « mille-feuilles argumentatifs »

• 11 septembre

§ Effet Dunning-Kruger• Tendance des personnes les moins

compétentes dans un domaine à surestimer leurs compétences et, inversement, des plus compétentes à les sous-estimer.

• Tout le monde a un avis sur comment doit se faire la production agricole (lecture Internet, ce qui se fait dans son jardin…).

§ Illusion de savoir• Quand deux situations se ressemblent,

l’illusion de savoir est la tendance à ne pas chercher plus loin

• « l'industrie X refait comme l'industrie du tabac », « c'est comme l'amiante ».

§ Biais de disponibilité

44

« Face à une question ardue, nous penchons souvent pour une réponse à une question facile, généralement sans prendre conscience de la substitution »

L'information disponible

§ Tendance à traiter le peu d’informations dont nous disposons sur un sujet comme s’il n’y en avait pas d’autres

§ Juger à partir de la facilité que l’on a à retrouver dans notre mémoire des illustrations particulières et non pas en rassemblant les données objectives existantes

§ Renforcement de nos croyances quand elles sont partagées par la communauté qui nous entoure

« La cascade de disponibilité »« Une cascade de disponibilité est une chaîne auto-entretenue d’événements, qui peut partir de réactions dans les médias à un événement relativement mineur et aboutir à une panique publique et à des actions à grande échelle du gouvernement. Dans certains cas, un article ou un reportage sur un risque attire l’attention d’une partie du public, dès lors inquiet et en éveil. Cette réaction émotionnelle suscite à son tour l’intérêt des médias qui renforcent sa couverture, ce qui accroît encore l’inquiétude et l’implication. Ce cycle est parfois sciemment accéléré par des “entrepreneurs de la disponibilité”, des individus ou des organisations qui travaillent pour garantir un flux incessant d’informations angoissantes. Le danger est de plus en plus exagéré tandis que les médias entrent en concurrence pour en faire les gros titres. Les scientifiques ou les autres entités qui tentent de calmer la peur ou le dégoût grandissants n’attirent que peu d’attention, voire suscitent des réactions hostiles : quiconque prétend que le danger est exagéré est soupçonné de collusion avec un “complot monstrueux” ».

Daniel Kahneman (Prix Nobel d’économie)

Émotions et motivations§ Risques versus bénéfices

• Plus de valeur à ce qu'on perd que ce qu'on acquiert. • Plus attentif aux mauvaises nouvelles qu'aux bonnes

(faire peur est plus facile…). « Les menaces sont prioritaires sur les opportunités ».

§ L'effet de possibilité : seul compte le fait que « ce soit possible »• Surestimation des faibles probabilités • Description détaillée des scénarios catastrophes

improbables.ØL'inquiétude ne sera éliminée que par le risque zéro,

sans considération ni pour sa faisabilité, ni pour son coût.

§ Le statu quo est préféré• En situation d'incertitude, on préfère ne rien faire. • Tort par inaction est préféré à un tort causé par une

action• Vaccination

§ Conformisme• Aller dans le sens majoritaire (se conformer à la norme) 47

Les valeurs

§ Le bon et le mauvais• Perçue comme mauvais = risque élevé.• Perçu comme bon = sans danger.

• Perception du risque lié aux déchets des centrales nucléaires vs le risque d'attraper un cancer de la peau en allant bronzer au soleil…

• Et la première chose que fait notre cerveau confronté à une nouvelle chose c'est d'évaluer si elle est bonne ou mauvaise…

• La nature est bonne… ce qui est naturel est sans danger.

• Le synthétique est mauvais… donc dangereux.

48

« Dans le monde imaginaire où nous vivons, les bonnes technologies n'ont que peu d'inconvénients, les mauvaises technologies n'ont pas d'avantages, et toutes les décisions sont faciles »

Mieux avant ?

Cancers en France

Risque et danger

§ Quelle est l'exposition ?§ Quelle est la dose ?

51

• Viandes rouges probablement cancérogène pour l'homme (groupe 2A) • Viandes transformées cancérogène pour l'homme (groupe 1)

Centre International de Recherche sur le Cancer (CIRC - OMS)

Internet et médiatisation

52

L'amplification d'Internet

§ Déséquilibre des motivations • les « croyants » plus motivés que les « non-

croyants ».• Les sites militants occupent les premières pages.

§ Information et immédiateté • Plus de recul et de vérification face à l'événement.• Alertes et rumeurs trouveront un journal privilégiant

le scoop, l'exclusivité, au détriment de la vérification, de la mise en perspective, de la nuance.

• L'effet boule de neige : la presse en parle, « pas de fumée sans feu »… et d'autres journaux vont emboîter le pas pour ne pas être en reste sur l'information qui circule déjà largement sur la toile.

§ La « transparence » d'Internet : tout peut se trouver sur tout • Pour un scandale révélé, combien d'histoires sans

signification seront la trame d'un récit paranoïde ?53

@

Le cycle de l’information scientifique

Traduit en français et librement adapté depuis www.phdcomics.com

… et par …

Les scientifiques vont à nouveau nous tuer POSTÉ PAR NATURE-EST-BONNECOMMENTAIRES (377)

LES OGM... JE CONNAIS !!!!

Un projet de loi est déposé pour interdire « A »

Votre étude.Conclusion: chez l’animal, A est corrélé avec B (p=0.56), étant donné C, en supposant D et sous la condition E.

Commencez ici

… est traduit par…

Service de communication de l’université

Des scientifiques trouvent un lien potentiel chez l’animal

entre A et B (sous certaines conditions)

… puis est repris par …LES AGENCES DE PRESSE

A cause Baffirment les scientifiques

A cause toujours BQue font les autorités ?

« A » : un tueur parmi nous…

Ce que vous ne savez pas sur « A »…« A » est un poison

… et relayé par…

…pour finalement atteindre…… votre grand-mère…

Je porte ça pour me protéger de « A »

Une illustration

55

When we applied a correction for multiple comparisons using an FDR method, none of the associations reported in the results section remained significant, the lowest corrected p-value being 0.42 for the association between BPA and the peer relations problem score at 3 y.

Results : BPA was positively associated with the relationship problems subscale at 3 y [incidence rate ratio (IRR): 1.11; 95% confidence interval (CI): 1.03, 1.20] and the hyperactivity–inattention subscale scores at 5 y (IRR: 1.08; 95% CI: 1.01, 1.14). Mono-n-butyl phthalate (MnBP) was positively associated with internalizing behavior, relationship problem, and emotional symptom scores at 3 y. Monobenzyl phthalate (MBzP) was positively associated with internalizing behavior and relationship problems scores at 3 y. After dichotomizing SDQ scores, triclosan tended to be positively associated with emotional symptom subscales at both 3 and 5 y.

Prenatal Exposure to Nonpersistent Endocrine Disruptors and Behavior in Boys at 3 and 5 Years

Septembre 2017

Une étude épidémiologique menée par l’Inserm […] montre que l’exposition pendant la grossesse à certains phénols et phtalates est associée à des troubles du comportement des garçons entre 3 et 5 ans. Les composés les plus préoccupants à cet égard sont le bisphénol A, le triclosan et le di-n-butyl phtalate, ou DBP.

Le comportement des petits garçons affecté par les perturbateurs endocriniens […] L’étude montre que l’exposition au bisphénol A était associée à une augmentation des troubles relationnels à 3 ans et des comportements de type hyperactif à 5 ans

Perturbateurs endocriniens : le comportement des petits garçons affecté.

Les perturbateurs endocriniens modifient le comportement des petits garçons

Proposition de loi enregistré à la Présidence de l’Assemblée nationale le 24 octobre 2017 visant à protéger et informer les consommateurs des substances à caractère perturbateur endocrinien« les travaux de cette étude épidémiologique menés par l’INSERM […] montrent que l’exposition pendant la grossesse à certains phénols et phtalates est associée à des troubles du comportement des garçons entre 3 et 5 ans ». Demander « de marquer d’un pictogramme “déconseillé aux femmes enceinte” tous les produits contenant des substances à caractère perturbateur endocrinien ».

La journaliste Géraldine Woessner (chronique « Le vrai-faux de l’info » : affirmer que cette étude prouverait l’effet des perturbateurs endocriniens sur le comportement des garçons est « très outrancier ». « Cette étude ne prouve rien scientifiquement. Il suffit de la lire d’ailleurs, pour s’en apercevoir. Mais, elle met en lumière des signaux d’alerte faibles, mais intéressants, qu’il sera indispensable d’approfondir »

Le prisme de la médiatisation§ La moitié des études scientifiques relayées

par les médias seront réfutées un jour• Étude réalisée par quatre chercheurs de l'université de

Bordeaux/CNRS• “Poor replication validity of biomedical association studies reported by

newspapers”, Estelle Dumas-Mallet , Andy Smith, Thomas Boraud, François Gonon. Février 2017, PLOS-One. doi.org/10.1371/journal.pone.0172650

• Les études dont les résultats sont négatifs ne sont jamais mentionnés par les journaux.

• Sur les 306 méta-analyses passées en revue, seules 5 ont fait l'objet d'un article de presse.

§ L’influence de la médiatisation sur la recherche• Enjoliver les résultats, les rendre plus positifs qu’ils ne

sont réellement• Recherche des financements

56

L’idéologie, la politique et l’économie

57

Les bons et les méchants

58

Les bons et les méchants« Dans la guerre de l'information, il existe deux catégories d'acteurs : les bons et lesméchants.Les bons étaient représentés généralement comme les représentants de la société civile enlutte contre les injustices et les malversations du monde économique et politique. Lesméchants étaient les puissants qui n'hésitaient pas à manipuler, tromper et désinformer pourdéfendre leurs intérêts […]. Les groupes représentant la société civile […] défendaient desarguments qu'ils estimaient fondés et les opposaient aux discours de leurs adversaires. Leurlégitimité symbolique se construit à travers l'image du défenseur de la veuve et de l'orphelin.Cette position de principe s'est fragilisée à partir du moment où ils ont décidés d'utiliser l'intox,la rumeur, le détournement d'image et la fabrication de faux éléments de langage pouraboutir à leurs fins. »Le « faible » réutilise à son compte les méthodes du « fort » qu'il critiquait et sait les mettreen scène médiatiquement.

59

« UnCRIIGEN[nous]semblemenerenmatièrederecherchesurlesOGMlemêmerôlequeledéfuntCouncilforTobaccoResearchfinancéparlescigarettiersaméricain:celuideprocureurinstruisantàchargeunequestionscientifiquesanslemoindresoucid'impartialité.S'ilestuneconclusionàtirerdel'affaireSéralini,c'estassurémentque,pourlapremièrefois,ungroupeassociatifarecouruauxméthodesdel'industrie,convaincuedepuisdesdécenniesqueriennevautunepublicationscientifiquepourdéfendresacause,etquepeuimportelaqualitédutravailderecherchemené »

Pas sans conséquence

60

§ DDT et paludisme

§ Riz doré

§ La vaccination

§ Statines

§ Antennes-relais et « électrosensibles »

§ Maladie de Lyme

Transposition artificielle d'une question de choix de société vers une fausse « controverse scientifique »§ Prive d'un vrai débat démocratique§ Instrumentalisation de la science et manipulation de l'information

La loi de Brandolini :l’asymétrie de l’argumentation

« La quantité d'énergie nécessaire pour réfuter des idioties est supérieure

d'un ordre de grandeur à celle nécessaire pour les produire »

“Bullshit Asymmetry Principle” (Alberto Brandolini)

Asymétrie renforcée :§ Exploitent les biais cognitifs de notre cerveau. § Semblent plausibles car perçues légitimes§ Sont binaires... à l’inverse des explications scientifiques qui sont

dans la nuance et le doute.§ Lancent une « alerte » (l’alerte est toujours positivement perçue)

• fournir des faits vérifiables pour éclairer le sujet = soupçonné d’être à la botte d’un lobby, de vouloir minimiser une souffrance ou d’étouffer un scandale.

61

L'expertise…

62

L’expertise en question

§ L'expertise et la décision• L'expertise est affaire de compétence• La décision est affaire de choix démocratique

§ Transparence, liens et conflits• Sans lien mais sans compétence ? Compétents mais corrompus ?• Liens financiers, mais aussi idéologiques, politiques…

63

Quelles solutions ?

64

@

Que faire ?

65

Argumentation scientifique

Formation à l'esprit critiqueConnaître ses biais.

« Le bien et le mal ». Parler aussi des conséquences, mais sans manipuler les faits.

L'expertise : mission de service public mais perfectible

Plus de science en politique et moins de politique en science

Merci

66

Recommended