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Mémoire de recherche HEC 2009 Ce document présente des réflexions sur le thème des réseaux sociaux et de l'internet mobile avec un focus particulier sur le rôle que les opérateurs de télécommunications peuvent jouer sur ce marché
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Benoit Hucafol Année 2008-2009
MASTER MANAGEMENT ET NOUVELLES TECHNOLOGIES
-
MÉMOIRE
Internet mobile et réseaux sociaux : Quel rôle pour
les opérateurs de télécommunication ?
HEC PARIS
Executive summary
Les réseaux sociaux ont révolutionné notre manière d’utiliser Internet et représentent
aujourd’hui un des usages prédominants sur le Web. Ils envahissent maintenant la
sphère du mobile et de nombreuses offres sont en train d’émerger. Les opérateurs
de télécommunication vont alors avoir un rôle à jouer dans ce nouvel écosystème
notamment parce qu’ils sont un intermédiaire indispensable pour fournir l’accès au
réseau Internet sur mobile. Au-delà de ça, il semblerait qu’ils puissent également tirer
des revenus supplémentaires de ces offres. Ainsi, il convient de s’interroger sur le
rôle que les opérateurs peuvent jouer sur le marché des réseaux sociaux mobiles ?
Historiquement les opérateurs de télécommunication ont su profiter des réseaux
sociaux pour tirer des revenus de leurs activités. Tout d’abord, ils ont su tirer profit de
leur rôle de média social en jouant sur les effets de réseaux et ainsi accroître leur
base client et leur part de marché. Ensuite, avec l’apparition des premiers réseaux
sociaux sur internet et notamment les plateformes de messagerie instantanée, ils ont
réussi à diversifier leurs revenus grâce aux premières offres « data » sur mobile.
Plus tard, avec l’émergence des plateformes de réseaux sociaux, ils sont parvenus à
créer les conditions d’une situation gagnant-gagnant avec ces sites communautaires
qui leur ont permis d’entrer réellement dans l’ère de l’internet mobile.
Néanmoins, ils doivent aujourd’hui faire face à de nombreuses menaces. En
provenance des constructeurs d’une part, qui cherchent à tirer leur épingle du jeu du
succès de ces sites communautaires sur mobile. De nouveaux acteurs de niche
d’autres part, parfois exclusivement mobiles, qui sont parvenus à innover et à
imposer de nouvelles offres sur un marché encore émergent (par exemple les
réseaux sociaux en mobilité, le carnet d’adresse comme point d’entrée des usages
mobiles).
Mais les opérateurs ont également des atouts à faire valoir comme l’importance de
leur base client ou des actifs existants sur des offres de contenu Web et mobile. A
l’inverse, ils ont également des faiblesses comme des contraintes organisationnelles
qui les rendent moins compétitifs et flexibles face à des start-up et leur problème de
légitimité et d’image de marque.
Une des réponses pourrait donc être ne pas entrer sur ce marché pour au contraire
de se focaliser sur le core business en tirant profit de la croissance de leur base
d’abonnés à la data mobile et en diversifiant leur catalogue de terminaux mobile
(smartphone, netbook, clé 3G, etc.). Par contre si les opérateurs décident de
conquérir ce marché il faudra alors choisir un positionnement différenciant et une
cible pertinente en proposant une offre avant tout attractive pour l’utilisateur
(ergonomique, facile d’accès, au design simple, etc.) et cohérente avec l’image de
marque (en lien avec leur rôle d’opérateur, légitime auprès de la cible : famille vs
jeune). L’entrée sur le marché pourra alors se faire par un renforcement des
partenariats existants mais aussi par une stratégie d’acquisition ou de
développement produit en interne. Les opérateurs pourront aussi jouer un rôle dans
la monétisation des réseaux sociaux sur mobile en proposant notamment des offres
publicitaires multiplateformes.
Introduction
Facebook, Twitter, Myspace, Orkut, LinkedIn, Viadéo, Bebo, Hi5, autant de noms
inconnus il y a 3 ans et qui font aujourd’hui partis de notre langage courant. « T’as un
Facebook ? », « J’ai lu ton dernier tweet, épatant ! », « Tu pourrais me faire une reco
sur LinkedIn ? ».
La réalité est bien là, nous vivons dans un monde socialisé où les interactions entre
les gens qui se faisaient autrefois au travers de rencontres physiques ou il y a moins
longtemps par des moyens de communication de personne(s)-à-personne(s)
(téléphone, fax, e-mail), passent maintenant par des plateformes de communication,
d’échange, de partage que l’on appelle « réseaux sociaux ». Quel outil formidable !
Grâce aux réseaux sociaux nous allons pouvoir rester en contact avec tous nos amis
sans avoir besoin de se déplacer ; échanger des photos sans avoir à sortir ce bon
vieil album photo ; donner son avis, commenter, dire s’il on aime ou pas sans
véritablement s’engager personnellement ou au moins en nuançant ses propos en
utilisant à toutes les sauces des acronymes dont la signification initiale semble
presque oubliée : « lol » (laughting out loud), « mdr » (mort de rire), « rofl » (rolling on
the floor laughing) ou en ponctuant ses phrases de smileys ; nous allons pouvoir
informer tous nos proches d’un seul coup sur ce que l’on est en train de faire à
l’instant précis, en mettant à jour son « statut » ou en publiant un tweet de quelques
mots ; nous pourrons discuter ou plutôt tchater avec une personne que l’on avait plus
revu depuis 10 ans ou qui est à l’autre bout de la planète sans dépenser un centime.
Tout cela et bien plus encore est maintenant possible grâce à ces gigantesques
plateformes multi-usages.
Mais ce Web « social » n’en n’est qu’à ses premiers balbutiements. Nous avons déjà
pu constater la croissance fulgurante de sites comme MySpace, Twitter ou Facebook
sur Internet (selon ComScore, Facebook est devenu le 4e site mondial en Juin 20091
avec 340 millions de visiteurs uniques, soit une croissance de +157% par rapport à
l’année précédente et de +554% par rapport à Juin 2007 !2). Néanmoins, de
nouveaux usages sont encore en train d’émerger, au rang desquels le surf en
mobilité semble le plus important et le plus déterminant pour l’avenir du secteur.
Dorénavant, il ne s’agira plus d’être simplement « connecté » avec ses amis via un
1 Clubic (6 Août 2009), Record d'audience pour Facebook, 4e site mondial2 Lemondedublog (14 Août 2008), Facebook devant MySpace (selon comScore)
réseau social mais en plus de rester en contact avec eux à tout moment, n’importe
où, sur n’importe quel support (d’où est né l’acronyme ATAWAD : Any Time, Any
Where, Any Device). Et cela passe inévitablement par le téléphone portable et les
réseaux mobiles. Cette nouvelle tendance s’annonce être comme une révolution car
elle va faire intervenir de nouveaux acteurs qui n’étaient pas présents jusqu’alors
dans cet échiquier. Les constructeurs de téléphones portables (ou manufacturiers)
tout d’abord, dont les activités n’étaient pas en lien avec ce marché et qui vont
devenir au travers du support du téléphone portable le dernier lien entre le service et
l’utilisateur. Les opérateurs de télécommunication, ensuite, qui comptent saisir
l’opportunité de l’émergence des réseaux sociaux sur mobile pour tirer profit de ce
marché en forte croissance. Et les perspectives sont plus qu’impressionnantes. En
effet, Informa prévoit qu’en 2012, 428 millions d’utilisateurs de réseaux sociaux dans
le monde le feront depuis leur mobile, contre 91,4 millions aujourd’hui soit une
croissance de +370%1 !
Dans ce contexte, de nombreuses questions restent posées et particulièrement pour
les opérateurs de télécommunication. En effet, les manufacturiers doivent répondre à
des enjeux assez basiques ou tout du moins classiques par rapport à leurs activités
et qui reposent principalement sur des questions de fonctionnalités, d’expérience
utilisateur et d’accès au service. Pour les opérateurs, l’enjeu est tout autre car au-
delà du simple fait de pourvoir aux plateformes de réseaux sociaux un moyen de
communication en mobilité, leur « réseau », ils apparaissent comme des
intermédiaires indispensables pour leur permettre de diffuser leur plateforme en
mobilité. Ainsi, est-ce que l’émergence des réseaux sociaux sur mobile ne serait pas
une opportunité pour ces acteurs de tirer des revenus autres que leur core
business d’opérateur, de pourvoyeur d’infrastructure réseau ? Est-ce que cette
tendance ne serait pas l’occasion de rattraper le virage plus ou moins manqué du
Web en tant que fournisseur de contenu et de service ?
Ce nouveau paradigme soulève néanmoins une problématique profonde. En effet,
au-delà du pourquoi le faire qui semble assez aisé à résoudre ne serait-ce que part
l’opportunité de générer de nouvelles sources de revenus, il convient surtout de
s’interroger sur comment le faire ? Il s’agit donc ici de savoir quel rôle les
opérateurs de télécommunication peuvent jouer sur le marché des réseaux
sociaux sur mobile ?
1 orange-innovation.tv (1 Juillet 2009), Les réseaux sociaux en mobilité
Pour cela, nous devrons tout d’abord nous intéresser à ce qui fait le lien entre les
réseaux sociaux et les réseaux de télécommunication afin de mieux percevoir les
similitudes entre ces deux notions et d’en évaluer le potentiel pour les opérateurs.
Nous parcourrons au travers d’exemples concrets les prémices des réseaux sociaux
sur mobile et le rôle joué à ce moment là par les opérateurs, pour enfin aboutir à la
situation actuelle et les relations entre plateformes de réseaux sociaux et opérateurs
de téléphonie mobile. Nous verrons ensuite comment le marché est en train
d’évoluer. Nous nous intéresserons aux nouvelles tendances d’usage, aux nouvelles
fonctionnalités, à l’émergence de nouveaux acteurs afin de percevoir les
opportunités de ce marché pour les opérateurs mais aussi les menaces qu’il peut
représenter. Enfin, nous tenterons de définir un positionnement pour les opérateurs
en analysant leur forces et leur faiblesse sur ce marché, afin d’identifier les possibles
relais de croissance et la ou les stratégies à adopter.
1. Du téléphone portable aux réseaux sociaux mobiles
a. Réseaux sociaux et téléphone portable : deux notions intrinsèquement liées
i. Définition des réseaux sociaux : du réseau social au média social
Intéressons-nous tout d’abord à la notion de réseau social à proprement parlé et
tentons d’en apporter une définition. Cette mission est loin d’être aisée car sous le
terme réseau social se cachent de nombreuses significations qu’il est difficile de
résumer simplement. Une simple recherche sur Google des termes « réseau +
social » en dit long sur l’étendu de cette notion : plus de 12 millions de résultats ! Et
encore 500 000 résultats pour « réseaux + social + définition » !
Néanmoins, en analysant les différentes définitions on constate que l’on peut
distinguer les réseaux sociaux dans leur dimension sociétale et sociologique des
plateformes de réseautage social sur internet.
Pour les réseaux sociaux dans leur définition sociologique, la démarche adoptée est
scientifique. C’est la définition choisie par Wikipedia : « Un réseau social est un
ensemble d'entités sociales telles que des individus ou des organisations sociales
reliées entre elles par des liens créés lors des interactions sociales. Il se représente
par une structure ou une forme dynamique d'un groupement social »1. Par ailleurs,
on apprend que pour cette définition une théorisation des réseaux sociaux a été
formulée. Elle vise à modéliser les réseaux sociaux par des structures complexes
formées de nœuds représentants la plupart du temps des individus ou des
institutions et de liens, représentant les interactions entre les nœuds, celles-ci
pouvant être de plusieurs ordres. Cette « théorie des réseaux sociaux » utilise des
graphes qui permettent d’évaluer par des calculs matriciels le degré d’interaction et
les propriétés d’un réseau et ainsi d’en évoluer l’efficience. Ainsi, on pourra constater
qu’un réseau « fermé » avec des liens forts entre les membres et moins utile qu’un
réseau « ouvert » avec des liens plus faibles car la quantité d’informations
échangées est plus élevée dans le second. De même, un individu pourra renforcer
son influence dans son réseau en comblant un « trou structural », c'est-à-dire en
1 Wikipedia, Réseau social
faisant le pont entre deux réseaux qui n’étaient pas liés à l’origine (source
Wikipedia1). L’analyse des réseaux a également permis au sociologue Stanley
Milgram dans son étude sur « l’effet du petit monde » de constater suite à une
expérience menée aux Etats-Unis, que deux individus pris au hasard n’importe où et
à n’importe quel moment sont reliés par au maximum six personnes. C’est la règle
des « six degrés de séparation ». Ce phénomène est bien entendu d’autant plus vrai
avec l’apparition d’internet (source Wikipedia2).
Figure 1 – Représentation des 6 degrés de séparation²
Pour les sites communautaires, la référence semble bel et bien être Facebook. En
effet, il apparait possible de définir les plateformes de réseaux sociaux comme on
présenterait ce site : « Le terme désigne un site internet permettant à l’internaute de
s’inscrire et d’y créer une carte d’identité virtuelle appelée le plus souvent « profil ».
Le réseau est dit social en ce qu’il permet d’échanger des messages publics ou
privés, des liens hypertexte, des vidéos, des photos, des jeux, avec les autres
membres inscrits sur le même réseau »3. Le réseau social dans ce sens là ferait
donc plus référence à un média dans le sens où il joue le rôle d’intermédiaire. C’est
un moyen de faire communiquer, échanger, partager les gens au travers d’une
plateforme. C’est aussi un moyen de rencontrer des individus, et ainsi pour ses
utilisateurs de se constituer un réseau, d’agrandir son cercle de relation. C’est
pourquoi on pourrait le qualifier de « Média social ». En outre, au-delà de la
dénomination de réseau social pour une plateforme communautaire on constate
dans l’utilisation qu’on pourrait plus parler de réseaux sociaux au pluriel pour une
unique plateforme. En effet, on observe qu’au sein d’une même plateforme, une
personne peut se constituer plusieurs réseaux, par exemple, les collègues, les
1 Wikipedia, Analyse de réseaux sociaux2 Wikipedia, Six degrés de séparation3 Suivez le Geek (1 Janvier 2008), Définition : Réseau social
anciens de l’école, la famille, les amis, etc. L’application Friend wheel sur Facebook
montre très bien ce phénomène en représentant sur une roue où chaque point du
cercle représente un ami, les relations entre chaque ami par des traits. On observe
ainsi très facilement les différents « groupes » qui se forment.
Figure 2 - Friend Wheel1
En analysant ces deux définitions qui semblent de prime abord distinctes, on peut
néanmoins constater qu’elles se rapprochent dans le sens où les plateformes de
réseaux sociaux semblent être une dimension des réseaux sociaux au sens
sociologique. Les nœuds étant les membres du réseau, les liens étant les
connexions entre les membres du réseau. Cette similitude permet d’introduire la
notion de « réputation virtuelle » ou d’« e-réputation ». Elle consiste à évaluer la
réputation d’une personne sur internet. Ainsi, dans un réseau social une personne
peut renforcer sa réputation à mesure où son réseau augmente selon les principes
que nous avons vus précédemment. Notamment, une personne membre de réseaux
« ouverts » (dans le sens où elle sera en lien avec une grande quantité de personnes
même si les interactions sont faibles) aura plus d’influence sur internet qu’une
personne membre de réseaux « fermés » car dans le premier cas, son niveau
d’informations partagées et sa capacité d’échange seront plus importants. De même,
on pourra évaluer les rapports d’influence exercés par des membres d’un réseau
social à leur capacité à boucher un trou structural. Par exemple, sur LinkedIn (réseau
social professionnel permettant de rester en contact avec ses collègues et de
1 Facebook
rencontrer de nouveaux collaborateurs), un membre du réseau social ne voit-il pas
son pouvoir d’influence se renforcer quand son réseau augmente dans la mesure où
il peut de plus en plus permettre à deux membres du réseau ou même à deux
réseaux, des groupements professionnels par exemple, de se rejoindre selon le
principe du FOAF ? (« Friend of a Friend » : principe fondé sur la confiance mutuelle
des membres d’un même réseau qui autorise la mise en relation de deux personnes
selon le principe du célèbre adage « les amis de mes amis sont mes amis »). Ces
principes peuvent en un sens justifier la « boulimie » de certains membres de
réseaux sociaux à multiplier leur nombre de contacts.
Néanmoins, ce qui distingue les plateformes communautaires est le caractère
particulier des échanges qu’elles créent entre les membres d’un réseau. Il s’agit
principalement de la communication (messagerie, tchat, VoIP), du partage
d’informations (liens hypertexte, agenda, mise à jour du statut), de l’échange de
données (photos, vidéos, jeux, etc.). Elles deviennent ainsi des points de rencontre
où les individus mettent à disposition leur contenu pour les partager avec d’autres
personnes. Elles permettent de centraliser l’information à un seul et même endroit,
sous un profil unique et disponible de tous. Ainsi, on pourra qualifier les
plateformes communautaires de « média sociaux ».
ii. Le réseau de téléphonie mobile : un réseau social par définition
Alors, quel(s) lien(s) pouvons-nous trouver entre réseaux sociaux et réseaux de
téléphonie mobile ? Tout d’abord, le mot réseau ! Cela présage bien que les réseaux
téléphoniques ont une structure similaire aux réseaux sociaux. En effet, tout comme
les réseaux sociaux, les réseaux de téléphonie sont constitués de nœuds et de liens.
On peut envisager de distinguer plusieurs niveaux de maillage du réseau. Dans le
plus petit niveau, les nœuds seraient les téléphones portables et les liens, les ondes
émises et reçus entre le téléphone et l’antenne relais. Au niveau au dessus, les
téléphones laisseraient place aux antennes relais elles-mêmes reliées entre elles par
un système complexe de réseau de téléphonie utilisant principalement des câbles,
des serveurs et des bases de données. Le dernier niveau serait alors à l’échelle
d’une région voire d’un pays, la manière où cet ensemble serait relié à n’importe quel
autre ensemble. Ainsi, le réseau de téléphonie mobile dans sa définition technique
s’apparente bien à un réseau social dans la mesure où il est fondé sur une structure
en nœuds et liens qui ont des interactions entre eux par les échanges qui sont fait
sur le réseau.
Néanmoins, au-delà de la caractéristique intrinsèque du réseau de téléphonie de
permettre la mise en contact des individus par l’intermédiaire du combiné
téléphonique et du réseau de communication, n’y a-t-il pas une autre fonction
permise par l’utilisation de ces réseaux? En d’autres termes, est-ce que les réseaux
de téléphonie mobile s’apparentent plus à des réseaux sociaux ou à des médias
sociaux ?
L’intervention des opérateurs de téléphonie mobile dans cette organisation peut nous
permettre de répondre à cette interrogation. En effet, de la même manière qu’une
plateforme de média social se fonde sur les interactions entre les gens pour proposer
un service (de communication, de partage, d’échange), les opérateurs de téléphonie
mobile se fondent sur l’organisation du réseau mobile pour proposer un service de
communication. Ainsi, grâce aux liens sociaux qu’il existe entre les gens, les
opérateurs jouent le rôle d’intermédiaire en permettant aux individus qui ont un
téléphone portable de communiquer oralement, par écrit, voire même d’échanger
des données par exemple en envoyant une photo par MMS. D’ailleurs, on retrouve
bien les éléments constitutifs d’une plateforme de réseau social dans un téléphone.
Le profil serait représenté par le numéro de téléphone d’une personne qui aurait
accès au profil de tous ses contacts par l’intermédiaire de son carnet d’adresse et qui
aurait à sa disposition des moyens d’échange et de communication la voix, les SMS,
etc.
Nous avons donc bien deux niveaux d’analyse. Le réseau de téléphonie constitué de
nœuds et de liens et qui permet des interconnexions entre les combinés
téléphoniques et les plateformes de communication proposées par les
opérateurs qui remplissent la fonction de média social en proposant une
couche de service sur le réseau.
iii. Comment les opérateurs de téléphonie mobile ont su tirer profit de leur rôle de média social ?
Les opérateurs de téléphonie mobile qui existaient bien avant les premières
plateformes de réseaux sociaux ont su tirer profit de leur rôle d’intermédiaire pour
mettre en contact les membres d’un réseau. En effet, au-delà de la simple facturation
du service, par les abonnements par exemple, ils ont su profiter des principes qui
régissent les réseaux sociaux. Pour montrer cela, il nous faut introduire la notion
d’« effet de réseau ». Selon Wikipedia, un effet de réseau est : « un mécanisme
d'externalité positive économique (je rajouterai, ou d’externalité négative) qui prévoit
que l'utilité d'un bien pour un agent dépende du nombre des autres utilisateurs »1. En
d’autres termes, un utilisateur valorisera plus fortement un réseau par rapport à un
autre à mesure où le nombre de membres de ce réseau augmentera. Cette
valorisation peut se manifester par une propension à payer plus cher ou à le
recommander positivement. Les réseaux de télécommunication, au même titre que
les plateformes de réseaux sociaux, répondent à ce phénomène. Ainsi, dans le cas
des réseaux de télécommunication, l’impact peut être positif dans la mesure où plus
il y aura de personnes équipées d’un téléphone, plus les utilisateurs auront la
possibilité de communiquer entre eux mais je rajouterai également qu’il peut être
négatif car par exemple l’accroissement des personnes sur un réseau peut impliquer
des problèmes de congestion voire de saturation de la ligne.
A l’origine, les opérateurs de télécommunication ont donc profité de cette externalité
positive pour accroître leur base de client. En effet, à mesure où le nombre
d’utilisateurs de téléphones portables augmentait, les personnes déjà équipées
valorisaient d’autant plus leur présence sur le réseau que le nombre de personnes
qu’ils pouvaient joindre augmentait ; et les personnes non équipées, étaient d’autant
plus incitées à prendre un abonnement qu’elles connaissaient de plus en plus de
gens équipés.
En outre, plus que ce constat qui justifie la croissance fulgurante du nombre de
personnes connectées au réseau de téléphonie mobile (de même que la croissance
fulgurante des plateformes communautaires !), les opérateurs ont su jouer par la
suite de ces effets de réseau pour accroitre leur base client et gagner des parts de
marché. En effet, le premier effet de réseau vu précédemment ne peut pas justifier
de l’avantage concurrentiel d’un opérateur par rapport à un autre dans la mesure où
les réseaux de chaque opérateur sont interopérables : le fait d’être chez Orange
permet à n’importe quel utilisateur de téléphoner aux abonnés Orange mais aussi de
1 Wikipedia, Effet de réseau
SFR ou Bouygues. C’est pourquoi les opérateurs ont dû inventer des propositions
commerciales leur permettant de contourner ce cadre technique et réglementaire.
Pour cela, ils sont partis de leur rôle de média sociaux. En effet nous l’avons vu, au
même titre que les utilisateurs de plateformes communautaires ont un profil et des
contacts, les abonnés d’un opérateur ont un numéro de téléphone et un carnet
d’adresse. Dans ce cas, pourquoi ne pas simplement utiliser l’effet de réseau non
plus sur le réseau de téléphonie qui est interopérable et non différenciant mais sur le
réseau de contact de l’abonné ? En d’autres termes, quelles incitations peut-on créer
pour qu’un abonné valorise sa présence chez un opérateur à mesure que son carnet
d’adresse se trouve chez cet opérateur ? Tout simplement en proposant des offres et
abonnements exclusivement réservés aux abonnés de cet opérateur. Ainsi, on a pu
voir fleurir des offres du type : « votre temps de communication est doublé vers les
numéros du même opérateur le soir et le WE », « vous avez la possibilité de
téléphoner en illimité vers vos 4 numéros préférés du même opérateur », etc. Ainsi,
les opérateurs ont créé artificiellement le cadre où se jouent les externalités positives
d’un réseau. La valorisation d’un abonné d’être chez un opérateur accroît à mesure
où son carnet d’adresse s’y trouve également car il peut bénéficier de l’offre avec
plus de ses contacts. Ainsi, l’abonné pourra être prêt à payer plus cher car il valorisa
d’autant plus sa présence et celle de ses contacts sur le réseau. Les opérateurs ne
s’y sont pas trompés et ont le plus souvent vendu ces offres sous forme d’options
payantes, sans parler des cas où un utilisateur doit changer d’opérateur pour
rejoindre ses contacts et parfois bénéficier de tarifs moins avantageux. Ainsi, les
opérateurs sortent doublement gagnant de cette situation d’effet de réseau.
Non seulement ces propositions commerciales leur permettent d’accroitre leur
base client et leur part de marché mais en plus cela leur permet de générer des
revenus supplémentaires.
b. L’apparition de l’internet mobile : Les premiers usages de réseaux sociaux sur mobile
i. Un peu d’histoire : les premières plateformes de réseaux sociaux et offres data mobile
Nous avons admis comme définition des média sociaux qu’ils étaient en plus d’un
ensemble de nœuds et de liens, un moyen de communication et de partage entre
personnes. On peut ainsi en conclure que les 3 composantes essentielles d’un
média social sont : un utilisateur ayant une personnalité virtuelle, un profil ou un
numéro de téléphone, un réseau de contact soit dans une liste de membres soit
dans le cas du téléphone un carnet d’adresse, et des moyens de partage,
d’échange et/ou de communication, entre cet individu et les membres de son
réseau. Ainsi, bien avant l’apparition des plateformes de réseaux sociaux comme
Facebook ou Myspace, il existait sur internet des sites correspondants à cette
définition de média social. Ce sont ces premiers sites qui ont été à l’origine de
l’apparition du terme Web 2.0. On est en effet passé d’un Web 1.0 « statique »,
fondé sur des pages Web créés par des webmasters et des éditorialistes, et reliées
entres elles par des liens hypertextes à un Web 2.0 « dynamique » où l’utilisateur
pouvait au sein de son réseau interagir, communiquer, échanger et était lui-même
producteur de contenu par les UGC (User Generated Content ou Contenu généré
par les utilisateurs). Les deux exemples les plus frappants de ce Web
communautaire sont sans doute le phénomène des blogs et de la messagerie
instantanée.
La naissance des premiers blogs est difficile à déterminer. On a vu l’apparition de ce
qui s’en rapproche le plus aux Etats-Unis à la fin des années 90 avec des sites
présentés sous la forme d'un carnet de bord recensant des pages Web (au moyen
d'une liste de liens hypertexte) que l'auteur avait jugées intéressantes,
accompagnées de commentaires1. Mais ces blogs s’apparentaient plus à des pages
statiques qu’à de réels sites 2.0. Ce n’est vraiment avec l’apparition de plateformes
d’édition de blog comme Blogger en 1999 ou du français Skyblog en 2002, que le
phénomène des blogs a connu un succès fulgurant. Beaucoup de nouvelles
plateformes suivirent, regroupant toutes plus ou moins les même fonctionnalités :
création d’un profil, publication d’information (texte, image, son, vidéo), rédaction de
commentaires par les lecteurs du blog. En outre, un blog est souvent lu par un
ensemble d’internautes qui eux-mêmes publient souvent des blogs qui peuvent être
lus par ces mêmes blogueurs. Ces blogs peuvent aussi être reliés entre eux par un
système de « trackback » qui est une forme de citation d’un blog sur un autre blog.
On peut ainsi parler de véritables communautés de blogueurs.
1 Wikipedia, Blog
De la même manière, la date d’apparition de la messagerie instantanée est assez
peu précise. On considère que le premier acteur sur ce marché a été ICQ en 1996,
puis suivirent Yahoo ! Messenger en 1998 et MSN en 1999. Cet outil a connu un
succès impressionnant puisqu’en 2002 on enregistre autant de courriers
électroniques que de messages instantanés échangés dans le monde avec un
nombre d’utilisateurs aux alentours des 360 millions1. Par ailleurs, ces plateformes
de messagerie instantanée ont très vite compris le principe des effets de réseaux et
elles ont souvent posé des problèmes d’interopérabilité avec pour enjeu principal de
réunir le maximum d’utilisateurs afin de générer des revenus publicitaires. Encore
une fois, la messagerie instantanée remplit les critères d’un média social dans le
sens où l’utilisateur doit se créer un compte et donc un profil, se constituer un réseau
d’amis qu’il voit apparaitre dans la liste de ses contacts et communique avec les
membres de son réseau par tchat, puis plus tard par la voix et la vidéo via une
webcam.
Parallèlement à cela, les réseaux de téléphonie ont également évolué. De même que
le Web 1.0 est devenu le Web 2.0, les réseaux des téléphonies sont passés en
France de la 1G (réseau GSM) à la 2G (réseau GPRS) en 2001, puis 2,5G (réseau
EDGE) en 2004 et enfin 3G (réseau UMTS) en 2006 pour être aujourd’hui à la 3,5G
(réseau HSDPA). Ces évolutions successives se sont traduites par des
augmentations de débit permettant d’échanger des données de plus en plus
volumineuses et de plus en plus vite. Ainsi, les téléphones mobiles ne permettent
plus seulement de passer des communications voix mais aussi d’avoir des usages
« data », comme le surf sur internet depuis les téléphones portables pour consulter
un site internet ou lire ses e-mails par exemple.
L’émergence quasi simultanée des plateformes communautaires et des offres data
n’est bien sur pas anodine et les premières offres de connexion à des plateformes de
réseaux sociaux via un téléphone portable n’ont pas tardé à faire leur apparition.
ii. Le rôle joué par les opérateurs et les premiers résultats
Le lancement de la data sur téléphone portable était originellement prévu pour des
usages de surf mobile. Ainsi, parallèlement à l’ouverture de ces nouveaux réseaux,
1 Wikipedia, Messagerie instantanée
le protocole wap a été créé. Il visait à compresser au maximum les pages web pour
d’une part permettre un temps de chargement le plus court possible et d’autre part
rendre mieux lisibles les pages internet sur un écran de téléphone portable. Mais ce
type de service n’a pas connu le succès escompté. Face à cette situation les
opérateurs ont décidé d’élargir leur gamme de service proposé. C’est pourquoi ils ont
décidé en 2005 pour les premiers de lancer un service de messagerie instantanée
basé sur l’utilisation des réseaux de data mobile. L’idée de base était de faire évoluer
les moyens de communication écrite sur téléphone portable en remplaçant les SMS
par de la messagerie instantanée avec ses contacts. De plus, ce service introduisait
une première dimension de convergence, en proposant en plus d’une communication
avec ses contacts sur portable, une possibilité d’échanges depuis le téléphone avec
les membres de son réseau connectés sur un client de messagerie instantanée sur
PC.
Orange a été un des premiers à lancer ce type de service avec Orange Messenger
en 2005. Le client de messagerie était disponible gratuitement et devait être installé
sur les téléphones portables compatibles. Le tchat était également disponible depuis
le portail wap Orangeworld et par SMS surtaxé. Les utilisateurs pouvaient ensuite
échanger entre clients mobile Orange mais également avec les utilisateurs de
Wanadoo Messenger et Voilà Messenger1. Mais fin 2006, face au succès mitigé de
la solution créée par Orange, le groupe décide de signer un partenariat avec
Microsoft pour utiliser sa solution Windows Live Messenger afin de créer un client de
messagerie brandé Orange, Orange Messenger by Windows Live. Cet outil encore
une fois basé sur la convergence PC/mobile était disponible sur PC sous forme d’un
logiciel gratuit et sur mobile au travers d’une application Java. L’objectif principal était
d’augmenter le potentiel d’échange en permettant une communication entre les 135
millions clients d’Orange et les 240 millions utilisateurs de Windows Live Messenger
dans le monde2. Orange a par la suite élargi son offre en proposant un service de
VoIP depuis la version fixe de Orange Messenger by Windows Live qui permettait
alors de téléphoner en illimité sur les téléphones fixe français pour 10€ par mois3.
Face à Orange, d’autres acteurs se sont positionnés sur ce secteur comme
Bouygues et SFR. Bouygues fut l’un des précurseurs sur ce marché en proposant
une connexion à Windows Live Messenger via leur réseau i-mode dès 2005. Le
1 Echos du Net (22 Mai 2005), Orange Messenger 2 Communiqué de presse France Telecom (18 Octobre 2006)3 Site internet Orange.fr
succès fut au rendez-vous puisque 60 000 clients Bouygues étaient abonnés au
service après un an de mise en service au prix de 2,50€/mois1.
Mais l’exemple le plus frappant est sans doute celui du MVNO (Mobile Virtual
Network Operator) Ten créé en juin 2006, qui a choisi de se positionner sur une
clientèle jeune avec pour objectif de devenir l’opérateur de référence sur les réseaux
sociaux mobile et en particulier sur les moyens de communications novateurs depuis
le téléphone portable. Ainsi, il propose dès sa création un accès à Windows Live
Messenger et au client mail d’Hotmail sur mobile de manière illimité pour 5€ par
mois2. Mais quelques mois après sa création et en parti pour contrer l’initiative
d’Orange et son partenariat avec Microsoft, Ten choisit de rendre l’accès à Windows
Live Messenger totalement gratuit. La logique de son fondateur Jean-Louis
Constanza étant de penser que : « Chez Ten, nous sommes les premiers à avoir
compris que c'était inacceptable, aujourd'hui, de ne pas avoir Windows Live
Messenger sur les mobiles. C'est un peu comme les SMS il y a 5 ans. Nous avons
poussé le raisonnement : si ça doit être chez tout le monde, il faut que ce soit
gratuit. »3. Ce pari s’avère payant puisque Ten intègre Orange début 2008 pour
proposer un des premiers forfaits « tout illimité » comprenant voix, surf, mail et bien
sur Orange Messenger by Windows Live4 !
Ainsi, les opérateurs de télécommunication ont su profiter du succès des
premiers réseaux sociaux de messagerie instantanée pour encourager l’usage
de la data sur mobile. Mais bientôt, une 2e révolution va bouleverser ce marché
avec l’arrivée des plateformes de média sociaux qui vont accroitre de manière
considérablement l’usage de l’internet mobile et générer un trafic jamais égalé
auparavant sur les réseaux data des opérateurs de télécommunication
c. L’explosion des réseaux sociaux mobiles : un facteur de croissance pour les usages data
1 Giiks (20 Octobre 2006), 60 000 abonnés à Windows Live Messenger sur i-mode2 L’Atelier (7 Novembre 2006), MVNO: MSN Messenger sera gratuit sur les mobiles Ten-Mobile3 Lesmobiles.com (7 Novembre 2006), Windows Live Messenger gratuit chez Ten4 GénérationMP3 (21 Février 2008), Orange et Ten by Orange lancent leurs nouvelles offres multimédia
i. Des réseaux sociaux sur Internet aux réseaux sociaux sur mobile : le portage des versions internet sur téléphone portable
Avant de présenter cette nouvelle donne, il convient d’introduire plus en détail le
marché des plateformes de média sociaux sur internet pour ensuite entrer dans le
détail des offres sur mobile.
Le marché des réseaux sociaux est un des plus grands succès de ces dernières
années sur internet. Nous l’avons vu, au Web 1.0 a succédé le Web 2.0. Un de ses
fondements a été de mettre l’utilisateur au centre d’internet. L’internaute est devenu
ainsi un véritable acteur du Web qui intervient directement sur le contenu des pages
diffusées sur le Web. Les premières plateformes ont d’abord été les blogs, les Wikis
et dans une moindre mesure les forums et tchat. Mais vers le milieu des années
2000, une plateforme d’un genre nouveau a vu son apparition. Il s’agit de ce que l’on
appelle généralement les « réseaux sociaux » mais on pourra parler également de
« sites communautaires » dans le sens où ils constituent des plateformes où se
rassemblent des communautés d’intérêt. La principale différence entre ces sites
et les plateformes précédemment citées est qu’ils permettent non seulement de
se constituer une liste de contact, mais en plus de rendre visible sa liste de
contact et de naviguer entre les différents profils d’utilisateur. Ainsi, les
principales fonctionnalités que l’on peut retrouver dans les plateformes
communautaires sont bien sûr les trois composantes d’un média social : création et
mise à jour d’un profil, création d’une liste de contact et mise à disposition de
moyens d’échange, de partage et/ou de communication, mais donc aussi la
recherche de profils et le listing des membres du réseau. Parmi les moyens de
communication on trouve principalement la messagerie, le tchat et la publication
d’information. Ces informations peuvent être publiées sous forme de texte (court
pour la mise à jour du profil ou le micro-blogging par exemple ; ou long comme pour
l’écriture d’articles ou de commentaires), de liens hypertextes, d’images, de vidéos,
de sons. En outre, la fonctionnalité de recherche de profils permet également de
faciliter les rencontres entre les membres d’un réseau et donc de faire grossir sa
communauté.
Les réseaux sociaux sont par ailleurs fondés autour d’un centre d’intérêt. Ainsi, les
communautés se constituent autour de passions, de hobbies, de communautés
ethniques ou religieuses, ou tout simplement d’un thème. On appelle ce centre
d’intérêt l’objet social, c’est ce pourquoi les utilisateurs d’un site de réseau social font
parti d’une communauté. L’objet social peut également être centré sur un type de
données particulier. Par exemple, pour un site comme Youtube1, l’objet social sera la
vidéo. De la même manière, sur Deezer2, l’objet social sera la musique. Par ailleurs,
on peut trouver des sites construits autour d’un thème comme le réseau
professionnel, avec des sites comme LinkedIn3 ou Viadéo4 mais aussi de passions
comme Last.fm5 pour la musique ou uLike6 qui est un site généraliste de passionnés.
De même, il existe des sites fondés pour des communautés ethniques ou religieuses
comme holypad7 pour les chrétiens américains ou blackplanet8 regroupant des
membres de la communauté noire à travers le monde. Enfin, on peut trouver des
plateformes dites « généralistes ». Ce sont des sites qui n’ont pas d’objet social en
particulier mais qui regroupent un ensemble de thèmes. Parmi, ces réseaux
communautaires on trouve Facebook9, Bebo10, Orkut11 ou Hi512 pour n’en citer que
quelques uns. Cependant, on pourrait imaginer que bien que ces plateformes n’aient
pas d’objet social à proprement parlé, l’intérêt de ces sites pour un utilisateur soit que
son réseau de contact se retrouve sur une seule et unique plateforme et qu’il puisse
ainsi partager une partie ou l’ensemble des informations que l’on peut trouver sur
des sites spécialisés depuis une seule plateforme. L’objet social pourrait donc être
purement et simplement le réseau social.
En outre, ces plateformes communautaires ont connu un succès fulgurant partout
dans le monde et sont aujourd’hui parmi les premiers sites les plus visités. Ainsi, en
France, selon ComScore, le nombre de visiteurs uniques de réseaux sociaux a crû
de 45% entre Décembre 2007 et Décembre 2008 pour représenter plus de 60% des
utilisateurs d’internet, la croissance la plus importante étant Facebook qui est passé
de 2 millions de visiteurs uniques à 11 millions en un an !13
1 www.youtube.com2 www.deezer.com3 www.linkedin.com4 www.viadeo.com5 www.lastfm.com6 www.ulike.net7 www.holypal.com8 www.blackplanet.com9 www.facebook.com10 www.bebo.com11 www.orkut.com12 www.hi5.com13 Communiqué de presse comScore (17 Février 2009)
A Selection of Leading Social Networking Sites
Ranked by Total French Unique Visitors (000)*
Total France, Age 15+ - Home & Work Locations
December 2008 vs. December 2007
Source: comScore World Metrix
Property Dec-2007 Dec-2008 % Change
Total French Internet Audience 28,729 34,010 18%
Social Networking 14,984 21,745 45%
Facebook.com 2,211 11,996 443%
Skyrock 10,221 11,042 8%
Linternaute Copains d Avant 2,709 5,753 112%
MySpace Sites 2,597 2,994 15%
Flickr.com 824 1,809 120%
Trombi.com 1,144 1,456 27%
Hi5.com 528 980 86%
Netlog.com 738 920 25%
Viadeo 334 904 171%
Badoo.com 563 733 30%
* Excludes traffic from public computers such as Internet cafes or access from mobile phones or PDAs.
Figure 3 - Audience des principes réseaux sociaux en France1
Mais ce phénomène est bien mondial avec des chiffres qui donnent le vertige : 2
humains sur 3 connectés à Internet visitent des sites de réseau social2 (Source :
Nielsen), toutes les minutes 13 heures de vidéos sont uploadées sur YouTube, 3,6
milliards de photos sont archivés sur Flickr à la date de Juin 2009, 3 millions de
Tweets sont échangés chaque jour sur Twitter, 5 milliards de minutes sont passées
chaque jour sur Facebook3 !
Face au succès incroyable rencontré par ces plateformes sur Internet, il a fallu peu
de temps pour que des versions soient portées sur mobile. L’objectif est simple,
1 Communiqué de presse comScore (17 Février 2009)2 Nielsen (2009), Global Faces & Networked Places3 Marta Kagan (2009), What the F**K is Social Media: One Year Later
permettre à tous les utilisateurs de réseaux sociaux de pouvoir être connecté à leur
communauté n’importe quand, depuis n’importe quel endroit. Ainsi, Jordy Mont-
Reynaud, directeur des services mobiles chez Bebo a pu déclarer : « Sur mobile,
vous interagissez avec votre réseau social 24 heures par jour, contre 40 minutes
maximum sur ordinateur »1.
En termes de services proposés, les versions mobiles sont bien souvent des
versions allégées des versions PC. Ainsi, Youtube ne proposera pas l’ensemble de
son catalogue sur mobile mais simplement une sélection des vidéos les plus
populaires. De même Facebook a réduit le nombre de fonctionnalités sur sa version
mobile en se concentrant sur toutes les interactions qu’un utilisateur peut avoir avec
sa communauté : la messagerie, l’agenda, la mise à jour du statut, les « news
feeds » (l’actualité de sa communauté), les photographies, l’accès à la liste des
membres et la possibilité de rajouter ou d’accepter un contact. La liste des contacts
peut en outre s’avérer être un atout car elle peut se substituer en partie au carnet
d’adresse du téléphone portable dans la mesure où ses amis ont renseigné leur
numéro de téléphone dans leur page de profil.
En outre, le format peut varier d’un acteur à l’autre. Ainsi, on pourra retrouver
l’ensemble des plateformes les plus populaires sur un site mobile simplifié comme
par exemple pour Facebook à l’adresse m.facebook.com. Ce format a l’avantage
d’être accessible depuis n’importe quel téléphone portable équipé d’un navigateur
web ou wap.
1 Télé Satellite & Numérique (Février 2008), Les réseaux sociaux sur internet font leurs premiers pas sur mobile
Figure 4 - Captures d’écran du site mobile de Facebook1
Certaines plateformes ont également choisi le format de l’application mobile, adaptée
principalement pour l’iPhone mais aussi pour des téléphones sous Symbian,
Windows Mobile ou Blackberry comme l’application Youtube par exemple. Ces
« web app » ont l’avantage d’être adaptée aux spécificités de chaque téléphone
(comme l’écran tactile par exemple) et permettent d’intégrer des fonctionnalités
spécifiques du téléphone (comme la possibilité d’accéder au GPS ou à l’appareil
photo du téléphone pour uploader directement une photo sur la plateforme
communautaire).
Figure 5 - Capture d’écran de l’application iPhone Facebook2
Mais l’intégration la plus poussée de ces réseaux sociaux sur téléphones portables
semble être le format du Widget où, dès la page d’accueil de son téléphone, un
utilisateur peut rester informé de l’actualité de sa communauté. Comme sur le dernier
téléphone de Nokia le N97 qui intègre sur sa page d’accueil des widgets Facebook,
Myspace et Friendster qui affichent l’actualité récente de sa communauté.
1 Businessmobile.fr (14 Janvier 2009), Comment se connecter à son réseau social préféré sur téléphone mobile ?2 Businessmobile.fr (14 Janvier 2009), Comment se connecter à son réseau social préféré sur téléphone mobile ?
Figure 6 - Capture d’écran de la page d’accueil du Nokia N971
Enfin, le format du SMS semble retrouver une seconde jeunesse en permettant à
tous les utilisateurs de ces plateformes non équipés de smartphones (et aux autres
aussi !) d’interagir avec leur communauté via ce moyen de communication. Sur
Facebook par exemple on peut mettre à jour son profil et être informé du
changement de profil de ses amis par SMS mais aussi et surtout sur Twitter où la
contrainte des messages en 140 caractères semble à l’inverse être un atout lorsqu’il
s’agit de publier un Tweet par SMS.
ii. Vers la constitution d’une situation gagnant-gagnant
La mise en place de ces plateformes sur mobile a rencontré un franc succès auprès
des utilisateurs si bien qu’elles sont un véritable moteur des usages data sur mobile.
En effet selon l’éditeur de navigateur pour mobile Opéra qui a mené une étude
auprès de 44 millions de ses utilisateurs, en moyenne près de 40% du trafic mondial
sur mobile s'effectue sur les sites web de services de réseaux sociaux2. Ainsi, en
Mars 2009, 30 millions d’utilisateurs de Facebook utilisaient la version mobile du
site3, et 20 millions visitaient le site MySpace mobile en Février 2009 pour une
utilisation représentant 7 milliard de pages vues (source interne)4. Mais la hausse du
nombre d’utilisateurs est elle aussi très importante et témoigne de la naissance de
véritable usage data au travers des réseaux sociaux. Ainsi, selon Comscore, dans
une étude publiée sur le mois de Novembre 2008, 12,1 millions d’utilisateurs de
1 Blogeek (17 Juin 2009), Le Nokia N97 sera disponible en France dès le 19 juin2 businessmobile.fr (26 Mai 2008), Les réseaux sociaux en tête des usages mobiles selon Opera3 Inside Facebook (16 Avril 2009), Statistiques Facebook : premier, premier, premier4 GNT Génération Nouvelle Technologie (19 Février 2009), MySpace Mobile lance un nouveau site Web mobile
téléphone mobile en Europe de l'Ouest ont visité des sites de réseaux sociaux soit
une hausse de 152% en un an !1
Ainsi, les usages des réseaux sociaux sur mobile sont en train d’exploser et la
contrainte pour l’utilisateur d’être connecté en permanence à sa communauté se
révèle être un bénéfice important pour ceux qui fournissent l’accès à ces sites : les
opérateurs de télécommunication. En effet, l’accroissement des usages data sur
téléphone portable a été une véritable manne pour les opérateurs si bien que la mise
à disposition d’un accès à ces plateformes est devenu un argument de vente pour
les opérateurs et est à l’origine de la constitution d’une situation gagnant-gagnant
entre opérateur et plateformes de réseaux sociaux.
L’utilisation des réseaux sociaux sur mobile a permis aux opérateurs d’augmenter
leurs revenus provenant du trafic data. En profitant de l’attrait pour les réseaux
sociaux mobiles, ils ont réussi à pousser des téléphones bien souvent payants ainsi
que des forfaits bien plus onéreux à leurs abonnés. Que ce soit les forfaits illimythics
chez SFR, Néo.2 de Bouygues Telecom et surtout Origami pour iPhone chez
Orange, l’émergence de véritables usages sur l’internet mobile a permis aux
opérateurs de facturer à leurs clients non seulement des abonnements bien plus
chers en permettant un accès illimité au Web mobile mais aussi l’achat de
téléphones intelligents ou smartphones sur un marché où le « téléphone à 1€ » était
la règle. L’exemple le plus emblématique est sans doute celui de l’iPhone dont les
résultats de vente sont excellents (Orange a atteint son millionième client le 22 mai
20092) malgré un prix de vente de plus de 150€. Si on peut avoir un doute sur le
rapport des ventes de l’iPhone et l’audience des réseaux sociaux, il suffit de rappeler
que l’application gratuite la plus téléchargée sur l’AppStore (la plateforme de
téléchargement d’application de l’iPhone) est celle de Facebook 3 et que 25% des
utilisateurs de Facebook mobile sont équipés d’un iPhone4. En outre, plus qu’une
manne, les réseaux sociaux sont également devenus un argument de vente comme
on a pu le voir sur la plupart des publicités pour vendre ces téléphones intelligents
avec forfait data. Ainsi, les opérateurs n’ont pas hésité à placer à côté de l’offre
1 Services Mobiles (30 Janvier 2009), Les réseaux sociaux, le moteur de la croissance de l'Internet mobile en Europe !2 MacGénération (30 Juillet 2009), Le poids de l'iPhone chez Orange3 MacGénération (10 Avril 2009), App Store : 1 milliard de téléchargements et un concours4 Inside Facebook (16 Avril 2009), Statistiques Facebook : premier, premier, premier
d’abonnement des logos des réseaux sociaux les plus connus (MySpace, Youtube,
Facebook, etc.).
Figure 7 - Publicité SFR pour les séries MTV de SFR
Enfin, les opérateurs pour aller encore plus loin ont également choisi de signer des
partenariats avec les principales plateformes communautaires. L’objectif est double.
Pour les opérateurs cela permet d’attirer de nouveaux clients dans la mesure où la
signature du partenariat peut permettre de faciliter l’accès au réseau social pour ses
abonnés, par l’ajout d’un bouton dédié sur le téléphone, d’un widget sur l’écran
d’accueil de l’appareil ou par un raccourci sur le portail mobile de l’opérateur. Pour le
réseau social, cela permet d’assurer une visibilité du réseau social sur les téléphones
des abonnés de l’opérateur. Ainsi, MySpace mobile a signé en 2008 de nombreux
partenariats comme avec Sprint aux Etats-Unis, Vodafone et Orange en Europe et
totalise la signature de 23 partenariats dans 13 pays1. De même, Facebook a signé
un partenariat avec Vodafone pour le Royaume-Uni et l’Allemagne afin d’équiper les
terminaux de l’opérateur du widget « Facebook for Mobile Operators » qui permet
d’accéder par un raccourci au réseau social depuis la page d’accueil du mobile.2
Ainsi, l’explosion des usages data a abouti à une situation gagnant-gagnant
entre les opérateurs et les plateformes communautaires. Grâce à l’utilisation des
réseaux sociaux en mobilité, les opérateurs ont pu augmenter leur trafic et donc
leur revenu en provenance des usages data sur mobile. Ils ont également pu
profiter de cet effet de mode comme argument de vente pour proposer de
1 orange-innovation.tv (1 Juillet 2009), Les réseaux sociaux en mobilité2 Digimédia (2 Mars 2009), Les réseaux sociaux migrent vers le mobile
nouveaux terminaux et abonnements plus chers. Pour certains d’entres eux, cela
a même permis d’accroitre l’audience sur leur portail mobile en obligeant les
utilisateurs à passer par ces sites pour accéder aux liens vers les réseaux sociaux.
En contrepartie, les réseaux sociaux, au travers du discours commercial des
opérateurs et des partenariats signés, ont gagné en visibilité auprès des abonnés
mobiles et ont bénéficié d’un accès facilité à leur plateforme. En outre, ils ont
également pu voir accroitre le trafic sur leur plateforme depuis un mobile grâce à des
plans d’abonnement souvent illimités et donc sans surprise pour les utilisateurs.
Ainsi, nous avons vu que du concept même de réseau social à l’émergence du
phénomène des médias sociaux, les opérateurs de télécommunication ont su tirer
profit de leur rôle d’intermédiaire. D’abord, en jouant sur les effets de réseaux, ils ont
réussi à accroitre leur part de marché et à trouver des sources de revenu
supplémentaires. Ensuite, avec l’émergence des premières plateformes de
messagerie instantanée, ils ont réussi à créer de nouveaux revenus grâce à l’usage
encore naissant de la data mobile. Enfin, avec l’explosion des réseaux sociaux sur le
Web et leur transition sur le mobile, ils sont parvenus à créer une situation gagnant-
gagnant dans laquelle ils ont pu percevoir des revenus supplémentaires tous en
poussant de nouveaux terminaux et des abonnements data encore sous-exploités.
Au-delà de cela, les opérateurs apparaissent comme un intermédiaire indispensable
pour pousser les usages des plateformes communautaires sur mobile et sont
véritablement au centre de la transition du Web vers le mobile. Par ailleurs, la plupart
des plateformes voient le mobile comme le moyen incontournable pour encourager la
dépendance des utilisateurs à leur réseau. Et notamment les sites de micro-blogging
comme Twitter qui voit déjà 80% des informations échangées sur son site passer sur
mobile.1
Cependant, cette dépendance est-elle simplement une dépendance vis-à-vis du
réseau de télécommunication ou de l’opérateur lui-même ? En outre, comme nous
avons vu l’évolution du Web 1.0, vers le Web 2.0 puis le social média, ne peut-on
pas penser que le marché va encore évoluer dans les années à venir et notamment
1 2803.fr (20Août 2009), Les médias sociaux sont-ils un effet de mode?
sur la place que le mobile occupera dans les prochaines années ? Si oui, quel sera
pourrait être la place occupée par les opérateurs dans cette nouvelle organisation ?
2. De nouvelles menaces pour les opérateurs
a. Le risque de désintermédiation pour les opérateurs
i. Des usages de réseaux sociaux mobiles qui ne tirent pas l’audience des portails mobile des opérateurs
Nous avons vu que l’usage des réseaux sociaux sur mobile a permis aux opérateurs
de trouver un levier de croissance pour le trafic data sur mobile et que cette situation
était à l’origine d’un partenariat gagnant-gagnant entre opérateur et plateformes de
réseaux sociaux. Néanmoins, il semblerait que cette relation ne soit pas aussi
bénéfique pour les opérateurs concernant l’audience de leur propre portail mobile.
En effet, l’observation du comportement des utilisateurs de réseaux sociaux mobiles
ne montre pas à priori qu’ils puissent être à l’origine d’une hausse significative de
l’audience de ces portails. Historiquement, la plupart des opérateurs de téléphonie
propose leur propre site mobile. Cela provient des premières offres de data sur
mobile (GPRS notamment) et ces portails constituaient les premiers sites wap. Ils
devaient permettre un accès simplifié au contenu mobile à leurs abonnés tout en
générant à la fois du trafic sur leur réseau data et des revenus publicitaires qui
restaient cependant encore marginaux à cette époque. Ainsi, Orange créa Orange
World, SFR intégra le portail Vodafone Live! et Orange, Bouygues Télécom et SFR
créèrent Gallery, un site répertoriant un ensemble de site wap utiles fonctionnant sur
un business model de référencement payant1. Cependant, cette offre stratégique
pour les opérateurs car elle constitue une source de revenus supplémentaires, n’a
pas pu ou a peu bénéficier de la croissance des usages mobiles sur les plateformes
de réseaux sociaux. En effet, si l’on constate que les utilisateurs sont de plus en plus
dépendants aux réseaux communautaires et qu’ils passent de plus en plus de temps
à surfer depuis leur PC et leur mobile, ces usages ne sont pas forcément à l’origine
d’une croissance de la consommation de l’internet mobile en général et des portails
mobiles des opérateurs en particulier. D’après une étude menée par ComScore en
Février 2009, 34% des mobinautes européens qui ont accédé à des réseaux sociaux
n’ont utilisé aucun autre service en ligne avec leurs mobiles2. Ainsi les opérateurs,
qui pensaient attirer des utilisateurs vers leur propre site mobile ne voit pas
1 NetEco (24 Avril 2008), Nicolas Guieysse : « Gallery est une boite à outil à destination des éditeurs de sites mobiles »2 Stan & Dam (16 Février 2009), Les réseaux sociaux stimulent l’internet mobile
nécessairement d’augmentation du trafic. En outre, lorsque l’on observe le
comportement des utilisateurs sur les réseaux sociaux mobiles en particulier, on
constate que l’utilisation en mobilité est bien souvent un prolongement des usages
du PC et intervient en complément de ces usages lorsque l’utilisateur est en situation
de mobilité. Par exemple, la lecture des messages et des commentaires reçus
représente 50% des usages sur téléphone portable, alors que la mise à jour du statut
compte pour 45% de l’utilisation des plateformes mobiles1. Le mobile n’est donc
pas à l’origine de nouveaux comportements d’utilisation de la part de
l’utilisateur et ne génère pas forcément plus de trafic sur les portails mobile
des opérateurs.
ii. Les constructeurs de téléphone portable comme concurrents des opérateurs
Les opérateurs doivent faire face à un véritable risque de désintermédiation et la
situation gagnant-gagnant constituée au moment de l’apparition de ces plateformes
sur mobile est de plus en plus déséquilibrée. A l’origine de ce déséquilibre,
l’apparition d’un nouvel acteur sur ce marché, les constructeurs de téléphone
portable. En effet, bien conscient de l’émergence de nouveaux usages sur les
téléphones portables et de leur atout de denier intermédiaire entre l’utilisateur et le
service utilisé, les manufacturiers se sont rapidement positionnés sur le marché des
réseaux sociaux mobiles. Tout d’abord, en proposant des appareils toujours plus
performants et correspondants aux besoins des utilisateurs pour leurs usages sur les
plateformes de réseaux sociaux mobiles. Ils ont réussi ainsi à commercialiser des
téléphones intelligents auprès du grand public alors qu’ils n’étaient réservés
auparavant qu’à une petite part de la population et notamment les early adopters.
Les succès de l’iPhone d’Apple (5,4 millions d’exemplaires vendus au deuxième
trimestre 20092) ou du N95 8Gb de Nokia ne sont que deux exemples parmi tant
d’autres qui témoignent de cet engouement pour les smartphones. Les constructeurs
ont également su travailler sur l’accès au service de réseaux sociaux autant en
termes d’environnement que de fonctionnalités du téléphone. Ainsi, le format de
l’application mobile a largement contribué au succès des plateformes 1 ReadWriteWeb (8 Octobre 2008), Les vainqueurs dans la catégorie réseaux sociaux sur mobile sont…2 Les echos (13 Aout 2009), L'iPhone creuse l'écart avec ses concurrents
communautaires dans le sens où il a permis un accès simplifié et parfaitement
intégré aux fonctionnalités du téléphone portable. De même, l’écran tactile ou à
l’inverse un clavier AZERTY en dur ont pu permettre de faciliter la saisie de
messages et de textes sur ces plateformes communautaires. Allant encore plus loin,
les manufacturiers en viennent même à construire des téléphones spécialement
dédiés aux réseaux sociaux, en intégrant toutes les fonctionnalités nécessaires pour
utiliser ces plateformes sur mobile : une connexion 2,5, 3G voire 3G+ parfois wifi, un
navigateur Web mobile, un clavier AZERTY en dur pour pouvoir envoyer des
messages, des touches de raccourcis vers les réseaux sociaux ou des widgets
accessibles dès la page d’accueil et enfin un design branché puisque ces téléphones
ciblent le plus souvent les jeunes qui sont friands de ce type de sites
communautaires. C’est par exemple le cas du LG KS360, du Samsung B3310 ou du
Nokia 6760.
Figure 8 - Samsung B33101 et Nokia 67602
Enfin, les constructeurs bien conscients de la situation gagnant-gagnant que les
opérateurs ont réussi à construire avec les plateformes de réseaux sociaux,
cherchent également à signer des partenariats avec ces plateformes pour pousser
leur téléphone auprès des utilisateurs de réseaux sociaux mobiles. Ainsi, par
exemple Facebook serait en discussion avec Nokia, Motorola ou Palm pour intégrer
sa plateforme directement sur les téléphones portables de ces marques3. Ainsi, lors
1 01net (31 Août 2009), Un téléphone pour communiquer par SMS2 Ere Numérique (20 Août 2009), Nokia 6760, calibré pour les réseaux sociaux3 Inside Facebook (23 Février 2009), Facebook cherche plus de partenariats avec les fabricants de mobiles
du Nokia World de Septembre 2009, Nokia a annoncé la création de la plateforme
LifeCasting with Ovi (Ovi est le nouvel environnement de service proposé par Nokia
regroupant la cartographie, la messagerie, la plateforme de téléchargement
d’applications et de nombreux services convergents PC/Mobile) en partenariat avec
Facebook qui va permettre aux utilisateurs de certains téléphones de la marque de
mettre à jour leur profil et de se géolocaliser sur leur profil Facebook directement
depuis leur mobile.1
Face à cette situation les plateformes de réseaux sociaux sont donc de moins en
moins dépendantes des opérateurs de télécommunication car quel que soit
l’opérateur qu’un utilisateur choisi, les efforts fait par les constructeurs de
téléphones portables pour intégrer les plateformes de réseaux sociaux ont
pour conséquence de repositionner les opérateurs dans leur simple rôle de
fournisseur d’accès au réseau de téléphonie et non plus de réels fournisseurs de
service à forte valeur ajoutée. La situation gagnant-gagnant est donc déséquilibrée
puisque les constructeurs apportent aux plateformes de réseaux sociaux les mêmes
bénéfices que les opérateurs. Ces derniers ne tirent donc plus profit des réseaux
sociaux que par le trafic qu’ils génèrent pour l’accès à l’internet mobile. Cela n’étant
pas un avantage concurrentiel en soi, puisque tous les opérateurs sont en mesure de
proposer cet accès, le rôle joué par les constructeurs constitue une réelle menace
pour les opérateurs.
En outre, une nouvelle tendance pourrait représenter un risque supplémentaire pour
les opérateurs dans la situation qu’ils avaient réussis à construire avec les premières
plateformes de réseaux sociaux. Il s’agit des réseaux sociaux en mobilité.
b. Des réseaux sociaux mobiles aux réseaux sociaux en mobilité : l’apparition de nouveaux services
i. L’arrivée de nouveaux acteurs sur les marché des réseaux sociaux mobiles
Avec le succès des réseaux sociaux sur Internet et sur mobile de nouveaux acteurs
ont voulu saisir cette opportunité pour proposer de nouvelles offres innovantes sur ce
marché. Tout d’abord, des acteurs ont vu la convergence PC/mobile comme un
1 MobileFrance (2 Septembre 2009), Nokia présente Lifecasting with Ovi en partenariat avec Facebook
marché porteur et répondant aux attentes d’une partie des utilisateurs. Par ailleurs, le
format du widget qui connaissait un succès grandissant sur PC, notamment avec le
l’engouement suscité par le site français Netvibes en terme de notoriété mais aussi
d’audience (2,5 millions de visiteurs uniques par mois selon comScore en Septembre
20081), mais qui n’avait pas encore trouvé son pendant sur mobile, semblait être un
moyen attractif pour faire venir des utilisateurs PC vers le mobile. Ainsi, des acteurs
comme Goojet2 ou Webwag3 ont décidé de proposer une offre convergente de
widgets PC et mobile. Le principe du service est qu’un utilisateur depuis son PC
configure les widgets auxquels il veut avoir accès et les organise comme il souhaite
les voir apparaitre sur son mobile, puis télécharge une application Java installée sur
son téléphone portable qu’il synchronise avec les configurations faites sur PC. Ainsi,
il a accès depuis son PC et son mobile à ses widgets qui sont synchronisés en
permanence. Ces widgets peuvent être de toutes sortes, des flux RSS, la boite de
réception d’une messagerie internet mais aussi les fils d’actualités de différents
réseaux sociaux comme Facebook ou Twitter. Enfin les utilisateurs ont également la
possibilité de se constituer un réseau d’amis pour partager des informations lues
depuis un widget en les envoyant soit directement sur l’application de leurs amis soit
par SMS ou par mail depuis l’application. Ainsi, ces acteurs ont su tirer profit de
l’engouement du format des widgets et des réseaux sociaux pour proposer une offre
intégrant la plupart des réseaux sociaux et permettant des échanges avec son
réseau de contact.
1 Mobinaute (8 Septembre 2008), Freddy Mini : « Netvibes est en mesure de distribuer près de 100 000 widgets par mois »2 www.goojet.com3 www.webwag.com
Figure 9 - Capture d'écran de la page d'accueil de Goojet sur PC avec la simulation de l'écran de mobile à droite1
D’autres acteurs se sont également positionnés sur ce marché en offrant la
possibilité de construire des réseaux sociaux exclusivement mobile. Un cas
intéressant est celui de PeopleSound. Ce réseau social mobile a en effet fait le pari
de la fermeture (le réseau d’un utilisateur est limité à 20 contacts) et d’une
technologie de communication déjà très répandu, le SMS. En effet, le principe de ce
site est de se construire un petit réseau formé d’amis proches, de membres de la
famille. Les membres de ce réseau ont alors la possibilité d’échanger par SMS
gratuitement ou via un site mobile des informations, des mises à jour, des
notifications, ainsi que de chater de manière illimités. En outre, des « channels »
éditées par PeopleSound sont proposées aux utilisateurs. Ce sont des chaînes
d’actualité sur divers thèmes, la musique, le sport, l’actualité locale, nationale ou
internationale, etc. que les utilisateurs peuvent lire, partager et commenter avec leur
réseau de proches.2
ii. L’intégration de fonctionnalités spécifiques au téléphone portable
Avec les efforts faits par les constructeurs de téléphone portable pour permettre
l’accès aux réseaux sociaux, de nouvelles opportunités se sont aussi créés pour de
1 Comment ça marche (12 Novembre 2008), Comprendre les réseaux sociaux mobiles2 Génération NT (29 Mai 2009), Buongiorno dévoile peoplesound, le réseau social par SMS et internet sur mobile, dédié aux réelles amitiés et permettant une communication plus personnelle
nouveaux acteurs qui ont su innover pour proposer une nouvelle forme de réseaux
sociaux mobile, les réseaux sociaux en mobilité.
En effet, les derniers développements faits par les constructeurs sur leurs
smartphones sont à l’origine de deux révolutions majeures qui ont facilité l’apparition
de nouvelles offres, le format des applications mobiles et l’ajout d’une puce GPS sur
les téléphones. En effet, les applications mobiles ont permis d’une part de dépasser
les contraintes des sites mobiles via le navigateur du téléphone portable car elles ont
levé les problèmes de format, de compatibilité, de présentation et de programmation
de site souvent figée. D’autre part, elles ont permis de dépasser le cadre du
navigateur pour s’intégrer directement dans le téléphone et s’appuyer sur toutes les
ressources de celui-ci. Cela a néanmoins impliqué une nouvelle contrainte, celle de
l’interopérabilité des applications entres différentes marques et modèles de
téléphones. Les applications mobiles ont pu s’appuyer sur des plateformes de
téléchargement comme l’AppStore de l’iPhone, l’Android market proposé par Google
ou encore le Ovi Store de Nokia. Ces plateformes ont offert une visibilité sans
précédant à des services qui n’auraient jamais pu connaitre cette proximité avec les
utilisateurs auparavant. Le succès de ces plateformes n’est d’ailleurs pas à
démontrer puisque par exemple Apple a dépassé le milliard de téléchargements en
Mai 20091. Par ailleurs, les constructeurs ont offert la possibilité à de nouveaux
acteurs d’intégrer des fonctionnalités de géolocalisation à leur service en ajoutant
une puce GPS à leur combiné. Ainsi, de plus en plus de téléphones intelligents
permettent l’accès à la fonction GPS. Par exemple, Nokia prévoit que 50% de ses
téléphones seront équipés de GPS d’ici 2010-20122. A l’origine prévu pour pousser
des services de cartographie sur mobile avec par exemple l’offre Nokia Maps puis
Ovi Maps suite au rachat de Navteq en 2008, ou Google Maps, la fonctionnalité de
positionnement a connu de nouvelles applications avec les réseaux sociaux mobiles.
Ainsi, la géolocalisation allait être une dimension autour de laquelle se
constitueraient des réseaux sociaux avec différents objets sociaux. Par exemple, des
réseaux sociaux tournés vers la rencontre comme l’allemand Aka-aki3 ou le français
Yuback4. L’idée de ces service et de permettre à leurs utilisateurs en se localisant
grâce à la puce GPS de leur téléphone de rencontrer des personnes à proximité. Les 1 Mac Génération (10 Avril 2009), App Store : 1 milliard de téléchargements et un concours2 Le Mobilium (15 Mai 2008), Nokia prévoit la moitié de ses téléphones équipés en GPS d'ici 2010-20123 www.aka-aki.com4 www.yuback.com
utilisateurs peuvent ainsi retrouver des personnes croisées à un endroit qu’ils n’ont
pas osé aborder sur le coup (cœur de l’offre proposée par Yuback)1, découvrir les
personnes autour d’eux, leurs centres d’intérêt, leur goût, pour ensuite établir un
contact et ainsi se constituer un réseau social dans le monde réel ou même devenir
amis via la plateforme et ainsi garder contact. D’autres services de réseaux sociaux
sont plus tournés vers le partage d’informations géolocalisée. Ainsi, le service Gypsii
permet aux mobinautes de se partager des photos ou des articles depuis leur mobile
avec leur communauté Gypsii mais aussi au travers des réseaux sociaux Facebook
ou Twitter2. De même, Loopt3 propose de partager avec sa communauté sa position
géographique mais aussi des informations sur le lieu où l’on se trouve, un bon
restaurant, un concert qui a lieu, etc. Toutes sa communauté a ainsi la possibilité de
savoir ce qu’il se passe à proximité d’eux et si ses amis s’y trouvent.
Ainsi, grâce au format des applications et à la géolocalisation proposés par les
constructeurs, de nouveaux réseaux sociaux ont pu se créer en proposant des
services toujours plus innovants. L’idée est ici de mettre l’utilisateur de services
de réseaux sociaux mobiles dans son contexte géographique et de lui offrir la
possibilité d’interagir avec sa communauté dans l’instantanéité et la
spontanéité. Les réseaux sont donc devenus des réseaux sociaux en mobilité car
au fur et à mesure que le mobinaute se déplace, sa communauté se déplace avec
lui.
c. Un enjeu critique : le carnet d’adresses : un nouveau point d’entrée unique des usages sur portable?
Nous l’avons vu un des éléments constitutifs d’un réseau social est la communauté,
c'est-à-dire la liste des membres de la plateforme et de son réseau. C’est ainsi que
les opérateurs ont profité de leur rôle de média social pour construire des offres
jouant sur les effets de réseaux en utilisant le carnet d’adresses comme moyen
d’accroître leur part de marché et leurs revenus. Le contexte offert par les évolutions
des téléphones portables et l’apparition du format des applications a à son tour
donné des idées à de nouveaux acteurs pour construire des offres de réseaux
1 Mobile en France (10 Août 2009), Yuback - le site de rencontres géolocalisées2 Génération NT (14 Mai 2009), Le réseau social mobile tout-en-un arrive sur l'iPhone3 www.loopt.com
sociaux mobiles fondées sur l’utilisation du carnet d’adresses. En effet, comme les
applications peuvent permettre d’intégrer les fonctionnalités du téléphone au réseau
social, nous l’avons vu pour l’utilisation de la puce GPS par exemple, ce nouveau
format peut permettre aussi de créer des services intégrants les fonctionnalités les
plus basiques du téléphone, comme l’appel, l’envoi de SMS ou l’envoi d’e-mail. Ainsi,
certains acteurs ont cherché à substituer le carnet d’adresses du téléphone en
proposant leur propre plateforme de réseaux sociaux centrée autour du carnet
d’adresses. Les plus gros tout d’abord, comme Facebook par exemple, qui permet
au travers de l’application mobile d’aller rechercher le numéro d’un contact et de
l’appeler directement depuis Facebook avec la fonction appel du téléphone. Mais
aussi de nouveaux acteurs comme Asurion qui est allé beaucoup plus loin en
proposant une véritable plateforme intégrée de liste de contacts. Cette application
agrège toutes les informations en provenance de divers réseaux sociaux comme
Facebook, Twitter, Flickr ou Gmail et les classent par contact. Ainsi, tous les contacts
de ces différents réseaux sociaux apparaissent de manière unifiée dans la liste de
contacts de son téléphone portable. L’utilisateur peut ensuite voir en défilant dans
ses contacts non seulement leur coordonnée (numéro de téléphone, adresse
postale, e-mail, etc.) et ainsi les appeler ou envoyer des SMS, mais aussi connaitre
toutes leur actualité sur les différents réseaux sociaux, leur position géographique et
même chatter avec eux. Cela peut permettre de connaitre beaucoup de choses sur
son contact avant même d’avoir à l’appeler ! Ainsi, la lecture des réseaux sociaux
n’est plus verticale, on ne va pas de réseau social en réseau social pour connaitre
l’actualité de sa communauté, mais horizontale, on parcourt sa communauté, contact
par contact du carnet d’adresse et pour chacun on accède de manière unifiée à
l’ensemble de ses informations sur les réseaux sociaux. Enfin, cette plateforme offre
la possibilité d’intégrer de mini-applications qui peuvent permettre par exemple
d’installer des jeux jouables avec ses contacts comme si on les appelait. Elles
peuvent être aussi utilisables par des entreprises comme des chaines de magasin
qui souhaitent permettent à leurs clients d’être informés, grâce à la puce GPS
intégrée dans leur téléphone, des coordonnées complètes (adresse, numéro de
téléphone) du magasin le plus proche ainsi que du trajet le plus court pour s’y
rendre1.
1 Stan & Dam (15 Mars 2009), DEMO 09 : Asurion, l’interface mobile intégrant les réseaux sociaux
Figure 10 - Captures d'écran d'Asurion mobile Adressbook1
Avec ce type de plateforme, le carnet d’adresse se place alors au centre des usages
du téléphone portable et au lieu de faire le tour des plateformes communautaires
pour connaître l’actualité de ses amis, tout est accessible depuis un seul et unique
endroit. Ce type de plateforme constitue aujourd’hui le summum d’intégration entre
les fonctionnalités du téléphone, les plateformes de réseaux sociaux et l’accès à
l’interne mobile en proposant en quelque sorte un téléphone hyper connecté,
actualisé en permanence par la connexion internet et dont le contenu n’est plus
enregistré et figé dans la mémoire du téléphone mais en perpétuelle évolution.
Ainsi, nous avons vu que les opérateurs sont menacés dans leur position de
fournisseur de service à valeurs ajoutée construite au travers de la situation gagnant-
gagnant avec les plateformes de réseaux sociaux. D’une part, leurs partenariats ne
leur procurent pas tous les bénéfices escomptés et notamment ne génèrent pas une
augmentation d’audience significative sur leur portail mobile. D’autre part,
l’intervention des constructeurs sur ce marché met en péril leur rapport de force avec
les plateformes communautaires en venant se substituer à eux. En outre, de
1 Asurion Mobile Application, www.asurionmobile.com
nouveaux acteurs viennent faire leur apparition sur ce marché des réseaux sociaux
mobiles. Ils constituent une menace pour les opérateurs car ils multiplient les offres
de service et le nombre d’interlocuteurs potentiels. Parmi ces nouvelles plateformes
trois tendances majeures se démarquent. Tout d’abord, le format des applications
mobiles qui au-delà d’être une formidable vitrine pour permettre l’émergence de
nouveaux services, est aussi un moyen idéal pour intégrer les fonctionnalités du
téléphone à un nouveau service et une manne pour les constructeurs qui tirent des
revenus substantiels de leur plateforme. Ensuite, les fonctionnalités de
géolocalisation qui rajoutent un contexte géographique aux réseaux sociaux et qui
constitue une couche de plus en plus indispensable des nouveaux réseaux sociaux
en mobilité. Enfin le carnet d’adresse qui pourrait devenir le point d’entrée unique
des services communautaires et dont la possession deviendrait stratégique car elle
est au cœur du lien entre les utilisateurs de réseaux sociaux.
Dans ce contexte, on peut s’interroger sur la manière dont les opérateurs peuvent
réagir pour reprendre la main sur ce marché en pleine croissance ? Quel sont leurs
atouts et au contraire leurs faiblesse ? Quelle(s) stratégie(s) adopter ?
3. Quelles réactions pour les opérateurs ?
a. Forces et faiblesses des opérateurs
Avant de s’intéresser à la manière dont les opérateurs peuvent réagir aux menaces
auxquelles ils doivent faire face, regardons d’abord de plus près quels sont les atouts
qu’ils peuvent faire valoir pour jouer un rôle sur ce marché mais aussi les faiblesses
qui risquent de les pénaliser.
Les opérateurs ont de nombreux atouts. Tout d’abord, leur base client. En effet, avec
125,5 millions de clients mobile dans le monde et plus de 25 millions en France pour
Orange au 2e trimestre 2009 (hors MVNO)1, près de 20 millions de clients fin Juin
2009 pour SFR2 et près de 10 millions de clients pour Bouygues Telecom3, les
opérateurs détiennent dans le carnet d’adresse de leurs clients des réseaux sociaux
mobiles potentiels déjà plus importants que les réseaux sociaux mobiles les plus
connus. En outre, les opérateurs ont une relation permanente avec les utilisateurs de
téléphone portable et par extension de réseaux sociaux mobiles. En effet, grâce au
système d’abonnement ils gèrent la relation client, indispensable dans la
connaissance des utilisateurs de service sur Internet, et la facturation, élément clé
pour maîtriser les revenus d’un service. Ensuite, ces opérateurs proposent déjà pour
la plupart des services de réseaux sociaux. Sur internet, pour Orange notamment qui
s’est déjà positionné très fortement sur ce marché. Ainsi, Orange est déjà présent
dans les sites de partage de photographie avec Pikeo4 qui se pose comme un
concurrent de Flickr en ajoutant une dimension de géolocalisation à la fonction de
mise en ligne de photographies. L’opérateur propose également SoundTribes5 qui
est un réseau social centré sur la musique et la rencontre entre des artistes et leurs
fans, ou encore prévoit de lancer Friendize6, encore en test actuellement et qui est
construit sur le modèle des sites communautaires les plus connus comme Facebook.
Sur mobile aussi comme nous l’avons vu avec les offres de messagerie instantanée
qui constituent autant de carnet de contacts potentiels. Mais aussi sur l’internet
mobile où les opérateurs proposent des portails mobiles de contenu à leurs
1 Source Orange2 Source SFR3 Source Bouygues Télécom4 www.pikeo.com5 www.soundtribes.com6 www.friendize.com
utilisateurs. Par ces différentes offres, les opérateurs ont déjà développé une
connaissance du marché et une expertise technique et marketing au sein de leurs
équipes pour ce type de service bien qu’elle ne soit pas encore orientée autour des
réseaux sociaux mobiles. De plus, les opérateurs même s’ils n’ont pas la place des
constructeurs dans leur rôle de dernier lien avec les utilisateurs, ont tout de même un
pouvoir de négociation avec eux. Cela leur permet de prendre certaines décisions
sur les téléphones mobiles. Notamment, le catalogue de modèles qu’ils souhaitent
proposer à leurs clients mais aussi, la possibilité de personnaliser le téléphone avant
la sortie d’usine et proposer ainsi des téléphones « brandés », customisés par
l’opérateur. Cela peut se concrétiser par un design propre à la marque comme pour
les logos des menus, mais aussi par une organisation dans la navigation du
téléphone qui peut permettre par exemple d’ajouter des boutons de raccourcis
spéciaux. Enfin, les opérateurs ont des ressources financières très importantes.
L’activité d’opérateur est très lucrative (Orange a enregistré un bénéfice de 5,2
milliards d’euros en 20081) et ils peuvent ainsi consentir à des investissements
importants pour pénétrer le marché.
A l’inverse, les opérateurs ont certaines faiblesses. Tout d’abord, les réseaux sociaux
ne sont pas leur core business, ils n’ont donc pas nécessairement l’organisation
managériale pour concurrencer des acteurs fonctionnant souvent sur un mode start-
up et donc très flexibles. En outre, bien qu’ils aient développé une connaissance du
marché, ils n’ont pas nécessairement toute l’expertise pour réellement faire
concurrence à des acteurs dont les réseaux sociaux sont le métier. De plus, ils n’ont
pas toujours une image de marque favorable auprès des plus grands utilisateurs des
services de réseaux sociaux que sont les jeunes. Plus encore, une réelle question de
légitimité peut se poser pour les utilisateurs de ces services qui considèrent les
opérateurs comme des fournisseurs d’accès au réseau et non pas nécessairement
comme des fournisseurs de service et de contenu à forte valeur ajoutée bien que
cette image soit en train d’évoluer suite aux initiatives de certains opérateurs,
notamment Orange. Enfin, il y a une question de time-to-market. En effet, les
opérateurs s’ils veulent se lancer sur le marché des réseaux sociaux vont devoir faire
face à un marché déjà très encombré et ils devront redoubler d’effort pour trouver
des leviers de différenciation. D’autant que la plupart des services de réseaux
sociaux qu’ils proposent déjà sur internet tardent à décoller et ne connaissent pas
1 Source Orange
encore le succès escompté. Il est donc légitime de se demander s’ils connaitront plus
de succès sur mobile ou si au contraire ils resteront à des niveaux d’audience encore
bas.
b. Quelle place reste-t-il à prendre sur le marché ?
Compte tenu de ces forces et faibles il convient maintenant de s’interroger sur les
opportunités du marché des réseaux sociaux et sur le positionnement qu’un
opérateur pourrait occuper sur ce marché. Tout d’abord, suite à ce que nous avons
déjà vu, nous pourrions catégoriser les réseaux sociaux suivant les services qu’ils
proposent. Nous aurions ainsi les réseaux généralistes de type Facebook, Bebo, Hi5,
les réseaux de partage qui sont spécialisés sur un domaine d’intérêt comme la
musique, les vidéos, etc., les réseaux de rencontre visant à permettre à des
utilisateurs d’entrer en relation, c’est le cas de beaucoup de réseaux sociaux mobiles
que nous avons vu précédemment comme Yuback ou Aka-aki mais aussi des
réseaux de professionnels comme LinkedIn ou Viadéo, et enfin des réseaux
d’échanges, comme les sites de micro-blogging comme Twitter mais aussi comme
les sites de passionnés comme last.fm ou uLike qui visent à partager des avis sur
des centres d’intérêts communs. Pour chacune de ces catégories nous pourrions
ainsi voir si des places sont laissées libres pour un nouvel acteur et notamment sur
l’angle de la convergence fixe/mobile. En effet, les opérateurs ont une forte légitimité
sur les offres intégrées Web/mobile. Ils proposent déjà ce type d’offres à leurs clients
au travers d’abonnements « Triple play » qui combinent un accès internet, un
abonnement à la téléphonie fixe et un accès à la télévision sur IP mais aussi et de
plus en plus d’abonnements « quadruple play » qui offrent en plus de l’abonnement
précédant un accès aux réseaux de téléphonie mobile. C’est ainsi qu’Orange a lancé
« Unik » mais l’exemple le plus emblématique est la dernière offre lancée par
Bouygues Telecom avec Ideo qui connait un très beau succès commercial.1 Ainsi, les
opérateurs se sont forgés une réputation de fournisseurs de service convergent. Il
parait donc légitime d’étendre cette offre de service d’accès internet à une offre de
services de réseaux sociaux convergents. Ainsi, pour revenir au positionnement des
opérateurs sur le marché, on constate que les sites généralistes sont pour la plupart
convergents, de même que les réseaux de partage. A l’inverse les sites de rencontre
1 Zdnet (31 Août 2009), Le succès de Bouygues Telecom dans l'ADSL est-il conjoncturel ?
sont soit plus orientés Web soit mobile, ce qui peut laisser une place pour un acteur
convergent qui proposerait par exemple de faire des rencontres en mobilité et de
continuer la relation sur PC via la messagerie ou du chat. Enfin, les sites d’échanges
sont pour le micro-blogging le plus souvent convergents, mais la plupart du temps
exclusivement fixe pour les sites de passions. Ainsi peut-être y aurait-il une
opportunité pour un acteur convergent qui pourrait par exemple construire un réseau
social autour d’événements insolites ou people, dont beaucoup de gens sont friands,
permettant de capturer en mobilité par appareil photo ou en envoyant un message
des événements qui se sont produits à proximité d’eux et qui seront ensuite publiés
en ligne, de manière géolocalisée grâce au téléphone. En outre, au sein même de
chaque catégorie on peut identifier des offres de niche qui ne sont pas encore
exploitées ou également compléter des offres en ajoutant des fonctionnalités. Par
exemple le site d’Orange, Pikeo, s’est positionné sur le marché du partage de
photographies mais a en plus ajouter une couche de géolocalisation qui n’était pas
présent jusque là sur aucun autre site. De même, pour les réseaux de partage, au-
delà de la photo, de la vidéo ou de la musique on peut imaginer d’autres types de
données à partager. Ainsi, le site Slideshare a su s’imposer sur un marché déjà bien
occupé en proposant le partage de présentations powerpoint. Ainsi, en termes
d’offres, on constate que beaucoup de choses peuvent être faites et que l’offre ne
constitue pas une réelle restriction tant que le service reste innovant et surtout
attractif pour l’utilisateur en termes de fonctionnalités, de design et de
simplicité d’utilisation. Le plus important pour les opérateurs est donc de
proposer une offre en adéquation avec leur image de marque et leur légitimité.
Ainsi par exemple, les services de réseaux sociaux pourront être en adéquation avec
des offres d’abonnements existantes, orientés sur la convergence comme nous
l’avons tout à l’heure par exemple. Ils pourront aussi répondre à la légitimité issue du
rôle de l’opérateur, qui peut par exemple intervenir comme tiers de confiance sur un
marché des réseaux sociaux où les questions de vie privée sont souvent un
problème, ou en enrichissant un abonnement mobile ou convergent avec des
services internet à valeur ajoutée. Enfin, les opérateurs pourraient trouver leur
légitimité en proposant des réseaux sociaux en adéquation avec leurs actifs
existants, fondés sur des services ou des contenus déjà proposés ou basés sur le
support du téléphone portable, comme le carnet d’adresses par exemple. Les
opérateurs devront aussi s’interroger sur la question de la marque et réfléchir s’ils
doivent proposer ces services de réseaux sociaux sous leur propre marque ou sous
un nom de site différent. Cela pourra dépendre du service proposé et de l’adéquation
entre l’offre et le core business de la marque. Cet aspect est d’autant plus important
que, comme nous l’avons vu, les utilisateurs de réseaux sociaux, qui sont
principalement des jeunes, n’ont pas forcément une image favorable des opérateurs
et ne sont pas toujours prêts à intégrer un réseau social sous la marque Orange ou
SFR. Ainsi, proposer un réseau social sous sa propre marque ne doit pas constituer
pour un opérateur un moyen de rajeunir son image de marque car les jeunes
utilisateurs attachent une importance particulière à la marque et aux effets de mode,
mais à l’inverse ils doivent réfléchir à quelle marque proposer pour leur service de
réseau social pour attirer une audience jeune (par exemple leur marque de licence
comme M6 Mobile by Orange ou MTV par SFR qui ciblent déjà une audience jeune
ou même une nouvelle marque) ou d’abord rajeunir leur image (avec d’autres
contenus et services comme la musique, le sport, la messagerie instantanée) avant
de proposer un réseau social sous leur propre marque.
En outre, au-delà du positionnement de l’offre les opérateurs peuvent également
s’interroger sur la cible visée. En effet, lorsque l’on regarde le profil des utilisateurs
des réseaux sociaux mobiles on constate de fortes disparités. En effet, la plupart des
utilisateurs sont principalement des jeunes, âgés pour la grande majorité de moins
de 35 ans. Ainsi ils représentent plus de 80% des utilisateurs de Facebook en
France en Septembre 2009 !1
Figure 11 - Répartition des utilisateurs de Facebook par âge en France en Septembre 2009
Néanmoins, cette tendance est en train d’évoluer et de plus en plus de personnes
plus âgées se rendent sur les réseaux sociaux. Ainsi, Facebook a constaté une
1 Source Facebook
hausse de +500% de ses utilisateurs de plus de 55 ans aux Etats-Unis2. Ainsi, une
opportunité forte existe pour les opérateurs pour créer un réseau social ciblant cette
population. D’autant plus que la plus grande menace pour un réseau social comme
Facebook est d’avoir présent sur son réseau l’ensemble de la population car les
utilisateurs ne souhaitent pas nécessairement partager les mêmes informations avec
tout le monde. Ainsi, même en termes de positionnement et de légitimité de la
marque les opérateurs auraient intérêt à proposer des offres plus orientés vers leur
cœur de cible, comme les adultes ou les familles pour un acteur comme Orange, ou
vers les jeunes pour des acteurs comme les MVNO Virgin mobile, M6 mobile ou
Universal mobile. On va donc pouvoir observer une segmentation des réseaux par
âge. Mais les opérateurs peuvent également cibler un segment de marché encore
sous-exploité aujourd’hui, celui du marché BtoB et surtout du BtoC. En effet,
aujourd’hui la plupart des réseaux sociaux sont basés sur l’UGC (User Generated
Content) et sont construits sur une logique de CtoC (d’utilisateurs particuliers à
utilisateurs particuliers). Les entreprises et notamment les services
marketing/communication s’inquiètent de plus en plus de perdre la main sur leurs
clients qui échangent entre eux des avis sur une marque sans que ceux-ci ne
puissent contrôler ce qui est dit, ni communiquer comme ils le faisaient
traditionnellement. Ainsi, une opportunité existe pour créer un réseau social
permettant de rétablir le contact entre les entreprises et leurs clients. De même, sur
le marché des entreprises, on pourrait imaginer un réseau social permettant aux
partenaires, clients et fournisseurs de partager entre eux, non plus cette fois des
photos ou des vidéos, mais des données, des documents, des calendriers de projet,
des dashboards, etc. Par exemple, BT Tradespace, a lancé en 2007 au Royaume-
Uni un réseau social d’entreprise visant à renforcer les relations commerciales entres
les entreprises et leurs clients.2
c. Quelle stratégie adopter ?
Compte tenu de ces forces et faiblesses et de ces questions de cible et de
positionnement de l’offre, on peut maintenant s’interroger sur la stratégie que les
opérateurs peuvent adopter. Aussi 4 options s’offrent à eux. Ils peuvent soit se
1 Technotes (10 Juillet 2009), L'âge sur Facebook, ce vieux problème2 Télécom & innovation (Mars 2009), Publicité en ligne, opportunités pour les opérateurs télécom
cantonner à leur rôle d’opérateur et renoncer à tirer des revenus autres que ceux
provenant des abonnements à l’internet mobile. Ils peuvent aussi chercher à nouer
de nouveaux partenariats et renforcer leur position de fournisseur de services à
valeur ajoutée au point de devenir un partenaire incontournable pour les réseaux
sociaux partenaires. Ils peuvent également opter pour devenir eux même fournisseur
d’une plateforme de réseaux sociaux mobiles. Cela peut passer par le rachat d’un
acteur du marché mais également par la création d’une offre de toute pièce.
i. Rester dans un rôle de pur opérateur de télécommunication
Les opérateurs peuvent donc choisir de se cantonner à leur rôle de fournisseur de
réseau de télécommunication et ne pas chercher à proposer de contenu. Cette
option parait légitime à double titre. Tout d’abord, comme nous l’avons vu, les
réseaux sociaux mobiles sont fortement générateurs de trafic sur les réseaux
mobiles. Aussi, ces plateformes peuvent représenter le salut des opérateurs qui
voyaient leur revenu baisser sur les forfaits voix. Ici, les opérateurs diversifient le
portefeuille d’abonnements et remplissent leur objectif de trouver de nouvelles
sources de revenus grâce à la data mobile. Ainsi, l’objectif d’Orange est de faire
passer les revenus non-voix de 6% à 20% d’ici 20111. Pour cela, les opérateurs
devront consentir à des investissements importants dans leurs réseaux de
télécommunication pour fournir à leurs abonnés la meilleure qualité de service
possible. Mais ils devront également élargir leur catalogue de terminaux mobiles
pour permettre à leurs abonnés d’accéder aux services de réseaux mobiles depuis le
support de leur choix. Cette stratégie a été plus ou moins celle adoptée par SFR qui
a préféré ne pas investir directement dans les réseaux sociaux mobiles mais au
contraire travailler sur la qualité de réseau. Ils ont été également les premiers à
élargir leur gamme de terminaux en proposant des Netbooks avec abonnement
internet illimité avec l’Asus eeePC, ou des clés 3G pour accéder à internet sur un PC
en situation de mobilité. Cela n’empêche pas en outre aux opérateurs de
communiquer sur les réseaux sociaux en mettant en avant le fait que leur réseau est
le plus adapté pour rester en contact avec sa communauté en offrant une continuité
de service sur tous les supports par exemple.
1 Les echos (17 Février 2009), Nokia, Microsoft et Orange investissent les services mobiles
D’autre part, les réseaux sociaux qu’ils soient fixes ou mobiles n’ont pas encore
démontré leur rentabilité. Aussi, il peut paraitre inintéressant de souhaiter investir
dans des projets de réseaux sociaux s’ils sont grandement déficitaires et grèvent
largement les marges des opérateurs. Ainsi, Crédit Suisse estime par exemple que
Google aurait perdu 470 millions de dollars à cause de Youtube en 20081.
Les opérateurs peuvent donc choisir de simplement faire ce qu’ils font le mieux,
c'est-à-dire fournir l’accès à leurs utilisateurs au service de télécommunication. Cela
leur permettra de diversifier leur source de revenu en diminuant la part
représentée par la voix mais aussi d’économiser les sommes que peuvent
coûter la mise en œuvre d’un réseau social dont la rentabilité reste à prouver.
Cependant cette stratégie a une limite. Elle n’offre pas un axe de différenciation
suffisant pour attirer de nouveaux clients pour un opérateur ayant choisi de l’adopter
car il est très facile pour un concurrent de s’aligner dessus et de proposer des
services similaires. Et même pour l’accès à un réseau de téléphonie de qualité, un
utilisateur non averti ne verra pas de différence entre la qualité de service proposée
par SFR, Bouygues ou Orange. De même, la stratégie d’élargissement de catalogue
produit n’offre un avantage compétitif que le temps que les concurrents s’alignent en
termes de produits et d’abonnements. C’est d’ailleurs pour cela que SFR et Orange
ont décidé de développer leur propre produit sur le marché du e-paper,
respectivement le e-book SFR et le Read&Go, car dans ce cas il ne sera pas
possible pour un concurrent de proposer exactement le même produit. Ainsi, un
opérateur qui voudra se démarquer de ses concurrents devra proposer en plus de
l’abonnement, des services transitant sur le réseau. Les réseaux sociaux mobiles
peuvent constituer ces services et c’est ce qui légitime la stratégie d’Orange sur ce
marché.
ii. Renforcer les partenariats
Les opérateurs peuvent aussi choisir de renforcer leurs partenariats et essayer de
jouer sur leurs atouts pour regagner un pouvoir de négociation auprès des acteurs
des réseaux sociaux.
En les mettant en concurrence par exemple. Ils peuvent notamment multiplier les
partenariats avec les gros acteurs de réseaux sociaux, si bien que l’acteur qui ne
1 Eco89 (19 Juin 2009), Orange peut-il détrôner YouTube et Dailymotion ?
sera pas présent aura immanquablement un désavantage par rapport aux
concurrents. Par exemple, Orange a lancé en 2008 MySocialPlace qui est une
plateforme agrégeant les réseaux sociaux les plus connus Facebook, Myspace,
Skyblog, Bebo, etc. mais aussi les plateformes communautaires de l’opérateur
comme Pikéo ou Orange blog. Les utilisateurs peuvent ainsi accéder depuis le portail
Orange World à une page d’accueil MySocialPlace rassemblant en un coup d’œil
l’ensemble des activités des communautés (mise à jour, messages, commentaires,
etc.). Orange reprend ainsi une part de son pouvoir de négociation auprès des
plateformes communautaires car celles-ci ont d’autant plus intérêt d’appartenir à
cette nouvelle plateforme que les réseaux sociaux concurrents s’y trouvent. En outre,
cette plateforme étant intégrée à Orange World va permettre de créer du trafic sur le
portail mobile de l’opérateur et ainsi augmenter substantiellement l’audience du site
mobile de l’opérateur mais aussi faire connaitre des réseaux sociaux « by Orange »
qui seront mis en avant sur cette plateforme. Ils peuvent également jouer sur leur
base client très importante. Ainsi, Orange pourra faire valoir la possibilité aux
réseaux sociaux d’accéder à sa base de 120 millions de clients dans le monde
comme ils avaient fait pour le partenariat avec Microsoft vu précédemment. De
même, ils pourront tenter de négocier des partenariats multi-pays qui ont pour
avantage de ne pas multiplier le nombre d’interlocuteurs pour signer un accord et en
plus créer des effets d’échelle et de volume qui ne peuvent pas toujours être créés
au niveau d’un pays. Ainsi, SFR pourra faire valoir son appartenance au groupe
Vodafone et Orange sa position d’opérateur mondial. Les opérateurs pourront
également permettre un accès à la facturation des abonnés aux plateformes
communautaires, qui pourraient par exemple grâce aux opérateurs trouver des
sources de revenus supplémentaires en facturant l’accès à certains services. Un
réseau social pourrait par exemple faire payer à ses utilisateurs un compte premium
qui donnerait accès à des fonctionnalités spécifiques et qui serait directement débité
sur la facture de l’abonné.
iii. Racheter un acteur des réseaux sociaux
Les opérateurs peuvent également choisir d’adopter une stratégie plus agressive sur
le marché des réseaux sociaux en jouant l’opposition plutôt que la coopération. Pour
cela ils peuvent proposer leurs propres offres de réseaux sociaux. Cet affrontement
concurrentiel peut passer par le rachat d’un acteur du marché des réseaux sociaux.
Nous l’avons vu la question du positionnement et de la cible est très important pour
bien entrer dans le marché. Aussi il conviendra de réfléchir à ces deux questions au
moment de choisir l’acteur dans lequel l’opérateur souhaitera investir. Une autre
question aura également son importance. Il s’agit de l’objectif du rachat qui aura une
incidence direct sur la taille de l’entreprise cible et donc par extension sur le prix de
l’acquisition. En effet, si l’opérateur a pour but d’acquérir une technologie ou un
concept novateur pour ensuite le faire grossir grâce à sa puissance marketing et
commerciale ou l’intégrer à une offre plus globale, il choisira d’investir dans une
jeune start-up en pleine croissance proposant une offre innovante mais n’ayant pas
encore atteint sa masse critique, ce qui ne posera pas de contrainte dans
l’éventualité de faire évoluer l’offre. A l’inverse, s’il vise à acquérir une audience déjà
en place pour entrer directement sur le marché et éventuellement rentabiliser le
réseau social avec un business model efficace, il préfèrera plutôt un réseau social
déjà bien implanté avec un nombre d’utilisateurs déjà conséquent.
Ainsi, un exemple d’investissement pertinent pour un opérateur serait de choisir une
start-up positionnée sur la nouvelle tendance des réseaux sociaux mobile centrés
autour du carnet d’adresses et de faire levier sur sa base client pour atteindre une
masse critique rapidement. Un acteur comme Asurion par exemple pourrait être une
cible intéressante. Une fois intégrer dans son système, l’opérateur pourrait alors
proposer à tous ses abonnés data d’intégrer le réseau social grâce à leur numéro de
téléphone et à un mot de passe transmis par SMS ou au moment de l’abonnement.
Une fois inscrit, l’abonné pourrait au travers d’une plateforme Web ou d’une
application mobile retrouver tous ses amis présents chez l’opérateur et une fois entré
en relation avec, les voir apparaitre dans son carnet d’adresses avec les
coordonnées et l’actualité de leurs réseaux sociaux mise à jour directement.
L’abonné pourrait en plus échanger avec ses contacts directement sur la plateforme
par messagerie instantanée, envoyer des messages, mettre à jour son profil depuis
la page d’accueil du téléphone voire même connaitre la position géographique de
ses amis. Cette offre, en plus d’ajouter une couche service à un abonnement data
permettrait alors à l’opérateur de fidéliser sa clientèle qui ne souhaiterait pas perdre
l’accès à ses contacts présents sur la plateforme (pour les contacts en provenance
d’autres opérateurs, l’abonné pour simplement les ajouter manuellement comme il se
fait aujourd’hui dans un carnet d’adresse classique) voire pourrait attirer des abonnés
en provenance d’opérateurs concurrents. Ce type de réseaux sociaux serait en outre
cohérent avec l’image de l’opérateur qui semble légitime pour offrir un service en
rapport avec l’abonnement data et l’utilisation du terminal mobile. D’ailleurs, c’est la
stratégie choisie par Vodafone qui a acheté en Mai 2008 la société danoise Zyb1
pour 31,5 millions d’euros2. Cette start-up propose un service de carnet d’adresses
intelligent permettant de stocker de manière convergente l’ensemble des données du
carnet d’adresses sur PC et mobile, de manière à les conserver même si l’on perd
son téléphone. Le service intègre aussi une plateforme de réseaux sociaux
permettant d’entrer en contact avec ses amis qui s’ajoutent automatiquement au
carnet d’adresses du téléphone. L’utilisateur peut ainsi accéder aux dernières
données synchronisées de son réseau comme les coordonnées de ses contacts.
A l’inverse, l’acquisition d’un acteur déjà en place peut être pertinent notamment si
l’opérateur vise à apporter une autre dimension au réseau acheté et à créer des
synergies avec ses actifs existants. Par exemple, en permettant à un réseau social
exclusivement fixe d’entrer sur le mobile et ainsi faire basculer la base d’utilisateurs
internet sur une utilisation en mobilité. Mais également en rentabilisant le réseau
social grâce à un business model efficace et des formats publicitaires pertinents. Ou
encore en permettant à un acteur présent uniquement sur un pays d’atteindre une
échelle internationale grâce à l’organisation et les moyens financiers de l’opérateur.
Ainsi les opérateurs peuvent choisir d’entrer sur le marché des réseaux sociaux
par une acquisition mais doivent réfléchir au préalable à leur positionnement et
à l’objectif de l’investissement pour choisir leur cible.
iv. Proposer des solutions « in-house »
Enfin les opérateurs peuvent tenter d’entrer sur le marché des réseaux sociaux en
développant leur propre solution. Cette option qui parait difficile car elle contraint
l’opérateur à développer une offre de zéro et à attirer une audience qui peut s’être
déjà tournée vers d’autres offres, a néanmoins pour avantage une maîtrise
technologique complète et représente un gain total pour l’opérateur en cas de
succès. En outre, ce choix peut bénéficier de la force de frappe autant financière que
1 www.zyb.com2 NetEco (16 Mai 2008), Réseaux sociaux mobiles : Vodafone s'offre Zyb
commerciale des opérateurs ce qui représente un premier avantage par rapport à
des start-ups qui partent quasiment de rien. Cette solution peut s’articuler autour de
deux choix, soit de concurrencer les réseaux sociaux directement, en proposant une
offre maison de réseau social, soit concurrencer les constructeurs en jouant un rôle
sur leur marché.
Afin de concurrencer les réseaux sociaux les opérateurs doivent encore une fois
réfléchir à leur cible et à leur positionnement. Cela s’avère d’autant plus déterminant
dans ce cas qu’ils devront en plus faire face à la concurrence d’acteurs déjà en place
et qu’ils partiront de zéro sur un concept qui n’a pas encore nécessairement fait ses
preuves. Le plus important dans ce cas est surtout de construire une offre cohérente
avec l’existant et l’image de marque de l’opérateur, surtout si le service est proposé
sous le nom de l’opérateur. En outre pour construire un service de réseau social il
faut réfléchir à un certains nombres d’éléments indispensables qu’un utilisateur de
réseaux sociaux s’attend à trouver. Notamment, une ergonomie simple et rapide à
prendre en main, un design épuré et accessible, des fonctionnalités indispensables
comme la mise à jour du profil, un statut, la possibilité de publier, d’échanger, de
partager des informations, la possibilité de commenter l’activité des autres, la
possibilité de rechercher un contact et de naviguer entre les contacts. Par ailleurs,
l’opérateur peut également jouer le rôle de tiers de confiance sur le principal
reproche qui est fait aux réseaux sociaux à savoir la gestion de la vie privée. Le
réseau social ainsi créer peut donc avoir pour atout principal une gestion de la vie
privée simplifiée et accessible ce qui peut être cohérent pour une cible adulte ou
familiale par exemple. En outre, des questions vont également se poser sur le degré
d’ouverture ou de fermeture du réseau social. Le réseau doit-il être ouvert,
accessible de tous sur le modèle de Facebook ou au contraire, fermé et centré sur
un nombre restreint d’utilisateurs comme PeopleSound ? Sur ce même thème de
l’ouverture, les opérateurs devront également s’interroger sur la question de
l’accessibilité au service. A savoir, si le réseau sera restreint aux seuls abonnés de
l’opérateur ou à l’ensemble des utilisateurs de téléphones portables. Dans l’optique
d’atteindre une masse critique rapidement l’ouverture semble être l’option à
privilégier. Néanmoins, l’accès au réseau social ne pourrait-il pas être un argument
pour justifier la présence chez un opérateur plutôt que chez un autre en jouant sur
les effets de réseaux présentés en première partie ? Ainsi, au-delà des revenus
générés par le réseau, l’opérateur pourrait accroître sa part de marché et renforcer la
fidélité à sa marque. L’idée serait donc de créer les conditions où se joue des effets
de réseau en ajoutant une couche de service accessible seulement aux abonnés de
l’opérateur. Nous en avons vu un exemple tout à l’heure dans le cas d’un rachat, on
peut également imaginer un autre exemple basé sur un service de micro-blogging
qui serait accessible uniquement entre abonnés d’un opérateur et disponible
gratuitement depuis un PC ou un mobile par SMS ou internet mobile. Ce servie
serait ainsi l’intermédiaire entre la messagerie instantanée, dans le sens où la
conversation serait synchrone (mais aussi asynchrone, les messages étant publiés)
et le SMS, dans le sens où la conversation serait one-to-many et non plus one-to-
one. Encore une fois, ce type de réseaux sociaux mobiles est cohérent avec l’image
de marque de l’opérateur car il propose un nouveau moyen de communication.
D’ailleurs, China mobile a lancé un service de ce type en Août 2009, qui s’appelle
139 lobbyiste et qui permet aux abonnés de la marque de publier des micro-
messages depuis un PC ou un mobile par SMS1. Ainsi, au-delà du simple fait de
proposer un service de réseau social, une plateforme communautaire mobile
pourrait avoir pour bénéfices d’accroitre la part de marché et la fidélité des
clients à la marque.
Les opérateurs peuvent également choisir de concurrencer les constructeurs de
téléphones portables qui avaient rompu l’équilibre gagnant-gagnant avec les
plateformes de réseaux sociaux. Tout simplement en proposant eux-mêmes des
téléphones portables. En effet, avec l’apparition de nouveaux acteurs sur le marché
des téléphones portables comme Google et son OS Android, il est devenu facile et
économique pour un acteur tiers de proposer des téléphones portables. Par ailleurs,
certains opérateurs comme Orange ont déjà dans le passé commercialisé des
téléphones portables sous leur propre marque, notamment les modèles SPV pour
Orange. Ainsi, les opérateurs pourraient créer des téléphones sous leur propre
marque qu’ils orienteraient autour des usages des réseaux sociaux. De cette
manière ils maîtriseraient l’ensemble de la chaine de valeur, de la couverture
réseau au terminal de l’abonné, en ajoutant une couche service. Ce téléphone
pourrait par exemple permettre un accès simplifié aux principaux réseaux sociaux
par l’intermédiaire de raccourcis et d’applications préinstallées sur le téléphone.
L’enjeu principal étant le niveau d’intégration des réseaux sociaux avec les
1 Le quotidien du peuple (20 Août 2009), China Mobile lance les services du site de micro-blog reconverti « 139 lobbyiste »
caractéristiques techniques du téléphone. Par exemple, le constructeur INQ mobile a
lancé plusieurs téléphones dédiés aux réseaux sociaux, comme le INQ1 qualifié de
« Facebook phone » lancé en partenariat avec l’opérateur britannique « 3 » fin 20081
ou les INQ chat 3G et INQ mini 3G dédié à l’utilisation de Twitter annoncés en Aout
20092. Ces téléphones intègrent des touches de raccourci vers ces réseaux sociaux
ainsi que des applications préinstallées sur le téléphone et parfaitement intégrées
aux spécificités de l’appareil. Il suffirait donc pour les opérateurs de répliquer sur ce
modèle une offre de téléphone portable sous leur propre marque destiné aux usages
de réseaux sociaux.
d. Quel rôle jouer dans la monétisation des réseaux sociaux ?
Enfin les opérateurs peuvent jouer un rôle dans la monétisation des réseaux sociaux.
Nous l’avons vu les réseaux sociaux sont encore en recherche d’un business model
viable et tentent de trouver le moyen le plus adapté pour générer des revenus. Le
modèle dominant sur les plateformes communautaires est le modèle du gratuit
financé par la publicité. Le plus souvent cette publicité se fait par des bannières
affichés à l’écran mais elle peut également passer par du paiement au clic comme
cela se fait sur Youtube, où des publicités sont incrustés au bas des vidéos.
Cependant, les annonceurs ont, au moins au début, été réticents pour faire de la pub
sur les réseaux sociaux, ne voulant pas forcément associer leur marque au contenu
publié par les utilisateurs sur ces plateformes. Mais avec le succès rencontré par
certains sites et notamment Facebook, les réseaux sociaux deviennent maintenant
quasiment incontournables. Ainsi, Facebook qui a généré un chiffre d’affaire de 150
millions en 2008 prévoit des revenus de 500 millions de dollars pour 20093. En outre,
certains sites ont choisi un business model payant avec un mix gratuit + premium.
Ainsi, en payant, l’utilisateur pourra avoir accès à des fonctionnalités
supplémentaires. C’est le cas par exemple de Viadéo qui offre un accès libre à tout
utilisateur pour se créer un profil et se construire un réseau mais qui facture un
abonnement premium pour avoir accès par exemple aux noms des personnes ayant
consulté son profil ou à un moteur de recherche enrichi.
1 Génération NT (13 Novembre 2008), UK : le mobile INQ1, ou « Facebook Phone » est officialisé2 Génération NT (4 Aôut 2009), INQ : 2 mobiles 3G spécialement dédiés à Twitter3 Lemondeinformatique.fe (7 Juillet 2009), Facebook vise les 500 M$ de chiffre d'affaires en 2009
Ainsi, on peut imaginer que les opérateurs jouent un rôle dans la monétisation de ces
sites communautaires. Notamment en permettant de jouer un rôle d’intermédiaire
pour le paiement des comptes premium en facturant l’abonné directement sur sa
facture téléphonique. Cela peut en effet, lever les réticences de certains utilisateurs
pour effectuer un paiement en ligne en passant par un tiers de confiance comme
l’opérateur. Ils peuvent également proposer aux réseaux sociaux de monétiser
l’audience des plateformes d’agrégation de réseaux sociaux sur mobile issues des
partenariats. Cette offre est intéressante pour les réseaux sociaux car elle permet
d’assurer des revenus en provenance de ces plateformes autres que les simples
revenus des partenariats. On peut par exemple imaginer un mix de revenu avec une
partie fixe issue des partenariats plus une partie variable provenant du partage des
revenus de la publicité en ligne. En outre, ce type d’offres est très attractif pour les
annonceurs car elles permettent non seulement de couvrir une audience plus
importante en étant présent sur plusieurs réseaux sociaux en même temps, depuis
un point de connexion unique mais en plus, en étant conjuguées à des offres
convergentes PC/mobile, elles assurent aux annonceurs une présence sur les
réseaux sociaux depuis n’importe quel support et donc à tous les moments où
l’utilisateur est connecté à un réseau social. Cette logique est celle suivi par Orange
qui explique par l’intermédiaire de son vice-président directeur de la stratégie de
portail et de la publicité en ligne, Paul-François Fournier que les plateformes
d’agrégation mobile viennent « appuyer leur stratégie publicitaire multi plate-forme en
offrant aux annonceurs l’opportunité incontournable d’atteindre les membres de
toutes ces communautés en un seul et même endroit sur les portails Orange
World ».
Les opérateurs peuvent donc jouer un rôle sur le marché des réseaux sociaux
mobiles. Ils ont de nombreux atouts à faire valoir et notamment leur base client de
plusieurs dizaine de millions d’abonnés, leurs actifs sur le marché des réseaux
sociaux sur internet et sur les portails de contenu mobile ou encore leurs ressources
financières importantes. Néanmoins, ils doivent également composer avec une
organisation moins flexible et réactive que leurs concurrents qui sont souvent des
startups et leur retard pris sur ce marché déjà plus ou moins développé. En outre,
pour s’assurer d’une entrée réussie sur ce marché ils doivent réfléchir à leur
positionnement et soit tenter d’identifier des niches, soit proposer des services plus
enrichis que les réseaux sociaux existants comme l’ajout d’une dimension de
convergence fixe/mobile ou de fonctionnalités supplémentaires. Ils doivent
également apporter une attention toute particulière aux questions de design,
d’accessibilité, de simplicité d’utilisation et de fonctionnalités et rester cohérent avec
leur image de marque et leur légitimité auprès de leur cible. Partant de là, ils peuvent
choisir de ne pas entrer sur le marché et de se renforcer sur leur core business en
maximisant la part issue des revenus data et en élargissant le portefeuille
d’abonnements de leur client. Ils peuvent également renforcer leur logique de
partenariats en proposant des plateformes intégrées de réseaux sociaux. Ils peuvent
aussi décider d’entrer sur le marché soit par l’achat d’un site en définissant bien
l’objectif de l’acquisition ou en créant une offre de toute pièce venant concurrencer
les réseaux sociaux ou les constructeurs de terminaux. Enfin, ils peuvent jouer un
rôle dans la monétisation des réseaux sociaux par des offres attractives à la fois pour
les plateformes communautaires et aussi pour les annonceurs.
Conclusion
Les réseaux sociaux sur mobile sont une véritable révolution. D’une part, ils ont
transformé le comportement des utilisateurs d’internet. Ils ont introduit de nouveaux
usages en créant de gigantesques plateformes où les gens se retrouvent, partagent,
échangent et communiquent. Mais plus que cela, ils ont encouragé la transition du
monde de l’internet fixe à celui de l’internet mobile. La problématique pour les
utilisateurs de ces sites n’est donc plus de rester simplement en contact avec leurs
réseaux mais de les suivre où qu’ils soient, quoi qu’ils fassent et à n’importe quel
moment. Ainsi, la tendance qui voit la dépendance des utilisateurs à leur téléphone
portable augmenter n’est pas près de s’arrêter.
D’autre part, ils ont bouleversé un secteur de l’économie qui était jusque là plus ou
moins cadré à des rôles précis. Avant, les fournisseurs de contenus et de service
avaient pour objectif d’attirer un maximum d’audience afin de créer des revenus par
la publicité. Les opérateurs permettaient à ces fournisseurs de faire transiter leurs
données au travers d’un réseau de télécommunication et généraient leur chiffre
d’affaire en faisant payer l’accès au service à leurs abonnés. Les constructeurs
apportaient le support qui permettait d’afficher ces contenus et vendaient donc leurs
appareils. Maintenant, ces acteurs n’ont plus de frontière. Les réseaux sociaux
viennent s’inviter dans le marché des opérateurs et des manufacturiers en signant
des partenariats pour mettre en avant leur service. Les opérateurs tentent de jouer
un rôle sur le marché en envisageant de proposer eux-mêmes leur propre plateforme
de réseaux sociaux. Les constructeurs cherchent à maximiser leurs revenus en
proposant des téléphones toujours plus évolués et en mettant en place des
plateformes de téléchargement d’applications.
Pour l’instant personne ne peut dire à quoi le marché pourra ressembler dans
quelques années. Une chose est sure, les tendances d’utilisation de l’internet mobile
et des réseaux sociaux sont juste naissantes et les usages vont continuer à se
renforcer avec le temps. L’environnement concurrentiel quant à lui reste incertain. Il
est très difficile de savoir si ces mouvements d’acteur sur la chaine de valeur et la
disparition des frontières entre eux vont favoriser une intégration toujours plus
grande entre service, réseau de communication et support ou si au contraire on
assistera à la « victoire » de l’un d’entre eux qui animera autour de lui tout un
écosystème orienté sur un type de réseaux sociaux, de service de communication ou
de terminal. De même, on ne peut pour l’instant savoir sur chacun de ces marchés
quel acteur sera le futur leader…
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