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Sur les traces de la haine vers Eden Pierre st Vincent

Extrait sur les traces de la haine 73 pages Pierre ST Vincent

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Sur les traces de la haine vers EdenPierre st Vincent

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Chapitre 1 Reveil

« Mr Reyna, vous avez accepté de venir dans les bureaux de notresociété. Je me suis mis à votre entière disposition pendant plus dedix minutes ! Nous vous avons proposé un salaire hors du commun…

Vous pouvez devenir le responsable des jeux d’ERT… vous hésitezencore !

Je vous pose une dernière fois la question…

Voulez-vous ce poste oui ou non ? »

*

Ces mots de ce 15 mai 2 080 étaient les seuls dont il se souvenait àl’instant de son éveil. Prononcés d’une voix quasi hystérique par leprésident de la multinationale ERT, ces propos agressifs l’avaientmis, bien malgré lui, au seuil d’une aventure bafouant ouvertementles lois édictées par la société néo-individualiste en vigueur en cettefin de siècle.

Pour la suite de son entrevue, il devinait que quelque chosed’étrange s’était passé au fond de son être.

*

Dans son appartement, Childéric Reyna venait de se réveiller d’unsurprenant sommeil de 5 jours et 5 nuits consécutives ! Ce longrepos ne pouvait avoir d’autres explications que la configuration de Cervoclonis, cet « ordinateur cerveau biochimique » incomparable dont il était détenteur.

Il subsistait, au fond de son être, une impression confuse. Il revivait,

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par épisodes, cette étrange journée du 15 mai, passée au milieu d’unparc immense, baigné de lumières irréelles.

Une fête y avait été organisée par le président d’ERT.

A son issue, ce dernier l’avait rencontré.

*

Au fur et à mesure de la reprise de sa conscience, il revivait cetaccueil froid, impersonnel et rapide où il avait été nommé « maîtredes jeux » d’une série de divertissements développés par ERT.

Il avait été subjugué voire hypnotisé par son interlocuteur ; des yeuxbleus, aux commissures asiatiques ourlées de rides, donnaient uneexpression coupante à un regard extravagant.

L’intelligence et le mystère perçaient dans tout ce qu’il faisait oudisait.

Childéric se souvenait vaguement de sa réponse, sans conviction :

« Oui, finalement, j’accepte ! »

Il avait l’impression que cette réponse lui avait été arrachée de forcedans le cadre d’une réunion préparée à l’avance. Tout ceciressemblait à un piège !

Aucune négociation n’avait eu lieu. Les conditions lui avaient étéproposées dès le début de la réunion : salaire doublé, embauché àvie… ! Invraisemblable !

Pouvait-il refuser une telle proposition ?

A aucun moment il n’avait imaginé la suite de l’aventure qu’il allaitvivre !

A partir de l’obtention de cet accord, le président lui avait remis cequ’il appelait « l’extension neuronale. »

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Cet étrange module complétait « Cervoclonis » que Childéric avaitacheté quelques mois auparavant.

Assemblés l’un avec l’autre, l’ensemble devenait « une console dejeux inégalée ».

Un miracle de technologie !!!

Sans ambages, le président était passé à ce qu’il appelait « leformatage ».

Ce terme informatique, appliqué à un être humain, lui était apparuétrange dans le cadre de sa future fonction de maître des jeux.

Childéric s’était aperçu alors, confusément, qu’il avait été victimed’une introspection mentale lors de cette séance.

Ni son père ni sa fiancée n’avaient pu l’empêcher de faire cetteexpérience ; personne de qualifié ne l’avait assisté pour juger dufondement de l’expérience, car il s’agissait bel et bien, pensait-il,d’une expérimentation !

Sortant de cet invraisemblable sommeil, Childéric Reyna reprenaitpetit à petit confiance et conscience de son identité.

Les yeux hagards, les jambes pendant au bord du lit, il cherchait…cherchait la partie de lui-même… disparue.

Très confusément, il nota qu’il ne se sentait plus en osmose parfaiteavec lui-même.

Et aujourd’hui, au réveil, il était désemparé, comme en état demanque.

Son regard se porta sur Cervoclonis gisant sur le sofa. Une actionirraisonnée lui fit le saisir et l’installer à l’endroit qu’il n’auraitjamais dû quitter : le sommet de sa tête.

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A cet instant précis, il était devenu le nouveau Childéric Reyna,maître des jeux les plus extraordinaires que ce siècle ait engendrés.

Il s’habilla fébrilement et se souvint des derniers propos duprésident.

Ce dernier lui avait conseillé, dans un premier temps, de constituerune équipe d’experts internationaux pour l’aider dans son analysede la cohérence et de la réalité des divertissements d’ERT.

Les jeux qui lui étaient confiés n’avaient pas encore été contrôléspar des spécialistes !! Lui, qui était néophyte dans ce domaine, avaitété choisi parmi une foule de candidats ! Etrange démarche !

Bien vite, ces quelques questions, remontant du fond de son être,avaient laissé place à une excitation montant en lui, exacerbée,incontrôlable. Une motivation encore jamais ressentie dans sacourte vie le parcourait, illuminait ses pensées et précipitait sesgestes.

Il rechercha fébrilement un globe terrestre et le parcourut avec sonindex, les parallèles et les méridiens découpant fictivement la Terrepar portions de cent-vingt degrés de longitude en partant duméridien de Greenwich, ceci du pôle nord au pôle sud, et deslatitudes plus quatre-vingt-dix-degrés à moins quatre-vingt-dixdegrés.

Il parcourut chacune des tranches délimitées ainsi, et décida desélectionner plusieurs participants localisés dans chacune de cesportions. Il désigna ensuite, arbitrairement, la quantité de sixhommes et six femmes d’une trentaine d’années.

La machine, équipée de son module neuronal, possédait la liste desdétenteurs de machines. Elle lui suggéra aussitôt les noms depersonnes paraissant posséder les aptitudes requises.

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Childéric ne contesta pas son analyse et les joignit d’abord parliaison à distance. Ces premiers contacts vidéo-psycho-senso-phonique (VPSP) permettraient de les jauger, les questionner, puisde décider du parcours des premières étapes de rencontres pour lesjeux.

Cervoclonis le guidait sur ces bases, entraînant l’esprit de Childéricdans un processus quasi incontrôlable et d’une efficacité redoutable.Tous les gens pressentis acceptèrent aussitôt, plus rapidement qu’ilne l’avait fait lui-même quelques jours plus tôt chez le président.

Trois rendez-vous furent arrêtés et organisés aux épicentres des paysou continents de résidence des membres de la future équipe.

*

Avant son départ Childéric songea longuement à sa vie passée, à sesamis, à sa famille proche dont il n’avait pas de nouvelles ; il appelasa fiancée de l’instant, et à l’issue de cet entretien sans passion, pritalors la décision irrévocable de se lancer à corps perdu dans cettenouvelle aventure.

Sa valise prête, les billets l’attendant sur son bureau, sans regret, ilse rendit au terminal des envols internationaux et décolla par lapremière navette pour Guangzhou, Empire du Levant.

Après deux heures de vol, alors que l’étrange aéronef préparait sonatterrissage, il découvrit la ville, telle que Cervoclonis l’avait pré-inscrite dans ses neurones.

Au loin, vers l’est, apparaissaient, irréelles, les cimes des gratte-cielde Hong Kong.

Directement en dessous de la navette et s’étendant quasimentjusqu’à la mer de chine, vivait la ville de Guanzhou.

Devenue capitale des provinces de Guangdong, Fujian, Jiangxi,

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Hunan, et Guangxi, cette ville était devenue le centre de vie et lepoumon industriel de l’Empire du levant, dans sa partie orientale.

Se côtoyaient immenses bâtiments et entrepôts, usines gigantesqueset parcs de verdures.

Perdus dans cet immense amoncellement de béton, apparaissaientquelques vestiges de son lointain passé : le Guangdong provincialmuséum, le Six Banyan trees temple, le Guangxiao temple, le NanshaTianhou Palace…

Au centre de cette débauche de vitalité, serpentaient la « rivière deperles » et son impressionnant delta. Les traits d’écume des bateauxjaillissaient, projetés sur les rives couvertes de mille jardins auxcouleurs éclatantes.

Dans l’espace, se faufilant entre les sommets des buildings, desnuages d’engins volants se croisaient dans un balai effrayant.

Après avoir tremblé quelques minutes, pendant l’atterrissage,Childéric descendit non sans plaisir de son étrange navette.

Ayant franchi tous les contrôles d’hygiène et de sécurité, il loua sansdifficulté l’un des nombreux véhicules à photons. Sa surprise futgrande de se rendre automatiquement et sans encombre au lieu derendez-vous, tenant compte de la taille gigantesque de cettemégalopole tentaculaire de plus de 50 millions d’individus !

Arrivé à la salle de meeting, située dans l’un des nombreux Hôtelsd’Empire, il y entra timidement, vraiment stressé. Une fois àl’intérieur, son appréhension le quitta. Il venait de reconnaîtreindividuellement les quatre participants, tant les liaisons VPSPétaient remarquables et les dossiers constitués sur eux, précis !

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Chapitre 2 Cervoclonis clé de conscience ?

Childéric aurait pu transférer la programmation par liaison àdistance, et le périphérique neuronal par courrier ultra-rapide etconfidentiel, mais, étrangement Cervoclonis lui avait suggéré cesrencontres directes !

Cervoclonis, équipé de son module neuronal, semblait vouloir plusque rencontrer virtuellement ; il désirait « toucher de sesperceptions de machine » les membres de l’équipe sélectionnés,comme s’il était humain !

Childéric réagissait à ses sollicitations tel un apprenti. Lui qui étaitd’essence humaine, suivait la logique d’un cerveau de naturebiochimique et engendré en laboratoire ! Il venait de comprendre,en cet instant, malgré le peu d’espace laissé par la machine dans samatière grise, son réel état de dépendance.

Depuis le début de l’expérience, il ressentait des émotions disparuesdepuis des années ; Cervoclonis les lui transmettait et il les intégraitcomme un écolier. Chaque seconde le binôme s’auto alimentait,mais… il avait l’impression de ne plus être le maître.

Sortant peu à peu de cet état hypnotique, il décida de démarrer laréunion en lisant et appliquant le protocole de rencontre gestuel etphysique. Il salua d’abord Luan Shing Peï, première femme del’Empire du Levant à posséder Cervoclonis. Sans réfléchir il sedéplaça vers elle, puis lui serra la main… longuement, commeaimanté, ne pouvant s’en défaire !

Il y avait si longtemps que l’humanité ne pratiquait plus ce quiapparaissait, en cet instant, comme une dérive au protocole !

Dans la page quatre du livre du cérémonial il était écrit que la duréedes gestes, quels qu’ils soient, était brève et de faible puissance.

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Au bout de quelques instants lui paraissant un siècle, Luan Shing Peïretira sèchement sa main, laissant apparaître sur son visage confuset rouge une surprise bien compréhensible, sa bouche portant unrictus de dégoût.

Responsable de cette atteinte inconcevable au protocole, Childéricse troubla, comprenant un peu tard que le coupable de cette dériveétait… Cervoclonis… la machine !!!

Déconcerté, Childéric reprenant peu à peu le dessus, salua les autresmembres. Ils le regardaient étrangement ! Mentalement, il se mit àsemoncer la machine, qui s’attribuait, lui paraissait-il, desprérogatives non identifiées dans les fiches techniques. Il sentitaussitôt la réaction de Cervoclonis, dans son être, physiquement etintellectuellement, comme si cette injonction psychique avait affectéla machine dont la réaction le perturbait en retour lui, l’êtrehumain !

Ces instants d’échanges intra-cerveaux avaient l’air de déranger lesquatre membres de l’équipe ; ils l’examinaient avec répugnance,essayant de comprendre ce qu’il se passait. Childéric était de plus enplus déstabilisé et se laissait ballotter au gré du temps et desévénements par Cervoclonis…

Tous étaient assis, un silence lourd régnant dans la salle.

Au bout de quelques instants, il rompit ce calme malsain, reprenantses esprits et remettant à chacun les extensions neuronales dédiéesaux jeux. Puisant dans le peu de courage qui lui restait, il seprésenta, définissant son rôle et demandant aux membres de lafuture équipe de le faire à leur tour. Son premier regard rougissant,se porta sur Luan, l’incitant à commencer.

Luan inclina la tête et, bizarrement, tenta longuement de convaincrel’assemblée de la validité de sa candidature

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« Luan Shing Peï est le nom que l’Empire du Levant m’a donné lorsde ma naissance, alors que j’ai succédé à mon double biologique parclonage peu de temps avant son grand voyage céleste. Il était desexe féminin.

Je suis heureuse de vivre humainement dans cette situation. Monâge est de 33 ans, je suis saine physiquement et ai subi à manaissance les traitements Barrates, donc, ne peux transmettre demaladies, ni en développer. Je pense avoir une résistance peucommune aux émotions humaines telles qu’elles sont décrites dansles livres anciens. Quels sont les critères qui vous ont guidé dans lechoix de ma candidature ? Ils sont pertinents, croyez-moi.

De plus, n’ayant pour parents que les représentants de l’Empire, jepeux vivre sans contrainte de liens affectifs parentaux. Célibatairesans enfant, diplômée en biologie cellulaire et archéologie, jepourrais sans aucun doute apporter mes connaissances pouraméliorer le ou les jeux. L’Empire du Levant auquel j’appartiens,s’étend des plaines de Sibérie aux limites de l’Océan indien. J’habiteQufu dans l’ancienne Chine. ».

Quelques phrases s’ajoutèrent à ce long plaidoyer, puis, elles’interrompit enfin.

Childéric la remercia, l’invitant à s’asseoir ; mais elle ne bougea pas.Childéric songeant au prochain membre de l’équipe, releva la tête etla vit encore debout.

« Oui… Melle Luan Shing Pei, qu’y a-t’il ? Que puis-je faire pourvous ? ».

Cervoclonis, suggérant qu’elle était très belle, déstabilisa Childéric. Ilréalisa alors que la machine venait de porter un jugement pour lemoins surprenant ! Abasourdi, il ne put faire qu’un geste de la main,l’incitant à continuer.

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Luan battit des cils et posa la question lui brûlant les lèvres.

« Je voudrais savoir quelles sont les garanties données par ERT,pendant la durée du jeu, sur la pérennité du nouveau périphérique,son entretien, sa durée, sa fiabilité, ainsi que les perspectives desatisfactions ou d’avantages dont nous pourrions bénéficier ? Nousconnaissons tout ou presque sur le module de base Cervoclonis,quid de cette extension neuronale ? ».

Childéric l’avait ressenti au premier contact. Cette fille n’était pasordinaire : structurée, directe, intelligente, curieuse.

« Votre question est recevable. Nous allons vous répondre, ainsiqu’à l’ensemble de l’équipe, après la mise en place physique etpsychique du module. En attendant, laissons la parole à cet autremembre. ».

Répondit-il, en désignant le participant le plus à sa droite.

Un géant blond, étrangement habillé, se leva de son siège, saluantrespectueusement Childéric ainsi que ses futurs équipiers. D’unevoix puissante et assurée, il se présenta :

« Mon nom est James Klinton, diminutif JK, 30 ans, hémisphère sud,Australie, Melbourne, célibataire sans enfant, ingénieur spécialisteen intelligence artificielle, diplômé de l’université de Lexington. Jesuis le seul représentant mâle de cet hémisphère. Nous avons pris,Helena McDonagh et moi-même, la navette d’hier, 25 juillet 2 080,temps terrestre. Je suis à votre disposition Mr Reyna pour l’aventureproposée par ERT.

De plus, je souscris aux questions posées par Melle Luan ShingPei. ».

« Voilà un homme concis, rapide, sans fioriture orale », pensaChildéric, en donnant la parole à la deuxième femme du groupe.

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Rousse comme il n’était pas possible de l’être, un peu boulotte, unvisage sympathique mais ingrat, éclairé par un sourire radieux, elles’adressa gauchement, mais clairement à son interlocuteur.

« Helena McDonagh, diminutif HM, fille de John et MariettMcDonagh, 35 ans, ingénieur agronome diplômée de l’écoled’agriculture de Perth, Australie sud-orientale. Non mariée, deuxenfants élevés par leurs grands-mères, obtenus par parthénogenèsemulti ovulaire. Je suis libre de disposer de mon temps pourparticiper à ce que j’imagine comme la plus palpitante aventure decette fin de siècle. J’écouterai avec intérêt votre commentaire sur lesquestions de Mrs Luan. ».

Un silence s’installa, dans l’attente de plus d’informations.

« Avez-vous terminé, Mrs McDonagh ? Oui ? Très bien. Vous avez laparole désormais Mr Takamaki Sone. »

Lança Childéric, en se positionnant face à un homme de staturechétive.

Takamaki Sone, se démarquant de ses équipiers par sa petite taille,des cheveux noirs plaqués et rassemblés à l’arrière en catogan,portait une tenue de dandy asiatique. En s’inclinant à la manière deses ancêtres il salua respectueusement l’ensemble de ses collègues,puis, se lança dans un long monologue.

« Nous appartenons, Luan et moi, à l’Empire du Levant, mais materre est à l’extrémité de l’orient. Mon ancienne patrie s’appelait :Japon. Le Japon vient d’adhérer tout récemment aux Etats Unis duLevant plus connu sous le patronyme : Empire du Levant.

Mon nom est Takamaki Sone et je viens d’obtenir le dernier prixNobel de géologie. Mon équipe et moi-même, avons démontré parmodélisation et tests grandeur nature, dans la mégapole de Kyoto,l’évolution de la Terre depuis moins 3,6 milliards d’années à nos

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jours. J’ai compressé fictivement le temps, faisant franchir àl’humanité, en quelques jours, un parcours de plusieurs millionsd’années. Ceci est applicable aux minéraux, aux végétaux, auxbactéries, aux premiers animaux. Nous sommes extrêmementproche de créer le… premier…. ».

Arrivé à ce point de son discours, il s’arrêta, ayant soudainconscience de dévoiler quelque chose d’incompréhensible pourl’assemblée.

Après un instant, il continua :

« Je suis, en tant que scientifique, excité à l’idée de me lancer danscette équipée pour découvrir les capacités de cette extensionneuronale. ».

Un bref silence, puis il reprit son discours monocorde, le visageéclairé d’émotion : « Nous, dans l’ancien Japon, ne sommes pasencore entrés, dans la société dite néo-individualiste.

Notre mode de vie collectiviste, et le peu d’espace dont nousdisposons, n’ont pas favorisé notre adhésion au modèle cité ; aussi,sommes-nous encore des barbares pour l’Empire ! Nous avonscependant éradiqué les maladies, grâce aux découvertes de Barrates.Nous sommes donc sains physiquement. Nous avons gardé lesconcepts extrême-orientaux, concernant les flux yin et yang circulantdans notre corps et liés au cosmos.

Cette maîtrise réduit les conflits entre personnes. Nous avonsconservé sur nos îles, nos protocoles de rencontre basés sur lerespect de l’être humain.

Pardonnez-moi d’avoir parlé aussi longtemps, alors que vous neconnaissez rien de mon entourage !

Mon âge est de 40 ans, et je viens de perdre ma vénérée compagne

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ainsi que mes deux enfants, dans une stupide explosiond’immeuble. Je suis un homme détruit et libre par la force du destin.J’imagine que ce jeu va dériver mon émotion. ».

Childéric découvrait au cours de cette rencontre les carences dumonde actuel. La société humaine n’était pas aussi stable ethomogène qu’il l’imaginait. Un peu ému par cette dernièreprésentation, Childéric suggéra une pause dans la réunion autourd’un snack-buffet-café.

Alors qu’il se dirigeait vers le buffet, il cherchait à comprendrepourquoi Cervoclonis avait choisi Takamaki Sone ?

Il se souvenait de l’insoutenable épreuve subie lors de laconfiguration de l’extension neuronale.

Takamaki allait-il résister après toutes les épreuves subies ?

Lui, Childéric, avait eu peur avant même de commencer la séance !

Il réalisa, en sortant de ses pensées, que les participants attendaientsa venue pour goûter les délices locaux… garantis sans bactéries etsans goût.

Etrangement, le café et les gâteaux avaient une saveur distincte dece qu’il consommait lors des événements de ce type !

Existait-il réellement une différence ? Car enfin les grandes sociétésmultinationales organisant ces manifestations avaient les recettesdéfinies par les comités d’hygiène !

Pendant le déroulement de ce break, Childéric ne put lierconversation. Depuis ses échanges avec Takamaki, il entrevoyaitl’inégalité entre les vies et leurs applications, les nourritures, lesdestins des individus, l’influence du passé sur le présent. Il l’avait ludans des revues dites non-conformistes, sans le croire, mais sur le

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terrain les choses étaient si différentes, les humains sidissemblables, et la force de la réalité vécue si hétérogène !

Cervoclonis, qui avait voulu cette réunion, n’était-il pas en traind’assurer la formation de Childéric à son insu ? Le mondefonctionnait-il à l’envers ? Une machine apprenait à l’humain autrechose que la science, les mathématiques, ou la comptabilité ! Etait-ce le concepteur de Cervoclonis, ou la fonction d’auto création de lamachine, qui manipulait tout et dépassait l’inventeur ? Le regardsombre, ces réflexions occupèrent tout l’intermède café et iln’adressa finalement pas la parole aux autres membres.

Le buffet terminé, chacun revint à sa place.

Dans le calme apparent, les yeux des auditeurs brillaient d’uneexcitation contenue. Le maître des jeux allait-il enfin livrer à sesassistants le secret de ce fabuleux module ?

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Chapitre 3 Pourquoi des jeux ?

Childéric ne pouvait plus reculer ; il devait lancer la série de jeux laplus géniale de cette fin de siècle. Il commença timidement :

« Je vous rappelle que le début de tous les jeux se fera enprononçant le titre : UN PAS DANS L’HUMANITE A LA RECHERCHEDES ORIGINES. »

Son anxiété le quittant peu à peu, il se souvint des paroles duprésident et l’imita, lançant de manière impersonnelle les proposqui l’avaient tellement impressionné.

« Reprenez Cervoclonis, positionnez le correctement ! ».

Chacun prit d’un mouvement nerveux sa machine équipée dunouveau module de jeu, et la plaça sur sa tête.

« Test de réalité virtuelle, en route. Vous devrez, avant d’entrer dansle process des jeux, vous soumettre à ces tests. Réalité ou fiction,vous voici dans le monde des jeux ERT.

Procédure de configuration en marche… nous partons.

Vous devez posséder la connaissance de ces JEUX à 99 % de monpropre savoir et surtout ne jamais sortir des jeux, je répète nejamais sortir, sans respecter les procédures d’éjection. »

Il venait de marteler la dernière phrase, comme s’il s’agissait d’unequestion de vie ou de mort !

« La machine est réglée pour juger de votre niveau de stress oud’angoisse par rapport à des situations à la frontière de lavraisemblance. Pendant la procédure d’essai, nous allons régler voslimites d’émotion de manière à stopper la machine avant que vousne fassiez un collapsus. Ces seuils doivent être calqués sur ceuxajustés par le président sur mon esprit. ».

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*

Chacun sentait l’angoisse s’insinuer sournoisement, mais ils avaientaccepté une aventure, certainement la plus intéressante de cette finde siècle des temps moyen-modernes.

*

Childéric laissa sa machine guider la simulation de situations.

Cervoclonis ressortait de sa fabuleuse mémoire des scènes tellementcrédibles, si proches de la réalité, que les membres de l’équipe lesvivaient intensément, sursautaient, criaient, avaient le visage tordupar la douleur, riaient comme des enfants, se contorsionnaient,faisaient des gestes inachevés, tremblaient de peur, mains enposition de protection, tentative de fuite, yeux rouges à la limite deslarmes, poings fermés, spasmes de membres.

Sa machine, menant les tests, avait volontairement exclu Childéricpour lui laisser observer les réactions des participants et réagir encas de perte de conscience de l’un d’eux.

Après plusieurs arrêts, la procédure d’essai arriva enfin à son terme.

*

Tous les équipiers étaient hagards, fatigués, mais heureux.

Chacun voulait qualifier ses émotions par rapport aux simulations. Iln’y avait pas de superlatifs suffisamment puissants pour décrire cequi leur était arrivé…

Tous voulaient continuer l’aventure ; ils ne posaient plus lesquestions soulevées par Luan au début de la réunion.

Les réponses avaient été trouvées dans la période de tests.

Un soupçon traversa cependant l’esprit de Childéric : Cervoclonis

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n’avait-il pas glissé quelques messages subliminaux au cours de laformation ?

Après la mise en œuvre de ces tests, Childéric avait l’intention dedéfinir de vive voix les grandes lignes de ces divertissements un peuspéciaux.

Mais, pour continuer le meeting, il devait bloquer mentalement etfortement l’intervention de Cervoclonis, la machine montrant unevolonté un peu trop forte de leadership sur son utilisateur. Cettedétermination se confirmait jour après jour, et malheureusement,Childéric était obligé de vivre cette surprenante situation !

Après mûre réflexion, il se risqua à demander respectueusement à lamachine son assistance !

Ebahi, il acquit en retour « l’accord » de la machine, réalisant que ladiplomatie cérébrale portait ses fruits, ce qui apparaissaitinvraisemblable !!

Fort du soutien de Cervoclonis, il poursuivit la réunion en abordantle cœur de l’information.

« Nous allons passer, maintenant que chacun de vous est« formaté », à la définition des jeux. »

Au même titre que le Président, il prononça ce mot si usuel dans lemonde des informaticiens ; désormais, il en comprenaitl’importance !

*

Vous l’avez tous noté, la série des jeux s’appelle : UN PAS DANSL’HUMANITE A LA RECHERCHE DES ORIGINES.

Nous allons parcourir le temps… depuis les origines de l’apparitiondes primates, vers -70 millions d’années avant J.-C., jusqu’à notre

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temps, en nous intégrant fictivement aux sites des plus grandsévénements qui ont fait progresser l’humanité.

Nous négligerons volontairement le laps de temps écoulé entre leBig Bounce et les milliards d’années ayant précédé cette périoded’étude avant J.-C., l’humain n’ayant que peu d’influence en cestemps reculés.

Vous devrez choisir l’un des trois scénarios de base proposés par la machine. Découlant de votre choix, vous entrerez dans l’une des aventures. Une seule sera proche, ou sera la réalité historique, géologique, ou politique.

Vous serez intégré dans l’équipée et mènerez l’histoire à votre guise.Certaines invraisemblances baliseront votre quête.

Plus vous laisserez passer d’extravagances, plus la machine se ligueracontre vous.

Votre corps accumulera des souffrances physiques fictives et vousrencontrerez de plus en plus de difficultés, auto-créées parCervoclonis.

Pour sortir de l’état de peur ou de souffrance, vous devrez lancez laprocédure d’éjection.

L’éjection réalisée, vous devrez alors reprendre le jeu au point dedépart ; vous serez guidés jusqu’à votre première erreur.

Celle-ci vous sera expliquée.

Vous pourrez contester, à la lumière de vos grandes connaissances,la solution proposée.

D’autre part, un joueur pourra interrompre son enquête endemandant avis, à travers moi, au panel d’experts que vous êtesdans vos domaines.

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Une seule demande de spécialiste sera acceptable par interruption.

L’expert désigné devra obligatoirement interrompre sa propre quêteet assister le participant en échec.

Si Cervoclonis est porteur de la vraie solution, le joueur en difficultéreprendra le jeu avec un handicap à la mesure de son échec.

L’expert choisi reprendra sa propre aventure et aura gagné uneétape, ou sera remis dans le bon scénario, si par hasard, lui aussiétait en faute.

Lorsque la situation, vue par Cervoclonis, divergera de votre propreappréciation de professionnels et que vous aurez raison, nousinterromprons le cours des jeux pour discuter des modifications àapporter.

Ce type d’interruption ne sera pas pris en compte dans les temps dujeu, et vous sera rémunéré par ERT.

A chaque arrêt, je me joindrai à vous, d’abord en liaison à distance,puis, si l’événement appelle une expertise sur le terrain, je merendrai in situ avec les experts désignés.

Je redis, en insistant : grâce à cette phénoménale machine, chacund’entre vous va être propulsé dans une zone où l’humanité a évolué,et participer en réalité virtuelle aux péripéties de cette évolution :vous serez un acteur intégré dans l’histoire, vous pourrez demanderdes moyens humains : de l’argent, une armée, des armes, êtreprimate, homo sapiens, général d’armée, Chef d’Etat, député,médecin, souffleur de verre, forgeron, savant, vous pourrez voirvotre image dans l’eau, sur le verre, dans des miroirs. Vous habiterezet vivrez à votre convenance dans l’histoire du jeu. Si vous êtes unpersonnage célèbre, vous aurez votre portrait qui apparaîtra dansles lieux où vous passerez.

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Votre mental sera le guide de la place tenue dans votre scénario :actif, observateur, témoin.

*

Avant de faire vos choix de scénarios ou durant ce dernier vouspourrez appliquer la procédure d’éjection pour vous rendrerapidement et physiquement dans le pays, la ville ou le village quenous avons sélectionnés, afin de caresser les vestiges, comparer lesimages du jeu avec la réalité, ramener des échantillons, les analyser,et confirmer ainsi la véracité des informations contenues dans lepériphérique neuronal.

Bien sûr, ces recherches retarderont l’échéance de votre propreaventure !

La fin de l’histoire s’achèvera par l’avènement d’un pas significatif del’humanité, positif ou négatif.

Par exemple : le début d’une période de glaciation, le début de l’âgede bronze, la disparition de l’Atlantide, la destruction de Sodome ?Que sais-je encore ?…

Le gagnant sera celui qui résoudra son aventure dans le meilleurtemps.

Néanmoins, tout le monde sera gagnant, car cet outil vous apporteraune connaissance jamais égalée du monde, et vous comprendrez pasà pas, le génie du fonctionnement de Cervoclonis et de l’extension.

Nous allons partager, peut être pendant une année, cette aventuredes temps modernes, vous et deux autres groupes de quatrepersonnes localisés autour de notre planète.

Pendant cette période, ERT vous offrira une rémunération égale audouble de votre salaire actuel augmentée des primes pourdécouverte de dysfonctionnements ou d’informations erronées.

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Vous êtes l’équipe EL4, EL comme Empire du Levant : le chiffrequatre représente le nombre de personnes.

Quatre de vos homologues auront pour épicentre l’Empire duMoyen-Orient : sigle EMO4. Ils couvriront l’ancienne Europe del’ouest et du nord, l’Inde et ses pays satellites, le continent africain,intégrant bien sûr la Nation d’Égypte et de l’ancienne Nubie.

Les quatre derniers s’occuperont des continents américains, surtoutde l’Amérique du sud. Ils auront pour sigle EAM4. »

*

Childéric avait le regard passionné des personnes en étatd’excitation extrême. La symbiose avec Cervoclonis décuplait sesfacultés.

« J’en ai fini de mes explications, avez-vous des questions àposer ? », demanda-t’ il en quittant son état de transe, découvrantun auditoire abasourdi par les premiers échanges entre leur machineet leur moi profond.

Luan se leva alors ; sa machine sur la tête lui faisait une auréole.

« Parlez-nous plus précisément des procédures d’éjection ? », dit-elle, avec un brin de suspicion.

*

Childéric demanda à Cervoclonis de définir la fonction. Les motsarrivèrent du plus profond de son extension neuronale.

« Votre requête vers la machine est mentale. Elle peut égalementêtre externe et provenir du maître des jeux, ou du président.

Lorsqu’elle émane de vous, elle ne fonctionne que lorsque vous êtesen situation d’échec, le nombre d’erreurs jugées par votre machineétant important et/ou votre situation de stress arrivant au

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maximum du réglage effectué lors de notre rencontre.

Vous disposez d’une procédure d’urgence automatique qui prend encompte une éventuelle perte de connaissance, ou un emballementdu processus d’activité neuronale de la machine. ».

*

Childéric n’avait pas posé cette question au président et venait decomprendre la mise en garde sur les procédures d’éjection !

« D’autres questions ? », lança-t’il.

Les extensions neuronales commençaient sûrement à prendrepossession des masses de matière grise des participants, commeelles l’avaient fait sur le cerveau de Childéric. Heureusement, il avaitdécouvert très récemment, une sorte de possibilité de modusvivendi diplomatique inter cérébral.

« Aucune autre demande ? », répéta-t’il, pour avoir la certituded’avoir satisfait la curiosité des participants.

« Bien, nous allons lancer les jeux. Vous découvrirez, encommençant, chacune des qualifications des huit autres experts,dont vous aurez peut-être besoin lorsque vous les solliciterezmentalement.

Nous pourrons, en demande extraordinaire, nous adresser auprésident !

Quant à moi, je reprends la navette pour prendre contact avec les 2autres équipes. Bon voyage et surtout regagnez vos domiciles,l’initialisation des jeux sera faite lors de votre arrivée. ».

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Chapitre 4 Luang Shing Peï !

Luan Shing Peï essayait de se relaxer et de faire le point dansl’aéronef effectuant la navette entre Guangzhou et la petite ville deQufu où elle résidait. Les liaisons de moins de 2 000 Kms se faisaientdans d’étranges montgolfières aux formes aérodynamiques. Leursurface était couverte de cellules aéro-thermo-solaires, qui, aucontact de l’air, de la chaleur ambiante, et d’une première prise devitesse, avaient la faculté de réduire le poids du corps transporté etle coefficient de frottement dans l’air.

Il suffisait, alors, de la propulsion d’une turbine à photons de faiblepuissance pour atteindre une vitesse sans limite dans les airs. Seulela résistance de l’être humain aux accélérations et à l’effet devélocité définissait les barrières.

Perdue dans ses pensées, Luan venait de ressentir le besoinimpérieux de reprendre Cervoclonis.

Pour y résister, elle se raccrochait aux souvenirs de son enfanceentre les mains des éducateurs de l’Empire, qui lui avaient enseignéles bases de la société néo-individualiste !

En cet instant, elle ressentait confusément qu’elle ne pourrait seplier ni à la solitude engendrée par ce système ni à l’autonomierequise par le principe même de base, pas plus qu’aux règlestellement strictes d’hygiène qui lui gâchaient la vie.

Elle était le double biologique de cette femme partie pour le grandvoyage juste après la réussite de son clonage. Elle n’avait jamaisconnue cette génitrice qu’elle qualifiait de mère, et pourtant en seregardant dans la glace, elle était en face d’elle ! Luan avait parfoisl’impression de ne pas être le clone mais, elle, enfin, l’autre.

Pour ne pas tomber dans la folie, elle s’était forgé une carapace defroideur, la protégeant de toutes les agressions qu’elle avait dû subir

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à l’école, à l’université, ou dans son entreprise. A chaque nouvellerencontre, ou étape dans sa vie, on lui demandait ses antécédentsde naissance, ou le nom de ses parents !

Elle répondait : « l’Empire ».

A partir de cet instant, elle était agressée verbalement et mise àl’écart. Jamais elle n’avait été attaquée corporellement ; mais, êtreignorée était bien plus cruel.

Elle construisait alors, au tréfonds d’elle-même, un mur, s’élevant,admonestation par admonestation, raillerie par raillerie, accusationpar accusation, manque d’amour par manque d’amour.

Et pourtant, elle ressentait au fond de son être, l’autre, celle qu’ellen’avait jamais connue. Elle sentait, en fait, non, elle était l’autre, samère, mais dans un contexte tellement différent !!!

Et l’autre avait été : aimante, aimable, conviviale, enjouée, pleine decompassion, altruiste, tout le contraire de l’image portée par cettesociété néo-individualiste !

*

Luan repensait aux instants intenses vécus en serrant la main deChildéric.

Elle aurait dû la lâcher, se dégager comme le voulait le protocole.Non, elle avait laissé agir l’autre. Elle avait laissé rosir ses joues denacre. Elle avait joui de l’instant, et ressenti une émotion tellementforte, quelque part dans l’abîme de son moi.

Puis, le contrôle de son émotion l’avait conduite à ce rictus dedégoût, que Luan, le clone, avait appris de la vie.

*

Un mouvement de l’aéronef la sortit de ses pensées.

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La procédure de descente venait d’être amorcée ; elle contemplaavec émotion par le hublot les dédales du grand fleuve Houang Ho.A cet endroit, il se jetait dans le golfe du Bohaï, le colorant de seseaux jaunâtres. Elle admira avec fierté le temple de Confucius aumilieu de son parc de verdure.

Elle aimait cette petite ville ; elle en connaissait toutes les rues, bienqu’elle ait été cloîtrée durant l’essentiel de son adolescence.

L’aéronef venant de se poser verticalement telle une plume, elledécida d’oublier l’époque de sa formation « d’Empire et sesprécepteurs endoctrinés ».

Elle découvrit ses voisins ; d’un petit signe, ils la saluèrent, quittantcomme elle cette étrange navette.

*

Conformément au règlement, tous les voyageurs sortaient en rangsserrés par les couloirs de désinfection, seule voie de sortieautorisée !

Personne n’était là pour faire respecter la loi. La société néo-individualiste comptait sur le civisme du peuple !

Que risquait Luan de ne pas être purifiée ? Quasi rien, sinon,disaient les comités d’hygiène, une baisse des défensesimmunitaires… possible.

La méthode d’asepsie n’avait rien de désagréable ; Luan aimait biencette lumière purificatrice, faisant apparaître l’aura.

Elle se rendit à pied vers sa maison. Cette fin de juillet 2 080 étaittropicale, les parterres de fleurs qu’elle cultivait avec patienceaimaient cette chaleur. Leurs couleurs resplendissaient, comme pourl’inciter à toujours revenir ici, dans sa demeure, dans son chez elle !!

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Sur le point de pénétrer dans la villa, elle fit un pas en arrière,réalisant que tout allait changer dans sa vie dès qu’elle enfranchirait le seuil.

Luan savait qu’en passant l’entrée, Cervoclonis sur la tête, tous lescapteurs géodésiques repéreraient sa présence et elle seraitprécipitée alors dans le plus fabuleux jeu jamais édité de mémoired’humain.

Résolument, elle fixa Cervoclonis avant d’entrer. Elle s’étonnaitencore de ce début d’aventure vécue, mais elle entendait bienfermement la continuer.

*

Tout ceci était arrivé grâce à une simple publicité de Cervoclonisparue dans une revue technique spécialisée quelques moisauparavant !

Ayant hérité des biens de son double biologique, Luan n’avait pas desoucis d’argent, seulement de solitude !

Elle comptait bien ainsi sortir de son isolement, grâce à cettemachine extrêmement coûteuse, mais tellement perfectionnée.

*

La porte s’ouvrit lorsqu’elle en manifesta le désir.

Elle regarda, troublée, ses vieux fauteuils datant d’une autreépoque, mais elle les aimait…

Ils avaient parcouru le temps de sa « mère » et de la mère de samère. Luan se raccrochait à tout ce que son double biologique luiavait légué. Peu importait la valeur, elle adorait ces objets : cettevieille pendule en marbre qui ne battait plus le temps, cette lampe àpétrole ne s’allumant plus en l’absence du liquide nourricier, et ce

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lustre décorant encore le plafond du salon alors que les mursdevenaient phosphorescents dès la disparition du jour.

Tout ceci était son monde à elle !!!

Les comités d’hygiène la pénalisaient lourdement pour avoir le droitd’être là, au milieu de ses vieux fauteuils et de ses meubles en boisprécieux qu’elle ne pouvait plus enduire de cire amoureusement.

Lorsque la solitude devenait trop pressante, elle les lustraitfurieusement, mettant encore à jour un reste de vieille encaustique.

Luan Shing Peï était sentimentale. Une fois son enveloppe socialeenlevée, elle était comme son vieux mobilier : démodée, obsolète !

Combien de temps encore allait-elle porter le poids de ses deuxpersonnalités ? L’une lourde, visible, celle de ce monde, l’autrecachée, héritage de sa naissance spéciale, mais ressurgissanttellement souvent !!!

Cervoclonis était entré dans sa vie pour la distraire. Le moduleneuronal, depuis cette rencontre de Guangzhou, avait comblé, luisemblait-il, une partie de cette bivalence spirituelle instable.

Elle se sentait désormais une autre personne.

Curieusement, cette fois, elle ne s’était pas précipitée pour caresserla chaleur naturelle du bois rare, le velouté des tissus des fauteuils.Elle s’était simplement assise et avait déclenché sans angoisse niregret, l’aventure proposée par le président, en enfilant son étrangemachine.

*

Il ne lui restait plus qu’à prononcer le nom du jeu ; elle découvriraitalors sa mission !

Elle rêvait depuis si longtemps de cet instant !

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Devant ses yeux, les premiers hologrammes apparaissaient, faisantdisparaître son environnement et la projetant dans le début del’aventure.

Un ballet d’images et de senteurs lui présentait le monde d’ERT ; leprésident en personne ouvrit, par ses propos, le début de l’un desjeux les plus phénoménaux de ce siècle.

Il s’adressa à elle, accueillant, voire sympathique, buvant un caféfumant, lui parlant comme s’il la connaissait intimement :

« Prenez conscience… je suis vraiment à vos côtés. Le café que jesavoure diffuse des senteurs que vous captez, j’en suis sûr. Touchezma main, maintenant l’autre, que ressentez-vous ? Suis-je bien prèsde vous ? Oui, oui, n’est-ce pas ? Ceci est le monde de Cervoclonis,ceci est la preuve que ce jeu est unique ! ».

Le visage du président était éclairé de passion. De fines gouttes desueurs perlaient de son visage ; ses pommettes saillantesfrémissaient. Luan tremblait d’incrédulité et de peur.

Il reprit :

« Luan Shing Peï, nous vous avons sélectionnée parce que votreexpertise archéologique nous est précieuse. Vous allez avoirl’occasion de découvrir avec ERT la formidable histoire de ce quenous croyons être l’Atlantide. Nous en avons retrouvé les traces,grâce à Cervoclonis et nos extensions neuronales et… à notre équipede savants.

Luan Shing Peï, 3 scénarios vous sont proposés :

– Scénario 1 : l’Atlantide a été le fruit de l’imagination del’humanité. Vous allez retrouver en suivant cette voie, les traces dedocuments, films et littérature ; paysages et personnages serontfictifs. Vous vivrez une aventure tellement réelle, dans laquelle vous

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devrez dénouer le vrai du faux et aboutir à l’instant précédant ladestruction de ce peuple.

– Scénario 2 : l’Atlantide était une partie de la Terre qui a disparuede la surface et s’est enfoncée dans la mer, lors de la dislocation desraces et certains continents de la Terre, vers -65 Millions d’annéesavant J.-C. Ceci s’est passé vraisemblablement après la collision avecun astéroïde.

L’équipe d’ERT a des preuves irréfutables de l’existence de cettecivilisation.

– Scénario 3 : Le début de la civilisation des Atlantes est situé vers-10 000 ans avant J.-C. et sa destruction totale se situe vers -9 000avant J.-C., après avoir vécu uniquement sous la mer, pour 1 milliond’entre eux pendant un millénaire.

ERT a des preuves irréfutables de l’existence de cette civilisation surterre et sous la mer. ».

*

Laissant à son interlocutrice le soin de réaliser l’ampleur de sespropos, le président reprit passionnément son monologue :

« Vous devez choisir le scénario le plus réaliste et partir à l’aventure.Vous remarquerez que, dans deux cas, ERT possède des preuvesirréfutables de la civilisation des Atlantes ; de plus, vous avez étéchoisie.

Il se peut, aussi, que mes commentaires additionnels ne soient làque pour embrouiller votre choix !!

Bon courage. Vous avez une journée au maximum pour faire votrechoix. ».

Le président avala son café et disparut de la pièce, comme il était

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venu ; Luan réfréna sa panique, frottant ses mains moitesd’angoisse.

Sa disparition soudaine lui fit reprendre le contrôle d’elle-même.

Son esprit méthodique reprenait le dessus, et, perplexe, ellesongeait au challenge du jeu.

Spontanément, le scénario 1 lui paraissait le plus réaliste et le plusdocumenté. Par contre, pourquoi aurait-on besoin d’unearchéologue pour une chimère ? Il y avait aussi le lieu géographiquepour lequel elle avait été choisie ! Le président l’aidait-il, ou jouait-ilavec son ignorance du sujet ?

Elle savait que le choix était fondamental pour la rapidité du jeu :ERT ne pouvait garder un participant sur une légende pendant unan !

Si ERT possédait des preuves irréfutables de l’existence des Atlantes,l’archéologue qu’elle était, allait jouir d’informations d’une valeurinestimable !

Il lui restait un jour complet pour choisir. Childéric allait-il luitransmettre des indices complémentaires avant la fin de cettepremière journée ?

Cette pensée s’imposait à elle… Pourquoi Childéric l’appellerait-il,elle ? Elle se sentait seule à nouveau, et se rassura, en pensantqu’elle n’était pas encore dans le process du jeu. Ainsi, elle n’étaitpas obligée d’appliquer les fameuses procédures d’exit.

D’ores et déjà elle pouvait demander l’avis d’un expert, ou serenseigner sur les dernières revues scientifiques pour découvrird’hypothétiques informations datées de la veille, sur ce sujet.

Sa décision étant prise, elle lança une requête mentale à l’extensionneuronale, pour connaître la définition des experts des équipes

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EMO4 et EAM4.

Elle tomba d’abord sur les informations de l’équipe EMO4 :

un archéologue très connu en égyptologie et écritures diverses, unmédecin expert en psychiatrie, une astronaute et une experte enastrologie.

Les informations sur l’équipe de l’Empire d’Amérique arrivèrent à lasuite :

un volcanologue, un archéologue spécialisé en civilisations inca etmaya, un expert en astronomie, et une journaliste spécialiste enOVNI.

*

Alors qu’elle lisait le détail des qualifications de ses futurs collègues,des questions revenaient en rafale à son esprit fécond.

Pourquoi elle ?

Pourquoi avait-elle ressenti ce besoin si fort d’accepter ?

Les autres participants avaient-ils été aussi attirés qu’elle ?

Avaient-ils été choisis pour leur profession, leurs capacités, leurmarginalité ?

Pouvaient-ils alors avoir deviné qu’elle était rebelle à cette sociéténéo-individualiste ?

Quel rapport, quel point commun entre des scientifiques, desastrologues et un journaliste ?

Quels avaient été les critères de choix ?

Luan se torturait l’esprit inutilement !

*

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Elle avait été choisie par Cervoclonis, donc le président. Elle était unmaillon au même titre que ses futurs collègues, Childéricnotamment, ainsi que tous ceux que le président malaxait,formatait, endoctrinait…

Mais un maillon d’une utilité considérable !!!

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Chapitre 5 Suite de formations !

Childéric vivait les procédures d’atterrissage sur la mégapole duCaire, deux heures après son départ de Guangzhou. La durée réduitedu voyage était possible grâce aux nombreuses navettes à départsréguliers, accomplissant les longues distances terrestres et lesliaisons vers les stations orbitales.

Cette ville tentaculaire lui apparaissait, dans la pénombre de la nuit,brillante de mille feux.

Des traînées de lumières filantes louvoyaient en suivant le largeruban du Nil. D’immenses gratte-ciel remplaçaient en de nombreuxendroits les pointes acérées des minarets des anciennes mosquées ;la ville avait subi de plein fouet les règles de la société néo-individualiste en matière de bannissement des religions !

Seules, défiant le temps, désormais quasiment dans la ville,s’étalaient les grandes pyramides.

Les noms magiques fixés sur leurs sommets, d’abord Gizeh, puis trèsau loin, Kheops, Khephren, apparaissaient, aberrants dans lanoirceur de la nuit.

Le Caire, et ses soixante millions de cairotes, vivaient leurs heures deténèbres.

Childéric observait avec un brin d’angoisse cette cité millénaire dontles rues éclairées se tachaient de temps en temps du passage d’unvéhicule à photons.

*

L’arrivée un peu brusque sur le tarmac lui fit songer à nouveau à samission.

Il fit mentalement un bref point de sa journée passée pendant les

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quelques minutes d’attente dans l’aéroport, puis, se fit conduirevers l’un des rares hôtels d’Empire de la ville.

Sans attendre, il se rendit dans sa chambre, déposa Cervoclonis ets’allongea sur le lit propice. Il s’endormit sans le vouloir, revivantdans sa tête ce qui lui avait été enseigné de manière subliminale parsa machine.

Une première constatation s’imposait ; il était satisfait ducomportement des équipiers d’EL4 et de Cervoclonis avec lequel ildébutait un semblant de cohabitation.

Son apprentissage de vie commune avec la machine commençait àporter ses fruits, des fruits surprenants !

Il n’avait jamais ressenti auparavant, en utilisant Cervoclonis sansl’extension neuronale, les sentiments ou émotions perçusdésormais.

Etrangement la machine lui apprenait à ouvrir les yeux sur le monde,lui en apportant une image précise, non-conformiste, lui enapprenant les mécanismes, ceux de la vie, du corps et de sesbesoins, finalement, le sortant du sillon de la société néo-individualiste actuelle, de ses travers et de ses excès !

Le culte de l’intelligence plutôt que celui du corps ne sapait-il pas lesracines du fondement même de l’existence de la race humaine?

L’homme, possédant une enveloppe charnelle et un cerveau, sedevait de prendre en compte les deux sans en sous utiliser un !

La rencontre avec Takamaki Sone lui avait fait confusément prendreconscience des limites du système actuel ; l’éducation ainsi que lesmodes de vie ancestraux de l’ancien Japon, ouvraient à Childéric unevoie de réflexion que Cervoclonis paraissait approuver !

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Le nouveau mode de société néo individualiste en vigueur dans lespays développés n’avait pas été créé par des hommes politiques. Ilétait la conséquence invraisemblable de comportements récurrentsdes êtres humains durant des décennies, positionnantnaturellement l’égocentrisme et l’individualisme au cœur de lasociété.

Ces comportements se trouvaient en opposition totale auxcoutumes anciennes basées sur la famille !

Face à ces attitudes, les grandes entreprises construisirent desmachines encore plus perfectionnées, pour assister la solituderésultat de cet individualisme, substituant les besoins du corps pardes simulations émotio-sensorielles !

*

L’orgasme, par exemple, fut analysé en 2 060 comme purementcérébral, et de ce fait, de nouveaux programmes informatiquesdédiés permettaient de rentrer dans un mécanisme de séduction àdistance, et garantissaient un plaisir simultané sur liaisons cryptéesinformatiques !!!

Tout ceci rendait l’individu dépendant de ces robots, humanoïdes,animaux électroniques, ou assistants de tout type.

Tous ces artifices laissaient beaucoup de temps libre à l’intellect, auxdépens du corps dont les fonctions étaient quasiment toutesremplies par ces engins ultra-sophistiqués.

Du fait de l’égocentrisme et de la virtualité à outrance des rapportshumains, les êtres naissaient par de multiples processus. Si l’on étaitriche ou pauvre, la manière de venir au monde était différente :clonage, parthénogenèse artificielle, insémination artificielle…

L’amour existait- il encore ? Il n’y avait plus de mariage et très peu

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de grossesses naturelles ! Ce rite subsistait dans les pays en voie dedéveloppement, hors des grands Empires.

Cervoclonis, et surtout l’extension neuronale contenait en soncerveau biochimique cette perception profonde des besoins actuelset passés de l’humain : un corps, un esprit en harmonie, un respectde l’un pour l’autre, la notion d’entraide, l’altruisme, l’amour.

Découlant de cette osmose avec la machine, il apparaissait àChildéric, l’évidence à terme de l’ineptie des lois ou expériences deces dernières décennies.

Ces pensées cervocloniques s’étaient infiltrées dans la tête deChildéric ; nouvelles, incongrues, irréelles, voire encoreincompréhensibles.

Par exemple, la poignée de main soutenue à Luan ne lui paraissaitplus déplacée ; elle avait déclenché en lui une émotion jusque-làinconnue !

*

A ce stade de ses songes, Childéric s’aperçut qu’il était l’heure de selever.

Il prit un breuvage que ses parents appelaient café mais n’en avaitplus que l’apparence.

Dans le domaine médical, quelques années plus tôt, en 2 030, lesavant Aristide Barrates avait conçu une méthode infaillible pouréradiquer dès la naissance, les effets néfastes des maladiesinfectieuses.

De ce fait, selon les découvertes de ce savant, toute nourriture, doncle café, devait contenir les composants mystérieux permettant lagarantie de travail de 55 ans et de durée de vie de 75 ans !

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Peu importait la saveur en résultant, de toute manière, il n’y avaitpas d’alternative, surtout ici à l’autre bout du monde !!

*

Rassasié, désormais sans angoisse, il se rendit sur les lieux durendez-vous avec EMO4, remit en place Cervoclonis sur le sommetde son crâne en entrant, et contempla la salle.

Ses nouveaux « élèves » chaussaient en même temps leurextraordinaire machine. Cervoclonis venait encore de le précéder etde guider mentalement les actions des quatre participants de cetteéquipe de l’Empire du Moyen-Orient !

Childéric avait en face de lui ce nouveau groupe. Il leur enseigna dumieux qu’il put l’usage de l’extension neuronale. Cervoclonis et lui-même étaient en harmonie, au moins le lui semblait-il !!!

*

Le soir même, il repartit pour Mexico City par la dernière navette, àla rencontre d’EAM4.

Childéric commençait à sentir la fatigue lorsqu’il se séparait deCervoclonis. Ces instants, devenus si rares depuis l’initialisation dujeu, lui donnaient le temps de synthétiser des situations que lamachine avait managées à sa place, tant l’esprit d’analyse de cettedernière était parfait et rapide.

Dorénavant, l’état de dépendance n’était plus pris négativementmais plutôt comme une association fructueuse de deux intelligencescomplémentaires, bien qu’il n’appréciât toujours pas les initiativesde la machine prises à sa place lors de nouveaux problèmes !

Il en avait pris son parti, n’ayant d’autre échappatoire que de seséparer physiquement de la machine en la plaçant de plus en plusloin de lui.

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Il avait remarqué, en effet, que celle-ci s’accommodait tellement deleur association que le mode de transmission des échanges depensées se réalisait maintenant à plus de trois mètres de distance !!

Hors de ces limites Childéric préservait son ego, bien que plusieursfois il se soit fait piéger ayant par mégarde posé Cervoclonis dans cetespace.

Mais, jour après jour, la machine augmentait sa zone de contrôle,centimètre par centimètre, tel un animal accroissant son emprise surses maîtres et observant leurs réactions !!

Ce processus faisait-il partie de la fonction d’auto-création, ou était-ce une fonction du jeu qui n’était connue que du président ?

Il sortit de sa léthargie bienfaisante lorsque la navette prépara sesprocédures d’atterrissage. A cet instant du voyage, Childéric prit ladécision de rédiger son premier rapport au président.

Dans le flot de passagers s’éloignant de la navette, il était libre decontinuer sa réflexion, Cervoclonis ayant voyagé dans la soute et setrouvant éloigné de lui de plus de cent mètres en ce moment.

*

Alors qu’il se rendait à Mexico City dans un vieux train àsustentation magnétique, l’emprise à distance de Cervoclonis se fitressentir, mais Childéric n’en était plus surpris.

Il était presque heureux de retrouver ce contact spirituel, sienrichissant, mais tellement supérieur à lui.

Childéric avait pourtant réussi ses études en sortant major de lasection intelligence artificielle du MIT, qui recevait l’élite scientifiquedu monde !

Peut-être avait-il été choisi par le président pour cette raison, ou

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pour d’autres, qui lui échappaient encore ?

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Chapitre 6 Surprenante machine !

Dès son arrivée à l’hôtel d’Empire, Childéric avait placé Cervoclonisau-delà de sa fameuse zone de contrôle, bien au-delà.

Il voulait par ce biais réaliser seul ce premier rapport avec sonraisonnement imparfait d’humain.

« Mexico city, hôtel d’Empire, 28 juillet 2 080. 21 h 00, heure locale.

Ce rapport pré-crypté est rédigé avant la fin du périple de formationdes équipes choisies. Trop de choses étranges ou d’événements seproduisent hors ma propre volonté, et surtout, en absence totale dedéfinitions ou d’explications dans les manuels de la machine.

– Endoctrinement

Les débordements « endoctrinaires » de Cervoclonis remettent encause des acquis de civisme du système néo-individualiste. Ceci memet en porte-à-faux vis-à-vis des lois ou règlements, et pourrait mefaire vouer au ban de notre système social actuel.

Mon angoisse est que ces problèmes puissent venir de la fonctiond’auto-création de Cervoclonis et qu’il n’y ait pas de garde-fou, saufla démence ou la mort, ce qui ne peut exister dans le système actuel

Des explications seraient les bienvenues, car je le suppose, lesresponsables des jeux individuels (Luan Shing Peï, HelenaMcDonagh, James Klinton, Takamaki Sone) vont recevoir les mêmesdonnées.

Je souhaiterais que les fonctionnalités très particulières de lamachine ne leur soient pas appliquées, car ils ne sont pas desemployés à vie d’ERT. De ce fait, ils doivent conserver toutes leursfacultés propres pour la suite de leur carrière !

Je retrace quelques exemples :

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Dès le départ et après la programmation en vos bureaux, la machines’est arrogée le droit d’explorer mon essence spirituelle, biologiqueet physique.

Je suis obligé de déposer Cervoclonis très loin de moi pour préserverun peu de mon intégrité intellectuelle.

Seul un éloignement de plus de 3 mètres de la machine m’endissocie !

Chaque jour qui passe, son emprise s’agrandit d’environ dixcentimètres.

Bien sûr, ceci n’est pas indiqué dans les manuels de fonctionnementde Cervoclonis !

Lors de notre première rencontre avec l’équipe EL4, Cervoclonis m’amis dans l’embarras en détournant l’application du protocolegestuel.

Cette… machine s’est même permis de porter un jugement sur lephysique, il est vrai, agréable de Luan Shing Peï !!!

En l’absence d’explications de votre part, immédiatement en retour,je me verrai dans l’obligation de me séparer définitivement deCervoclonis.

– Fonctionnement

Hormis les errements décrits ci-dessus, personne n’a signalé dedysfonctionnements majeurs, ni mineurs d’ailleurs.

La procédure « d’exit » des jeux est très compliquée et lesmotivations de ce process, obscures… Je n’imaginais pas que lesparticipants l’acceptent.

L’explication doit être contenue dans le paragrapheendoctrinement !!

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– Avancement de la formation

Demain 29 juillet, je dispenserai ou ne dispenserai pas la formationà EAM4 sur l’extension neuronale.

Tout dépendra de votre réponse à ce rapport.

Seule l’équipe EL4 peut démarrer le jeu après l’établissement demon QG de contrôle, ce que je n’ai pas encore fait, par manqued’informations.

Veuillez excuser cet ultimatum, mais en temps que maître des jeux,je dois… tout savoir.

Si la portion de connaissance du jeu dont vous êtes seul titulairecontient les réponses à ces questions, merci de me répondre… sinonma tâche, telle qu’elle m’apparaît aujourd’hui, deviendrait alorsimpossible pour des raisons morales ou civiques.

– Conclusion

Une réponse pertinente et urgente à ce rapport est exigée.

– Une remise à niveau des extensions neuronales, pour en éviter les excès, me semble un minimum.

– L’établissement d’une hiérarchie, entre les extensions (modulesneuronaux), le module de base (Cervoclonis) ainsi que lesutilisateurs, serait approprié.

Peut-être, cette hiérarchie n’est-elle pas applicable, à cause de lafameuse capacité d’autocréation ?

*

En rédigeant ce rapport, Childéric sentait monter en lui une fureurcontenue, une impuissance larvée, un regret impossible.

Il était piégé, pieds et mains liés ; le président contrôlait le jeu.

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Malgré cette situation, il ne pouvait que réagir pour afficher sonmécontentement, sa désapprobation, et prouver qu’il n’était pasdupe des violations réitérées du système et des limites édictées parles comités d’éthique.

*

Sûr de la teneur de son rapport, de son contenu provocateur, il serapprocha de Cervoclonis et entreprit de transférer l’ensemble dutexte.

Il était 3 heures 30 de la nuit du 28 au 29 juillet 2 080 là où setrouvait le président : il faudrait sûrement attendre le lendemainpour l’obtention de la réponse.

*

La transmission effectuée, Childéric appuya son front brûlant contrela vitre froide et la frappa hystériquement de ses deux mainscrispées. Les jambes tendues, tétanisées, il repoussait impuissant,spasmodiquement, l’immense baie vitrée de sa chambre.

Il n’avait jamais été dans un tel état de dualité ; rébellion contre lui-même, et faiblesse face à cette situation !!

Il ne voyait pas briller la ville de toute sa phosphorescencemulticolore !!

Pourtant la mégapole de l’Empire d’Amérique, Mexico City vivaitdans un silence étrange. On pouvait deviner les migrations demilliers de travailleurs au travers des traits de lumière venant desaccélérations des véhicules à photons.

En tendant l’oreille, on percevait les bruits humains, qui, seuls,rompaient le silence de ces ténèbres laborieuses.

Childéric ne dormirait pas cette nuit !

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Sauf si le président manifestait un quelconque intérêt pour ce qu’ilconsidérait comme un appel au secours !

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Chapitre 7 Solitude !

Le président ne dormait plus depuis des mois, son projet prenanttournure. Il était néanmoins le seul à connaître la vraie nature deses investigations ; cette solitude lui pesait !

Le 28 juillet, il venait de rencontrer virtuellement Luan Shing Peïdans sa ville de QUFU ; il avait été surpris des résultats desintrospections sulfureuses de l’extension neuronale la concernant.

Elle s’était construite une carapace sur les préceptes de l’Empire !Cette enveloppe se brisait à la première émotion ; Cervoclonisn’avait donc pas eu à la formater selon le concept du président !

Ce dernier réalisait que plus les individus étaient inféodés ausystème néo-individualiste, plus brutale était l’incursion deCervoclonis, équipé de l’extension, dans le conscient et lesubconscient de leurs propriétaires.

Dès la première couche de matière grise, il n’y avait eu aucunproblème pour formater Luan, car la machine trouvait une structureidentique à la sienne, donc identique à la structure mentale duprésident, sous son armure intellectuelle !

Le président avait abordé la réunion virtuelle avec Luan, se sentantréellement en harmonie avec son esprit. Il avait souri au début del’entretien et lui avait donné de précieuses informations qu’il netransmettrait certainement pas aux autres candidats.

Il regrettait d’avoir ensuite semé la confusion sur la véracité de cesrenseignements.

Il devrait aussi s’amender auprès de Childéric pour avoir lancé le jeusur l’Atlantide sans l’informer en temps réel, alors que cette tâcheappartenait au maître des jeux.

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Il avait des raisons inavouables et très personnelles pour avoirdérogé aux accords de managements conclu avec Childéric !

Il regarda l’heure comme tout insomniaque : 3 h 30mn, 29 juillet. Letemps n’avançait pas !

*

A ce stade de ses pensées, Cervoclonis l’avertit de l’arrivée d’unmessage crypté en provenance de Childéric.

Un message… codé ? Cette procédure était exceptionnelle ! Elleutilisait Cervoclonis dans ses fonctionnalités de sécurité, ce quiexprimait un dysfonctionnement majeur !

Son utilisateur transformait cette énorme intelligence en un vulgairetélécopieur !

Jamais le président n’avait eu ce mode d’opération depuis la miseen service de la configuration de base de Cervoclonis !

Le message s’afficha sur le mur de son salon. Le président en réalisal’origine, comprenant, en le parcourant, que Childéric avaitréellement été imprégné par son éducation néo-individualiste, etavait du mal à en sortir !

Il établit aussitôt la liaison.

*

Le président apparut dans la chambre où son maître des jeuxtournait comme un fauve en cage, le module situé dans la zone deliaison neuronale.

« Bonjour Mr Reyna, », dit-il, solennel et un brin autoritaire.

J’ai lu votre rapport, et en ai compris la teneur. ».

Childéric, surpris par le timbre de la voix si caractéristique, se

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précipita vers Cervoclonis, ne réalisant pas que le contact était déjàétabli !

Le président continuait ne prenant pas en compte le trouble de soninterlocuteur :

« Sachez que votre aventure se déroule exactement comme prévue !

N’ayez aucune crainte vous êtes sous ma protection. Aucun desmembres de l’équipe ne perçoit de la même manière ce que vousvivez, car vous êtes le maître des jeux. A ce titre vous bénéficiez defonctions et privilèges particuliers. ».

Un silence ponctua le discours, laissant à Childéric le temps deréaliser.

« Je répète, vous êtes sous ma protection pour des raisonssuffisamment puissantes. Ces causes vous seront expliquées à la findu jeu. Ayez confiance ! ».

Les procédures d’exit sont telles que la machine l’a exprimé, maisceci n’est pas la véritable réalité du jeu…

Si vous surveillez suffisamment vos équipiers, vous déterminerezvous-même, à votre guise, les moments opportuns d’éjection du jeusans souffrance, ni démence !

Votre machine ne connaît pas ce que je viens de vous confier et nele saura jamais, ceci à cause de cette fonction d’autocréation quim’échappe à moi le président, et lui laisse trop de latitudes dans seschoix !

En vous parlant ce soir, j’utilise une procédure occultant 90 % desfonctionnalités de la machine.

Vous avez pu constater, d’autre part, que Cervoclonis vous ouvredes horizons sociaux différents, en rétablissant en vous deux notions

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perdues : le libre choix et l’esprit critique.

Ceci est exactement le contraire de l’endoctrinement… ne croyez-vous pas ?

Pensez que j’ai volontairement laissé dans la machine les softwaresque les équipes de réalisation du projet Cervoclonis ont insérés il y atrente ans déjà !

Trente années plus tôt, Cervoclonis existait déjà en laboratoire ;c’est la maîtrise technologique de la bio-matière, applicable à cemodule, qui nous a retardés de toutes ces années !

A cette époque, la société humaine n’était pas la même, elle avait debonnes raisons d’exister encore ! Mais ceci serait un trop long débat.Sachez que j’en suis nostalgique !

Selon ma pensée, Cervoclonis et l’extension neuronale vousapprennent un peu de cette époque révolue.

Ceci n’est pas secondaire dans la compréhension du jeu car nousallons, ne l’oubliez pas, dans le passé.

Sachez que je ne vous ai pas tout expliqué, mais comprenez quevous êtes guidé et… apprécié !

Au revoir Mr Reyna. »

Un silence d’orateur.

Son hologramme se mit à vibrer :

« Ah, au fait j’ai lancé le jeu auprès de Luan Shing Peï », ajouta t-ilsans s’excuser.

A la dernière phrase, Childéric ne put s’empêcher de maudire leprésident. Il ne respectait rien, du moins ce que Childéric avaitappris en formation d’Empire.

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Pour le reste du discours, il essayait d’en faire le décodage !

L’hologramme du président disparut, comme il s’était formé…instantanément !

*

Childéric avait fait un rapport provocateur, passionné, utilisé uneméthode de transmission défendue.

Le président avait donné des explications à sa manière, et nerépondait pas de manière précise et circonstanciée.

Néanmoins, il avait accusé réception sans attendre, dans un langageserein dénué de toute acrimonie ou moquerie.

Il avait même dit textuellement, presque paternaliste : « Comprenezque vous êtes guidé et apprécié » !

*

Après une longue période de réflexion Childéric décida de reprendresa place de maître des jeux, que, de toute manière il ne pouvaitquitter !

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Chapitre 8 Lancement des jeux !

A la suite de l’intervention du président, Childéric réalisa que le jeude Luan devait être lancé. Il devait programmer rapidement lesystème de supervision des participants, pour en prendre lasurveillance, voire le contrôle.

Il ne dormirait pas ce soir, mais pour des raisons gratifiantes ettotalement différentes de celles qui le hantaient avant la visitecervoclonique du président.

Il se sentait à nouveau potentiellement investi du rôle de manager.

Sa responsabilité, à la suite de cette discussion nocturne, prenaitune tournure passionnante car additionnée d’un ingrédientsupplémentaire : le sel du mystère, élément dont le président savaitsi bien se servir !!

Childéric acceptait maintenant la prédominance du concepteur de lamachine sur lui, de même que sa prééminence sur la connaissancedes véritables objectifs !

Quel prix devrait-il payer pour tenir ce rôle de maître des jeux, etdécouvrir les énigmes de l’aventure ? Certainement pas sa vie !!

Le président l’avait rassuré sur ce point.

« Toute aventure a une issue, ne serait-ce que l’échec, mais il enressort toujours un enrichissement personnel », pensait Childéric.

Ayant reclassé les éléments de sa motivation, Childéric entreprit laprogrammation de son poste de contrôle.

Ce faisant, au fond de lui-même, il ne pensait plus qu’à reprendrecontact avec Luan pour faire le point de son avancement, et pourd’autres raisons qu’il ignorait encore, mais dont Cervoclonis étaitcomplice !

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*

Les heures s’ajoutaient aux heures. La nuit commençait à perdre sanoirceur et l’aube recolorait les murs de la chambre de la lueur dujour.

Childéric, les yeux fixés sur le pupitre de contrôle, suivait lesconsignes suggérées par sa machine.

Les images et les textes apparaissaient dans le néant de la nuit,irréels.

La logique et la teneur des questions n’appartenaient qu’àCervoclonis et au président. Childéric était leur chose ; il avaitabandonné toute velléité et suivait aveuglément les directives. Ilajoutait, certes, sa perception d’être sensé, mais sa contribution encet instant était si infime, et son excitation tellement infinie, qu’il necritiquait aucune des instructions qui le formaient.

Avec la clarté du jour, les hologrammes s’estompèrent et la phrase« fin de programmation » apparut.

*

Childéric réalisa alors qu’il devait se rendre au rendez-vous del’équipe EAM4. Curieusement, il ne se sentait pas fatigué et, pour lapremière fois de sa jeune vie, il sentit le besoin de libérer sonénergie, physiquement !

Machinalement, il prit Cervoclonis au même titre que sonsurvêtement et ses baskets.

L’ascenseur était disponible lorsqu’il ouvrit la porte de la chambre.

Il se dirigea vers ce dernier, lentement, dans un rêve, comme si sesmouvements étaient ceux d’un autre. Childéric, ébahi, voyait dans laglace du corridor son corps se déplacer de manière saccadé, comme

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un automate !

La porte s’ouvrit. Il se vit lever le pied, comme l’un de seshumanoïdes serviteurs, et se dit qu’il aurait dû utiliser son corpsplus souvent !

Cette réflexion saugrenue ne l’inquiétait pas. Toute angoisse l’avaitabandonné depuis son entrevue avec le président.

Il sortit du hall tout en s’observant à nouveau dans la glace. Il sedéplaçait paisiblement. En arrivant sur le seuil de l’entrée il releva ànouveau la jambe pour descendre les marches, de cette manièreétrange, robotisée.

L’air frais du matin le frappa. Il trébucha lors d’une descente detrottoir réalisant soudain qu’il était sûrement souffrant !

Impossible ! Le système ne permettait pas la maladie !

Cette idée le quitta aussi brutalement qu’elle lui était apparue.

Il sollicita ses réserves d’énergie et se mit à courir.

Là encore, ses foulées lui apparurent incertaines, discontinues.

Sa volonté lui conseillait de revenir, mais son être semblait animéd’une envie totalement différente !

Il voulait s’animer, revivre, se régénérer de tant d’années d’inactivitéphysique !

Soudain, Childéric comprit, en se tâtant le crâne et découvrant lamachine, ou plutôt pensa qu’il avait compris.

Cervoclonis continuait son éducation. Il voulait lui faire comprendreque son corps faisait partie d’un binôme indissociable et équilibrédont l’esprit était l’animateur et non le maître.

Childéric décida de revenir, et, pour être sûr de le faire, en demanda

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la permission à la machine. Il s’établit un échange de pensées où ilprécisait qu’il avait compris l’enseignement de la machine. Il luidemanda aussi, de réduire son emprise mentale, temporairement.

Il était six heures du matin ; heureusement, peu de personnes virentcet échange surprenant entre un être vivant et une machine nepossédant normalement pas le pouvoir de penser.

*

En entrant dans la chambre il aperçut pour la première fois Luan enliaison intra ludique.

La console de contrôle faisait revivre synthétiquement les instantsvécus par cette dernière, depuis son entrée dans son domicile : lavision de son intérieur ancien, la visite virtuelle du président et sonamabilité surprenante, les informations transmises, lesinterrogations de Luan, sa requête mentale singulière auprès deChildéric, et enfin son choix…

Luan avait sélectionné toutes les phases préliminaires, s’apprêtant àlancer le deuxième scénario :

Scénario 2 : l’Atlantide était une partie de la Terre qui a disparue dela surface et s’est enfoncée dans la mer, lors de la dislocation desraces et certains continents de la Terre, vers -65 Millions d’annéesavant J.-C. Ceci s’est passé vraisemblablement après la collision avecun astéroïde.

L’équipe d’ERT à des preuves irréfutables de l’existence de cettecivilisation.

Childéric pensa que le président, au travers de ses échanges avecLuan, l’avait conditionnée sur le choix de ce scénario.

*

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La synthèse terminée, Luan apparut à Childéric en temps réel, lesimages dans le cadre du jeu étant d’une réalité époustouflante !

Elle rayonnait de beauté ; son corps de déesse était moulé dans unhabit de soie brodé de fleurs exotiques et de paisibles paysagesancestraux. Ses cheveux noirs scintillaient, encadrant ce beau visagenacré qu’il avait vu rosir à Guangzhou.

A cet instant précis, elle fixait Childéric qui venait enfin d’apparaître.

Le responsable des jeux avait la trentaine, était de taille moyenne,brun aux yeux bleus, plutôt sportif. Sa jeunesse transparaissait, bienque les trois derniers mois de sa vie aient donné à ses traits unecertaine gravité et un incontestable sérieux.

Luan l’avait d’abord aperçu à la réception du président, puis lors dela réunion de Guangzhou.

Dès qu’il avait serré sa main plus longtemps que le protocole gestuelne l’autorisait, sa double génétique avait frémi et s’était replacée àla surface de son être…

*

Luan semblait attendre Childéric !

Lui, désirait la voir plus que toute chose au monde, plus quel’aventure qu’il avait entreprise ! Il voulait sa présence physique. Il ladésirait, organiquement, comme jamais il n’en avait eu la perceptionauparavant. Son être tremblait d’envie contenue.

*

Sans ambages, virtuellement, elle se leva, lui saisit la main, posa seslèvres sur les siennes, l’enlaça de toute la force que luicommuniquait leur désir réciproque.

Childéric à son tour, enroula ses jambes autour des siennes,

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dénouant sa robe qui se déplia comme une rose à l’aube du soleil.

« Je t’aime, cria-t’elle, bousculant tous les préceptes acquis, sortantde ses entrailles copiées des mots n’ayant plus cours, de vieuxtermes prononcés des milliards de fois par l’humanité, mais avant,avant ce monde néo-individualiste, avant l’éducation, leconditionnement, l’endoctrinement, la séparation du corps au profitde l’esprit !!

« Je t’aime », répondit-il en écho, incluant dans ce mot, la sommedes vibrations surgissant du plus profond de son être, desmanifestations physiologiques balisant son désir; rougeurs,palpitations, et plus bas au tréfonds de son ventre, des signauxancestraux, animaux…

*

Après avoir assouvi ce besoin bestial, immodéré, ils se retrouvèrentdevant la réalité de Cervoclonis, de cette société inhumaine qui lesavait fait se rencontrer trop tard.

Childéric songea un instant avec horreur, que peut être, le doublebiologique de Luan et lui-même s’étaient déjà rencontrés. Cettebouffée de folie n’était-elle que la répétition de gestes copiés, 50années en arrière ? Quelle étrange pensée ? Il n’était pas né !!!

Childéric ressentait quelque chose de très fort pour Luan.

Pour lui, ces instants virtuels si intenses étaient le prélude d’unegrande passion.

Mais était-il toujours Childéric Reyna ? N’était-il pas prisonnier deCervoclonis, donc du président?

Etaient-ce ses pensées ? Ses désirs ? Ou les fantasmes de lamachine ?

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Childéric se sentait dans un état d’euphorie jamais atteint ! Il enoubliait la séance de formation d’EM4.

A ce stade de ces pensées, Cervoclonis lui rappela qu’il avait rendez-vous avec la dernière équipe, ce qu’il entreprit d’organiser bienmalgré lui !

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Chapitre 9 Takamaki

Takamaki Sone savait que le président suivait de près ses travaux.Aussi, lors de son retour de Guanzhou, sa première action fut-elled’aller sur les lieux du projet qui occupait totalement sa vie depuisla disparition tragique de sa famille.

A son arrivée, une agitation fébrile inhabituelle le surprit. Sescollaborateurs se précipitaient vers le dôme gigantesque où sedéroulait le processus modélisé de recréation de la Terre à partir de-3,6 giga années avant J.-C.

Cette sphère tronquée, apparemment appuyée sur le sol, portait lagestation de créations successives telle un gigantesque utérus. Lamatière gonflait : grains de sable devenant pierres, pierres devenantrocs, et rocs, collines, rochers devenant végétal…

Quelques micros organismes avaient été extraits vers -1,3 Ga.

*

L’ouverture du sas le fit pénétrer sous une coupole infinimentgrande, d’aspect cotonneux, reflétant la sphéricité de la Terre.

Devant lui, le miracle de la recréation du monde se clonait dans uncycle infernal avec, pour seule chaudière, l’énorme fournaiseextérieure produite par un puissant générateur nucléo-solaire.

Des nuages de couleurs et de composants surprenants se heurtaientsous l’immense coupole, en épousaient les limites et grondaientdans un bruit assourdissant, caressant le relief tourmenté des rocheset des végétaux déjà constitués.

Malgré d’immenses refroidisseurs catalyseurs, la chaleur étaitdiabolique. Le processus engendré pouvait faire parcourir pourchaque jour terrestre actuel, l’équivalent de millions d’années dansle passé. Il créait à foison les matières fossiles, minérales et

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végétales, préparant le lit de la venue hypothétique de l’humain.

*

S’avançant, surpris de l’incroyable évolution depuis son départ aumeeting ERT, Takamaki aperçut quelques mètres plus loin unrassemblement de ses collaborateurs, tous, le visage tourné vers lefond de la coupole en train de palabrer à grand renfort de gestes !

Le reconnaissant à la couleur de ses vêtements ignifugés, son brasdroit se précipita vers lui aussi vite que le lui permettait sacombinaison, lui débitant fébrilement sans le saluer ni montrer dequelconques sentiments :

« L’énergie a été réduite, le process de transformation estmaintenant sur un palier. Nous prenons le temps d’observer. ».

Takamaki, surpris de cette décision, interrompit son collègue, pivotasur lui-même de manière à se trouver visière contre visière, le visagedécomposé. Il le regarda fixement, exprimant un étonnement mêlé àune colère contenue, bafouillant dans le microphone cellulaire :

« Pourquoi, mais pourquoi avez-vous fait cela ? Vous avezinterrompu la progression du temps et les cycles créateurs. ».

Son collaborateur le regarda avec un brin de crainte à travers laglace de son équipement, se pencha respectueusement, puis lui diten se retournant, pointant son index au loin :

« Monsieur nous avons ralenti le processus, car l’humain a été créé.Enfin, une forme humanoïde capable de se mouvoir et qui sedéplace, regardez !!! ».

Takamaki, ébahi, hagard, apercevait « la créature » se déplaçantlourdement. Il balbutia :

« Dans ce chaos ?!!! Mais c’est impensable, l’homme apparaît vers

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-3,6 Ma, et nous sommes théoriquement vers -100 Millionsd’années avant J.-C. !! ».

Sûr de la décision prise de ralentir les cycles, rebondissant surl’ahurissement de son patron, le directeur rétorqua cette fois avecaplomb et passion :

« Nous avons la preuve de la création pure, sans fécondation del’être humain !! Nous n’avons pas la preuve formelle de la dateexacte où nous nous trouvons. Peu importe, c’est un succès majeur !

Nous devons faire preuve d’humilité, nous sommes des apprentissorciers !

Devinez l’état de tous vos collaborateurs, certainement effrayés,mais en extase devant cette créature humaine ? Vous avez réussivotre pari Takamaki San !! ».

Takamaki, regardant à nouveau avec stupeur le lourd déplacementde la chose, approuva le choix de son bras droit en s’excusant,fulminant intérieurement de ne pas avoir été là pour ces instantsmagiques.

*

Heureusement, les puissants ordinateurs du centre d’essai allaientlui restituer bien plus fidèlement, pas à pas, cet instant, ou plutôt, lemillion d’années passées qui avait engendré cette fabuleusenaissance.

Bien longtemps après cette altercation suivie de l’analyse desdonnées et images, il prit son téléphone et contacta le présidentd’ERT.

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Chapitre 10 Drôle de machine !

La formation d’EAM4 s’était déroulée comme prévu. Childéricmaîtrisait désormais parfaitement sa machine, ainsi que les séancesde formatage.

Dans la navette, sur le chemin de retour à son QG, il pensait encoreà Luan et regrettait de ne pas avoir pu la rencontrer charnellement.

Cette liaison cryptée orgasmique n’était que les prémices d’autrechose, beaucoup plus intense encore.

Il percevait confusément que les préceptes de la société néo-individualiste étaient extrêmement réducteurs, s’agissant desbesoins sexuels et surtout sentimentaux de l’humain !!

Les amours marginaux des aînés, défrayant la chronique, luiparaissaient maintenant raisonnables et conformistes !

Quelle évolution de son raisonnement en quelques jours !!!

Si les comités d’éthique découvraient ne serait-ce que le centièmede ce qu’il avait appris de l’extension neuronale, il serait peut-êtrereconditionné ou pire, banni. Il en souriait !

Il devrait alors côtoyer les parias de la société, hors des mégapoles,sans traitement anti-maladies, ni garantie de travail et de durée devie !

Le président l’avait piégé et il en était heureux !

Cervoclonis le maternait et il aimait ça !

Il était le maître des jeux les plus géniaux de cette fin de siècle et ilen était fier !

Depuis bien longtemps Childéric n’avait ressenti une telleimpression de plénitude et d’équilibre !

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*

A ce stade de ses réflexions, Cervoclonis lui transmit un message duprésident sans liaison visuelle, car il se trouvait dans la navette quile ramenait à son domicile ; les hologrammes individuels y étaientproscrits…

Le communiqué était laconique :

« Ce jour, je rends visite à Takamaki Sone dans sa ville de Kyoto. Cedéplacement est de la plus haute importance. Merci de bloquer toutdébut de jeu en attendant mon retour ou de nouvelles directives… àl’exception de l’aventure conduite par Luan. Vous pouvez profiter dece répit pour l’aider. »

Le président, comme d’habitude, gardait ses secrets, et faisaitcomme il l’entendait, quand il le voulait !

A nouveau Childéric se sentait frustré, mais aussi, tellement heureuxde revoir Luan.

*

Le président, en fait, avait déjà contacté Takamaki Sone en 2 079,une année avant l’entretien avec Childéric dans la navette.

L’équipe de Takamaki venait de terminer les expérimentationspréliminaires de leur projet. Les premiers articles de vulgarisationvenaient de paraître dans la presse spécialisée.

L’équipe du président avait débusqué ces informations et les avaitjugées de la première importance.

Le directeur scientifique D’ERT s’était déplacé à Kyoto pourdécortiquer l’article et en faire part directement au président à l’issud’un entretien privé.

A son retour il avait fait un rapport verbal au président. A l’énoncé

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de son commentaire, le visage de ce dernier s’était éclairé d’unelumière jamais encore aperçue par aucun de ses prochescollaborateurs !

« Enfin le maillon manquant », pensait le président, en écoutant sonplus proche adjoint !

Enfin la preuve, tangible, matérialisée, de ses rêves les plusdélirants !!

En dehors de la lueur qui emplissait son regard, personne n’auraitimaginé que cette réunion serait le top de lancement de l’aventuredont Cervoclonis et son extension neuronale étaient les piècesmaîtresses, Childéric le futur bras droit, Takamaki l’apprenti sorcier,Luan, et bien d’autres…

Jamais réunion ne fut plus silencieuse, ni plus intense. Le présidentécoutait, écoutait… Son directeur scientifique, habitué à écouter le« patron », laissait des silences pour recevoir des commentaires.Inlassablement son employeur lui disait… veuillez poursuivre…poursuivez…

Devant si peu d’échanges, à court d’explications et d’informations ledirecteur s’arrêta, désorienté.

Un long silence s’installa dans l’immense salle du conseil. Leprésident avait le visage dans le vague. Seuls quelques mouvementsde doigts laissaient transparaître une activité cérébrale.

Il avait attendu toute sa vie terrestre pour recevoir cetteinformation, là, dans cette salle.

Sortant de son silence, il énonça autoritairement :

« Ce jour, vendredi 5 mai 2 079, voici mes directives : je veux quetous les échantillons de l’expédition chinoise faite de mars 2 062 àmai 2 063 soient transmis à l’équipe de ce Monsieur Takamaki Sone.

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Vous ne devez plus perdre une minute à partir de maintenant ; il enva de l’avenir d’E. R. T, de votre carrière, et du destin de l’humanité.»

Le directeur percevait dans la voix de son patron une émotioncontenue, mais un pouvoir sans faille.

Il n’avait pas compris le rapport entre l’information verbale donnéeet la décision prise. Il ne se sentait pas le courage de questionner leprésident sur la relation entre les travaux de l’équipe de TakamakiSone et la mise à disposition de dizaines de morceaux de magma,terres, rocs et vestiges divers !

Néanmoins, il marmonna :

« Tous, président, tous les échantillons de l’expédition sino-Atlante ? ».

Le président le regarda et lui dit avec mépris :

« Devons-nous prendre Cervoclonis pour nous comprendre !! ».

Le Directeur sortit sans un mot, pitoyable…

*

En entrant dans son bureau, John Malicorn, le directeur scientifiqueeut quelques difficultés à se calmer suite à son entretien avec leprésident.

Ce dernier avait une curieuse manière de traiter ses collaborateurs.

Il définissait de grandes lignes de travail, souvent incompréhensiblespour ses adjoints !

Chaque dessein qu’il traçait s’affinait dans le temps et avait unedurée moyenne de quelques années, voire de la durée del’entreprise.

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1,5, 10 voire 15 projets, sous-ensembles d’un dessein, surgissaientaux réunions hebdomadaires du lundi.

Dans le cadre d’un grand plan (Cervoclonis en avait été un etl’extension neuronale un autre), il était impossible d’imaginerl’impact dans le temps de ces projets sur la société en terme demarketing ou d’utilité.

Chacun se devait d’obéir au président et de suivre les projets, enutilisant au mieux ses aptitudes !

La société ERT fonctionnait en strates de compétences.

Au sommet, le président, omnipotent, incontournable, autoritaire,travaillant sans relâche, recadrant les brebis égarées parl’imprécision des directives générales, les amenant peu à peu auxpoints de pâturages !

En dessous, ses esclaves : directeurs, sous-directeurs, ingénieurs,cadres, techniciens et employés divers !!

Ainsi vivait la société ERT, sous le joug de cet homme impénétrable.Il avait toujours maintenu le cap de son bateau ERT dans la directionde l’innovation, ceci entraînant des profits pharamineux.

Ses employés le savaient. Ils en étaient fiers bien que ne parcourantgénéralement jamais la totalité d’un projet ou dessein, tant leprésident laissait peu de place aux initiatives.

*

John Malicorn appela son responsable de recherches géologiques etexpliqua la demande de son patron. Ils cherchèrent à comprendrependant quelques minutes la logique du président et surtout àréfléchir où pouvaient bien être stockées les trouvailles del’expédition sino-Atlante !!

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Au bout de quelques échanges, saisissant que son jeune responsablede recherche ne pourrait retrouver les vestiges, il s’emparapersonnellement du problème.

*

John était sûrement un des rares employés à avoir travaillé 20 ans àERT. Il se souvenait vaguement de cet épisode, où, étrangement, leprésident s’était investi au point de se rendre personnellement surles sites nommés « sino-Atlantes » de l’Empire du Levant !! Johnl’avait même accompagné alors.

Personne dans ERT n’avait compris l’implication du président !!!

Tout ceci était ensuite revenu dans l’ombre du quotidien, pendant20 années.

Ceci était un projet du président : durée de la première partie… 20ans !!! Combien de temps allait-il durer encore, et quellesignification donner à ces vestiges ?

*

A la suite du dernier appel de Takamaki Sone, cette journée de2 080, le président convoqua John Malicorn dans son bureau.

Lorsque son directeur scientifique franchit le seuil du local, leprésident lui lança autoritaire, quasi hystérique, et surtout sanspréambule :

« Je reprends contact avec Monsieur Takamaki Sone. Voussouvenez-vous de notre entretien concernant les échantillons sino-Atlantes, il y a un an ? Avez-vous, selon mes ordres, fait lenécessaire ? ».

Au risque de déclencher une des célèbres colères du patron, JohnMalicorn tourna le dos, ne répondit pas, et s’éloigna furieux d’être

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traité ainsi, les yeux injectés de sang.

Il entendit, alors qu’il s’éloignait dans le couloir, le présidentcontinuer la suite de ses directives en criant :

« Dans une semaine, je me rendrais personnellement à Kyoto… vousserez du voyage, nous emmènerons Cervoclonis et l’extensionneuronale et les échantillons si vous avez oublié de les envoyer.Ainsi vous comprendrez pourquoi.

Lorsque vous aurez analysé ma demande, revenez à nouveau. ».

En entendant cette dernière phrase, le Directeur sentit renaître enlui cette passion qui le faisait travailler pour ERT et son étrangeprésident.

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