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1 EXECUTIVE EDUCATION EXECUTIVE MASTERE Participant : Gilles d’Arpa Tuteur : Michel Barth Executive Mastère Management d’une Unité Stratégique 2014 Pourquoi et comment pour les éditeurs de logiciels français faire évoluer leur business model traditionnel grâce au cloud computing ? Confidentiel Non confidentiel & consultable

2014 04 07 must mémoire transition vers le cloud du business model des editeurs de logiciels françaisg darpa v20

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EXECUTIVE EDUCATION

EXECUTIVE MASTERE

Participant : Gilles d’Arpa

Tuteur : Michel Barth

Executive Mastère

Management d’une Unité Stratégique

2014

Pourquoi et comment pour les

éditeurs de logiciels français faire

évoluer leur business model

traditionnel grâce au cloud

computing ?

Confidentiel

Non confidentiel & consultable

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Sommaire

Table des matières

1) LE CLOUD COMPUTING VECTEUR D’AVANTAGE CONCURRENTIEL ET DE CREATION DE VALEUR ............ 9

1.1 LE CLOUD COMPUTING UNE SOLUTION INDUSTRIELLE ET FLEXIBLE POUR LE CLIENT 9

1.1.1 LES DIMENSIONS DU CLOUD COMPUTING : UNE INFORMATIQUE INDUSTRIELLE ET FLEXIBLE ..................................... 9

1.1.2 UNE REVOLUTION POUR LES DSI ET LES METIERS DES CLIENTS ............................................................................. 17

1.1.3 DES FREINS ENCORE PRESENTS A L’ADOPTION DU CLOUD COMPUTING PAR LES ENTREPRISES ..................................... 20

1.1.4 MAIS UNE REVOLUTION EN PHASE D’ADOPTION DU FAIT DE NOUVEAUX USAGES .................................................. 23

1.2 LE CLOUD COMPUTING UNE EVOLUTION MAJEURE POUR LES EDITEURS DE LOGICIELS EN FRANCE 27

1.2.1 UNE NOUVELLE PROPOSITION DE VALEUR BASEE SUR LA FLEXIBILITE ET LE COUT A L’USAGE ....................................... 27

1.2.2 UN AVANTAGE CONCURRENTIEL ..................................................................................................................... 28

1.2.3 UN LEVIER DE CROISSANCE ............................................................................................................................ 29

2 LES BUSINESS MODEL TRADITIONNEL DES EDITEURS DOIVENT EVOLUER VERS UN BUSINESS MODEL

CLOUD ................................................................................................................................................. 33

2.1 LE ROLE DOMINANT DES EDITEURS LOGICIELS DANS L'UNIVERS INFORMATIQUE MALGRE UN POIDS EN CHIFFRE D’AFFAIRE

RELATIF 33

2.1.1 UN MARCHE DES EDITEURS TRES DIVERS, AVEC UNE TAILLE INSUFFISANTE DES ACTEURS ET UN BUSINESS MODEL

LARGEMENT DOMINE PAR LA VENTE DE LICENCES. ...................................................................................................... 33

2.1.2 LA CHAINE DE VALEUR DANS LE MONDE INFORMATIQUE BOUSCULEE PAR L’ARRIVEE DU CLOUD COMPUTING .......... 38

2.3 L’ANALYSE DES DIFFERENTS BUSINESS MODELS DES EDITEURS 43

2.3.1 LE BUSINESS MODEL DES EDITEURS PROPRIETAIRES UN MODELE SOUVENT MENACE ................................................. 43

2.3.2 LE BUSINESS MODEL DES EDITEURS COMMERCIAL OPEN SOURCE, UNE PROPOSITION DE VALEUR EN DANGER. ........... 47

2.3.3 LE NOUVEAU BUSINESS MODEL DES EDITEURS EN SERVICES OPERES ................................................................... 50

3) UN CHANGEMENT DE BUSINESS MODEL QUI N’EST PAS FORCEMENT ADAPTE A TOUS LES EDITEURS ET

QUI AFFECTE L’ENTREPRISE A TOUS LES NIVEAUX ................................................................................. 54

3.1 UNE PROPOSITION DE VALEUR QUI CHANGE RADICALEMENT 55

3.1.1 UNE NOUVELLE PROPOSITION DE VALEUR ........................................................................................................ 55

3.1.2 UN MODELE DE PRIX QUI DOIT ETRE ADAPTE A CHAQUE CAS MAIS QUI RESPECTE QUELQUES REGLES COMMUNES POUR LE

PAAS ET LE SAAS. ................................................................................................................................................. 59

3.1.4 RELATIONS AVEC LE CLIENT ............................................................................................................................ 65

3.1.5 LES CANAUX D’ACCES AUX CLIENTS FINAUX SE DIVERSIFIENT ET L’APPROCHE VIS-A-VIS DE CEUX-CI CHANGE ................ 70

3.2 ARCHITECTURE DE VALEUR 76

3.2.1 UN IMPACT IMPORTANT SUR LA RECHERCHE ET DEVELOPPEMENT, LE CONSULTING ET DANS UNE MOINDRE MESURE LE

MARKETING. ........................................................................................................................................................ 76

3.2.2 DES PARTENARIATS CLES IMPORTANTS ............................................................................................................ 86

3

UN PARTENARIAT D’UN NOUVEAU GENRE AVEC L’OPEN SOURCE. ................................................................................. 86

3.2.3 LA MISE EN PLACE DE NOUVEAUX INDICATEURS ................................................................................................. 88

3.3 EQUATION DE PROFIT 93

3.3.1 UN EXEMPLE REUSSI DE PASSAGE AU CLOUD : EASYVISTA ........................................................................... 93

3.3.2 UNE EXTRAPOLATION A UN MODELE GENERIQUE D’EDITEUR PAAS OU SAAS ............................................. 97

3.4 UNE GESTION DU CHANGEMENT FONDAMENTALE A LA REUSSITE DE CETTE TRANSFORMATION 101

TABLE DES ILLUSTRATIONS .................................................................................................................. 112

INTERVIEWS REALISEES ....................................................................................................................... 114

BIBLIOGRAPHIE ................................................................................................................................... 116

ANNEXES ............................................................................................................................................ 119

3.2.4 CHANGE MANAGEMENT 119

4

Remerciements

Ces deux années passées à suivre les cours du mastère Management d’Unité Stratégique ont été

particulièrement enrichissantes, les enseignements dispensés complètent et consolident la pratique au

quotidien. Je souhaite donc remercier l’ensemble des professeurs et en particulier Jacques Belly, directeur

du mastère, pour les connaissances acquises.

Ce mémoire constitue le point de convergence de toutes ces connaissances appliquées à un thème, je

souhaite donc remercier :

Michel Barth mon tuteur qui m’a éclairé sur les spécificités des mémoires à HEC et qui m’a

challengé,

Sabrina Djefal qui m’a aidé lors de plusieurs dîners sur la construction du plan.

Je souhaite aussi souligner l’aide apportée par Rody Jackson et Christine Amory qui sont deux

« participants» du Mastère avec qui nous avons beaucoup échangé, prouvant en cela que le travail en

réseau est toujours plus efficace que le travail en solitaire.

Par ailleurs, je remercie les différents professionnels qui m’ont accordé leur temps pour répondre à mes

questions à savoir :

Cymbeline Chaplin, Directrice ebusiness de Cegid,

Pascal Colin, PDG de Keynectics,

Gildas Leroy, VP EMEA d’Easyvista,

Philippe Honigman, PDG de Socialfinders,

Jerome Brun, VP cloud Atos,

Boris Auche, VP Head of sales enablement au sein de Bull, précédemment en charge de la stratégie

de Bull Integration System,

Arnaud Hess, en charge de l’offre cloud infrastructure au sein de Steria,

Pierre Seguret, PDG de BCS technologies

et trois autres personnes qui ont souhaité garder l’anonymat : deux au sein de Microsoft avec qui

nous avons parlé des pricing model traditionnels et du cloud computing et la dernière personne

chez ACE management avec qui nous avons échangé sur les valorisations des éditeurs.

Je souhaitais aussi remercier mes 3 relecteurs Olivier Arous, directeur business developpement de

BeeWare, Etienne Coulon, PDG de Pointgreen et Thierry Rouquet directeur non exécutif d’Arkoon et

administrateur de l’AFDEL

Enfin tout ceci n’aurait pas été possible sans le soutien de mon épouse Isabelle pendant ces deux années.

Elle a notamment été une efficace et habile relectrice du mémoire.

5

Synopsis

Le monde informatique connait avec le cloud computing, ou informatique dans les nuages, sa quatrième

révolution depuis le début de son existence. Pas une semaine ne passe sans que la presse écrite n’y fasse

allusion. On peut ainsi y relever quelques faits d’importance : le cloud est l’un des 34 plans de reconquête

industrielle lancés par l’Etat français en septembre 20131 et en février 2014, Sataya Nadella, vice-président

de Microsoft en charge des activités cloud et entreprise devient le nouveau directeur général de Microsoft.

Le cloud computing permet de proposer des offres où le service est rendu par un opérateur qui en assure

la production. Il se distingue des hébergeurs de solutions informatiques par le paiement, qui se fait à la

consommation. Les ressources sont mutualisées et fournies à la demande et le service est accessible par

tous types de terminaux (ordinateurs, tablette, smartphone ...).

Le cloud peut être déployé soit en mode privé, privatif, mutualisé, communautaire ou hybride un mélange

des 3 premiers modes. Il concerne toutes les couches de l’informatique. Il peut être proposé à la fois pour

les infrastructures (IaaS), les logiciels pour fabriquer les applications (PaaS) et les solutions (SaaS)

Le cloud computing est une révolution pour les directions des systèmes d’information (DSI), qui ne sont

désormais plus les seules à pouvoir fournir les applications aux directions métiers. Des offreurs externes

sont maintenant en mesure de le faire à des coûts souvent moindres sur des applications transverses, voire

sur des applications métiers et plus rapidement que la DSI. Ces solutions cloud sont prisées par les

directions métiers car elles leur apportent une rapidité de mise en œuvre avec un coût maitrisé. La DSI va

devoir s’adapter et devenir une architecte du système d’information qui sera à la fois interne et externe.

Ce mémoire se fixe 3 objectifs :

Analyser si les éditeurs de logiciels traditionnels doivent changer leur business model traditionnel à

base de licences ou de souscription vers un modèle d’affaire à base de services opérés.

Déterminer en quoi, le passage au cloud est un vecteur d’avantage compétitif et aussi un levier de

croissance.

Proposer des recommandations aux éditeurs sur la manière de faire cette transition le plus

efficacement possible. Ces recommandations sont issues de l’expérience de ceux qui ont déjà mené

cette évolution tout en prenant en compte les apports académiques à travers les enseignements

dispensés à HEC.

Contrairement à ce que l’on peut penser, l’ensemble des éditeurs n’ont pas forcément intérêt à aller vers

cette révolution. Si la société œuvre sur des marchés de souveraineté (type sécurité) ou si la société

propose des applications nécessitant une très forte interconnexion avec le système d’information du client

ou nécessitant des échanges temps réels très importants, alors le passage au cloud n’a pas d’intérêt ou

n’est pas faisable en l’état actuel des débits des réseaux informatiques sur internet. Cela représente entre

30 et 40% du chiffre d’affaires du secteur de l’édition logicielle.

Pour les éditeurs pouvant ou devant mener cette transition, celle-ci se révèlera un véritable avantage

concurrentiel si les éditeurs sont en mesure de la réaliser avant leurs compétiteurs. En effet, l’avantage

1 http://www.gouvernement.fr/gouvernement/34-plans-de-reconquete-pour-dessiner-la-france-industrielle-de-

demain : pour le détail des plans

6

concurrentiel n’est plus comme par le passé une rente qui se conserve mais un avantage temporaire qui

sera remplacé par un autre dans un laps de temps variable. Il y a clairement dans le monde du logiciel une

prime aux pionniers. Par contrecoup, cet avantage concurrentiel sera un levier de prise de parts de marché

donc de croissance. Le cloud permettra d’adresser de nouvelles cibles : les très petites entreprises (TPE),

les petites et moyennes entreprises (PME) et les directions métiers. Cela nécessitera une adaptation des

modes de distribution indirects et une approche des clients tournée vers la vente de solutions.

D’un point de vue financier, deux points sont essentiels lors du passage au cloud :

la durée d’engagement entre le client et l’éditeur.

le mode de perception des revenus : mensuel ou annuel, à terme échu ou à terme à échoir

Ainsi, si les contrats sont signés pour une période de 3 ans, cela assure un backlog2 de services de plus en

plus important au fil du temps. Ce backlog peut représenter au bout de 5 ans plus de 100% du chiffre

d’affaires annuel lorsque l’on part sur une durée de 3 ans d’engagement. Une telle visibilité sur les revenus

de la société, lui assure une stabilité importante. On peut penser que ce mode d’engagement est difficile à

mettre en œuvre. Cependant, parmi les sociétés interrogées une part importante d’entre elles parviennent

à l’applique avec succès.

Il est crucial en terme de trésorerie pour l’entreprise de réfléchir à la façon dont les revenus sont

encaissés. Si ceux-ci le sont au fur et à mesure comme le veut la logique cloud, alors les besoins en

trésorerie de la société seront importants. A l’inverse, si la société encaisse immédiatement un an

d’abonnement, son besoin en fond de roulement d’exploitation va devenir négatif. Ce mouvement sera

d’autant plus important que la société réalisera le mouvement vers le cloud très rapidement.

Il y a un dernier point financier à prendre en compte. Le passage au cloud entraine une baisse du chiffre

d’affaires et ce même avec une stabilité voire une hausse contenue des coûts. Cela entraine des pertes pour

l’entreprise. Ces pertes sont liées à la rapidité de passage au cloud. Plus la société réalise cette mutation

rapidement plus les pertes d’exploitation sont importantes. Cependant, cela ne signifie pas que la société

soit en danger du point de vue de son existence puisque sa trésorerie est de plus en plus élevée. Il y a

toutefois un risque. Si les pertes d’une année amènent l’éditeur à constater que le montant des capitaux

propres de la société est devenu inférieur à la moitié de son capital social, cela signifie alors que les

actionnaires devront recapitaliser. Or les rentabilités attendues par les sociétés en capital risque sont pour

les entreprises de hautes technologies de 30 à 40% en moyenne par an. Cela signifie que la société devra

faire une augmentation de capital au moment où son chiffre d’affaires baisse et où elle accuse des pertes.

Concrètement le pire moment en terme de valorisation.

Contrairement à une idée répandue, le passage au cloud n’entraine pas une importante hausse des coûts de

structures. Il implique surtout une adaptation de la R&D et la création d’un service en charge de la

production des services opérés. Le passage au cloud entraine également un changement de mentalité pour

les services back office où l’on passe d’une obligation de moyens à une obligation de résultats. Les forces

commerciales pour leur part auront à s’adapter pour aller vers la vente de solution. Le consulting est peu

affecté par la transition. Le marketing devra fournir des argumentaires tournés vers le coût total de

possession et le retour sur investissement. Il peut toutefois acquérir une dimension bien plus importante,

s’il aide la société à mieux cibler les marchés à adresser et s’il formalise une approche métier pertinente de

ces marchés. Le marketing est souvent le seul poste à voir ses moyens augmenter lors de la transition vers

le cloud.

2 Un backlog de service est la valeur des services commandés mais non encore réalisés et non facturés.

7

La réussite d’un tel projet de mutation est avant tout une aventure humaine. Comme tout changement, cela

suppose un engagement dans la durée du management. En moyenne pour les personnes interrogées cette

mutation dure deux ans. La gestion du changement est souvent réduite aux plans de communication et de

formation. Il est important, de ne pas négliger la conduite du changement en formalisant les différentes

étapes (cadrage, impacts, plan d’accompagnement, plan de formation, plan de communication et

indicateurs). Le niveau de formalisation sera plus ou moins important fonction des moyens de la société.

Cette étape est toutefois essentielle, car c’est la clé de l’échec ou de la réussite de la transition.

In fine, l’objectif du chef d’entreprise à travers le passage au cloud est de permettre à la société d’avoir un

avantage concurrentiel, qui entrainera un développement important du chiffre d’affaires, la récurrence des

revenus et à terme une meilleure rentabilité.

L’informatique a connu à ce jour quatre révolutions en 50 ans. Cette quatrième révolution est en route

depuis le début des années 2000. Nul doute que la cinquième arrivera d’ici quelques années. Une nouvelle

fois les éditeurs devront se réinventer pour conserver leur avantage concurrentiel afin de se développer.

Ce mémoire vise modestement à donner quelques clés pour faciliter le passage du modèle d’affaires actuel

au modèle d’affaires à base de cloud computing.

8

Introduction

" C’est de la stupidité, c’est pire que de la stupidité, c’est une campagne marketing »3 disait Richard

Stallmann fondateur de la free software foundation (une des deux associations majeures du monde Open

source) dans un article du Guardian en septembre 2008 à propos du cloud computing ou informatique dans

les nuages. Force est de constater que cette prédiction s’avère erronée.

Aujourd’hui le cloud computing représente d’ors et déjà 1,8 milliard d’euros soit 2,6%4 des dépenses

informatiques en France. La croissance de ce segment de marché représente 38% en 2013 et va

probablement croitre de 30% dans les 2 années à venir pour représenter 4,5% des dépenses informatiques

en France en 2015. Pour bien comprendre l’enjeu il faut savoir que la dépense informatique française est en

croissance de 1% au mieux et le marché des éditeurs de logiciels en croissance de 3% à 4% par an entre

2012 et 20145.

L’objet de ce mémoire consiste à étudier si un éditeur de logiciels en France devrait passer d’un business

model traditionnel à un business model à base de services opérés. Dans l’affirmative quelles sont les

meilleures pratiques pour le faire.

Le mémoire a été centré sur le secteur des éditeurs de logiciels en France qui représente 4 000 sociétés

(dont 2000 de plus de 1 salarié), 8 milliards d’euros de chiffre d’affaires et environ 50 000 emplois au global.

Il s’agit là d’un secteur modeste en taille (0,32 % du produit intérieur brut) mais stratégique en terme de

souveraineté, vecteur d’innovation et central dans le domaine de l’informatique.

Par ailleurs, le périmètre de cette étude est focalisé sur les éditeurs en relation business to business (le

client est une organisation et non un particulier). Ce segment représente 97,1 % du marché des éditeurs

de logiciels6.

Les sources d’informations sont nombreuses sur ce qu’est le cloud computing. Les intérêts et les freins

pour les clients sont largement étudiés. De même, on trouve quelques études et ouvrages sur l’intérêt

pour les éditeurs de passer au cloud. Si l’on se place au niveau de la France, il n’existe que l’étude

approfondie de l’AFDEL de février 2013 qui traite de l’intérêt pour un éditeur de passer à un business

model utilisant le cloud computing. Par contre il n’existe aucune étude, si l’on se pose la question du

pourquoi y aller et le comment le faire.

Ce mémoire a donc modestement pour but de déterminer sous quelles conditions un éditeur a intérêt à

aller ou pas vers le cloud computing dans le cadre de son business model.

Dans le cas où la réponse à cette interrogation serait positive, l’idée consiste à prendre les 3 éléments

principaux d’un business model à savoir : la proposition de valeur, l’architecture de valeur, l’équation de

profit eux même subdivisés en 10 axes d’analyse au total avec en plus la gestion du changement comme

dimension supplémentaire transverse.

On étudiera alors ces éléments pour en dégager les meilleures pratiques issues des différentes expériences

de passage au cloud computing des éditeurs français afin d’émettre des recommandations qui vont

s’abstraire au maximum des cas particuliers.

3 it s stupidity , it s worse than stupidity it’s a marketing hype campaign « Richard Stallmann

4 Etude Xerfi 2013/07 « l’édition de logiciels en France » et Etude AFDEL « étude des spécificités du marché du SaaS

en France » 2013/04 P35 5 Etude Xerfi 2013/07

6 Etude Xerfi 2013/07 p50

9

1) Le cloud computing vecteur d’avantage concurrentiel et de création de

valeur

1.1 Le cloud computing une solution industrielle et flexible pour le client

1.1.1 Les dimensions du cloud computing : une informatique industrielle et flexible

L’évolution de l’informatique des années 70 à nos jours vise successivement à accroitre la productivité, à

baisser les coûts des systèmes d’information puis à participer à conserver l’avantage concurrentiel des

sociétés.

Pour comprendre les intérêts du cloud computing ou informatique dans les nuages il faut comprendre les

différentes évolutions qui ont ponctué l’histoire de l’informatique. L’objectif de ces évolutions est

l’amélioration de la productivité ou l’établissement/conservation des avantages concurrentiels.

Il y a 4 phases dans l’évolution de l’informatique de sa naissance dans les années 60 à nos jours, chacune

porteuse d’une proposition de valeur.

La première vague, celle des années 1960 /1970, correspond à l’arrivée des mainframes. Des ordinateurs

centralisent les données, les traitements, et dont l’affichage se fait sur des terminaux passifs en mode

caractère. L’avantage est simple : automatiser des tâches auparavant manuelles dans un but

d’accroissement de la productivité.

La seconde vague arrive dans les années 1980/1990 : celle du client serveur. L’organisation de l’information

entre données, traitement et affichage est la même. Cependant on peut avoir un affichage en mode

graphique sur le poste client donc des applications plus ergonomiques. L’objectif est toujours le même,

accroitre la productivité des employés dans une économie de plus en plus marquée par le poids du secteur

tertiaire (70% des actifs).

La troisième vague est celle de l’architecture à base de services web ou plus techniquement appelée SOA

(Services Oriented Architecture). Cette troisième vague est liée au développement des réseaux dans les

entreprises dans les années 80 et à partir de 1990 lié au développement de l’internet. La promesse est la

suivante : assurer une interopérabilité ouverte entre les applications. Le but est de développer un service

applicatif (un programme) qui réalise une tâche, elle-même à la disposition d’autres programmes qui vont

utiliser ce service. La proposition de valeur est simple : permettre d’optimiser les développements en ne

refaisant pas ce qui a déjà été développé pour une autre application. Cela permet donc une

industrialisation des développements et surtout une réutilisabilité de composants logiciels déjà développés.

On assiste là à un mouvement d’industrialisation des systèmes d’information mais pas à une augmentation

de la productivité des employés. On est dans une logique de baisse des coûts qui débute avec les deux

crises économiques de 1973 et 1979 et qui s’est in fine propagée à l’informatique.

La quatrième vague des années 2000 débute dans un contexte de poursuite des baisses de coûts et non de

hausse de la productivité des utilisateurs et ce via une industrialisation des pratiques des directions des

systèmes d’information (DSI). A ce mouvement, s’ajoute un mouvement global d’accélération de

l’innovation et de plus grande flexibilité des business models afin de conserver l’avantage concurrentiel

des sociétés. Cette nouvelle évolution est caractérisée techniquement par l’extension du modèle de

10

composants logiciels réutilisables aux applications qui deviennent réutilisables et outsourçables.

Concrètement, une entreprise peut décider de garder au sein de la DSI les applications critiques métiers qui

participent à son avantage concurrentiel et elle peut externaliser les applications non stratégiques ou les

composants logiciels non stratégiques et les infrastructures informatiques (serveurs, stockage) si elles les

jugent comme n’étant pas un élément clé de sa différenciation. C’est dans ce contexte que s’inscrit

l’apparition du cloud computing.

Le cloud computing : 5 caractéristiques, 3 modèles de services, 5 modèles de déploiement.

Tout d’abord quelle est la définition du Cloud computing ?

Il existe de très nombreuses définitions. L’article « A break in the clouds toward a cloud definition »7

recense 22 définitions. Celles-ci sont fonction du point de vue de celui qui la formule.

Cisco fournisseur de réseau la définit comme des « ressources informatiques et des services abstraits de

l’infrastructure sous-jacente et fournis à la demande et à l’échelle dans un environnement partagé ». A

l’autre bout du spectre, Microsoft, fournisseur d’applications, la définit comme « l’ensemble des disciplines

technologiques et modèles commerciaux utilisés pour délivrer des capacités informatiques (logiciels,

plateformes, matériels), comme un service à la demande. Ce service comporte cinq caractéristique clés : le

service est à la demande, le service est accessible n’importe où grâce aux réseaux , le service est mesuré, la

quantité est modulable offrant une élasticité infinie, les ressources sont mises en commun ce qui réduit les

coûts »8

On prendra pour notre part comme base de départ la définition du NIST 9 (National Institute of Standards

Technology) qui est la plus communément utilisée. Le NIST le définit ainsi : « Le Cloud Computing est un

modèle proposant un ensemble de ressources partagées (réseaux, serveurs, stockage, applications et

services numériques) accessible partout et à la demande à travers le réseau et qui peut être rapidement

alloué et libéré avec un minimum de maintenance ou d’interaction avec le fournisseur du service «

Le NIST caractérise le cloud à travers :

5 caractéristiques

3 modèles de services

4 modèles de déploiement

7 « A Break in the clouds : Toward a cloud definition » L.M Vaquero, L Rodero Merino, J Caceres, M. Linder

8 Cf cloud computing de R Hennnion p8

9 http://www.nist.gov et pour une définition du cloud computing : http://www.nist.gov/itl/csd/cloud-102511.cfm

11

Figure 1 : le cloud en synthèse

Les 5 caractéristiques du cloud sont les suivantes :

Les ressources sont mutualisées et virtualisées : qu’elles soient matérielles ou logicielles. En effet

grâce à la virtualisation, les solutions peuvent être déployées de façons indistinctes sur différents

matériels formant ainsi une ressource globale.

Il y a élasticité de la demande : on alloue les ressources fonction des besoins uniquement.

On peut accéder au service par tous moyens : PC, Tablettes, smartphone grâce à internet.

Le mode de paiement est à la consommation : il y a un paiement à l’usage qui est la plupart du

temps sous forme d’un abonnement de durée variable.

L’architecture est la plupart du temps « multi-tenant » : on entend par là le fait que la solution

utilisée est partagée par plusieurs entreprises ou organisations mais les environnements de

chaque client sont séparés des autres clients. Seules sont mises en commun les capacités réseaux,

et à un degré plus ou moins important, les serveurs physiques et le stockage.

Les 3 modèles de services qui sont liés sont :

Le IaaS : Insfrastructure as a Service

Le PaaS : Platform as a Service

Le SaaS : Solution as a Service

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Dans un environnement informatique il y a 3 couches : l’infrastructure, le middleware et l’application.

On retrouve donc ce distingo dans ces 3 modèles de services

Le IaaS consiste à mettre dans le cloud des serveurs partagés virtualisés, avec le système d’exploitation,

qui sont selon le modèle du cloud vendus à la demande. Ils sont généralement vendus selon des métriques

liées au nombre de sessions virtuelles, la quantité de mémoire allouée, l’espace de stockage utilisé ainsi

que le débit réseau utilisé. Parmi les fournisseurs on peut citer Amazon Elastic Compute Cloud (EC2),

Rackspace Cloud et en France Orange cloud, Numergy et Cloudwatt.

Le Paas correspond à la partie Middleware. Les middleware sont les bases de données, les serveurs web,

les serveurs d’application, les environnements de développement. Un environnement PaaS consiste donc à

proposer à l’usage ces outils sur un environnement en mode IaaS. On peut citer comme offreur

GoogleAppEngine, Force.com de Salesforce, Windows Azure de Microsoft, Workflowgen dans le BPM etc…

Le Saas : c’est le Gartner qui est à l’origine de cet acronyme. Le Saas a pour but de proposer une application

complète qui doit être plus ou moins personnalisée pour le client. L’application proposée dispose d’une

interface utilisateur, d’une interface pour le manager et les utilisateurs. Ces applications sont souvent

proposées selon des métriques business : nombre d’utilisateurs, nombre de transactions etc… Les offres

sont très nombreuses et dans tous les domaines mais principalement des domaines transverses pour le

moment. On peut citer SAP, Microsoft, Salesforce CRM, googleApps. Pour les offreurs Français Cegid

(offres métiers), Talentsoft (ressources Humaines) , Easyvista ( gestion de la DSI) etc…

Les 4 modèles de déploiement vus par le NIST (Cloud privé ; communautaire, Public et hybride) peuvent en

fait être étendus à 5 modèles de déploiement dues aux évolutions de la demande en y intégrant une

nouvelle catégorie le cloud privatif.

Le cloud Public : le fournisseur propose des solutions standard non personnalisables mais paramétrables. Il

n’y a aucun développement spécifique possible. Il y a des mécanismes qui permettent nativement d’isoler

les clients des uns des autres. Comme tous les couts sont mutualisés la solution a souvent un prix plus

abordable.

Le Cloud communautaire : il s’agit de partager des ressources ou des informations au sein d’organisations

partageant des intérêts communs. On trouve ce type de cloud beaucoup dans le secteur public, associatif,

centres de recherche, université où le travail en réseau est important et où la logique de l’Open Source10

est forte . On parle de forges logicielles. L’objectif est de partager des développements déjà réalisés.

Le cloud Privé : il s’agit d’un cloud hébergé par l’entreprise. C’est une évolution du datacenter. Le

datacenter est une structure visant à mutualiser au maximum les ressources (réseaux, serveurs, stockage,

bases de données, middleware, applicatifs). Un datacenter est souvent un centre de coûts dont les

dépenses sont réparties entre les centres de profits avec une clé de répartition propre à chaque entreprise.

10

L’Open Source défini en détail dans la partie 2.2 est un mode de distribution des logiciels qui permet de distribuer et modifier librement un logiciel. Une communauté de personnes se forme autour de ce logiciel de manière à l’améliorer.

13

Il devient un cloud privé si les services ont les 5 caractéristiques du cloud à savoir : au minimum une

mutualisation des ressources, un paiement à l’usage et une demande élastique. Les deux dernières

caractéristiques l’accessibilité par tous moyens et l’aspect « multi-tenant » des applications ne sont pas

forcément présentes. C’est l’absence de ces deux caractéristiques qui différenciera un cloud privé d’un

datacenter.

Le cloud Privatif11 : ce modèle n’est pas prévu par le NIST mais il émerge à l’heure actuelle. Il s’agit d’un

environnement dédié à une organisation mais hébergé par un opérateur externe à l’entreprise. Il a les 5

caractéristiques du cloud. Il se différencie du cloud privé en ce sens qu’il n’est pas hébergé par

l’organisation même. Il est chez l’opérateur et même s’il est dédié à l’organisation, il partage au minimum

les ressources réseaux, les aspects sécurité. Il peut avoir une sécurité renforcée en regard des autres

clients, les serveurs physiques sont souvent dédiés, les machines virtuelles et les applications sont

totalement dédiées. Il s’agit d’un cloud privé à la carte et externalisé. Les organisations ont recours à cette

offre soit parce qu’elles n’ont pas le savoir-faire ou les moyens financiers de le faire tout en ayant une

logique de sécurité forte.

Le Cloud Hybride : Il s’agit de composer des solutions cloud intégrant plusieurs clouds différents (public,

communautaire, privatif ou privé) . Dans la réalité, la plupart des entreprises sont dans ce cas de figure. Ce

cloud hybride constitue in fine une plateforme unique. Cela suppose donc qu’elle s’appuie sur des

technologies standards et interopérables. Il s’agit d’un enjeu important qui à ce jour est loin d’être clair car

la tentation est grande pour un offreur de cloud de vouloir verrouiller le client avec une technologie

propriétaire rendant le passage d’une offre cloud à une autre difficile.

Figure 2 : modèles de déploiements et de services du cloud

11

Cloud Privatif ou encore appelé Cloud Privé Virtuel (CPV)

14

Les économies de coûts que peut espérer réaliser une organisation sont croissantes du cloud privé, au

cloud public en passant par le cloud privatif, le cloud communautaire. Le recours à l’une ou l’autre de ces

solutions ou combinaisons de celles-ci est fonction :

des contraintes de sécurité : si la société à des données sensibles elle aura des contraintes fortes

des contraintes légales : par exemple dans le domaine de la santé, le dossier médical partagé. Les

données doivent être hébergées en France et avec un contrôle du législateur

de la perception de la plus-value que cela apporte à l’organisation par la direction générale ou la

DSI

de la maturité des organisations : mettre en place un cloud suppose une réflexion importante de la

part de l’organisation et de la DSI

du poids des directions métiers : les directions métiers peuvent avoir une frustration vis-à-vis de la

DSI. En effet un projet informatique peut prendre entre 3 mois et 2 ans entre sa conception et sa

mise en service. Les directions voient les solutions Saas comme une alternative permettant de

mettre en œuvre une application en peu de temps (moins de 3 mois) et avec un coût qui peut

s’avérer moindre que celui proposé par la DSI. Ce dernier aspect étant surtout valable pour de

petites applications.

15

La promesse du cloud computing : une informatique flexible, industrielle et agile

Figure 3 : les promesses du cloud pour les clients

Au vu de la définition du cloud computing celui-ci a comme principale proposition de valeur :

L’optimisation des investissements : le paiement se fait à l’usage avec un coût de mise en œuvre

initial restreint voire nul du fait d’un paramétrage de la solution mais sans développements

spécifiques coûteux. De ce fait, la solution nécessite de faibles coûts d’investissement initiaux. Cela

ne veut pas dire que le retour sur investissement à 3 ans et surtout à 5 ans soit moins cher.

Le paiement à l’usage : le fait de ne payer que ce qui est réellement consommé est un des

arguments majeurs des offres cloud. Par ailleurs les modes de facturations sont proches de

métriques compréhensibles par les métiers.

La rapidité de mise en œuvre : une solution cloud, à l’inverse d’une solution développée par la

DSI, peut être mise en œuvre en moins de 3 mois pour une solution applicative, quelques jours

pour une solution PaaS et quelques heures pour une solution IaaS selon l’ensemble des intervenants

interrogés. Cela séduit donc les organisations surtout quand la DSI demande de quelques jours

pour une solution IaaS à 6 mois, à 2 ans pour une solution applicative. Ces différences de délais

viennent pour les DSI de leur organisation où la priorisations des projets n’est pas forcément celle

des directions métiers et où par ailleurs les ressources sont en quantités limitées avec un planning

de charge défini ne laissant que peu de place aux demandes impromptues.

L’agilité et la flexibilité de solutions : comme les solutions peuvent monter en charge de façon

invisible par le client, cela autorise une grande flexibilité. Par ailleurs, toutes les innovations

fonctionnelles sont disponibles pour tous les clients dès qu’une nouvelle version est lancée par

l’offreur. Le client en bénéficie immédiatement libre à lui de le mettre en œuvre ou pas. Comme les

offreurs ont un rythme de sortie des fonctionnalités bi-annuel c’est bien plus que ce qu’une

direction métier peut intégrer comme nouveautés. Le défi pour la direction métier est davantage

de se demander quoi mettre en œuvre parmi ce qui est disponible plutôt que de demander de

nouvelles fonctionnalités à mettre en œuvre à l’offreur.

16

Le possible affranchissement des directions métiers de la DSI : les directions métiers

trouvent via le cloud une façon de challenger leur DSI s’ils la jugent pas assez réactive ou trop

onéreuse. Dans un cas extrême, les directions métiers, qui ont de plus en souvent les budgets,

peuvent se passer de la DSI. En effet, les solutions cloud (applicatives) ne nécessitent aucune

compétence informatique pour les directions métiers, seulement des compétences métiers s’il n’y a

pas d’intégration au système d’information de l’entreprise.

L’étude Markess « Externalisation des infrastructures IT avec le cloud computing Approches, ROI &

tendances 2015 » d’octobre 2013 qui concerne uniquement le IaaS corrobore ces gains via des interviews

menées auprès de 81 décideurs

Figure 4: les apports du cloud aux clients finaux

On le voit bien, la promesse du cloud computing, dans le cadre du double mouvement de réduction des

couts à l’œuvre depuis les années 80 et le mouvement d’accélération de l’innovation à l’œuvre depuis les

années 2000, répond aux besoins d’une informatique plus réactive, plus flexible, qui privilégie des coûts

récurrents aux couts d’investissements initiaux, au vu de la volonté des actionnaires d’améliorer le retour

sur le capital en réduisant au maximum les investissements. Le cloud computing accompagne aussi le

mouvement d’industrialisation de l’informatique en mutualisant au maximum les ressources avec pour

finalité de faire baisser les coûts en regard d’une solution internalisée non mutualisée.

17

1.1.2 Une révolution pour les DSI et les métiers des clients

On peut dès lors s’interroger sur l’impact pour les DSI de l’arrivée du cloud computing. L’apparition du

cloud est une importante évolution pour la DSI et ce à deux niveaux :

Elle n’est plus la seule à proposer à l’organisation des solutions clés en main de bout en

bout. Avant le cloud, la DSI était le seul fournisseur d’applications aux différentes directions

métiers. Aucun prestataire, éditeur ou sociétés de services d’ingénierie en informatiques (SSII)

proposant des solutions à façon (développements spécifiques), ne pouvait facilement proposer

aussi d’assurer la production. En tout cas, pas sans que la DSI ne soit impliquée. La DSI est donc

mise en concurrence avec l’extérieur et pour chaque application si l’interfaçage au système

d’information de l’entreprise est nul ou faible.

Elle doit adapter son mode de facturation. Elle passe d’un mode de facturation au projet à un

mode de facturation à l’usage, ce qui suppose de calculer des retours sur investissement réalistes

au risque sinon de perdre beaucoup d’argent. Cela nécessite donc de mettre en place les outils

pour pouvoir facturer à l’usage.

Le rôle de la DSI sans disparaitre donc va se modifier. Elle va être amenée à assurer les rôles suivants :

Un rôle d’architecte du système d’information : comme dans le passé, la DSI va avoir un rôle

visant à faire fonctionner harmonieusement les différentes couches du système d’information. Le

cloud computing impose de faire coopérer l’informatique opérée en propre et les services opérés

à l’extérieur. La DSI se doit donc de réfléchir pour déterminer quelles briques il serait plus

pertinent d’opérer en propre et lesquelles il serait plus avantageux à la fois pour la société et la DSI

de faire opérer à l’extérieur. Au-delà de ces considérations stratégiques, d’un point de vue

technique, la DSI va devoir réfléchir à une informatique la plus interopérable possible. Cela signifie

que les briques internes et externes à la DSI devront coopérer le plus facilement possible tout en

18

restant performantes. Ces changements exigent l’acquisition de nouvelles compétences pour la DSI

autour des technologies du cloud computing.

Assurer la continuité de service quels que soient les environnements : dans un environnement

ouvert, la DSI devra assurer la continuité de service. Ce qui signifie dans un premier temps, fixer

quelle niveau de disponibilité on attend des différentes applications ou infrastructures. On peut

partir de 95% pour aller au classique 99% voire atteindre les 99,999%. Ce qui en clair signifie un

temps d’indisponibilité annuel de 18,25 jours à 5,26 minutes en passant par 3,65 jours12. En général

les applications cloud oscillent entre 99% et 99,99% soit entre 3,65 jours et 52 minutes par an.

Cela signifie donc que la DSI, au-delà du plan de reprise d’activité qu’elle a mise en œuvre dans les

années 2000, va devoir prendre en compte et suivre les temps d’indisponibilité des applications ou

infrastructures hébergées à l’extérieur pour assurer un niveau de service global.

La gestion de la sécurité. L’entreprise a été conçue au départ comme une forteresse en terme de

sécurité. Avec l’apparition des PC portables et autres smartphones, la sécurité a évolué vers une

sécurité où l’accès à l’entreprise devait être sécurisé tant à l’extérieur qu’à l’intérieur de celle-ci. Le

cloud computing apporte une complexité supplémentaire importante. En effet, les applications ou

les infrastructures étant externalisées, il faut s’assurer que celles-ci soient sécurisées non seulement

en terme d’accès à l’entreprise mais aussi en terme de sécurité vis-à-vis des autres clients. Par

sécurité on entend que les données soient au minimum dans une session virtuelle indépendante

pour chaque client, l’accès aux applications se faisant via une liaison sécurisée (Virtual Private

Network), les infrastructures de l’opérateur doivent être sécurisées physiquement (politique

d’accès aux locaux où sont les données) et logiquement (politique de sécurité mise en place et

auditée régulièrement). A un niveau plus élevé de sécurité on demandera à l’opérateur de

proposer une sécurité au niveau des serveurs, c'est-à-dire qu’il doit s’assurer que les serveurs

physiques soient indépendants pour chaque client, que l’hyperviseur13 soit aussi sécurisé. Au-delà

de la sécurité physique ou logique se pose aussi la question de la territorialité des données. En effet

d’un côté, nous avons le client qui souhaite s’assurer que ses données soient bien hébergées en

France (pour les données relevant de la souveraineté nationale ou certaines données relevant de la

personne) ou en Europe (pour certaines données relevant de la personne). De l’autre côté, nous

avons le Patriot Act14 aux Etats Unis mais aussi d’autres législations15 nationales, qui imposent aux

fournisseurs originaires de ces différents pays de donner accès aux données hébergées, ce quelle

que soit la localisation géographique du site d’hébergement. On comprend donc que la mise en

place du cloud computing entraine pour le client le renforcement de ses compétences pour évaluer

sa sécurité en interne mais aussi celle de ses opérateurs externes. La sécurité doit être pensée au

niveau global en intégrant les interactions entre les infrastructures et les applications internes et

externes.

12

Pour le détail des temps d’indisponibilités : http://fr.wikipedia.org/wiki/Haute_disponibilit%C3%A9 13

Hyperviseur : c’est une plate-forme de virtualisation qui permet de superviser des sessions virtuelles qui exécutent des applications sur un ou des serveurs physiques. 14

Patriot act :uniting and strengthening America by providing appropriate tools required to intercept and obstruct terrorism act 2001 15

Pour avoir un panorama des législations internationales sur la confidentialité des données : http://www.informationshield.com/intprivacylaws.html

19

Développer avec la direction achats une expertise juridique notamment sur les contrats liés au

cloud computing. Le développement des offres cloud va entrainer un renforcement de l’expertise

de la DSI et de la direction des achats pour évaluer la pertinence des services proposés mais aussi

le développement de capacités à évaluer les contrats qui ne fonctionnent pas comme les contrats

de développements spécifiques ou les contrats d’infogérance que les entreprises connaissant. Ainsi

dans ces contrats les points clés sont :

o La mise en œuvre initiale du projet,

o Le niveau de services proposés et les pénalités associées,

o Les conditions de réversibilité : comment ré-internaliser ou transférer le service vers un

autre opérateur,

o La pérennité des fournisseurs.

La DSI va devenir un centre de services qui devra au moins être aussi compétitif que les offreurs

de services extérieurs vis-à-vis des directions métiers. La DSI va devoir proposer des applications

ou des infrastructures qui seront tarifées à l’usage réel et non plus au forfait à l’année selon une clé

de répartition définie en début d’année pour les dépenses de fonctionnement et avec des coûts

forfaitaires pour chaque nouvelle application . Cela suppose que la DSI s’organise comme un centre

de services capable de facturer les différentes directions métiers à l’usage tant pour les

infrastructures que les applications. Pour les nouvelles applications, les DSI seront mises en

concurrence avec des offreurs externes en mode cloud ce qui permet aux directions métiers de

comparer.

Comme l’écrit dans «Cloud Computing» R. Hennion et al page 28, le directeur des systèmes d’informations

(Chief Information Officer en anglais ) va devenir un Chief Innovation Officer. Son rôle en tant que membre

de la direction générale va être de penser l’informatique comme un outil générant un avantage

concurrentiel pour l’entreprise. Il va permettre de développer des applications ou des usages qui créeront

un avantage concurrentiel. Par exemple, dans un secteur comme le ramassage des ordures, lorsque la DSI

de Plastic Omnium développe un système grâce à des puces RFID16 permettant de savoir si les poubelles

ramassées sont pleines ou pas et ce fonction du type de poubelles. Cette solution permet à l’opérateur de

services d’optimiser ses tournées et donc la quantité de véhicules et de personnels qu’il doit mettre sur le

terrain. Cela permet à plastic Omnium de vendre non plus des poubelles mais un système de gestion des

ordures qui optimise les coûts de l’opérateur qui assure ce service. Pour ce type d’application cœur de

métier, aucun offreur cloud ne pourra être compétitif car l’effet mutualisation ne joue pas.

16

RFID : méthode pour récupérer des informations à distance dans le système d’information via des radio-étiquettes.

20

1.1.3 Des freins encore présents à l’adoption du cloud computing par les entreprises

Si le cloud computing entraine une révolution dans les DSI, il subsiste des freins qui limitent le

développement de son usage. Ainsi les principaux comme le rappelle l’AFDEL ou R. Hennion sont les

suivants :

Les résistances au sein des DSI : Les DSI ont des structures en terme de personnels, de

patrimoine informatique. Elles voient donc l’arrivée de ces offres cloud comme une remise en cause

de leur rôle, de leurs compétences mais aussi de leurs effectifs. Par ailleurs, comme les fournisseurs

s’adressent directement aux directions métiers, ce sentiment d’être en danger s’accroit. Il y a donc

une résistance des DSI à l’adoption de ces offres tant qu’elles ne sont pas maitrisées et que les

rôles respectifs entre l’offreur cloud et la DSI ne sont pas définis notamment par la direction

générale.

Les coûts de la solution sur le long terme : le coût à l’usage est sans conteste intéressant pour de

petites structures avec peu de personnes et en phase de montée en charge. Dans le cas

d’applications avec beaucoup d’utilisateurs, les coûts fixes de mise en œuvre et les couts

d’interfaçage avec le système d’information sont ramenés à un coût par utilisateur relativement

faible. Dans ce cas, il n’est pas sur si l’application est amenée à être utilisée plus de 3 ans que celle

en mode Cloud soit in fine moins chère qu’une solution développée en interne. En effet, les études

faites par les différents éditeurs consultés montrent une économie à 3 ans des solutions cloud par

rapport à une solution interne de 25% à 30%, hors coût de migration. Si on prend en compte les

coûts de migration de l’application existante ou les coûts de migration à l’issue des 3 ans, on tombe

alors à 10 à 15% d’économie. Aucun calcul au-delà de 3 ans n’est fait par les éditeurs. La question

de la comparaison du coût entre une application interne et une en mode cloud doit donc être

étudiée par la DSI si l’application est amenée à être utilisée sur une durée supérieure à 3 ans.

Les contraintes sur la localisation des données : dans le cadre des services opérés, les données

sont hébergées à l’extérieur de l’organisation. Celle-ci ne peut donc pas garantir leur lieu

d’hébergement puisque les données sont pour des raisons de sécurité des données répliquées au

minimum à deux endroits physiquement distincts. Les contraintes réglementaires qui peuvent

exister sont par ordre croissant d’importance de 4 types :

o La législation française impose que les données relatives à un client soient stockées sur le

territoire national,

o Les données qui sont le cœur de l’avantage concurrentiel de l’organisation, outre le simple

fait de devoir être stockées sur le sol français, doivent être protégées,

o Pour les données relatives aux personnes en particulier dans le secteur de la santé, on doit

pouvoir garantir que ces données ne seront pas divulguées à des personnes non autorisées.

o Le cas de données relevant de la souveraineté nationale. On parle là des domaines

« confidentiel défense », « secret défense « mais aussi des données qui touchent aux

organismes définis par l’ANSSI17 comme des opérateurs d’importance vitales (OIV) 18

17

ANSSI : 'Agence Nationale de la Sécurité des Systèmes d'Information 18

Un secteur d'activité d'importance vitale, tel que défini par l'article R1332-2 du Code de la défense français, est constitué d'activités concourant à un même objectif, qui : « Ont trait à la production et la distribution de biens ou de services indispensables (dès lors que ces activités sont difficilement substituables ou remplaçables): satisfaction des besoins essentiels pour la vie des populations ; exercice de l'autorité de l'État ; fonctionnement de l'économie ;

21

Dans ces cas et en fonction du niveau de sécurité, l’organisation peut être amenée soit à préférer un

cloud privé, soit à rechercher un opérateur de nationalité Française pour lui garantir que ses données

soient effectivement hébergées en France et pour se prémunir du risque de voir le fournisseur se

trouver dans l’obligation de donner accès à ces informations à son gouvernement (exemple : au titre du

Patriot Act des Etats Unis).

A ce titre, les éditeurs français sont en train de développer une certification dite « Cloud confiance »

afin d’assurer que les éditeurs respectant ces règles soient labélisés afin de s’en servir comme un

avantage concurrentiel.

Les contraintes sur la sécurité : comme définit plus haut dans les défis de la DSI, un de ses rôles

consiste à assurer la sécurité de données. Accéder à des données à l’extérieur de l’entreprise

représente un risque. Dans ce domaine, il y a donc un frein à l’adoption du cloud puisque dans son

étude de 2009, Mc Kinsey19 indique que la première préoccupation en matière d’adoption du cloud

est la gestion des risques. Cependant, les clients ne demandent que peu de détails sur ces aspects.

Les fournisseurs, pour qui la mise sur le marché la plus rapide des offres est primordiale et le fait

de proposer des offres attractives en terme de prix, investissent le minimum sur le sujet. Mais ce

point évolue au fur et mesure du développement des offres cloud, notamment lorsque les clients

demandent à leurs fournisseurs d’être certifiés ISO 2700020. Mais une norme ISO spécifique est en

cours d’élaboration pour le cloud par l’ISO qui devrait voir le jour entre 2014 et 2016.21

La réversibilité très relative des solutions et une interopérabilité relative : il n’y a pas de

standards sur les solutions cloud. Elles s’appuient beaucoup sur de l’open source, plutôt orienté sur

des technologies java mais il existe aussi beaucoup de solutions sous .Net (la technologie de

Microsoft) ou PHP. En particulier il n’y a pas de standard sur la portabilité des données. Il n’est en

effet pas toujours possible d’accéder aux données en format propriétaire s’il n’y a pas d’API 22

disponible. Par ailleurs cela introduit des ralentissements dans le système d’information. De plus, si

on peut récupérer les données qu’en est-il des processus développés ou paramétrés ? Ils ne sont

pratiquement jamais récupérables. Ce qui est finalement le frein le plus important à l’adoption du

cloud.

La pérennité des différents acteurs : Les offreurs cloud au niveau de l’infrastructure sont des

sociétés avec une assise financière importante. On peut citer pour les sociétés américaines

Amazon, Rackspace, pour les opérateurs télécom, en France Numergy, Cloudwatt, Orange, SFR,

au niveau des applications Salesforce, Google, Microsoft, Oracle, SAP, et en France Cegid. A côté

maintien du potentiel de défense ; ou sécurité de la Nation »; « Ou peuvent présenter un danger grave pour la population » 19

McKinsey quarterly « how IT is managing new demands : McKinsey Global survey results » 20

Iso27000 : est une norme de sécurité de l'information publiée conjointement en mai 2009 et révisée en 2012 par l'Organisation internationale de normalisation (ISO) et la Commission électrotechnique internationale (CEI, ou IEC en anglais), 21

Cf article usine nouvelle 2012/03/29 « cloud computing une norme ISO en préparation » http://www.usinenouvelle.com/article/cloud-computing-une-norme-iso-en-preparation.N171754 22

API : application programming interface est une façon pour un logiciel de mettre à disposition les fonctions de ce logiciel à d’autres logiciels.

22

de ces offreurs existe une pléthore d’offres tant au niveau de l’infrastructure que des applications

qui apporte une plus grande flexibilité ou une offre spécifique en regard des offres standards. Il faut

donc pour le client se poser la question de la pérennité de ces sociétés à 5 ans au moins. En effet

au vu de la réversibilité relative des solutions et aussi du fait que les clients ne vont pas changer

d’offreur tous les ans, le partenariat client/opérateur de services est amené à durer plutôt 3 ans

voir 5 ans ou plus.

Un mode locatif non adapté aux marchés public : en effet le code des marchés public distingue

bien les dépenses d’investissements et les dépenses de fonctionnement. Or les solutions en mode

opérés sont des coûts de fonctionnement et ce sont les budgets les plus restreints par l’actuel

effort de réduction des dépenses de l’Etat. Par ailleurs, pour les collectivités locales les dispositions

du fonds de compensation de la TVA ( FCTVA) 23 qui contribue aux dépenses d’investissement des

collectivités ne s’applique qu’aux budgets d’investissement et pour un bien destiné à être

durablement intégré dans le patrimoine de la collectivité, ce à quoi une offre opérée ne répond pas.

On voit donc qu’il y a un certain nombre de freins à l’adoption du cloud. Toutefois devant le

développement des usages du cloud, celui-ci se développe fortement.

23

Article L 1615-1 à -13 et R 1615-1 à D 1615-7 du CGCT précisent que 7 conditions sont nécessaires pour être éligible à la FCTVA dont : le bien doit être une dépense réelle d’investissement, concerner un bien intégré de manière durable au patrimoine de la collectivité et pour son usage propre

23

1.1.4 Mais une révolution en phase d’adoption du fait de nouveaux usages

La croissance en 2013 du marché des services opérés est de 38%24 en regard d’une croissance du marché

des logiciels de 4%. Cette croissance est soutenue par le développement de nouvelles offres et ce dans

tous les domaines de l’informatique. Même si l’offre ne crée pas la demande comme dans les années 50,

elle contribue au développement de celle-ci.

On peut analyser ce mouvement sous 3 axes :

Le développement d’offres transverses

Le développement des offres fonction de la typologie des organisations

Le développement des offres par secteur d’activité

Le développement des offres transverses le premier créneau de développement des offres cloud.

De par les caractéristiques des offres cloud qui se fondent sur la massification et la standardisation pour un

meilleur coût, les offres transverses sont le premier champ de développement des offres.

On a ci-dessous un panorama des solutions qui peuvent être proposées dans le cloud computing :

24

Sources Etude Xerfi 2013/07 éditeurs logiciels et Etude AFDEL 2013/04 P35

24

Figure 5: Panorama des offres cloud par famille

Les différentes couleurs au niveau des familles d’applications permet de séparer en grands blocs

fonctionnels les applications. Par exemple pour le SaaS, les solutions métiers, les applications transverses et

les applications liées à la productivité.

25

A ces offres transverses se développent des offres métiers dans tous les secteurs.

Il n’est pas possible d’être exhaustif sur le sujet, on se contentera de donner quelques éclairages pour

quelques secteurs d’activité :

Grande distribution : R. Hennion affirme ainsi en aout 2012 25 que l’on peut trouver près de 95% des

besoins de l’informatique de la grande distribution sous forme de services opérés

Secteur de la santé : la mise en œuvre du Dossier Médical Personnalisé va nécessiter la mise en place d’un

hébergeur tiers de confiance. L’idée est que le dossier médical d’un patient puisse être consultable par tous

les médecins traitant un patient. Cela suppose donc que le médecin de ville, celui de l’hôpital ou de la

clinique ou les personnels de santé des laboratoires d’analyses puissent y avoir accès. Le tiers de confiance

suppose donc une offre en mode cloud.

Secteur public : dans son livre «Economie du logiciel libre» François Elie appelle au développement de

«forges de développement». Concrètement, il s’agit de mettre en place des socles applicatifs utilisables par

plusieurs collectivités ou organismes publiques. La création de la DISIC26 a aussi pour objectif de mutualiser

les ressources pour faire des économies et le cloud est un des moyens d’y parvenir. Par ailleurs la mise en

place de l’Open Data de l’Etat Français qui consiste à mettre à disposition les données concernant les

activités de l’ETAT va nécessiter de mettre en place une structure de partage de cette information.

Pour l’enseignement : le cloud est totalement en phase avec l’esprit de celui-ci, caractérisé par un niveau

de partage de l’information qui est important. Le cloud sera utile sur deux plans :

Le partage de la puissance de calcul entre autre dans le domaine scientifique. Cet usage qui est déjà

développé au travers du concept du grid computing, va connaitre un essor encore plus grand grâce

aux technologies. Ainsi l’initiative UnivCloud27 qui regroupe 37 établissements d’enseignement

supérieur et de recherche en Ile de France, vise à proposer une offre à la demande et facturée

comme telle entre ces établissements.

La mise en place de cours en ligne va permettre un parcours d’apprentissage personnalisé et une

évaluation individuelle précise. Ainsi se développent les plate-formes telle Coursera ,

crossknowledge ou même tout simplement Apple ibooks qui sont des plate-formes virtuelles de

cours en ligne.

Parmi les autres usages que cite le livre blanc d’IBM 28 sur ce sujet il y a la possibilité de renforcer le travail

collaboratif, avoir un environnement numérique partagé entre plusieurs établissements tel celui mis en

place par l’Académie de Nantes et 5 conseils généraux pour les lycées et collèges.

25

« Cloud computing », R Hennion et al P31 26

DISIC : DSI transverse aux ministères de l’Etat Français 27

Site de Univ cloud : http://univcloud.fr/ 28

28

Livre blanc d’IBM sur le Cloud et l’éducation : http://www-935.ibm.com/services/be/en/cloud-computing/cloud_edu_fr.pdf

26

Pour le secteur de la vidéo numérique 29: Comcast est un opérateur télécom qui fournit des vidéos.

Comcast a mis en place une infrastructure cloud (Xcalibur) permettant de fournir des services de vidéo à

la demande sur tous les médias possibles (télévision, tablette, smartphones).

Si l’on prend les offres sous l’axe des typologies d’organisations, chacune à des réponses à ses

besoins.

Grands comptes :

Elles prennent en mode services opérées tout ce qui n’est pas cœur de métier et où l’effet volume/coûts

est le plus favorable aux offreurs. Concrètement les aspects réseaux, stockage et les applications

transverses génériques : type notes de frais, gestion des ressources humaines etc…

PME (Petites et Moyennes Entreprises) :

Les offres cloud leur permettent d’avoir une informatique de la qualité comparable à celle de grandes

entreprises. Les coûts sont proportionnels à l’usage et nécessitent peu d’investissements initiaux, ce qui

pour des sociétés en forte croissance sont deux avantages importants. Cette construction du système

d’information se fait certainement au détriment de sa cohérence mais ce n’est pas le problème de ces

sociétés, sauf à être liées par des contraintes réglementaires fortes.

TPE (Très Petites Entreprises) :

Pour celles-ci l’avantage est encore plus flagrant au vu de leurs très faibles moyens en matière

informatiques. Elles vont rechercher un offreur proche d’eux et pouvant couvrir le plus large spectre

d’applications possibles. Cela leur permet de se concentrer sur ce qui est vital pour elles : le

développement de leur chiffre d’affaires, la satisfaction de leur client tout en offrant des moyens

d’interactions avec les clients propres à des entreprises beaucoup plus grandes.

En conclusion, on a vu que le cloud computing était la matérialisation de la quatrième évolution de

l’informatique qui permettait aux organisations de concilier la double contrainte de la maitrise des coûts et

de l’agilité vis-à-vis de métiers en constante évolution afin de préserver des avantages concurrentiels

devenus périssables dans le temps. Le cloud computing renforce l’industrialisation des DSI en les poussant à

passer à une logique de services avec un paiement à l’usage ce qui suppose d’être capable de le faire et de

prédire ses coûts dans le temps. De par le fonctionnement à l’usage, l’informatique devient plus flexible

qu’auparavant. En somme le mouvement vers l’informatique dans les nuages permet aux DSI de devenir

non pas seulement un centre de coûts mais un levier permettant aux métiers de développer les avantages

concurrentiels de l’organisation en se concentrant sur ce qui fait la valeur ajoutée de l’organisation et en

mettant à l’extérieur les infrastructures ou les applications qui ne sont pas cœur de métier.

Regardons maintenant comment le cloud computing est une évolution pour les éditeurs et comment cela

les affecte.

29

IBM Global Services « La puissance du Cloud Réinventer vos activités métier » 2012 P 11 ftp://public.dhe.ibm.com/software/fr/businessconnect2014/GBE03470-FRFR-01_HR_BD.pdf

27

1.2 Le cloud computing une évolution majeure pour les éditeurs de logiciels en

France

1.2.1 Une nouvelle proposition de valeur basée sur la flexibilité et le coût à l’usage

Dans un modèle classique, l’éditeur propose une solution avec des fonctionnalités et des avantages sous

forme de licences perpétuelles30 avec un coût de maintenance additionnel par an ou un mode de

souscription incluant l’usage du produit et son support pour une durée donnée.

Cette solution doit être paramétrée soit par la DSI soit par un intégrateur, puis mise en oeuvre en

production soit par la DSI soit par un infogéreur. Le coût du logiciel est donc une part du coût total.

Il est difficile pour une direction métier de se faire une idée du coût global de la solution.

Maintenant, si l’on reprend les 5 caractéristiques du cloud :

Le mode de paiement à la consommation

L’élasticité de la demande où on alloue les ressources fonction des besoins uniquement

L’accès au service par tous moyens : PC, tablettes, smartphones grâce à internet

Les ressources mutualisées et virtualisées

L’architecture la plupart du temps « multi-tenant » : on entend par là le fait que la solution utilisée

est partagée par plusieurs entreprises ou organisations mais les environnements de chaque client

sont séparés des autres clients.

De ces caractéristiques découle une modification de la proposition de valeur de l’éditeur logiciel vis-à-vis de

ses clients :

Il leur assure un paiement à l’usage. Les coûts sont donc proportionnels à l’usage. Les

investissements initiaux sont plus faibles qu’une solution classique.

Il donne une visibilité sur les coûts globaux de la solution puisque la solution est entièrement gérée

par l’éditeur en production. Les coûts additionnels sont la mise en œuvre initiale et les coûts

d’administration fonctionnels de la solution côté client. Ces deux derniers coûts sont aisément

prévisibles. En effet la mise en œuvre initiale avec l’interconnexion au système d’information est

souvent déléguée à un intégrateur ou à un éditeur et les coûts d’administration humains sont

estimables par la DSI avec l’aide de l’éditeur ou de l’intégrateur.

Les coûts pour le client sont moindres en regard d’une solution classique. Ainsi en regard d’une

solution classique, le retour sur investissement (ROI) 31 à 3 ans est de 10 et 30% moins cher.

Cette estimation vient des différents éditeurs interviewés. On est à 30% s’il n’y a pas de coûts de

migration des données d’une application antérieure mais l’économie est à 10% s’il faut tenir compte

d’une migration. Cette estimation est une estimation moyenne. Aucun ROI n’a été fait par les

éditeurs sur un horizon à 5 ans. Les solutions informatiques étant amorties sur 3 ans cela explique

aussi pourquoi le besoin ne s’est pas fait sentir du côté des clients.

L’agilité : le temps de mise en œuvre de la solution par rapport à un projet classique d’intégration

est bien moindre. En moyenne un projet informatique met de 3 à 24 mois à être opérationnel et

30

Une licence perpétuelle : est un droit d’usage de la solution accordé par l’éditeur sans limitation de durée. Cependant, si le client ne prend pas de maintenance il n’a pas accès aux nouvelles versions du logiciel. 31

Retour sur investissement ou Return on Investment en anglais (ROI) qui sera le terme utilisé par la suite.

28

seul un 1/3 des projets sont un succès32. Aujourd’hui même s’il n’y a pas de statistiques fiables, les

éditeurs interviewés avancent un temps de mise en oeuvre pour une solution logicielle de 3 à 6

mois avec un taux de succès à 2/3. Or plus le temps de mise en œuvre sur le marché (time to

market) d’une innovation est rapide plus l’avantage concurrentiel est important.

Les directions métiers peuvent au choix s’abstraire de leur DSI si celle-ci ne peut répondre à leurs

besoins ou au minimum challenger celle-ci sur les solutions proposées en terme fonctionnel, prix et

délais.

L’application est accessible via tout type de médias : PC, smartphones, tablettes. Ce qui étend les

usages possibles notamment à des flottes nomades de commerciaux et de techniciens.

Le cloud computing est plus respectueux de l’environnement. En effet en mutualisant les

ressources, on consomme moins d’énergie, d’eau pour refroidir les machines, moins de recyclage

de machines. Mais il n’existe rien de fiable comme étude sur le sujet.

L’étude du gartner «Economic of the cloud business value assesments» 33reprend pour partie cette nouvelle

proposition de valeur en la quantifiant en terme de pourcentage dans la prise de décision de la manière

suivante :

Aspect économique : 25%

Agilité : 25%

Créativité et innovation 15%

Simplicité 10%

Confiance et prise de risque 20%

Impact social 5%

1.2.2 Un avantage concurrentiel

En quoi cette nouvelle proposition de valeur apporte-t-elle un avantage concurrentiel aux éditeurs.

On peut analyser sous 3 angles :

L’éditeur propose une solution que ces concurrents ne proposent pas et qui correspond à

une attente de marché. Il y a donc création d’un avantage concurrentiel transitoire jusqu’à ce que

les concurrents comblent le retard.

Dans le domaine informatique, le premier entrant sur un marché va prendre des parts de marché

et devient donc la référence. Si en terme d’exécution, l’offre peut être portée sur l’ensemble des

marchés au niveau mondial alors l’éditeur acquiert un avantage. En effet, si un logiciel a une base

installée importante, il sera en mesure de renforcer sa position en bénéficiant d’une communauté

de développeurs et d’utilisateurs importante et devient de facto un standard in fine. Le modèle de

l’Open source est le modèle de dissémination logiciel qui applique ce principe le plus. En mettant à

disposition une version logicielle gratuite et souvent une payante avec des fonctions avancées, le but

32

Cf étude « Chaos report de 2004 » du standish group : 55% des projets d’intégration de moins de 750 000$ sont un succès, 8% des projets au-dessus de 8 millions de $ sont un succès. En moyenne 33% des projets sont considérés comme un succès. On considère un projet comme un succès si les utilisateurs acceptent l’application et l’utilisent. 33

Gartner « Economic of the cloud business value assessments » 2009 /09

29

évident est de développer une base d’utilisateurs et de développeurs la plus large possible et ce le

plus vite possible34. En ce domaine une société comme Red Hat en est un bon exemple. La société

réalise 1,3 milliard de $ de CA après 18 ans d‘existence.

Une nouvelle barrière à l’entrée se crée. Traditionnellement sur le secteur informatique, les

barrières à l’entrée sont doubles : la barrière technologique (à travers le patrimoine logiciel crée

par la R&D qui est protégé par les brevets) et la capacité à distribuer la solution au niveau mondial

afin de bénéficier de l’effet « base installée ». Cette dernière barrière est très importante mais son

frein est fortement diminué par le fait que la solution en mode cloud est disponible partout sans

contrainte géographique. Cependant, cette barrière qui disparait est remplacée par la maitrise et le

verrouillage de la relation client. La vente initiale peut être réalisée par un réseau partenaire ou par

la force commerciale directe. Cependant, comme la société exploite la solution au quotidien, le lien

avec le client est forcément intime. L’éditeur connait l’usage de la solution de façon précise. Il

maîtrise donc le client.

L’éditeur devient plus agile. Comme la solution est hébergée et opérée par l’éditeur, celui-ci a

accès aux usages précis (uses cases) des clients et à la façon dont la solution est utilisée. Il devient

donc plus facile pour les chefs de produits d’avoir une vision argumentée de l’expérience client et

donc de la façon de la faire évoluer.

1.2.3 Un levier de croissance

On peut en préambule, se poser la question de la cannibalisation des offres traditionnelles de l’éditeur par

celle du cloud.

L’éditeur qui fait évoluer son offre vers une offre cloud peut choisir deux approches :

Etendre son offre vers de nouveaux segments de marché qu’il n’est pas possible de traiter avec

l’offre traditionnelle. C’est dans ce cas soit une nouvelle offre spécialisée sur un métier soit en

adressant une cible de marché nouvelle (petite PME ou TPE). Dans ce cas il n’y a aucune

cannibalisation

Transformer son business actuel à base de licences vers un business le plus possible tourné vers le

mode cloud. Dans ce cas de figure ce n’est pas une problématique de cannibalisation mais une

problématique de passage d’un modèle à l’autre.

Il faut envisager la discussion sous deux aspects principaux :

La politique de prix faite entre le business model traditionnel à base de licences et maintenance est-

il compatible avec le modèle de prix mis en place pour les solutions cloud ? Ce point étant

largement abordé dans la partie 3.2.1.2 on ne rentrera pas pour l’instant dans une explication

détaillée.

La problématique est une question de modèle de revenus. La société, en passant d’un modèle de

prix de licences ou souscription à un modèle de prix à l’usage, subit un fort décalage de ses

34

Pour plus de détails lire « impacts des logiciels libres sur l’industrie du logiciel : vers un nouveau modèle productif « Marie Coris Université de Bordeaux 2001 : http://2001.jres.org/actes/impactloglibres.pdf

30

revenus et elle augmente fortement son besoin en fonds de roulement. La question est donc de

savoir si la société a les moyens en matière de trésorerie de faire ce mouvement. Ce point sera

détaillé dans la partie 3.

Finalement, le fait que les offres cloud remplacent les offres traditionnelles à base de licences ou

souscription, n’est pas une vraie cannibalisation. C’est juste un changement de flux de revenus et de

politique de prix.

Qu’en est-il des solutions cloud en terme de levier de croissance ?

Les solutions cloud permettent de cibler une nouvelle cible de clientèle :

Au sein des entreprises traditionnellement ciblées par l’entreprise, l’éditeur va cibler les directions métiers

et les directions générales. La solution pouvant être présentée facilement et sous forme de ROI et en coût

total (licences, intégration, coûts de production), elle devient compréhensible pour ce nouveau public.

Cette approche ouvre le champ des ventes au-delà des discussions exclusivement avec le DSI.

La typologie des entreprises ciblées s’élargit. En effet, la solution cloud, qui propose une approche globale

associant un coût proportionnel à l’usage avec un cout d’investissement initial de mise en oeuvre beaucoup

plus faible qu’une solution traditionnelle, permet de cibler le bas de la pyramide dans la cible Business to

Business à savoir les PME et le TPE.

La dépense informatique représente au global 3,44%35 du Produit intérieur brut en 2012.

La répartition en France selon l’INSEE des sociétés est la suivante :

Type d’entreprise : Nombre de salariés : Chiffres d’Affaires (CA) - Euros :

Micro-entreprise < 10 salariés < 2 Millions

Petites et Moyennes

Entreprises (PME)

10 < x < 250 salariés 2 < CA < 50 Millions

Entreprise de Taille

Intermédiaire (ETI)

250 < x < 5 000 salariés 50 < CA < 1 500 Millions ou un

bilan < 2 Milliards d’euros

Grandes entreprises > 5 000 salariés CA > 1 500 Millions ou un bilan >

2 Milliards d’euros

Dans chacune de ces catégories le nombre d’entreprises est pour l’année 201236:

Type d’entreprise : Nombre : % du CA global des sociétés :

Micro-entreprises 3 398 000 16%

PME 198 000 22%

ETI 6 369 28%

Grandes entreprises 510 33%

35

Le PIB de la France est de 2032 milliard d’euros en 2012 (source) la dépense informatique représente 70 milliards d’euros ( source Xerfi) 36

Source et champ : France activités marchandes hors agriculture. Insee, REE (Répertoire des Entreprises et des Établissements - Sirene). Et http://bts-banque.nursit.com/La-diversite-des-entreprises-3 données de 2012

31

Traditionnellement les éditeurs ciblent les Grandes entreprises les ETI et une part des PME (les plus

importantes). Elles ont une grande tendance à laisser de côté le reste. On parle in fine d’une cible de

sociétés ou organismes de plus de 200 salariés, soit 7 700 sociétés et 61 % du marché en valeur.

Dans ces conditions, élargir la cible de clients potentiels suppose aussi que les coûts commerciaux

d’approche des clients ou d’animation d’un réseau partenaires adressant ces nouveaux clients soient

acceptables par l’éditeur. Ce niveau acceptable va dépendre du spectre fonctionnel de la solution et de son

coût unitaire.

Dans l’hypothèse où un éditeur souhaite et peut élargir son champ d’action aux PME :

Entre 50 et 200 salariés, on élargit le nombre de cibles de 26 935 sociétés

Ente 10 et 49 salariés, on élargit le nombre de cible de 170 000 sociétés

Soit au global un élargissement de la cible de clientèle à 22% additionnels du CA global des sociétés,

représentant 197 00 sociétés.

Comme l’écrit Osterwalder dans « business model Génération »37 on entre dans un business model dit de

la longue traine. Ce business model est un modèle dans lequel « on offre un grand nombre de produits de

niche, chacun de ces produits étant vendus relativement rarement ». Ces modèles « doivent s’accompagner

de coûts de stockage faibles et de plateformes de distribution performantes assurant une bonne visibilité

aux contenus de niche». C’est tout l’intérêt de la mise en place de place de marché ou de passer par un

réseau de revendeurs.

37

P67 et suivantes et P118 pour la synthèse « business model Génération » Osterwalder et al.

32

En conclusion, le cloud computing concerne l’ensemble des couches du système d’information, de

l’infrastructure aux applications au travers les offres IaaS, PaaS et SaaS. Ces solutions apportent de

nouvelles évolutions du système d’information vers toujours plus d’industrialisation, de réduction de coûts

et d’agilité des organisations pour préserver leurs avantages concurrentiels. L’informatique dans les nuages

réalise cela grâce à une nouvelle proposition de valeur où le retour sur investissement est plus facilement

prédictible, avec une mise en œuvre plus rapide, des coûts d’investissements initiaux moindre, et un

paiement à l’usage.

Le rôle de la DSI va s’en trouver transformer, celle-ci conserve son rôle d’architecte, de sécurisation et de

gardien de la résilience du système d’information mais dans un espace qui va au-delà du cercle de

l’organisation. Elle va se transformer en centre de services qui sera mis en concurrence avec des sociétés

externes. Mais c’est aussi pour elle l’occasion de se recentrer sur les activités qui permettent à

l’organisation de conserver ou développer ses avantages concurrentiels.

Du point de vue des éditeurs, adopter le cloud permet de créer un avantage concurrentiel et un levier de

croissance.

L’avantage concurrentiel se situe au niveau de la proposition de valeur apportée via une offre cloud que ses

concurrents ne proposent pas ou avec un spectre fonctionnel moindre et/ou un coût plus élevé. C’est

l’occasion de développer une plus grande agilité et de créer une barrière à l’entrée via la maîtrise du client.

C’est également un levier de croissance qui permet d’adresser les PME voir les TPE qui représentent un

CA additionnel de 22% du CA global des organisations, là où les cibles traditionnelles étaient des ETI et

grandes entreprises soit 61% du marché. Par ailleurs, c’est un levier de croissance car ces offres permettent

d’adresser les directions métiers en se passant des DSI.

Enfin les offres cloud permettent à une société d’adresser directement le marché mondial aux contraintes

près des coûts commerciaux et des lois sur la protection des données ou sur la divulgation des

informations.

33

2 Les business model traditionnel des éditeurs doivent évoluer vers un

business model cloud

L’objectif de cette partie est d’analyser le rôle des éditeurs dans l’écosystème des fournisseurs

informatiques et d’étudier l’impact de la révolution du cloud sur la chaine de la valeur de cet écosystème.

Dans un second temps, on analysera les business models des éditeurs traditionnels dits propriétaires, ceux

des éditeurs Open source et enfin ceux des pure players cloud38. L’objectif est de dégager les forces et les

faiblesses de ces 3 typologies d’éditeurs vis-à-vis de la révolution cloud.

2.1 Le rôle dominant des éditeurs logiciels dans l'univers informatique

malgré un poids en chiffre d’affaire relatif

2.1.1 Un marché des éditeurs très divers, avec une taille insuffisante des acteurs et un

business model largement dominé par la vente de licences.

La dépense informatique en France représente 70 milliards d’euros soit 3,44 % du produit intérieur brut.

Cette dépense est en décroissance de 1,1 % en 2013. Elle est estimée à 0,5% en 201539 . Le marché

informatique peut être découpé entre matériels, services et logiciels. La répartition en % est celle-ci :

Figure 6: dépense informatique par nature en France (2012)

La segmentation est définie comme suit :

Matériels : ordinateurs, tablettes, réseaux et périphériques, serveurs

Services : conseils, audit, intégration, externalisation, maintenance

Editeurs : bureautique, progiciels et applications. Les jeux vidéo sont exclus du champ 4

38

On entend par pure player cloud un éditeur dont le modèle de revenus et d’opérations est uniquement basé sur une tarification à l’usage et avec des solutions répondant à la définition d’une solution cloud, telle que définie dans la première partie. 39

Etude xerfi 2013 07 marché logiciel en France

34

Le marché des éditeurs logiciels représente 7,9 milliards d’euros de CA soit 10,2% de la dépense

informatique en France

Le segment est en croissance de 3 à 4% par an entre 2012 et 2014.

Le marché est segmenté par type de logiciels :

Source Xerfi 2013/07

Figure 7 : répartition du chiffre d'affaires logiciel en France par type de solution

La part de l’applicatif est le plus important avec 75,1% de l’ensemble.

Par ailleurs, le marché est très atomisé et certaines sociétés sont de taille très insuffisante en regard de la

concurrence venue de l’étranger qui ont, elles, une taille en terme de CA très importante. La répartition

des éditeurs par nombre de salariés est la suivante :

Source Xerfi 2013/07

Figure 8 : répartition en % des éditeurs en France par nombre de salariés

systèmes de réseaux 15%

outils de développement et

langages 4%

outils middleware 6%

applicatifs PLM 28%

applicatifs banques et assurances

8%

applicatifs gestion - ERP 6%

applicatifs CRM 6%

applicatifs autres logiciels

27%

éditeurs avec 0 salarié 50,4% de 1 à 5 salariés

23,6%

de 6 à 9 salariés 7,1%

de 10 à 19 salariés 8,6%

de 20 à 99 salariés 8,9%

plus de 100 salariés 1,5%

35

Les ventes sont réalisées à 77% en France, 14% en Europe et à peine 9% dans le reste du monde alors que

la France représente 3,4% de la dépense mondiale en informatique, l’Europe 30% , le reste du monde 70

%40. Nos éditeurs ne sont en clair pas assez présents à l’étranger, ce qui est une conséquence de la taille

moyenne des éditeurs français.

Enfin, la répartition des revenus des éditeurs de logiciel est en 2012 la suivante :

Source données 2011, Xerfi issues de données de KPMG sur un panel de 408 sociétés et « panorama-open-

source « 2013 CNLL (Conseil National du Logiciel Libre)

Figure 9 : modèle de revenus de l'édition de logiciel en France

Les ventes Cloud représentent 8%, l’open Source 6% et les business models traditionnels à base de

licences représentent le reste, soit près de 86%. On voit donc que le secteur est largement dominé par le

business model traditionnel à base de ventes de licences.

L’étude Xerfi 41 indique par ailleurs que le secteur au global réalise en 2012 une marge brute de 68,7%,

avec un excédent brut d’exploitation de 11,6% et un résultat net de 7%.

En synthèse le marché du logiciel français est dominé par quelques grands acteurs : les 50 premiers

représentent 56% du CA du secteur alors qu’il y a près de 4200 éditeurs en France. Il y a beaucoup de

petits éditeurs. La santé financière est bonne avec un résultat net à 7%. Il faut cependant relativiser car les

grands éditeurs tels Oracle ou Microsoft sont plutôt à 22% de résultat net. Par ailleurs, les éditeurs ne sont

pas assez présents sur les marchés internationaux. De plus, le secteur est encore très largement basé sur

un business model traditionnel à base de licence ( 86% du CA).

40

Source Forrester 2012 « European Information And Communications Technology Market 2012 To 2013 » 41

Etude xerfi p 34

maintenance et services

51% licences

32%

Open Source 6%

cloud 8%

autres 3%

36

Quel est la place traditionnelle des éditeurs dans la chaine de la valeur globale du monde

informatique ?

L’ensemble de cette partie s’appuie largement sur les travaux de l’étude de l’AFDEL, en synthétisant les

points essentiels aux propos de ce mémoire.42

En Synthèse, le document de l’AFDEL permet de situer le positionnement des acteurs traditionnels comme

suit :

Source AFDEL

Figure 10 : le positionnement des acteurs traditionnels du monde informatique

Dans ce modèle traditionnel, les éditeurs sont des producteurs de solutions qui sont portées sur le marché

par des distributeurs et des intégrateurs qui distribuent et/ou mettent en œuvre les solutions chez les

clients ou dans leurs propres centres d’hébergement.

Les hébergeurs font de même mais uniquement dans leurs locaux.

Les cabinets de conseil font soit de la maîtrise d’ouvrage en conseillant les clients sur la meilleure solution

(progiciels, business process management, développements spécifiques) en regard des besoins clients soit

du conseil en système d’information, en aidant les clients à bâtir leur système d’information en associant les

briques matérielles et logicielles.

42

2013 01 CDC-AFDEL -Etude des spécificités du marché du SaaS en France p63 à 73

37

Dans cet écosystème, la répartition de la valeur peut être perçue au travers des niveaux de marge brute

générés par chacun des acteurs.

Nous avons pour chacun d’eux :

Editeurs : 68,7%43

Opérateurs télécom : 70%

Hébergeurs : autour de 50%

Audit & conseil : entre 30 et 40%

Intégrateurs : 25 à 30% en intégration (forfait ou centre de services ou régie)

Distributeurs : entre 10 à 20%

En synthèse, même si les éditeurs ont une part de la dépense relativement faible dans l’écosystème du

monde des fournisseurs informatiques (10,2 % pour mémoire), leur niveau de marge fait qu’ils concentrent

l’essentiel de l’innovation, du fait de leur niveau de marge brute leur permettant d’investir énormément en

R&D. Par ailleurs, les éditeurs sont les primo-fournisseurs des solutions informatiques. Tous les autres

acteurs, en dehors des constructeurs de matériels, sont des assembleurs de solutions à un degré plus ou

moins élevé. En clair ce sont les éditeurs qui font le marché en ce sens que les évolutions du marché

viennent d’eux.

Analysons maintenant l’impact du cloud computing.

43

2013 07 Etude Xerfi marché du logiciel en France P 34 + interviews de l’auteur avec des acteurs du marché

38

2.1.2 La chaine de valeur dans le monde informatique bousculée par l’arrivée du cloud

computing

La chaine de la valeur des éditeurs se trouve modifiée par l’apparition du cloud. On peut le synthétiser de la

façon suivante :44

Source AFDEL

Figure 11 : nouveau positionnement des acteurs du monde informatique suite à l'arrivée du cloud

On voit que toutes les catégories de fournisseurs sont affectées de manière plus ou moins importante :

Les distributeurs sont très menacés

Les sociétés d’intégration sont fortement et négativement impactées

Les opérateurs télécom doivent faire évoluer leurs offres

Les sociétés de conseil doivent faire évoluer leurs compétences

Les fournisseurs de matériels sont affectés positivement

Les éditeurs voient leur rôle et leur contrôle du marché s’accroitre

44

Même source que la note 30 à la page 65

39

Le marché va se recomposer en 3 nouveaux segments que sont :

Les cloud builders : ils regroupent les sociétés de conseils et d’intégration

o Les sociétés de conseils deviennent des architectes du cloud. Leur objectif est de penser

les solutions mêlant les solutions traditionnelles et les solutions en mode cloud.

o Les sociétés de services deviennent des intégrateurs du cloud :

D’infrastructures : pour des solutions performantes et sécurisée,

De solutions cloud : intégration de solution au système d’information (SI)

Intégrateurs globaux multi-applications avec intégration au SI

Les cloud Providers : ils fournissent des solutions en cloud IaaS, PaaS, Saas

o Les opérateurs télécoms : deviennent des fournisseurs de solutions IaaS.

o Ils cohabitent avec des opérateurs pure players spécialisés dans ce domaine (Cloudwatt ou

Numergy, OVH, Celeste …) en France mais aussi des opérateurs internationaux (Amazon

, Google..)

Les Clouds enablers : ce sont les éditeurs, ils fournissent soit

o les technologies nécessaires au fonctionnement du cloud. Elles peuvent être soit

directement mises en oeuvre chez les clouds providers, soit mises en œuvre directement

par les éditeurs ou chez les clients finaux.

o les solutions souvent métiers directement exploitées en cloud par les éditeurs

On notera que les distributeurs qui traditionnellement proposent des solutions ou des produits avec une

marge d’intermédiation sont les plus menacés. Ils ont une faible marge 10 à 20% donc peu de capacités à

investir et il leur faut trouver leur place dans un environnement fortement tourné vers le service. Or ils

sont absents de ce domaine vu que ce sont principalement des intermédiaires.

Cela entraine une recomposition de la chaine de la valeur :

En reprenant les travaux de l’AFDEL on peut distinguer 2 chaines de la valeur :

Une pour la construction des solutions cloud

Une pour la distribution des solutions cloud aux clients finaux.

Chaine de la valeur pour la construction des solutions cloud :

Dans cette chaine de la valeur il s’agit de concevoir une solution cloud.

On a deux grands cas de figure

création d’une plateforme IaaS

création d’une plateforme PaaS ou SaaS

40

Dans le cas de la création d’une plateforme IaaS :

L’objectif est de fournir de la puissance de traitement en garantissant des niveaux de services ou Services

Level Agreement (SLA) qui sont la garantie du temps de disponibilité des solutions.

L’opérateur ou le pure player va principalement se tourner vers

Les opérateurs télécom pour la fourniture de la bande passante réseau,

Les constructeurs de matériels qui fournissent les serveurs et les matériels réseaux,

Les éditeurs pour les Operating systems, la virtualisation, la supervision

Les cabinets de conseils qui aideront à bâtir l’architecture de la solution si l’expertise en interne

n’est pas disponible en particulier sur les aspects choix des briques performances, sécurité , plan

de reprise d’activité, résilience45.

On notera dans ce secteur un appel à l’Open source et aux solutions éditeurs propriétaires. L’Open

source fournit des logiciels disponibles en code source donc adaptables au contexte de l’opérateur IaaS

car il peut modifier le code et assembler différentes briques Open Source facilement. Lorsque la question

se pose de bénéficier d’un support et de fonctionnalités avancées l’opérateur IaaS fait appel aux solutions

propriétaires.

Dans le cas d’une plateforme PaaS ou Saas :

L’objectif ici est de fournir une solution middleware ou une solution métier en garantissant là aussi que des

SLAs s’appliquent. On notera que les SLAs demandés par le marché ne le sont que sur la disponibilité et

non pas sur un temps de réponse minimum, ou une garantie sur l’exploitation de la solution

L’éditeur ou le pure player va principalement se tourner vers

Un hébergeur IaaS lui fournissant la mise à disposition de ressources matérielles, operating system,

virtualisation

Les éditeurs pour des logiciels spécialisés : pour la facturation, les tests de charge, supervision,

etc…

Les cabinets de conseils : qui aideront à bâtir l’architecture de la solution si l’expertise en interne

n’est pas disponible en particulier sur les aspects choix des briques performances, sécurité , plan

de reprise d’activité, résilience

Dans le cas du IaaS, les opérateurs télécom et les pure players de IaaS vont devenir incontournables. La

course à la taille en terme de capacité à proposer de la ressource à bas prix et flexible est l’élément

essentiel. A ce jeu-là les gagnants sont ceux qui ont la capacité à investir dans de grands datacenter et à

disposer de bande passante à bas coût. En clair les opérateurs et les plus grands pure players déjà établis

(Amazon, Google, Rackspace) ainsi que quelques grands éditeurs tel Microsoft sont les mieux placés. Il

reste une place pour les intégrateurs sur des segments tels que le IaaS avec un fort niveau de sécurité ou

respectant la territorialité des données et non liés par le Patriot act. Le chantier EuroCloud lancé par le

président de la république en septembre 2013 et piloté par Thierry Breton PDG d’Atos et Octave Klaba

DG d’OVH vont dans ce sens.46

45

La résilience dans un contexte informatique est l’ensemble des moyens pour faire en sorte de garantir que les systèmes restent opérationnels 46

Magazine Solutions et logiciels février mars 2014 P 34 le « plan d’EuroCloud »

41

Chaine de la valeur de la distribution des solutions cloud aux clients finaux.

La distribution des solutions cloud se fait selon 2 schémas.

Distribution directe par les éditeurs cloud : l’éditeur propose sa solution aux clients finaux.

L’intégration au système d’information et la personnalisation est faite soit :

o Par l’éditeur via ses services de consulting

o Par un intégrateur

Distribution indirecte via des intermédiaires

o Distribution via des revendeurs ou distributeurs. C’est le mode de distribution privilégiée

pour adresser les PME et les TPE. La marge de revente pure d’une solution standard en

mode cloud est faible, de l’ordre de 12 à 15%47. Il faut donc, pour ces revendeurs ou le

distributeur qui devient à cette occasion un offreur cloud, proposer une personnalisation

métier de la solution cloud leur permettant d’augmenter leur marge en vendant plus cher

que la solution standard. Cela suppose donc d’investir pour bâtir ces solutions en montant

des offres. Il est à noter qu’ils peuvent assembler les différentes briques sans supporter des

coûts initiaux d’investissement importants en matériels et infrastructures notamment via les

offres IaaS.

o Distribution via des intégrateurs qui personnalisent la solution aux besoins du client et le

connecte au système d’information

o Distribution via une plateforme, ce sont les places de marché. Ces places de marché (ou

marketplace) peuvent être privées, par exemple Salesforce avec AppExchange, Azure de

Microsoft. Elles peuvent aussi être publiques comme les forges logicielles que l’on trouve

dans le secteur public. L’intérêt est de créer un écosystème de solutions apportant une

valeur ajoutée additionnelle à la solution ou aux solutions de l’éditeur mettant en œuvre la

marketplace. Dans le cas des places de marché publiques, l’objectif est de créer une

communauté d’applications complémentaires et compatibles entre elles afin de développer

l’usage de ces applications en créant une grande base installée. Il n’y a pas de but lucratif.

o Distribution via une intégration de l’offre Saas par un partenaire métier. Celui-ci

personnalise la solution pour un segment de marché. Le partage de la valeur est fonction du

mode de distribution en marque blanche (l’éditeur est invisible du client) ou au contraire

en affichant le nom de l’éditeur. En marque banche la marge est supérieure de l’ordre de

60% du prix net pour le distributeur alors qu’en s’affichant avec l’éditeur elle est plutôt de

30 ou 40 % pour le distributeur.

47

Discussion de l’auteur avec divers professionnels

42

Quelles sont les modifications de la chaine de la valeur liées à ces modifications de la distribution ?

Les deux enjeux cruciaux sont par ordre décroissant :

le contrôle de l’exploitation de la solution ce qui permet de tout connaitre du client.

le contrôle de la relation client

Dans ces conditions et suite à l’analyse ci-dessus, on peut noter :

Les acteurs qui renforcent leurs positions sont :

les Editeurs proposant des solutions cloud car ils contrôlent l’exploitation et souvent la relation

client.

Dans le cas où ils passent via une distribution indirecte ils conservent l’exploitation sauf s’ils sont en

marque blanche via un intégrateur de solution auquel cas ils ne contrôlent plus rien.

Les acteurs pour qui cela ne change pas leur position :

Les cabinets de conseils : ils conservent leur relations avec les clients comme précédemment

A l’inverse, les acteurs dont la position va devoir changer sous peine de disparaitre :

Les intégrateurs : ils maitrisent la relation client mais pas l’exploitation. Ils vont se retrouver

concurrencés par les éditeurs qui leur enlèvent la partie exploitation voire la partie relation avec le

client.

Par ailleurs sur une solution traditionnelle : pour 100 € de licences, les intégrateurs interrogés

indiquent réaliser entre 100 et 600 € de services. Pour les solutions en cloud computing, le niveau

de services oscille entre 20 et 200 € pour 100 euros de solutions Saas. L’impact pour les SSII est

donc très sérieux sur le niveau de chiffre d’affaires puisque si tout le marché était en mode cloud, à

périmètre constant d’activité, la baisse d’activité serait selon leurs estimations de l’ordre de 2/3.

Dans ces conditions, les SSII auraient à faire un très important redimensionnement de leurs

effectifs.

Les distributeurs : ils ne contrôlent pas la relation avec le client final ni l’exploitation. Ils doivent

muter vers l’exploitation de solutions cloud à destination des revendeurs PME/TPE sous peine de

disparaitre.

Les opérateurs télécom : ils doivent impérativement passer de la fourniture de bande passante dont

les prix vont fortement chuter à des solutions de IaaS. Dans le cas où ils ne réalisent pas cette

mutation, ils perdront au fur et à mesure la relation avec le client qui passera sous le contrôle des

offreurs Iaas.

43

2.3 L’analyse des différents business models des éditeurs

Au vu des modifications de la chaine de la valeur apportées par le cloud et de la nécessaire évolution des

éditeurs qui en découle, on va analyser les différents business model des éditeurs (propriétaire, Open

source, pure Player cloud) afin de dégager les menaces potentielles qui pèsent sur eux. On va donc se

concentrer sur les points du business model qui sont menacés.

Comme présenté dans l’avant-propos méthodologique, l’analyse des business model sera faite selon cette

grille d’analyse :

Proposition de valeur

o Proposition de Valeur

o Pricing model

o Segmentation client,

o Relations clients

o Canaux

Architecture de la valeur

o Activité clés

o Partenaires clés

o Ressources clés

Equation de profit

o Structure de couts

o Flux de revenus

2.3.1 Le business model des éditeurs propriétaires un modèle souvent menacé

Le Logiciel dit propriétaire ou privateur est défini par l’April48, qui est une association promouvant le

logiciel Open Source. Il s’agit d’un logiciel qui ne permet pas techniquement et légalement de réaliser les 4

actions suivantes : la libre exécution du logiciel pour tout type d’applications, l’accès au code source et son

étude, la modification du code source, la libre distribution de copies. Ces limitations sont encadrées par un

contrat dit contrat de licences. L’objectif est de vendre ces licences qui seront tarifées selon diverses

métriques dont les plus courantes sont le nombre d’utilisateurs, le nombre de serveurs, la puissance de

ceux-ci etc... Les licences s’accompagnent d’une redevance de maintenance permettant à l’utilisateur final

de bénéficier d’un support technique pour résoudre principalement les bugs49, des mises à jour au minimum

mineures du logiciel. Ces mises à jour apportent des corrections des bugs et des modifications

fonctionnelles mineures. Les mises à jour fonctionnelles majeures apportant des modifications

fonctionnelles importantes sont ou non inclues dans le contrat de maintenance.

Aujourd’hui, 86%50 en valeur du marché des éditeurs obéissent à ce modèle.

48

April, définition du logiciel propriétaire : http://www.april.org/articles/intro/privateur.html 49

Un bug : est une erreur du programme logiciel. 50

L’étude Xerfi 2013/07 » marché logiciel en France » évalue à 8% le marché du cloud pour les éditeurs, et le rapport « Panorama de l'open source en France », le CNLL (Conseil National du Logiciel Libre) 2013 évalue la partie du marché de l’open source logiciels et service à 6% , on peut en déduire la part du logiciel propriétaire à 86%.

44

Au vu de ce que l’on a analysé dans les parties précédentes, quels sont les risques affectant ce business

model suite à l’émergence du cloud computing ? On peut en déterminer 4 impacts majeurs :

La proposition de valeur est menacée.

Dans un modèle à base de licences, le client, en plus des coûts de licences et de maintenance, doit ajouter

des coûts d’intégration qui sont de l’ordre de 1 fois à 6 fois le coût des licences et les coûts d’exploitation

de la solution qui peuvent représenter sur 3 ans, 50% des coûts de licences, maintenance et intégration

initiale. Le métier et même la DSI ne savent que très approximativement ce que va leur coûter la solution.

Par ailleurs, le Standish group indique dans son « chaos report » de 2004 que 55% des projets d’intégration

de moins de 750 000$ sont un succès et que 8% au-dessus de 8 millions de $ sont un succès51. Il peut donc

y avoir des dérives additionnelles coûteuses au-delà du budget initial. Dans le cas du cloud, le coût du

logiciel et ses coûts de production sont intégrés au prix. Seuls subsistent les coûts d’intégration à ajouter à

ce prix. Comme on l’a vu plus haut, la facture globale est entre 5 et 3 fois moins élevée que celle d’une

solution à intégrer, avec un délai de mise en œuvre entre 2 et 6 mois, là ou une solution intégrée par la DSI

peut prendre entre 3 mois et 2 ans.

Le modèle de prix est un handicap.

Dans le cas du modèle traditionnel, le client supporte un investissement initial important lié aux licences

avec une mise de départ incompressible et ce quel que soit l’usage. Dans le cas du cloud le client paie à

l’usage sans mise de départ importante avec une montée en charge des coûts au fur et à mesure de la

montée en puissance de l’application.

Par ailleurs pour le secteur privé les coûts de licences sont considérés comme un investissement amorti

alors que les services opérés sont vus comme un coût de fonctionnement. Or Les actionnaires recherchent

au maximum à avoir le meilleur retour sur capitaux employés (ROCE en anglais). La réduction des

investissements concourt pour un résultat net identique, à améliorer ce ratio puisque qu’il y a moins de

capitaux employés. Le modèle de prix permettant de loger un maximum de dépenses en fonctionnement au

lieu de les mettre en dépenses d’investissement est donc préféré du point de vue de l’actionnaire.

Ce levier défavorise donc le modèle de prix à base de licences.

La capacité à innover rapidement et de façon judicieuse est menacée.

Le processus d’innovation compte 5 sources : les analystes, la vision future de la solution par le comité

produit52 , les remontées du support, les résultats du club utilisateurs, le travail en réseau en échangeant

avec d’autres et l’expérience client grâce à l’observation des comportements de celui-ci.

Or l’expérience montre que l’observation de l’expérience client (la façon dont le produit est utilisé et

perçu) est le meilleur vecteur de l’innovation incrémentale voire de l’innovation de rupture. A ce niveau

dans un modèle classique, la R&D et le chef de produit ont une vision très faible de l’usage réel de la

solution, ce qui obère la capacité à innover rapidement et surtout de façon utile. A l’inverse en cloud,

l’usage de la solution est monitoré en permanence.

Les théories de l’innovation telle celle de Lean Start up53 ou User-Led Design ou stratégie Ocean Bleue

insistent toutes sur le feed-back permanent par l’observation du client pour trouver des usages en rupture.

51

Par succès on entend que le projet est délivré dans les délais et que les fonctionnalités sont conformes aux attentes

des utilisateurs 52

Le comité produit est composé du PDG, du Chief Technology Officer (le directeur R&D généralement), du

directeur marketing et/ou de son chef de produit et parfois du directeur commercial)

45

Le niveau de qualité globale de la solution est moindre que celui des solutions en mode cloud.

En mode cloud, le moindre arrêt de la production signifie automatiquement que tous les clients sont dans

l’incapacité d’utiliser l’application concernée. Dans ces conditions, la stabilité de la solution est primordiale.

Ce qui signifie donc que les versions des logiciels doivent avoir le minimum de bugs possibles.

Dans un mode traditionnel la R&D dispose d’une équipe de tests qui au minimum a mis en place des tests

unitaires des logiciels 54. Si cette équipe est plus avancée, elle a mis en place des tests globaux et dans un

troisième temps des tests d’ergonomie, de montée en charge voir des scénarios typiques clients avec tests

de charge. Il faut noter qu’il n’est pas rare que les 2 derniers tests ne soient pas mis en place, faute de

personnels principalement. Dans ces conditions une R&D classique performante passe au moins 10% de

son temps à corriger des bugs voir 20% pour l’industrie et bien pire dans certains cas. Un tel niveau de

qualité nuit à la réputation du logiciel et donc à son développement commercial surtout si l’alternative

cloud annonce un taux de disponibilité à 99% (soit 3,65 jours d’indisponibilité par an).

En synthèse, les risques et les forces des éditeurs traditionnels peuvent être schématisés de la façon

suivante :

Figure 12 : SWOT du business model des éditeurs traditionnels

53

« Lean Startup » (2008, E. Ries) ; User-Led Design (1986, E. Van Hippel), Blue Ocean Strategy (2005, W.C. Kim & R.

Mauborgne 54

Tests unitaires : chaque fonction du logiciel est testée séparément. Il peut y avoir plusieurs milliers ou dizaine de milliers de tests unitaires pour une solution

46

Cependant même s’il existe des menaces sur ce business model, tous les éditeurs ne sont pas concernés.

En effet, certains segments de l’édition logicielle ne sont pas adaptés au mode cloud.

Sont concernés :

Les logiciels de sécurité à destination des OIV55. Par définition, du fait des contraintes de sécurité, il est hors

de question de mettre ces solutions en dehors de l’entreprise. Cela ne signifie pas pour autant que leur

modèle de prix ne doit pas évoluer vers un prix à l’usage.

Les logiciels dont l’adhérence au système d’information est forte et pour lesquels le fonctionnement à haut

débit en mode synchrone est essentiel. La détermination des logiciels couverts par ce segment est plus

difficile à faire. On peut donner pour exemple les logiciels de CAO /DAO56, les logiciels de production ou les

logiciels avec une très forte logique transactionnelle et qui s’interfacent avec d’autres applications dans le

système d’information (logiciels de salle de marché par exemple). Dans ces cas, l’usage du cloud s’avère

impossible d’un point de vue technique à l’heure actuelle. Cela ne veut pas dire qu’à terme cela ne sera pas

possible.

Il est difficile d’évaluer la part du marché concernée par ces 2 types d’acteurs. En reprenant la répartition

en pourcentage du CA des éditeurs, on peut estimer ce segment à 30 ou 40% (une part du PLM57 qui

représente 28% du marché, une part des logiciels bancaires ou financiers estimé à 8% du marché, la part

sécurité dans la part de marché système et réseaux qui représente 15% du marché) .

On peut cependant considérer qu’une très grosse part du marché va devoir évoluer vers le cloud computing

au vu des menaces qui pèsent sur le business model traditionnel des éditeurs propriétaires.

55

OIV : Organismes d’intérêts vitaux définis par l’ANSSI, ce sont des sociétés concourant au bon fonctionnement de la France ou à son indépendance cf note 16 pour une définition détaillée. 56

CAO : Conception Assistée par Ordinateur. DAO : dessin assisté par Ordinateur pour le design et la conception de pièces d’avions, automobiles. 57

PLM : Production Life Cycle Management : logiciels servant à suivre ou mettre en œuvre les différentes étapes du cycle de vie d’un produit de sa conception à sa maintenance en passant par sa production.

47

2.3.2 Le business model des éditeurs Commercial Open Source, une proposition de valeur

en danger.

Le modèle Open Source ou libre est défini par François Elie dans «Economie du logiciel Libre » comme

«un logiciel dont l’auteur a rendu les secrets de fabrication (code source) librement accessibles et librement

réutilisables». En cela à l’inverse des logiciels propriétaires, il respecte les 4 libertés du logiciel définies dans

le paragraphe précédent.58

Il existe dans ce modèle de distribution du logiciel 3 familles de logiciels libres qui sont considérés selon la

notion de copyleft.

La définition que donne F. Elie59 du copyleft est la suivante : «c’est une disposition qui fait hériter de sa

licence toute dérivation d’un logiciel». Il en existe 3 types :

Sans copyleft : le logiciel A a un type de licence libre, le logiciel A+B prend soit la licence de A soit

celle de B au choix

Copyleft faible : le logiciel A a un type de licence, le logiciel B un type de licence. Dans le logiciel

A+B, A garde sa licence et B la sienne

Copyleft fort : le logiciel A+B doit prendre la licence de A

Les personnes ou organisation qui produisent du logiciel ont pour objectif d’enrichir le patrimoine logiciel

afin que tout le monde en bénéficie. C’est un principe similaire à celui de la recherche scientifique. L’enjeu

final est d’optimiser et faire progresser la production informatique.

Les 3 motivations selon F Elie 60qui poussent ces personnes sont :

La reconnaissance

Le souci de faire des économies

L’espérance de gains.

Dans le cadre de ce mémoire on va s’intéresser au troisième.

Dans un business model Open source la génération de revenus se fait selon 4 modes possibles61 :

Le modèle de service qui considère qu’il y a création de valeur au travers du service réalisé autour

d’une souche technologique. Cette création de valeur est reversée à la communauté, permettant au

logiciel de s’améliorer.

Les communautés : principalement des intégrateurs réalisent une communauté autour d’un logiciel.

L’objectif est de créer un standard de facto. Ils se rémunèrent sur le service. C’est une version plus

élaboré du modèle précédent. Ce modèle permet aussi de faire participer les clients finaux. On

peut citer Apache (serveurs web) , OW2, Tomcat…

Le modèle de valeur ajoutée à travers la vente de garantie. Le logiciel est libre mais l’éditeur

garantit que l’assemblage des différentes briques Open Source est testé et fonctionnel et il assure

un service de maintenance. Le leader dans le domaine est Red Hat

58

On trouve d’autres définitions à peu près similaires, dont celle de la Free software foundation un des mouvements historiques de l’Open source) et celle de l’OSI L’Open Source Initiative (l’autre mouvement historique) 59

F. Elie « économie du logiciel libre « P 5 60

Même livre p 16 61

Même livre p 35

48

Le modèle de la double licence : l’une est gratuite, l’autre est payante avec des fonctionnalités

additionnelles. Dans le second cas, on est dans un modèle propriétaire avec un mode de

tarification particulier.

Il existe de nombreux éditeurs sur ce modèle Alfresco, Liferay, Bonitasoft, OpenERP etc..…

Les éditeurs sont concernés par les deux derniers modèles.

Ces modèles sont caractérisés par le fait que le modèle de revenus est sous forme de souscriptions

annuelles. Les clients bénéficient des garanties ou des fonctions avancées du logiciel tant qu’ils souscrivent

et pour la durée de la souscription.

Les avantages de ce modèle en regard du modèle propriétaire sont de trois types :

La génération de souscription autour de la solution est facilitée par le fait qu’il existe une base

installée non payante très importante. Le ratio communément admis de conversion est que 10% de

la base installée prendra des souscriptions là ou 90% n’en prendra pas62.

Le modèle à base de souscription est très souvent moins cher, de l’ordre de 40 %63 que celui à base

de licences, sur un retour sur investissement calculé sur 3 ans ou 5 ans. Comme cet écart de coût

est fortement influencé par la situation concurrentielle c’est une valeur indicative. De manière

générale l’offre Open Source est perçue par les clients finaux soit comme une offre low cost soit

comme une offre de rupture64.

Le modèle Open Source permet au client final de lisser son investissement dans le temps. Le ROI

est calculé sur 3 ans par les sociétés car c’est le temps d’amortissement utilisé en comptabilité.

Dans un modèle de licence, pour une base 100 de licence, la première année représente 120 (dont

100 en investissement et 20 en frais de fonctionnement), la seconde et troisième année 20 en frais

de fonctionnement. Pour un modèle Open Source, le coût, en supposant un coût global équivalent,

est de 53 par an, le tout en frais de fonctionnement. Or à l’exception du secteur public pour lequel

ce n’est pas avantageux, pour le secteur privé cela permet de lisser le coût dans le temps et

d’imputer ces coûts en frais de fonctionnement donc de diminuer les coûts d’investissement.

62

François Elie, Smile « livre blanc introduction à l’Open Source et les logiciels Libres « 63

Expérience personnelle de l’auteur sur le sujet 64

Offre low cost : offre offrant moins de valeur pour moins cher qu’une offre de référence sur un marché donné Offre de rupture : offre offrant plus de valeur pour moins cher qu’une offre de référence sur un marché donné

49

Pour autant au regard de l’arrivée du cloud computing, ce business model est aussi en

danger :

La même analyse que pour les éditeurs traditionnels s’applique aux 3 éléments suivants :

La proposition de valeur

Le niveau de qualité globale de la solution en regard de celle du cloud

La capacité à innover rapidement et de façon judicieuse

Seule la menace sur le modèle de prix ne concerne que partiellement les éditeurs Open Source.

Ainsi, comme on l’a vu il n’y a pas de coûts de licence initiaux. Seuls existent des coûts de souscription.

Cependant le prix n’est pas réellement à l’usage. En effet les coûts de souscriptions se font selon une

tarification minimum dont les éléments de calculs sont différents d’un éditeur à un autre. On peut citer un

coût minimum à la puissance du serveur, au nombre de serveurs, à la quantité de mémoire vive, au nombre

de développeurs etc..

50

2.3.3 Le nouveau business model des éditeurs en services opérés

Le chiffre d’affaires en 2012 du cloud représente 8% du marché des éditeurs logiciels avec 712 M€ .

Il n’est pas possible de connaitre la part de chiffre d’affaires réalisé par des éditeurs réalisant 100% de leurs

chiffres d’affaires en cloud.

Par définition, les éditeurs en services opérés dit pure player, démarrent avec un business model répondant

aux caractéristiques du cloud computing, avec un modèle de prix conforme aux pratiques du cloud et

surtout sans aucun historique.

C’est notamment, le cas en ce qui concerne l’adéquation entre les flux de revenus en regard des charges

qui pèsent sur la société.

Cependant en reprenant l’étude de l’AFDEL sur le sujet et les interviews de l’auteur et en comparant avec

l’Etude Xerfi sur les éditeurs logiciels, on constate qu’il y a certaines caractéristiques spécifiques en terme

de structure de coûts65 des pure players comparé à l’ensemble des éditeurs qui représentent 86 % du

chiffre d’affaires dans un modèle traditionnel.

Des couts de R&D importants : pour un CA de 0,6 Millions d’Euros, les coûts R&D sont de 34% , à 6

Millions d’Euros, ils sont de 18%. Ce qui à l’horizon de 3 ans est dans la norme du marché qui est de 20%.

Des coûts commerciaux importants mais proches du secteur: les coûts commerciaux sont de 32%

à comparer à ceux du marché de 28% en moyenne. Cette différence vient du fait qu’il faut évangéliser

davantage les clients et que la cible de clientèle est plus axée globalement sur des structures plus petites. Il

est à noter que des acteurs tels Salesforce dans le domaine du CRM ou Successfactors dans le domaine de

l’analyse de la performance, sont plutôt autour de 37 à 41% du CA.

Des coûts marketing au-dessus de la norme du marché : La norme du marché logiciel est autour de

4%. Dans le cas du cloud, les coûts marketing sont en moyenne de 11% du CA. Ce coût élevé s’explique

par plusieurs facteurs :

Le marché est en phase d’évangélisation et nécessite de se faire connaitre

La cible première du Saas sont les PME / ETI et dans une moindre mesure les directions

métiers des grandes entreprises. Au vu de la taille du marché il est impératif de faire venir

le client à soi. On est entre une approche marketing Business to Business caractérisée par

la dominance de l’approche commerciale et une approche Business to Consumer

caractérisée par une approche marketing. Il faut donc mener des actions marketing

importantes : salons, investissements en visibilité sur internet sur les sites fréquentées par

les prospects, relations presse etc..

65

L’ensemble des coûts sont exprimés en % des revenus, si la globalité des couts est supérieure à 100 % alors l’éditeur enregistre des pertes. Etude Xerfi marché logiciel en France 2013/07 p 40

51

Des coûts d’infrastructure très variables : Les coûts d’exploitation de la solution oscillent selon

l’AFDEL entre 2% et 20% du CA. Les discussions menés avec les différentes personnes interviewées font

apparaître des coûts plutôt entre 4% et 30%, avec plus un coût moyen autour de 15%. Sur ce point, la

différence entre les différentes structures de coûts se fait sur 2 points majeurs :

La capacité de la solution à être réellement « multi-tenant ». Il existe dans le « multi-tenancy » 4

schémas différents avec des coûts de production en décroissance :

Des serveurs séparés avec pour chaque serveur une session et une base spécifique

Sur des serveurs mutualisés, des sessions différentes avec des bases séparées à chaque fois

Sur des serveurs mutualisés, des sessions différentes partageant la même base, l’intérêt est

de mutualiser et de privilégier la montée en charge avec un bon niveau de sécurité mais

forcément moindre que si tout était séparé.

Dans la dernière option, tout est mutualisé, des serveurs, aux sessions et aux bases. Les

sessions et les données sont identifiées par un numéro ( le tenant )

Le logiciel est paramétré mais il n’y a jamais de version spécifique à un client. Si c’est le cas les coûts

exploseraient car il faut maintenir différentes versions de la solution.

On trouvera ci-dessous une analyse comparée des répartitions des coûts fonction du stade de

développement de la société et des hypothèses d’analyse.

Les coûts sont ventilés selon les catégories suivantes : frais généraux, direction, infrastructures ou frais

externes, R&D, commerce, marketing et frais divers. Ils sont exprimés en % de 100 € de CA. Si la société

fait des pertes elle enregistre un poste bénéfice négatif.

Les hypothèses retenues sont :

celles de l’AFDEL pour un CA de 0,6 M€

celles de l’AFDEL pour un CA 6 M€ après 3 ans

celles de l’AFDEL pour un CA de 6 M€ avec les coûts les plus bas

celles de l’AFDEL pour un CA de 6 M€ avec les coûts les plus élevés

une hypothèse pour un CA de 2,4 M€ à 3 ans avec une croissance de 60% en partant d’un CA de 0,6 M€

le rappel des moyennes du marché à l’heure actuelle selon les données de Xerfi de 2013.

On notera en synthèse que fonction de la structure de coûts le pure player peut faire entre 40% de

bénéfice et 18% de perte. La situation est donc très contrastée et doit s’apprécier entreprise par

entreprise. La moyenne étant que la société est à l’équilibre malgré les coûts initiaux de mise en oeuvre et

des revenus qui montent en puissance au fur et à mesure.

Le modèle du pure player contrairement à une idée reçue peut être rentable quasiment dès le départ.

52

Figure 13: Compte de résultat selon différentes hypothèses de structure de coûts pour les pure players

cloud

AFDEL CA 0,6 M€

AFDEL CA 6 M€ AFDEL CA 6 M€ couts bas

AFDEL CA 6 M€ couts élevés

modèle mémoire CA

2, 4 M€

etude Xerfimoyenne du

secteur

4 4 3 6 4 5

6 5 4

9 6 5

9 7

5

11 15

21

34

22

18

27 25

20

32

32

20

40

32 28

11

11

10

15

11

4

4

12

0

10

6

10

0 7

40

-18

1 7

Compte de résultat selon différentes hypothèses de structure de coûts pour les pure players cloud

frais généraux direction infrastructures ou frais externesR&D commercial Marketing & frais divers

53

En conclusion de cette seconde partie, il apparait que le marché des éditeurs de logiciels en 2013 est à

86% encore dans un business model traditionnel à base de licences, à 6% sur un business model Open

Source à base de souscriptions et à 8% sur un modèle cloud.

Une part non négligeable, autour de 20 à 30% du CA du secteur, n’a pas d’intérêt ou d’urgence à évoluer

vers le cloud principalement le secteur de la sécurité et celui des solutions ayant une forte synchronisation

avec le SI. Toutefois, on peut noter pour cette dernière catégorie une certaine évolution. Ainsi récemment,

Dassault Systèmes leader du PLM en France a décidé de lancer un cloud souverain autour de ses offres d’ici

juin 2014.

Le business model traditionnel à base de licences mais aussi celui des éditeurs Open Source est très

sérieusement menacé par l’arrivée des solutions cloud qui présentent des avantages en terme de :

proposition de valeur (coûts initiaux moindres, coûts globaux de la solution moindres d’au moins

20% et prédictibles, plus grande rapidité de mise en œuvre, paiement à l’usage)

capacité pour l’éditeur à innover rapidement et de façon pertinente grâce à une bien meilleure

observation des usages clients

un niveau de qualité de la solution bien meilleur

Par ailleurs les pure player cloud sont sur un trend de développement de 38% par an en regard des 3 à 4%

du secteur des éditeurs et le tout globalement dans une équation économique rentable. Il est donc urgent

pour les éditeurs (représentant près de 70% du CA du secteur) d’évoluer sous peine de disparaitre ou d’être

marginalisés.

54

3) Un changement de business model qui n’est pas forcément adapté à

tous les éditeurs et qui affecte l’entreprise à tous les niveaux

Dans cette partie, l’objectif est d’analyser l’impact du passage à un business model tourné vers le cloud

computing pour un éditeur existant commercialisant des licences.

Comme on l’a vu dans la deuxième partie, certains segments d’activité de l’édition logicielle n’ont pas

besoin de le faire ou du moins pas immédiatement pour certains.

Une évolution réussie nécessite d’adapter l’entreprise. On peut synthétiser l’ensemble des adaptations à

réaliser sous la forme du schéma suivant :

Figure 14 : les principaux impacts du passage au cloud pour un éditeur traditionnel

55

3.1 Une proposition de valeur qui change radicalement

On va examiner ici ce qu’entraine le cloud au niveau de la proposition de valeur, de l’élaboration des prix,

de la relation aux clients et de l’approche des canaux pour accéder aux prospects.

3.1.1 Une nouvelle Proposition de valeur

Reprenant la définition de Gerald Karsenti et Al « Busines model des services » 2013, « la proposition de

valeur représente le point d’entrée stratégique pour donner toutes les chances au modèle d’entreprise

de réussir sur le marché ».

Pour rappel, la proposition de valeur amenée par les solutions cloud pour les clients finaux est caractérisée

par 66:

Un paiement à l’usage

Une garantie de service

Pour certains éditeurs, la garantie de la territorialité des données

Une visibilité sur les coûts globaux de la solution

Des coûts globaux moindres en regard d’une solution classique

L’agilité : le temps de mise en œuvre de la solution en regard d‘un projet classique d’intégration est

bien moindre

L’application est accessible via tout type de médias : PC, smartphone, tablette

Le cloud computing est plus respectueux de l’environnement

Les directions métiers peuvent ou non s’abstraire de leur DSI

On va détailler les différents attributs de la proposition de valeur sur lesquels des précisions sont

intéressantes.

Un Paiement à l’usage très modéré dans la pratique

Dans le domaine du IaaS, la consommation est typiquement à l’usage comme on le verra dans le modèle de

prix (section 3.1.2). Cependant, les budgets dans les organisations sont à l’année et le périmètre de

fonctionnement est assez clairement identifié, par conséquent, il est souvent demandé au fournisseur un

prix forfaitisé à l’année. Habituellement, le contrat est signé pour une période minimum de 1 an ou de 3 ans

en contrepartie de remises sur le prix67 . Le mode de paiement peut être à terme échu68 mais avec une

facturation mensuelle voire trimestrielle (si les montants sont faibles)69. Cependant, les éditeurs proposent

aussi du paiement en terme à échoir70 généralement pour une période d’un an.

Dans le domaine du PaaS et du SaaS, les prix sont à l’usage au sens où l’on peut ajouter des utilisateurs ou

facturer avec tout autre métrique fonctionnelle. Les métriques pour les prix peuvent être très diverses ainsi

66

Cf section 1.2.1 pour le détail 67

Entretien avec M. Arnaud Hess de Steria 68

Paiement à terme échu : paiement une fois le service réalisé 69

Cf entretien avec M. Seguret de BCS technologies 70

Paiement en terme à échoir : paiement avant que le service ne soit rendu

56

pour Cegid, fonction des offres, les métriques peuvent être à la caisse enregistreuse, au poste utilisé, au

salarié, à la quantité de factures etc… Bien souvent, le fournisseur propose un engagement sur un nombre

minimum d’utilisateurs (ou toute autre métrique business) en échange d’un prix avec une remise. Des

entretiens menés, il ressort clairement que la durée minimum d’engagement est de 1 an et souvent 3 ans

toujours en échange de remise commerciale.

Les conditions de facturation sont par ordre de préférence :

Paiement global au moment de la commande 1 an ou 3 ans, avec un impact très positif sur la

trésorerie

A terme à échoir par année

A terme échu par mois ou au trimestre. Ce mode de facturation a un impact négatif sérieux sur

la trésorerie de la société

Ce point est très important, car il a des conséquences importantes sur les besoins en trésorerie dans le

cadre d’un passage d’un business model traditionnel à un autre.

Une garantie de service axée sur la disponibilité avec des pénalités discutées au cas par cas

La garantie de service peut s’exercer en théorie sur plusieurs indicateurs71 :

Le temps de disponibilité de l’application de 95% à 99,999%

La performance : notamment la garantie des temps de réponse

La garantie des pertes d’exploitation

Par ailleurs, deux points sont à préciser :

Qui a la charge de la preuve de la qualité de service (en cas de non-respect du SLA) ?

Quelles sont les pénalités associées ?

La qualité de service peut se voir de façon globale ou pour chaque couche de services avec les garanties

énoncées ci-dessous :

Source comPaaS 2013 « SLA et qualité de service pour le Cloud Computing » Yousri Kouki et al

Figure 15 : SLA selon les couches de services cloud

71

Pour un article détaillé sur le sujet notamment avec la notion de Cloud SLA (CSLAaaS) on peut lire le document suivant : http://membres-liglab.imag.fr/bouchenak/publications/ComPAS-MyCloud-2013.pdf comPaaS 2013 « SLA et qualité de service pour le Cloud Computing » Yousri Kouki et al

57

Concrètement des différentes interviews menées, il ressort que seule la dimension garantie de temps de

disponibilité est proposée. Elle est très variable selon les fournisseurs. Pour BCS technologies, fournisseur

IaaS, elle va de 99,999% à 95%, en fonction de la demande du client. Pour Easyvista fournisseur de solution

SaaS elle est de 99,9%. Pour Salesforce fournisseur de solution CRM (SaaS) il n’y a aucun engagement de

service 72

Aucun offreur n’est challengé sur la garantie des temps de réponse. Tous les offreurs refusent la garantie

sur perte d’exploitation. On peut comprendre ce dernier point puisque cela peut faire peser un risque

illimité sur l’éditeur et donc le mener à sa perte.

Par contre les offreurs proposent tous une reprise d’activité en moyenne autour de 4h à 8h. C’est le cas

pour Atos, Steria pour des offres IaaS ou Easyvista en SaaS .

Des pénalités limitées :

De manière générique et en standard, aucun éditeur n’en propose sauf les très grands éditeurs. On trouve

ainsi dans les conditions de souscriptions de Salesforce à l’article 1173 que Salesforce « ne pourra payer des

pénalités supérieures à 100% de ce que le client aura réglé à Salesforce l’année précédant le/les incidents

amenant à payer des pénalités ». Les modalités de calcul et les conditions d’applications des pénalités ne

sont pas détaillées.

Après négociations, les éditeurs peuvent être amenés à accepter le paiement de pénalités mais l’ensemble

des pénalités dues sur une année est généralement limité autour de 20% des abonnements payés

annuellement. Les pénalités sont calculées avec un montant fixe en Euro par incident.

La réversibilité un enjeu finalement peu abordé :

Le point de la réversibilité peut concerner deux aspects : celle des données et celle des processus. Comme

l’indique R. Hennion et al dans « cloud computing » c’est un point de vigilance du point de vue du client. A

ce stade, la pression des clients sur le sujet est faible. Les contrats des éditeurs sont muets sur le sujet.

C’est toutefois un point à inclure. L’idée n’est pas de favoriser le départ des clients mais au contraire de les

mettre en confiance en indiquant dans le contrat, la procédure prévue pour la transférabilité des données.

La transférabilité des processus n’est pas à l’ordre du jour du fait de la complexité que cela implique.

72

http://www.crmsearch.com/salesforce-hosting.php CRMresearch Salesforce.com Hosting Review 73

http://www.sfdcstatic.com/assets/pdf/misc/salesforce_MSA.pdf sur les conditions de souscriptions de Salesforce

58

Garantie de la territorialité des données

Dans l’étude Markess « Externalisation des infrastructures IT avec le cloud computing, référentiel de

pratiques 2013-2015 » d’octobre 2013, soixante-treize décideurs informatiques IT favorables à la mise en

œuvre de solutions cloud ont été interrogés sur la modification de leurs intentions d’achat si le fournisseur

doit se plier à des lois de type Patriot Act sur la protection des données. Les réponses ont été les

suivantes :

Source Markess International

Figure 16 : modification des intentions d'achat si l'offreur cloud doit se soumettre à une législation

étrangère

On voit donc que seuls 39% des personnes interrogées vont modifier leurs intentions d’achat. Maintenant

si on y inclut ceux qui pensent que cela modifiera moyennement leur intention d’achat, alors le pourcentage

de ceux qui seraient sensibles à l’espionnage des données atteint 67%. La réponse à cette problématique

est la localisation de la donnée en France ou en Europe. Cette notion est regroupée sous la notion de

territorialité de la donnée. Comme le mouvement de prise de conscience de l’importance de la

territorialité des données est un mouvement de fond, on peut penser que ce critère prendra de plus en

plus d’importance et sera un des attributs de la valeur. Rappelons que ce sont les attaques informatiques

spectaculaires qui font progresser cette notion telles que l’attaque des ordinateurs de Bercy en date de

mars 201174, ou bien la révélation faite en juin 2013 par Edward Snowden de la CIA de l’ampleur des

écoutes de la National Security Agency. Bien que les attaques aient peu de choses à voir avec la notion de

territorialité de la donnée, elles font prendre conscience aux décideurs des risques d’espionnage.

Les éditeurs français sont en train de développer une certification dite « Cloud confiance » qui garantit

justement que les données soient bien hébergées en France. L’objectif est d’assurer que les éditeurs

labellisés puissent s’en servir comme un avantage concurrentiel, en faisant intégrer ce point dans les appels

d’offre.

74

http://www.01net.com/editorial/350759/lestonie-denonce-les-cyber-attaques-terroristes-russes/ Pour plus de détails

ne sait pas 4%

pas du tout 11%

peu 18%

moyennement 28%

beaucoup 27%

extrêmement 12%

59

Les autres points de la proposition de valeur :

Une visibilité sur les coûts globaux de la solution

Des coûts globaux moindres en regard d’une solution classique

L’agilité : Le temps de mise en œuvre de la solution en regard d‘un projet classique d’intégration est

bien moindre.

L’application est accessible via tout type de médias : PC, smartphone, tablette.

Le cloud computing est plus respectueux de l’environnement.

Ces aspects sont spécifiques aux différentes solutions cloud. Ils seront mis en valeur via les documents

fournis par le marketing :

Mise en place d’outils de CTP (Coût Total de Possession). Les CTP sont calculés sur 3 ans, qui est

la durée maximale d’engagement demandée aux clients. Ces CTP font ressortir une baisse de 25%

à 30% en moyenne s’il n’y a pas de migration de données et de 15% s’il y a en a une75. Cet outil est

indispensable car le client compare toujours la solution cloud par rapport à la solution en mode

licence opérée au sein de l’entreprise. Pour certains éditeurs le travail sur le CTP a aussi été fait en

comparaison avec les offres concurrentes en cloud.

Mise en place d’outil de ROI. L’idée étant de montrer que le retour sur investissement est rapide,

en général autour de 8 mois à un an. Il faut cependant nuancer car tout dépend de la solution.

3.1.2 Un modèle de prix qui doit être adapté à chaque cas mais qui respecte quelques règles

communes pour le PaaS et le SaaS.

L’équilibre du modèle de prix est un des éléments centraux à la réussite de cette transition.

Il y a quatre objectifs dont certains sont contradictoires :

Permettre de conquérir de nouveaux clients

Ne pas cannibaliser les revenus des clients existants

Amener la base installée de clients à adopter les offres cloud

Assurer qu’il y a une cohérence de prix entre les différents modes d’adressage du client (canaux de

distribution : vente directe, vente via les intégrateurs, les opérateurs cloud, les OEM)

On va séparer les modèles de prix pour les solutions Saas et PaaS de ceux pour les solutions IaaS.

Pour les premiers on est sur des modèles de prix qui sont basés sur des éléments simples à comprendre et

liés au métier tel le nombre d’utilisateurs, de développeurs, de factures. Pour le IaaS on est sur des

métriques techniques telles la quantité de mémoire, de disque dur, de bande passante.

75

Entretien avec Pascal Colin et Gildas Leroy

60

Dans le domaine du IaaS les modèles de prix sont proches de la technique et loin des métriques

business.

Les modes de facturation utilisent une combinaison de métriques à base de quantité de mémoire vive

utilisée, de quantité de stockage, de nombre de machines virtuelles, de débit de bande passante utilisée

(sécurisée ou pas) et enfin du niveau de SLA demandé. Comme chaque offreur possède son modèle de prix

propre, il est impossible d’en tirer une règle générique.

Dans le domaine des solutions Saas, PaaS. Sur ce point on va prendre différents exemples.

Commençons par la politique de prix de Microsoft76, un des leaders du secteur, avec l’examen de la suite

bureautique de Microsoft : le pack office sous forme de licence et Office 365 en mode cloud.

Nb : Les prix sont comparés par rapport à une base 100 qui est le prix de 3 ans de la suite Office avec

maintenance. Evidemment le prix d’une licence office n’est pas de 100 €. Les prix sont exprimés en € HT.

Figure 17 : coût d'une offre Microsoft Office sur site et une offre cloud Microsoft office 365

L’offre cloud vaut donc 2 fois plus cher sur 3 ans que l’offre licence et 2,25 pour un client ayant déjà des

licences office ( avant remises éventuelles). Pour autant à fin 2013, Microsoft a déjà migré 30% de ses

grands comptes qui représentent 40 à 50% du marché vers ses offres cloud.

76

Les personnes interviewées sur la politique de prix Microsoft ont désiré garder l’anonymat

61

Une gestion cohérente des prix vis-à-vis des canaux de ventes indirectes.

Les revendeurs ont une marge lors de la conversion initiale d’un client d’un mode licence à un mode cloud

qui est de 12% et de 5% lors des renouvellements. A côté des revendeurs, il existe des sociétés qui

assurent le service opéré d’Office, donc en théorie en concurrence avec le service Office 365. Ce sont

principalement des opérateurs télécom ou des pure players. Microsoft ne les considère pas comme des

concurrents mais les intègre dans son modèle de prix. Ces acteurs signent un contrat SPLA77. La licence est

vendue autour de 75 pour 3 ans. Ce qui permet ensuite à l’opérateur de services de faire sa propre offre.

On trouvera ci-dessous un tableau de construction du prix de l’offre de l’opérateur intégrant le prix des

licences Microsoft, les coûts d’infrastructure (20% du coût global de la solution) et une marge brute de la

solution à 50% au global 78

Figure 18 : coût de Microsoft office assuré par un opérateur sur 3 ans pour un utilisateur nommé

Le prix du service opéré sera donc sensiblement équivalent ou plus cher que celui de Microsoft 257 €

contre 200 €. On voit donc que le modèle de prix bâti est cohérent et qu‘il ne cannibalise pas l’offre

licence vendue au client final et qu’il permet d’avoir un prix cohérent pour les canaux qui ne concurrence

pas l’offre cloud de Microsoft même.

Analysons le cas de Easyvista, un éditeur d’ERP du SI (Solution de type SaaS). La facturation dans un mode

traditionnel est pour 10079 € hors Taxe (HT) de licences, de 20 € HT de maintenance par an soit sur 3

ans : 160 € HT. La facturation est un mix d’utilisateurs simultanés et de différents modules proposés à la

vente.

Par contre, l’offre cloud est tarifée 66€ HT par an, incluant tous les modules mais sur une base à

l’utilisateur nommé. En général le ratio entre utilisateur nommé et simultané est de 1 utilisateur simultané

pour 2 utilisateurs nommés. Si l’on compare le TCO80 sur 3 ans hors coût de mise en œuvre initiale, on

obtient le tableau suivant :

77

Contrat SPLA : Service Provider Licence Agreement, contrat pour opérateur de service 78

Ce modèle est établi à partir des interviews de Boris Auche de Bull, Jerome Brun d’Atos et Pierre Seguret de BCS. 79

Les coûts sont aussi comparés par rapport à une base 100 qui ici est le prix de la licence. 80

TCO ou CTP en français ; Cout total de possession

62

Figure 19 : coût sur 3 ans d'une offre Eayvista sur site et en mode cloud

En résumé, la solution cloud n’est pas moins chère qu’en mode licence au prix par utilisateur.

Pour les nouveaux clients cela ne pose pas de problèmes puisqu’ils vont comparer par rapport à d’autres

offres. Pour la base installée, l’idée est de vendre la notion de sécurité, de simplicité et le fait que le client a

accès à l’ensemble des modules de la solution et pas seulement ceux qu’il avait initialement achetés.

Les offres cloud ne sont donc pas moins chères que les offres licences sur 3 ans pour ces deux exemples

qui sont représentatifs sur le marché de l’offre cloud. Ainsi sur 3 ans, elles apparaissent comme 2,2 à 2,5

fois plus chères que l’offre licence et maintenance associée sur la même période. Bien entendu, dans le cas

de l’offre cloud, les coûts de production, sauvegarde, et la garantie de niveau de service sont présents là où

aucun de ces attributs de valeur ne sont présents dans l’offre licence traditionnelle.

Par ailleurs il est possible de créer un modèle de prix dans lequel on peut faire cohabiter le prix classique à

base de licences, le prix d’une offre cloud éditeur, un prix de revente à des opérateurs de services et un

modèle de prix de revente aux intégrateurs.

63

3.1.3 Un élargissement de la segmentation clientèle qui ne cannibalise pas les ventes

traditionnelles

Osterwalder81 distingue 5 types de segments de clients :

les marchés de masse : l’offre s’adresse à tous

les marchés de niche : l’offre dessert un segment de marché restreint ou spécialisé

les marchés segmentés : on personnalise les offres par segment de marché

les marchés diversifiés : une même offre cible des segments de clients différents

les plateformes multilatérales pour des clients interdépendants

Dans le cas des éditeurs de logiciels, spécialement ceux en B to B, seuls les 4 derniers modèles s’appliquent

avec par ordre de préférence décroissant des marché diversifiés aux marchés de niche car le segment se

restreint de plus en plus, donc les revenus décroissent en regard des coûts d’adaptation à un marché

spécifique.

Donc comme l’écrit Gerald Karsenti et al 82 « l’entreprise… » doit avoir la capacité « à segmenter le

marché des services » le plus finement possible et à cibler les clients prioritaires» et reprenant la citation

d’un de ses interlocuteurs : « la tentation est forte de poursuivre toutes les opportunités sans s’imposer de

priorités » … « sans ciblage correct, le risque est de finir par diluer les efforts et de se retrouver avec une

rentabilité exécrable ».

La définition des cibles clientèles adressées « consiste finalement à identifier les clients pour lesquels la

société peut créer le plus de valeur à travers son offre »83. Les mêmes auteurs définissent cinq catégories

de variables pour travailler sur la segmentation :

Variables d’environnement : secteur économiques visés

Variables d’exploitation : niveau d’autonomie des clients en terme d’autonomie technologique et de

savoir faire

Variables d’achats : procédures d’achats, critères de décision et pratiques d’achats

Variables conjoncturelles : y-a-t-il des déclencheurs d’achats identifiés

Variables personnelles : « perception du niveau relationnel entre le client et l’entreprise »

La mesure objective est de plus en plus difficile à mesure que l’on va vers les dernières variables.

Il va falloir partir de cette analyse afin de définir des segments de marché.84

Comme on l’a vu dans la section 1.2.3, les offres cloud permettent d’élargir la clientèle sur deux segments

principaux :

Les PME voire les TPE

Les directions métiers.

81

Osterwalder et al « business model Nouvelle Génération « p 20 82

Geral Karsenti et al 2013/05 « le business model des services » p 92 83

Geral Karsenti et al 2013/05 « le business model des services » p 93 84

« Un segment de marché est un groupe de clients qui partage les mêmes désirs face aux produits » kotler , Manceau et Dubois 2009

64

Cibler les PME et TPE :

Il est clairement impossible d’avoir une proposition de valeur pertinente pour les deux simultanément. Par

ailleurs, à moins de proposer une offre totalement transverse type IaaS ou une offre SaaS (pour la gestion

note de frais par exemple) ou autres applications transverses, il va falloir les adapter au secteur d’activité,

ce qui représente un travail important. La solution est de co- construire la solution avec des partenaires

spécialisés adressant ces segments. Cela permet de limiter fortement les coûts et de transférer les risques

pour une bonne part vers le partenaire.

Cibler les directions métiers

Si la solution est transverse en terme de secteurs d’activités, l’approche des directions métiers peut se faire

avec l’offre cloud standard sans changement particulier. Par contre le discours commercial et marketing

devra lui être adapté. Là encore la co-construction de valeur avec des partenaires est indispensable. Aucun

éditeur ne peut avoir les compétences en interne pour adresser les différentes directions métiers.

65

3.1.4 Relations avec le client

Osterwalder définit que la relation avec le client85 peut servir trois objectifs :

Acquérir des clients

Fidéliser des clients

Réaliser des ventes supplémentaires

Il distingue ensuite 6 types de relations clients possibles pour atteindre ces buts :

Self-service, principalement via l’internet ou le téléphone

Services automatisés : ce sont des selfs services associés à des processus automatisés

Assistance personnelle

Assistance personnelle dédiée

Communautés : des communautés d’utilisateurs qui s’impliquent auprès des clients et des prospects

sur le modèle de l’Open Source

Co création de valeur entre le client et l’entreprise

Le cloud est une approche de services. Ce service est plus ou moins standardisé fonction de l’offre

proposée. Elle peut être soit très standardisée (exemple Amazon dans le IaaS) soit personnalisée

(exemple : ServiceNow, Salesforce dans le SaaS….). On trouve plus fréquemment ce cas dans le SaaS.

Le niveau de standardisation de l’offre va définir le type de relations établies avec le client.

Une approche la plus automatisée possible pour les offres standardisées

Les offres cloud les plus standards sont celles qui délivrent un service avec un minimum voire aucune

personnalisation. On trouve nettement plus ces offres dans le domaine du IaaS comme Amazon, Oodrive

etc.

Il s’agit dans ce cas de proposer une relation automatisée. La relation de type self-services et services

automatisés sera privilégiée. L’objectif est d’avoir les coûts de vente les plus bas possibles.

Pour autant cela n’empêche pas d’être dans une notion de co-création de valeur avec les clients.

Cependant celle-ci se fera de la façon la plus automatisée possible. Les moyens utilisés seront les sondages

sur internet et les réseaux sociaux pour recueillir des retours plus personnalisés.

Les canaux d’accès privilégiés avec le client seront l’internet et le téléphone si le client traite en direct avec

l’éditeur. On verra dans la partie canaux que pour ces offres, la relation avec le client peut aussi passer par

une relation indirecte avec des intégrateurs ou des revendeurs.

Les offres personnalisées : passage d’une approche vente de produits à une approche vente de

solutions

Les offres cloud nécessitant une personnalisation et une intégration au système d’information vont exiger

une vente de type vente de solutions86.

Gérald Karsenti et al indiquent dans « business model des services » s’appuyant sur les travaux de

Anderson, Narus et van Rossum (2006) qu’il existe 4 types de vente de proposition de valeur :

85

« Business model generation » Osterwalder et al 2012 P 28 86

On trouve couramment le terme en anglais « consultative selling ».

66

« Tous avantages » : lister la somme des avantages

« Points favorables de différenciation » ce qui revient à se poser la question « pourquoi devrions-

nous choisir votre société … plutôt qu’une autre »

« Résonance » : cela consiste « à identifier les points qui vont… créer de la valeur, distancier les

concurrents », ce qui revient à se poser la question « que devrions-nous garder à l’esprit à propos

de votre offre »

« Force de proposition » : chaque client « est traité de façon spécifique par le biais d’une approche

individualisée »

La vente de produits est bien souvent cantonnée à la première ou deuxième approche. On est dans une

vente dite transactionnelle, qui a pour but de réaliser une vente dans le temps le plus court possible. Cette

démarche vise prioritairement les produits banalisés. Une fois la vente faite, l’éditeur a peu d’interactions

avec le client.

La vente de solutions de services nécessite d’aller vers la troisième offre voire la quatrième offre. La vente

des services comme le dit Gérald Karsenti87 contient deux phases avant la signature du contrat afin de

convaincre le client et après la signature lors de la mise en œuvre du service. On peut schématiser ce

processus de vente de la manière suivante :

Figure 20 : les étapes d'un processus de ventes de service : G Karsenti « business model des services » 2013

Ce type de démarche demande d’adapter le profil des commerciaux.

Quelles qualités les commerciaux doivent-ils avoir pour ce type de vente ?

La vente de solution vise à comprendre le besoin client et à dégager des éléments de la proposition qui

vont engendrer des gains business importants.

Il faut donc être en mesure d’écouter et de questionner le client afin de faire émerger les attentes à

la fois pour l’entreprise mais aussi souvent pour les différents interlocuteurs à titre personnel.

Ces attentes sont à la fois conscientes et rationnelles mais, aussi dans bien des cas, inconscientes voire

irrationnelles. Le commercial doit donc non seulement savoir écouter mais aussi savoir ressentir. Il faut

comme le définit David Goleman avoir une intelligence émotionnelle.88 Ce type d’intelligence a été

formalisé à travers cette définition : « l’habileté à percevoir et à exprimer les émotions, à les intégrer pour

87

Gerald Karsenti et al « Business model des services » 2013 p 225 88

David Goleman « l’intelligence émotionnelle » 2003

67

faciliter la pensée, à comprendre et à raisonner avec les émotions, ainsi qu’à réguler les émotions chez soi

et chez les autres » (Mayer & Salovey, 1997)

Au-delà de ces deux qualités le commercial doit aussi être en mesure de présenter un gain au

minimum quantifiable à grande maille. Il doit pouvoir faire émerger un Retour sur Investissement (RSI

ou ROI89 en anglais) et un Coût Total de Possession (CTP ou TCO90 en anglais) en forte amélioration. Le

RSI détermine en combien de temps les gains générés ont couvert l’investissement. Le TCP résume

l’ensemble des coûts participant à la mise en œuvre de la solution.

Enfin les commerciaux doivent générer de la confiance aux yeux du client. Le commercial incarne

d’une certaine manière la société. Il représente la capacité de l’entreprise à servir le client, à respecter ses

engagements, à représenter la réputation de la société. Le commercial crée une forme d’intimité avec le

client.

En terme d’approche de comptes, le commercial dans une vente service est amené à parler aux

directions métiers et aux directions générales en plus de la DSI. Cela suppose que le commercial

identifie ceux-ci et développe un discours adapté. Si l’on reprend la méthode « Target Account Selling

(TAS) » de Siebel ou « Complex sales » de complex sales Inc, cela revient à identifier les différents

interlocuteurs impliqués sur le projet dans le compte en cherchant pour chacun leurs attentes

professionnelles et personnelles et déterminer quels messages on apporte à chacun.

Par ailleurs, au-delà des capacités intrinsèques nécessaires comme vu précédemment, il lui faut aussi pour

créer une intimité client connaitre le métier de celui-ci. Cette connaissance peut résulter de son

expérience commerciale. Mais la société a aussi une importante responsabilité pour former sa force

commerciale sur ce sujet.

Quels impacts ce nouveau type de ventes a-t-il sur les forces commerciales ?

Gerald Karsenti et al expliquent que dans les milieux industriels, le taux de remplacement de la force

commerciale a oscillé entre 33% et 70% 91 d’après une étude qu’ils ont menée.

Les interviews menées dans le cadre de ce mémoire mettent en évidence deux cas de figures distinctes.

Les ventes de produits complexes évoluant vers des solutions cloud, à forte valeur ajoutée

n’entrainent pas un fort turnover de la force commerciale

Pascal Colin, CEO de Keynectics (monde de la sécurité), Cymbeline Chaplin, Directrice Ebusiness de Cegid

(monde des solutions métiers) ou Gildas Leroy, VP Sales EMEA de Easyvista (solution d’ERP pour le SI)

ont tous les trois confirmé que le passage au cloud n’a pas significativement augmenté le turn-over de la

force commerciale. Par contre, un effort important de formation et de sensibilisation a été mené.

Les points majeurs de ces formations ont porté sur :

La présentation de la proposition de valeur en regard des offres classiques

La compréhension du RSI associé aux offres

L’intégration des spécificités des contrats cloud

La sensibilisation au métier du cloud en allant visiter le centre des opérations cloud et en discutant

avec ceux qui opèrent les solutions cloud

89

ROI : Return on investment 90

TCO : Total Cost of Ownership 91

Gerald Karsenti et al « business model des services « 2013

68

Aucun n’a cité la mise en place de formations métiers. Probablement un champ d’investigation à venir.

Les ventes de produits banalisés vers des solutions complexes ont un impact sérieux sur la force

commerciale

Des discussions menées avec Arnaud Haas de Steria et différentes personnes d’Orange, il apparait que le

passage aux ventes de services cloud est plus complexe dans ce cas tant d’un point de vue culturel que de

l’acquisition des qualités nécessaires à ce type de vente. Les efforts de formation sont nettement plus

importants.

Aux efforts de formation cités précédemment il faut ajouter des formations aux ventes solutions ou ventes

complexes.

Dans le cas d’organisations importantes, une solution consiste à mettre en place des commerciaux

spécialisés sur les ventes cloud qui vont, au fur et à mesure des affaires traitées, évangéliser et former par la

pratique les commerciaux produits. Pour être efficace, cette approche va nécessiter de mettre en place un

double commissionnement par nature coûteux et devoir durer entre 2 et 3 ans.

Oracle à la fin des années 90 et Microsoft au début des années 2000 ont mis en place avec succès ce type

d’organisation. Pour Oracle, il s’agissait d’évoluer des ventes de bases de données à des solutions ERP,

CRM et à des offres Middleware. Pour Microsoft, il fallait passer de la vente de la suite Office et Windows

à des solutions Dynamics CRM.

Quelles sont les bonnes pratiques mises en œuvre pour faciliter la transition d’un modèle de ventes

à un autre ?

Tout d’abord il faut garder à l’esprit que la motivation première des commerciaux est l’argent qu’ils

génèrent grâce à leurs commissions. Cela n’en fait pas des mercenaires pour autant mais ils vont aller

vendre en priorité ce qui est le plus facile à vendre pour eux et ce qui leur rapporte le plus en terme de

commissionnement.

Cela nécessite donc que dans le cas où la force commerciale vend à la fois les offres classiques et les offres

cloud que le plan de commissionnement favorise la vente de solution cloud. En effet, il ne faut pas

perdre de vue que la vente de solution cloud va demander plus d’efforts aux commerciaux. Ils maitrisent

nettement moins ces offres et elles nécessitent d’aller adresser de nouvelles personnes dans l’organisation

du client.

Easyvista, Keynectics ou Cegid ont mis en œuvre une politique de rémunération dans laquelle les

commerciaux sont commissionnés sur la vente initiale et pour certains sur le récurrent. Dans tous les cas,

les commerciaux sont rémunérés sur l’intégralité de la durée d’engagement qui est vendue dans le contrat

initial avec une limite à 3 ans d’engagement. Ainsi si la durée d’engagement souscrite est de 2 ans, le

commercial est alors rémunéré sur 2 ans.

Des coefficients de sous pondération s’appliquent ou non, fonction des sociétés au-delà de 1 an.

69

Ainsi pour l’un des éditeurs interviewés, le mode de commissionnement est décrit ci-après.

Les commerciaux sont reconnus sur le modèle classique : sur la licence mais pas sur la maintenance, soit

une base de reconnaissance de 100€.

En mode Cloud, la souscription cloud vaut 66€ par an (vs la licence à 100€). Les commerciaux sont

reconnus comme suit :

Pour la vente d’un contrat 2 ans : ils sont commissionnés à 2/3 de la valeur globale du contrat sur 2

ans, soit (66 x 2) x 2/3 = 88 € vs une vente de licence rémunérée à 100 €.

Pour la vente d’un contrat 3 ans : ils sont commissionnés à 2/3 de la valeur globale du contrat sur 3

ans, soit (66x 3) x 2/3 = 132 € vs une vente de licence rémunérée à 100 €.

Les commerciaux sont donc incités à vendre des contrats 3 ans.

Ce qui est valable pour les commerciaux de l’éditeur est aussi valable pour les commerciaux des autres

canaux de vente. Le point de la motivation des commerciaux des canaux de vente indirects sera abordé

dans la section 3.1.5 canaux.

Un dernier point doit être pris en compte pour les commerciaux de l’éditeur. C’est le cas de revente via

des canaux de ventes indirects. Pour que la synergie se fasse avec les ventes canaux indirects, il faut que les

commerciaux soient rémunérés non pas sur le prix de vente au canal mais sur le prix de vente avant

application de la marge donnée au canal.

Par exemple, si le prix de vente avant marge au canal est de 100 et que le prix de cession au canal est de

78. Le commercial doit être rémunéré sur 100.

70

3.1.5 Les canaux d’accès aux clients finaux se diversifient et l’approche vis-à-vis de ceux-ci

change

On a vu dans la section précédente que les cibles de clientèle évoluent sous deux axes:

Les personnes adressées dans l’organisation : traditionnellement la DSI et maintenant les directions

métiers

Le type de clients adressés : traditionnellement les grandes entreprises et maintenant les ETI, les

PME voire les TPE.

La sélection des canaux est donc prépondérante pour adresser ces nouvelles cibles.

Dans le modèle traditionnel, on s’adresse principalement à la DSI, donc aux partenaires qui entretiennent

des relations avec celle-ci à savoir :

Intégrateur

Cabinet de conseil qui influence le client en assistance à maîtrise d’ouvrage

Distributeur qui revend aux petits intégrateurs ou aux revendeurs qui eux même

revendent au client final.

Une approche via un modèle two tiers des PME et TPE.

A partir du moment où l’on cible des PME ou des TPE, il faut choisir les canaux de ventes qui adressent

cette nouvelle cible. Les coûts commerciaux pour l’éditeur seraient non supportables financièrement d’aller

adresser directement ces cibles.

On a ainsi vu que l’on élargit la cible de 7 000 sociétés (Grandes entreprises et ETI) à environ 200 000 si

l’on ne prend en compte que les PME et à 3 millions si on intègre aussi les TPE.

Les coûts commerciaux d’une approche directe sont inenvisageables. Cette cible achète soit comme un

particulier (si on se place au niveau d’une TPE) soit auprès d’un intégrateur (TPE et PME) à qui il sous

traite tout ou partie du système d’information.

Les canaux qui adressent cette cible sont proches d’une approche BtoC mais pas totalement. En effet, il ne

faut pas perdre de vue que la solution doit être paramétrée et intégrée au SI. Dans ces conditions, les

meilleurs moyens d’une approche BtoC pour un produit technologique avec paramétrage sont le canal

internet et/ou une approche via de petits intégrateurs.

L’approche internet va convenir à des solutions cloud public avec un minimum de paramétrage. La cible

principale est la TPE. On est dans une approche de création de la demande où le rôle du marketing va être

important. On peut imaginer, comme pour les opérateurs des centres d’appels qui vont permettre un

paramétrage basique et un site internet qui sert à la fois à l’information, la prise de commande et une aide

au paramétrage via des outils en self-service.

Pour les PME, le besoin est plus complexe. Il faut paramétrer l’application et l’intégrer au système

d’information. Leurs moyens sont cependant limités. Les intégrateurs locaux sont de bons vecteurs de

vente pour ces solutions. Ils sont proches du client qui leur sous traite tout ou partie de leur SI. On va

donc chercher à recruter ces intégrateurs locaux. On peut soit développer un recrutement par une

approche directe, efficace mais couteuse (modèle dit « One Tier ») ou par une approche via un

distributeur, qui adresse lui-même les intégrateurs qui adressent ensuite les clients finaux (modèle dit

71

« Two Tiers »). Cette seconde approche est moins coûteuse commercialement mais beaucoup plus longue.

Il faut en effet recruter les distributeurs, les former, les accompagner et que eux même recrutent les

intégrateurs qui iront alors vendre la solution.

Une approche multiple et via de nouveaux canaux

Dans le cas de l’élargissement de la cible aux directions métiers, l’approche va concerner

fondamentalement les grandes entreprises, les ETI et les grosses PME. L’approche vente directe va être

prépondérante dans ce cas. Les coûts commerciaux restent acceptables en regard du niveau moyen de

chiffre d’affaires généré par client. Par ailleurs, le cloud est encore en phase d’évangélisation auprès des

clients finaux et cela nécessite un effort commercial important. Cependant, les directions métiers sont

adressables par de nouveaux canaux qui n’existaient pas auparavant. On peut citer notamment, les

associations métiers (par exemple l’ordre des experts comptables pour les directeurs financiers) ou les

banques pour des petites structures. Cela suppose cependant que l’offre soit simple et banale comme le

précise Eurocloud dans son livre blanc de 2011 « Le Cloud et la Distribution «

Une approche des ventes encore dominée par la vente directe

Globalement l’approche vente directe reste prépondérante. Selon une étude Markess international 92de

2011, 87% des vendeurs cloud avaient une démarche directe ou hybride (directe et indirecte). En effet, le

cloud est encore en phase d’évangélisation auprès de clients finaux DSI ou direction métier. De ce fait,

l’effort visant à convaincre porte d’abord sur eux. Les canaux de ventes indirects (distributeurs, revendeurs,

SSII) ne sont efficients et ont un effet démultiplicateur de l’offre que dans la mesure où il existe une

demande non adressée. Les canaux de ventes ne créent pas la demande, il la développe, il la démultiplie93.

Par ailleurs, les éditeurs commencent à prendre la mesure du phénomène cloud. La mise en œuvre d’une

politique partenaire suppose que le modèle de prix comme on l’a vu avant soit cohérent entre les différents

canaux de vente. Ces canaux étant la revente, l’intégration, le mode solution opérée par un tiers, le mode

solution opérée par l’éditeur, le mode OEM.

Les facteurs clés de succès de la démarche partenaire

Les partenaires permettent de proposer l’offre de l’éditeur à un grand nombre de clients en rendant

variables les coûts de vente. Si le partenaire ne vend rien, cela ne coûte rien à l’éditeur, si ce n’est les coûts

commerciaux qu’il a engagé pour convaincre le partenaire de vendre la solution.

Il existe cependant une grande différence entre la vente de solution à base de licences et celle à base de

services opérés. En effet dans le cas d’une vente de licence, le partenaire doit acquérir un savoir-faire pour

installer, paramétrer, intégrer la solution au système d’information et opérer la solution. Dans le cas d’une

solution cloud, ces efforts sont moindres. L’éditeur prend à sa charge l’installation et l’opération de la

solution. Le revendeur prend à sa charge la partie paramétrage et la partie intégration au SI. La montée en

compétence est donc moins complexe, donc plus rapide et moins coûteuse.

Cela suppose aussi que le partenaire choisisse ses offres de services cloud en fonction des marchés qu’il

adresse, de la demande de ses clients, de ses compétences métiers. L’idéal en terme de valeur ajoutée est

92

Livre blanc d’Eurocloud de 2011 « Le Cloud et la Distribution « étude réalisée par Markess International p 9 93

Expérience de l’auteur

72

que l’intégrateur construise une offre globale où se mêle à la fois les offres cloud éditeurs et ses propres

prestations et/ou offre de services.

Quelle sera la plus-value des canaux ?

Comme on l’a vu dans la seconde partie, ils vont :

Paramétrer la solution

Intégrer celle-ci au SI au sens large, que les applications soient en interne ou en mode cloud.

On a cependant vu dans la section 2.1.2 que là où les intégrateurs réalisent sur une solution traditionnelle

pour 100 € de licences entre 100 et 600 € de services, pour les solutions en cloud computing, le niveau de

service oscille entre 20 et 200 € pour 100 euros de solutions Saas.

En clair, le Chiffre d’affaire réalisé par affaire va être au moins 3 fois inférieur. Donc pour que l’intégrateur y

trouve son compte :

soit le niveau de marge est significativement plus élevé

soit les coûts commerciaux c’est–à-dire les moyens mis en œuvre pour convaincre le client sont

notablement plus faibles

soit le partenaire accroît grâce à ces offres son parc de clients

soit le partenaire étend sa présence chez un même client via ces nouvelles offres.

Si on prend le point de la rémunération du partenaire, celui-ci reçoit en moyenne autour de 15 à 30% sur la

revente de solution cloud94 avec une moyenne à 22%. Pour Microsoft on est à 12% pour la vente initiale et

à 5% pour les renouvellements d’abonnements. Pour les éditeurs français interviewés, on est entre 12% et

20%.

Dans un modèle traditionnel, la marge théorique, c’est-à-dire avant remise, est entre 20% et 40% et la

marge réelle n’est presque jamais en dessous de 10%95 mais elle est en moyenne autour de 15 à 20%. On

peut donc noter que la marge réalisée sur la revente de licence est globalement un peu meilleure que dans

le modèle cloud. Cependant, dans ce dernier modèle, elle a l’avantage de la récurrence. L’effort commercial

dans le temps sera donc moindre.

Le partenaire accroit sa présence chez le client et étend son parc client : selon le livre blanc d’Eurocloud de

2011 « Le Cloud et la Distribution », celui-ci permet au revendeur, intégrateur d’accroitre sa présence au

sein du SI du client. Le partenaire devient de plus en plus un assembleur de solutions qui conseille son client

et le partenaire devient de plus en plus orienté métier puisqu’il a de moins en moins besoin de maitriser le

côté production de la solution ». En connaissant et en maîtrisant de mieux en mieux le métier du client, le

partenaire est d’autant plus à même de vendre la valeur ajoutée des solutions cloud et de pénétrer de

nouveaux clients de manière plus aisée. Cela implique en revanche de se spécialiser sur des segments de

clientèle et donc d’être moins généraliste.

94

Cf livre blanc d’Eurocloud de 2011 « Le Cloud et la Distribution « p11 95

Expérience de l’auteur

73

Une adaptation nécessaire des types de contrats passés avec les partenaires

Aujourd’hui comme le note l’étude d’Eurocloud, les contrats partenaires y compris pour le cloud sont dans

une logique classique de revente, d’apporteur d’affaire ou de marque blanche.

Les nouveaux contrats de partenariat doivent intégrer aussi une part de la rémunération basée sur d’autres

critères que le seul chiffre d’affaires, notamment :

Le nombre de nouveaux clients signés par trimestre

Le taux de départ des abonnés (Churn en anglais) afin d’encourager la fidélisation

La formation des équipes commerciales du partenaire et pas seulement des équipes techniques. On

doit aller jusqu’à la motivation des équipes commerciales via divers incentives ou un mode de

rémunération des commerciaux qui rend plus attractif la vente de solutions cloud que celles des

solutions classiques à base de licences. Cette politique n’étant possible que dans la mesure où le

partenaire l’autorise.

Sur les points juridiques à ajouter au contrat : « Le mode de facturation, la propriété des clients, le

mode de facturation du client, les relevés de consommation des clients, les niveaux de support, les

clauses de sortie, la durée des rémunérations »96 , les Service Level Agreement (SLA) garantissant

une qualité de services aux partenaires et aux clients.

Une approche différenciée des partenaires à recruter fonction de l’offre cloud

Comme l’indique la présentation du Cabinet PAD « Stratégie de partenariat des éditeurs en mode SaaS »

de novembre 2011, l’approche de vente des solutions diffère selon que l’on traite des offres volumiques ou

des offres à forte valeur ajoutée ainsi :

« - Pour les ventes simples de solutions banalisées, les fournisseurs de services Cloud vont utiliser les

marques blanches (OEM) et les revendeurs classiques pour assurer le volume mais vont aussi ouvrir de

nouveaux canaux tels que les banques, les experts comptables, les opérateurs »

- Pour la distribution de solutions à valeur ajoutée avec des ventes complexes, les fournisseurs de services

Cloud ont tendance à faire appel aux partenaires classiques : VARs, SS2I, outsourceurs, hébergeurs,

cabinets de conseil … »

On trouvera ci-dessous les principales catégories de revendeurs privilégiées par les fournisseurs de

solutions cloud computing :

Source Markess International cf livre blanc Eurocloud 2011

Figure 21 : principales catégories de revendeurs privilégiées par les fournisseurs de solutions cloud

96

Cf livre blanc d’Eurocloud de 2011 « Le Cloud et la Distribution « p7

74

L’approche OEM ou marque Blanche pour les marchés banalisés ou inaccessibles pour l’éditeur.

L’OEM (Original Equipment Manufacturing) désigne dans le monde informatique un éditeur ou un fabricant

qui fournit une solution qui est un sous ensemble d’une autre solution plus vaste.97

Le principe d’une approche OEM est de proposer la solution de l’éditeur à une cible de clients inaccessible

pour l’éditeur via sa force de vente traditionnelle ou son réseau de partenaires. Le choix de mettre en

œuvre un OEM doit donc répondre négativement à la question : « le fait de proposer l’offre en OEM

cannibalise-t-elle les segments déjà adressés par la société » ? 98

L’OEM peut cependant recouvrir deux modes de fonctionnement :

L’éditeur est invisible dans la solution globale

L’éditeur est visible dans la solution globale, par exemple le célèbre « Intel Inside »

Généralement cela influe sur le partage de la valeur entre l’OEM et la société qui propose la solution

globale.

Dans le cas où l’éditeur revend en marque blanche le partage sur le revenu généré est partagé entre 20%

et 40% pour l’OEM et entre 80% et 60% pour celui qui propose la solution globale. Les sociétés

interviewées sont dans ces ratios.

Dans le cas où l’éditeur revend en étant visible dans la solution globale, le revenu généré est partagé entre

40% et 70% pour l’OEM et entre 60% et 30% pour celui qui propose la solution globale. Les sociétés

interviewées sont également dans ces ratios. Bien souvent, la société qui revend la solution globale a besoin

de citer son OEM afin de bénéficier de sa notoriété, ce qui justifie ce partage de valeur différent.

L’avantage des solutions cloud réside dans le fait que la mise en œuvre de la solution en OEM est plus

simple puisque l’éditeur propose un sous-système complet où l’exploitation de la solution est comprise.

97

Définition d’après Wikipédia. 98

Discussion avec Thierry Rouquet : PDG d’Arkoon

75

On peut résumer l’approche des canaux selon le schéma suivant :

Figure 22: approche des canaux dans une offre cloud

Les canaux permettent donc comme dans le modèle traditionnel d’obtenir rapidement une taille critique

qui favorise l’atteinte d’un équilibre financier plus rapidement. Cependant, du fait de l’élargissement de la

cible aux PME voire aux TPE et direction métiers, le recrutement ciblé des partenaires devient encore plus

important. L’éditeur doit mener une démarche visant à identifier les segments métiers les plus intéressés

par ses offres pour sélectionner les partenaires pertinents sur les segments métiers adressés, en rajoutant

comme dimension le type de clients qu’ils adressent (grandes entreprises à TPE).

Les partenaires sont des relais importants pour adresser ces nouvelles cibles en évitant d’avoir des coûts

commerciaux trop importants en regard de la valeur des contrats générés, tout en assurant à l’éditeur une

bonne couverture des clients adressables.

76

3.2 Architecture de Valeur

L’architecture de la valeur se décline autour de 3 notions.

En premier lieu, les ressources clés à mettre en œuvre pour faire fonctionner le business model. On a

choisi de se focaliser sur les ressources de l’entreprise les plus affectées par le passage au cloud à savoir, la

recherche et développement, le consulting et le marketing.

On verra ensuite l’impact sur les partenariats clés à créer pour l’éditeur.

Enfin on analysera les indicateurs clés à mettre en œuvre pour suivre ce nouveau business model.

3.2.1 Un impact important sur la recherche et développement, le consulting et dans une

moindre mesure le marketing.

Un impact important sur le mode de fonctionnement des services de production de l’éditeur.

Un impact très important sur le fonctionnement de la R&D.

Le mode de fonctionnement de la R&D dans un modèle traditionnel suit ces étapes :

- développer les fonctionnalités du logiciel, puis à faire des tests unitaires (test sur chacune des

fonctions),

- effectuer des tests globaux (la fonction développée dans l’ensemble du logiciel). Plusieurs milliers ou

dizaines de milliers de tests, la plupart automatiques, ont été réalisés à cette étape.

- l’équipe de développement passe la main à l’équipe de test qui déroule des scénarios de tests qui

sont normalement techniques (test de charge) et fonctionnels (comment le produit est utilisé). Si

les scénarios de test sont bien conçus, ils reflètent à 80% l’usage du logiciel chez le client. Souvent

dans ces scénarios de tests, c’est plus la vision dont la R&D pense que le logiciel est utilisé que

l’utilisation réelle du logiciel qui est testée.

- la version une fois testée passe dans un programme de beta test. Cela signifie que le logiciel est

testé par des partenaires ou des clients qui sont suivis par la R&D pour avoir leur retour et

corriger les erreurs qui pourraient être découvertes.

Malgré toutes ces précautions, le temps que passe la R&D en moyenne à faire de la correction de bugs est

souvent autour de 10 à 20% du temps une fois la version commercialisée pendant les premiers mois. Cela

peut être bien plus élevé s’il s’agit d’une version majeure et que celle-ci est sortie trop précipitamment sur

le marché. Le temps passé par la R&D peut aller jusqu’à 50% de son temps dans ce cas.99 Ce mode de

fonctionnement de la R&D a un impact négatif important auprès des clients puisque la stabilité perçue de la

solution est perturbée par les bugs.

Le cloud suppose lui que le logiciel soit en permanence en état de fonctionner. Un arrêt de la solution veut

dire que tous les clients (sauf ceux qui auraient une session à part) sont non opérationnels. De cette simple

contrainte l’éditeur se doit d’avoir une qualité logicielle très élevée pour respecter les SLAs qu’il se fixe vis-

à-vis de ses clients. Cela force donc l’éditeur à changer le mode de fonctionnement et la mentalité de la

R&D. Par ailleurs dans le cas des solutions cloud, l’éditeur opère la solution, ce qui suppose d’acquérir et

de mettre en place les compétences nécessaires.

99

Expérience de l’auteur au sein de plusieurs sociétés d’édition de logiciels et discussions avec d’autres éditeurs.

77

Une organisation scindée entre la R&D et la production.

Au sein de leur organisation, toutes les sociétés interviewées ont séparé la R&D et le service de

production qui opère les solutions cloud. Dans certains cas le directeur R&D reste le directeur de

l’ensemble, dans d’autres un directeur de la production est au même titre que le directeur R&D membre

du comité de direction. Le fait que le management du service de production soit ou non rattaché au

directeur R&D est plus le fruit de l’histoire de la société et des personnalités en place qu’une volonté

ferme100. Le seul point intangible est la séparation des deux équipes. Un point ressort cependant comme le

souligne Cymbeline Chaplin de Cegid, le directeur R&D doit être pluridisciplinaire : à la fois technique et

orienté métier. Plus les équipes auront cette double compétence métier et technique, meilleure sera la

qualité de la solution et son adéquation aux besoins des clients.

L’équipe de production agit comme un censeur très nettement plus efficace que les équipes de test dans

une équipe R&D classique. Cette équipe, étant soumise à des SLA importants à respecter, ne tolère pas

des versions non stables.

Par ailleurs, comme le souligne Gildas Leroy d’Easyvista, le service de productions se dote aussi d’un

« customer care ». Ce service a pour objectif selon les organisations de faciliter la mise en œuvre de la

solution ou de développer l’usage de la solution afin de fidéliser les clients et donc de réduire le taux de

non renouvellement des contrats ou churn) et favoriser des ventes additionnelles ultérieures (Upsell).

Cegid a une organisation similaire. Ce service est non payant et est à la limite du consulting dans certains

cas. Il s’agit comme le souligne Gerald Karsenti d’un service qu’il n’est pas possible de faire payer au client.

Un changement de mentalité de la R&D d’une obligation de moyens à une obligation de résultats

Le passage d’un produit à un service impacte la mentalité de la R&D. Celle-ci était globalement dans un

esprit d’obligations de moyens dans une organisation classique. Avec le cloud, elle passe dans une notion

d’obligation de résultats. On a vu que la production agit comme une équipe de test inflexible. Par ailleurs

comme l’équipe R&D voit directement les solutions en production, les problèmes sont donc très visibles

et très concrets. Les SLA créent l’urgence. Cette urgence se transmet à la R&D. Ces évolutions entrainent

une forte industrialisation des méthodes de R&D et de production.

Une organisation services industrialisée

L’obligation de résultat, à laquelle tendent la R&D et la production, pousse à la mise en œuvre d’une

industrialisation des services.

Une R&D qui change de méthodes de travail

La plus grande urgence mise sur la réactivité et la nécessité que la production ne s’arrête pas, poussent la

R&D à rendre disponible plus rapidement des versions logicielles. Easyvista est passé d’une version

majeure tous les 15 mois à une version mineure tous les deux mois. Ainsi au lieu de sortir des versions

majeures intégrant de nombreuses fonctionnalités, la R&D a tendance à sortir des versions plus souvent

100

Cf interviews réalisées.

78

avec des ajouts plus modestes de fonctionnalités. Cela a pour avantage d’éviter des problèmes en

production.

Cela impacte également la façon dont la R&D travaille. Du fait des sorties rapprochées de versions, celle-ci

adopte, si ce n’est pas déjà le cas, les méthodes de développement agiles. Ces méthodes de développement

dont la plus connue en France est Scrum101 consiste à découper le temps de développement en phase de 2

à 4 semaines (sprint), en créant des équipes de développement de 4 à 8 personnes. Pendant ce sprint,

l’équipe de développement a un ensemble de fonctionnalités à développer. Ces fonctionnalités ont

préalablement été estimées en terme de charge par l’équipe et challengé par un responsable de

l’ordonnancement des fonctionnalités à développer (product owner) qui est souvent un product

manager102.

Ces méthodes agiles sont complétées par la mise en œuvre de tout un arsenal de techniques appelées

intégration continue. L’intégration continue consiste à s’assurer qu’une modification du code source n’induit

pas de régressions de fonctionnement du logiciel. Cela suppose de partager le code source dans un

référentiel (CVS, Subversion…), de mettre en œuvre un référentiel de tests (Junit) et un outil dit

d’intégration continue qui permet de tester le code source globalement (type Jenkins en java ou Team

foundation server en .Net). L’intégration continue permet de détecter rapidement les incompatibilités entre

les nouveaux codes et le code du logiciel au global et de façon précoce. Cela permet donc de réduire

fortement la non qualité.

Ces méthodes peuvent aussi être mises en œuvre pour du logiciel classique mais elles sont d’autant plus

adaptées pour du développement où l’obligation de résultat est de mise.

Le bénéfice au global de ces méthodes est justement de permettre de sortir des versions tous les deux

mois avec la capacité d’adapter ou de changer, entre deux sprints, les fonctionnalités qui seront

développées tout en assurant un niveau de fiabilité important.

L’enjeu technologique du multi tenancy le saint graal du cloud

On a vu dans les caractéristiques du cloud que la solution doit être « multi-tenant » pour être considérée

comme une solution cloud. Le « multi tenancy » est défini dans wikipedia comme suit : « le multi-tenant,

ou multi-entité désigne un principe d'architecture logicielle permettant à un logiciel de servir plusieurs

organisations clientes (tenant en anglais, ou entité en français) à partir d'une seule installation. Elle s'oppose

à une architecture multi-instance ou chaque organisation cliente a sa propre instance installation logicielle

(et/ou matérielle). Avec une architecture multi-tenant, un logiciel est conçu pour partitionner virtuellement

ses données et sa configuration, et chaque organisation cliente travaille avec une instance virtuelle adaptée

à ses besoins. »103

101

http://fr.wikipedia.org/wiki/Scrum_%28m%C3%A9thode%29 pour plus de détails 102

Un product manager dans une équipe R&D coordonne les efforts des équipes R&D afin de mettre en œuvre dans les délais impartis les nouvelles fonctionnalités que le comité produit a décidé de faire développer. Ce poste est donc tourné vers l’interne. Le product marketing lui est plus tourné vers l’extérieur, il compile les besoins marché pour le product manager et il transforme en proposition de valeur compréhensible par tous les fonctionnalités développées par la R&D. 103

http://fr.wikipedia.org/wiki/Multi-tenant

79

On comprend de par la définition du « multi-tenancy » que s’il est possible pour un logiciel de fonctionner

en mode multi-tenant » les coûts d’exploitation seront bien moindres qu’un fonctionnement en mode

multi-instance. C’est sur ce critère que se joue grandement la différence des coûts de production de la

solution cloud. En supposant qu’un premier niveau de mutualisation existe en virtualisant les serveurs104, on

comprend que gérer N instances différentes du logiciel avec chacune une configuration et N bases de

données coûte beaucoup plus cher qu’une seule instance avec des tenants différents et une seule base de

données où les données sont séparées.

Selon Cymbeline Chaplin ou Pascal Colin, c’est sur ce point que se joue la différence des coûts de

production entre 5 et 15% du CA en multi-tenant ou des coûts en multi-instance proches de 30% du CA.

L’écart de coût entre 5 et 15% du CA, tient au fait qu’il y a 3 grands modes de mise en œuvre du multi-

tenancy au niveau des données :

Première approche : Chaque tenant a une base de données propre. Simple à mettre en œuvre mais très

coûteux à administrer. Il y a plusieurs bases de données à administrer et par ailleurs un serveur physique

donné peut supporter un nombre limité de base de données.

Deuxième approche : une seule base de données et chaque tenant se voit allouer dans la base de données

un ensemble de tables. Cette approche est appelée « shared database, separated schemas ». L’avantage est

que l’on peut supporter plusieurs tenants par base de données. C’est un schéma technique facile à mettre

en œuvre mais il se fait avec une sécurité relative des données entre les tenants.

Troisième approche : on utilise une même base de données et les mêmes tables pour stocker les

informations des différents tenants. Chaque information dans une table a un numéro de tenant qui lui est

attaché. Cette approche est appelée « shared database, shared Schema ». Cette solution a un très

important avantage car les coûts d’exploitation sont faibles, l’augmentation des volumétries est

parfaitement gérée, la sécurité est assurée grâce au fait que chaque information est reliée à un numéro de

tenant spécifique, empêchant ainsi qu’un autre tenant ait accès à cette information. En revanche les

développements à faire par la R&D sont plus complexes donc plus coûteux et plus longs à mettre en place

et les opérations de sauvegarde et restauration des données sont plus complexes.

Ces trois approches peuvent être schématiquement résumées ainsi :

Source : Microsoft105

Figure 23 : approche haut niveau du "multi-tenancy" PaaS ou SaaS

104

La virtualisation consiste à voir un ensemble de ressources physiques (serveurs, mémoire, espace disque) comme une seule entité logique que l’on peut partager à loisir en plusieurs sessions virtuelles ou virtual machine en anglais 105

http://msdn.microsoft.com/en-us/library/aa479086.aspx#mlttntda_topic2 « Multi-Tenant Data Architecture » Microsoft

80

Source e-com canada inc 2011/06 Sri Prakash106

Figure 24 : Approche détaillée du "multi-tenancy" PaaS ou SaaS

La sécurité un incontournable du cloud

Un des freins à l’adoption du cloud est la sécurité. Ainsi Markess International 107indique que c’est une des

cinq raisons du choix d’une solution cloud, pour Romain Hennion et al c’est un des six risques du cloud.

Pour simplifier, la sécurité peut être centrée sur deux enjeux majeurs :

La confidentialité des données et des processus pour les solutions SaaS

L’autorisation d’accès par une personne habilitée à l’application

La confidentialité des données peut se traiter comme on l’a vu en 2.3.2 de plusieurs façons avec des coûts

de production en décroissance et une sécurité qui varie aussi :

Des serveurs séparés avec pour chaque serveur une session et une base spécifique.

Des serveurs mutualisés, des sessions différentes avec des bases séparées à chaque fois

Des serveurs mutualisés, des sessions différentes partageant la même base, l’intérêt est de

mutualiser et de privilégier la montée en charge avec un bon niveau de sécurité mais

forcément moindre que si tout était séparé. C’est comme on l’a vu l’enjeu du multi-tenancy

Evidemment la question est essentiellement économique et là concrètement en matière industrielle la

troisième option est celle qui a la meilleure rentabilité.

106

Sri Prakash « Multi tenancy in cloud » http://ecomcanada.wordpress.com/2011/06/29/multi-tenancy-in-cloud-computing/ 107

Markess International « Externalisation des infrastructures IT avec le cloud computing » 2013 p 12

81

L’autorisation d’accès et l’authentification est un point bien balisé.

La norme iso 27000108 (qui est une norme pour vérifier son niveau de sécurité) détaille bien ces aspects.

Elle peut faire l’objet d’une certification pour l’éditeur. En synthèse, il faut s’assurer que :

la connexion entre le client et le site internet de l’application est sécurisé

la personne qui s’identifie est authentifiée (c’est bien la bonne personne)

la société est bien protégée contre l’intrusion (que cela soit par déni de services ou des attaques

applicatives)

on doit pouvoir garantir que la personne accédant à l’information est authentifiée (on sait qui

accède), qu’elle est autorisée à y accéder, que l’information est intègre (on garantit sa non

modification) et non répudiable (on ne peut pas nier que l’on a accédé à l’information).

Dans un futur proche, la question de la sécurité du cloud sera bien prise en compte. Ainsi, une norme iso

est en préparation pour le cloud mais elle ne sera pas opérationnelle avant 2016. Les éditeurs Français

travaillent au développement d’une certification dite « Cloud confiance » afin d’assurer que les éditeurs

respectant ces règles soient labélisés afin de le mettre en avant comme un avantage concurrentiel.

Industrialisation du service :

La mise en œuvre d’une organisation de production de services suppose une démarche industrielle de

service. Si le nouveau service production qui est créé au sein de l’entreprise en est la conséquence dans

l’organisation, cette démarche d’industrialisation concerne aussi en partie le reste de l’entreprise.

Karsenti et al (2013)109 définissent une approche dite « blueprinting » qui a pour objectif d’industrialiser

l’approche service. Cette approche permet de « décrire [...] les étapes d’un service d’un point de vue des

clients », d’identifier les problèmes dans la mise en œuvre du service, de décrire les processus qui

interviennent dans le service de façon simple et graphique.

108

Iso27000 : est une norme de sécurité de l'information publiée conjointement en mai 2009 et révisée en 2012 par l'Organisation internationale de normalisation (ISO) et la Commission électrotechnique internationale (CEI, ou IEC en anglais), 109

« business model des Services » Karsenti et al 2013 p 202

82

On trouvera ci-dessous une matrice du « Blueprinting « avec les différentes étapes à analyser :

source modèle adapté service blueprinting : Karsenti et al 2013 " business model des services " Figure 25 : matrice "blueprinting" Karsenti et al d’industrialisation des services

En utilisant cette démarche, l’entreprise est en mesure de mettre en œuvre le service en gardant à l’esprit

la valeur délivrée au client.

Une des préoccupations majeures, comme le souligne Gerald Karsenti, est de trouver un équilibre

entre « l’exigence interne (de rentabilité) liée à la production des services et le besoin de s’adapter en

permanence aux besoins (spécifiques) des clients ».

Du point de vue du service de production, en tant que tel, l’industrialisation va demander de répondre à la

question suivante : doit-il monter toute la structure visant à mettre en œuvre la solution lui-même ou doit-

il la monter avec des partenaires clés ?

Dans le cas du IaaS la réponse est simple. Il doit monter la plateforme par lui-même. Si l’on regarde les pure

player, Cloudwatt (actionnaires Orange et Thales) ou Numergy (actionnaires SFR et Bull) la plate-forme

est leur propre plateforme.

Pour un éditeur PaaS ou SaaS la question a un vrai sens.

L’intérêt de monter la plateforme de production avec un partenaire IaaS pour toute la partie infrastructure

permet un go-to-market très rapide surtout que l’offre est très large. La contrepartie est qu’il faut choisir

un partenaire avec une bonne pérennité, l’éditeur est dépendant des SLA du partenaire et cela a forcément

un coût. Ce point sera étudié en 3.2.2 si cette option est choisie.

A l’inverse l’option de faire cela en interne génère un coût initial d’investissement, de mise en œuvre et

d’expérience à acquérir. Par contre l’option de tout faire en interne permet une maitrise totale du service.

L’éditeur peut espérer améliorer la marge à terme en optimisant les coûts de production. Cegid a choisi un

mode tout interne par exemple. A l’inverse, UserCube110, qui est un jeune pure player ou Easyvista ont

choisi l’externalisation. De façon empirique plus la société est petite, plus elle aura tendance à choisir

l’externalisation pour des raisons de coûts initiaux de mise en place de l’infrastructure et de « time-to-

market ».

110

Solution qui permet la gestion informatique des personnes dans l’entreprise (PDG Christophe Grangeon)

83

Au-delà de cette question, il va falloir mettre en œuvre tout un ensemble de procédures pour assurer la

production et tenir les SLA définis. Au-delà de la simple capacité à opérer, cela nécessite la mise en place

d’un outillage de supervision d’un point de vue technique et l’organisation humaine nécessaire pour assurer

un suivi 24h/24 et 7j/7. L’objet de ce mémoire n’est pas d’entrer dans le détail sur tous ces aspects.

Un impact sur le fonctionnement du consulting très limité.

On pourrait penser que le passage de la R&D d’une mentalité d’obligation de moyens à une obligation de

résultats ainsi que la création d’un service production ait aussi le même impact sur le consulting.

Il ressort des interviews que ce n’est pas le cas sur ce point, ce pour deux raisons.

Premièrement la mise en œuvre des solutions est largement sous traitée aux partenaires (87% des acteurs

cloud ont une stratégie partenaire, pour mémoire cf étude Markess 2013). De facto le consulting de

l’éditeur intervient en mode expertise sur l’architecture, les bonnes pratiques etc …. Il n’est donc pas

envisageable de prendre des obligations de résultats lorsque l’éditeur ne réalise qu’une faible part de la

prestation. Cette position est confirmée par Gildas Leroy ou par Christophe Grangeon PDG de Usercube.

Deuxièmement, d’un point de vue juridique les éditeurs ne souhaitent pas prendre des forfaits d’intégration

pour leurs clients car cela peut faire peser des risques sur la société par l’application des pénalités. Dans ces

conditions et disposant d’une solution via les partenaires, les éditeurs ne prennent pas d’affaires en

forfait.111

Un impact sur le marketing limité mais de nouveaux champs à venir.

L’impact sur l’activité du marketing est selon les différentes personnes interrogées relativement faible dans

les premières années.

Les activités principales, dont la mise en œuvre a été citée, sont les suivantes :

Création de formations expliquant la valeur ajoutée des offres pour l’externe et pour l’interne

Mise en place d’outils de CTP (Coût Total de Possession). Pour mémoire ces CTP ont été calculés

sur 3 ans, qui est la durée maximale d’engagements demandée aux clients. Ces CTP font ressortir

une baisse de 25% à 30% en moyenne s’il n’y a pas de migration de données et de 15% s’il y a en a

une112. Cet outil est indispensable car le client compare toujours la solution cloud par rapport à la

solution en mode licence opérée au sein de l’entreprise. Pour certains éditeurs le travail sur le CTP

a aussi été fait en comparaison avec les offres concurrentes en cloud.

Mise en place d’outil de ROI. L’idée étant de montrer que le Retour sur investissement est rapide,

en général autour de huit mois à un an.

On peut cependant aller plus loin que ces actions notamment sur quatre axes :

La segmentation client

Le discours métier

La formalisation des programmes de partenariats adaptés aux canaux pour vendre les offres cloud.

Le développement d’un marketing relationnel

111

Un forfait est un mode de contractualisation dans lequel l’entreprise prend une prestation pour un prix donné. Ce forfait est assorti d’un périmètre et de pénalités en cas de non-respect des délais ou de non réalisation du périmètre technique et fonctionnel de la prestation. 112

Entretien avec Pascal Colin et Gildas Leroy

84

Le marketing comme un acteur de la segmentation client

On a vu qu’il était nécessaire de segmenter la clientèle plus finement car les offres de services doivent être

adaptées en terme de proposition de valeur. Parmi les éditeurs interviewés seul Cegid pratique cette

approche. Or comme l’explique Gérald Karsenti il est nécessaire dans le service « de choisir ses segments

de marché pour lesquels l’entreprise est la plus efficace et la plus compétitive. En couvrir plusieurs implique

généralement de définir un socle de base qui rassemble les fonctionnalités les plus attendues de tous puis

un système d’options à la carte.»113. Clairement, cette démarche pourtant importante est faite de façon

empirique voire au gré des affaires commerciales qui se présentent.

Le marketing doit porter les discours métiers

Une fois les segments de clientèles définis, le marketing doit participer à la présentation des offres cloud

selon les métiers abordés. Il s’agit de présenter la proposition de valeur sous l’axe des métiers visés. Là

aussi, aucun éditeur interviewé, sauf Cegid ne pratique cette approche. Il est à noter que cette approche

peut être menée, et le sera probablement, par le marketing en collaboration avec les partenaires qui ont

eux intérêt à développer leurs compétences métier, comme on a vu précédemment.

Le marketing comme vecteur de développement des partenariats

Les éditeurs ont traditionnellement mis en place des programmes partenaires pour vendre les licences.

Dans la plupart des cas, ces programmes partenaires sont à 3 niveaux. Plus le niveau est élevé plus le

partenaire doit former de consultants techniques, ils paient ou non un droit d’entrée annuel (fees) et il

bénéficie en contrepartie de remises sur les licences, sur la maintenance, sur les services de plus en plus

importantes. Ces programmes s’accompagnent de référencement voire de mise en avant du partenaire sur

le site web, d’un accès à un portail partenaire intégrant de la documentation et des supports marketing

divers.

Comme on a vu dans la section 3.1.5 canaux, le programme partenaire va évoluer juridiquement.

L’accompagnement aux partenaires aussi. Le marketing va pouvoir proposer les matériels créés pour les

offres cloud (CTP, ROI, proposition de valeur, voire discours métiers). Cependant, il est plus que probable

que, faute de compétences sur ce dernier point, il soit en co-création marketing sur les aspects valeur

métier. Cette co-création se concrétisera via des supports documentaires communs (livres blancs,

présentations), par la mise en œuvre de séminaires réguliers via le web (webinar), via des démonstrations

live permettant de voir la solution dans le contexte métier du client.

Le développement d’un marketing relationnel

In fine le marketing va développer une approche vis-à-vis des clients et des prospects de relations

individualisées, durables avec des moyens de communication divers mais cohérents. L’objectif étant de

porter des messages personnalisés, qui comme le précise Gerald Karsenti, vont permettre « de créer ou

d’entretenir… une attitude positive à l’égard des produits et services » de l’éditeur. Si on associe la

segmentation client à un marketing ciblé, il est alors possible de soutenir les efforts des commerciaux.

L’idée est de cibler les actions selon la loi de Paretto114 sur les 20% de clients qui génèrent 80% du chiffre

d’affaires.

113

Gerald Karsenti et al « le Business Model des services » p 121 114

La loi de Paretto est une théorie qui indique que 20% des clients contribuent à 80% du chiffre d’affaires

85

On peut synthétiser les impacts présentés via le schéma suivant :

86

3.2.2 Des partenariats clés importants

Un partenariat d’un nouveau genre avec l’Open Source.

L’objectif pour un éditeur visant à créer des alliances avec des partenaires clés consiste à optimiser le

modèle d’affaire, à réduire le risque ou à acquérir des ressources. C’est la réponse au dilemme entre

« make » (faire soi-même avec les risques associés en terme de non réussite, temps passé, coûts mais

marge importante en cas de réussite) ou « buy » (aucun des risques évoqués mais marge moindre).

Comme l’a indiqué Mme Lehmann Ortega lors de son intervention sur l’innovation stratégique à HEC 2013,

nous sommes dans une économie en réseau où la coopération est source de valeur. L’entreprise devient

donc ouverte. Elle ne crée pas tout par elle-même.

Dans le cas des éditeurs cloud, les principaux partenariats, si l’on met de côté les aspects canaux de vente,

sont des partenariats autour de la technologie.

L’évolution majeure pour les éditeurs est l’apparition de l’Open Source et des communautés Open Source.

On a vu dans la section 2.3.2 que le modèle Open Source ou libre est défini par François Elie dans

«Economie du logiciel Libre » comme «un logiciel dont l’auteur a rendu les secrets de fabrication (code

source) librement accessibles et librement réutilisables». Les développeurs le font soit pas plaisir soit pour

la reconnaissance ou pour l’argent. Ils se regroupent par ailleurs en communautés (on peut citer Apache,

OW2, Eclipse …). L’objectif est comme le rappelle le CNLL115 de « construire un patrimoine de

connaissance sous forme de code source »

Pour le cloud et spécialement dans le cadre de la Recherche et Développement (R&D), cela a un impact

important. La R&D peut ainsi bénéficier d’avancées technologiques qu’elle n’a pas créées elle-même.

Cela suppose de faire attention au type de copyleft116 qui est lié au code source qui est pris dans l’Open

Source pour l’incorporer dans la solution cloud et de bien documenter ce qui est du domaine du libre et ce

qui est du domaine propriétaire dans le code global de la solution en cloud. Une fois ces précautions prises,

il existe une forme de partenariat non conventionnel qui s’établit entre l’éditeur et le monde Open Source.

Il ne s’agit pas d’un partenariat classique. Il n’y a pas de contrat signé, de relations pluriannuelles définies

mais les règles énoncées ci-dessus sont à respecter. Ainsi 65% des éditeurs utilisant de l’Open Source

reverse du code à la communauté du logiciel libre tout en bénéficiant de celui des autres participants117.

Donc tout ce qui est mutualisable et qui ne participe pas au cœur de la valeur de l’éditeur peut être partagé

afin d’économiser des coûts de développement.

Pour les éditeurs PaaS et SaaS un partenariat clé avec les opérateurs IaaS.

L’autre partenaire clé pour un éditeur PaaS ou SaaS, s’il n’a pas décidé de faire lui-même sa plateforme

cloud, est le fournisseur de solution IaaS qui lui permet de disposer d’une infrastructure de production

stable, flexible et pérenne. Le choix du fournisseur IaaS pour l’offreur de solution PaaS ou SaaS est

important voire crucial. Il existe à ce niveau en France une multitude d’offreurs nationaux ou

internationaux. En fonction des impératifs de coûts, de niveaux de service, de territorialité des données, de

réversibilité des données le choix se portera sur un offreur ou un autre.

115

Commission Nationale Du Logiciel Libre (CNLL) dans sa présentation « Panorama de l’Open source en France « 2011 p 18 116

Voir section 2.3.2 pour une définition détaillée. 117

Source CNLL

87

On trouvera ci-dessous une cartographie des acteurs du IaaS en France selon l’étude Markess118 . Cette

cartographie permet à l’éditeur de faire un choix selon l’offre de service voulue et la couverture territoriale

de l’hébergeur IaaS :

Source Markess International

Figure 26 : choix de partenaires IaaS pour un éditeur PaaS ou SaaS

L’analyse des ressources clés qui vont être impactées chez l’éditeur est un point important. Il va ensuite

s’agir de pouvoir suivre ce nouveau modèle d’affaires avec des métriques adaptées.

118

Etude Markess « Externalisation des infrastructures avec le cloud computing Approches, ROI & tendances 2015 » 2013.

88

3.2.3 La mise en place de nouveaux indicateurs

Les indicateurs traditionnels pour mesurer la santé financière d’un éditeur sont classiquement la croissance

du chiffre d’affaires en licences et la part en pourcentage des services de maintenance. Le premier

indicateur permet de savoir si la société gagne des parts de marché et la seconde permet de connaitre la

part du business récurrent. Il y a évidemment d’autres indicateurs notamment la marge, les coûts de ventes,

du marketing etc…. Cependant, ceux qui à terme donnent une vision du développement de la société sont

les deux premiers indicateurs cités.

Dans le cas des services cloud, les indicateurs sont différents pour mesurer la santé de la société à terme.

En effet le client prend une souscription dont le paiement est mensuel. La valeur réelle du client se révèle

sur la durée et la valeur du client peut devenir très importante s’il étend l’usage de la solution et qu’il utilise

l’application de nombreuses années. A l’inverse si le client est insatisfait il peut aussi de désengager

rapidement.

De ce fait, contrairement au modèle de vente licences il y a trois points importants à regarder :

l’acquisition d’un client

le fait de garder le client le plus longtemps possible

faire en sorte qu’il étende l’utilisation de l’application pour générer le plus haut niveau de chiffre

d’affaires

Il faut définir de nouveaux indicateurs. On peut d’ailleurs utiliser les indicateurs des modèles d’affaires

Open source, qui en terme de flux de revenus et de gestion des clients sont proches des modèles

d’affaires cloud pour répondre à ces questions.

Les deux premiers indicateurs clés sont :

• CAC – Customer Acquisition Cost : coût d’acquisition d’un nouveau client. Il est calculé en fonction des

coûts marketing et commerciaux pour obtenir la signature d’un nouveau client. Idéalement, un nouveau

client doit être amorti sur une durée inférieure à un an afin de pouvoir réaliser des bénéfices sur cette

période. M Causse de PAD indique ainsi que celui-ci doit être inférieur à 30% du CA, cependant on peut

voir en prenant les comptes de résultats de Salesforce ou Successfactor 119 que le CAC est plus proche de

66% du CA annuel.

• CLTV - Customer Lifetime Value est le chiffre d’affaires généré par un client durant la durée de son

contrat. Il est calculé sur la base du revenu mensuel généré par un client.

Dans son étude120 David Skoke indique que suite à un travail avec différents éditeurs, il en a tiré

deux indications empiriques pour savoir si un modèle d’affaire Cloud est viable :

119

Salesforce : leader mondial du CRM en mode cloud, Successfactor racheté par SAP est un des leaders du cloud dans le domaine de l’analyse de la performance. Comptes de résultats 2012 120

« SaaS Metrics 2.0 – A Guide to Measuring and Improving what Matters » Davis Skoke 2013/01. Pour aller plus loin : http://chaotic-flow.com/saas-metrics-joels-magic-number-for-saas-companies/ Et http://chaotic-flow.com/saas-metrics/

89

Figure 27 : indicateurs de suivi : CAC et LTV

Cela ne signifie pas que ceux qui ne respectent pas ces ratios ne réussiront pas. Mais cela veut juste dire

que le temps requis pour devenir rentable sera être long. Or le coût des capitaux pour un éditeur en phase

de développement est élevé (le revenu attendu par l’investisseur étant couramment entre 30 et 40% par

an121)

A ces deux notions, il faut ajouter un indicateur additionnel que l’on peut décliner sous deux formes,

fonction de la manière dont les revenus sont encaissés : Le MRR (Monthly recurring revenue) si les

contrats sont sur une base mensuelle ou l’ACV (Annual Contract Value) si les contrats sont encaissés sur

une base annuelle.

MRR -Monthly Recurring Revenue ou revenu mensuel récurrent signé. Il s’agit « du revenu moyen par

client ». Cet indicateur « permet de mesurer l’évolution des revenus de l’entreprise par addition des

contrats existants, des renouvellements d’abonnement, de l’upsell (adoption de nouvelles fonctionnalités

payantes par les clients) et des nouveaux contrats. »122.

L’ACV se mesure de la même manière mais sur une base annuelle.

Le MRR est affecté par deux variables majeures ;

les nouvelles ventes qui affectent positivement celui-ci

le churn ou pourcentage de non renouvellement qui l’affecte négativement

Le Churn ou taux d’attrition est le pourcentage de baisse des revenus mensuels qui est lié au nombre

de clients perdus. La maitrise du Churn est importante. Selon l’étude de l’AFDEL « une baisse de 20% par

an entraîne une division du MRR par deux en trois ans » ce qui est fatal à l’éditeur. La rupture des contrats

par les clients est généralement due aux problématiques suivantes :

problème de rapport qualité / prix,

interfaces trop complexes pour les utilisateurs

problèmes d’indisponibilité de la solution.

David Skoke fixe un indicateur complémentaire afin de voir si l’éditeur est en expansion ou pas

121

Cf interview avec ACE management et d’autres fonds d’investissement. 122

Etude AFDEL : « Etude des spécificités du marché du SaaS en France »

90

le « Net MRR ou Net ACV, qui est défini ainsi :

Source david Skoke

Figure 28 : définition du Net MRR ou Net ACV

On peut dès lors suivre ces trois composantes sous forme d’un graphique sur une période considérée, qui

permet de savoir quelles composantes du MRR évoluent dans le bon sens. Il s’agit ici selon l’expérience de

David Skoke, des indicateurs les plus importants pour suivre la santé de l’éditeur.

Source David Skoke

Figure 29 : indicateurs MRR détaillés

Par ailleurs David skoke a déterminé de façon empirique que le taux de Churn détermine à terme la taille

maximum du business atteignable par la société. La société se dirige, fonction du taux de Churn vers une

asymptote de revenus. Il définit ainsi, pour une société donnée, la croissance du revenu sans Churn et avec

Churn ce qui donne le tableau suivant :

91

Source David Skoke

Figure 30 : impact du Churn sur l'Annual Recurring Revenue

La réduction du Churn est donc un enjeu crucial. Le taux de Churn maximum pour que la société soit

rentable varie d’une société à une autre car il dépend de la marge générée en pourcentage sur le chiffre

d’affaire123. M René Causse de PAD indique dans sa présentation de 2011 que ce taux de Churn doit être

impérativement inférieur à 12%. Pour Cegid celui-ci est à 3,5 %. David Skoke indique lui qu’au-delà de 2%

de Churn sur le revenu mensuel, il y a un réel problème. Ainsi, Avec un taux de churn de 2% mensuel,

l’éditeur perd au global 22% de son CA annuel.

La société peut agir sur le Churn de 4 manières :

En améliorant les facteurs générant du Churn

o en optimisant le rapport qualité / prix,

o en rendant le logiciel le plus simple possible pour les utilisateurs

o en réduisant le temps d’indisponibilité de la solution.

En faisant en sorte que le client s’engage sur des périodes longues : 1 an au moins ou bien pour une

plus longue durée comme 3 ans voire 5 ans, avec idéalement un paiement global en début de

contrat en contrepartie de remises sur le prix. Ce modèle d’engagement est courant chez un

éditeur Open Source, qui de ce point de vue fonctionne comme un éditeur cloud. Cette démarche,

même si elle n’est pas dans l’esprit du cloud, est commercialement efficace. Ainsi selon les

personnes interrogées on atteint jusqu’à 50% des ventes en nombre de clients en mode 3 ans.

En réalisant des études de satisfaction régulières afin de détecter les clients qui sont insatisfaits

donc susceptibles de résilier. On peut dès lors concentrer les efforts de la cellule de suivi client

pour améliorer l’indicateur de satisfaction et alerter la force commerciale.

En analysant comment la force commerciale vend la solution, notamment si elle survend les

bénéfices attendus de la solution.

123

Source David skoke même article

92

Un autre axe d’analyse intéressant consiste à suivre le pourcentage de clients qui demeurent fidèles à la

solution à travers le temps. Ce type d’analyse permet de savoir si pour un groupe de clients donnés, acquis

un mois donné, le taux de Churn se stabilise dans le temps. Cette analyse permet aussi de savoir si on

améliore le taux de rétention des clients au fil du temps. Ci-dessous un exemple fournit par David Skoke :

Figure 31 : analyse du pourcentage de clients demeurant fidèles à la solution à travers le temps

Cette analyse permet ensuite de réfléchir sur les causes du Churn.

David Skoke indique une dernière notion qu’il appelle le « négative Churn » qui se définit de la manière

suivante :

Figure 32 : définition du negative churn

Concrètement et toujours de façon empirique, si l’augmentation des ventes sur les clients existants

(l’upsell) dépasse le montant des ventes perdues sur une base mensuelle, alors l’asymptote sur les ventes

liées au taux de Churn disparait. David Skoke indique ainsi que les ventes peuvent atteindre trois fois le

niveau de CA à l’asymptote.

Comme on peut le voir, l’analyse d’un modèle d’affaires Cloud nécessite des indicateurs différents des

traditionnels indicateurs pour un modèle d’affaires à base de licence.

Nous allons maintenant analyser l’impact sur l’équation de profit de tous ces éléments

93

3.3 Equation de Profit

Denis Dauchay124 définit l’équation de profit comme la capacité d’un modèle d’affaires « à créer

effectivement du profit ». Cela se traduit par la différence entre les revenus de l’entreprise et les « coûts

attachés aux opérations de la chaine de la valeur.».

Pour explorer l’équation de profit, on va prendre l’exemple d’un éditeur qui a mené l’opération de

transformation de son modèle d’affaires vers le cloud : Easyvista. Ses comptes étant publics car la société

est cotée l’analyse est relativement plus aisée. Dans une seconde partie, on va généraliser le modèle et

examiner les impacts sur le compte de résultat d’exploitation de différentes hypothèses de structures de

coûts et de rapidité d’évolution du modèle de revenus.

3.3.1 Un exemple réussi de passage au cloud : Easyvista

Easyvista est une société d’édition dans le domaine de l’ITSM ( IT service management). La société réalise

en 2008 un chiffre d’affaires de 11,3 Millions d’Euros en progression de 2 % par rapport à 2007 et avec un

résultat net négatif de 1,3 M€. Les ventes à l’étranger représentent 1,9 ME soit 17% du CA . Les filiales

sont en Espagne, Italie, Royaume Uni, Portugal, Etats Unis. Les activités des filiales ne sont pas rentables et

la société mère doit supporter les pertes qu’elles génèrent

Les activités de la société sont centrées sur l’activité logicielle.

La société décide en 2009 de faire un virage radical vers le cloud. Ce virage est décidé du fait de sa position

de challenger au niveau mondial face à des sociétés telles HP qui a racheté Peregrine, BMC, ou ServiceNow.

L’objectif est pour Easyvista de disposer d’une offre différenciante vis-à-vis de ses concurrents. Par ailleurs ,

dès cette époque l’équipe dirigeante suppose que le logiciel en service opéré va se développer. La société a

une forte culture de solution à valeur ajoutée et a mis en œuvre dès les années 2000 une solution en mode

web pour quelques centaines de clients.

On trouvera ci-dessous une analyse du Chiffre d’affaires de 2009 à 2012 et des principaux chiffres clés : 125

124

Denis Dauchay « 7 étapes d’un business model solide » 2010 p 87 125

L’ensemble des données sont consultables sur le site d’Easyvista : http://www.easyvista.com/fr/societe/investisseurs/documents/

94

Figure 33 : comptes de résultats simplifiés et backlog SaaS d'Easyvista de 2008 à 2012

Figure 34 : indicateurs clés pour l'analyse des résultats

Quels sont les impacts du passage au cloud sur le compte de résultat

Si on analyse, on note une baisse du chiffre d’affaires de 19% entre fin 2008 et fin 2010 et une baisse des

charges d’exploitation de 15% sur la même période .Le résultat d’exploitation apparait en perte cumulées

de 1,5 M€ sur la même période.

Cependant dans le même temps la variation en fonds de roulement devient négative. Ce qui signifie que

l’activité génère une trésorerie positive forte. Par ailleurs, on peut analyser que le CA SaaS passe de

presque rien en 2009 ; année du lancement des solutions ( backlog à 200 ke ) ; à 11% du chiffre en 2010 (

augmentation du récurrent de 34% en 2009 à 45% en 2010 ( on suppose que les maintenances n’ont été

que faiblement affectées par ce mouvement vers le SaaS).

Par contre on observe une baisse des capitaux propres de 4,3 ME à 3 ME principalement du fait des pertes

de l’exercice et du report à nouveau ( 2,5 ME).

Comment est-ce explicable ?

Une bonne maîtrise des coûts

95

En fait la R&D a mené le projet de passage au cloud en restant avec des coûts stables (autour de 1,1 ME par

an. 126 ). Dans le même temps la mise en oeuvre de la production a bénéficié des expériences antérieures

de Easyvista dans le domaine. On constate aussi que les investissements restent faibles ( flux nets de

trésorerie liés aux investissements stables). La société a fait appel principalement à des couts externalisés

(hébergeur IaaS) et a redéployé des personnels pour étoffer le service de production préexistant. De son

côté le marketing a vu ses moyens augmenter passant progressivement de 4% à 5% du CA en 2009 /2010 à

près de 9% en 2012.

Pour autant, l’ensemble des coûts ont été réduits de 15% entre fin 2008 et fin 2010. Cette réduction est liée

à 70% à la compression de frais de personnels 4 en France et des coûts commerciaux notamment dans les

filiales. Ainsi dans les comptes consolidés de 2009 il y a 27 personnes dans les filiales et 23 en 2010.

Si les couts ont été contrôlés le passage au cloud a entrainé une baisse du CA.

Cela est dû au fait que tout ce qui est vendu n’est pas reconnu sur l’année en cours. Le corollaire est

l’explosion du backlog qui passe de 0,2 M€ en 2009 à 1,6 M€ en 2010 et près de 8,2 M€ en 2012.

Cela a pour conséquence de faire plonger les résultats de -0,2 M€ en 2009 à -1, 3 M€ en 2010 et

-1, 27 M€ en 2011.

Une évolution très positive du BFR grâce à une politique commerciale judicieuse

La société n’est cependant pas en danger. On constate que la variation du besoin en fond de roulement (

qui mesure le besoin additionnel en trésorerie pour financer l’activité) devient fortement négatif ( -1,3 M€

en 2010, -1,4 M€ en 2011). Cela signifie que l’activité génère de plus en plus de cash et ce même si le CA

baisse de 3,9% entre fin 2009 et fin 2011. Cette performance va à l’encontre de ce que l’on peut penser sur

les besoins en financement d’une activité cloud. En effet, on engage les coûts à T0 et on encaisse des

revenus étalés dans le temps. Le retour à zéro du CAC (Client Acquisition Cost ) étant on l’a vu dans les

indicateurs à près de 12 mois .

La solution a consisté à mettre en place un modèle commercial dans lequel les clients au maximum sont

incités à prendre un engagement sur 3 ans et à payer à terme à échoir ( donc tout de suite) un an minimum

de service en contrepartie de remises commerciales. Cette décision est la clé ici d’un passage réussi au

cloud en terme de trésorerie.

126

Source comptes sociaux Easyvista 2009, 2010

96

Le risque d’obligation de recapitalisation est finalement le risque majeur d’un point de vue financier

Les sociétés ( SARL, SAS, SA) ont l’obligation de recapitaliser si les capitaux propres de la société sont

inférieurs à la moitié du capital social. Les capitaux propres127 sont égaux à la somme :

des apports ;

des écarts de réévaluation ;

des bénéfices autres que ceux pour lesquels une décision de distribution est intervenue ;

des pertes ;

des subventions d'investissement ;

des provisions réglementées.

En cas de non recapitalisation la société peut être dissoute. Les actionnaires ont l’obligation de le faire sous

peine de sanctions pénales. La société pourra décider soit de dissoudre la société, soit de maintenir son

activité en régularisant la situation (diminution du capital social reconstitution des capitaux propres.).

Ainsi en 2009 Easyvista a des capitaux propres de 4,3 M€ pour un capital social de 2,9 M€. A fin 2012,

Easyvista a des capitaux propres à 985 K€ pour un capital social à 2,9 M€. Cela signifie qu’en 2013 la

société a du se recapitaliser impérativement.

Easyvista a cependant une visibilité forte sur son activité à terme.

Le récurrent de la société passe de 34% en 2009 à 63% à fin 2012. Les ventes de licences s’amenuisent

entre 2008 et 2012. Elles passent de 5,1 M€ à 2,6 M€. De ce fait les nouvelles maintenances générées

diminuent et la part des maintenances accumulées s’érodent naturellement.

Ce qui signifie par contrecoup que la part du Saas augmente dans le récurrent entre 2009 et 2012 de

presque 0% à près de 29% du CA. Le cercle est donc très vertueux et continuera sur les années à venir. Ainsi

Easyvista a annoncé début avril 2014 ses résultats préliminaires avec un backlog SaaS en hausse de 33% à

presque 11 M€ et un Chiffre d’affaires en hausse de 20 % à près de 14,7 M€. La part du récurrent dans le

CA passe de 63% à 66%. La différence entre la hausse de CA et la hausse du récurrent venant du fait que

l’action de migration des clients « mode licence » au mode SaaS impacte les revenus de maintenance qui

sont comptabilisés dans le récurrent.

Pour autant la société n’est pas encore rentable.

La société a cumulée entre 2009 et 2012 au total en perte d’exploitation près de 3,3 M€ pour un chiffre

d’affaires cumulé sur la période de 42, 4 M€ soit une perte d’exploitation moyenne de 7,7% par an. Les

résultats de 2013 font apparaitre un chiffre d’affaires de 14,7 M€ et une perte d’exploitation à 1 M€ soit

presque 7%. Le modèle est donc vertueux mais pas encore rentable et nécessite de se recapitaliser.

127

article R. 123-191 du Code de commerce

97

3.3.2 une extrapolation à un modèle générique d’éditeur PaaS ou SaaS

A partir de cet exemple, on a essayé de modéliser un modèle de revenus et de coûts afin d’extrapoler

l’impact sur l’équation de profit pour des solutions PaaS ou SaaS.

Dans le cadre de cette analyse on reste au niveau du résultat d’exploitation qui est la traduction de

l’efficience du modèle d’affaires. On ne s’intéresse aux opérations financières du compte de résultat

Les hypothèse suivantes ont été retenues pour bâtir le modèle de revenus et de coûts :

Pour le modèle de revenu :

Les services sont commandés à 100% sur 3 ans et seuls 6 mois de service sont reconnus la

première année puis 12 mois chaque année suivante (on prend ce biais afin de simplifier le modèle)

La croissance du CA SaaS est de 30% par an

Si la croissance du Saas est de 30% on suppose dans ce cas que le taux d’érosion des ventes de

licences est de 30% aussi.

Le taux de Churn en SaaS est de 20% après 3 ans ( on suppose un taux cumulé de 6% par an qui ne

se réalise qu’après la première période d’engagement de 3 ans)

Pour le modèle de coûts

On est parti de la structure moyenne de coûts d’un éditeur logiciel selon l’étude Xerfi de 2013 « marché

logiciel en France »

L’évolution de celle-ci est la suivante :

Les frais R&D/ service de production sont stables en pourcentage du CA.

Les frais commerciaux sont stables en pourcentage du CA

Les frais d’infrastructures qui incluent aussi toutes les charges externes sont stables en

pourcentage du CA à 21%. On a gardé la moyenne établie par Xerfi. Ce choix est fait car on

suppose que les aspects infrastructures sont externalisés, ce qui variabilise les coûts . Pour

mémoire Ils peuvent varier de 5% à 40%. Ce seul poste peut faire varier considérablement

l’équation économique.

Les frais de commissions sont aussi considérés comme stables. On considère que 50% du CA est

réalisé via les réseaux indirects et que la marge moyenne est de 20%

Seuls les frais marketing sont revus à la hausse au fur et à mesure de 4% du CA en année 0 à 10%

en année 5. Cela reflète l’effort d’évangélisation autour de la solution.

Les frais de direction et les frais généraux sont stables en pourcentage du chiffre d’affaires.

Afin de pouvoir comparer les années entre elles, et l’évolution des coûts, tous les % sont

exprimés par rapport à une base 100 de CA en année 0.

98

Les résultats sur la structure de revenus sont les suivants :

Figure 35 : structure de revenus sur 5 ans de l’éditeur selon les hypothèses de migration vers le cloud

Il faut à peu près 5 ans avec ces hypothèses pour avoir un CA à 82 % en récurrent.

Le chiffre d’affaires double pratiquement sur la période. Le backlog SaaS représente 1,43 fois le CA annuel

en année 5. Cela donne une visibilité très forte sur l’avenir de la société.

Les comptes de résultats d’exploitation apparaissent comme suit :

Figure 36 : compte de résultat sur 5 ans selon les hypothèses de migration vers le cloud

On observe que dans ces conditions .le bénéfice d’exploitation est faible malgré une forte augmentation du

CA. Cela signifie que pour restaurer le niveau de rentabilité, il faut abaisser en pourcentage les frais

d’infrastructures, d’où l’importance de la notion de solution « multi-tenant ». On a gardé les frais

commerciaux et les frais marketing au même niveau en pourcentage car leur baisse aurait un impact sur le

CA

99

On a fait ci-dessous une simulation en ramenant les frais d’infrastructures respectivement de 21% à 15%

en 3 ans à partir de l’année 3.

Figure 37 : simulation sur 5 ans du compte de résultat en réduisant les frais d’infrastructures

L’impact sur le compte de résultat d’exploitation est tout de suite très important puisque la société génère

alors un profit opérationnel de 7% en année 5. Cela confirme que la clé du modèle est dans la maîtrise des

coûts d’infrastructures.

L’impact de la vitesse de transition est très important sur le compte de résultat d’exploitation.

On a mené une dernière simulation qui vise à voir l’impact sur le compte de résultat d’exploitation d’une

société qui irait vers le cloud avec une progression de 50% par an , une autre avec une progression de 30%

par an et une dernière avec une progression de 10%/. Les 3 sociétés optimisent leurs coûts

d’infrastructures comme vu précédemment de 21 % à 15% en 3 ans.

Figure 38 : impacts sur les bénéfices et le niveau de CA fonction de la croissance du CA SaaS ou PaaS

Ce tableau de synthèse permet de constater assez logiquement que plus on essaie de faire le mouvement

de transition rapidement plus le risque est élevé mais plus la récompense est importante.

Empiriquement on peut dire qu’un rythme de transition à 30% par an minimise le risque mais permet

d’afficher de bons résultats ( 7% de bénéfices d’exploitation à 5 ans et un CA doublé en 5 ans).

100

En conclusion

D’un point de vue équation de profit il y a plusieurs clés pour limiter les risques.

La première est d’impérativement engager les clients sur une durée de contrat la plus longue possible et

d’obtenir un paiement des services immédiatement pour une durée d’1 an. Dans le cas contraire la baisse

du chiffre d’affaires reconnu serait concomitante avec une augmentation du besoin en fond de roulement ce

qui peut être fatale si la trésorerie vient à manquer.

Plus le rythme de transition vers le cloud sera rapide plus la baisse de chiffre d’affaires sera importante en

année 1 de la transition et l’impact sur les comptes de résultats sera important. Par contre à l’inverse le

résultat à 5 ans tant en terme de récurrence du chiffre d’affaires que de niveau de chiffre d’affaires sera

important. Empiriquement le meilleur ratio de prise de risque sur gains espérés et impacts sur le résultat

d’exploitation opérationnel semble se situer à un taux de croissance du CA cloud à 30% par an du chiffre

d’affaires global.

D’un point de vue de la structure de coûts, le passage au cloud ne nécessite pas un accroissement des

investissements en R&D mais un redéploiement de ceux-ci. La solution technique choisie en regard de la

notion du « multi-tenancy » est le point majeur qui permettra de ramener les dépenses d’opérations du

service vers 15% ou moins au lieu de 20%. Cela a un impact majeur sur la rentabilité opérationnelle. Le

choix technique du multi-instances fait bondir les coûts d’opération du service à 30% et plus ce qui est

suicidaire pour l’éditeur. Le marketing est la seule entité qui voit ses moyens augmenter en pourcentage

dans la structure de coûts ( de 4% à 8 à 10% du CA en moyenne). Tous les autres coûts restent stables en

pourcentage du chiffre d’affaires: frais commerciaux, frais de commissions etc..

Si la transition vers les revenus récurrents du cloud est bien menée et que le taux de churn est maitrisé

alors au bout de 5 ans la société peut avoir 80% de son revenu en mode récurrent. Cela lui assure donc un

niveau de pérennité très important avec un niveau de rentabilité opérationnelle dans la norme du secteur

autour de 7%.

101

3.4 Une gestion du changement fondamentale à la réussite de cette

transformation

Une résistance naturelle au changement et des moyens incomplets

L’étude IFOP sur « les processus de changement » pour Bcom Best de juin 2010 fait ressortir les réactions

suivantes face au changement :

Source IFOP etude Bcom Best 2010/06

Figure 39 : réactions des employés face au changement

Ce constat nous permet de comprendre que mener une transformation nécessite une conduite du

changement importante.

Toujours selon l’étude IFOP, les entreprises ont opté pour les moyens suivants :

Figure 40 : Moyens mis en œuvre pour la conduite du changement

On voit bien que si les entreprises pensent à communiquer ou informer à 70%, elles n’associent

que relativement peu les salariés au changement autour de 40%. Or ce sont les salariés les acteurs

du changement.

Quels moyens/méthodes peuvent-ils être mis en œuvre pour gérer de la façon la plus efficiente possible

cette transformation et réussir ce changement ?

102

Le management se doit impérativement de s’impliquer sur la durée

Gerald Karsenti indique dans « business model des services » que le changement « doit être piloté au plus

haut niveau de l’entreprise et le rôle de la direction générale est primordial pour réussir ».

En effet, le changement suscite des résistances. Cette implication doit se faire sur la durée (entre

deux et trois ans) et avec constance. Gildas Leroy d’Easyvista indique ainsi que la société a mené des

réunions spécifiques au niveau du comité de direction de façon régulière pendant deux ans.

Dans un groupe plus grand tel Cegid, une Business Unit à part a été créée, avec la mise en place d’un suivi

régulier et constant de la direction générale.

Il faut également choisir un style de conduite du changement et définir une méthode. Or sur ce point, la

façon de procéder est très liée à l’expérience des intervenants, au bon sens et suit peu ou pas de méthode.

Selon David Autissier et al dans « La Boîte à outils de la conduite du changement », mener cette politique

coûterait 5% du montant global des projets mais en contrepartie, la probabilité de réussite

augmenterait d’environ 20% en terme de respect des délais. Par ailleurs, cela permet aussi de

réduire le taux d’échec sur les projets de transformation, mais sans le quantifier. Ils précisent que

50% des projets de transformation échouent au global faute d’avoir été bien gérés.

Une méthode de conduite du changement dictée par le niveau d’urgence, le niveau de

transformation à réaliser et par les styles de management des dirigeants

En préambule, comme le rappelle Patrick Provenzano, professeur à HEC, la méthode du changement va

être dictée par le degré d’urgence dans le temps pour l’éditeur et le niveau de transformation demandé à

l’organisation. Ainsi si la société perd de l’argent, et que sa survie est en danger alors le mode le

changement sera rapide. Par ailleurs si le changement dans l’organisation à réaliser vis-à-vis des modes de

fonctionnement existants, des comportements des personnels est plus ou moins important, la méthode

sera différente.

Par ailleurs la méthode à choisir est aussi fonction de la culture des dirigeants. Ils peuvent être dans un

mode de changement négocié ou dans un mode imposé. Ils peuvent également être dans un mode de

changement permanent par niveaux successifs ou au contraire dans un mode de rupture

.

Cette double dichotomie se retrouve dans la littérature sur la conduite du changement.

Les auteurs ayant travaillé sur la conduite du changement oscillent entre ces 2 axes. On retrouve :

Lewis et Kotter du côté du changement négocié en rupture,

Kanter et Hannan et Freeman du côté du changement en rupture et imposé,

Nonaka et Takeuchi du côté du changement négocié et permanant,

Johnson et Scholes du côté du changement permanent et négocié 128.

128

Pour approfondir le sujet le livre « Conduite du changement concepts clés » David Autissier et al 2013 donne un panorama complet des conceptions des 50 plus importants auteurs sur la conduite du changement autour de ces deux axes.

103

David Autissier et al dans « conduite du changement » et Patrick Provenzano le résument de la manière

suivante :

Source Patrick Provenzano cours « conduite du changement » 2013

Figure 41 : le mode de conduite du changement : imposé/négocié et permanent/rupture

Le choix de la méthode n’est pas anodin. Il est dicté par l’urgence, par le niveau de la transformation à

exécuter et par le style de management des dirigeants. Il n’y a pas de bonne ou de mauvaise méthode parmi

ces 4 méthodes, il faut choisir le mode adapté à l’entreprise.

Quel que soit le style pour mener ce chantier, la conduite du changement doit passer un certain nombre

d’étapes pour être menée avec efficacité.

104

Une nécessaire structuration de la conduite du changement

Gerald Karsenti définit dans « business model des services » une démarche de transformation d’une

société centrée sur le produit à une société focalisée sur les services, on retrouve une méthode similaire

proposée par David Autissier et al dans « méthode de conduite du changement « et dans les cours de

conduite du changement de Patrick Provenzano, professeur à HEC.

Nous décrirons ci-après une synthèse pragmatique de ces approches centrées globalement sur la méthode

de David Autissier, notamment pour les outils opérationnels.

Cette démarche peut se schématiser de la façon suivante :

105

La première étape de la conduite du changement consiste comme le souligne Gerald Karsenti à définir la vision de la société : que veut-elle faire, pourquoi et avec quelle finalité ? Que doit apporter à la société le passage au cloud ? Cela semble basique mais ce n’est pas forcément réalisé.

Cependant comme l’indiquent Bruno Jarrosson et al dans « Oser la confiance », « le fait d’avoir une

vision ne remet pas automatiquement en marche les petits ruisseaux »

Dans une seconde étape, il faut définir la complexité du changement et la stratégie de changement

à mettre en œuvre ainsi que les outils qui en découlent

Pour cela David Autissier et al dans la « Boite à outils de la conduite du changement » propose une grille

simple afin de déterminer l’ampleur du changement et la stratégie à adopter : la grille de cadrage de la

conduite du changement

Cette grille se présente sous forme de 20 questions dont les réponses donneront un score de 0 à 100 :

Score entre 100 et 60 = le changement est complexe

Score entre 25 et 59 = le changement est important

Score entre 0 et 24 = le changement est simple

Grille de Cadrage de la conduite du changement129 :

129

Source David Autissier et al « la boite à outils de la conduite du changement « 2013

106

Figure 42 : grille de cadrage du changement David Autissier

Un fois la grille de cadrage remplie, l’entreprise connaitra à la fois le type de stratégie à mener et l’ampleur

du changement à réaliser.

107

David Autissier et al définissent ainsi 6 stratégies :

Changement planifié : Il n’y a pas de débat sur la finalité et la cible visée est connue de tous « ainsi que

l’échéance temporelle. Il est possible de construire un plan d’action pour la réalisation du changement

poursuivi ».

Changement imposé : « Les évènements obligent à opérer une action rapide. Les possibilités de co-

construction sont challengées par l’obligation d’agir ». Les dirigeants optent pour un plan « qui prévoit la

réalisation d’actions obligatoires dans un délai le plus court possible. »

Changement processé : Le changement est décidé et fait l’objet de plusieurs projets. Ces projets « ont un

planning des objectifs, des phases et des productions ».

Changement émergent : « Il s’agit de réaliser de multiples micro-actions qui font évoluer les

représentations des principaux acteurs pour les engager dans la voie du changement ».

Changement co-construit : « Le point d’arrivée du changement est impossible à définir et va nécessiter la

participation et la créativité de tout ou partie des parties prenantes de l’organisation ».

Changement développement humain : Il « consiste à mettre les acteurs concernés dans une logique de

co-construction. De ce mouvement où émergera un changement en lien avec la vision définie à l’origine ».

Les 3 premières stratégies sont de type imposé, les trois dernières sont de type négocié.

Généralement, les sociétés mettent en œuvre un mix de ces stratégies pour prendre en compte

l’urgence, le style des dirigeants et les changements à opérer.

David Autissier130 et al définissent ensuite une feuille de route du changement qui se décline en cinq

grandes étapes :

Le diagnostic afin de

o Faire la cartographie des changements à mener par service

o Faire la cartographie des acteurs et leur attitude vis-à-vis du changement, permettant de

définir la carte des alliés et de traiter les opposants au projet

o Mettre en place le réseau du changement : il s’agit d’identifier les personnes qui seront

susceptibles de relayer le changement en dehors de l’équipe qui en est responsable. Ces

personnes doivent être associées au changement en participant à celui-ci. Elles doivent

être valorisées en interne. L’objectif est qu’elles deviennent les ambassadeurs de ce

changement.

130

David Autissier et al « la boite à outil de la communication » 2013/04 p 36

108

Les études des impacts du changement : pour préciser ce qui va changer aux différents niveaux de

l’entreprise :

o Etude d’impacts globaux : au niveau organisation, fonctionnement, management, outils

utilisés, comportements, compétences, indicateurs de performance, culture de la société.

L’objectif est de définir par quels moyens (formation, communication, accompagnement

personnalisé) ces points peuvent être adressés.

o Etude d’impacts humains : il s’agit d’analyser pour les différentes personnes touchées par

le changement comment sont satisfaits leurs besoins de participation, de reconnaissance,

de sécurité ou d’avenir. Chaque personne est sensible à un ou plusieurs critères. Il s’agit

une fois l’analyse faite de définir comment y répondre.

o Etude des impacts sur la qualité de vie au travail : il s’agit ici de déterminer en quoi le

changement améliore ou dégrade les conditions de travail, le bien-être au travail (le niveau

de stress), les relations entre les personnes, le sens du travail. L’évaluation de ces impacts

permettra de juger de la pertinence de mettre en œuvre un plan pour traiter ces points.

La communication :

o Elle commence par l’attribution d’un nom attractif relatif au projet de changement,

o La définition des messages pour chaque population (Mix de communication),

o Un plan de communication définissant toutes les actions de communication associées aux

différentes phases du projet pour chaque cible, accompagné d’un kit de communication

destiné à tous les bénéficiaires expliquant les informations pratiques sur le projet.

La formation est essentielle dans une conduite du changement pour accompagner les populations

impactées.

o Une analyse des besoins nécessaire pour identifier les actions de formation

o Mettre en place un dispositif adapté aux caractéristiques des populations concernées

o Un plan de formation planifié pour respecter les échéances du projet

L’accompagnement au changement, phase qui consiste à définir les dispositifs d’aide au

changement grâce à quatre grands outils :

o Le plan d’évolution managériale : Les managers au-delà de la direction générale sont ceux

qui vont créer l’adhésion au changement. Les changements peuvent nécessiter des

formations ou un accompagnement ou un reclassement de ceux-ci. Ce plan a pour but de

formaliser ces actions en explorant les sept dimensions du management que sont :

« l’organisation du travail, l’animation d’équipe, la mise en place de dispositifs de contrôle,

la gestion du changement, la prise de décision, la capacité de délégation, le pilotage de la

performance »

o Les ateliers de co-développement : Pour les problématiques et les impacts détectés il s’agit

de créer des groupes qui vont réfléchir aux solutions. La démarche développée par P.B

Vail131 où il y a un seul « client » qui présente son/ses problèmes et les autres personnes

sont là pour l’aider à trouver des solutions. Cette méthode apprend à s’approprier le

changement et à travailler ensemble.

131

PB Vail : « Learning as way of being. Strategies for survival in a world of permanent White Water » 1996

109

o La gestion des relations sociales : pour les sociétés supérieures à 50 personnes cette

dimension est une obligation légale. Cependant, plutôt que de la voir comme une

contrainte, autant la transformer en vecteur du changement en associant l’ensemble des

salariés et les partenaires sociaux au changement.

o Le plan de transition : il résume l’ensemble des actions à mener avec un planning, une

criticité, un responsable, des participants et des livrables attendus. Il est issu des études

d’impacts et prend en compte les trois plans précédents. C’est une sorte de guide du

déploiement du changement

Le pilotage : il consiste à mettre en place des indicateurs de progrès sur les actions faisant l’objet

du changement pour s’assurer de l’avancement du changement ainsi que de la compréhension des

enjeux.

L’ensemble de ces actions sont mises en perspective dans le temps avec un planning132.

L’accompagnement au changement est donc un point essentiel de la démarche de transformation de la

société pour mener à bien le passage vers le cloud. Ce point est traité selon toutes les personnes

interviewées mais de façon plus ou moins structurée.

Selon Vineet Nayar dans « Les employés d’abord, les clients ensuite », la conduite du changement est une

phase structurante pour le développement d’une stratégie et lorsqu’une entreprise fait passer ses

employés en premier, c’est en réalité le client qui se retrouve mis en avant et en retire le plus

d’avantages. »

Evidemment entre un éditeur de quelques personnes et un éditeur avec plusieurs milliers de

collaborateurs, la conduite du changement va être plus ou moins formalisée. Les moyens humains et

financiers pour la mettre en œuvre ne sont pas les mêmes. Pour autant, le fait de formaliser la démarche

permet de minimiser les échecs.

132

Pour plus de détails sur l’ensemble des outils disponibles à chaque étape décrite ci-dessus et fonction de chaque stratégie du changement, le lecteur peut se reporter au tableau en annexe.

110

Conclusion

Sataya Nadella, vice-président de Microsoft en charge des activités cloud et entreprise est devenu en février

2014, le nouveau directeur général de Microsoft. Ce n’est certainement pas un hasard si celui qui succède

au mythique binôme Bill Gates/Steve Balmer vient de l’activité cloud. Pour les éditeurs, c’est un signe parmi

d’autres que le mouvement vers une informatique industrialisée et répartie est pour la plupart d’entre eux

inéluctable.

On a pu voir au travers de ce mémoire que tous les éditeurs n’ont pas intérêt à aller vers cette révolution.

Ainsi si la société œuvre sur des marchés de souveraineté (type sécurité) ou si la société œuvre sur des

applications nécessitant une très forte interconnexion avec le système d’information du client ou

nécessitant des échanges temps réels très importants alors le passage au cloud n’a pas d’intérêt ou n’est

pas faisable en l’état actuel des infrastructure réseaux.

Pour les éditeurs menant cette transition, celle-ci se révèlera un véritable avantage concurrentiel si les

éditeurs sont en mesure de la réaliser avant leurs compétiteurs. En effet, l’avantage concurrentiel n’est plus

comme par le passé une rente qui se conserve mais un avantage temporaire qui sera remplacé par un autre

dans un laps de temps variable. Il y a clairement dans le monde du logiciel une prime aux pionniers. Par

contrecoup, cet avantage concurrentiel sera un levier de prise de parts de marché donc de croissance. Il

permettra d’adresser de nouvelles cibles : les petites et moyennes entreprises, TPE et les directions

métiers. Cela nécessitera une adaptation des modes de distribution indirects et d’approche des clients.

D’un point de vue financier, deux points sont essentiels lors du passage au cloud :

la durée d’engagement entre le client et l’éditeur.

le mode de perception des revenus : mensuel ou annuel, à terme échu ou à terme à échoir

Ainsi, si les contrats sont signés pour une période de 3 ans, cela assure un backlog133 de service de plus en

plus important au fil du temps. Ce backlog peut représenter au bout de 5 ans plus de 100% du chiffre

d’affaires annuel lorsque l’on part sur une durée de 3 ans d’engagement. Une telle visibilité sur les revenus

de la société, lui assure une stabilité importante. On peut penser que ce mode d’engagement est difficile à

mettre en œuvre. Cependant parmi les sociétés interrogées une part importante d’entre elles parviennent

à l’appliquer avec succès.

Il est crucial en terme de trésorerie pour l’entreprise de réfléchir à la façon dont les revenus sont

encaissés. Si ceux-ci le sont au fur et à mesure comme le veut la logique cloud, alors les besoins en

trésorerie de la société seront importants. A l’inverse, si la société encaisse immédiatement un an

d’abonnement, son besoin en fonds de roulement d’exploitation va devenir négatif. Ce mouvement sera

d’autant plus important que la société réalisera le mouvement vers le cloud très rapidement.

Il y a un dernier point financier à prendre en compte. Le passage au cloud entraine une baisse du chiffre

d’affaires avec une stabilité voire une hausse contenue des coûts. Cela entraine des pertes pour

l’entreprise. Ces pertes sont liées à la rapidité de passage au cloud. Plus la société réalise cette mutation

rapidement, plus les pertes d’exploitation sont importantes. Cependant, cela ne signifie pas que la société

soit en danger du point de vue de son existence (elle a une trésorerie de plus en plus importante si elle a

133

Un backlog de service est la valeur des services commandés mais non encore réalisés et non facturés

111

choisi une perception en terme à échoir). Il y a toutefois un risque. Si les pertes d’une année amènent

l’éditeur à constater que le montant des capitaux propres de la société est devenu inférieur à la moitié de

son capital social, cela signifie alors que les actionnaires devront recapitaliser. Or les rentabilités attendues

par les sociétés en capital risque sont pour les entreprises de hautes technologies de 30 à 40% en

moyenne par an. Cela signifie que la société devra faire une augmentation de capital au moment où son

chiffre d’affaires baisse et où elle accuse de fortes pertes. Concrètement le pire moment en terme de

valorisation.

Contrairement à une idée répandue, le passage au cloud n’entraine pas une hausse importante des coûts de

structures. Il entraine une adaptation de la R&D et la création d’un service en charge de la production des

services opérés. Il opère surtout un changement de mentalité pour les services back office où l’on passe

d’une obligation de moyens à une obligation de résultats. Les forces commerciales pour leur part auront à

s’adapter pour aller vers la vente de solution. Le consulting est peu affecté par la transition. Le marketing

va fournir des argumentaires tournés vers le coût total de possession et le retour sur investissement. Il

peut toutefois acquérir une dimension bien plus importante, s’il aide la société à mieux cibler les marchés à

adresser et s’il formalise une approche métier pertinente de ces marchés. Le marketing est souvent le seul

poste à voir ses moyens augmenter lors de la transition vers le cloud (de 4% à 8 ou 10% du CA).

La réussite de la mutation vers le cloud est avant tout une aventure humaine. Comme toute mutation, cela

suppose un engagement dans la durée du management. En moyenne pour les personnes interrogées cette

mutation dure deux ans. La gestion du changement est souvent réduite aux plans de communication et de

formation.

Il est important, de ne pas négliger cette phase en formalisant les différentes étapes (cadrage, impacts, plan

d’accompagnement, plan de formation et plan de communication, indicateurs). Le niveau de formalisation

sera plus ou moins importante fonction des moyens de la société. Cette étape est toutefois essentielle, car

c’est la clé de l’échec ou de la réussite de la transition

In fine, l’objectif du chef d’entreprise à travers le passage au cloud est de permettre à la société d’avoir un

avantage concurrentiel qui entrainera un développement important afin d’en assurer la pérennité.

Du point de vue des actionnaires, l’objectif est d’assurer le meilleur retour sur capitaux investis. Le passage

au cloud répond-il à cette exigence ? Les points de vue sont partagés entre chef d’entreprise et

investisseurs en capital-risque.

Pascal Colin, PDG de Keynectics considère que cela valorisera la société d’au moins 30 à 40% de mieux que

précédemment. Il envisage même que 80% de son activité sera dans cloud dans les trois à cinq ans à venir.

Les deux investisseurs interrogés sont d’un avis plus mitigé. En effet, parmi les critères de valorisation des

sociétés, il y a la prédictibilité du modèle d’affaires. On a vu que les revenus sont fortement prédictibles

mais pour autant il y a peu de recul sur les modèles d’affaires cloud et leur valorisation. Il y a encore

moins de visibilité sur les éditeurs opérant la transition d’un modèle traditionnel à base de licences à un

modèle services opérés. Par ailleurs, les modèles cloud abaissent les barrières à l’entrée, ce qui signifie que

l’avantage concurrentiel peut être de faible durée. Enfin dernier point, les résultats des sociétés passant au

cloud se détériorent pendant un laps de temps plus ou moins long. Il est difficile pour l’investisseur de

pronostiquer à quelle échéance la société deviendra profitable. Il y a là un champ d’investigation important

sur ces sujets de valorisation qui sont in fine l’objectif de tout investisseur.

112

Table des illustrations

Figure 1 : le cloud en synthèse ........................................................................................................................ 11

Figure 2 : modèles de déploiements et de services du cloud ......................................................................... 13

Figure 3 : les promesses du cloud pour les clients .......................................................................................... 15

Figure 4: les apports du cloud aux clients finaux ............................................................................................ 16

Figure 5: Panorama des offres cloud par famille ............................................................................................. 24

Figure 6: dépense informatique par nature en France (2012) ......................................................................... 33

Figure 7 : répartition du chiffre d'affaires logiciel en France par type de solution ......................................... 34

Figure 8 : répartition en % des éditeurs en France par nombre de salariés ................................................... 34

Figure 9 : modèle de revenus de l'édition de logiciel en France ..................................................................... 35

Figure 10 : le positionnement des acteurs traditionnels du monde informatique .......................................... 36

Figure 11 : nouveau positionnement des acteurs du monde informatique suite à l'arrivée du cloud ............ 38

Figure 12 : SWOT du business model des éditeurs traditionnels .................................................................. 45

Figure 13: Compte de résultat selon différentes hypothèses de structure de coûts pour les pure players

cloud ................................................................................................................................................................ 52

Figure 14 : les principaux impacts du passage au cloud pour un éditeur traditionnel .................................... 54

Figure 15 : SLA selon les couches de services cloud ...................................................................................... 56

Figure 16 : modification des intentions d'achat si l'offreur cloud doit se soumettre à une législation

étrangère ......................................................................................................................................................... 58

Figure 17 : coût d'une offre Microsoft Office sur site et une offre cloud Microsoft office 365 ..................... 60

Figure 18 : coût de Microsoft office assuré par un opérateur sur 3 ans pour un utilisateur nommé .......... 61

Figure 19 : coût sur 3 ans d'une offre Eayvista sur site et en mode cloud .................................................... 62

Figure 20 : les étapes d'un processus de ventes de service : G Karsenti « business model des services » 2013

......................................................................................................................................................................... 66

Figure 21 : principales catégories de revendeurs privilégiées par les fournisseurs de solutions cloud .......... 73

Figure 22: approche des canaux dans une offre cloud .................................................................................... 75

Figure 23 : approche haut niveau du "multi-tenancy" PaaS ou SaaS ................................................................ 79

Figure 24 : Approche détaillée du "multi-tenancy" PaaS ou SaaS .................................................................... 80

Figure 25 : matrice "blueprinting" Karsenti et al d’industrialisation des services ........................................... 82

Figure 26 : choix de partenaires IaaS pour un éditeur PaaS ou SaaS .............................................................. 87

Figure 27 : indicateurs de suivi : CAC et LTV................................................................................................ 89

Figure 28 : définition du Net MRR ou Net ACV............................................................................................. 90

Figure 29 : indicateurs MRR détaillés .............................................................................................................. 90

Figure 30 : impact du Churn sur l'Annual Recurring Revenue....................................................................... 91

Figure 31 : analyse du pourcentage de clients demeurant fidèles à la solution à travers le temps ................ 92

Figure 32 : définition du negative churn .......................................................................................................... 92

Figure 33 : comptes de résultats simplifiés et backlog SaaS d'Easyvista de 2008 à 2012 ............................... 94

Figure 34 : indicateurs clés pour l'analyse des résultats ................................................................................. 94

Figure 35 : structure de revenus sur 5 ans de l’éditeur selon les hypothèses de migration vers le cloud ..... 98

Figure 36 : compte de résultat sur 5 ans selon les hypothèses de migration vers le cloud ........................... 98

113

Figure 37 : simulation sur 5 ans du compte de résultat en réduisant les frais d’infrastructures .................... 99

Figure 38 : impacts sur les bénéfices et le niveau de CA fonction de la croissance du CA SaaS ou PaaS ..... 99

Figure 39 : réactions des employés face au changement ............................................................................. 101

Figure 40 : Moyens mis en œuvre pour la conduite du changement ............................................................ 101

Figure 42 : le mode de conduite du changement : imposé/négocié et permanent/rupture ........................ 103

Figure 43 : grille de cadrage du changement David Autissier ....................................................................... 106

114

Interviews réalisées

EDITEURS

CEGID

Cymbeline Chaplin directeur Ebusiness Cegid

Email [email protected]

Interview le 27/11/2013

EASYVISTA

Gildas LEROY Gildas Vice President Sales EMEA

E-mail [email protected]

Interview le 24/09/2013

KEYNECTICS

Pascal Colin CEO de Keynectics

Email : [email protected]

Interview le 22/10/2012

MICROSOFT

Les personnes ont souhaité garder l’anonymat

interview autour des modèles de prix le 06/12/2013

SOCIAL FINDERS

Philippe Honigman CEO Socialfinders

interview 10/07/2013

INTEGRATEURS

BULL

Boris Auche Head of Global Sales Enablement précédemment en charge de la stratégie de Bull Intégration

systems

Email : [email protected]

Interview le 16/10/2013

STERIA

Arnaud Hess - Steria responsable offre cloud infrastructures

Email :

Interview le 27/09/2013

BCS TECHNOLOGIES

Pierre Seguret PDG

Email : [email protected]

Interview le 25/10/2013

115

ATOS

Jerome Brun Vice-président offre Cloud Atos

Email : [email protected]

Interview le 25/11/2013

FONDS D’INVESTISSEMENT

ACE MANAGEMENT

la personne désire garder l’anonymat

interview autour de la valorisation des sociétés de logiciels adoptant un modèle services opérés

interview le 24/10/2013

116

Bibliographie

EDITEURS DE LOGICIELS

- Xerfi 700 étude l’édition logiciels 2013/07

- Xerfi 700 étude les cabinets de conseil en management en France 2013/09

- Top 250 panorama top 250 des éditeurs et créateurs de logiciels français Ernst & young / Syntec

numérique 2013 /10

- Global Software Leader AFDEL Price Waterhouse 2013/07

- Continued gloom for European ICT markets Andrew Bartels Forrester 2013/07

- Les Cahiers du FSI N°2 L’économie numérique FSI 2013

- France numérique 2012/2020 bilan et perspectives Ministère de l’Économie, des Finances et de

l’Industrie 2011/11

CLOUD COMPUTING

LIVRES

Cloud computing : Décider, concevoir, piloter, améliorer Romain Hennion, Hubert Tournier,Eric Bourgeois

2012/09

The evolution process of the Cloud Computing Business Model [anglais] Jan Morgenthal 2013/01

Cloud Networking Simplified: An Illustrated Guide to Cloud Networking Concepts and Business Models

[anglais] by Jim Doherty, Dave Asprey cisco press 2013/10

ETUDES

Etudes des spécificités du marché du SaaS en France rapport de Synthèse AFDEL / CDC 2013/02

livre-blanc-afdel-cloud-computing-une-feuille-de-route-pour-la-France 2013

Webographie

SaaS Metrics – A Guide to Measuring and Improving What Matters David skok 2013/01

http://www.forentrepreneurs.com/saas-metrics-2/

The Saas Drivers and Business model David Skoke 2010/12

http://fr.slideshare.net/MassTLC/matrix-partners-david-skok

Inside sales for Cloud David Skok : 2012

http://www.bridgegroupinc.com/tysamc.html

Crossing Cloud and Open Source Business Models Bob Bickel Sunday, 2013/04

http://bobbickel.blogspot.fr/2013/04/crossing-cloud-and-open-source-business.html

117

The Business of Cloud, Mobile, and Big Data Kamesh Pemmaraju Blog Finding the Right Open Source

Cloud Business Model : www.cloudel.com/finding-the-right-open-source-cloud-business-model/

OPEN SOURCE

LIVRES

Open Source business model

- Economie du logiciel libre François Elie 2009 janv Eyrolles

- Profit from Software Ecosystems Karl Popp (Auteur), Ralf Meyer (Auteur) 2010 synomic academy

Gmbh

- Advances in Software Business [Anglais] Karl Popp ed synomic Gmbh 2011 synomic academy

Gmbh

- Business Models for Open Source Software Frederic P. Miller (Sous la direction de), Agnes F.

Vandome (Sous la direction de), John McBrewster (Sous la direction de) 2010

Open source aspects juridiques

- Intellectual Property and Open Source de Van Lindberg (2008/07)

- Understanding Open Source And Free Software Licensing de Andrew M. St. Laurent (2005/01))

- Free and Open Source Software: Policy, Law and Practice Noam Shemtov (Sous la direction de),

Ian Walden 2013/11

ARTICLES

- The Commercial Open Source Business Model Dirk Riehle

- Value Creation in E-Business Management Lecture Notes in Business Information Processing

Volume 36, 2009, pp 18-30 http://link.springer.com/chapter/10.1007/978-3-642-03132-8_2?no-

access=true

- The single-vendor commercial open course business model Dirk Riehle Information Systems and e-

Business Management March 2012, Volume 10, Issue 1, pp 5-17

http://link.springer.com/article/10.1007/s10257-010-0149-x

BUSINESS MODEL

LIVRES

- Business model nouvelle Génération Alexander Osterwalder [français] Yves Pigneyr 2011/08

- Le business model des services Gerald Karsenti , Wolfgang Ulaga , Eyrolles [français] 2013/05

- 7 étapes pour un business model solide - 2e éd. - Réinventer la création de valeur avec méthode de

Denis Dauchy Association Progrès du management [français] 2013/06

- Profit from Software ecosystems Karl Michael Popp et ralf Meyer [anglais] edition synomic

118

- The Business Model Innovation Factory: How to Stay Relevant When the World Is Changing

Saul Kaplan 2012

- Seizing the White Space: Business Model Innovation for Growth and Renewal Mark W. Johnson ,

Stephen Wunker 2010

- The Change Leader's Roadmap: How to Navigate Your Organization's Transformation 2010 Dean

Anderson , Linda Ackerman Anderson

WEB

http://drkarlpopp.com/OpenSourceBusinessModels.html business model open source

CHANGE MANAGEMENT

LIVRES

- Méthode de conduite du changement - 3e éd. - Diagnostic - Accompagnement - Pilotage Jean-

Michel Moutot (Auteur), David Autissier (Auteur) aout 2013

- La boite à outils de la conduite du changement David Autissier 2012

WEB

http://www.changeleadersroadmap.com/freeresources/

Innovation - The innovation Manuel David Mindgley [anglais] edition Wiley 2000

119

ANNEXES

3.2.4 Change management

David Autissier et al dans « la boite à outils du change management » fournissent une grille des outils

utilisables fonction de la stratégie qui a émergé lors de la phase de cadrage de la conduite du changement.

On trouvera ci-dessous la présentation de ceux-ci. L’objet de ce mémoire n’étant pas la conduite du

changement en elle-même, on peut se référer au livre pour le détail de chaque outil.