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Jak Lab Magazine 3

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LA VOCATION DE CE LAB EST DE LAISSER LIBRE

COURS À CHACUN

DES PARTICIPANTS DE S’APPROPRIER LA THÉMATIQUE

DONNÉE EN EXPLORANT SON PROPRE ‘AIR DU TEMPS’

POUR EN FAIRE SORTIR SENSIBILITÉS ET TENDANCES,

COMME UN BENCHMARK DIFFÉRENT ET IDÉAL POUR SE

RAFRAÎCHIR LES

IDÉES ET S’INSPIRER.

APRÈS AVOIR EXPLORÉ ‘LE DÉVELOPPEMENT DÉSIRABLE’

DANS SON PREMIER NUMÉRO, «L’ABSOLUE NECESSITE»

DANS LE NUMERO 2,

LE THÈME DU NUMERO 3 EST :

CE LABORATOIRE RÉUNIT LES V I S I O N S C O M P L È -T E M E N T ‘ SUBJECT IVES ’ D ’UNE VINGTAINE D’AC-TEURS DE TOUTES CULTURES ET TENDANCES URBAINES (DE L’EXPÉRIMENTATION DU DESIGN À LA STRATÉGIE DE COMMUNI-CATION, EN PASSANT PAR LES ARTS, L’ARCHI, LE JOURNA-L ISME, L’ IMAGE, LE GRA-PHISME, LE CONSEIL EN INNOVATION…)

LE ‘JAKLAB’ EST UN WEBZINE

CRÉÉ PAR DEUX SOEURS :

JUST A KISS, L’AGENCE DE

STRATEGIE, CRÉATION

ET CURIOSITÉ,

ET JAK.ID, L’AGENCE DE

DESIGN ET D’IDENTITÉ ...

FAISANT PARTIE DU GROUPE

JAK (CA Y EST, NOUS SOMMES

UN GROUPE DE COMMUNI-

CATION)...

IL EST CONCU COMME UN

POOL DE RÉFLEXION SUR

LES ÉMERGENCES REMAR-

QUABLES ET LES TENDANCES

SUBTILES (RIEN QUE CA)...

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CHOSE INCROYABLE, LE JAKLAB EST GRATUIT.

TOUS LES 3 MOIS, NOUS AVONS LE PLAISIR IN-

CROYABLE DE VOUS DÉLIVRER UNE NOUVELLE

ÉDITION DU WEBMAG EN PDF SUR VOTRE

EMAIL OU SUR LE SITE INTERNET DE JAK :

WWW.JUSTAKISS.FR ET WWW.JAK-ID.COM.

CHAQUE ÉDITION EST « PARRAINÉE » PAR UN

ANNONCEUR OU UNE AGENCE AMIE, QUI OFFRE

UN BON DÎNER À TOUS LES CONTRIBUTEURS,

SORTE DE COMITE DE REDACTION GUSTATIF ET

CONVIVIAL.

UNE FACON AGRÉABLE D’ÉTABLIR DE NOUVELLES

CONNEXIONS ET DE FAIRE NAÎTRE LES IDÉES.

NOUS REMERCIONS NOTRE PARRAIN :

L’AGENCE G2 PARIS (GREY GROUP / WPP) QUI N’A PAS ATTENDU QU’ON EXISTE POUR

DÉVELOPPER SON PROPRE LABORATOIRE

D’ÉTUDE DU COMPORTEMENT ET D’ÉDITION :

L’OEIL DU MOUTON.

ON PEUT AUJOURD’HUI AVOUER QU’ILS NOUS

ONT PAS MAL INSPIRÉS ET ON EST TOUT FIER DE

FAIRE CE JAKLAB AVEC EUX.

Comment ça marche ?

Magie de la simplification technologique, ce webzine de 77 pages en pdf est quasi interactif.

Pour lire un article, allez au sommaire (c’est la page d’après), cliquez sur le nom de son auteur.

Dans chaque article, cliquez sur >> en bas à droitepour passer à la page suivante

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Vous pouvez ainsi naviguer joliment et à votre guise dans ce JakLab#3 !

retour sur la couv’infos sur le Jaklab page 2

retour à l’édito page 6Les contributeurs page 74

infos sur Jak page 76

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sommaire G2 - Christine BuscailhonEdito de Jak & jak.id

3- Interview de Roland Castro

1- Antoine Couder

4- Alexandre Jacques

14- Brice Auckenthaler

2- Brigitte Mantel

18- Christian Gatard

6- Cyrille Sethi

5- Nicolas Dubost

12- Stéphane Grassot13- Gwenaëlle d’Aboville et David Cousin Marsy

7- Grégory Duquesne

9- Mary Noëlle Dana10- Marie Aline & Martin Lord

11- Philippe Mihailovich

8- Pierre Louis Desprez

15- Xavier Brunnquell

16- Alexandre Gaudin

17- Amerigo Rogas

21- Marc Ferron

19- Jak & Jak.id

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20- Urbania

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édito Isabelle Carron, Jak

Il y a quelques années, autant dire une éternité si l’on se réfère à la nouvelle unité de temps qui nous anime dé-sormais, le sociologue Yves Chalas parlait des 7 piliers de la nouvelle urbanité. Il y traçait déjà les grandes li-gnes, le cadre, de nos expériences de vie actuelle, nous heureux urbains et voués à le rester. Mobilité, territoire, nature, polycentrisme, choix, vide, temps continu…

Qu’est ce qu’une ville aujourd’hui ? Qu’est ce qui fait ville ? L’accumulation sur un même territoire d’habitations, de commerces, d’entreprises ? Une destination commune, comme un Mall ? L’incarnation d’un espoir, celui d’une vie meilleure ? La possibilité de sortir, boire, manger, aller au ciné ou en concert à n’importe quelle heure ? La certitude d’une infinité de rencontres, d’aventures possibles, un avenir ouvert au maximum ?

Maintenant que nous ne vivons plus dans des lieux fixes mais que nous habitons la mobilité même, que - tels des escargots hyper speedés - nous nous déplaçons avec notre maison sur le dos ou plutôt dans la poche, que fi-nalement ce qui compte le plus c’est de rester connecté, d’avoir son monde, ses données, photos, musiques, fi-chiers, mails, dossiers avec soi, ne recréons-nous pas la ville autour de nous, où que nous soyons ? Tant que la technologie ne nous abandonne pas en tout cas…

Et que dire de l’urbanité ? Même si la fête des voisins a réhabilité ce vieux lien social – connaître les gens de son immeuble, c’est limite incroyable, sauf si on les a rencontrés au préalable sur Face book - les mégalopo-les ont longtemps été synonymes d’anonymat, ce mot qui porte à la fois la solitude et la liberté. Mais la vraie liberté n’est-elle pas – in fine - de ne pas dépendre des autres ? (c’est dire si elle est illusoire !)

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Est-ce encore vrai ? Nos villes sont-elles le creuset de nos solitudes et la violence la seule façon que nous ayons trouvé de les confronter ? Tout dépend peut-être du nombre de réseaux sur lesquels vous naviguez… Les si-

tes communautaires incarnent bien cette ville-réseau virtuelle où toutes les données sont perméables : ici et ailleurs, hier (en fac, précédent boulot), maintenant et demain (opportunités de busi-

ness), vie privée et vie professionnelle, vagues connaissances et amis de… plus d’1 an !

Au royaume du virtuel, voire du superficiel, de vraies relations se nouent, une espèce d’entre-deux qui marche au feeling, qui ne prend pas le

soin de vérifier la provenance du nouveau contact – d’ailleurs comment le faire ? On y a l’identité que l’on veut - une re-

lation qui naît sur quelques mots échangés, une mu-sique… à peu près autant d’indices que ceux

dont on dispose quand on se rencontre au hasard : accoudé au bar, à un dî-

ner chez des amis, dans la rue en cherchant un taxi… Et de toutes

façons, sur les réseaux comme en ville, on constate

que l’endogamie est de mise : on fréquente des inconnus … qui gravitent

finalement peu ou prou dans le même micro milieu que vous.

Les réseaux comme des villes que nous habitons, des villes tissées, construites selon nos goûts, nos préférences, nos expé-

riences, des villes où le niveau de langage n’est pas le même que celui de notre (ex ?) réalité. On peut câliner de quasi inconnus, faire tout

un tas de trucs sexy à notre vieux pote et dire je t’aime sans se regarder dans les yeux.

Des villes où les rues sont des liens où les groupes de discussions sont nos nouveaux quartiers, où le ciné s’appelle You Tube où notre tanière est tissée de tous ces fils qui nous

relient les uns aux autres. Pas de message aujourd’hui ?

La ville est dépeuplée…

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Vous l’avez vu dans Minority Report, dans Blade Runner, Isabelle en parle dans sa contribution, la ville-réseau va bientôt naître… Doit-on la craindre, l’aimer ? Je vous avoue humblement que je n’en sais rien, mais je pencherais plu-tôt pour la première assertion !

En 2014 !25 milliards de dollars pour construire une ville à partir de rien à 60 kms de Séoul. Une « cité de l’ubiquité » structurée autour d’un « système pervasif », c’est-à-dire avec l’omni-présence d’un réseau d’informations. Tous les organismes, étatiques ou non, partageront vos données, les poubelles municipales analyseront les étiquettes des bouteilles en verre pour créditer votre compte si vous êtes un « écolo modèle » les recyclant, honte sur vous, si vous oubliez une fois. Vos données médicales seront stockées sur votre por-table, et ce dernier sera votre ange gardien prévenant votre médecin traitant en cas de problème. Ouah, cela fait rêver, mais pourrais-je faire le moindre geste, avoir la moindre conversation sans que tout le monde le sache, surtout les entreprises commerciales et l’état.

L’idée fondatrice est certes séduisante, du moins pour ce qui concerne la santé, l’environnement et une certaine forme d’échanges entre les individus. Cependant, contrai-rement à nous, les asiatiques considèrent cette expérience comme le moyen de valoriser leurs nouvelles prouesses technologiques. Je me permets donc d’être un tant soit peu dubitatif quant aux notions d’individu et de liberté indivi-duelle. Je ne suis pas également pleinement convaincu que cette omni-virtualisation sera créatrice de relations réelle-ment humaines.Bon, tentons quand même l’expérience, au vu des quel-ques images sur le projet, au moins en matière d’architec-ture cela peut sans doute être intéressant !

« Songdo est l’archétype des villes intelligentes (smart ci-ties) en préparation. Elles anticipent ce qu’on appelle la ‘convergence naturelle’, phénomène qui nous permettra de vivre dans un univers qui nous répondrait au doigt et à l’œil, où tous les objets seraient des interlocuteurs » Ariel Kyrou

Bienvenue à Songdo-les-Brazil

éditosuite Marc Ferron, Jak.id

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Christine Buscailhon,Directrice du Planning Stratégique

A l’heure où les loyers en centre ville explosent, l’urbain d’aujourd’hui doit se réfugier en banlieue de plus en plus lointaine pour cause de pouvoir d’achat. A l’heure où le CO2 est devenu l’ennemi mortel de notre civilisation et où le prix de l’essence dépasse les 10 Francs symboliques (en euros, ça ne sonne pas pareil), l’urbain d’aujourd’hui privilégie les transports en commun pour se déplacer. Par conséquent, l’urbain d’aujourd’hui est entassé dans le mé-tro et il lui faut une bonne dose d’urbanité (au sens premier du terme) pour supporter son calvaire quotidien. Signe des temps, Le Monde du 9 avril 2008 fait sa une sur « Les Naufragés de la Ligne 13 », racontant avec moult détails les supplices endurés par les voyageurs de la ligne la plus chargée de la RATP préfigurant la surchauffe de demain sur l’ensemble du réseau parisien. A Londres, certaines sta-tions sont fermées pour éviter l’asphyxie souterraine. Par voie de conséquence cette mesure favorise les déplace-ments à pied (pour se rendre dans les stations voisines).

Que peut faire l’urbain pour échapper à ces tourments, re-prendre la voiture ou acheter un scooter? Hors de question, son porte-monnaie et son sens aigu de la protection de la planète le lui interdisent… et le supplice du bouchon à l’heure de pointe enfermé dans sa voiture équivaut au supplice de l’entassement dans les transports en commun. Il lui reste l’alternative des transports « doux », le vélo, le Vélib – si sa ville en est équipée – le roller, la patinette ou la marche à pied.

Ce mode de transport représente 34% des déplacements de proximité en Ile de France - et ce n’est pas fini - car chacun d’entre nous est un Piéton potentiel, c’est même le point commun de tous les urbains.

A l’heure où éco responsabilité et ego mobilité sont liées, le Piéton devient une figure incontournable de la mobi-lité urbaine. Il est d’ailleurs le personnage central de la dernière campagne publicitaire de la RATP, et plus surpre-nant, de la campagne des parkings Vinci qui clame que « Le droit d’être un piéton c’est le droit de laisser sa voiture où on veut quand on veut ». Certaines marques ont lancé des gammes de produits pour piétons comme la marque Puma avec la ligne « Urban Mobility » qui comprend des vêtements, accessoires, chaussures et un vélo adapté aux besoins des urbains. Nike en association avec Apple a créé Nike+ qui permet de combiner sport, musique, mobilité et géolocalisation.

Le piéton serait donc le héros de notre urbanité moderne. Si, d’après l’urbaniste Antoine Grumbach «La Carte Oran-ge est le plus grand urbaniste du XXe siècle. Elle favorise à l’infini le mouvement dans la ville devenue mégapole», le téléphone mobile est en train de devenir la télécommande de l’urbanité du XXIème siècle.

Le piéton serait donc le héros de notre urbanité moderne

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Equipé de cet objet qui le dote d’un don d’ubiquité, le Pié-ton dessine les contours de sa propre ville : renseignements, citoyenneté, rencontres, interactivité, GPS piétonnier (No-kia Maps), et bientôt moyen de transport et de paiement, la ville 2.0 est désormais à portée de touche et de tag.

Imaginons un piéton qui, à partir de son téléphone mobile, réserve sa place de cinéma après y avoir consulté le pro-gramme, puis se laisse guider en magasin vers les articles qu’il a pré-sélectionnés sur internet , visualise les offres promotionnelles des commerçants à proximité, règle ses achats et télécharge la musique du chanteur apparaissant sur une affiche de spectacle. C’est d’ores et déjà possible. La ville de Lille teste actuellement la mise en place de zo-nes commerçantes interactives basées sur les technologies Wi Fi et RFID.

Un piéton qui commande une place en covoiturage, où qu’il se trouve, sans contrainte horaire, et voit un véhicule arriver en moins de temps qu’il n’en faut pour héler un taxi parisien ne relève pas de la science fiction. La R&D de Nokia a mis au point un système de covoiturage dynami-que basé sur la géolocalisation via téléphone mobile. Tous les véhicules inscrits à un moment donné sont localisés et peuvent être avisés en temps réel qu’un passager à proxi-mité attend un transport dans la même direction - le sys-tème gère même des “correspondances” ! Le passager paie en fonction de la distance et le propriétaire du véhicule est rémunéré (ce dernier pouvant à tout moment se mettre en disponibilité ou indisponibilité sur le réseau).

Un piéton qui consulte sur un écran situé sur un arrêt de bus une carte interactive du réseau, les annonces du quar-tier ou une projection géante de son internet mobile, ça a été testé à Paris et c’est désormais le quotidien à Saragosse en Espagne.

Les possibilités liées aux nouvelles technologies qui vont permettre à l’urbain de développer son don d’ubiquité et donc de diminuer ses déplacements sont infinies. Les délais de mise en œuvre sont un peu longs, alors, en attendant, si on enrichissait en services, en expériences et en sociabi-lité les trajets en transports en commun ? Pourquoi ne pas faire des transports des prolongations dans la vraie vie des réseaux sociaux en ligne : organiser les déplacements par affinités ou y prévoir des points de rencontre géo-localisés ou encore des événements festifs ? « Profitez du plus grand réseau réel » clame d’ailleurs la RATP dans son dernier spot. Les passagers n’ont pas attendu ce discours publici-taire pour agir et connecter le réseau réel au réseau virtuel. Ils multiplient les initiatives spontanées : des blogs comme blogencommun.fr rassemblent les ressentis (souvent néga-tifs) des usagers, des groupes se créent sur Facebook pour organiser des fêtes (Metro Party Concept) ou faire du lob-bying (Pour le remplacement de toutes les lignes de Metro par des lignes 14), le site Paribulle.fr permet de retrouver les personnes croisées dans le métro ou dans la rue… la liste est loin d’être exhaustive.

Finalement, adoucir la ville avec un peu d’urbanité ne dé-pend que de chacun d’entre nous et le web 2.0 favorise le mouvement. Saluer son voisin de rame de métro, c’est déjà être urbain… alors allons-y !

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Antoine

Couderc10 vous êtes en train de lire le JakLab#3 sur l’Urbanité << M >>

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destination

nulle part La bonne idée de ce printemps tardif, c’est de se perdre et faire mentir Beigbeider lorsqu’il affirme dans sa

contribution aux « Nouvelles mythologies » (parues en septembre au Seuil) que le GPS tue notre droit à se

faire la malle dans des espaces inconnus. Bien sûr on peut pirater des Email, bien sûr la CIA surveille tout

(mais pas si bien que ça si on en croit l’histoire qu’en raconte Tim Weiner dans « Legacy of ashes : the history

of the CIA », chez Allen Lane). Il suffit d’un grain de sable et la machine à renseigner se dérègle. Voilà que les

machines se mettent à parler comme dans le rêve de Transformer de Michael Bay. Et là, c’est champs libre, à

la manière du « Livre blanc » de Philippe Vasset (Fayard). On peut alors regarder la ville à partir de ses zones

vierges. Rejoindre l’envers du décor, filer vers des lieux théoriquement vides, « papillonnants à la périphérie

de la vision, une nuée d’événements vagues, sans suite, bancals, comme ces trois voitures rangées sous le

pont, les pare-brise et les fenêtres obturés de papier journal ». Plus fort qu’un rêve de FRAC*… Devendra

Banhart avait annoncé la couleur, il y a deux ans, déclarant qu’il ne consulterait plus de carte en arrivant dans

une ville qu’il ne connaissait pas, pour se perdre à fond et devenir une friche vivante.

Lâche ton velib baby et suis le guide !

*Fond régional d’art contemporain

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Terra incognita, terre promise, territoire à explorer ou trou du cul du monde,la chose urbaine attire, fascine, obsède les photographes.

par Brigitte MantelResponsable Europe du Planning Créatif de Getty Images

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La passion visuelle pour la chose urbaine engloutit, dévore, absorbe le temps des photographes, leurs pas, leur vie. Et pourtant la chose urbaine excessive, extrême, apporte le ravissement aux photographes. Possédés, émerveillés, les photographes fixent et documentent la chose urbaine, ce faisant, ils la découpent, la centrent, la cadrent, la retou-chent. Les photographes font de la chose urbaine une chose à eux, ils la mettent en boîte, ils la mettent à plat, ils en font des rectangles ou des carrés. Les photographes,

à la fin de leur périple et de leur traque sont heureux. Fiers et satisfaits ils nous donnent à voir la chose urbai-ne. Et nous, pauvres choses que nous sommes, aveugles malgré nos yeux qui voient, nous regardons la chose urbaine, nous la re-gar-dons, nous la dé-cou-vrons. Elle est là, plate dans son carré ou son rectangle, toute do-cile et silencieuse. Ah non jamais, vraiment jamais nous n’avions vu cette chose urbaine là comme ça, nous sommes étonnés, emballés, transportés, pourtant nous

passons tous les jours devant, ou à côté, ou derrière, ou à proximité. La chose urbaine vraiment nous enchante. Mais déjà les photographes sont repartis à la conquête, à la poursuite de leurs rêves, de leur image idéale. La chose urbaine est en mouvement, tout le temps, cha-que seconde, chaque minute, la chose urbaine enfle, investit de nouveaux territoires. Terre promise, la chose urbaine obsède, ravit et fascine les photographes.

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Interview de Roland Castro Père Lachaise, 9H30.

Causerie au milieu

des volutes de fumées. 314 vous êtes en train de lire le JakLab#3 sur l’Urbanité << M >>

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Roland Castro : Il y a une phrase à laquelle je reviens sou-vent; c’est de Mallarmé : « Nous vivons dans le vivant ».

Oui oui il y a des liens bien sûr. Évidemment il faut relati-viser : si on est noir, fraîchement arrivé et d’une famille un peu analphabète c’est un peu plus compliqué que si on ne l’est pas. Il y a des choses lourdes qui accablent les gens y compris leur position dans la société, mais quand même, la manière dont on habite l’espace a en effet de l’influence, je pense, et ce pour des tas de raisons.

Pour moi par exemple, si je regarde les quartiers les plus moches, le vote Front National et l’abstention; il y a bien une corrélation une sorte de décalque entre la connerie d’un quartier, Chanteloup / Saint Lazare à Stains par exem-ple, si on prend les quartiers les plus bêtement fabriqués de la pire époque rationaliste, si je regarde le taux de votants dans ce quartier (y a un seul bureau de vote comme ça c’est pratique pour voir) on arrive à des 23% de votants, quand la commune, en moyenne, est à 50%. Pareil si on regarde l’environnement pavillonnaire des grands ensembles et les grands ensembles eux-mêmes, le vote Front National est encore plus fort dans l’environne-ment pavillonnaire que dans le grand ensemble lui-même. Les grands ensembles les plus moches sont les endroits par exemple où la citoyenneté ne marche pas du tout, in-dépendamment du fait qu’il y a beaucoup d’étrangers qui n’ont pas le début de l’ombre d’une citoyenneté, même pas leur carte. Enfin je parle des français, on voit que dans

Jak : Alors voilà, le thème du JakLab 3 étant « urbanité », ou comment la ville et ses habitants inter-agissent l’un sur l’autre, comment la ville façonne les comportements, la règle sociale, une façon de vivre.

On s’est dit que vous auriez forcément beaucoup de choses à nous dire là-dessus.

Alors Roland, c’est à vous : en roue libre !

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les quartiers les plus moches, la citadinité ne marche pas du tout alors que si on regarde la proportion sur Paris, qui est une bonne ville bien qu’il y ait effectivement des dispa-rités entre les quartiers, on s’aperçoit que le Front National n’a jamais mordu vraiment (dépassé 10%).

Alors qu’il y a des quartiers qui ont tous les ingrédients ethniques, y compris le bureau de vote dans lequel il y a la mosquée fondamentaliste avec des connards et les bouti-ques à côté où tu ne peux pas acheter de l’alcool, donc des éléments d’énervement moyen de la population moyenne, le front national par exemple n’est pas plus fort qu’ailleurs. Donc il y a une bonne urbanité de la ville. Paris a une bonne urbanité. Quand il y a des juifs, des arabes et des asiatiques qui se focalisent sur un quartier à Belleville c’est pas du tout un ghetto, c’est une concrétion culturelle qui apporte quelque chose à toute la ville, vers laquelle n’im-porte qui a envie d’aller, pas tout le monde, mais presque. Et donc il y a une urbanité, alors qu’à contrario il y a des coins, bon le mot ghetto serait très exagéré, ça a quand même un sens très très précis, mais enfin quand même il y a des coins où au contraire, alors là, l’accablement, l’accumulation d’amalgames ethnico-sociaux et caetera, dans une urbanité de merde, le tout le plus loin de tout, ça donne… on voit bien que… ça ne marche pas. Donc il y a bien un lien, sans aucun doute, un vrai lien entre la politi-que, la vie de la cité et la manière dont la cité est faite.

Alors pour y voir un peu plus clair je me sers de trois échelles. Il y a l’échelle de la maison, de l’endroit où l’on habite, de son immeuble. Alors effectivement est-ce que l’endroit où l’on habite est digne ou indigne ? (il montre une photo d’un avant/après) ça se passe à Lorient, c’est le même bâtiment, il a été transformé, donc là c’est mieux, c’est nettement plus joli, si je puis dire. En plus c’est di-gne. Dans ce genre de quartier, ce que j’ai vérifié, quand on transforme radicalement, quand on métamorphose, les gens reçoivent un nouveau chez eux il y a une fierté etc. Il y a un vrai sentiment de reconnaissance de chacun par rap-port à l’endroit où il habite. Alors que par contre quand tu

rentres dans l’immeuble tel qu’il était avant, avec des tout petits halls explosés, des boites aux lettres explosées, les halls des immeubles sont maintenant 10 fois plus grands. Donc quand on est là, et qu’on habite dans sa case, on ne sait même pas dire où l’on habite tellement c’est la même chose, c’est pas pareil et c’est vrai qu’il y une forme ur-baine qui s’est bien accommodée de la relégation. Donc à cette échelle-là, ce qui est une bonne urbanité, c’est que le bâtiment soit objet de fierté. De fierté ou de banalité, qu’il ne soit pas stigmatisable sous la forme « tiens ça ressemble à la réserve d’indiens ».

Alors le quartier, c’est pareil, pareil à une autre échelle. Est-ce que le quartier dans lequel tu habites te donne un

sentiment d’appartenance à un endroit où tu peux être seul ou avec d’autres mais pas perpétuellement sous le regard de l’autre. Le grand ensemble, a contrario, est un espace auquel la figure de fabrication des grands ensembles a fait que tu es perpétuellement sous le regard de l’autre. Tu es scotché dans ta cité, tu es enfermé dedans. Tu es DE la cité et pas d’un morceau de ville. Alors ça c’est un 2ème exemple. Quand on transforme un quartier comme je l’ai fait, on modèle un quartier, la première chose c’est qu’il devienne un quartier de ville et pas un grand ensemble renfermé sur lui-même. Il y a des tas de choses à faire pour certains, ça prend un temps de fou. Disons que le bon quartier et le mauvais, ça existe.

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Les cités jardins fabriquées avant-guerre, faites d’habitat social en majorité ont été très très bien faites par les Jau-ressiens sur une idéologie de reconnaissance ; la classe ouvrière devait correctement vivre avec l’urbanité juste-ment, pas simplement être logée, mais aussi être dans des quartiers agréables etc. La cité jardin est une bonne figure d’urbanité. A la même taille, à la même échelle : 3000 logements par exemple à Suresnes à la cité des jardins fa-briquée dans les années 20 et 3000 à Aulnay. Dans un cas on a un sentiment d’appartenance extrêmement fort, d’ailleurs les gens bougent le moins possible et puis dans l’autre cas, même taille même occupation du sol, même nombre de m2 occupés sur le sol mais une autre manière où manifestement il n’y a pas du tout ce même sentiment. Donc à l’échelle du quartier ça existe aussi la question de l’urbanité, c’est quand même une question très sérieuse, c’est réglé quartier par quartier.

Enfin il y a une autre échelle d’urbanité qui est le senti-ment d’appartenance à un ensemble métropolitain ou à une ville. Mais beaucoup de quartiers ne donne pas le sen-timent d’appartenance à une ville. Dans Paris on est toujours DE Paris , on est dedans. On peut n’avoir jamais foutu les pieds dans le 16ème mais on est toujours de Paris. On est d’une histoire urbaine avec un sentiment d’appartenance à quelque chose qui n’est pas inaccessible, qui me ressemble. La place de la nation et la place de l’étoile sont faites de la même manière, de la même qualité urbaine à un moment où les bâtiments étaient beaucoup plus pauvres place de la nation et ceux place de l’étoile plus riches. Alors oui, ça bouge parce que Paris devient trop petit, Paris devient riche globalement comparé aux autres…………… Téléphone

On en était où ? Ah oui ! Alors Paris c’est très différent. On est de la cité, on est même pas de la commune de la cité. On a très souvent une mobilité maximum la Cité-les Halles, les Halles-la Cité et les Champs Elysées. C’est le maximum, on n’est pas en réseau du tout et donc il y a une très mauvaise urbanité de ce point de vue-là. Quand on est

à Montfermeil le bâtiment est moche la cité est moche. On n’est pas dans un système où l’on peut imaginer, on n’a pas un champ… un champ urbain des possibles. A Paris on a un champ urbain de possibles, à Montfermeil on n’en a pas. Bon ! Montfermeil pour prendre l’exemple d’endroit où le bâtiment est moche, pas de doute le quartier est mo-che et en plus c’est le trou du cul du monde.

Bon ! donc c’est une des grandes question sérieuse de la société française. C’est une des plus grandes inégalités la question urbaine. C’est une inégalité qui se superpose à d’autres inégalités mais celle-là elle est à mon avis solu-ble. Enfin disons, on est dans une société qui a inventé l’égalité en droit donc égalité en droit ça veut dire faire mention aux droits de l’homme. Comme dirait Coluche ; ce n’est pas évident, mais c’est un pari philosophique pour chacun. Un siècle après, c’est Jules Ferry et l’école publi-que, ça donne l’égalité des chances et puis moi je pense qu’il y a un droit à l’urbanité. Faudrait arriver à ce que la ville ne nous stigmatise pas. Donc l’action d’urbanité c’est pas du tout une blague. Je pense que c’est d’autant moins une blague que le village est devenu planétaire, que la communication est planétaire. On est extrêmement proche de son lointain si je puis dire, et la question de son pro-chain concret est parfois extrêmement mal réglée. On est extrêmement lointain de son prochain. En France, on est beaucoup plus angoissé par le Darfour que par ce qui se passe dans certains quartiers. Et donc la question d’habiter quelque part, y compris à l’époque où le virtuel est une plate-forme du réel, est question très sérieuse. Je pense que la question de l’urbanité… moi, j’aime bien ce concept parce que ce n’est pas l’urbanisme qu’on peut assimiler à la planification urbaine et ce n’est pas l’architecture non plus, c’est un entre-deux. Est-ce que les bâtiments vous sourient ? Est-ce que la place un-tel vous sourit ? C’est une manière d’être de la ville qui n’est pas uniquement dans le rationalisme étroit des droits, des besoins qui est plutôt dans le désir. Évidemment il y a une culture de l’urbanité qui s’est perdue avec les temps modernes et notamment la pensée de Le Corbusier, les grands ensembles, etc.

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Il y a plutôt une culture de l’urbanité qui est très attaquée surtout par l’idéologie de certains écolos qui défendent la ville dans les arbres, la ville à la campagne et qui préfèrent les arbres aux bâtiments.

C’est une vraie bataille l’urbanité c’est pas du tout un ac-quis ça pourrait… C’est malheureusement pas une obses-sion. La question quantitative est beaucoup trop prégnante par rapport à la question qualitative, il n’y a pas de culture urbaine socialisée. Moi je m’étonne qu’à l’école il n’y ait pas des classes de ville, comme il y a les classes de neige ou les classes de nature. C’est une question sur laquelle les hommes politiques ont à trancher quand on les élit, mais ils n’expliquent pas comment ils vont le faire ; on est vrai-ment dans « à votre bon coeur messieurs-dames », on a des surprises ou pas. On ne sait pas ce qu’ils pensent. On l’a vu quand Mauroy a massacré un morceau de ville, les gens de gauche ont voté pour lui, le morceau de ville a été mas-sacré et ils n’ont pas regardé si Mauroy avait un certains sens de la ville ou s’il l’avait pas. Or il a été prouvé à Eura-lille qu’il l’avait pas. Cette question qui est centrale pour la ville n’est pas sentie comme un enjeu politique majeur alors que s’en est un, en tout cas inconsciemment ça fonc-tionne comme tel. Il y a des maires qui sont devenus d’ex-cellents urbanistes, ce sont des promeneurs de leur ville. Il y a des maires qui pensent que les questions sérieuses sont le social, l’économique mais ils ne se rendent pas compte que le dessin de la ville, la façon dont elle est faite est im-portante et influe sur le sentiment d’appartenance.

L’ancien maire socialiste de Vitrolles, quand le FN a gagné la mairie, on pouvait mettre 40% de votants, c’est l’époque triomphante du FN dans le sud de la France, Il en a fait 60% Maigret, il y a 20% à mettre sur le dos de la connerie du maire d’avant qui avait été infoutu de fabriquer une ville qui donne aux citoyens le sentiment d’appartenir à quelque chose. C’est une ville les plus con de France, c’est peut être pas un hasard qu’elle soit passée au FN… Donc cette question est sérieuse mais elle n’est pas posée comme telle.

Enfin ça fait 35 ans que je travaille sur cette question, j’es-père y arriver à l’échelle du Grand Paris. L’urbanité pour moi c’est que la ville rende «possible», que ça influe et que ça donne du sens : que les bâtiments publics aient du sens, qu’une école donne l’idée d’instruire , la 3ème république a été une grande république pour justement inventer une ville qui ait du sens : tous les bâtiments disent quelque chose, toutes les écoles racontent quelque chose, ça n’est pas qu’un programme pour qu’il y ait des élèves dedans, aujourd’hui toutes les écoles ressemblent à des aéro-clubs, on voit bien que l’idée d’instruire n’est pas inscrite dans les bâtiments, la 3ème République savait très bien faire ça, le mouvement moderne a massacré tout çà. Cette question du sens est très peu réfléchie. C’est pour ça qu’il y a beau-coup d’architectes qui pensent que la ville est « partie », que l’on ne peut plus rien faire, que les réseaux bouffent tout, que l’on ne peut que s’étendre.

Et du coup d’ailleurs il y a beaucoup de gens qui vivent dans des espaces dans lesquels il n’y a pas ce sentiment de possibilité. Après ils se débrouillent pour vivre, échanger, aimer, rêver et tout ce qu’on veut… Mais la manière dont la ville est construite n’arrange pas les choses.

Jak : Hormis Paris est ce qu’il y a des villes qui ont une meilleure urbanité que d’autres ?

RC : Par exemple Barcelone, à part les problèmes centre/périphérie, parait vachement mieux que Paris. Non, en fait je pense que, malheureusement, dans le monde entier les rapports centre/périphérie sont extrêmement mal gérés. Maintenant il y des villes qui font plus d’efforts que d’autres ou qui ont une texture permettant de faire plus d’efforts que d’autres. New York peut se permettre ça, NY fonctionne en réseau, bon après il y a d’autres raisons qui font que NY est une ville inégalitaire, mais il y a une bonne base d’ur-banité. Les autres villes américaines moyennes paraissent catastrophiques .

Il se trouve que, comme modèle de ville métropolitaine d’assez grande échelle, le Paris d’Haussman reste une des plus grosses agglomérations humaine bien faite, à l’échelle de 3 millions d’habitants du temps d’Haussman et 2 mil-lions maintenant. On a donc quand même une histoire urbaine assez costaude, qui a peu d’équivalent dans le monde mais, a contrario, on a un rapport centre/périphérie d’autant plus dégueulasse qu’on a un centre assez «épais», on pourrait même croire qu’on pourrait ne s’occuper que de ce centre mais ce n’est évidemment plus du tout le cas .

C’est une très sérieuse question, qui est très très mal gérée, d’ailleurs on voit bien ce qui se passe en Chine, ils ont un boulot de réparation, c’est une explosion qui produit du bâtiment et très peu d’urbanité. Extrêmement arrogant par rapport à la mémoire, c’est pas intelligent. Ca surprend par son dynamisme, mais ce n’est pas sûr que ce soit d’une excellente urbanité.

C’est devenu un peu un terrain de jeux architectural la Chine, non ?

Oui tout à fait, le terrain de jeux de New York était mieux parce que le plan de base était bon, il permettait tous les possibles; ce n’est pas le cas de tous ces développements en Chine.

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«Salut Jak,

L’urbanité c’est aussi des gens qui habitent dans la ville.Le problème avec les photos des gens, c’est que j’en ai pas... car le concept c’est justement d’isoler le batiment (notamment de sa base) afin de faire ressortir le coté infini de l’accumulation.

Le parrallèle serait intéressant, mais je perdrais le sens premier de mon travail.»

Alexandre Jacques

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Ce mot complexe et moderne offre une certaine for-me de subtilité peu évidente. En effet le sens premier du terme est la « politesse fine et délicate » et donc indirecte-ment l’affabilité et la civilité. La deuxième notion rattachée à l’urbanité est « le caractère de ce qui fait une ville ». Peut on alors envisager que la ville se fait civil (dans les deux sens du terme) et qu’une philosophie de l’humanité se des-sine derrière toute ville, derrière tout urbanisme ? Est-ce que derrière le concept d’urbanité se cache une utopie ?

On pourrait le croire si on se réfère à l’historique de la notion d’urbanisation, terme inventé par l’ingénieur cata-lan, Ildefons Cerdà, et apparu dans son ouvrage «Théorie générale de l’urbanisation» paru en 1867. Celui-ci a en effet cherché à insuffler de l’intelligence et de la durabi-lité dans la construction des villes (notamment dans les plans initiaux de la création de Barcelone) et traduit ainsi l’objectif de tout vrai urbaniste : donner une lecture de la ville et d’un territoire; faire de la ville un espace collectif, durable et efficace.

On pourrait l’espérer car derrière ce mot gal-vaudé, devenu péjoratif à souhait, l’urbanisation cache l’espoir. C’est une force positive qui engendre stabilité, croissance, solidité des institutions. Il ne faut pas, bien sûr, renier le fait qu’elle est aussi source d’inégalité, de pau-vreté, le tout amalgamé dans le terme de bidonville qui résume tous ces maux. Mais aujourd’hui la conscience de notre futur rend l’urbanité primordiale dans la réflexion de notre avenir et les urbanistes en sont les acteurs : l’urbanité se comprend comme un tout et non plus comme entité autonome, reflétant l’état d’esprit de notre époque où le tout, le global, le multi se font omniprésents, omnipotents. Dès lors les urbanistes sont les créateurs de notre avenir.

On pourrait la vivre car idéologiquement urbanisme rime avec humanisme (pensons aux réalisations d’O.Wagner, Niemeyer, Le Corbusier, F.L Wright, etc.) et aujourd’hui c’est à nous de faire rimer urbanité avec (h)urmanité© .

Alors même si derrière toute utopie se cache une désillu-sion, je crois plus que tout en l’hurmanité de nos prochai-nes villes.

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De Cyrille Sethi

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GRAND ANGLE : PLANÈTE URBANITÉ

C’est arrivé cette année : plus de gens vivent aujourd’hui en ville que dans les campagnes. L’urbanité est le futur de l’humanité. Les villes incarnent l’espoir pour 70 millions de personnes qui quittentchaque année les campagnes à la recherche d’une vie plus libre et plus riche. Les villes représentent aussi un espoir pour l’humanité parce que la natalité tombe rapidement dès que les familles habitent en ville. Peut être l’urbanité empêchera-t-elle la « bombe démographique » de nous exploser à la figure ?

C’est pourquoi on peut peut-être lire dans cette image autre chose qu’un futur sombre, et y voir l’urbanité comme une source de lumière.

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Urbanité ? Petit zoom sur un mot

par Gregory Duquesne de l’agence Né Kid

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PAYSAGE :

UNE SOCIÉTÉ PLEINE D’URBANITÉ

Les adjectifs urbain et poli, trouvent leur origine dans la ville, romaine (Urbs) ou grecque (Polis). Parce que c’est en ville que s’inventaient les règles de vie en communauté, et que les habitants des campagnes ignoraient ces règles. L’étymologie nous parle d’une ville plus humaine, de com-portements animés par un sens de la vie en communauté. Une ville qui existe aujourd’hui rarement dans les faits.

Peut être oublions-nous que la ville est une communauté parce que nous ne pouvons plus connaître personnelle-ment tous ses habitants, ni voir les effets de nos actes au service d’un projet commun. Comme si nous prenions de la hauteur pour faire entrer dix fois plus de gens encore dans l’image : celle-ci se transformerait en une foule abs-traite avec laquelle nous ne nous trouverions plus rien de commun.

Et si l’éthique de l’Urbanité, c’était cela : choisir d’aller vers l’autre même si nous n’avons rien à y gagner et que nous n’avons rien en commun avec lui ? Un sentiment de la communauté qui dépasse les communautés d’intérêt. Un acte vraiment gratuit.

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GROS PLAN : PORTRAIT D’UN HOMME

PLEIN D’URBANITÉ

C’est l’histoire d’un acte gratuit. Un jour le jeune homme de cette photo a mis une annonce dans un journal : « Join me ». Deux mots assortis de ses coordonnées, juste pour voir. A sa grande surprise, les gens l’ont rejoint. Pour faire partie du groupe, il suffit de faire des actes de bonté sans attendre de contrepartie, de préférence le vendredi. Le mouvement a grossi dans plusieurs pays, et vient même de construire une école au Kenya pour fêter sa cinquième année d’existence.

Pour le rejoindre : www.join-me.co.uk

Bon courage, peut-être êtes-vous le dernier espoir de l’ur-banité…

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Pierre-Louis Desprez,

extrait de son livre «Petit cycles de bonheur»,paru tout récemment chez Arléa.

Vélocité

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L’étudiant et la coiffeuse

Il lui serre la main, par-dessus son classeur d’anat’, elle rit de ses vingt ans. Les aimants sont au travail, les contraires s’attirent. Sur le trottoir, ça grouille d’étudiants, de filles moqueuses, de garçons artistiquement décoiffés. La veste camouflage est majoritaire – vive la légion ? Quelques-uns portent de vieux Burberry’s, assis sur leur vélo hollandais. Élégantes ces machines en col de cygne, mais question maniabilité, c’est raté. Nerveuses comme des mules… Les sciences-po sont smart, habillés avec les must have du moment, mèche au vent. Vêtues de t-shirt aux inscriptions ésotériques et de jeans délavés avec soin, les filles arborent les bonnes marques. La séduction n’est jamais loin. Faire du vélo, c’est aussi une manière de se montrer. Le vélo c’est un accessoire, sonnette mauve et garde-boue bicolo-res. Celui-là avance nonchalamment sur son vieux biclou grinçant, c’est du dernier chic – crouic crouic. Le contraste entre les jeans hors de prix et le vieux vélo remonté de la cave est subtilement travaillé. On se distingue par l’objet et la posture du corps, comme aux tout débuts de l’histoire du vélo. Droit quand on a le style, couché quand on est d’une extraction moins noble. N’est pas tendance qui veut : la mode est jouée, savant mélange de nonchalance et de désintérêt pour l’objet mécanique. Le vélo semble ne pas compter dans ces histoires individuelles, on dirait un sim-ple instrument. Il doit pourtant exprimer, ou plutôt cacher l’opulence de la famille. Ne pas attirer la moquerie des copines, on pourrait se faire traiter de riche. Comment taire ce qu’on veut dire ? La machine entretient l’anonymat. Ici, le neuf et le beau sont suspects. Avec un vieux vélo, on a une histoire à raconter. Pas de séduction sans contraste.« C’est la bécane de mon father, il est assez cool ce vélo. » Pendant ce temps, la jeune coiffeuse prend le métro, son amoureux enfourche un vélo au guidon relevé comme des cornes de taureau. Un autre couple a déjà pris leur place.

Chasse à l’homme

Je roule sur un ancien chemin de halage, le long du canal de l’Ourcq, là où bêtes et hommes ont longtemps tiré les péniches qui approvisionnaient Paris. Je me crois dans une ligne d’eau à la piscine : dépassement risqué, faire atten-tion en permanence à ce qui arrive en face, slalom pour éviter les crottes et les canettes de 1664. Je passe devant les Grands-Moulins de Pantin. Un univers à la Enki Billal. Château industriel à moitié démoli, arbuste perché sur le sommet d’un silo qui ne contient plus de grains depuis longtemps, déversoir de farine couvert de mousse, péni-ches rouillées chargées de gravier jusqu’à ras-bord. Quel-ques bétonnières rappellent le labeur disparu. Déjà des

bancs apparaissent, les pavés sont alignés au cordeau, les berges redessinées annoncent de futurs grands aménage-ments. Bientôt des lofts, des hôtels industriels, des salles d’expo ? J’imagine le peintre Albert Marquet revenant sur ces lieux : serait-il encore inspiré dans ce no man’s land, dans ces terrains désormais sans ombres ni conflits ?Je dépasse le plus vite possible le boucan de La Villette – des tambours, des djembés, des bidons, des groupes qui frappent en cadence, on ne s’entend pas rouler. Des rou-leurs du dimanche me dépassent en file indienne : hom-mes-sandwichs suréquipés, collés à leur objectif de la ma-tinée : faire mieux que dimanche dernier en vue des deux cents kilomètres en Champagne le week-end suivant. Tour à tour le premier passe en troisième position, le second en première, le troisième en seconde. Ils se relaient à l’infini dans une chasse poursuite imaginaire. Où roulez-vous, pe-tites pommes ?Au fur et à mesure que je m’éloigne, je traverse d’autres banlieues industrielles transformées en parc de loisirs. Je fonce dans un nuage de poussière grise. Les pneus sifflent sur le macadam. Des tagueurs s’en donnent à cœur joie. Leurs bombes de peinture maquillent les panneaux de ci-ment, au rythme des ghetto-blaster qui déversent en bou-cle des rafales de mots, des lambeaux de langue râpée.Cette piste sous laquelle est ensevelie l’âme de la berge accueille les efforts dominicaux. C’est la sueur sans une lueur de plaisir, comme une ivresse aux antidépresseurs sans les nuages de l’alcool. Un chemin de croix aussi triste qu’une salle de fitness. Glauque comme la surface hui-leuse du canal. On s’occupe de son cœur, sans se retour-ner sur la mémoire des lieux. Il est interdit de rappeler les malheurs. De retour chez soi, on est content. Malgré tout, on a fait de l’exercice.

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Anonymes

Feu rouge. Espace réservé aux deux roues, icône peinte sur le sol : motos, scooters et vélos sont alignés, narguant les voitures. Le lièvre, le petit lapin et la tortue : les grosses motos démarrent en trombe, suivies par les scooters pé-taradants, puis les vélos lents à la détente. Au feu suivant, les derniers recollent au peloton. On se retrouve. Parfois on se parle – c’est efficace les freins à disque sur un vélo ? demande un motard. On répond au feu suivant – ouais, y a pas photo. Cette communauté roulante joue de l’accor-déon toute la journée. Le vélo c’est du slalom : voitures, trottoirs, passages piétons, voie de gauche puis de droite. C’est très technique : gare au pare-choc, attention ! Un gosse traverse la piste cyclable, où va ce chien ? Est-ce qu’elle m’a vu, la vieille femme avec sa canne ? On ap-prend le pilotage. Et la vigilance. Le vélo en ville, c’est du funambulisme. Sur un fil tendu entre la liberté et l’ac-cident.

Militants

Chaque dimanche, à Paris, les quais de Seine sont fermés à la circulation des voitures. On les réserve aux vélos, ska-ters, rollers, trottinettes, tricycles. Manquent les roulottes et les chars à voile ! On ne sait pas pourquoi on y roule, on vient pour faire comme les autres. Pour se balader, re-garder tranquillement quelques monuments parisiens. Sû-rement pas pour y faire du sport. Étrange communauté de roulants ! D’habitude on est archi-minoritaire au milieu des moteurs. Là on est mille. Sous l’effet du silence inhabi-tuel, on éprouve le sentiment d’une victoire passagère sur la voiture. Même si on n’est pas militant ! C’est le miracle de la masse critique : il suffit d’être en nombre pour sentir poindre en soi le goût du pouvoir. Il y aura peut-être un jour un parti du deux roues, à côté de chasse-pêche et anti-OGM.

Nathalie

Me voici dans l’une de ces parades nocturnes, nous sillon-nons la capitale au milieu d’inconnus. On passe au nez et à la barbe des automobilistes qui piaffent d’impatience quand la longue caravane bloque la circulation. Le vélo occupe une partie de la ville, tel un ennemi. Quelques heures durant, le temps est suspendu : finis les sens inter-dits et les feux de circulation, on roule en continu pendant deux heures, comme dans les chemins de campagne. On oublie la ville hachée, les pare-chocs contre pare-chocs, les bras de fer dans les couloirs de bus. La ville se déploie comme un long ruban, où défilent des fenêtres éclairées, les magasins en rez-de-chaussée, des balcons fleuris, quel-ques chambres de bonne qui restent allumées tard dans la nuit. On passe des pavés trépidants à l’asphalte lisse, des larges boulevards aux rues inconnues. Nathalie (c’est tout ce que je sais d’elle) roule en collant noir et marcel gris. Queue de cheval, peau mate. Son sillage parfumé attire plusieurs prétendants. Sa taille aussi. Fin de non recevoir : elle vient de mettre ses écouteurs aux oreilles. Les pas-sions rapprochent, mais ça ne veut pas dire que c’est ga-gné d’avance… Mais le vélo de nuit, même sans Paulette, quel bonheur !

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Urbanité ? Ca existe comme mot ?

par Mary Noelle Danad’Art&You (www.art-and-you.com)

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Sans blague… Ca vient d’urbanisme ? Non ? Ca vient d’où ? C’est très urbain, merci. Urbains les humains avant de devenir chiens errants d’un trottoir à l’autre, pissant sur les pylônes, sur les flambeaux des villages transformés par les épidémies, les orages.

- Miroir mon beau miroir, dis-moi toute la vérité, suis-je vraiment la plus urbaine ce matin ? - Tu es belle, très belle, urbaine parmi les coquelicots, humaine à nulle autre pareille. Tu règnes en toute urbanité, dans ta glorieuse beauté, perdue dans la cité peuplée de peureux cérémonieux.

Le concept fait rage, c’est furieusement tendance, des boutiques pleines d’esprit vendent beaucoup d’urbanité toute la journée à des gens charmants qui en ont besoin, qui n’en ont plus, ou pas assez, qui en ont envie, qui en ont entendu parler, qui en manquent. Chacun repart heureux, avec son lot d’urbanité, poussant des soupirs de soulagement. Chacun rentre chez soi pour faire beaucoup d’enfants des villes, ou des champs, ça dépend.

Urbanité architexture. Un jour les rues qui brillent, tout bien lissé, tout bien dépoli, un jour l’urbanité s’en est allée, pour faire la place à la civilisation, monstre d’incivilité. Est-ce qu’on est humain quand on habite en ville ? Toujours la même

chanson. Quand on arrive en ville, devient-on inhumain ? Des rues par milliers nous abritent en toute vulnérabilité.

Urbanité, mon amour, qui inspire l’artiste qui respire. Urbanité affabilité, urbanité politesse, urbanité civilité, urbanité amabilité. Je suis un être de sociabilité, je suis urbaine, je suis humaine… Je vis, donc je crée, donc je suis. Je suis donc

je vois ce que tu crées. Tu crées donc je vis donc j’oublie de voir qui tu es.

Je voudrais être une œuvre d’art, qu’on accrocherait partout, qu’on décrocherait beaucoup pour mieux m’accrocher à tout. Soyons urbains, du soir au matin. L’amour est tendance, surtout à haute fréquence. Make art not war.

Un peu d’urbanité, Madame ? L’urbanité pousse à la création. La solitude aussi.Urbanité propice qui pousse à la récréation.

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appel de pocheOu comment une pensée se dilate dans l’espace par Marie Aline & Martin Lord

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Une fois de plus, il ne me voit pas. C’est usant. Toujours le même scénario. Quand on se croise dans la rue, c’est un geste discret, parfois même on s’arrête, on échange un sourire, un ça va, et on passe son chemin. Générale-ment, April March fait son entrée « mon petit ami certifié six mois… du bout des doigts ». Je m’énerve parce que j’oublie toujours les paroles qui me font rire et déteste le rythme que prend une chanson à trou. Ça tombe. Comme une mauvaise blague. Je regarde le soleil, me laisse éblouir et oublie celui qui vient de passer.

Mais là, on est simplement l’un en face de l’autre, entourés d’une centaine de personnes inconnues, ivres, et rien. Pas un seul signe de reconnaissance. Il ne me voit pas. Je sens ma chair transpercée par des yeux creux. C’est même plus une histoire de petit ami, mais de politesse. Être urbain. Savoir se conduire à la ville. On couche ensemble, on peut se serrer la main une fois de temps en temps, non ? Et puis ce silence… Un goût amer envahit ma bouche. Pourquoi il reste planté là ? S’il a rien à dire pourquoi il disparaît pas dans la foule ? Il connaît personne ou quoi ?

Bon, il faut que je passe mon chemin. Mais j’y arrive pas. Mes jambes ont décidé de se rebeller. Aucune obéissance, la paralysie totale, il n’y a que mon cerveau pour mouliner dans le vide, et une légère vibration sur mon flanc gauche. Mon téléphone ! Sauveur ! Je farfouille vite fait dans mon sac et dégaine un allô dévastateur. Mais il ne bouge pas. Il continue à me regarder comme s’il était sept heures du matin, et que j’étais son paquet de Rice Krispies. A l’autre bout de la ligne, rien.

Je colle mon oreille à l’écouteur, monte le son à fond pour masquer le simili lounge qui dégouline depuis les platines du dj jusqu’à nos pieds et prend un air intéressé. Mmm. Je hoche la tête, mais personne n’entend ce geste subreptice qui, je le sais pourtant, donne à ma nuque une sensualité tout à fait inhabituelle. Le silence encore, puis un fracas du tonnerre de dieu. Une poubelle à verre se vide dans la

benne à ordures qu’est devenu mon blackberry. Un frotte-ment hâtif, je m’éloigne pour mieux entendre. L’autre me suit. Merde. Je perçois le souffle irrégulier de quelqu’un qui n’a pas l’habitude de courir. Ou bien est-ce le rebond du télépho-ne dans une poche de quelqu’un qui marche un peu vite ? Ting, ting, ting. Le souffle s’arrête, laisse la place à une de ces voix pour aveugles. « Rouuge pié-tons/rue orde-neer/ Rouuge pié-tons/ rue orde-neeeer »

C’est à ce carrefour que je m’étais rendu compte de la supercherie. C’est dingue le sexe, ça vous fait croire en n’importe quoi, même en l’amour. Vingt cinq jours de mer-veille à valser d’un bout à l’autre de la ville pour quelques cm² de peau, à hurler à tous ces sourds aigris que la vie est belle, à oublier de manger autre chose que des bouts de pains croisés en chemin ou des pommes passablement fripées de vous avoir attendu pendant une semaine sans entendre le claquement d’une porte. Bref, c’est à ce coin de rue que je me suis dégonflée. A cause de l’aveugle ? Du nain ? Ou de la réalité de cette femme à la joue bouffée par un cancer ? Dans les tréfonds audio de mon téléphone, je les entends presque courir pour traverser la rue avant de se

faire écraser par le bus. Mais si ça leur arrivait, est-ce que je retrouverai l’insouciance qui me faisait croire que sexe épanoui = amour absolu ? La voix disparaît, la course reprend. Il est dans mon dos, et continue à me traverser de son regard froid. Non, c’était pas le nain, ni le cancer. Peut-être ce manque d’horizon. Quand on vit encaissé dans la ville, derrière une colline de bitume, on a envie de se projeter au loin. Et si on peut pas être la femme-canon, alors… alors quoi ? Alors, flop. Flanc affaissé, pudding trop cuit, jelly qui prend pas. Merde sur la chaussée.

Le souffle silencieux de l’écouteur m’éloigne de la fête malgré moi. Je me réfugie dans une pièce sombre pour mieux entendre ce guide improbable. Une hola au loin, un match de foot peut-être. Il passe, ne s’arrête pas. Il ? Mais qui est-ce d’ailleurs ? Un rapide coup d’œil à l’écran du téléphone, le nom s’est déjà effacé. Oui, « il ». Vue l’épaisseur de la respiration, on a à faire à des bronches d’homme. Elles se prennent d’ailleurs une bonne dose de nicotine dans la gueule, là, à l’instant. Inhalation pro-fonde. Ça grésille. L’odeur âcre du tabac vient chatouiller

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mon nez. Derrière moi, les pupilles absentes viennent de s’allumer une clope. Je me retourne mêlant encore le son et l’image, le rêve et la réalité, l’amour et le sexe. Ils ne parlent toujours pas. Ni l’un, ni l’autre.

M’ont enlacée. Contre toute attente. Je veux rester accro-chée à la musique citadine, mais ils restent sourds à ma demande. Les yeux deviennent lèvres, je ferme les miens, ma main ne quitte plus mon téléphone. Qu’ils me pren-nent avec.

Il court au bout du fil et laisse entendre une vague ville qui grouille. Un trottoir humide de pisse, une tente dressée sur la bouche d’un métro et même cette odeur de rance qui s’échappe de la fermeture éclair du dôme en nylon. Des sacs y sont entassés recréant malgré un nomadisme récur-rent la sensation lourde d’un foyer trop habité, rarement aéré. Encore envie de me perdre dans cette perspective olfactive, de me laisser entraîner par le silence vagabond de l’appel de poche, de fuir à tout prix l’excitation addic-tive que réveillent en moi les yeux de glace brillant dans l’ombre.

Je me perds vite dans le souffle aride des poumons fati-gués. Le bruit d’une balle contre un mur. Mate, elle rebon-dit seule au fond d’une impasse. Elle me fait penser à ce vieux japonais, expert en sushi et calligraphie, marié à une actrice japonaise de seconde zone. Elle offre maintenant son talent à ses clients, les régale de roulements d’yeux et de salade d’algues. Il paraît qu’elle entraîne son mari au base-ball dans le cul de sac en face de leur boui-boui. Ce soir, il joue seul. La balle se perd en rebondissements incontrôlés le long de la chaussée. « Tenez ». Oui, c’est un homme. Doux. Il soupire. Une pompe fatiguée de courir. Où va-t-il ? J’aimerais tant qu’il monte cette colline, celle à laquelle je pense souvent. Une fois arrivé à son som-met, son souffle sera serein. Seule échappée belle dans cette ville. Lelouch en a filmé le mauvais versant dans « Rendez-vous » - mais pourquoi je dois penser à ça main-

tenant ? - Course effrénée en Porsche, Mercedes, Ferrari ? Va savoir. La seule chose qui m’apparaît évidente : il s’est arrêté trop tôt. Traverser Paris à l’allure de la mort pour piler face au Sacré-cœur. Erreur ! Est-ce qu’il n’a jamais vu le cul de Notre-Dame ? Il aurait dû savoir que les fesses du Sacré-cœur valent, elles aussi, la peine. Elles offrent une perspective. Quand on leur tourne le dos. Un horizon à conquérir avec, en avant plan, une terrasse infernale où des oliviers bravent le vent septentrional pour donner à leurs propriétaires des airs andalous.

Est-ce que mon souffle est monté jusque là ? Il s’ébahit, oui, devant les tours du Grand Nord de Paris et retombe lourdement. « Merde… » susurre-t-il avant de raccrocher.

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UrbanitybyPhilippeMihailovich

What’s HOTSilence: Silent skateboards, silent motorbikes

Generosity and kindness

Integration as a solution to immigration

The naturist beach at Paris Plage

Velibre

Snus alternative tobacco – see http://www.gothiatek.com

Buying drugs legally from http://www.youknowit.com/

Sex on secondlife.com (I entered as a lesbian but girls rejected me)

Discreet Champagne/wine bars like Wini June - the coolest spot to hang out and

chill - 16 rue Dupetit-Thouars

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UrbanitybyPhilippeMihailovich

What’s NOT4x4s and cars that look small but aren’t (Megane/Trafic)

Big Bikes (you must need a motorway to reach the city – pluk)

Harley Davidson (for noise)

Aggressive and arrogant police officers on every corner

Obese tourists in shorts

Bag draggers (with wheels that trap people walking behind)

Show-off Vuitton and Goyard bags

Serving ‘polite’ half glasses of wine in restaurants

Cigar smoking

CDD contracts

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par Stéphane Grassotplanneur stratégique

Urbanités : de l’urbs au hub.

«La vie dans l’agglomération urbaine doit elle-même faire naître chez ses habitants ce respect d’autrui et de soi-mê-me qui s’appelle d’ailleurs, à juste titre, l’urbanité.»

Giraudoux - Des pleins pouvoirs à sans pouvoirs, 1950

« Urban, ça se veut libre, créatif. Il faut faire marcher son imagination. »

Sandy Levittas, la «Ronaldinho» féminine, 2006

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concerned with a city or densely po-pulated area, The term is exploited by corporations such as MTV to refer to black music/culture, without mentio-ning race.Anything Urban = $$$$

Urban means relating to or

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Ville intime

5 heures du matin. Premier métro aérien, quelques intimi-tés s’exposent aux regards voyageurs. Dans les rectangles de lumière, les cuisines.

S’il y a bien un lieu empli d’urbanité c’est cette sous-unité domestique compacte, qui articule stocks et flux. Il y a ce qui y entre, ce qui en est évacué, la circulation constante des biens, des personnes, de l’eau et de toutes les éner-gies.

C’est le lieu de toutes les convergences, c’est le life sup-port system, c’est une zone de transit, un lieu de synchro-nisation entre intérieurs et extérieur, entre nomades et sé-dentaires. Le frigo sert de support d’information, post-its et magnets y résument les temps passés et à venir.

A la cuisine, on est toujours assuré de trouver quelqu’un. Ou la radio allumée. Ou du courrier à parcourir. Pour une cause ou une autre, la cuisine est toujours éclairée.

Et si d’aventure l’obscurité y tombe, ce n’est que pendant les mêmes courtes périodes où le métro, lui non plus, ne fonctionne pas.

Trans « La mode, les codes, le style et l’éléganceLes prods, les pas, les techniques et les danses.Le sport, les sapes, les vagues et les tendances, Cherches pas, tu sais d’ou ça vient » (IAM – Ca vient de la rue)

Du trait essentiel de l’homme des villes d’autrefois : « la douceur et la pureté de la langue de la ville, pas seulement dans le parler, mais dans l’esprit et la manière » il ne reste pas grand chose, mais il subsiste l’essentiel, le culturel : les codes et la mode, à la puissance médiatique et le souffle permanent de l’entertainment.

La ville est moins structure que phénomène. L’urbain est atemporel et aspatial : c’est de l’esprit et de la manière. L’urbanité c‘est le style, l’hyperpuissance symbolique, la diversité, les opportunités, un flot permanent, dense, subi et désiré.

Ce n’est pas de la fascination, ce n’est pas un vertige : c‘est une forme de vie quotidienne qui nous stupéfait, nous sti-mule.

It’s life, on steroids.

L’urbanité est aux avant-gardes, elle redéfinit le mot liber-té, elle joue et transgresse, elle invente tous les moyens de changer les règles, de déplacer les lieux de pouvoir, de repousser les murs de la cité et d’étendre son domaine.

L’urbanité est trans-, elle est dense. Instinctive et pro-ductive, puissante, dangereuse, excitante, elle est une connexion permanente, intense, ludique et consomma-trice avec l’autre.

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Urbi et orbi

« Pour la première fois dans l’histoire de l’humanité, la po-pulation urbaine devrait atteindre 50% de la population mondiale en 2007. » (un.org)

L’urbanité est un phénomène massif, irréversible, de concentration de l’espèce humaine.

L’urbs, c’était intramuros. C’était l’excellence, c’était le lieu du pouvoir et de ses institutions. L’urbanité est désormais urbi et orbi dans un monde plat, de diversités connectées et de concurrences globales.

Là où l’urbanité était signe d’ordre, de formalisme et ‘d’ins-tallation’, elle se redéfinit en hétérogénéité, absence de médiations et une polysémie vertigineuse. Être urbain c’est d’abord être métissé et connecté.

Les vraies villes, ce sont désormais les réseaux. L’urba-nité est dans les chambres et dans les poches, pas dans la rue. La rue permet juste de se déplacer d’un point de connexion à un autre. L’urbanité se niche dans l’intimité, dans les conversations. Dans les chats et les sms. Elle est dans la langue, dans les interfaces, dans les réseaux.

La nouvelle urbanité est celle façonnée par les relations pair à pair des dizaines de millions d’individus qui résident dans les réseaux à temps plein, via toutes leurs interfaces fixes et mobiles, par la présence simulée de leurs avatars.

L’urbanité n’est donc plus signe d’appartenance à une ville. Elle est des attitudes et des relations qui n’ont plus grand-chose à voir avec quelque logique géographique et les découpages culturels, économiques et sociaux qui en résultent. De ce fait, elle n’est plus le seul fait d’une variété d’individus caractérisés par leur habitat et leur éducation.

Elle est désormais la quintessence du rapport convivial et déterminé qu’entretiennent les individus avec une société speedée qui n’attend d’eux qu’une seule chose : qu’ils fas-sent leurs preuves. Be beautiful and efficient. Be nice and tough. La nouvelle urbanité est pragmatique et compéti-tive, talentueuse et médiatique.

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Hub sweet hub

Paris a lancé en Septembre dernier son réseau Wifi étendu et gratuit.

Paris sait que ce ne sont plus ses seules histoires, architec-tures et culture qui lui permettront d’être dans la nouvelle urbanité. Paris sait qu’il faut définir la ville comme un hub de réseaux, que l’on y transite en vélo ou par modem.

Les villes, devenues points de passage dont on ne fréquente que le best-of se résument à leur « pouvoir d’attraction ». Elles subissent des opérations de branding, participent – et entraînent leurs habitants – dans des concours écono-miques internationaux, coupes du Monde, implantations industrielles, sommets politiques. Elles sont les infrastruc-tures d’accueil des événements planétaires, elles sont des plate-formes logistiques, elles sont des centres d’accueil, elles sont des zones d’attraction économiques. Urbs est devenue hub.

Et habiter un hub est une expérience très différente. Les idées de présence, de permanence sont déjà moins net-tes. Les espaces-temps sont plus compacts, plus versatiles. Dans cette logique de « liquidité » des choses, la ville se présente comme un datacenter, avec pour ses résidents des exigences d’urbanité similaires à celles de l’information : rapidité, accessibilité, fiabilité.

Il fut une lointaine époque où la carte n’était pas le terri-toire. Cette dissociation entre la réalité et l’information est désormais abolie. Les grandes villes, virtualisées par Goo-gle ou Microsoft, rendant avec une acuité plus forte encore cette vision de la ville comme database.

Very Dantec indeed.

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13L’enfant dans la ville

Gwenaëlle d’Aboville

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La ville est un spectacle !

Plus vivant qu’un film en technicolor, plus fascinant qu’une lanterne magique, le spectacle de la ville captive le regard de l’enfant.

« Le pimpon ! », le vrombissement du bus, l’envol inopiné des pigeons, le passage nonchalant d’un chien : les petits d’homme sont attentifs à tout. Poètes, ils nous révèlent que ce que nous considérons comme des bruits, des gênes, des dangers… ne sont en réalité que les composantes fantas-ques d’un univers enchanté.

Les enfants bouleversent nos échelles et nos perceptions, jusqu’à dans notre manière de vivre en ville. Ils nous en-seignent à redevenir des flâneurs. A tituber le nez en l’air pour suivre le sillage de l’avion, à compter les marches et les potelets, à s’arrêter devant chaque pas de porte et à es-calader tous les rebords. Ils s’essayent au confort des bancs publics, rebords de trottoirs et se roulent dans chaque brin d’herbe, en savourant la rareté. Les enfants sont le public privilégié des espaces… publics.

Ils assimilent les paysages urbains, en goûtent tous les as-pects, en repèrent les fantaisies et les incongruités. Pour cela, ils ont un secret : …ils ne sont jamais pressés. Ils nous réapprennent à prendre le temps : le temps d’un tour de manège, le temps de la poursuite d’un oiseau, le temps de se mesurer à une flaque d’eau, et le temps des rencontres. Car, en ville, les enfants sont les ambassadeurs, les facilita-teurs de contacts des grands adultes.

La ville est un terrain de jeu !

Dès son plus jeune âge, l’enfant apprivoise la ville et en fait son domaine. Il se met les voisins, les commerçants dans la poche. Il apprend chaque recoin par cœur et s’aventure chaque jour un peu plus loin. Il ne comprend pas le rêve insensé des adultes qui voudraient circonscrire un bout de verdure pour en faire un jardin bien à eux : lui, il a l’uni-vers comme terrain de jeu !

Adolescent, il entretiendra un rapport fusionnel avec ce décor qui l’aura fait grandir. Il deviendra aguerri, compli-ce de ce bouillonnement auquel il participera à son tour. Peut-être se dira-t-il qu’il a eu de la chance d’ouvrir les yeux au monde dans ce cadre qui l’aura familiarisé avec la différence, qui lui aura insufflé un dynamisme et une exigence de créativité. Peut-être alors se demandera-t-il pourquoi on a coutume de dire que la ville n’est pas faite pour les enfants ? Faisons leur place aux enfants, ils sont des urbains raffinés !

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14UrbVanitésPar Brice Auckenthaler, associé d’expertsconsulting, déambulateur urbain impénitent

« L’homo urbanus «, l’homme urbain succèdera-t’il à l’homo humanus ? Quelle vision donner ?

Pour (tenter de) répondre, allons parcourir notre petite planète, où, vu d’en haut, la surface occupée par les villes s’étend inexorablement. Vu d’en bas, voici -en 8 flashes- les preuves concrètesque l’humanité réside bien toujours sur terre.

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Tokyo, ville la plus frénétiquement urbaine, où il importe que l’humanus soit extrêmement looké pour se distinguer de la masse grouillante qui émerge des immeubles en béton froids ou fruités [immeuble HelloKitty] Moralité japonaise : l’esthétique du ‘’commuter’’ urbain équilibre celle de l’architecture ambiante.

Pékin, et ses 6 périphériques, bientôt envahie par les JO de 2008. L’hyper-occident est en train de naître là-bas. Les vélos chinois sauront-ils survivre ?

Moralité chinoise : avoir été lobotomisé pendant 50 ans de communisme permet de se présenter tout neuf devant notre 3ème millénaire naissant.

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Mumbai, ancienne presqu’île, où pullulent des micro-commerces permettant au passant de recharger à la fois ses bat-teries et celles de son cell phone.

Moralité hindoue : il n’y a pas que les nourritures spirituelles qui font avancer le monde.

Amsterdam : pourquoi ne pas adapter les contraintes d’es-pace tokyoïtes dans d’autres villes ? C’est le précepte fondateur de Yotel, qui vient d’ouvrir son concept de mal-le-cabine en Hollande dans lequel notre homo mobilus retrouvera le même confort que dans (cochez la case) : un avion, un train, un combi VW, une navette spatiale, un container, un cruise-ship…Après Novotel, Yotel invente le seamless comfort .

Moralité internationale : le traveller urbain tu ne déstabili-seras pas en lui proposant le même type de confort partout (règle # 33 de la mobilité ATAWAD de 2010).

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London, pour désengorger le trafic, 2 moyens : instaurer un péage à l’entrée de la ville [5$/day] ; ou inventer les avions taxis.

Moralité anglo-saxonne : demain le piéton urbain aura t’il les pieds ailés ?

Bruxelles : à l’entrée de la gare de Bruxelles Midi enfin terminée, la vache contemple les passants qui courent après le Thalys [jamais en retard, çà en est épuisant…] et un futur qui s’emballe.

Moralité urbaine belge : l’homobilus ruminera des pensées à haut débit.

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New York, 11 :30 am, 5th avenue, en sortant du Niketown mythique (qui équipe davantage de runners faits pour le béton que pour la piste en tartan), cette affiche gigantes-que comme seuls NYC et les USA savent les concevoir. Au moment de shooter, le hasard d’un taxi immortalise l’ef-fet sur le passant.

Moralité américaine : tant qu’il y a du ‘miam miam’ dans la ville, l’urbain est sauf…

Marrakech : à l’ère d’internet partout, le colporteur de victuailles bien ‘’mortar’ véhicule aussi du ‘click’.

Moralité tiers-mondialiste : les mondes du Sud et du Nord s’entrechoqueront encore quelque temps…

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15Urbanités volées à 500 m d’altitude.

par Xavier Brunnquell(c’est un peu l’Arthus Bertrand du JakLab...)

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Juste une mise en page qui donne à comparer, à voir les villes de manière abstraite et par un regard sans présence, indiscrétion, images volées.

Bamako, Soweto, Nairobi, des systèmes précaires énormes qui crèvent sans bruit, en tout cas qui ne portent pas jusqu’à chez nous, ça c’est urbain ?

Et puis les containers, ville marchande, territoire éphémère du flux tendu,curieusement bigarrés à côté de bidons-villes ternes de là haut.

Et puis New-York, Sarcelles, Brasilia cadrées en bordure de forêt, emprise sur la nature, le sauvage. C’est ça, l’urbanité.

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16Les nouvelles formes de l’urbanité

Alex Gaudin

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Urbanité : vient du latin «urbanus» qui a les qualités de l’homme de la ville.« politesse où entre beaucoup d’affabilité naturelle et d’usage du monde ».

Historiquement, le terme urbanité est apparu dans l’entre-deux guerres et incarnait alors une tentative d’opposition à un urbanisme qui érigeait le fonctionnalisme en modèle de développement urbain de l’espace public.

Face à un urbanisme fonctionnel, hygiéniste et moral, des architectes, poètes et doux rêveurs, en appellent à une vil-le qui préserverait le supplément d’âme propre à l’activité humaine.

Une approche qui privilégierait la prise en compte de la qualité des formes architecturales et espaces publics où se déroulent pratiques sociales et activités humaines.

Bref, une ville qui ne se réduirait pas à une approche pure-ment fonctionnaliste et utilitariste.

Ainsi à l’exemple de Lyon et de ses Traboules, passages étroits qui permettaient de passer d’une rue à l’autre en traversant un ou plusieurs immeubles. Une pratique qui repose sur la connaissance, la débrouillardise, le sens du raccourci. Un fonctionnalisme qui se gagne par l’usage au lieu de s’imposer par la norme.

Mais aujourd’hui, qu’en est-il de l’urbanité ?

Ce mot-valise, qui rassemblait l’urbain et l’humanité, était d’une politesse raffinée, presque précieuse et quelque peu surannée.

Le champ de l’urbanité se déplace de la préservation des activités sociales dans l’espace public à la privatisation de l’espace public au service du commerce et de la sécurisa-tion.

Si une nouvelle forme d’espace public, mi-public mi-privé me semble renvoyer de plus en plus une nouvelle forme d’urbanité, c’est bien celle du Mall ou du centre commer-cial de centre ville.

Cet espèce d’ersatz de centre ville dont l’unique rôle serait d’offrir un espace dévolu de façon exclusive au loisir de consommer.

Le Mall, création américaine et découvert pour ma part en Afrique du Sud, c’est la consécration du client sur le badaud, de l’automobile sur le piéton, de l’objectif sur la promenade. On ne va pas dans un Mall pour se promener au gré des rues, mais pour y faire ses emplettes. Et pour-tant, le Mall prétend incarner le nouveau centre ville, im-posant une logique de privatisation de l’espace public.

Aseptisé, sécurisé et surveillé, le Mall devient un fantasme de ville sûre, sans surprise ni désagrément. Pas d’agression dans un Mall, ni de rencontres imprévues.

Le Mall, nouveau temple de la consommation, où tout est pensé, conçu pour préserver non pas l’urbanité des indivi-dus entre eux, mais pour séparer ceux qui ont les moyens – de consommer, de ceux qui ne les ont plus ou pas.

L’urbanité n’est plus alors la préservation du caractère convivial de l’espace public mais au contraire la reconsti-tution artificielle d’une harmonie de façade. Dans un environnement urbain toujours plus dur, le Mall devient le dernier rempart pour consommer à l’abri des yeux des miséreux, pour éviter les quêteurs, pour préserver sa bonne conscience.Hier, l’urbanité correspondait au souhait de préserver les éléments indispensables et régulateurs à la mixité sociale et au mélange en bonne intelligence des activités humai-nes.

Aujourd’hui, l’urbanité s’est réduite à une privatisation croissante de l’espace public au service d’un consumé-risme d’entre-soi. Surveillance et sécurité deviennent les nouvelles mamelles de l’urbanité.

La politesse de l’homme urbain s’est dissoute dans la du-reté de la société.

L’urbanité est devenue l’apanage des privilégiés.

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« Du bon usage de l’insulte dans la vie moderne »

Amerigo Rogas

Urbanité du latin « urbanitas », serait, selon les anciens romains, une forme de politesse acquise au contact de la ville, une civilité nécessaire à la vie de promiscuité et ce-pendant d’anonymat relatif de la cité, un usage du monde imposé par l’éventualité que le connard qui laisse son char en double file est peut être votre voisin de palier.

Donc, circonspection et modération sont les deux mamel-les de l’urbanité. A l’usage, le produit de cette auguste poitrine se pondère encore du plaisir et de l’efficacité gagnée à ne pas faire les présentations d’usage à chaque nouvelle rencontre.

Au lieu, comme il est d’usage dans nos campagnes en pareil cas, de décliner nos identités, celles de son ascen-dance (coincée à l’hospice avec peut-être celle de votre interlocuteur) ou de sa progéniture (sûrement victime de le même mademoiselle Ponchu, institutrice), voire d’évoquer les aléas climatiques habituels et les divers ennuis gastri-ques de saison ; le citadin , disons, l’urbain, passera sans se retourner devant la centaine d’individus qu’il croisera de sa chambre à son bureau de la Sofrinco.

Ni trop chaleureux, ni trop distant, le hochement de tête de l’urbain permettra de dire bonjour en maintenant la dis-tance nécessaire à la fluidité de son déplacement. Or, on le sait, un urbain statique, comme le requin, est un urbain mort.

Cependant de nouveaux usages, issus des technologies, permettent q’une certaine forme de convivialité se réins-crive dans nos sociétés éprises de performance. Je prendrai pour exemple –et objet d’étude- l’échange par SMS entre deux partenaires sportifs, habitués d’un club de karaté.

On y remarquera que la mixité sociale généralement constatée dans les clubs sportifs est ici mise en doute puis-que les 2 protagonistes sont artistes et que, quelque soit le contexte et le niveau d’éducation, l’invective, voire l’inju-re à caractère xénophobe, homophobe et déplorablement misogyne s’enlace à la conversation d’une manière si …poétique qu’on pourrait la considérer comme un nouveau type de discours urbain.

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Milan, salon

international du meuble, avril 2008.

Quand le design envahit l’espace urbain ...

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Camping sauvage en Zona Tortona

Deuxième vie du Vélo, signalétique !

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jardin en céramique sur le toit du 10 C. Como

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19REGIS DESJARDINS et les mascarons de papier

par Christian Gatard

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Les affiches déchirées de Régis Desjardins dévoilent une ville secrète, cachée sous des couches et des plis. Ses photographies révèlent la vie silencieuse - ancien-nes souffrances muettes, regards oubliés, souvenirs archaïques, signes au sens perdu – d’un spectacle qui se terre dans nos mémoires.

Suivez pas à pas ce parcours. Il témoigne, d’une photographie à l’autre, du lent enfouissement d’un langage qui disparaît, d’une culture qui se désagrège. Ces fragments témoignent d’une résistance : celle d’un passé immédiat, contemporain, qui respire encore. Régis Desjardins a saisi dans chaque cliché le scénario d’un effacement inéluctable qui prépare l’apparition prochaine d’une nouvelle couche, d’un nouveau pli de la vie provisoire des murs urbains. Il s’empare de la beauté furtive et émouvante de ces chefs d’œuvre inconnus et la fixe. Régis Desjardins met en scène l’éphémère et traite du passage pathétique du temps.

Parfois dans les lacérations son objectif s’attarde un visage. Puis un autre. Ce sont à peine des fragments. Évidemment méconnaissables. Évidemment invisibles si vous êtes passant pressé. Ils répondent étrangement, ces visages déchirés, à d’autres visages: les mascarons incrustés des murs. Ces derniers sont en pierre, durs et impassible, le temps sur eux n’a pas prise. Les visages déchiquetés des affiches – eux – vont disparaître. Il suf-fira d’un coup de vent, d’une nouvelle élection locale, d’une nouvelle campagne de publicité sauvage. Régis les rattrape l’instant juste avant.

Les mascarons antiques, fiers et hautains, regardent – de haut – la déroute de leurs frères de papier glacé, papier délavé, papier déchiré.

Les mascarons de pierre rappellent les grandes figures mythologiques : Zeus, Hermès, Hercule, Pan, Dionysos Les mascarons de papier n’ont plus de nom, plus d’his-toire. Célébrités éphémères, rois et reines d’un jour, ces visages retournent à l’indifférencié, se désintègrent. Deux univers se télescopent, deux mondes se font face, deux cultures se défient.

Ultime vengeance des temps modernes : les noms des sculpteurs des mascarons sont tombés dans l‘oubli, le nom du photographe des mascarons sans nom, c’est Régis Desjardins !

«Les plus désespérés sont les chants les plus beaux. Et j’en sais d’immortels qui sont purs sanglots.»

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Interview de Philippe Lamarre

rédacteur en chef

du magazine canadien

URBANIA

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Comment vous est venue l’idée de ce magazine, Urba-nia ? Et qui êtes-vous ?

Tout d’abord qui nous sommes : Vianney Tremblay et Philippe Lamarre. Lui diplômé en communication-marketing, moi en design graphique. À la fin de nos études en 2000, après avoir testé le marché des agen-ces, on a décidé qu’on n’avait pas envie d’avoir de pa-tron, donc on s’est lancé. On a donc fondé Toxa, notre studio de design graphique et on a fait des contrats de toutes sortes. Après 3 ans, après avoir fait une multitu-de de mandats de design et de branding, on a eu envie d’avoir un projet bien à nous, où nous serions maîtres d’oeuvre tant du contenant que du contenu. Le maga-zine s’est donc imposé. On a créé Urbania, un trimes-triel thématique, inspiré dans l’esprit par le Colors de Benetton (du temps où Tibor Kalman en était l’éditeur) et on est sortis dans la rue à la recherche d’histoires. En fait, Urbania est un prétexte pour décoller de nos ordis et aller explorer la ville. Nous nous intéressons à la vie urbaine dans ce qu’elle a de plus fascinant, c’est-à-dire la multitude de personnages que l’on côtoie quotidiennement mais à qui on n’oserait pas parler si on n’avait pas le prétexte de faire un article sur eux! On a par la même occasion lancé un petit site Web où on demandait aux montréalais de choisir une couleur pour les taxis montréalais. Ainsi, à l’époque, à chaque numéro nous lancions un micro-site accompa-gnant le magazine et cela servait de campagne virale pour annoncer l’arrivée du magazine.

En 2005, on s’est fait proposer par ARTV (l’équivalent québécois de Arte) de faire des documentaires urbains diffusés dans le cadre d’une émission culturelle. Ces Minutes Urbania [http://minutes.urbania.ca] ont su capter l’attention et on s’est ensuite fait approcher par TV5 Canada pour que nous leur proposions un show. Est alors né notre plus jeune bébé, Montréal en 12 lieux, une série documentaire télé sur Montréal vue à

travers ses lieux cultes. Pas ceux des cartes postales, mais bien ceux qui donnent à notre ville son âme. Vous pouvez aller visiter le site http://www.mtl12.com pour avoir une idée du projet. Le site et la série télé (en plus du magazine et des clients!!) nous ont gardé oc-cupés depuis janvier dernier. Nous sommes à terminer la série et le site, et dans un mois, on rembarque sur les mandats pour des clients en attendant le prochain gros projet!

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La ligne éditoriale ? Critique de l’urbanisme ou éloge de l’architecture ? Quelle actualité ?

La ligne éditoriale est à la fois simple et complexe : on met de l’avant ce qui nous plait. Le magazine imprimé étant thématique (odeur, style, filles, rétro, vert, etc), donc on est toujours à la merci de notre thème. On cherche donc à explorer ces thèmes de la manière la plus éclatée qui soit, en essayant d’en parler d’un manière nouvelle. Notre démarche est essentiellement documentaire (bien que l’on publie des fictions et des bd), dans le sens que notre matière première est la réalité. Oui, nous parlons parfois d’architecture, parfois d’urbanisme, mais l’essence de ce que l’on fait, ce sont les gens.

Le Québec et les Québécois ont-ils un rapport diffé-rent à la ville ?

On est des coureurs des bois! La ville, c’est tout nou-veau pour nous. ;) Sérieusement, je ne crois pas que le rapport à la ville soit différent au Québec par rapport à ailleurs dans le monde, mais je pense que Montréal a son « vibe », tout comme Paris, Amsterdam ou Syd-ney ont la leur. Urbania est une manière de l’aborder cette vibe, et on n’essaye pas d’imiter tous les maga-zines trendy publiés sur la planète qui finissent par se ressembler. En fait, si vous feuilletez un Urbania, le design et le contenu ressemblent beaucoup à Mon-tréal : hétéroclite, décousu, parfois superficiel, parfois intello, mais toujours lié au thème du magazine, donc cohérent en bout de ligne. Je pense toutefois que le concept d’Urbania se déclinerait aisément à travers le monde, s’agit surtout d’avoir des contacts et des an-tennes sur le terrain grâce à des « locaux » qui ont une sensibilité similaire à la nôtre. Cette communauté d’es-prit existe, s’agit d’établir des ponts... un peu comme ce qu’on fait en ce moment avec vous!

Votre vision de l’urbanité

Comme je le disais plus tôt, l’urbanité comme concept, c’est un peu abstrait. Ce qui est intéressant, ce sont les gens qui donnent à chaque ville sa person-nalité. L’architecture et l’urbanisme sont avant tout des manifestations physiques de la personnalité des gens qui les ont façonnés. Bref, ma vision de l’urbanité, c’est « Décollez de votre ordi et allez parler aux gens qui sortent de l’ordinaire ». C’est un peu devenu un cliché, mais à l’ère où la globalisation semble unifor-miser tout, où de Philadelphie à Istanbul on retrouve les même Starbucks, il est crucial d’essayer de trouver ce qui donne l’âme à nos villes.

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Adieu Charles, Georges et Valéry. Bonjour Charles-Edouard.

Marc Ferron, jak.id 21

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Vous devez vous demander pourquoi je souhaite si vi-vement dire adieu à 3 de nos illustres présidents de la république : à mon sens, ils ont commis les pires mé-faits en matière d’architecture, d’urbanisme et de vie sociale.

Je vous l’accorde la période n’était pas celle que nous vivons aujourd’hui : les trente glorieuses avec leur ave-nir radieux et leur faible chômage (sauf pour ce pau-vre Valéry avec son 1er choc pétrolier); l’impératif de reconstruction d’après-guerre et de logement de nos « braves travailleurs immigrés »; l’émergence de la poli-tique d’accession à la propriété de son petit « pavillon de banlieue »; l’insouciance énergétique et environne-mentale. Mais, tout cela à mené à ce que nous nous devons de refuser aujourd’hui.

L’émergence des villes-champignons « sans historique » et des cités « ghettos » qui ont si mal vieilli, dont les habitants souffrent de la déshérence et de la médiocrité des infrastructures économiques, sociales, commercia-les et culturelles, du délitement des tissus sociaux.

Le développement et l’étalement des banlieues (et des condominiums) qui a produit une des pires atteintes à l’agrément visuel humain (et au bon goût en général) : les agglomérats de pavillons de banlieue préfabriqués, voire mal fabriqués. Avec comme conséquence : l’ac-croissement exponentiel des flux d’automobilistes seuls dans leur voiture ! L’omniprésence des promoteurs sans aucune vision ar-chitecturale aboutissant à la construction de bâtiments sans âme, laids (on se le dit tous en passant devant tous les jours), bourrés d’amiante, énergétiquement dispen-dieux. L’apogée dans les années 80 où chez Balkany.

Aujourd’hui, c’est tout simplement architecturalement, socialement, économiquement et environnementale-ment indéfendable.

En y réfléchissant bien, le « fada » n’avait-il pas eu rai-son de vouloir construire sa « cité radieuse » ? C’était juste un peu trop tôt.

C’était sans doute le premier bâtiment pensé « H.Q.E.». C’était un réseau social avant l’heure, le premier Face-book où les « dîners de voisins » pouvaient être natu-rels, où l’entraide et le partage étaient de mise. C’était un lieu où la mixité sociale pouvait s’instaurer. C’était un lieu où la nature et la lumière pouvaient entrer.

Diantre, pourquoi devrais-je m’exprimer au passé ? Je devrais être plus optimiste et projectif : la Cité Radieuse revit à Marseille, quelques projets se développent par-ci, par-là. Mais l’enjeu est de taille et les bonnes volon-tés peu nombreuses.Osons construire de vraies « cités radieuses » en lieu et place de soi-disant îlots d’intégration/mixité sociale. Osons donner aux habitants la possibilité de se réin-venter, de se réapproprier et de partager leurs histoi-res personnelles et collectives. Refaisons du beau, de l’original, du vivable, du vivant. Inventons l’urbanité « désirable » pour la ville et ses habitants.

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1- Antoine CouderJournaliste, prof, penseur, déambuleur, renifleur ... Antoine est un extra terrestre en fait ...

4- Alexandre JacquesAlias Monsieur Yaco est graphiste indépendant : www.yaco.fr

2- Brigitte MantelBrigitte est responsable Europe du Planning Créatif de Getty Images

6- Cyrille SethiDirecteur artistique chez Draft FCB. 33 ans, dont 15 dans la communication. Un C.A.P qui n’existe plus depuis Apple. Quelques fu-

gues dans la peinture, l’illustration ... Le retour à la direction artistique par goût de la typo et des jolies âmes comme Isabelle Carron. Il fera autre chose lorsqu’il sera plus grand, c’est sûr.

5- Nicolas DubostNicolas est chez Added Value, cabinet d’étude reconnu.Grand blond de 28 ans aux chaussettes noires, qui a cru que le monde de la finance était le sien et qui au final s’est découvert en prospectiviste pour le compte d’un bureau de tendances.

7- Grégory DuquesneDirecteur de l’agence Né Kid et du Planning Stratégique.

9- Mary Noëlle DanaDirectrice éditoriale de Art and You.

MND écrit des mots qui font des phrases qui racontent des histoires, souvent ; qui parlent d’art, parfois ; qui font des chansons, tra la la ; s’y agitent des humains, surtout. Enfin, plus que moins.

Mary-Noelle Dana officie pour Art and You. En mots, en personne et en images. Aussi.

10 et 11- Marie Aline & Martin LordMarie, journaliste, n’a travaillé que pour des magazines à consonnes: DS, GQ.

Elle aimerait y ajouter quelques titres à voyelles, histoire de pouvoir écrire une phrase intelligible.

Martin Lord est né à Montréal, Québec, Canada le 25 avril 1974. Étudie le graphisme

puis les arts visuels et médiatiques à Montréal (UQAM). Pluridisciplinaire: production en peinture, dessin, vidéo,

installation et sculpture.Expositions au Québec et en France. Vit et travail présentement quelque part à Paris.

8- Pierre Louis DesprezAssocié de Kaosconsulting, roule en vélo depuis l’âge de 3 ans, par pur plaisir et sans idéologie. Trouve souvent des idées en pédalant. A Paris comme en Ecosse, place de l’Etoile comme dans les Monts d’Arrée.

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12- Stéphane GrassotConcepteur, planneur stratégique, Stéphane explore l’évolution des formes narratives dans les média et l’impact des transformations sociales, urbaines et technologiques sur leur(s) consommation (s).Stéphane enseigne le marketing dans une école de commerce, quand il ne blogue pas ou n’écrit pas de stratégies.Les programmes de marque, le marketing éditorial en ligne et la captologie font partie de ses obsessions du moment.Stéphane habite le TGV Rennes-Paris la plupart du temps. Il a souvent du mal à s’arrêter, mais heureusement, ses amis, sa femme et ses deux filles sont là.Il adore Saramago et Lewis (Trondheim. Caroll, c’est surfait), et entre 23h00 et minuit, selon l’humeur, c’est FPS ou poker.

les contributeurs

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75 vous êtes en train de lire le JakLab#3 sur l’Urbanité << M >>

14- Brice AuckenthalerBrice est Fondateur et Gérant d’ExpertConsulting

Son credo : « Une marque, c’est un corps avec deux jambes : celle d’appui, dite de la mission et celle du mouvement,

dite de l’innovation. Une jambe moins musclée, et l’entreprise marche en crabe. »

18- Christian GatardRomancier, essayiste, fondateur de l’Institut d’études qualitatives éponyme et du site www.e-dito.com

13- Gwenaëlle d’AbovilleUrbaniste. Gwenaëlle travaille entre amis depuis les bancs de la fac et voilà maintenant 3 ans au sein de son agence Ville Ouverte. La fine équipe s’est étoffée - géographes, cartographes, ...- mais partage une même exigence dans l’analyse des territoires et la recherche de formes urbaines durables. Gwenaëlle est passionnée par la ville et ses transformations, par les destins des personnes qui y sont liés ; c’est pourquoi elle a souhaité associer aux métiers traditionnels de l’urbanisme une attention particulière aux habitants, à travers une pratique de la concertation et une réflexion sur cette nouvelle ‘citoyenneté participative’.

David Cousin-MarsyDavid est auteur photographe. Né en 1968 dans le nord de la France, il vit et travaille à Paris.http://www.vuenville.com

15- Xavier Brunquell

Xavier, architecte DPLG - 1966 / Naissance à Neuilly sur Seine

1983 / Découverte de l’Abbaye du Thoronet et du beau métier d’architecte. - 1985 / Inscription à l’école d’architecture UP9

1992 / Diplôme d’architecte avec un projet de logements de vacances qui se déploient l’été et se fondent dans le paysage l’hiver.

2001 / Création avec Axel André (un autre architecte dplg) de l’atelier Axxa.studio aux Abbesses.

2001 à 2007 / Des maisons HQE, des boutiques, un auditorium… - 2004 à 2007 / Enseignant à l’école d’architecture Paris-Malaquais

2008 / Livraison des espaces d’accueil du Petit Trianon Versailles, d’un hôtel de 40 chambres -

Projet de logements sociaux HQE avec les agences EM2N de Zürich et Bow-Wow de Tokyo.

16- Alex Gaudin A 36, non 37 ans, Alex Gaudin est Planneur Stratégique dans une agence de publicité.

Après des études de sociologie sur les Sounds System Techno, part travailler en Afrique du Sud pendant un an,

avant de revenir s’investir en France dans le domaine culturel, à travers l’organisation de concerts pour des artistes de jazz.

Travaille également pendant dix ans au sein du Montreux Jazz [email protected]

17- Amerigo Rogas

Né à Parme. Etudes d’architecture à Sao Paulo. Diplômé d’Architecture et de Sociologie de l’Art de l’Université de Turin.Vit et travaille entre l’Europe et le continent américain.

A publié de nombreux écrits sur l’Art et les nouveaux comportements urbains liés aux technologies.

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20- Urbania / Philippe Lamarre Philippe vit a Montréal dans un igloo. À la fois producteur, éditeur et designer, il est co-fondateur d’Urbania, un magazine créé il y a cinq ans par le studio de création Toxa.

11- Philippe MihailovichBrand architect, Philippe offers the ‘ONE DAY Quick Fix Brand Clinic’ in which I do a health check (audit) on your brand’s DNA to try to identify possible problems and opportunities, the Art and Soul program for high-end Luxury Brands and Hotels, the Brand Architectural Blueprint for global portfolio development and the Image Control program: Helping to source high end artistic talents, brief and oversee all creative work to ensure that creative brand DNA objectives are understood and brilliance is achieved. www.philippemihailovich.

les contributeurs

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C’est qui ? C’est quoi ?

Jak, c’est Just a Kiss, l’agence de stratégie, création et curiosité créée il y a près de 2 ans par Isabelle Carron et Arnaud Pigounides, 7 agences, 1 annonceur et 25 ans d’expérience à eux 2, planneurs stratégiques et créatifs, réunis pour rafraîchir votre vision de la marque et des marchés et retrouver le chemin du coeur des consommateurs.

Que faisons nous ?Des stratégies excitantes pour développer le « Brand Appeal »Des créations glamour pour emballer vos clientsDes réflexions média pour les toucher « là où ça fait du bien »Du contenu rédactionnel rafraîchissant quand vous voulez faire votre déclaration

Jak.id est la filiale Identité & Design de Jak / Just a Kiss.

Aux deux associés fondateurs de Jak se joignent Soline d’Aboville et Marc Ferron.

Jak.id envisage le Design et l’identité des marques comme un « brand life game », un territoire d’expression multiforme et interactif, vivant et destiné à se renouveler constamment. Inspirée par l’univers du luxe, mais désireuse de ne pas s’y limiter, l’équipe Jak.id se positionne comme« Brand Design Art Directors », travaillant pour les marques comme un Directeur Artistique travaille sur ses collections : avec la volonté de trouver l’ultime «mix » réunissant Art, Esthétique, Originalité et réalités du marché.

Jak.id, c’est aussi un réseau « sociable » d’experts, designers, architectes, artistes, graphistes…... unis par la même curiosité. Des gens comme on aime...

Sinon en web; ça donne www.justakiss.fr et www.jak-id.com

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Le JakLab #3 est une publication

non commerciale du groupe Jak,

diffusée gratuitement sur internet et par email

auprès des personnes susceptibles

d’être intéressées par son contenu.

Le contenu appartient à Jak

et chaque article à son contributeur,

qui en est responsable

(textes et photographies le cas échéant).

Toute reproduction même partielle de

son contenu est interdite

et doit faire l’objet d’une autorisation

de Jak et de son auteur.

Voilà pour les mentions légales...

Direction de la Publication : Jak

Direction Artistique & Maquette : Jak

Photographie et Iconographie :

les contributeurs et Jak (encore eux)

Les polices utilisées sont Optima et Garamond.

Un grand merci à tous les contributeurs pour

leur contenu et leur temps, à G2, à Aurélie Aulaire et

Vadim Pigounides pour leur aide sur la maquette.

Jak, c’est donc Jak / Just a Kiss et jak.id,

et les personnes derrière tout ça s’appellent

Isabelle Carron, Soline d’Aboville,

Marc Ferron et Arnaud Pigounides

[email protected]

www.justakiss.fr

www.jak-id.com

le logo du parrain et © mai 2008.