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Se regrouper : l’avenir des vétérinaires français ? Le 11 décembre 2012, le décret relatif aux sociétés de participations financières de profession li- bérale de vétérinaires (SPFPLV) est paru. En quelques mots, il annonce que seuls les vétérinaires peuvent détenir des parts de sociétés d’exercice libéral vétérinaire (SEL) ou de groupements de droit étranger ayant pour objet l’exercice de la médecine et de la chirurgie des animaux. L’objet de cet article est de faire le point sur les regroupements existant à l’étranger, leurs avantages et leurs inconvénients. VIE DE CLINIQ UE GESTION VETLIFE N°50 - MARS 2013 32 À quoi ressemblera l’univers des cliniques vétérinaires françaises dans quelques années ? Que se passe-t-il dans d’autres pays ? Devrions-nous avoir peur des franchises et autres réseaux ? En quoi ces regroupe- ments sont-ils pertinents ? Le paysage des cliniques vété- rinaires allemandes, italiennes, suisses ou belges ressemble as- sez à celui des structures françai- ses : une réglementation stricte interdisant les regroupements de structure et la multipropriété. En revanche, il n’en va pas de même Outre-Manche… En une dizaine d’années, les chaînes de clini- ques ont pris 25 % de part de marché. Qui détient ces chaînes anglaises ? Peut-on connaître le même raz-de-marée en France ? AU ROYAUME-UNI, UN GROUPE UNIQUEMENT DÉTENU PAR DES FONDS D’INVESTISSEMENT Tout d’abord, il faut souligner qu’au Royaume-Uni, le numéro 1 du réseau de cliniques vétérinai- res est CVS avec 40 % des struc- D r Christelle Fournel, docteur vétérinaire (A01), praticienne MBTI, European Executive Master in Business Administration (ESCP Europe 2012), Présidente de VetCoach, société spécialisée en communication, marketing et stratégie en santé animale KOSZIVU/FOTOLIA

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Le 

11 décembre 

2012, le 

décret relatif 

aux 

sociétés 

de 

participations 

financières 

de profession libérale de vétérinaires (SPFPLV) est paru. En quelques mots, il annonce que seuls les vétérinaires peuvent détenir des parts de sociétés d’exercice libéral vétérinaire (SEL) ou de groupements de droit étranger ayant pour objet l’exercice de la médecine et de la chirurgie des animaux. L’objet de cet article est de faire le point sur les regroupements existant à l’étranger, leurs avantages et leurs inconvénients. Contactez-nous par retour d'email [email protected], au 06 12 55 67 99.

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Se regrouper : l’avenir des vétérinaires français ?Le� 11� décembre� 2012,� le� décret� relatif� aux� sociétés� de� participations� financières� de� profession� li-

bérale de vétérinaires (SPFPLV) est paru. En quelques mots, il annonce que seuls les vétérinaires

peuvent détenir des parts de sociétés d’exercice libéral vétérinaire (SEL) ou de groupements de

droit étranger ayant pour objet l’exercice de la médecine et de la chirurgie des animaux. L’objet

de cet article est de faire le point sur les regroupements existant à l’étranger, leurs avantages et

leurs inconvénients.

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Q UE GESTION

VETLIFE N°50 - MARS 201332

À quoi ressemblera l’univers des cliniques vétérinaires françaises dans quelques

années ? Que se passe-t-il dans d’autres pays ? Devrions-nous avoir peur des franchises et autres réseaux ? En quoi ces regroupe-ments sont-ils pertinents ?Le paysage des cliniques vété-rinaires allemandes, italiennes,

suisses ou belges ressemble as-sez à celui des structures françai-ses : une réglementation stricte interdisant les regroupements de structure et la multipropriété. En revanche, il n’en va pas de même Outre-Manche… En une dizaine d’années, les chaînes de clini-ques ont pris 25 % de part de marché. Qui détient ces chaînes

anglaises ? Peut-on connaître le même raz-de-marée en France ?

AU ROYAUME-UNI, UN GROUPE UNIQUEMENT DÉTENU PAR DES FONDS D’INVESTISSEMENTTout d’abord, il faut souligner qu’au Royaume-Uni, le numéro 1 du réseau de cliniques vétérinai-res est CVS avec 40 % des struc-

Dr Christelle Fournel, docteur vétérinaire (A01), praticienne MBTI, European Executive Master in Business Administration (ESCP Europe 2012),

Présidente de VetCoach, société spécialisée en communication, marketing et stratégie en santé animale

KOSZIVU/FO

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tures franchisées détenues sur un marché dominé par 6 mar-ques principales (CVS, Médivet, Goddards Veterinary Group, In-dependent VetCare, Companion Care, Vets4Pets).Ce groupe est détenu par des fonds d’investissement ( JP Mor-gan Asset Management, Artemis Investment Management, Oc-topus Investments, Aviva Inves-tors). Avec un revenu annuel de 108,7 millions de Livres Sterling (+7,1 % en 2012) et une dette nette de 30,9 millions de Livres Sterling (en nette diminution cha-que année), le groupe poursuit ses investissements et multiplie le nombre de structures de soins dans tout le pays. Il emploie 2 317 personnes et 545 vétérinaires.Le nombre de propriétaires adhé-rents au programme de fidélisa-tion est passé de 28 000 à 65 000 en 2012. Voila donc leur stratégie : développer des activités complé-mentaires tout en augmentant le maillage des cliniques afin d’inter-naliser la marge et de maximiser les revenus. Par la suite, CVS en-visage de développer une activité d’assurance, toilettage, des che-nils et des centres de référés, une gamme de produits en leur nom propre et un Club Vétérinaires. En revanche, le marketing et l’identité visuelle du groupe semblent quel-que peu négligés.

33VETLIFE N°50 - MARS 2013

CVS, créé en 1999 détient 233 structures au Royaume-Uni.Présentation aux investisseurs - CVS Group plc - Résultats annuels - 30 juin 2012

En plus des cliniques, le� groupe� CVS� possède� 6 laboratoires diagnostic, 1 crématorium et� cimetière,� 1� site� marchand� en� ligne.

Présentation aux investisseurs - CVS Group plc - Résultats annuels - 30 juin 2012

Page d’accueil du site CVS :

la charte graphique

apparaît très� sobre.

Source : Individual business websites (September 2012).

Crematorium

Locum agency E-commerce

Laboratories

ReferralsInsurance

Vet Club Own brand products

Loyalty schemes

Grooming, Cattery/kennels

Veterinary practices

CVS Medivet Goddards Independent Companion Vets4Pets

Vetcare Care

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Les autres chaînes anglaises ont été fondées et sont encore détenues par des vétérinaires. C’est sans doute ce qui expli-que l’importante différence de taille entre CVS et les autres structures. Prenons l’exemple de Vets4Pets, créé en 2001.

Vets4Pets, un groupe unique-ment détenu par des vétéri-nairesCe groupe représente 87 structu-res, réparties dans tous le pays et avec lesquelles il forme une Joint-Venture. Les vétérinaires intègrent le groupe moyennant un apport personnel de 18 500 ! minimum et perçoivent un salaire d’environ 50 000 ! par an. Vets4Pets fournit la structure clé en main, aide au choix du lieu d’implantation, recrute et forme le personnel. Le vétérinaire responsable est libre de diriger sa structure comme il l’entend. Il bénéficie d’un soutien en finance, comptabilité, systèmes d’informa-tion, ressources humaines, gestion d’entreprise, achats et marketing. De nombreux services sont égale-ment apportés aux clients : l’assu-

rance, des offres promotionnelles, des packs (packs antiparasitaires, pack primovaccination), prise de rendez-vous directement sur le site internet. Ce réseau se différencie par l’identité visuelle forte et com-mune à toutes les structures.

QUELLE EST LA LOGIQUE DES CHAÎNES, RÉSEAUX ET AUTRES HOLDINGS ?Toute entreprise, quelle que soit sa taille, qu’elle vende des produits ou des servi-ces, possède une chaîne de valeur.Conceptualisée par Michael Porter, la chaîne de valeur décrit un en-semble d’activités interdépendantes dont la poursuite permet de créer de la valeur identifiable et, si pos-sible, mesurable. Elle intègre donc toutes les étapes de la production d’un produit ou d’un service, de l’approvisionnement en matières premières à la consommation fi-nale (voire au service après-vente si nécessaire) : ce sont les activités primaires. Dans le cas d’une struc-ture vétérinaire, les activités primai-res sont la gestion du client et de

l’animal, de la prise de rendez-vous jusqu’à la sortie de l’animal de la structure, voire son suivi à distance par téléphone ou internet. L’effica-cité de ces activités primaires est largement optimisée par la structuration des activités de support, c’est-à-dire des acti-vités qui ne font pas partie du cœur de métier du vétérinaire. Ces activités de support sont la comptabilité, la gestion, la finance, les ressources humaines, le service formation, le service achats et la communication sur les services proposés par la clinique.

S’ORGANISER POUR MIEUX GRANDIRPlus la structure grandit, plus les différentes activités doi-vent être séparées et spéciali-sées. Les activités de support permettent la réduction des coûts, mais aussi l’amélio-ration de la marge issue des activités primaires, donc la création de davantage de va-leur ajoutée. Ainsi, une bonne gestion des coûts peut permettre leur réduction de 30 %. Aux États-Unis par exemple, les vétérinai-res ne sont présents que sur un maillon de la chaîne de valeur : « Actes médicaux et chirurgicaux »

VETLIFE N°50 - MARS 201334

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Au contraire de CVS, l’identité visuelle de Vets4Pets est forte comme le montre le site internet.

Représentation de la chaîne de valeur d’une structure vétérinaire.

Activités primaires

Activités de

support

Finance - Stratégie d’investissement

MARGE=

CRÉATION

DE VALEUR AJO

UTÉE

Gestion des ressources humaines

Achats de médicaments / Autres biens et services

Marketing - Communication clients

Prise de rendez-vous et accueil clients

Actes médicaux et chirurgicaux

Facturation et

paiement

Vente de médicaments

et autres produits

Source : Vetcoach

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« homme » de confiance et ami-qui suit les animaux de la famille depuis leur naissance. Dès lors, on comprend mal comment des structures dépersonnali-sées, embauchant un person-nel éphémère peuvent avoir du succès en France.Parallèlement, on ne peut pas ignorer la féminisation de la profession, la tendance à pré-férer le salariat, la volonté pour les jeunes générations de préser-ver loisirs et vie de famille et la peur voire l’impossibilité d’in-vestir, notamment suite à la crise économique. Concernant les vétérinaires étrangers venant travailler en France, leur situa-tion est identique et le salariat serait sans doute privilégié.D’autres paramètres comme l’ave-nir du circuit du médicament, l’évolution des canaux de dis-tribution des aliments et autres produits d’hygiène, l’applica-tion de la Directive Services pour sa partie Publicité, inter-féreront dans la structuration des groupes ou réseaux de cliniques.

En guise de conclusion, citons le Pacte pour la compétitivité de l’industrie française de Louis Gal-lois (5 novembre 2012) :« Jouer l’innovation et la qualité, l’esprit d’entreprise et la prise du risque, rompre les barrières et travailler ensemble, mettre en valeur les compétences et (re)donner le goût du progrès technique, ouvrir de nouveaux espa-ces de dialogue et stimuler l’intelligence collective. Il y a là tous les ingrédients pour mobiliser les forces vives du pays et, en particulier, la jeunesse.C’est de là que viendront la confiance, l’optimisme et donc le succès. »

possibilité pour un vétérinaire de posséder plusieurs cliniques (en-quête de branche I+C, novem-bre 2009). Rappelons également qu’un tiers des vétérinaires prati-que seul. Ces chiffres montrent la volonté farouche de la profes-sion de rester indépendante.

Un rôle social du vétérinairePar ailleurs, les vétérinaires en exercice ont pleinement conscience de leur importance dans le cercle familial de leurs clients : le vétérinaire traitant,

car ils délèguent toutes les tâches qui ne correspondent pas à leur cœur de métier, c’est-à-dire celles qui ne créent pas autant de valeur que leur domaine de spécialisa-tion. Or le développement de ces services transverses nécessite un investissement conséquent.Ainsi, dans un pays ultralibé-ral comme le Royaume-Uni, en 12 ans, les groupes vétérinaires représentent 20 % des structu-res (canines essentiellement). La moitié est détenue par des fonds d’investissement, qui peuvent engager beaucoup de capital et permettre au groupe de croître rapidement. Quand Vets4Pets in-tègre environ 8 structures par an, CVS en intègre 18. En d’autres termes, plus les actionnaires peuvent investir de liquidités dans de nouvelles structures, plus la société grandit vite et devient rentable pour les ac-tionnaires.

L’ENVIRONNEMENT CHANGE RAPIDEMENT.À ce jour, 70 % des vétérinaires français ne sont pas favorables à l’ouverture du capital des structu-res à d’autres professions que les vétérinaires. Soixante-trois pour cent se sentent menacés par la

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70 % des vétérinaires français ne sont pas

favorables à l’ouverture du

capital des structures à d’autres professions

que les vétérinaires

63 % se sentent menacés par

la possibilité pour un vétérinaire de

posséder plusieurs cliniques

Le scénario anglais reproductible en France ?Dans notre pays, tant que les fonds d’investissement n’ont pas la possibi-lité d’intégrer le capital de sociétés libérales vétérinaires, on peut penser que les groupes de cliniques grandiront moins rapidement et le nombre de cliniques par groupe restera limité : peut-être 500 structures, regroupées en 5 à 10 holdings sous 10 à 15 ans.Quatre-vingt dix pour cent de ces structures ne seraient donc pas impac-tés par ces regroupements…

Toutefois, la mutualisation de services support se structure.Les groupements d’achats existent déjà. Malgré tout l’organisation est encore floue� pour� les� autres� activités,� même� si� une� étude� menée� en� 2008-2009� par�

D. Béchu montre que plus de la moitié des vétérinaires français sont favora-bles à la création de postes de Practice Managers au sein des cliniques.Les modes de structuration des services support dépendront donc de l’évolution de la population vétérinaire et de la législation.

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