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Une table ronde animée par la rédaction du magazine d’architectures DE L’INTIMITÉ À L’INTERACTION les nouvelles tendances des espaces de travail

Table ronde aménagement tertiaire

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Une table ronde animée par la rédaction du magazine d’architectures

DE L’INTIMITÉ À L’INTERACTION

les nouvelles tendances des espaces de travail

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DE L’INTIMITÉ À L’INTERACTION

les nouvelles tendances des espaces de travail

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Depuis vingt ans, les organisations des entreprises et les manières de travailler ne cessent d’évoluer. De la radicalité la plus extrême – à l’instar des plateaux de bureaux ouverts et non attribués de chez Andersen Consulting – aux cloisonnements des plus restrictifs, nous vivons aujourd’hui un moment passionnant de l’histoire de l’aménagement de bureaux avec l’apparition de nouvelles valeurs : se développe ainsi une culture de la nuance qui repose notamment sur la nécessité des entreprises de prendre en compte dans toute sa complexité la notion de bien-être au travail. Toutes les sociétés tendent maintenant vers un discours commun : il faut augmenter les interactions entre les personnes, accroître la covisibilité tout en préservant les besoins d’intimité des usagers et en répondant aux nécessités de changements de posture. Cette tendance émerge en écho avec un nouvel engouement pour la transparence et devient déterminante dans la manière d’aborder tout projet d’aménagement. Il n’est plus question de penser l’environnement tertiaire en termes de prestations isolées. Il s’agit désormais d’aborder les besoins en lumière naturelle, transparence, partition, confort acoustique et mobilier dans leur transversalité et leur interdépendance. C’est une nouvelle donne.Cette table ronde est l’occasion de faire discourir cinq intervenants phares du monde de l’aménagement tertiaire que sont Isabelle Pires pour Saint-Gobain Glass Bâtiment France, Gildas Brille pour Coramine, Thomas Roul pour Ecophon, et Marion Toison et Véronique Leveau pour la société Haworth. Par la qualité de leurs échanges, ils nous permettent de sentir combien l’environnement de travail doit être abordé comme un espace vivant en constante transformation, un espace dont l’utilisateur devrait toujours être l’acteur principal.

L’environnement de travail doit être abordé comme un espace vivant en constante transformation

Karine Dana

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Chef de marché Tertiaire et Cloisons pour Saint-Gobain Glass Bâtiment France depuis novembre 2015, Isabelle Pires est responsable de la promotion de solutions innovantes pour ces deux marchés. Après une expérience de huit ans en recherche et développement, elle rejoint l’équipe Marketing et Commerce de Saint-Gobain Glass, d’abord en tant que support technique, puis en tant que chef de marché « Verre de décoration et d’aménagement ».

Nous cherchons à augmenter les perspectives, à créer de l’ouverture de champ.

Ces apports contribuent beaucoup à la perception du bien-être au travail.

« «

Isabelle Pires

Responsable marketing de la société Coramine depuis 2008, Gildas Brille a été de 1991 à 2008 responsable commercial Sud-Est pour les marques Clipper en profils et cloisons, et Coramine pour les parements cloisons.

Il faut bien comprendre que les besoins se décalent et se superposent. Plus il acceptera la transparence,

plus l’utilisateur exigera une intimité sonore.

« « Gildas Brille

Spécialiste de l’acoustique des espaces de travail chez Ecophon, Thomas Roul accompagne concepteurs et occupants pour l’intégration du confort acoustique dans leurs projets. Ecophon, société du groupe Saint-Gobain, est un fabricant de solutions pour le traitement acoustique des espaces intérieurs.

Nous avons compris aujourd’hui que le ressenti du confort acoustique est tout aussi important,

voire l’est davantage, que le calcul du niveau sonore dans l’espace physique.

« «

Thomas Roul

Directrice Workplace Strategy chez Haworth, Marion Toison est spécialiste en environnements de travail tertiaire. Rapprochant les connaissances issues de la recherche appliquée, les points de vue utilisateurs issus des outils LENSTM de Haworth et les perspectives des architectes, elle accompagne les entreprises dans la conception d’espaces de travail adaptés à leur stratégie, leur culture et leurs modes de travail évolutifs.

Replacer l’utilisateur au centre de la réflexion sur les aménagements me paraît aujourd’hui très important. Il faut lui redonner de la liberté et un

certain contrôle de son espace de travail.

« «

Marion Toison

Directrice du Business Ressource Center parisien de Haworth, Véronique Leveau anime une équipe de designers et d’architectes dédiée à la création de solutions produits spécifiques et d’aménagements innovants. Elle est également responsable de l’équipe prescription chargée de la relation avec les architectes.

Les occasions de mettre des experts autour d’une table pour discuter du confort

des espaces de travail selon la culture de l’entreprise et le profil de ses utilisateurs sont trop rares.

« « Véronique Leveau

Karine Dana a organisé et dirigé cette table ronde. Architecte de formation, elle travaille comme journaliste et auteur indépendante dans le secteur de la presse et de l’édition mais également comme réalisatrice de films documentaires en architecture. Elle collabore chaque mois à la revue D’architectures et a occupé le poste de chef de rubrique à la revue AMC jusqu’en 2011.

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Au regard des nouvelles organisations des entreprises et des manières de travailler, comment la notion de transparence a-t-elle évolué ces dernières années ?

Isabelle Pires : Il y a une quinzaine d’années, la transparence était incarnée par l’open space. Abordé comme un volume unique, l’espace de travail tendait vers une dématérialisation totale. Les situations de coexistences et de coactivités entraînaient fréquemment tensions et conflits car elles n’étaient pas accompagnées de traitement acoustique, ni de possibilité de s’isoler, de se réunir ou de travailler au calme. Aujourd’hui, les surfaces intégralement en « open space » ont presque disparu et l’appréhension de la transparence a sensiblement évolué. Nous observons une tendance au recloisonnement, mais de nature très différente de ce que l’on a pu connaître jusqu’à présent. Il n’est plus question d’isoler des petits espaces individuels, mais de réunir quatre à six postes de travail au sein d’un espace vitré au confort maîtrisé. Telle qu’on l’envisage aujourd’hui, la transparence doit répondre aux besoins d’espace personnel et d’intimité de l’utilisateur, et lui permettre de rester en interaction avec les autres. Cette évolution vers davantage de modulation de l’espace est évidemment favorable au développement du matériau verre, qui contribue à reconquérir l’échelle de

la personne et celle du groupe. La transparence peut en effet recouvrir plusieurs états. Selon la situation de travail, on peut passer de la totale transparence à l’opalescence avec une solution de vitrage dynamique ou à la modulation de la transparence avec l’ajout d’un décor.

Gildas Brille : L’évolution de la transparence traduit les changements d’organisations des entreprises mais également les changements de mentalités des utilisateurs. Il y a quelques années, on recourait au verre avec une certaine timidité. Des vitrages à mi-hauteur, en imposte, ont commencé à animer les parties communes. Petit à petit, la porte en verre est apparue et une demande de plus en plus importante de vitrage pour les circulations s’est fait sentir. On acceptait alors la transparence pour les lieux de passage, mais pas la transparence de voisinage : les refends étaient toujours composés de cloisons pleines. Aujourd’hui, cette réalité a explosé. On assiste à des aménagements de bureaux entièrement vitrés avec une réelle appétence pour les cloisons de verre bord à bord. Le besoin en lumière naturelle, gage de bien-être pour les utilisateurs, appuie bien évidemment ce vif intérêt pour la grande transparence. L’usage du verre dans l’aménagement des espaces de travail est devenu prépondérant.

Thomas Roul : Pendant longtemps, l’acoustique a été le parent pauvre de l’aménagement de l’espace de travail. On a laissé cohabiter tant bien que mal des personnes de profils et

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d’âges différents, opérant des tâches tout aussi distinctes dans des espaces uniques et mal traités. La notion de modulation et de définition de l’environnement sonore est récente. Elle va justement de pair avec cette quête de transparence, d’interactions et d’intimité. La prise en compte nouvelle de ces besoins par les entreprises favorise le développement de solutions acoustiques flexibles et adaptables. Les utilisateurs communiquent de plus en plus à travers leur travail, mais ils ont parallèlement un besoin de plus en plus grand de se concentrer. Nous cherchons aujourd’hui des moyens de leur offrir le contrôle sur leur environnement sonore. Dans cette optique, les études acoustiques ne s’attachent plus seulement à prendre en compte les données physiques de l’espace, mais également à considérer les profils des personnes qui travaillent et la culture de leur entreprise.

Marion Toison : Pour ma part, j’ai le sentiment que nous sommes encore en phase de transition. Je ne pense pas que toutes les entreprises aient basculé vers la transparence totale. Les utilisateurs ressentent le besoin d’être plus transparents en interne pour bien fonctionner et les modes de management se doivent également d’être plus clairs. Ce constat d’ordre psychologique et relationnel encourage à ouvrir les espaces. Néanmoins, le besoin d’intimité des usagers est réel, non pas dans le but de cacher des informations, mais leurs désirs de s’exposer varient selon le moment de la journée. À ce titre, j’aime beaucoup les solutions vitrées graduelles

et flexibles.Replacer l’utilisateur au centre de la réflexion sur les aménagements me paraît aujourd’hui en effet très important. Il faut lui redonner de la liberté et un certain contrôle de son espace de travail. Cela ne peut qu’augmenter la qualité de l’effort fourni.

Dans cette optique, il est peut-être préférable de ne pas aller trop loin dans la prédéfinition des espaces et des usages…

MT : Oui, tout à fait ! Nous passons de projets de nature très prescriptive – dotés de règles de vie et d’espaces de travail ultra-spécifiques – à une envie nouvelle de donner de la liberté. La problématique de fond est la suivante et dépend également de la culture d’entreprise : l’usage doit-il être prescriptif ? Et si oui, jusqu’où intervenir ? Aujourd’hui, nous essayons de produire une qualité spatiale fondamentale afin qu’il reste une marge d’appropriation et de détournement pour l’usager. Lui offrir la possibilité de se déplacer et de disposer d’espaces variés selon sa recherche d’ambiance et ses tâches à accomplir constitue déjà une opportunité de liberté et de maîtrise. La connectique et l’apport du digital entrent donc fortement en ligne de compte dans cette volonté de confort et de mobilité, et le rapport à l’espace en est profondément modifié. Ces nouvelles exigences encouragent à miser davantage sur des stratégies d’aménagement informel.

Exemple de vitrage dynamique pouvant passer de la transparence à l’opalescence

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Comment l’utilisateur peut-il moduler son confort aujourd’hui ?

TR : Quand on demande aux usagers comment ils gèrent la gêne causée par le bruit, les mêmes réponses reviennent toujours : en portant un casque sur les oreilles ou en arrivant plus tôt au bureau, et en repartant plus tard. Chercher à localiser et à neutraliser la source du bruit – le plus souvent liée à une personne – ne leur vient pas à l’esprit. Or l’espace de travail gagnerait à profiter de règles de vie communes qui permettraient de minimiser les gênes, comme cela peut être par exemple le cas en bibliothèque. Mais l’on ne sait pas comment se comporter au bureau ! Il faut donc trouver des solutions acoustiques matérielles, mais également spatiales : organiser des espaces périphériques pour s’isoler ou téléphoner est un moyen de contrôle du confort sonore.

GB : Aujourd’hui, nous savons apporter une modularité sonore dans les espaces de travail, lesquels impliquent des performances d’absorption et d’atténuation. Nous savons résoudre cette équation et isoler deux espaces vitrés de sorte que les usagers placés de part et d’autre d’une cloison de verre ne s’entendent pas parler. Dans cette optique de gestion du confort, Clipper a développé un nouveau profil multifonction – le modèle Elance – destiné à

recevoir une ou deux épaisseurs de verre. Ce profil réversible en aluminium dont la section est en U répond à la tendance lourde en faveur de la transparence. Il permet ainsi de s’adapter aux différentes exigences en matière de confort et d’esthétique de portes et de cloisons, installées dans les circulations, entre deux bureaux privatifs ou dans des salles de réunion. Nous misons beaucoup sur la simplicité de la mise en œuvre des cloisons car nous savons que celles-ci sont amenées à être déplacées et doivent aussi pouvoir être manipulées par des entreprises de compétences diverses. Certaines d’entre elles ne sont pas habituées à la manipulation des verres ni à l’exigence que supposent des cloisons 100 % vitrées.

TR : Oui, c’est une avancée, mais cela sous-entend de bien traiter les plafonds ! La question de la transmission latérale entre deux pièces est

Plafond acoustique pour les espaces collaboratifs et table de réunion derrière un bureau vitré.

Exemple de cloison de verre avec porte pleine ouvrant à la française ou porte vitrée coulissante

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par exemple délicate et ne peut pas se limiter au traitement de la paroi. Si le bruit peut circuler par le plafond, la pose d’une cloison même à très forte atténuation ne sera pas efficace. Or ce cas de figure est fréquent dans la pratique… Dans cette recherche de transparence, de contrôle du confort et de l’intimité, l’acoustique devient une question transversale et contribue à rendre les solutions par les produits interdépendantes.

Véronique Leveau : Le manque de continuité que vous évoquez traduit notre difficulté à travailler en amont des projets. Nous intervenons souvent trop tard et indépendamment les uns des autres. Cela entraîne in fine des surcoûts pour l’entreprise. Les occasions de mettre des experts autour d’une table pour discuter du confort des espaces de travail selon la culture de l’entreprise et le profil de ses utilisateurs sont trop rares. Aujourd’hui, comment pouvons-nous tous ensemble réaliser un espace de travail réussi ? Voilà la question clé et l’architecte est le premier à pâtir de cette absence de mise en communs des compétences.

Dans quelle mesure les solutions par les produits se répondent-elles justement et comment travaillez-vous « ensemble » ?

GB : Dans cette logique de complémentarité des compétences, nous avons récemment lancé un

site internet avec notre partenaire Glassolutions afin de présenter les descriptifs communs de nos solutions verre, cloison, acoustique. Une seule documentation rédigée par l’utilisateur réunit toutes les solutions étudiées pour être montées ensemble. Il faut bien comprendre que les réponses se complètent. Plus on acceptera la transparence, par exemple, et plus l’utilisateur ressentira le besoin d’être isolé phoniquement. L’intimité acoustique va devenir un maître mot.La conception et la personnalisation de chaque espace vont donc de pair avec la recherche de solutions communes répondant au plus près aux nouveaux besoins des utilisateurs.

VL : Oui, c’est très juste, et de nouveaux équilibres sont à trouver entre les solutions produits. Quand nous traitons un projet, nous ne défendons jamais l’idée que le mobilier va tout résoudre. Nous tâchons au contraire de solliciter des spécialistes des solutions verre et des systèmes acoustiques pour apporter une réponse des plus satisfaisantes. Les clients commencent tout juste à comprendre à quel point nous sommes interdépendants, et c’est aussi le rôle du space planner de faire passer ce message.

TR : Pour ce qui est du traitement acoustique, il est fréquent de voir cette étape disparaître en phase de conception et réapparaître a posteriori. Il est toujours difficile pour une entreprise d’accepter qu’un plateau déjà doté de faux plafonds à l’achat ou à la location – comme c’est le cas de tous les bureaux en blanc – ne

Gestion de l’espace et du confort par le mobilier conçu pour offrir différents espaces de travail (poste, réunion, conversation).

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Dans les espaces de travail que vous aménagez, quel est l’impact des procédures participatives impliquant les usagers et y avez-vous souvent recours ?

VL : Les projets les plus réussis sont ceux qui impliquent les usagers en amont. Engagé, le personnel aura d’autant plus de facilités à s’approprier l’espace de travail et à s’adapter aux futurs changements. On constate à quel point sa voix est utile. L’utilisateur est en effet souvent pragmatique, parfois davantage que l’architecte. Le solliciter dès le départ permet de mieux

suivre les évolutions de son service et d’entrer en continuité avec ses attentes. Avec Haworth, nous avons récemment aménagé les bureaux de les Papeteries de Mauduit à Quimperlé, et nous avons travaillé en étroite collaboration avec les architectes et les utilisateurs. Six mois après la livraison des lieux, les usagers ont pu mesurer que certaines de leurs idées ne fonctionnaient pas bien, et nous avons opéré des ajustements. Le mobilier étant conçu pour évoluer, nous avons pu facilement nous adapter. Cette expérience a été très constructive, car elle a été éprouvée et partagée par les usagers.

TR : S’intéresser à l’utilisateur pour comprendre ses besoins en ce qui concerne le confort acoustique est une approche passionnante

Trois assises de différentes hauteurs et niveaux de confort, adaptées à des tâches de nature variable.

suffise pas à offrir un confort sonore satisfaisant dans les espaces de travail…

IP : Nous sommes tous d’accord pour dire que mieux le projet est conçu et plus les problèmes sont anticipés en amont, plus les réponses seront adaptées et moins l’aménagement sera coûteux. En situation de plateaux libres, les budgets cloisons sont également toujours minimisés au départ. Moins d’un an après leur installation, les entreprises nous demandent de réintervenir car les besoins en termes d’intimité ne sont pas respectés, par exemple. Nous savons bien sûr nous adapter aux évolutions des aménagements car les organisations des entreprises évoluent vite, mais nous constatons aussi que certains chefs d’entreprise ont une idée très « Google »

de leur société, qui ne colle pas à la réalité. Les gens vivent et fonctionnent à leur manière, ils ont besoin de retrouver leur espace, leurs affaires, leur intimité. Ce décalage d’image engendre des interventions a posteriori en site occupé que l’on aurait pu éviter.

MT : Connaître en amont l’organisation de l’entreprise et constituer des groupes de travail avec ses collaborateurs constituent une bonne piste d’investigation pour échapper à ces erreurs. Cela permet de collecter de précieuses informations. Cette phase introspective implique de s’affranchir des tendances en termes d’aménagement et de toute forme de mimétisme.

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et tout à fait récente. Nous avons compris aujourd’hui que la notion de ressenti du confort ou de l’inconfort est tout aussi importante, voire davantage, que le calcul du niveau sonore « objectif ». L’ingénieur n’est de toute façon jamais exposé à l’utilisateur. Les documents qu’il produit avec leurs normes et indices sont illisibles pour l’usager, lequel raisonne en termes de sentiment de confort. Notre difficulté consiste donc à traduire l’expression de gênes ressenties et d’attentes dans le langage des sciences physiques. On considère aujourd’hui que 50 % de la nuisance sonore provient de sources psychologiques et subjectives, alors que 25 % de celle-ci relèvent de sources physiques et matérielles. Or les études se sont depuis toujours concentrées sur ce dernier ratio… Traiter 75 % des problèmes de nuisances phoniques offre aujourd’hui de nouvelles perspectives. Les solutions murs et plafonds ne sont pas suffisantes. La personnalité des gens, leur âge, leur culture, leur activité réelle – qui varient par rapport à la vision que l’employeur peut en avoir –, leurs envies de contrôle et leur capacité à prédire le bruit sont autant de données que nous recueillions au moyen de questionnaires. Notre objectif est de livrer l’interprétation de ces résultats à l’architecte et à l’acousticien.

MT : L’implication des utilisateurs est en effet capitale. Pour le groupe Haworth, nous procédons par enquêtes sur Internet et par ateliers que nous mettons en place auprès de toutes les équipes. Nous cherchons

ainsi à analyser l’ambiance et la culture de l’organisation, la nature de ses activités – plus ou moins collaboratives, individuelles ou automatisées –, et à recueillir des avis vis-à-vis des espaces de travail existants. Le résultat de ces enquêtes, analysées avec l’architecte, corrobore ce que nous définissons de manière plus générale comme critères du bien-être au travail : bénéficier d’un environnement ambiant agréable, avoir accès à la lumière naturelle, à des vues sur l’extérieur et le paysage, maîtriser son confort thermique et acoustique, profiter d’un espace intime et d’un mobilier ergonomique, entrer en lien avec les autres.

Et comment abordez-vous un espace dont vous ne connaissez pas l’utilisateur ?

IP : De mon point de vue, il est toujours intéressant de partir de l’apport de lumière naturelle pour imaginer sa transmission dans l’espace intérieur. Penser les surfaces vitrées qui pourraient partitionner l’espace, réfléchir à ce qui va faire obstacle à l’entrée de la lumière, trouver des stratégies pour installer des meubles bas et éviter de les placer parallèlement aux façades constituent quelques pistes d’un travail préliminaire.

MT : Nous venons de mener une étude en collaboration avec le Royal College of Art de Londres, qui vise à explorer ce que d’autres

Cloison de verre bord à bord avec continuité du traitement acoustique devant et derrière la paroi

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secteurs pourraient nous apporter en matière d’aménagement de bureaux. Nous nous sommes intéressés aux bibliothèques, aux événements éphémères dans la ville, aux équipes d’urgence ainsi qu’au domaine de la scénographie théâtrale. Ce dernier champ est particulièrement riche. Pour créer une atmosphère, les scénographes ont recours à de nombreux leviers. Il est notamment possible de créer des perspectives en partitionnant l’espace ou en le meublant. Suite à ces explorations, nous avons eu, par exemple, l’idée de concevoir des rangements percés de fenêtres afin de laisser passer la lumière et la transmettre en second jour.

IP : J’aime beaucoup cette notion d’accès aux vues. Elle va de pair avec la volonté de transparence. Dans les années 1950, seul le bureau du directeur possédait une belle vue. Aujourd’hui, tous les salariés ont envie d’avoir un dégagement visuel et de disposer d’un mobilier non occultant. Toutes les intentions vont aujourd’hui en ce sens. Nous cherchons à augmenter les perspectives, à créer de l’ouverture de champ. Ces apports contribuent beaucoup à la perception du bien-être au travail.

Il s’agit là de vraies réflexions sur les milieux habités. Travailler la mobilité, la lumière, le plaisir d’une fenêtre, la mise en relation, le point de vue…

MT : Ce parallèle avec la maison est intéressant. Cela renvoie à la manière de concevoir et

d’imaginer la vie qui se joue dans un espace. Comment intervenir pour permettre son déploiement ? Comment veut-on travailler demain et comment l’espace de travail va-t-il être pensé ? À nous d’apporter des éléments de réponses, car les habitants auxquels nous nous intéressons vivent tous ensemble et peuvent déménager incessamment !

À ce sujet, comment s’organisent le démontage, le recyclage, voire le réemploi des éléments constitutifs d’un aménagement ?

GB : Les profils des cloisons de verre sont facilement revendables, car l’aluminium se recycle aisément et peut fusionner plusieurs fois. Il faut savoir que toute cloison est remplacée en moyenne tous les quatre ou cinq ans car les goûts et les organisations changent. La cloison est alors démontée et son ossature revendue à une filière. Pour ce qui est du verre, on se demande comment en retirer toute la valeur. Les verres sont trop souvent dirigés vers la déchèterie, tout comme les panneaux pleins. Les filières de recyclage du verre ne sont pas encore toutes en place. La phase la plus délicate étant la récolte du verre avec sa mise en benne.MT : Les filières de recyclage du mobilier existent quant à elles depuis longtemps et sont déjà très structurées. Néanmoins, peu d’entreprises en profitent quand elles déménagent, et

Exemple de salle de réunion interactive avec cloison animée d’écrans.

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c’est dommage. La société Valdelia est l’éco-organisme de la filière meuble professionnel. Elle met à disposition des sociétés des bennes ou des services d’enlèvement pour acheminer le mobilier usagé vers des filières de recyclage ou de valorisation énergétique.

VL : Concevoir un mobilier reconfigurable selon les usages offre également une réponse à sa pérennisation. Nous proposons par exemple des tables de travail évolutives et composées de très peu d’éléments. Elles sont faciles à stocker et à utiliser. Plus le mobilier sera élémentaire et modulable, plus longtemps une entreprise pourra le conserver. Ce qui n’empêche pas de le rafraîchir avec de simples changements de surfaces prévues à cet effet.

Pouvez-vous nous parler des tendances prospectives qui animent chacun de vos domaines ?

IP : Chez Saint-Gobain Glass Bâtiment France, nous réfléchissons à des propositions très simples pour maximiser le bien-être par l’apport de lumière naturelle, la minimisation de la gêne acoustique et la modulation de l’intimité au moyen de vitrages dynamiques ou grâce au décor sur les vitrages. L’usage plus

large du verre extra-clair avec une très grande transmission lumineuse est récent. Nous avons également développé une gamme complète de vitrages acoustiques, et parallèlement nous cherchons des solutions pour moduler l’intimité des usagers : par l’intermédiaire de vitrages dynamiques pouvant aller de la transparence totale à l’opalescence, ou par la création de décors durables sur les vitrages. À ce titre, l’impression digitale permet aujourd’hui d’imprimer des émaux avec une grande facilité et sans la nécessité d’une production en série. Ces techniques permettent de définir des masques d’intimité de manière douce tout en conservant la volonté de transparence. Une autre tendance se dessine : la multifonction des parois vitrées. De l’intégration de surfaces blanches pour écrire à celle du pilotage d’une salle comme au développement de parois vitrées tactiles, nous cherchons à défendre l’idée qu’une paroi vitrée est un espace d’information et d’appropriation. Sans qu’aucune technologie ne soit visible, le verre devient alors une interface.

GB : Pour notre part, nous suivons l’évolution de l’interconnectivité du verre. Nous concevons nos profils afin qu’ils dissimulent le plus de câblages possible. Rien ne doit dépasser ! Notre développement accompagne également l’évolution de l’automatisation des ouvertures de porte. Et enfin, nos recherches à plus long terme portent sur des solutions parois

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indépendantes des plafonds. Leur pouvoir d’absorption serait tel qu’elles n’auraient plus besoin d’être montées toute hauteur. C’est un rêve dont l’enjeu est énorme. Cela permettrait de mieux répondre aux contraintes de flexibilité et de démontabilité des parois.

TR : On ne pourra tout de même pas aller plus vite que la physique en ce qui concerne les questions d’absorption ! Chez Ecophon, nous développons deux importantes thématiques. D’une part, le respect des environnements dans la chaîne de l’approvisionnement et de l’espace intérieur. Aujourd’hui, nos produits basés sur l’utilisation de notre laine de verre troisième génération (combinaison de plus de 70 % de verre recyclé à un liant végétal) contribuent à une excellente qualité de l’air intérieur et bénéficient des labels environnementaux, dont l’étiquetage sanitaire A+. D’autre part, nous cherchons à développer des produits acoustiques toujours plus « design ». En effet, nous observons la tendance suivante : le traitement acoustique se déplace de la structure du bâtiment à l’aménagement intérieur. Aujourd’hui, nous réfléchissons beaucoup à des solutions « objet ».Les débuts des traitements acoustiques se sont en effet cantonnés à ne porter que sur les plafonds, puis ces traitements se sont retrouvés sur les murs. Petit à petit, les solutions se sont alors détachées de la structure. Nous avons donc réfléchi à des systèmes acoustiques indépendants et avons lancé il y a dix ans les premiers îlots flottants acoustiques Ecophon

Traitement acoustique par îlots flottants.

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Solo. À ce jour, nous allons encore plus loin, en concevant des panneaux muraux à haute performance acoustique, aux formes, dimensions, revêtements et couleurs multiples et que quiconque peut accrocher tel un tableau. Nous revendiquons des solutions très performantes, flexibles, personnalisées et faciles à installer.

VL : Nous partageons également cette quête de personnalisation et même « d’humanisation » des espaces en faisant intervenir des designers – telle que Patricia Urquiola – capables de raisonner sur les fonctions, les situations et les connotations du mobilier. Nous développons beaucoup de solutions assis-debout et proposons aux utilisateurs de faire varier ses hauteurs de postes, ses surfaces de travail, tout en maintenant une réelle ergonomie, même en situation informelle. Le corps a besoin d’être en mouvement, et nous cherchons à accompagner ses actions.

MT : Dans le prolongement de cette actualité, nous tendrons vers un mobilier connecté, programmé pour reconnaître l’usager et s’adapter à lui. Il sera aménagé dans un bâtiment également connecté qui captera des données d’environnement et d’usage : des exemples existent aujourd’hui, qui permettent à l’utilisateur d’une part de gérer son environnement, son éclairage, son apport d’air, et d’autre part de mesurer en temps réel l’occupation d’un espace. Cette dernière

information offre à l’entreprise une meilleure connaissance de l’utilisation de ses surfaces et donc la possibilité d’adapter ses aménagements de manière plus souple. Le mobilier offrira toujours plus de flexibilité et d’ergonomie, sous un design qui fera oublier la technicité. Alors que sa conception primaire restera simple et modulaire, le bureau lui-même sera de plus en plus équipé (ou remplacé !) par des surfaces interactives.

Table ronde réalisée par Karine Dana

Gestion de l’intimité d’un bureau par un décor sur cloison de verre

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Clipper conçoit, fabrique et distribue des systèmes de cloisons de bureaux en profils aluminium déclinés en deux gammes d’ossatures et portes cadre alumimium.La nouvelle cloison ELANCE dédiée au verre bord à bord révolutionne et simplifie le montage et la finition des vitrages dans l’ossature par la conception et le développement d’une lisse unique multi-fonctions. La nouvelle gamme portes de la cloison ELANCE offre une esthétique légère et design en parfait accord avec l’évolution des usages en agencements tertiaires.

[email protected] - 03 44 53 10 98 - N° indigo : 0820 200 182 (0,09 euros TTC/mn)www.clipper.com - www.agencementtertiaire.com

Depuis plus de 50 ans, les solutions d’Ecophon, société du groupe Saint-Gobain, offrent un bon confort acoustique partout où communiquer est essentiel : les bureaux, le milieu scolaire, et les établissements de santé. Plafonds suspendus, îlots ou panneaux muraux, ces solutions permettent d’absorber le son, tout en ayant une attention particulière sur le design et le bien-être des utilisateurs. La promesse « A sound effect on people » inspire aussi les efforts que l’entreprise mène, en vue de réduire son impact environnemental, une mission qu’elle accomplit avec autant de passion et de détermination. L’engagement pour l’environnement se retrouve dans la composition de ses systèmes, aux niveaux d’émission les plus bas pour garantir une bonne qualité de l’air intérieur.

[email protected]

Saint-Gobain Glass Bâtiment France fabrique et transforme des vitrages à hautes performances pour les marchés de la construction neuve et de la rénovation. Ils sont destinés à l’équipement des logements (fenêtres, baies vitrées, aménagement intérieur, etc.), des façades, de l’aménagement urbain et à la réalisation de grands projets.

Isabelle Pires / [email protected] www.saint-gobain-glass.fr - www.glassolutions.fr - www.vitrage-et-fenetre.com

Créée en 1948 à Holland dans le Michigan, Haworth est l’un des principaux acteurs mondiaux de l’aménagement tertiaire. L’entreprise conçoit, fabrique et commercialise du mobilier pour tous les espaces de bureau. Sa démarche est de placer l’humain au cœur de la conception de l’espace de travail afin de prendre en compte l’ensemble des facteurs qui contribuent à la performance des organisations. Outre ses partenariats technologiques, Haworth s’associe à des instituts de recherche pour mener de nombreuses études dans les domaines de l’ergonomie, de la psychologie, de l’évolution des technologies et des modes de travail. Son usine de Saint-Hilaire-de-Loulay, en Vendée, a reçu en 2012 le label « Entreprise du Patrimoine Vivant » qui distingue un savoir-faire, symbole de l’excellence française.

Stéphanie Debossus - 06 30 10 42 82 - [email protected]

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Développement commercial :

Florence Slama-Gaillard, Tél. 0148 24 37 67 / 06 09 52 62 32

[email protected] de la publicité

Thierry Meunier, Tél. 01 48 24 81 21 / 07 68 77 67 21

[email protected] de clientèle

Conception graphique :

Maxime Buot

Distribué avec le n°248 de d’a

Paris - Septembre 2016

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Augmenter les interactions entre les salariés tout en préservant leur

besoin d’intimité : telle est la nouvelle gageure à laquelle doivent faire face les acteurs de l’aménagement de bureaux.

Qu’ils soient architectes, space-planner, fabricants, ou utilisateurs, tous doivent aujourd’hui se mettre

à la même table pour penser des espaces de travail heureux et incitatifs.

Dans une perspective de débat très enthousiasmant, nous avons réuni

cinq intervenants phares du monde de l’aménagement tertiaire qui nous

font partager la singularité de leur expérience.