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Organisations Transversalité Diplômes 2015 Diplômes 2015 Nicolas Fallourd

Organisations et Transversalité - Mémoire M2 Design

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Organisations

Transversalité

Diplômes 2015Diplômes 2015

Nicolas Fallourd

« L’idée est qu’on ne peut raisonner sur les comportements des individus ni seulement

en terme d’intérêts individuels, ni seulement en termes de contraintes par les structures,

mais qu’il faut prendre en compte les relations sociales concrètes, et le contexte social

dans lesquels les individus sont impliqués. »

Philippe Bernoux

Je tiens à remercier mes encadrants, Gildas Le Moigne et David Ferré pour leur suivi, leur

investissement et leur aide.

Je remercie également toutes les personnes ayant participé aux réflexions de mon travail.

Je remercie particulièrement Paul-Henry Fallourd pour avoir corrigé et apporté un regard

nouveau sur ce mémoire, Claire Paoletti pour son soutien et le groupe Saucissons Undercover

pour leur bonne humeur et leurs informations. Sans oublier Marion Desclaux , Jennifer Pospisek,

Sydney Hardy, Guillaume Congy et ma famille.

Pour terminer, je remercie le jury et toutes les personnes qui liront ce mémoire.

- sommaire -

SOMMAIRE

Introduction 8

0I État de lart de la théorie des organisations

I.I - Sujet et cadre 14 De l’organisation… …à la transversalité Cadre de l’étude

I.2 - Perspective historique des organisations 19 Les organisations originelles Les organisations classiques Vers des organisations holistiques

I.3 - Théories organisationnelles 31 La théories des groupes Les théories classiques Les modèles émergeants

- sommaire -

- sommaire -- sommaire -

02 Les déficiences des organisations et les freinsà la transversalité

2.I - La stagnation des organisation 48 Des organisations figées basées sur des modèles vieillissants Les évolutions actuelles des entreprises L’entreprise réseau à la recherche de transversalité

2.2 - L’Homme source d’énergie 62 Meilleur ennemi La culture, clé à l’ouverture Synergie collectives

2.3 - Les attentes de l’Homme et leurs évolutions 76 Individualité et appartenance Reconnaissance et motivation Liberté et cadre

Conclusion 124

Bibliographie 132

Glossaire 138

Annexes 142

- sommaire -

03 Vers des pistes et des territoires inconnus

3.I - Analogies 88 Le modèle organisationnel animal Les arts transversaux La hiérarchie des besoins de Maslow

3.2 - Prospective et thématiques émergentes 100 Signaux faibles Prospective et science-fiction Thématiques relatives

3.3 - Retour au design 113 La machine au pouvoir La technique éternelle assistante Embrasser la complexité

Introduction

-9-

- introduction -

Les organisations fascinent. Nous entendons par organisations, des

structures organisées et réfléchies, constituées d’individus. Ces individus

questionnent leurs relations, leurs conflits, leurs tensions, leur implication, la

place qu’ils occupent, la reconnaissance qu’ils attendent... Tous les liens tissés

au sein d’une organisation se créent de la nécessité d’avancer ensemble et sont

d’une complexité qui nous échappe quand on tente de les appréhender dans leur

globalité.

Où que nous soyons dans le monde, nous sommes confrontés à la gestion

des groupes, que ce soit en tant que leader ou simple partie prenante, aux

problèmes de communication, à l’incompréhension, au conflit, au refus… Les

solutions de facilité ont toujours été la fuite ou le repli sur soi. Il faut du temps

pour envisager que l’ouverture, la compréhension de l’autre viennent avant tout

de la connaissance d’autrui et de la patience dont on doit faire preuve pour le

connaître. C’est la culture qui est censée briser les incompréhensions et créer

le lien entre les différents acteurs d’une organisation. Pourtant, dans tous les

milieux sociaux et professionnels, ces conflits inter et intraorganisationnels

subsistent.

Dans notre environnement en pleine mutation, les technologies de

communication et d’informations ont radicalement changé en profondeur

la structure organisationnelle des organisations. Nous nous dirigeons vers

un monde toujours plus connecté. Nous demandons plus d’agilité à des

superstructures semblant inertes. Les startups semblent être une forme

organisationnelle pouvant s’adapter plus facilement aux changements rapides

des écosystèmes dans lesquels nos organisations évoluent. Au sein de ces

superstructures, de nombreux conflits internes peuvent être mis en cause, que

-10-

- introduction -

ce soit entre le département marketing et IT, qu’entre les ressources humaines

et la recherche… Le fait de venir d’univers différents où chacun possède son

propre vocabulaire limite la compréhension aussi bien dans des organisations

simples que complexes. On peut alors se demander comment faire pour que

les différentes parties prenantes malgré leur différence de culture puissent

constituer une organisation performante.

Les ingénieurs, développeurs, financiers, growth hacker, graphistes,

designers, communicants... ont des difficultés à se comprendre. Il semble exister

un monde entre les différents univers professionnels. En sortant de ce modèle

en silo qui prône la performance individuelle, on s’ouvre sur des modèles plus

atypiques et agiles, porteurs d’innovation et de créativité. Les entreprises

sont toujours en train de se réinventer et d’innover pour survivre dans leur

environnement. Ces nouveaux modèles vont-ils dans le sens d’une performance

collective ? Former de nouveaux profils pluricompétents permet-il de créer le

lien au sein d’une organisation ?

Par ailleurs, de nombreuses personnes disent ne plus s’épanouir dans leur

travail. La gestion de leurs attentes et de leurs aspirations semble de plus en plus

complexe tout comme l’évolution de l’environnement des organisations. Nous

évoluons dans un monde marchant où nous sommes sans cesse à la recherche de

nouveaux produits à posséder, cependant nous cherchons également à combler

des besoins plus profonds de reconnaissance, d’appartenance et d’identité.

Les entreprises dans leur course au profit négligent parfois le facteur humain

pourtant à l’origine de leur existence.

Face à cette stagnation des organisations amenant l’aridité, seule

l’énergie semble pouvoir apporter le mouvement nécessaire à la pérennité

des organisations. Où cette énergie prend-elle sa source et comment est-elle

-11-

- introduction -

stimulée ? L’apport de transversalité semble être une réponse au manque de

souplesse des organisations et à leur quête vers l’équilibre. La transversalité est

un concept restant assez flou, nous ne savons pas si elle est créatrice d’énergie

et nous devons questionner sa pertinence. Toutes ces questions nous amènent à

poser la problématique suivante :

« Quelle transversalité pour les organisations de demain ? »

Nous commencerons dans une première partie par faire un état de

l’art des organisations en étudiant ses sources, son étymologie et son histoire.

Nous explorerons également les théories organisationnelles ayant rythmé l’ère

industrielle et les plus récentes. Dans une seconde partie, nous nous intéresserons

aux freins empêchant la transversalité des organisations, mais également aux

pistes développées par les entreprises, par les sociologues et les psychologues

pour tenter de maitriser cette complexité liée à l’Homme. Nous finirons dans une

troisième partie par prendre de la hauteur en nous intéressant aux signaux faibles

de notre société, à la science-fiction et en cherchant des analogies potentielles à

la transversalité et aux organisations.

I/ État de lart de la théorie des organisations

Dans cette partie, nous tenterons de faire l’état de l’art des théories

organisationnelles. Nous procéderons pas de manière exhaustive, mais

qualitative et évolutive. Dans un premier temps, nous définirons le cadre et

le sujet de ce mémoire puis nous étudierons l’histoire des organisations et

nous finirons par nous intéresser aux théories organisationnelles passées

et actuelles.

-14-

I.I - Sujet et cadre

Une bonne compréhension du sujet commence par sa définition,

voyons quelle est la définition théorique puis pratique et enfin étymologique de

l’organisation et de la transversalité. Nous verrons ensuite dans quels cadres de

recherches s’inscrit ce mémoire.

I.I.I - De l’organisation…

Avant de s’intéresser aux organisations, il est primordial de définir les

différentes notions que ce terme recoupe. Il est en effet riche de sens et peut être

interprété différemment selon le milieu dans lequel il est utilisé. Commençons

tout d’abord par étudier sa définition littérale. En cherchant dans le dictionnaire

le Larousse, l’organisation est définie comme « l’Action d’organiser, de structurer,

d’arranger, d’aménager »1. Cette définition traduit bien le sens commun qu’on

utilise couramment. On parle de « sens de l’organisation », de « quelqu’un d’organisé »

ou encore d’un évènement « bien organisé ». Le terme organisation est opposé à la

désorganisation.

Dans le Dictionnaire étymologique Larousse, Paris 1971, le mot

Organisation vient du substantif latin « organum » et du grec « organon » qui

désigne au XIIe siècle XIVe siècle un instrument de musique, la voix, un organe

du corps. Outre un sens musical, organiser signifie : « disposé de manière à rendre

apte à la vie »2. En d’autres termes, l’organisation serait primordiale à la vie.

C’est donc une notion fondamentale à la survie d’un organisme vivant. Sans

organisations, c’est le chaos, la mort. Il est intéressant de noter par ailleurs qu’en

1 Organisation, repéré sur http://www.larousse.fr/dictionnaires/francais/organisation/564212 Dictionnaire étymologique Larousse, Paris, 1971.

-15-

biologie, organisation signifie « Hétérogénéité structurale, observable à toutes les

échelles (molécule, cellule, tissu, organe, organisme) chez les êtres vivants tant végétaux

qu’animaux, sur laquelle repose leur fonctionnement vital »3.

L’Homme, comme tout être vivant a dû s’organiser pour survivre. La

somme des parties organisées donne à voir un nouveau tout. La métaphore

récurrente qui image cette idée est l’apparition de la vie. En ajoutant simplement

des cellules, des organes, sans les organiser, il n’est pas possible de créer la vie. Il

est possible d’extrapoler cette idée en disant qu’en organisant de façon optimale

les différents éléments constituant l’organisation on obtient un tout supérieur.

Une Organisation par extension peut concerner de nos jours toute entreprise

privée ou publique, institution, association ou structure. Il existe une tension

naturelle dans toute organisation entre les finalités de cette organisation et les

moyens disponibles et réunis pour y parvenir.

I.I.2 - …à la transversalité

La notion de transversalité est présente dans de nombreux domaines,

qu’ils soient scientifiques, politiques, pédagogiques ou économiques. Elle prend

de nombreuses significations dépendant du domaine de compétences associé.

Avant de commencer une réflexion sur la transversalité au sein des organisations

il est intéressant de se pencher sur ses différentes notions.

En consultant différents dictionnaires tels que le Robert ou le Larousse,

on peut observer que le terme « transversalité » n’y figure pas. On peut cependant

trouver l’adjectif et le nom transversal. Transversal vient du latin médiéval

« transversalis » et du latin classique « transversus », au sens didactique il signifie

3 Dictionnaire Larousse en ligne, repéré sur http://www.larousse.fr/dictionnaires/francais/organisation/56421

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« qui est disposé en travers de quelque chose, perpendiculairement à sa largeur ou à sa

hauteur ».4 Le sens courant du mot transversal est « qui traverse, est en travers » et

son sens figuré est « qui regroupe plusieurs disciplines du secteur ». On peut voir que les

premiers sens attribués à la transversalité se réfèrent à des univers tels que celui

de la géométrie ou de la géographie. Aujourd’hui, on utilise le terme transversal

dans de nombreux domaines.

Dans le Nouveau Littré, transversal signifie : « Qui passe en travers.

Qui touche plusieurs domaines à la fois. Un enseignement transversal ».5 Le mot

transversal, quel que soit le contexte dans lequel il est employé, garde toujours

une connotation positive. Il est synonyme « d’enrichissement », « d’apport » ou

même « d’ouverture ».

L’association Environnement Développement Alternatif, définit

la transversalité par « la pénétration de tous les paramètres (…) dont le but est

d’enrichir l’information dans tous les domaines autres que celui dont il s’occupait

plus particulièrement à moment donné et de croiser l’ensemble des données émanant

de chaque secteur, de chaque partenaire »6. La transversalité apporte à chacun

une nouvelle richesse. On s’enrichit de l’autre, c’est un échange équivalent, un

équilibre informationnel. Cet échange permet une vision plus globale, plus

transverse du tout.

Pour J.Ardoino, la transversalité dans les sciences humaines et sociales

nous éloigne « du modèle canonique : champ, objet et méthode, à partir desquels se

définissait habituellement une discipline d’enseignement ou de recherche. Beaucoup plus

que les territoires et les cloisonnements (…), ce sont des perspectives holistiques et des

4 Dictionnaire Larousse en ligne, repéré sur http://www.laroWiWusse.fr/dictionnaires/francais/

transversal/79245?q=transversal#78286 5 A. Guillevin, V. Magnon, O.Moulin, K. Zaïmen, A propos de transversalité dans l’école de musique, juin 2006, 229

pages.6 Association E.D.A., repéré à www.eda-lille.org/spip/article.php3?id_article=89.

-17-

lectures plurielles s’interrogeant et se fécondant mutuellement, admettant les hypothèses

de l’hétérogénéité et de la complexité, explicitement située au niveau des regards portés

sur les objets, conjuguant les points de vue de la particularité et de la singularité avec celui

de l’universalité (…) ».7 Cette citation met en avant les idées de décloisonnement,

de « lectures plurielles s’interrogeant et se fécondant mutuellement » ou encore de

« perspective holistique ».

L’Holisme se définit par « la tendance dans la nature à constituer des ensembles

qui sont supérieurs à la somme de leurs parties, au travers de l’évolution créatrice ».8

L’Homme, par exemple, est un tout qui ne peut être expliqué par ses différentes

composantes physiques, physiologiques et psychiques considérées séparément.

La pensée holiste se trouve en opposition à la pensée réductionniste qui tend à

expliquer un phénomène en le divisant en partie.

On confond et on confronte très souvent la notion de transversalité avec

les notions de « pluridisciplinarité » ou « multidisciplinarité ». La pluridisciplinarité

se définit comme l’association de plusieurs disciplines visant un même but, sans

que chaque matière ait à modifier son mode de fonctionnement ou ses objectifs.

L’organisation de l’enseignement scolaire, par exemple, est pluridisciplinaire. La

multidisciplinarité, quant à elle, est la cohabitation de plusieurs disciplines dans

une même entité. Nous pouvons dire que l’organisation d’un conservatoire ou

d’une école de musique est multidisciplinaire, car elle propose différents cursus

que sont la musique, la danse et le théâtre, sans que l’ensemble des élèves soit

concerné directement par les trois matières.

La transversalité, est un mode de fonctionnement qui traversant

différentes disciplines, dépasse les cloisonnements existants afin de donner

forme à « autre chose », située au-delà de ces disciplines. La transversalité

7 J.Ardoino, Transversalité, Université Paris 8, repéré à www.barbier-rd.nom.fr/transversalite.html.8 Smuts, Jan. Holism and Evolution. Londres, Macmillan & Co Ldt, 1926, 362 pages.

-18-

donne- t-elle à voir des organisations plus performantes, plus optimales ou plus

viables ? Nous pouvons également nous demander si le modèle en réseaux de

certaines organisations amène à plus de transversalité.

I.I.3 - Cadre de l’étude

Nous nous intéresserons dans ce mémoire à tout type d’organisation

que ce soit le système global dans lequel nous vivons, ou bien l’entreprise

qui par essence est une organisation créée par l’homme, en passant par les

formes d’organisation animale. Nous tenterons d’aborder un grand nombre

d’organisations afin de tenter de tirer des hypothèses qui seront réinvesties et

refocalisées sur les organisations humaines. Le but de ce mémoire est d’ouvrir

au maximum le scope de recherche et d’observation afin de pouvoir prendre le

maximum d’informations qui pourraient nous intéresser dans l’élaboration des

notions problématisantes.

Nous nous appuierons sur des livres portant sur la sociologie des

organisations, la psychologie des groupes et leur dynamique, la transversalité,

les entreprises, le management et sur les théories organisationnelles. Nous

nous aiderons de conférences portant des questionnements fondamentaux sur

notre condition d’humain et notre raison d’être. Et bien sûr des expériences

personnelles, qu’elles soient du monde de l’entreprise, de celui des startups ou

bien dans un cadre privé.

-19-

I.2 - Perspective historique des organisations

Dans cette partie, nous étudierons les organisations humaines originelles

puis nous nous intéresserons aux organisations hiérarchiques mécanistes et

transactionnelles leur ayant succédé et pour finir nous porterons notre regard

sur leurs évolutions vers des organisations dites holistiques.

I.2.I - Les organisations originelles

Comme nous venons de le voir précédemment, de l’organisation née la

vie. Pour survivre, l’Homme, comme de nombreuses autres espèces animales, a

dû se rassembler pour se protéger. Ce groupement d’individus a eu l’obligation

de s’organiser pour être viable.

Il y a 3 millions d’années, l’Homme vivait de chasse et de cueillette. Le

pouvoir lui venait de son osmose avec la nature. La pensée globale était intuitive

et la communication orale. Nous étions alors organisés en tribus.9 De ce modèle

primaire de tribu sont nés les rites d’initiation, de formation, de passage au

sein de l’organisation. Ces rites symbolisaient et marquaient le changement

de statut social de l’individu ainsi que son incorporation dans le groupe. Ils se

matérialisaient par des épreuves ou des cérémonies. Ces rites initiatiques à la

différence des rites de passage, qui concernent le passage à la puberté sociale,

ne touchent pas les individus d’un même sexe, mais sélectionnent les individus

selon des qualités acquises.10 Il est intéressant de constater qu’aujourd’hui

9 JOCHEM Jacques, Le Mix Organisation, Paris, Edition Eyrolles, page 57.10 CROS Michèle, DORY Daniel, Terrains de passage : Rites de jeunesse, éd. L’Harmattan, 1996.

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encore ces rites initiatiques perdurent que ce soit dans la vie étudiante ou

professionnelle. C’est le cas par exemple des bizutages qui font aujourd’hui

polémiques. Quelles limites doit-on fixer à ces rites initiatiques ? Leur difficulté

n’est-elle pas nécessaire afin de marquer davantage la limite d’appartenance à une

organisation ? Afin d’appartenir à une organisation, il est nécessaire d’acquérir

des qualités validées par des rites formels ou informels. Ces qualités sont définies

aujourd’hui comme des « hardskill » ou des « softskill ». Les hardskill concernent

nos « compétences formellement démontrables, nées d’un apprentissage technique,

souvent d’ordre académique, et dont la preuve est apportée par l’obtention de notes,

diplômes, certificats et les softskill sont plus diffuses et informelles »11.

Il y a 30 000 ans, l’Homme a fini par se sédentariser. Le pouvoir lui

venant de la possession du territoire. Nous pensions de façon analogique et nous

communiquions par l’écrit. Les croyances et les religions ont pu se transmettre,

le pouvoir s’est répandu au travers d’icônes et d’écrits.12 Les organisations alors

en place étaient civiles comme les monarchies dirigeant des armées et religieuses

11 Aurolom, repéré sur http://www.aurlom.com/hard-skills-vs-soft-skills-se-completer-pour-mieux-

s%E2%80%99armer-2.12 TRADIGO Alfredo, Icônes et saints d’orient, 2005.

-21-

comme l’Église et le Clergé. Cette période, tout comme la précédente, a laissé

sans nul doute des traces dans la programmation de cerveaux. Il est envisageable

de penser que certaines de nos façons de nous comporter au sein de groupes

humains viennent de ces époques lointaines. Dans les années 70, l’anglais Anthony

Jay dans son livre Corporation Man13 établit que la taille d’une organisation idéale

est de 500 personnes. En effet, cet effectif correspond à deux limites naturelles,

c’est le nombre maximum de personnes dont quelqu’un arrive à se faire entendre

en plein air sans amplification de sa voix et c’est le nombre de personnes que

l’on arrive à reconnaître en les croisant, cette reconnaissance constituant un

facteur de sécurité important pour la tribu, car un ennemi pourrait s’infiltrer.

Robin Dunbar, un anthropologue anglais spécialisé dans le comportement des

primates limite même ce nombre à 148, car selon lui « ce qui compte pour la cohésion

du groupe, ce n’est pas seulement d’en reconnaître les autres membres, mais aussi de

pouvoir percevoir correctement les interrelations entre eux. » Ce serait également

« la limite cognitive du nombre de personnes avec lesquelles un individu peut avoir des

relations stables »14. Pour déterminer ce chiffre, il est parvenu à établir que la taille

du cerveau impose une limite supérieure à la taille des groupes d’individus.

Nous avons établi qu’afin de rejoindre une organisation il est nécessaire

d’acquérir des compétences. De plus, la taille d’une organisation viable est un

élément loin d’être négligeable dans sa gestion et est inscrite plus profondément

dans notre ADN que nous ne pourrions le penser.

13 JAY Antony, Corporation Man, Jonathan Cape, 1972.14 DUNBAR Robin, Male and female brain evolution is subject to contrasting selection pressures in primates, BMC

Biology 5 Article Number: 21, 2007.

-22-

I.2.2 - Les structures organisationnelles classiques

Pour l’Homme, une organisation définit une manière de vivre, une

culture. Nous avons cherché au fil du temps à marquer cette appartenance par des

icônes devenues des logos. Les organisations ont commencé à être « brandées »,

les valeurs d’appartenance à cette organisation ont été mises en avant de même

que ses us et coutumes. Tous ces ensembles de « best practices » ont permis aux

organisations de s’affirmer et de s’imposer. Que ce soit de l’uniforme des armées

romaines ou modernes, aux langages codés utilisés dans les religions, ou encore

même aux « checks » d’un groupe de jeunes adolescents, tous ces codes ont forgé

l’identité de ces organisations. Ces organisations peuvent être aujourd’hui être

matérialisées sous la forme d’entreprises, d’associations, de collectifs…

Le seuil de cette taille limite établi par la nature humaine, que nous

avons vu précédemment, a été confronté au besoin de croissance de certaines

organisations. Pour succéder au modèle précédent il eu été nécessaire, à partir

du XVIIIe siècle, de construire d’individu en individu de grands ensembles

organisationnels. L’enjeu de l’époque des organisations mécanistes est de rendre

les organisations plus productives et à moindre coût.15 Le modèle mécaniste est

systématisé par des théories comme celle de Frederick Taylor qui a pu concrétiser

ses hypothèses en l’appliquant dans l’automobile chez Ford. Lorsque, comme à

cette époque, une organisation peut générer un produit ou un service répondant

à des besoins massifs alors cette organisation à tendance à revoir son modèle afin

de s’adapter à son nouvel écosystème. Ce fut le cas des ces organisations à échelle

humaine ayant du évoluer vers ces nouvelles organisations à échelle industrielle.

Ce modèle souhaitant répondre à la masse par la masse remet en cause des

15 JOCHEM Jacques, Le Mix Organisation, Paris, Edition Eyrolles, page 62.

-23-

modèles alors traditionnels tel que l’artisanat.

Une des controverses de ce modèle mécaniste est la déshumanification

des hommes au sein de cette organisation. En effet, les individus composant

l’organisation ne sont plus vus individuellement, mais comme composant un

tout. L’individu s’efface au bénéfice de la masse, le leader de l’organisation ne

connait plus les hommes qui la composent. Les tâches en général répétitives des

individus composant une organisation mécaniste étaient chronométrées et les

rémunérations étaient calculées sur la production horaire du meilleur employé.16

L’effet pervers de ce système étant que les employés contrôlaient la production

de toute l’entreprise en prévenant chaque nouvel arrivant de ne pas produire trop

et fixaient ainsi eux même leur taux de production horaire. Ce modèle pourtant

performant théoriquement trouve ses limites dans l’humanité des individus qui

la composent, il fonctionne par ailleurs très bien avec des machines.

Une des conditions du bon fonctionnement d’un modèle mécaniste est

la stabilité. Pour que ce modèle organisationnel puisse se mettre en place, il est

nécessaire que l’environnement dans lequel il se situe n’évolue pas trop vite.

Depuis plusieurs dizaines d’années, cette stabilité a disparu et les organisations

ont dû évoluer pour être plus réactives. Auparavant, les périodes de changement

16 Mondialisme.org, Aux origines de l’antitravail, repéré sur http://www.mondialisme.org/spip.php?article694

-24-

accéléré n’étaient que des dérèglements temporaires, mais ceux-ci sont devenus

des temps forts de l’évolution. On peut citer par exemple l’arrivée d’Internet

et du numérique qui ont remis en cause presque toutes les organisations

humaines. Internet et les nouvelles technologies de communication ont placé

les organisations dans un écosystème plus global, on ne parle alors plus d’échelle

locale ou territoriale, mais internationale voir mondiale.17

Ces nouveaux modèles organisationnels répondent à la complexité

grandissante des nouvelles demandes venant du monde entier. La taille

des organisations a continué de grossir, les individus possédant les qualités

nécessaires pour les rejoindre ont pu s’affranchir de la distance auparavant

rédhibitoire et constituer de nouveaux points d’implantation à travers le monde.

Cette nouvelle complexité est liée comme nous venons de le voir à la distance

géographique, aux différences culturelles et à la multiplication des acteurs. Il est

nécessaire pour l’organisation de maîtriser ses réseaux constitués de partenaires

multiformes et changeants. L’émergence du modèle transactionnel est rendu

possible par les avancées extrêmement rapides des technologies de l’information

et de la communication. Il reste étonnamment pauvre au niveau de la réflexion

et de la recherche sur son mode de fonctionnement organisationnel. Il semble

que ce modèle a été subit plus que choisi. Les différentes organisations semblent

agir par mimétisme et par effet de mode lorsqu’il s’agit de se poser des questions

organisationnelles et de fonctionnement interne.18

Nous avons vu qu’afin de dépasser les limites naturelles des organisations

il est nécessaire de théoriser leur fonctionnement, mais également que

les organisations mécanistes trouvent leurs limites dans les hommes qui

17 MBENGUE, Bassirou. Impact des nouvelles technologies de l’information sur l’apprentissage et les compétences

en entreprise. 2000. Thèse de doctorat. Paris 7.18 JOCHEM Jacques, Le Mix Organisation, Paris, Edition Eyrolles, page 64.

-25-

les composent. De plus les organisations, avec l’arrivée d’Internet et des

technologies de communication instantanée ont du se réinventer pour s’adapter

à un écosystème plus global. Avec l’émergence du modèle transactionnel des

contraintes se sont accentuées comme la culture, la distance et la multiplicité

des parties prenantes. Ce modèle semble également avoir été subi et le mode de

fonctionnement organisationnel tend vers un modèle similaire ne s’adaptant

pourtant pas aux complexités diverses des organisations.

I.2.3 - Vers des organisations holistiques

Depuis une dizaine d’années, l’évolution de la technologie a révolutionné

notre manière de communiquer et de nous organiser. Pour mieux appréhender

cette complexité globale grandissante au sein de nos organisations humaines,

nous avons cherché et nous cherchons encore à mettre en place des systèmes

d’informations capables de gérer cette complexité. Nous pouvons nous

demander si nous ne revenons pas au modèle des chasseurs-cueilleurs d’il y a 3

millions d’années avec les nouvelles technologies en plus. Nous revenons à un

système naturellement complexe que nous avions cherché à simplifier durant

cette massification artificielle que fût l’âge industriel. Quelles sont ces nouvelles

transformations organisationnelles ?

Le vrai challenge de la transformation digitale est la transformation des

organisations.19 Les organisations sont plus transparentes et ne maîtrisent plus

leur e-réputation comme elles maîtrisaient leur communication institutionnelle.

Ce phénomène vertueux qui pousse parfois les organisations à mettre en oeuvre

leur offre, leur message, leur proposition de valeur et à abandonner certains

19 Ibid., p. 67.

-26-

de leur discours démagogue. Apple, par exemple, a dû prendre des sanctions

contre certains de ses fournisseurs qui employaient des enfants, ce qui ne collait

pas à l’image de marque qu’ils véhiculaient. Dans un tout autre registre, l’État

français a également annoncé souhaiter vouloir plus de transparence, mais cette

transparence n’est qu’une contrainte imposée par la transformation digitale des

organisations. L’État français a préféré prendre les devants afin de témoigner

de sa bonne volonté et ainsi limiter des fuites possibles dues au manque de

contrôle sur nos nouveaux dispositifs de communication et d’information. Cette

mutation digitale des organisations apporte par la transparence la preuve que

les organisations font bien ce qu’elles disent faire. La transparence améliore

l’efficacité, renforce la confiance et stimule l’innovation, elle limite les risques

de corruption. Cette nouvelle jungle recréée par la technologie nous confronte

aux mêmes questionnements qu’ont eus les premières organisations d’il y a 3

millions d’années : comment agir en secret, comment cacher l’information ? Cette

information qui devient de plus en plus la principale source de pouvoir. Certaines

organisations ont trouvé comme solution de ne pas être présente digitalement.

Ne pas exister ou être actif digitalement ne nuit-il pas aux organisations ? Ne

-27-

faut-il pas apprendre à contrôler plutôt que de fuir cette source potentielle

d’enrichissement intellectuelle et matérielle ?

Cette arrivée du digital a permis le développement de nouvelles

structures organisationnelles qui se sont affranchies des théories du passé. Ces

structures ont écouté ces nouveaux comportements émergents que sont l’auto-

organisation et le contournement. Concernant l’auto-organisation, Google a

donné l’avantage à ses développeurs et ingénieurs de pouvoir gérer leurs journées

comme ils l’entendaient sous condition de résultat.20 De plus, chez Zappos,

l’organisation est passée en mode « zéro management » et les salariés sont

responsables de leurs actes et de leurs actions. Cependant Tony Hsieh dans son

livre « l’Entreprise du Bonheur », nous explique que le bien-être des gens n’est

pas qu’un objectif noble, mais un formidable générateur de succès.21 Nous verrons

dans la troisième partie quelles sont les conditions de ce bien-être et les attentes

des individus constituant une organisation. Ces attentes ne résument-elles pas

le bien-être qu’a toujours souhaité un homme en rejoignant une organisation ?

Les technologies de cette révolution digitale ont permis de voir émerger à

l’échelle mondiale une toute nouvelle culture et de nouveaux comportements

à la génération des « digitals natives ». Ces nouveaux comportements incitent à

l’auto-organisation. Ces digitals natives remettent en cause de manière naturelle

l’autorité, les intermédiaires ou l’expertise sans valeur ajoutée reconnue. Cette

génération possède cependant le pouvoir de donner libre cours à sa créativité

personnelle et au « mass-self communication » son but étant de s’exprimer

librement et de partager gratuitement cette expression. C’est un enjeu pour les

organisations actuelles et de demain de pouvoir tirer parti du double potentiel

20 Bernard Girard, Le Modèle Google, M21 Editions, 2008.21 Tony Hsieh, Zappos : l’Entreprise du Bonheur, Leduc Editions, 2013.

-28-

qu’ont l’auto-organisation et la créativité de la multitude.22 Il faut éviter, pour les

organisations en place, d’inhiber ces comportements qui pourraient se retourner

contre elle.

Les organisations actuelles font face à de nombreux enjeux. Il est

nécessaire de faire face à cette nouvelle complexité que même les systèmes les plus

sophistiqués n’arrivent pas à appréhender. Les entreprises suite à de nombreuses

acquisitions et de fusions sont devenues incroyablement complexes. Il est

nécessaire de former les hommes constituant ces organisations afin de pouvoir

créer des liens permettant la cohésion et la synergie en son sein. Ce sont ces

liens qui créeront la transversalité devenue indispensable à nos organisations.

Comme toute période de transition et de changement, il faut également informer

l’ensemble de l’organisation et de prendre en compte la communication. L’enjeu

est donc multiple, il faut agir sur la formation, mais surtout sur la communication

et l’accompagnement, parfois appelé coaching. Cet anglicisme reste controversé.

C’est cet ensemble de paramètres qui justifie les programmes d’accompagnement

du changement dans les entreprises. La formation n’est que la partie apparente

de l’iceberg, c’est le piège dans lequel tombe certains managers non éclairés :

«Les salariés ne sont pas à niveau ou doivent s’adapter au changement, je les

forme et c’est bon....». Ce raisonnement reste en surface, le plus important et

difficile commence : comment ces personnes vont mettre en oeuvre efficacement

ce qu’ils ont appris, comment mesurer le succès du dispositif qui a été mis en

place… D’autre part, les organisations font face à une pénurie de créativité

nécessaire pour innover par elles-mêmes. Afin de gérer cette évolution vers un

modèle holistique il faut « libérer la créativité qui permettra aux organisations de

réaliser les promesses de l’ère de la communication et de l’information »23. Pour

22 COLIN Nicolas et VERDIER Henri, L’Âge de la multitude, Armand Colin, 2013.23 JOCHEM Jacques, Le Mix Organisation, Paris, Edition Eyrolles, page 70.

-29-

arriver à ce résultat, il est nécessaire comme nous l’avons vu précédemment de

donner une plus grande liberté aux hommes constituant l’organisation, quel que

soit le poste qu’ils occupent. Cette créativité est indispensable à tout niveau, que

ce soit pour le produit, le marketing, la stratégie, mais aussi le fonctionnement

global de l’organisation. Enfin, le dernier enjeu est de rendre ces organisations

attractives pour les nouvelles générations ayant des attentes de développement

personnel, car elles ne peuvent plus tromper sur ce qu’elles sont réellement.

Les nouvelles générations sont de plus en plus sourdes lorsqu’on leur impose

indifférence et absurdité en les obligeant à mal travailler. Des organisations

prônant la confiance et la convivialité sont nécessaires pour attirer les individus

prometteurs qui constitueront leur futur. C’est en prenant en compte ces enjeux

-30-

que les organisations pourront évoluer sans subir ce modèle en réseaux.

L’homme est aujourd’hui en train d’imposer un nouveau modèle, en raison

de sa nature curieuse et innovante ainsi que grâce aux moyens donnés par les

technologies de communication et d’information. Les organisations deviennent

plus transparentes que jamais et de nouveaux comportements comme l’auto-

organisation et le contournement émergent. Cette nouvelle complexité doit

servir à libérer notre créativité, ce sont les organisations prenant ce facteur en

compte qui seront attractives pour les générations de demain.

À travers le temps, l’homme n’a cherché qu’à agrandir le territoire

dans lequel s’inscrivaient les organisations qu’il mettait en place. Il a tenté

théoriser ces nouveaux territoires afin de les contrôler. Les technologies

de communication et d’information actuelles placent ce territoire sur une

échelle globale, mondiale ce qui a pour effet de confronter les organisations de

l’homme au modèle organisationnel de sa nature même d’animal. L’évolution

technologique nous pousse à nous rapprocher de modèles organisationnels plus

naturels, mais également beaucoup plus complexes à gérer, car ils prennent en

compte énormément de facteurs et de parties prenantes. Les modèles agiles et

en réseaux créés par l’homme semblent être une nouvelle nature à explorer et à

dompter.

-31-

I.3 - Théories 0rganisationnelles

Dans cette partie, nous verrons comment les groupes constituant

les organisations ont été théorisés puis nous nous intéresserons aux

spécificités de certaines théories organisationnelles encore enseignées

aujourd’hui puis nous étudierons le modèle holistique plus en détail.

I.3.I - La théorie des groupes

Une organisation tout comme un groupe réunit une pluralité d’individus

ayant une solidarité implicite plus ou moins forte. Nous allons voir quelques

théories du groupe qui peuvent s’appliquer à une organisation. Un groupe n’a

pas de notion d’organisation, mais au même titre qu’une organisation il tend vers

un but commun. Il est par exemple possible de grouper des individus ensemble

sans qu’ils soient organisés entre eux. Il est cependant nécessaire d’organiser, de

structurer un groupe pour qu’il devienne une organisation. À la différence d’un

groupe, une organisation est reconnue par une autre organisation extérieure

légitime. Un élément transverse au groupe touchera tous les individus qui le

constituent. Le terme de groupe possède un sens large et regroupe des ensembles

sociaux de tailles variées.

Au sein d’un groupe, tout comme dans n’importe quelle organisation se

jouent des jeux d’influences. Gustave le Bon établi dans l’ouvrage La Psychologie

des foules publié en 1895 que du groupement des individus vient la fusion

d’une pensée collective. Cette fusion a pour effet d’atténuer les différences

entre les parties prenantes d’un groupe. De plus, les facultés intellectuelles des

individus sont diminuées et ceux-ci n’exercent plus le contrôle habituel sur leur

-32-

comportement guidé normalement par les normes sociales. Gustave le Bon nous

confirme que « les qualités intellectuelles des personnes composant une foule

non aucun effet sur les actions accomplies par ce groupe, elles peuvent être tout

aussi héroïques que destructrices »24. Une personne en rentrant dans un groupe

subirait selon lui des modifications psychiques étant en tout point analogues à

celles subies par un sujet hypnotisé. Cette problématique toujours d’actualité,

a été reprise par Postmes et Spears en 1998. Postmes et Spears pensent que

« plutôt qu’une désindividualisation, les parties prenantes d’un groupe subissent une

mutation de leur processus d’autocatégorisation qui passe d’un niveau individuel

à un niveau groupal »25. Il est aujourd’hui établi que lorsqu’une personne fait

partie d’un groupe son caractère, ses décisions, son attitude changent. On parle

souvent « d’effet de groupe » lorsque nous ne reconnaissons plus les actes d’un

de ses proches, on dédouane alors l’individu de sa responsabilité individuelle.

Le groupe est vu comme un tout. Au regard de la loi, lorsqu’un individu a agi en

« bande organisée » ou « sous l’influence du groupe » la justice est plus clémente.

En 1921, Freud dans l’ouvrage Psychologie des masses et analyse du moi se

demande quels sont les facteurs d’influences pouvant à ce point modifier le

comportement individuel. Freud évoque la notion de libido ayant pour noyau

l’amour qui « recouvre de nombreuses formes comme l’amour pour soi, pour ses

enfants, sa famille… »26 Pour lui, les liens qui s’établissent entre les différents

membres d’un groupe se font sous l’impulsion d’un amour qui en constitue la

principale force de cohésion. La faiblesse de ce lien est le manque de réciprocité

ou le sentiment d’être défavorisé au détriment d’un autre membre du groupe. Ce

lien est présent entre tous les membres du groupe et est encore plus fort avec le

24 BLANCHET Alain, TROGNON Alain, La psychologie des groupes, Paris, Edition Armand Colin, 2008,

p.1325 Ibid., p. 1326 Ibid., p. 14

-33-

leader. Le véritable ciment du groupe serait donc cet échange d’amour égalitaire

entre le meneur et le reste des membres du groupe. Le fait que les groupes ont

une influence sur le comportement des attitudes des individus qui le constituent

a été démontré par une expérience menée en 1943 par Lewin sur des groupes

de ménagères Américaines et leurs habitudes de consommation d’abats. Selon

Lewin, « les comportements individuels dépendent du contexte dans lequel ils se situent

chaque individu étant plongé dans un champ de forces »27. Ce sont les phénomènes de

répulsion et d’attraction entre les individus et leur environnement qui forment

cet effet que l’on nomme dynamique de groupe. L’influence du groupe va conduire

en général les individus qui le constituent à se normaliser, à plus de conformisme

et à tendre vers l’innovation sociale.28 Cette normalisation est définie comme la

pression qui s’exerce sur les membres d’un groupe en vue d’adopter une position

acceptable pour tous.29 Cette pression conduit inévitablement la convergence

des opinions, car celle-ci facilite le compromis et évite le conflit.

Cette normalisation conduit chaque groupe à se constituer une culture

propre. Cette culture est constituée de codes communs, souvent d’une langue

commune, et d’une histoire qui lui est propre. En rejoignant un groupe, on accepte

implicitement également la culture de ce groupe. Aujourd’hui, il est établi qu’une

organisation doit avoir une culture forte afin de permettre aux individus de s’y

identifier facilement, ce qui aurait pour effet de faciliter les relations au sein du

groupe. Des entreprises comme Google ou Apple en sont de parfaits exemples.

Chez Google, la culture de l’ouverture, de l’open source et du lien se retrouve

jusque dans les vélos qui composent son campus tandis que chez Apple la culture

du secret et du design se retrouvent à tous les niveaux de l’entreprise. Lorsque

27 LANDRIEUX-KARTOCHIAN Sophie, Théorie des organisations, Paris, Edition Gualino, 2013, p. 5828 ALEXANDRE-BAILLY F., Comportement humain et management, 2006.29 Ibid., p. 59.

-34-

l’on rentre chez Google on est considéré comme un Noogler, ce qui s’apparente

un rite initiatique, c’est une façon pour l’organisation de montrer à l’individu

que désormais il doit adopter la culture de l’entreprise. C’est à travers le groupe

que nous cherchons à combler notre besoin d’appartenance. Cependant, il est

possible de faire partie d’un groupe d’échanger, de participer et de ressentir une

solitude intérieure importante. Il est également primordial de penser à la notion

temporelle du groupe, en effet celui-ci ainsi que sa culture évoluent dans le

temps. Son évolution est due à l’arrivée de nouvelles parties prenantes ainsi qu’à

la mutation de son environnement.

Le groupe exprime un besoin important de renforcement mutuel

d’individus se sentant impuissants individuellement. Dans le groupe est présente

une ambivalence, le groupe nous rassure tout comme il nous menace, il nous

accueille et nous appuie tout comme il peut nous écraser et nous déposséder.

C’est le rôle du leader que de s’assurer que les attentes des parties prenantes

du groupe sont respectées. La présence d’un leader est indispensable au sein de

tout groupe, c’est lui qui donne la vision et favorise la progression du groupe vers

ses buts. Dans l’ouvrage la psychologie des groupes il est dit que : « Le leader doit

savoir gérer l’ensemble des processus qui s’établissent dans les différentes étapes de la

vie du groupe »30. Cette fonction est complexe et exige une capacité d’adaptation

importante. Ce leader doit être doté d’une caractéristique appelée leadership. Le

leadership est une fonction nécessaire à tout groupe, car elle répond aux besoins de

cohérence et d’identité des membres qui le compose. C’est grâce à son leadership

que le leader va rassembler les différentes individualités qui composent le

groupe en une entité unique. Il est important de ne pas confondre un leader d’un

manager. Le pouvoir du manager lui est conféré par les parties prenantes externes

30 BLANCHET A., TROGNON A., La psychologie des groupes, Paris, Edition Armand Colin, 2008, p.99.

-35-

au groupe alors que le pouvoir du leader lui vient des membres du groupe. Le

manager n’est donc pas un leader, mais plutôt un animateur. Le leader donne la

vision au groupe, c’est un élément primordial lié à la motivation et à l’engagement

des membres du groupe. D’après de nombreuses études rapportées par Gibbs

en 1969, les leaders naturels partagent certains traits de personnalité tels que la

considération des membres, la prise d’initiatives structurantes, l’activation de la

production et la sensibilité interpersonnelle.31 En 1972, Lippit et White testent

trois types de leadership dans des groupes d’enfants, un leadership autoritaire,

un leadership démocratique et un leadership passif. Le leadership démocratique

obtient des meilleurs résultats, car il implique les différents membres du groupe

dans le processus décisionnel. Cette implication a pour effet d’augmenter la

satisfaction des membres, d’améliorer les performances, d’établir un bon climat

socioémotionnel ainsi que de garder la cohésion du groupe en cas d’absence du

leader. En 2008, Luria a démontré que les leaders actifs, individualisant leurs

relations avec les membres du groupe induisent des climats de sécurité et une

meilleure cohésion du groupe que des leaders ne le faisant pas. Le leader a donc

un rôle primordial au sein du groupe, sans lui les différentes parties prenantes du

groupe ne peuvent pas former ce tout organisé.

Nous avons pu voir que dans les groupes tout comme dans les

organisations se jouent des jeux d’influences, que la culture du groupe transcende

les individus qui le composent et que le leader joue un rôle d’exemple, de guide et

de coordinateur. Les fondations profondes qui structurent un groupe viennent

des liens entre ses membres, de sa culture et de son leader.

31 Ibid., p. 103.

-36-

I.3.2 - Les théories classiques

Nous allons maintenant voir les différentes théories enseignées en école

de management pour tenter de comprendre comment cette complexité liée à

l’organisation a pu être théorisée. Ces grilles de lecture vont nous permettre

de mieux appréhender le fonctionnement des organisations. Nous tenterons

de trouver des paradoxes entre ces théories et entre ce que sont et seront les

organisations. Pour analyser ces théories nous nous appuierons sur le livre

Théorie des Organisations de Sophie Landrieux-Kartochian. L’école classique

des théoriciens de l’organisation a pour optique commune de rationaliser

l’organisation. Cette école est composée en partie par Taylor, Fayol et Weber. Nous

analyserons les principes de leurs théories, leurs apports et leurs limites.

Taylor est une des références incontournables lorsqu’il s’agit de parler

de théories organisationnelles. Ses théories impactent encore aujourd’hui

les méthodes de travail des organisations. Taylor a rationalisé l’organisation

du travail, il a tenté d’en faire une science. Cet ingénieur et économiste de

profession a étudié comment optimiser la production en la rationalisant. Il a

contribué à la transformation de la société industrielle entre 1870 et 1914. Un des

buts de Taylor est de limiter le gaspillage en matière et en temps, ce qu’il fait en

spécialisant et en divisant horizontalement le niveau le plus bas de l’organisation

qu’il appelle les cols bleus. C’est encore aujourd’hui le modèle organisationnel

des usines à la chaine ou des caissiers dans les hypermarchés. Son autre but est

de diviser verticalement l’exécution, le contrôle et les projets ce qu’il fait en

créant une hiérarchie qu’il appelle les cols blancs. Il applique également le salaire

au rendement et le contrôle strict du travail. De nombreux secteurs industriels,

tels que celui de l’automobile, ont appliqué ses méthodes qui ont connu un grand

Une organisation hiérarchique

-38-

succès. L’organisation scientifique du travail autrement appelée OST a permis la

réalisation de la production de masse ayant amené à la société de consommation.

Comme nous l’avons vu précédemment ce modèle mécaniste a trouvé ses limites

dans sa conception très réductrice de l’homme. Il ne prend pas en compte des

facteurs psychologiques autres que la motivation par l’argent. L’OST nie toute

forme d’autonomie et d’initiative, elle crée par ailleurs des conflits entre les

fonctionnels cols blancs et les opérationnels cols bleus.

Fayol est un ingénieur français proposant une approche rationnelle du

management. Il cherche les procédés de gestion permettant une organisation

administrative du travail optimale. Il est considéré comme le père du management

moderne. Fayol apporte une vision fonctionnelle de l’organisation en divisant

ses activités. Ce découpage peut nous sembler banal aujourd’hui tant il paraît

évident. Il divise une organisation en 6 activités, technique, commerciale,

financière, sécurité, comptable et administrative. On peut observer que dans

ce découpage il n’est pas question de créativité et encore moins d’innovation

ce qui n’est pas adapté pour les organisations actuelles cherchant sans cesse

à innover. Fayol s’intéresse tout particulièrement à l’activité administrative

qu’il attribue au manager. Selon lui, les fonctions clés de l’administration sont

la prévision, l’organisation, le commandement, la coordination et le contrôle.

Fayol contrairement à Taylor estime qu’il faut laisser les ouvriers s’organiser

eux-mêmes, que ce soit au niveau de la répartition des rôles, des tâches, des

outils et des méthodes employées. Cette pensée fait penser au principe d’auto-

organisation, que nous verrons plus tard, où on estime que l’organisation tend à

s’autoréguler, s’équilibrer et se stabiliser d’elle même lorsqu’on lui laisse la liberté

de le faire. Certains chercheurs comme Mintzberg pensent que les théories de

Fayol ne décrivent que vaguement quelques objectifs des dirigeants et que la

réalité est tout autre. Mintzberg appelle les dirigeants avec le terme plus général

-39-

de « managers » qu’il décrit comme étant la personne « ayant la responsabilité d’une

organisation ou d’une des unités de cette dernière ».

Weber contrairement à Taylor et Fayol n’est pas un praticien et ses

recherches dépassent le cadre du management. Il est considéré comme un des

pères de la sociologie. Weber propose un modèle rationnel d’organisation appelé

le modèle bureaucratique. La théorie de la bureaucratie est composée de trois

caractéristiques étant la stratification de l’organisation et des postes de travail,

la régulation par la hiérarchie et la coordination des activités. Les membres

d’une organisation bureaucratique sont libres et n’obéissent qu’aux devoirs de

leur fonction dont les règles sont conservées par écrit. Weber dans sa recherche

aux fondements de l’autorité se demande quelles sont les logiques guidant les

actions des individus. Il compte trois fondements à l’autorité, la logique affective,

la logique des valeurs et la logique instrumentale venant des modèles rationnels.

Weber fait le choix de développer cette logique instrumentale, car l’autorité du

modèle vient de la fonction et non pas de la personne qui l’occupe ce qui permet à

l’autorité de se maintenir lorsque l’organisation évolue. L’autorité dans ce modèle

est impersonnelle et liée à l’exercice de sa fonction. Ce modèle est impersonnel et

protège des préférences du leader ou d’autres membres de l’organisation. Tout le

monde à l’assurance d’être traité en fonction de règles connues et précises. Il n’est

donc pas possible d’être soumis à des décisions arbitraires ou discriminatoires,

ce modèle est une garantie d’équité. Les bureaucraties sont caractérisées par leur

efficacité, chacun connait son travail et remplit ses objectifs. Ce modèle garantit

la compétence des employés, leur indépendance, leur sécurité et leur obéissance

aux règles. Ces organisations ont un comportement pouvant être anticipé, les

résultats auxquels elles aboutissent sont ceux prévus ce qui en fait un modèle

théoriquement stable. Le modèle bureaucratique a cependant ses limites, les

jeux individuels et la dimension de l’acteur sont absents. Ce modèle ne prend pas

-40-

en compte les motivations individuelles pouvant nous pousser à faire partie de

l’organisation et ne nous voit que comme des individus ayant un rôle à remplir.

Les règles passent avant tout et les réels buts de l’organisation deviennent flous,

c’est d’ailleurs ce qui est souvent critiqué dans les organisations bureaucratiques.

Un exemple que tout le monde ou presque connait est la séquence dans les douze

travaux d’Astérix32 où celui-ci doit obtenir le laissez-passer A-38 dans la maison

qui rend fou. Après avoir été désorienté et avoir frôlé la folie, Astérix décide de

prendre l’organisation bureaucratique à son propre jeu en demandant un laissez-

passer imaginaire A-39 selon une circulaire B-65 imaginaire également. Tous les

membres de l’organisation se mettent à chercher ce formulaire ce qui crée un réel

chaos dans le bâtiment. Finalement, Astérix obtient le laissez-passer A-38 qui

lui est donné « gracieusement » afin de le faire partir et retrouver l’ordre dans les

bureaux. Le système bureaucratique est connu pour sa lenteur, un des plus connus

en France est sans doute la Poste. Aujourd’hui, les organisations bureaucratiques

sont synonymes de gigantisme, d’immobilité et d’inefficacité.

Les hommes ont depuis toujours tenté de rationaliser les organisations.

La complexité des organisations les dépasse. Lorsque l’on tente de rationaliser la

complexité, on prend le risque d’en perdre sa subtilité. À mettre dans des cases des

phénomènes complexes, on oublie souvent de prendre en compte des facteurs

qui peuvent remettre en cause la globalité du modèle. Que ce soient dans les

théories organisationnelles de Taylor, Fayol ou Weber, il n’est nullement question

de transversalité. Il est nécessaire de remettre en cause les caractéristiques de

la bureaucratie, que nous avons vue précédemment, afin de mettre en place

des organisations plus plates effaçant leurs frontières internes et externes. Ces

structures plates ayant pour avantage de faciliter la communication, de réduire le

32 GOSCINNY R., UDERZO A., les douze travaux d’Astérix, Studios Idéfix, 1976.

-41-

sentiment de directivité, d’augmenter l’autonomie et par conséquent la créativité

et l’innovation des organisations.

I.3.3 - Les modèles émergeants

Ces modèles théoriques que nous avons vus précédemment sont encore

appliqués de nos jours bien qu’ils aient évolué et été adaptés. Les fondements

restent cependant les mêmes. Une alternative intéressante à ces modèles est

présentée dans le livre Le Mix Organisation33 écrit par Jacques Jochem. Il me semble

pertinent d’aborder ce modèle très récent (2014) ayant pour problématique

d’introduction « Et si l’entreprise mobilisait enfin l’énergie naturelle de l’autonomie ? ».

Cette problématique m’a interpellé, car elle partait initialement de l’humain, de

sa valeur créative et non pas comme un simple engrenage de l’organisation.

Jacques Jochem choisit de représenter les organisations de façon

matricielle en suivant deux axes. L’axe égo qui représente le dedans c’est-à-dire

la capacité à développer une dynamique collective, à valoriser les ressources

internes, à impliquer et la fédérer les énergies et l’axe ÉCO qui représente le dehors

c’est la capacité à libérer la combativité individuelle, à réagir aux évolutions de

l’environnement et à tirer parti des ressources externes. Sur cette matrice on

retrouve les modèles organisationnels dont nous avons parlé auparavant, les

modèles tribal, mécaniste, transactionnel et holistique. Toutes les entreprises

actuelles peuvent être positionnées sur cette matrice : une PME familiale sera

en générale à tendance tribale tandis qu’une usine de production sera mécaniste,

une entreprise de conseil sera plus transactionnelle et une startup ayant trouvé

une synergie sera plutôt holistique. Il est important de comprendre que la forme

33 JOCHEM Jacques, le Mix Organisation, Paris, Edition Eyrolles, 150 pages.

-42-

holistique est un état temporaire, tout comme le bonheur c’est un Graal. Cette

forme organisationnelle se met en place d’elle-même de façon ponctuelle lorsque

la synergie entre l’ÉGO et l’ÉCO opère. La forme holistique est celle où la tension

entre l’ÉGO et l’ÉCO est la plus forte. Aujourd’hui, de plus en plus d’entreprises

à tendance organisationnelle transactionnelle cherchent à ramener de l’humain

dans leur organisation, du tribal afin d’équilibrer cette balance entre ÉGO et

ÉCO. Ce lien de confiance collective est une des conditions nécessaires à la forme

holistique. Les entreprises cherchent également à renforcer leurs ressources

internes en réaffirmant leurs valeurs et leur identité. Il est possible de placer de

très grosses organisations divisées en différents départements sur cette matrice.

Ainsi le département des ressources humaines ou l’administration seront

plutôt positionnés mécaniste, le département recherche tribal, le département

marketing ou la communication en transactionnel et le département innovation

et création en holistique.

-43-

En s’intéressant au modèle holistique, on quitte la pensée rationnelle

pour s’intéresser à la pensée complexe. Edgar Morin, sociologue, anthropologue

et philosophe nous oppose dans son livre La Méthode34 la pensée rationnelle et la

pensée complexe. Ainsi il oppose la partie que l’on aborde de façon segmentée

au tout que l’on aborde globalement en étudiant les liens qui le composent. Il

oppose le fait que le tout soit la simple somme des parties au tout supérieur à

la somme de ces mêmes parties. Dans la pensée rationnelle le désordre est une

anomalie alors que dans la pensée complexe le désordre est la norme et l’ordre

une anomalie. Contrairement à la pensée rationnelle où le chaos est l’inexpliqué

provisoire, on remet en cause ce qui est déjà expliqué, on raisonne en tolérant

l’ambiguïté plutôt que par exclusion. « L’organisation holistique se comporte comme

un système complexe ouvert, dont la propriété est de créer lui-même sa propre finalité et

ses propres principes de fonctionnement en dehors de toute intervention extérieure »35.

Un ordre global émerge spontanément de ce modèle holistique qui comporte une

part inévitable d’imprévisibilité. Cette forme organisationnelle s’adapte à son

environnement changeant dans lequel elle puisse son énergie. Il évolue par lui

même, et s’adapte à la recherche de sa stabilité.

Il est nécessaire que chaque partie prenante de l’organisation porte le

projet commun. Cette culture est inculquée dans certaines startups où tous les

membres doivent savoir pitcher le concept. Cette démarche crée une cohésion

au sein de l’équipe et une forte implication de la part de chacun. Il est intéressant

de faire une analogie entre le modèle holistique et les sports collectifs. Dans

un sport collectif c’est celui qui possède le ballon qui détient le pouvoir, et le

pouvoir passe de main en main, chacun est égal et peut exercer son contrôle. Il

faut que chaque joueur ait cette conscience, cette intelligence collective qui le

34 MORIN Edgar, La Méthode, ouvrage en 6 volumes, Seuil, 1977-2044.35 JOCHEM Jacques, le Mix Organisation, Paris, Edition Eyrolles, p.27.

-44-

fait se sentir au sein d’un tout pour en user intelligemment. C’est la bonne prise

en compte du contexte interne, comme la position de ses coéquipiers ou leurs

appels de balle, et du contexte externe, comme la position de ses adversaires ou

ses marges de manœuvre, qui vont déterminer de la réussite de sa décision. C’est

la prise en compte complexe des enjeux qui lorsqu’ils sont bien synthétisés dans

leur ensemble créent cette synergie. Le joueur fait à se moment parti d’un tout,

il s’efface au profit de la performance collective. Quand une personne arrive à

devenir cet élément transversal apportant de la valeur à l’organisation on dit de

lui qu’il possède un esprit d’équipe, que ce soit dans le sport ou dans n’importe

quelle organisation. Afin d’atteindre cette conscience collective, il est nécessaire

d’avoir conscience du tout.

Jacques Jochem nous parle dès le début de son livre d’énergie et l’énergie

est l’élément nécessaire à la transversalité de l’organisation c’est ce qui va lui

apporter sa richesse. Il est nécessaire d’avoir une organisation transversale pour

mettre en place un modèle holistique. C’est par l’équilibre des axes égo et ÉCO,

par leur mix que l’on va atteindre cette forme holistique. On peut rapprocher

la définition de la transversalité de celle d’un ensemble holiste, la somme des

parties crée un nouveau tout.

Nous nous dirigeons vers un monde holistique

où le pouvoir vient de la maîtrise de l’information,

la communication devient purement digitale et

interactive, les organisations sont regroupées en

fédérations et en réseaux. Nous quittons un monde

où le pouvoir vennait de la disponibilité du capital,

où la pensée était rationnelle et réductionniste, où la

communication audiovisuelle des mass médias était

monopolistique et les organisations hiérarchiques.

Il existe un paradoxe entre le fait que l’homme aille

vers des structures organisationnelles en réseau où il

doit agir pour le bénéfice du groupe et le fait qu’il soit

une individualité tentant d’exister par elle même et

de sortir de la masse. Quelle est la place de l’homme

dans ce modèle en réseau transversal ?

II/ Les déficiences des organisations et les freins à la

transversalité

Nous allons voir dans cette partie quels sont les paradoxes des

organisations actuelles qui semblent stagner et qui les rendent inadaptées

au monde actuel, déficientes. Nous nous intéresserons par ailleurs, aux

éléments facilitant la mise en place de cette transversalité qui semble

indispensable à l’évolution de nos organisations. Puis nous finirons par

nous intéresser à l’Homme et aux évolutions de ses attentes mais également

au rôle qu’il joue dans les organisations.

-48-

2.I - La stagnation des organisations

Nous commencerons par voir en quoi les hiérarchies actuelles sont basées

sur un modèle dépassé puis nous verrons qu’elles sont différences entre la culture

des organisations et la culture des nouvelles générations et pour terminer nous

parlerons des réseaux et des relations transversales qui composent l’entreprise.

Les organisations souhaitent innover davantage et être plus créatives, mais ne

laissent pas la place à l’énergie de se déployer. L’entreprise est un cas d’étude

très intéressant lorsque nous parlons d’organisations, car elle est une structure

organisationnelle étant contrainte à la performance. Si l’entreprise ne remplit

plus ses objectifs, elle n’est plus viable.

2.I.I - Des organisations figées basées sur des modèles vieillissants

Les organisations souhaitent rester compétitives, mais se reposent

sur des modèles vieillissants. En quoi le modèle hiérarchique est-il un modèle

organisationnel vieillissant ? Nous nous appuierons dans cette partie sur les

connaissances acquises lors d’un workshop de deux jours avec des managins

partners d’Accenture.

Depuis plus d’un siècle, le modèle hiérarchique, appelé également top

Down est la norme. Le problème du modèle hiérarchique est qu’il n’est plus

viable aujourd’hui, car il repose sur l’idée que les organisations sont construites

sous la forme de pyramides. Un des principes de ce modèle est que les acteurs

de la base de la pyramide ont la possibilité d’accéder au niveau supérieur de la

pyramide. Le problème aujourd’hui est que ce système arrive à ses limites, la base

de la pyramide grossit et les promesses d’évolution au sein de cette pyramide ne

-49-

peuvent plus être tenues. C’est ce phénomène que l’on appelle couramment « le

plafond de verre ». Chez Accenture le nombre de nouveaux entrants augmente,

mais le nombre de places aux échelons supérieurs reste les mêmes. Il n’est plus

possible de proposer les mêmes évolutions de carrière verticales qu’auparavant.

Il est possible de créer de plus petites pyramides au sein même de la pyramide

pour donner l’illusion d’évoluer. Il est également possible de proposer des

évolutions de carrière plus horizontales. Le modèle hiérarchique est un modèle

fermé, on évolue dans un cadre défini et connu, alors qu’un modèle ouvert comme

un modèle en réseau est un modèle indéfini et inconnu, ce qui est bien plus

intéressant pour innover. L’homme aime ce système cartésien, car il est inscrit

dans un cadre et confortable. On sait que pour accéder a l’échelon supérieur on

doit accéder à la place de son chef. Dans un modèle hiérarchique, on met en avant

les généralistes alors que dans les modèles en réseaux, les experts sont valorisés.

Le niveau au sein de cette pyramide organisationnelle détermine le

pouvoir que l’on détient ; or ce pouvoir aspire à devenir de moins en moins

centralisé ce qui remet en cause la pertinence de ce modèle. Les modèles agiles

contrairement aux modèles top Down diffusent et délèguent le pouvoir dans

différents groupes qui constituent l’organisation. C’est exactement ce que fait

Google et un grand nombre d’organisations ayant un modèle startup où le pouvoir

relatif à un produit est détenu par le product manager. Dans son livre Gestion de

projet : Vers les méthodes agiles, Veronique Messager Rota définit cette méthode

agile comme étant « une approche itérative et incrémentale, qui est menée dans un

esprit collaboratif avec juste ce qu’il faut de formalisme. Elle génère un produit de haute

qualité tout en prenant en compte l’évolution des besoins des clients »36. Ce modèle

met en avant les individus et les interactions plutôt que les processus et les

36 MESSAGER ROTA V., Gestion de projet : Vers les méthodes agiles, Eyrolles, 2009.

Le modèle Accenture

-51-

outils. Ces modèles agiles sont transversaux par essence, car ils pénètrent toutes

les couches de l’entreprise, ils transforment ces organisations en profondeur.

Ce sont ces modèles qui sont appliqués dans l’univers du design où le retour

utilisateur est primordial pour concevoir un produit ou un système pertinent.

C’est une nouvelle façon pour les organisations de créer de la valeur tout en

s’adaptant aux changements de son environnement. Cette capacité à s’adapter

rapidement et à intégrer sur un socle stable, mais souple la valeur crée en fait

un modèle particulièrement adapté à notre époque. Ces modèles peuvent être

mis en place en utilisant de nombreuses méthodes, mais une des plus populaire

reste la méthode Scrum. Ces méthodes agiles répondent à ce besoin qu’ont les

organisations actuelles de plus de transversalité, cependant elles ne peuvent pas

être appliquées à grande échelle. En effet lorsqu’un groupe dépasse 12 membres il

devient compliqué de mettre en place ces méthodes, il est important que chacun

soit omniscient dans le groupe et sache ce que tout le monde fait. Ainsi lorsque

l’équipe travaillant de manière agile est amenée à changer un ou plusieurs de

ses membres elle est confrontée à des difficultés d’adaptation. On note d’autres

limites à ce modèle telles que la quantification de la part d’implication des parties

prenantes externes, la planification ou encore l’estimation de la charge du projet.

Cette agilité modifie également notre façon de percevoir et de concevoir ce qui

crée pour certaines personnes constituant l’organisation un choc culturel.

Les possibilités de forme des structures organisationnelles des

entreprises sont nombreuses. La structure organisationnelle d’une entreprise

reflète souvent la façon dont elle fonctionne, les jeux de pouvoir, les liens entre les

parties prenantes, la hiérarchie peuvent y être représentés de façon schématique.

On peut remarquer cinq grands types de structures récurrentes d’après Chandler.

La forme unitaire en U basée sur la centralisation où les activités et la direction

sont réunies. La forme multidivisionnelle en M construite verticalement avec

Le modèle Accenture

-52-

une maison mère et différentes activités rattachées à celle-ci. La direction est

située dans la maison mère. C’est un modèle décentralisé. La forme holding en

H construite horizontalement, c’est le modèle des holdings avec les différentes

activités dissociées, mais communiquant entre-elles. Chaque activité possède sa

propre direction et elles échangent entre elles pour mettre en place la stratégie

du groupe. C’est un modèle décentralisé. La Matrice dans laquelle les personnes

ou les sous-sections ayant des compétences similaires sont regroupées pour la

répartition des tâches. Au niveau d’une entreprise, les sous-sections peuvent être

coordonnées dans le but de réaliser un projet. On peut par exemple associer la

R et D, les designers, et le service qualité sur un produit donné. C’est un modèle

décentralisé. Et pour finir, le Modèle en réseaux, les entreprises sont étendues

tissent des liens en fonction des compétences, mais également des marchés

visés, elles forment des partenariats, mettent en place de plates-formes de

connaissances et de formations communes, partagent l’information, partagent

leurs actifs, mettent en place des stratégies communes… C’est un modèle

décentralisé.

La façon dont la structure est organisée influe directement sur les relations

entre les membres ainsi que sur leurs champs d’action. Afin que l’organisation

fonctionne dans sa globalité, il est important de coordonner tous les groupes la

constituant. Une entreprise comme Google possède une structure lui permettant

d’être très réactive, agile et indépendante. Elle est composée de petites équipes,

-53-

les décisions sont prises de la base de l’entreprise et permettent une rapidité à

toute épreuve. Ce n’est pas la taille d’une entreprise qui va définir sa structure. Il

est facile de faire un raccourci en se disant que plus une entreprise est développée,

et plus elle possède de collaborateurs, plus elle possède une structure complexe

et requiert des décisions prises de manière verticale. Cependant, comme nous

venons de le voir avec Google, ce raccourci est faux, les décisions quotidiennes ne

sont pas prises de manière verticale. On peut retrouver dans certaine PME autant

de niveaux hiérarchiques voir davantage que chez un géant comme Google.

Les employés sont intéressés par leur évolution au sein de la pyramide,

car trois des leviers principaux de motivation pour l’homme sont le pouvoir, la

reconnaissance et l’argent. Les aspirations actuelles sont différentes de celle

d’autrefois, les gens aspirent à plus de bien être, d’équilibre entre la vie prive et

vie professionnelle, mais également de reconnaissance dans leurs expertises.

Plus l’organisation est sujette à la performance plus la tension sur les liens qui

la constitue est forte. La réussite au sein d’une organisation est-elle encore

synonyme de réussite sociale ? La tension sur les liens se ressent par les parties

prenantes de l’organisation. Il est possible d’agir sur ces liens afin de relâcher

-55-

cette tension ressentie par les membres de l’organisation, ce qui peut avoir pour

effet de les rendre plus innovants et plus productifs.

2.I.2 - Les évolutions actuelles des entreprises

L’entreprise cherche cependant à évoluer, car elle est consciente que si elle

n’évolue pas elle peut disparaître, l’évolution est pour elle un besoin intrinsèque.

La structure organisationnelle fait partie des préoccupations des entreprises.

Nous allons voir quels sont les investissements faits par les entreprises afin de

renforcer leur structure organisationnelle. Nous nous appuierons dans cette

partie sur une discussion avec le vice-président de la formation de Schneider

Electric et ses constats.

Afin d’être compétitives dans un monde devenu global, les entreprises

ont besoin d’être de plus en plus expertes et de se recentrer sur leur coeur de

métier. En effet il est aujourd’hui facile d’aller chercher les services venant

d’un concurrent moins cher ou tout simplement meilleur. Afin de remédier à ce

phénomène, qui touche n’importe quelle organisation lorsqu’elle s’inscrit dans

un tout plus global, les entreprises ont commencé à externaliser des fonctions de

l’entreprise et donc une partie de leurs ressources. Il est possible d’externaliser

de nombreuses ressources générant des coûts supplémentaires inutiles pour

l’entreprise. Prenons l’exemple des MOOCS, qui en rendant disponibles des

formations en ligne étant conçues par les meilleurs experts mondiaux au plus

grand nombre, permettent de s’assurer que le niveau de formation proposé est

nivelé par le haut. Se rendre dépendant de facteurs externes est à la fois un risque,

mais également une opportunité pour les entreprises. Une organisation étant

dépendante d’un ou plusieurs acteurs possède effectivement des obligations qui

complexifient sa structure, mais en faisant appel à une expertise extérieure elle

-56-

se rend plus compétitive et plus viable.

Les entreprises tentent également de redéfinir leurs frontières en étant

plus agiles comme nous l’avons vu précédemment. Les frontières peuvent aussi

bien être internes, comme celles mises en place par les théories organisationnelles

telle que la hiérarchie, qu’externes comme celles entre le client et l’entreprise

ou le consommateur et le producteur. Ces modèles organisationnels où les

frontières sont redéfinies sont le terreau des startups, car ils représentent une

innovation de rupture dans la façon d’appréhender les problèmes. L’entreprise

La Ruche qui dit Oui, en proposant de simplifier la chaine de distribution entre

le producteur et le consommateur, remet en cause les modèles organisationnels

existants. De façon plus globale, le courant de l’économie collaborative redéfinit

les frontières imposées par la grande distribution. Une organisation en plus de

ses liens est également régie par des frontières mouvantes, c’est à l’organisation

de savoir définir le plus justement ces frontières. D’autre part, l’objectif d’une

entreprise est la profitabilité. Elle doit activer deux leviers majeurs ; la croissance,

c’est à dire le développement de son chiffre d’affaires et l’optimisation de

ses coûts qui concerne les ressources internes et externes, la productivité…

L’agilité est nécessaire pour être réactive et efficiente avec un effort, un coût, une

consommation réduite, pour faire face à un environnement de marché évoluant

rapidement.L’organisation de demain se doit d’être assez souple et réactive

dans sa manière de définir ses liens, sa structure et ses frontières pour pouvoir

s’adapter aux contraintes internes et externes évoluant toujours de plus en plus

vite.

Il est intéressant de se poser la question de la place du designer dans

ces organisations. En effet leur intégration au sein des entreprises est un enjeu

auquel sont confrontées les entreprises actuellement. Le designer peut être

considéré comme un maillon de la chaine de production de l’organisation ou bien

-57-

comme un élément qui traite l’organisation dans sa globalité et qui transcende ce

modèle.37 Par exemple l’objet connecté Mother, conçu par Rafi Aladjan le créateur

du nabaztag, possède des fonctions répondant à une problématique plus globale

et humaine plutôt qu’à de simples résolutions de problématiques techniques. Il

est possible avec Mother d’utiliser une famille de capteurs connectés se fondant

dans votre vie quotidienne pour la rendre plus sereine, plus saine, plus agréable.

Le designer possède dans l’organisation un rôle plus global et transversal,

celui de facilitateur. Il vient faciliter la conduite globale des projets vers les

buts de l’organisation en collaborant avec l’ensemble des parties prenantes de

façon transversale. Le designer apporte le côté humain, il sort des contraintes

technologiques pour revenir aux usages. Une des difficultés à la fusion des équipes

et à la transversalité, abordée par un des membres de the Walking Web durant la

conférence du WebBlendMix, reste le problème d’égo entre les parties prenantes.

Il n’est pas rare qu’un des acteurs de l’organisation n’accepte pas de se remettre

en question pour le bien du projet commun. Cette situation est vérifiable dans la

vie de tous les jours dans n’importe quel travail d’équipe.

Les entreprises sont des organisations ayant cette obligation d’innover

et de se remettre en question pour survivre. Par ailleurs elles possèdent souvent

37 The Walking WEB, Pourquoi le design ne sauvera pas le monde, BlendWebMix, 2014

-58-

des structures trop lourdes à modifier, surtout lorsqu’elles héritent de modèles

hiérarchiques. Les futurs enjeux auxquelles les organisations vont avoir à faire

face les amènent à revoir leurs structures organisationnelles que ce soit à une

échelle globale ou groupale. Il est parfois nécessaire de revoir les liens qui relient

différents acteurs, d’intégrer de nouvelles entités ou de nouveaux membres

au sein de l’organisation… Ces changements internes remettent en question

l’équilibre pouvant s’être mis en place avant que des changements externes ne le

fassent.

2.I.3 - L’entreprise réseau à la recherche de transversalité

Les entreprises ont compris l’intérêt qu’elles avaient à investir dans

des modèles en réseaux. Elles savent que la transversalité génère cette énergie

nécessaire à leur compétitivité et leur pérennité. Cependant elles ne savent pas

toujours comment la mettre en place.

-59-

Les entreprises voient souvent le réseau comme une forme simple

et les investissements pour développer cette forme organisationnelle sont

souvent réduits à leur minimum. Une idée ancienne, selon laquelle il convient

d’abord de développer une réalité matérielle38, est en partie responsable de

cet investissement minimal. Les entreprises pensant mettre en place une

organisation en réseaux se contentent d’aménager les espaces et de maîtriser

la technologie. Cependant ces conditions sont loin d’être suffisantes. Mettre

différents experts venant d’horizons divers dans une même pièce ne suffit

pas à créer cette transversalité recherchée par l’organisation en réseau. Il est

nécessaire de prendre en compte les propriétés physiques de l’organisation

comme la connexité, la densité et l’attractivité, mais également la façon dont

les différents acteurs vont être incorporés au sein du réseau. Il est également

important de considérer les orientations et les objectifs de l’organisation qui

vont conditionner le fonctionnement du modèle en réseau. Il est nécessaire de

prendre en compte les antécédents sociaux et culturels existant dans la forme

organisationnelle précédant l’instauration du réseau. Pour finir, il est pertinent

de mettre en place des processus d’apprentissage permettant l’émergence de

relations transversales et des processus heuristiques qui sont les bases de toute

coopération professionnelle durable.

Les relations transversales sont souvent liées dans le monde de

l’entreprise aux idées de collaboration et de coopération. Elles sont associées

plus ou moins directement à la notion de réseau. « Dans ces dernières années, les

organisations ont développé un ensemble de mécanismes pour encourager les contacts

entre les individus, et ces mécanismes peuvent être incorporés à la structure formelle.

En fait, dans le domaine de la conception de l’organisation, ces mécanismes de liaison

38 NAUD D., MELET B., Transversalité et coopération dans l’entreprise réseau, Demos, 2008, p.31.

-60-

représentent le développement contemporain le plus important depuis l’introduction

des systèmes de planification et de contrôle il y a 10 ou 20 ans.39 » Ces relations

transversales décloisonnent les frontières internes et externes des organisations

et permettent aux membres de ces organisations ayant des expertises différentes

de collaborer sur des projets communs. Les organisations ayant une structure

matricielle comme nous l’avons vu précédemment matérialisent ces mécanismes

de liaison. Le fait que les relations transversales soient associées à la notion de

réseau est un abus de langage, car il n’existe pas, au sein d’une organisation en

réseau, de frontière nécessitant d’être « traversée ».40 Dans ces organisations en

réseau il peut exister des sous-réseaux, des groupes ayant des fonctionnements et

des objectifs différents du système global, mais il n’est pas pour autant nécessaire

de surmonter les divisions traditionnelles, sociales et techniques de l’entreprise.

C’est souvent lorsque plusieurs formes organisationnelles coexistent au sein

d’une entreprise que la transversalité devient synonyme d’ouverture et de

décloisonnement des activités.

Les relations transversales amènent les différents acteurs de

l’organisation à se rencontrer et mettre en place des méthodes de collaboration

différentes de celles appliquées habituellement dans leurs métiers. Un des

objectifs de l’entreprise est de faciliter la création des relations qui permet à ses

membres de franchir les frontières que la structure de l’organisation leur impose

où qu’ils s’imposent parfois eux-mêmes. Didier Naud et Benoît Melet dans

leur livre Transversalité et coopération dans l’entreprise réseau41 nous donnent les

conditions indispensables à cette facilitation des relations transversales :

- Reconnaître les différences et les complémentarités professionnelles qu’elles

39 MINTZBERG H., Structure et dynamique des organisations, Les Editions d’Organisation, Paris, 1996.40 NAUD D., MELET B., Transversalité et coopération dans l’entreprise réseau, Demos, 2008, p.33.41 NAUD D., MELET B., Transversalité et coopération dans l’entreprise réseau, Demos, 2008, p.33.

-61-

soient individuelles ou collectives.

- Avoir un objectif, un projet ou un sujet commun, justifiant le fait de dépasser

les divisions habituelles de l’organisation du travail.

- Partager les gains parmi les acteurs impliqués dans le processus de

transversalité.

- Mettre en place des interfaces appropriées permettant le passage de frontière

entre les métiers, les expertises, les domaines de pouvoir, déterminée au sein de

l’entreprise. Ces interfaces peuvent aussi bien être physiques, technologiques,

documentaires, organisationnelles.

- Créer des espaces d’expression et d’argumentation libres pour les différents

acteurs qui permettent la recherche de consensus extrême ou d’accord guidé

se par la seule valorisation des arguments professionnels.

Respecter ces quelques règles permet d’optimiser les résultats de la mise en place

de relations transversale au sein d’une entreprise. Ces règles semblent pouvoir

s’appliquer à tout type d’organisations.

Nous avons vu que les entreprises passent parfois à côté de la complexité

qu’est la mise en place d’un système transversal comme le modèle en réseau. La

transversalité est un enjeu relationnel au même titre que le réseau est un enjeu

organisationnel. Cependant cet enjeu relationnel peut changer complètement

de nature selon les modes de perception et d’appréhension des individus. La

mise en place de relations transversales au sein des entreprises n’est pas une

science exacte. En revanche, de plus en plus de conseils facilitant leur émergence

sont partagés parmi les organisations souhaitant comprendre et analyser ce

phénomène.

-62-

2.2 - L’Homme source d’énergie

Après avoir analysé de façon pratique comment les entreprises tentent de

devenir de plus en plus transversales et les raisons qui empêchent cette évolution,

nous allons étudier le facteur principal permettant la mise en place de cette

transversalité, l’Homme. Alors que les théoriciens du XXe siècle ont cherché à

rationaliser le facteur humain, nous allons nous intéresser à sa complexité. En

effet l’Homme est la source d’énergie initiale et primordiale permettant aux

organisations humaines de fonctionner. Nous allons étudier tout d’abord les

freins empêchant de créer cette énergie nécessaire à la transversalité puis nous

verrons comment la culture permet à l’Homme de s’ouvrir et de libérer cette

énergie puis nous finirons par nous intéresser aux synergies se créant entre les

Hommes.

2.2.I - Meilleur ennemi

L’Homme peut produire une énergie pouvant être néfaste à l’organisation.

Étant la source de cette énergie, c’est à l’Homme qu’il est nécessaire de s’intéresser.

Dans cette partie nous tenterons de comprendre les facteurs pouvant nuire à

cette énergie et donc à la transversalité.

Lorsqu’un individu évolue dans un groupe, une organisation, il se produit

un phénomène appellé la socialisation.42 Ce phénomène est constitué de deux

parties, la personnalisation et l’individualisation. La personnalisation a lieu

pendant l’enfance et est une condition nécessaire à l’individualisation. C’est le

processus par lequel un individu devient une personne pouvant évoluer parmi

42 BLANCHET A., TROGNON A., La psychologie des groupes, Paris, Edition Armand Colin, 2008, p.20.

-63-

d’autres personnes comme un alter ego. C’est durant cette phase qu’il crée son

identité. Sans ce processus, l’individu est dépossédé de son identité propre

et nous serions tous semblables. L’individualisation est le second processus

poussant l’individu à se singulariser lorsqu’il évolue dans un groupe ayant

des traits de personnalisation communs. On cherche d’abord à appartenir

au groupe en s’appropriant ses codes et ensuite à se différentier pour exister

en temps qu’individu. Il paraît évident qu’une richesse peut émerger de la

diversité des personnalités façonnées, mais des divergences peuvent également

apparaitre durant le processus d’individualisation. Un exemple récurent de cette

transition entre les phénomènes de personnalisation et d’individualisation est

la crise d’adolescence. Elle survient lorsque les enfants souhaitent s’affirmer

et revendiquer leur individualité vis-à-vis de leur famille avec laquelle ils ont

vécu leur processus de personnalisation. Ce modèle se répète à chaque fois que

l’individu doit se construire et évoluer. Lorsqu’il est intégré dans un groupe ou une

organisation, il finit inéluctablement par s’individualiser. Cette individualisation

peut résulter en une distanciation de la culture du groupe à laquelle l’individu

avait initialement adhéré. L’Homme veut être reconnu pour son individualité

quitte à parfois a ce que cela nuise au groupe. C’est cette transition entre ces

deux phénomènes de construction de son individualité sociale qui est la cause

-64-

de nombreuses ruptures au sein des groupes et des organisations. Pour éviter

ce phénomène il est envisageable que l’individu ne reste jamais trop longtemps

dans une zone de confort trop importante, et de le faire changer de groupe

régulièrement. Ce changement a pour effet bénéfique d’également stimuler sa

capacité d’adaptation. Il est également possible que le groupe ou l’organisation

trouve son équilibre avec les individualités de chacun. On peut également

remarque que tout le temps qu’un individu ne se sent pas légitime au sein du

groupe il ne va pas revendiquer son individualité.

Il faut également aborder la question de l’intérêt de l’individu. Lorsque

l’intérêt de la partie et du tout ne converge pas, il n’est pas envisageable d’établir

un consensus pouvant générer l’énergie nécessaire à l’organisation.43 Ces intérêts

convergent à la suite d’un processus social complexe. Dans un premier temps a

lieu un rapport de force composé de négociations, de conflits, d’accords formels

ou tacites puis un travail intrapsychique où l’individu se demande ce qu’il est au

sein de l’organisation et ce que sont les autres, ce qu’il peut attendre et ce qu’il

doit craindre… Pour finir, se met en place un processus culturel où sont créées,

aménagées et détruites des normes collectives ainsi qu’un langage d’action

composé de codes et de valeurs. Nous approfondirons ce processus culturel

par la suite. Ces trois registres sont indissociables. Si les intérêts ne convergent

pas, l’organisation stagne. Dans une startup on observe généralement une très

forte convergence des intérêts ce qui a pour effet de stimuler de façon parfois

spectaculaire l’organisation. Cette synergie peut survenir dans tout type de

groupe, que ce soit un groupe de musique, un projet de groupe scolaire ou même

suite à la diffusion d’un mail dans une entreprise.

Il existe un paradoxe entre le besoin pour l’organisation que l’individu

43 CHASSANG G., MOULLET M., REITTER R., Stratégie et Esprit de Finesse, Economica, Paris, 2002.

-65-

s’efface au profil du groupe, la mise en place d’une conscience groupale et la

tendance de l’homme à vouloir exister en temps qu’individu. Cette volonté de

s’élever du groupe force la plupart du temps des luttes de pouvoir. Comme le

définit Sophie Landrieux-Kartochian dans son livre Théorie des organisations,

« le pouvoir de l’acteur dans une relation dépend de sa capacité à faire en sorte que les

termes de l’échange lui soient favorables ».44 Ces luttes de pouvoir peuvent donc

amener certaines personnes à user et abuser de cette capacité afin d’affirmer

leur position au sein du groupe. Afin d’assoir sa légitimité, un manager n’étant

pas leader naturel peut abuser de son pouvoir pour avoir le dernier mot sans pour

autant détenir la clé du problème. Ces situations d’abus de pouvoir mènent à des

dérives pouvant jouer contre l’organisation. Les relations de pouvoirs peuvent

également devenir le sens des préoccupations, car l’enjeu à la clé, purement

individuel, apparait plus proche. Lors de ces situations de lutte de pouvoir, le but

principal de l’organisation est détourné et l’énergie individuelle est orientée vers

44 LANDRIEUX-KARTOCHIAN S., Théorie des organisations, Paris, Edition Gualino, 2013, p.144.

-66-

des buts annexes étant néfastes au développement du groupe. Bien sûr un pouvoir

acquis de façon légitime, délégué par le groupe, et bien exercé apparaitra comme

un élément nécessaire à la bonne conduite des objectifs fixés par l’organisation.

L’Homme possède une individualité propre pouvant nuire à l’organisation

si aucun équilibre entre les individualités la composant n’est trouvé. Il est

cependant possible d’agir sur ce processus d’individualisation en sortant

l’homme de sa zone de confort ce qui le pousse à se remettre en question vis-à-vis

de lui-même et du groupe. D’une part, il est nécessaire que l’Homme puisse faire

converger ses intérêts avec ceux de l’organisation afin qu’il génère le maximum

d’énergie potentielle. D’autre part, il peut être utile de distinguer les formes de

pouvoir s’exerçant au sein de l’organisation afin de déceler les abus individuels

ou nuisibles. On remarque bien que l’individualité et les vices de l’Homme jouent

contre lui lorsqu’il doit agir de façon désintéressée pour le groupe. L’Homme

cherche à faire évoluer les organisations qu’il a créées, mais est au final un des

facteurs principaux responsables de leur stagnation. On peut se demander si

finalement, l’important pour l’Homme n’est pas la représentation qu’il a de lui-

même et de sa situation. Est-il envisageable de penser que créer l’illusion que

chaque individu existe en tant qu’ Être unique peut stimuler l’énergie qu’il libère

tout en l’orientant vers l’organisation ?

-67-

2.2.2 - La culture, clé à l’ouverture

Nous allons maintenant voir en quoi la culture agit sur les comportements

humains. Premièrement, nous ferons un rapide panorama de la culture

organisationnelle, puis nous approfondirons le terme de culture et la façon dont

celui-ci est perçu et nous finirons par explorer ses bienfaits.

Commençons par un court panorama de la culture organisationnelle.45

Dans les organisations tribales, il existe une unique culture forte et homogène,

celle-ci est magnifiée et respectée contrairement aux organisations mécanistes

où la culture est ignorée. Au sein des organisations transactionnelles, les cultures

s’assemblent et forment un assemblage hétérogène. Celles-ci sont minimisées

et perçues comme des contraintes. Enfin, au sein des organisations holistiques,

il existe un petit nombre de valeurs fortes partagées ; la culture devient un réel

enjeu pour l’organisation. Il existe finalement deux positions, soit la culture est

subie par l’organisation ou elle est maîtrisée. La culture est complexe, elle résulte

de nombreux facteurs. À travers le temps, nous avons maîtrisé cette complexité.

Plus l’organisation est grande plus il est difficile de faire adhérer tous les acteurs

à une culture commune. Les valeurs partagées par la culture de l’organisation

sont intimement liées à la structure organisationnelle, il n’est pas possible de

promouvoir n’importe quelle valeur. Il peut paraître par exemple inopportun

qu’un fonctionnement transactionnel promeuve la solidarité, la communauté

et la coopération alors que ce modèle est marqué par la compétition. Afin de

faire changer une culture d’un petit groupe, potentiellement très forte, il est

nécessaire d’acquérir une légitimité en commençant par respecter la culture que

l’on souhaite faire évoluer. La culture est un élément difficile à mettre en place,

45 JOCHEM Jacques, le mix organisation, Paris, Edition Eyrolles, p.36.

-68-

mais une fois parvenu à l’imposer, elle est le ciment souple de l’organisation.

Cette propriété de souplesse est réellement pertinente pour les organisations

holistiques à la recherche d’agilité. La culture va permettre d’assurer le fil

conducteur de l’évolution de l’organisation.

Les paramètres de culture diffèrent fortement d’un écosystème à un

autre. Ainsi en Asie, il peut être très stimulant d’être mis en avant par des

classements, afin de reconnaître la valeur d’un acteur de l’organisation, alors que

dans la plupart des pays européens la réussite suscite généralement l’envie et

est dénigrée. Cet état d’esprit s’explique par la culture chrétienne très présente

historiquement dans de nombreux pays européens où l’envie est considérée

comme un péché capital. Cet exemple illustre bien qu’il est difficile de transposer

un modèle culturel d’un écosystème à un autre. La culture reste un concept flou

et malléable auquel chacun peut donner la forme qui lui convient.46 Il existe de

multiples définitions de la culture ce qui rend difficile de déterminer le champ de

discussion lorsque l’on en parle, cette confusion amène à discréditer le concept

lui-même. A. Krober et Clyde Luckhohn ont compté plus d’une centaine de

définitions en 1952.47 La définition semblant la plus intéressante dans notre cas

semble être : « sert à désigner l’ensemble des activités, des croyances et des pratiques

46 BERNOUX Philippe, La Sociologie des Organisations, Paris, Seuil, 2004, p.210.47 LANDRIEUX-KARTOCHIAN S., Théorie des organisations, Paris, Edition Gualino, 2013, p.166.

-69-

communes à une société ou à un groupe social particulier ».48 Lorsque l’on parle de

culture on à tendance catégoriser trop facilement les individus selon leurs

valeurs nationales, régionales, sexuelles… Cette tendance à nier la différence des

individus et à déduire des besoins individuels des valeurs culturelles n’a fait que

renforcer les préjugés du concept de culture. Afin de faciliter la greffe culturelle,

il faut distinguer les individus et les laisser adopter les facettes culturelles

auxquelles ils s’identifient sans leur imposer une culture globale dans son

ensemble.

Aujourd’hui on admet le fait qu’il existe une culture d’entreprise. La

définition d’Edgar Schein proposée en 1985 nous éclaire sur ses spécificités : « la

culture d’entreprise est un ensemble d’hypothèses de base partagées par un groupe qui

les a inventées, découvertes ou développées, en apprenant à surmonter les problèmes

d’adaptation externe et d’intégration interne et qui fonctionnent suffisamment bien pour

être considéré comme valides, et à ce titre digne d’être enseignées aux nouveaux membres

du groupe comme étant la bonne façon de percevoir, réfléchir et ressentir les problèmes

similaires à résoudre ».49 Une culture d’entreprise forte que nous connaissons tous

est celle d’Apple et sa culture du secret. Les dirigeants d’Apple ont déterminé

que le secret était une façon permettant d’accomplir plus facilement les objectifs

fixés par l’entreprise. Ces façons de percevoir sont en général définies par une

personne cultivée ayant de l’expérience au sein de l’organisation. Une personne

cultivée va, en théorie, embrasser plus facilement la nouveauté, le changement et

la différence. En pratique, certaines personnes se replient parfois sur leur culture

afin de s’affirmer en temps qu’individualité forte. La culture organisationnelle

ou culture d’entreprise reste globale et il se crée, la plupart du temps, des sous-

cultures en fonction de la position hiérarchique et des situations de travail. Il

48 ROBERT M.A., Ethos. Introduction à l’anthropologie sociale, Coll. « Humanisme d’aujourd’hui », Ed. Vie 49 LANDRIEUX-KARTOCHIAN S., Théorie des organisations, Paris, Edition Gualino, 2013, p.166.

-70-

est important que la culture organisationnelle ne soit pas en désaccord avec son

temps. Pour séduire certains experts, des entreprises affichent aujourd’hui des

valeurs open source comme Google.

La culture est un adjuvant primordial à l’ouverture. Elle permet de

faciliter la mise en œuvre des projets de l’organisation. Elle est également le fil

conducteur et le socle souple permettant l’agilité nécessaire pour s’adapter

aux évolutions rapides de l’environnement. Cependant une culture trop forte

de l’organisation et mal véhiculée, limite son adoption par les membres de

l’organisation. Il ne faut pas se servir de la culture pour catégoriser les individus,

mais comme d’un tremplin à l’ouverture. Cette culture est faite de compromis

entre l’individu et l’organisation. La culture est un des agents stimulants l’énergie

rendant l’organisation transversale. Néanmoins il faut faire attention à ne pas

transposer des modèles culturels à succès, car la greffe peut ne pas prendre. La

culture organisationnelle idéale résulte d’un processus collectif d’accumulation

dans le temps propre à l’organisation.

2.2.3 - Synergies collectives L’Homme peut également tirer son énergie de la collectivité.

L’appartenance à un groupe transcende et permet de se dépasser. Nous parlerons

du concept d’intelligence collective puis de la préhension de soi et des émotions.

Pour finir, nous nous intéresserons à la connaissance de soi et des autres.

Afin d’être toujours plus compétitives en remplissant des objectifs

toujours plus complexes, les organisations cherchent à développer la créativité

de leurs membres. « La créativité est d’une attitude particulière de l’esprit permettant

de réaliser des découvertes, c’est-à-dire d’arriver à connaitre ce qui était caché et

ignoré, ou d’inventer, de créer quelque chose de nouveau dont personne n’avait eu

-71-

l’idée. »50 La créativité orientée, qui correspond à la résolution de problèmes

n’est pas supérieure qu’il s’agisse d’un groupe ou d’un individu, tandis que

la créativité constructive, qui consiste à découvrir de nouvelles structures,

observe une plus grande potentialité de résultats pour les groupes que pour les

individus. En effet, les groupes découvrent un plus grand nombre de structures

justes et rares. Ce phénomène est dû à l’intelligence collective du groupe ayant

une meilleure gestion des attentes multiples. L’intelligence collective se prête

donc mieux à la gestion de la complexité. Il est possible de résoudre cette

complexité grâce à l’échange, l’organisation, la connexion, l’analogie et la prise

de recul.51 Dans le schéma suivant, en mettant en rapport la complexité sociale

avec le temps, on se confronte à des situations plus ou moins complexes. Une

50 ANZIEU D., MARTIN J., La dynamique des groupes restreints, Paris, Edition Quadrige, 2013, p.267.51 NUMA, Conférence sur l’intelligence collective, 2014.

-72-

organisation directive permet de gérer les situations simples, une organisation

collective des situations compliquées et une organisation participative, où est

présente la transversalité, des situations complexes. Les situations chaotiques

demandent une adaptation permanente. L’enjeu actuel des entreprises et des

organisations est de réussir à impliquer l’ensemble de leurs parties prenantes

dans la résolution de ces objectifs, afin d’appréhender au mieux leur complexité.

La complexité peut se manager, se prendre en compte. Il est possible de créer des

conditions lui étant favorables et de s’y adapter. À la différence du chaos, nous

subissons la complexité, mais nous nous y adaptons alors que nous subissons le

chaos sans pouvoir nous y adapter. Des synergies peuvent naitre dans le groupe

lorsque tout le monde s’implique, et user de cette intelligence collective permet

de faire face à cette complexité.

Dans un groupe, il est également indispensable de gérer ses émotions

afin d’éviter qu’elles nous détournent de nos objectifs. Cette préhension de soi

« consiste en une prise de distance vis-à-vis de ses comportements et de ses attitudes »52. La

conscience de soi est un état d’esprit parfois dur à avoir lorsque nous sommes pris

dans les sollicitations de l’environnement et le tourbillon des évènements. Le fait

de ne voir qu’à travers soi nous place dans une forme de cécité vis-à-vis du monde,

des autres et de nous même. Cette position aveugle est confortable, car l’individu

évolue dans un univers défini par des codes qu’il connait. Cependant étant plus

au fait de cet univers il va être plus exigeant envers de ses collaborateurs et par

conséquent de nombreux conflits internes peuvent éclater. Il faut dépasser ces

conflits en prenant des décisions faisant appel au courage. Afin de profiter de la

synergie du groupe, il faut que chacun prenne du recul sur lui-même dans l’objectif

de s’affranchir d’une complexité inutile. Gérer les émotions des différents

52 MELET B., NAUD D., Transversalité et Coopération dans l’Entreprise Réseau, Paris, Edition Demos, 2008, p.59.

-73-

individus constituant un groupe génère une déperdition importante d’énergie

pour l’organisation c’est pourquoi chacun doit tenter d’effectuer ce processus

de maturation individuellement. Les organisations sociales et professionnelles

sont paradoxales, car elles sont tentées de faire appel à la lucidité de leurs acteurs

pour résoudre les conflits, mais par réflexe de cohésion, elles évitent de le faire

pour ne pas stimuler les individualités et les prises de conscience. D’une part,

cette lucidité émotionnelle et individuelle, où chacun parvient à prendre de la

hauteur sur soi-même, offre des potentialités de ruptures étant source de progrès

et de créativité. D’autre part, le réflexe de cohésion pousse l’organisation à rester

dans un état illusoire, empêchant cette prise de conscience individuelle, en usant

d’un pouvoir et d’un discours ambiant répété dont il est difficile de s’extraire.53

Le rapport à l’autre est une préoccupation primordiale dans une

organisation. Celui-ci passe par la confiance en soi et en l’autre. C’est uniquement

sur cette base de confiance qu’une relation stable et fluide peut se développer. La

confiance en soi se base sur « l’image que chacun se porte de lui-même, le sentiment

de sa propre valeur et d’une désirabilité sociale suffisante »54. Cette confiance en soi

53 Ibid., p.60.54 Ibid., p.99.

-74-

se traduit par l’action de l’individu qui va prendre des initiatives et va agir sur

son environnement. L’individu agit car il a le sentiment profond de disposer

des compétences et de l’expérience correspondante, mais également, car il

possède « l’assurance intérieure d’une reconnaissance anticipée de la part de ceux qui

comptent »55. L’absence de doute sur son acceptation sociale permet à l’individu

d’être dans une continuité entre sa perception interne et son action. Un manque

de confiance en soit se traduit généralement par « une inhibition de l’action, des

difficultés d’adaptation aux changements et la mise en place de systèmes défensifs visant

à compenser ce manque ou à se préserver des risques imaginés »56. Chacun dispose d’un

capital confiance en soi d’origine construit au travers des regards portés sur soi. La

qualité des premiers liens et la nature des signes d’attention reçus sont essentiels

à la mise en place d’une confiance mutuelle. Elle s’enrichit et s’entretient tout au

long de son expérience organisationnelle. Lorsque la confiance n’a pas pu être

suffisamment instaurée, l’individu devient dépendant des autres et recherche

constamment la réparation de ce manque d’attention originel. Renforcer cette

confiance permet de donner moins d’importance au regard des autres, et ainsi

d’être moins à la recherche de signes de reconnaissance et d’acceptation. On

peut considérer la confiance comme étant le lien transversal et l’équilibre entre

le moi profond et le moi social. Cette confiance se manifeste par une capacité à

se projeter et à entreprendre dans différents univers, qu’ils soient incertains

ou connus. La mise en place d’une confiance mutuelle est primordiale au bon

fonctionnement d’une organisation.

Les synergies collectives sont nombreuses et sont une ressource d’énergie

formidable pour les organisations. Leur mise en place est difficile malgré l’apport

de résultats profonds. En premier lieu, l’intelligence collective permet de faire

55 HOMBURGER ERIKSON E., Enfance et société, Delachaux et Niestlé, Lausanne, 1960. 56 MELET B., NAUD D., Transversalité et Coopération dans l’Entreprise Réseau, Paris, Edition Demos, 2008, p.100.

-75-

face à la complexité, mais nécessite une application globale de la part des acteurs

de l’organisation. Par ailleurs, la préhension de soi est un avantage non négligeable

à la créativité d’un groupe et évite les déperditions d’énergie dans des conflits

d’égo internes. Cependant, de nombreuses organisations préfèrent rester dans

un état illusoire évitant ainsi les revendications des acteurs de l’organisation

même si celles-ci peuvent être constructives. En dernier lieu, la confiance en soi

et en l’autre est le ciment permettant aux acteurs de l’organisation de mettre aux

coeurs de leurs préoccupations l’accomplissement des buts de l’organisation.

Prendre en compte ces synergies assure la fluidité de l’organisation et limite les

freins pouvant survenir.

L’Homme peut être le frein principal au bon fonctionnement des

organisations, mais il est également un adjuvant primordial de leur évolution.

Il peut être aussi bien source d’énergie que source de conflit. La soif de pouvoir,

l’égoïsme, l’individualité sont des freins pouvant survenir lorsque l’Homme

cherche à combler ses envies au sein du groupe. Ce ne sont que quelques

manifestations parmi les nombreuses pouvant être néfastes à l’organisation.

La culture et les synergies collectives permettent de faciliter le chemin de

l’organisation vers ses buts. Néanmoins, ces processus restent lents et complexes

à mettre en place. Nous avons vu qu’en agissant sur la confiance en soi on anticipe

le besoin de reconnaissance et donc la stimulation des énergies. Ce besoin de

reconnaissance semble être central à la mise en place de la transversalité dans

les groupes et il paraît incontournable d’étudier les différentes attentes que peut

avoir l’Homme vis-à-vis des organisations.

-76-

2.3 - Les attentes de l’Homme et leurs évolutions

Comme nous venons de le voir précédemment, l’Homme est au centre

de l’organisation. Les attentes des membres des organisations tout comme son

environnement sont changeants. Nous allons voir quelles sont ses nouvelles

attentes et leurs évolutions. Nous nous intéresserons tout d’abord aux notions

d’individualité et d’appartenance puis nous approcherons les notions de

reconnaissance et de motivation puis nous finirons par analyser les notions de

liberté et de cadre.

2.3.I - Individualité et appartenance

Les notions d’individualité et d’appartenance font partie des attentes

principales des membres d’une organisation.

Les Hommes n’acceptent pas d’être traités comme des moyens au service

des buts de l’organisation. Chaque acteur à ses propres objectifs, ses propres buts.

Chacun poursuit ses objectifs et l’organisation doit vivre de cette multiplicité

plus ou moins opposée.57 C’est à l’organisation, ou plutôt à ceux-là dirigent, de

tenter de conjuguer les individualités multiples la composant. Contrairement

au XXe siècle où la somme des individus était traitée comme un tout, il est

aujourd’hui primordial de composer avec l’individualité. En effet, à l’ère de la

personnalisation, chacun souhaite se sentir unique et différent. Heureusement

les systèmes d’information et de communication permettent de traiter cette

57 BERNOUX P., La Sociologie des Organisations, Paris, Seuil, 2004, 466 pages.

-77-

complexité plus facilement.

Il devient de plus en plus difficile pour les membres d’une organisation

de savoir de qui et de quoi ils dépendent. Les organisations deviennent des

ensembles polymorphes, elles changent de forme plus rapidement s’adaptant

aux différentes évolutions de leur environnement. Le manque de repères

conduit à la désorientation et la désorganisation. À vouloir être agile et à grossir,

l’organisation peut se perdre. Les différents acteurs de l’organisation ne savent

plus de qui dépendent et ne connaissent plus les répercussions de leurs actions.

Une manifestation courante de cet effet est l’envoi d’un courrier ou d’un dossier

à un autre département de l’organisation sans se préoccuper de son traitement et

savoir ce qu’il en advient. Il est nécessaire pour qu’une organisation fonctionne

de façon optimale que les individus qui la constituent se sentent à leur place et se

sentent utiles.

Afin de ressentir cette appartenance à l’organisation, l’homme a besoin

d’identification. Pour qu’il puisse s’identifier à l’organisation, il faut que les

structures organisationnelles soient en accord avec les façons de penser

actuelles. C’est en affirmant ou en réaffirmant leur valeur et leur identité que

les organisations permettent à leurs membres de s’y identifier plus facilement.

-78-

Aujourd’hui, certaines attentes des Hommes ont évolué. Ils souhaitent être

davantage informés et avoir la possibilité de changer d’activité facilement.

Des structures éducatives, associatives et professionnelles s’adaptent à cette

nouvelle demande. C’est le cas par exemple de la WebSchoolFactory, composant

avec la multiplicité des métiers du Web pour créer des profils transversaux afin de

répondre aux enjeux organisationnels d’aujourd’hui et de demain. De plus en plus

de profils étudiants sont pluricompétents et les formations supérieures offrent

de nombreuses passerelles entre les différents silos éducatifs. Cette tendance

illustre bien la nécessité de former ces acteurs permettant aux structures

organisationnelles plus de transversalités. Dans le monde des startups, que ce

soit pour les espaces de co-working, les hackathons ou les startups weekend, la

mixité des compétences est recherchée pour créer des synergies. L’émergence

du Web a donné à ces nouvelles générations cette appétence pour la diversité

et l’expérimentation. L’association parisienne le MashUp, promouvant

l’entrepreneuriat étudiant, croit d’ailleurs en cette transversalité créée par les

synergies des profils pluricompétents et organise des évènements régulièrement

afin de rassembler ces futurs acteurs des organisations.

L’émergence relativement récente des systèmes d’informations et de

communication a exacerbé les besoins d’individualité des Hommes tout en les

dépossédant de leur notion d’appartenance. L’Homme souhaite exister à tout

prix en temps qu’Être unique, mais la multiplicité des repères et la complexité de

son environnement l’empêchent de se positionner. C’est à l’organisation de créer

ces repères afin que l’Homme puisse se trouver, se comprendre et composer avec

son individualité.

-79-

2.3.2 - Reconnaissance et motivation

L’Homme en plus de vouloir combler son besoin d’individualité et

d’appartenance doit trouver les agents motivants lui permettant de remplir les

objectifs fixés par les organisations. Cette quête vers les buts qui lui sont imposés

s’accompagne également souvent d’un besoin de reconnaissance.

L’idée générale qui veut que : « si vous faites quelque chose alors vous obteniez

une récompense »58 ne fonctionne pas ou en tout cas ne fonctionne plus dans les

organisations actuelles souhaitant être innovantes. Nous avons tendance à

croire que lorsque l’on donne une récompense allant avec un objectif à quelqu’un

cela a pour effet d’améliorer sa compétitivité et sa créativité. Or, des études ont

démontré que cela faisait exactement le contraire. Cela a pour effet d’engourdir

la pensée et de bloquer la créativité. Ces expériences ont été menées par Sam

Glucksberg sur la puissance des motivations. Le système de la carotte et du bâton

a marché pour de nombreuses activités mécanistes du XXe siècle, mais pour

les activités agiles demandées au XXIe siècle, ce système de récompense et de

punition ne fonctionne pas et est même néfaste. Quand le problème est simple à

résoudre et la tâche répétitive ce système de motivation fonctionne, car il restreint

notre vision et notre champ des possibles. Aujourd’hui la technologie peut

exécuter pour nous ces tâches mécaniques devenues simples et nous attendons

des individus constituants une organisation qu’ils managent la complexité.

Les réelles motivations actuelles des hommes sont intrinsèques.59 Un

individu à envie de faire quelque chose pour l’organisation, car elles importent,

que nous les aimons et qu’elles sont intéressantes. L’homme cherche un sens à

58 PINK D., The puzzle of motivation, TED59 AUBRET J., Motivation et ressources humaines, éducation permanente, 03/1998, n°136, p.163-171.

-80-

son travail. Les organisations actuelles et celles de demain devraient prendre

en compte l’autonomie de leurs acteurs, la maitrise de leurs motivations et la

pertinence des tâches qui leurs sont affectées. L’autonomie nous vient du désir

de contrôler nos vies, la maitrise nous donne l’aspiration de nous surpasser pour

quelque chose qui compte et la pertinence nous donne l’envie de faire ce que

nous faisons. Comme nous l’avons vu dans la première partie, c’est le modèle

organisationnel de Google laissant une journée par semaine à ses employés pour

faire ce qu’ils souhaitent et c’est durant ce temps de liberté qu’ils se montrent

les plus créatifs. 50 % des produits lancés chaque année par Google viennent de

ces 20 % de temps de liberté, l’innovation radicale née de l’autonomie. Gmail par

exemple a été créée durant ces temps libres.

La reconnaissance possède une réelle valeur de rétribution. Les Hommes

veulent aujourd’hui davantage être reconnus pour leur expertise que pour le

poste qu’ils occupent. La reconnaissance comme nous nous verrons dans la

partie trois compose un des échelons de la pyramide de Maslow. La quête de la

reconnaissance fait partie d’une des catégories des catégories de besoins pour

-81-

l’Homme. Il souhaite être reconnu en tant qu’entité propre au sein des groupes

auxquels il appartient. Il est intéressant de noter que la reconnaissance est

très différente selon les cultures. Nous avons vu précédemment que la culture

conditionnée de nombreux facteurs au sein des organisations. En Asie, la

reconnaissance par les chiffres est très importante, le grade importe plus que

n’importe quel autre type de récompense. Les employés asiatiques sont amenés

à changer d’emploi fréquemment et ne développent pas de fidélité particulière

aux entreprises. Ce phénomène n’occasionne pas un manque de respect vis-à-

vis de leurs supérieurs qu’ils respectent et reconnaissent de par leur grade. Dans

les pays occidentaux, la quête à la reconnaissance est très différente. Lorsqu’un

individu cherche à se mettre en avant pour obtenir de la reconnaissance il suscite

souvent de l’envie ce qui est mal vu et mal perçu par le reste de la population. Il

suffit de voir la façon péjorative dont sont perçus ceux réussissant anormalement

bien. La quête de la reconnaissance reste passive et non proactive.

La motivation résulte de la satisfaction et est constituée de certains

critères tels que le travail lui-même, le niveau économique qu’il représente et les

relations qui en découlent. Lorsqu’il est demandé à un collaborateur d’aller plus

vite et que la possibilité de s’exprimer dans son travail lui est retirée, celui-ci est

moins motivé. Cette motivation née de ce que l’individu attend de son travail et

de ce que ce travail peut lui apporter. Ces phénomènes de la reconnaissance et de

la motivation sont complexes et analyser la satisfaction des besoins n’est pas le

seul point d’analyse. On peut supposer que plutôt de contraindre, le travail doit

plutôt éveiller et développer des désirs déjà existants en orientant les motivations

et ainsi éviter la démotivation. Finalement nous détenons en nous toutes les clés

de notre propre motivation qu’il suffit de savoir stimuler.

-82-

2.3.3 - Liberté et cadre

Pleinement motivés, nous allons maintenant nous intéresser à la liberté

des acteurs et aux cadres des organisations dans lesquelles elle s’exerce.

Les acteurs d’une organisation possèdent une liberté relative. Chacun

d’entre eux garde une possibilité de jeu autonome, pouvant être plus ou moins

utilisé. Pour Philippe Bernoux il est nécessaire que l’acteur garde une certaine

initiative, une liberté de pensée et une zone de liberté d’action.60 Lorsque l’on met

l’accent sur cette autonomie, on le fait également sur le pouvoir qui est le moyen

de régulation de ces libertés. Wikipédia est une démonstration parfaite de ce que

la liberté relative peut faire, les individus souhaitant faire part de l’organisation

écrivent des articles, car ils souhaitent le faire et non pas parce qu’ils sont

contraints à le faire. Le seul élément donné est le cadre. C’est exactement la

même chose pour le jeu vidéo Minecraft, le cadre et les limites du modèle sont

posés, mais le joueur bénéficie d’une liberté relative totale et la plupart passent

de nombreuses heures à exercer leur créativité. Nous avons vu dans ce jeu

des joueurs construire des ordinateurs, des villes entières, des architectures

ingénieuses, ce qu’ils n’auraient jamais fait s’ils étaient contraints de le faire.

Il est également important de prendre en compte les bases des stratégies

d’acteurs pour comprendre le cadre dans lequel évolue notre liberté. Philippe

Bernoux nous explique qu’elles sont « des jeux de pouvoir dans lesquels les stratégies

sont toujours rationnelles, mais d’une rationalité limitée. En tenant compte des stratégies

des autres et des nombreuses contraintes de l’environnement, l’acteur n’a ni la réactivité

ni les moyens de trouver la solution la plus rationnelle pour atteindre ses objectifs »61.

60 BERNOUX P., La Sociologie des Organisations, Paris, Seuil, 2004, 466 pages.61 BERNOUX P., La Sociologie des Organisations, Paris, Seuil, 2004, 466 pages.

-83-

Cette théorie est intéressante, car elle signifie qu’il existe plusieurs solutions

possibles à une situation et par conséquent contrairement à ce qu’affirme Taylor,

la meilleure idée n’existe pas. Au final l’Homme doit se reposer sur sa capacité

de jugement et lui faire confiance, c’est dans cette prise de décision qu’il exerce

sa liberté. Bien sûr la pertinence de son jugement lui octroiera de plus en plus

de liberté à mesure qu’elle s’affine. L’héritage de la culture hiérarchique laisse

les gens suivre des règles et dans un cadre. Ils n’osent pas dépasser ce cadre qui

aujourd’hui est beaucoup plus souple et prendre des initiatives afin d’exercer

cette liberté de jugement. C’est un effet pervers de la culture organisationnelle

laissée par les théoriciens du XXe siècle.

Le concept global du management fonctionne lorsqu’il s’agit de faire obéir

un individu au sein d’une organisation, mais un modèle promouvant l’autonomie

permet d’obtenir un meilleur engagement.62 Or comme nous l’avons vu

précédemment, la transversalité demande beaucoup d’énergie et l’engagement

est une source produisant énormément d’énergie. On peut donc en déduire par

syllogisme que pour qu’il y ait de la transversalité il faut qu’il y ait de l’engagement.

En laissant à l’homme sa capacité d’action, il libère une énergie créatrice que la

technique et le contrôle ne savent pas mettre en œuvre.63 L’homme à ce pouvoir

de sortir de soi en dehors de tout stimulus extérieur quelque chose qui va mettre

en mouvement l’organisation et ainsi créer de l’énergie.

Nous avons pu voir à travers des exemples que l’Homme aime pouvoir

exercer une liberté relative. Il aime savoir que le maximum de possibilités lui est

ouvert tout en ayant un cadre dans lequel l’exercer. Le Burning Man, ce festival

rassemblant des dizaines de milliers de participants dans le désert Black Rock,

peut représenter ce besoin de liberté qu’ont les Hommes à vouloir s’échapper du

62 Pink, Dan, The puzzle of motivation, TED63 Damasio, Alain, Très humain plutôt que transhumain, TEDxParis

-84-

système et de ses organisations. Toutefois, on observera que même dans cette

démonstration de liberté exacerbée, un cadre permettant de profiter au mieux

de l’évènement est mis en place. Ce paradoxe montre bien la nécessité pour

l’Homme d’inscrire son besoin de liberté dans un cadre.

L’évolution des attentes des membres d’une organisation fait écho

à l’évolution de notre société. L’Homme souhaite être indépendant, libre et

unique, mais en même temps appartenir à des communautés et des organisations

afin d’obtenir de la reconnaissance et de créer des liens sociaux. Il devient plus

pertinent de visualiser la place de l’individu au sein de l’organisation en trois

dimensions au lien de deux, le haut et le bas, comme dans un modèle hiérarchique.

La coordination des aspirations permet le bon fonctionnement de l’organisation,

les conflits sont limités et les relations transversales ou non facilitées. Il

est primordial de retenir que lorsque les intérêts des acteurs sont alignés,

l’organisation se nourrit de cette énergie et atteint un état de grâce où tout lui

semble envisageable et réalisable.

Aujourd’hui les aspirations diverses, variées et complexes

des acteurs nous montrent que les structures organisationnelles

actuelles sont dépassées. Les Hommes cherchent avant tout

un équilibre entre leur vie professionnelle et privée, entre leurs

engagements et leur liberté, entre leur bien-être et la pénibilité

de leur travail. D’une part, la reconnaissance et la qualité des

relations sociales sont des vecteurs de motivation. D’autre

part, les possibilités de développement professionnel et

l’amélioration de la qualité de vie sont les objectifs à atteindre.

La prise en compte de toutes ces aspirations représente bien

la complexité avec laquelle l’organisation doit jouer afin de

coordonner les attentes et les intérêts de ses membres. Les

entreprises tentent aujourd’hui de prendre en compte cette

complexité plutôt que de rationaliser le facteur humain. On

peut se demander vers où cette évolution va nous mener

et quelles sont les perspectives d’innovation et de création

possibles.

III/ Vers des pistes et des territoires inconnus

Après avoir étudié les freins à la transversalité et les éléments permettant de

la mettre en place, nous tenterons dans cette partie d’explorer des univers

analogues traitant de la transversalité au sein d’organisations diverses.

Nous développerons ensuite les thématiques émergentes de ce mémoire.

Nous continuerons en parlant du futur de nos organisations d’un point de

vue prospectiviste en nous intéressant aux signaux faibles de notre société

et en nous aidant de la science-fiction. Nous finirons par faire émerger des

notions problématisantes pouvant servir de pistes à l’élaboration d’un

projet de design.

-88-

3.I - Analogies

Il est intéressant de chercher dans des contextes analogues des notions

pouvant élargir le champ de recherche. Certaines caractéristiques peuvent

être assimilables à d’autres modèles organisationnels. En observant ces

univers connexes, nous tenterons de faire émerger des concepts pouvant être

transposés. Nous commencerons par le modèle organisationnel animal puis

nous continuerons en étudiant les arts transversaux et en dernier lieu le concept

de la pyramide de Maslow.

3.I.I - Le modèle organisationnel animal

La nature est le modèle organisationnel le plus abouti qui soit. Nous

allons étudier tout d’abord les structures organisationnelles d’insectes comme

les abeilles et les fourmis, puis nous enchainerons en parlant du monde des

arachnides et nous finirons par aborder l’univers des poissons et des oiseaux.

Les insectes ont des modèles organisationnels uniques ce qui les rend

fascinants à observer. Les fourmis sont considérées comme l’espèce ayant le

mieux réussi sur Terre. Tout d’abord elle a su s’adapter à tous les climats et à

tous les pesticides, c’est l’espèce comptant la population la plus importante et

elle possède plus de 100 millions d’années d’expérience.64 Il faut savoir que les

fourmis communiquent par les odeurs, elles ont 11 niveaux de communication

pouvant être utilisée avec leurs 11 bouches et leurs 11 oreilles. Elles peuvent

délivrer jusqu’à 11 messages en simultané et adaptent leur comportement en

fonction de l’échange d’information. Les fourmis sont fondamentalement

64 WEBER B., Les Fourmis, Albin Michel, Paris, 1998, 354 pages.

-90-

emphatiques et produisent des phéromones traduisant leurs émotions. Elles

ne peuvent passer outre ces odeurs, car elles sont immédiatement imprégnées

par l’état d’esprit de leurs congénères, elles doivent donc tout faire pour changer

cet état afin de ne plus être atteintes. Cette communication profonde soude la

structure organisationnelle des fourmis et en constitue le liant. De plus lorsque

les fourmis par explorer des territoires inconnus elle dépose des phéromones

derrière elles et qui permet après de nombreux passages de faire converger les

odeurs vers le chemin le plus direct. Tout comme une ruche, une fourmilière est

constituée de soldats et d’ouvrières. La population d’une ruche d’une fourmilière

est fixe, le ratio soldat/ouvrière est ajusté en fonction du territoire et déterminé

par une intelligence commune, l’intelligence du groupe. Chaque fourmi ou abeille

à un rôle défini dès sa naissance. Un phénomène intéressant à relever est celui

concernant les ouvrières abeilles pouvant s’élever de leurs conditions en étant

baignée plus longtemps que les autres dans la gelée royale.

Nous allons maintenant nous intéresser aux arachnides. Les araignées de

Guyane ont une caractéristique organisationnelle intéressante, elles évoluent

toutes sur une même toile et bougent sur les mêmes fréquences pour capter les

fréquences irrégulières que produisent les proies capturées.65 Ce signe distinctif

nous amène à penser que ces araignées partagent une intelligence commune.

Elles ont compris que partager cette spécificité les aidait à survivre. D’autres

araignées sociales utilisent la soie pour éviter que les individus du groupe se

dispersent. La soie joue un rôle similaire à celui des pistes de phéromones chez

les fourmis que nous venons de voir et assure la cohésion de l’organisation. Dans

un autre registre, les jeux vidéos se sont approprié cette particularité propre au

monde des insectes, celle de posséder une intelligence commune. Dans Starcraft,

65 BUSER P., L’attraction pour la soie : base de la cohésion du groupe et des comportements collectifs chez les

araignées sociales, http://www.sciencedirect.com/science/article/pii/S1631069102015214.

-91-

les Zergs sont une espèce où il n’existe pas d’individualité. Chaque individu

répond à une entité commune appelée l’esprit de la ruche. Seul un élu de l’essaim

représente cet esprit. Chaque créature est directement connectée autour de cette

conscience collective. Cette espèce fictive est particulièrement intéressante, car

elle regroupe des codes et caractéristiques venant d’univers différents. Elle serait

la transversalité par excellence, tous les individus sont connectés et n’ont pas

conscience de leur existence propre. Bien sûr ce modèle n’est pas transposable à

l’Homme, mais il permet de dresser des limites.

Un autre phénomène animalier intéressant à observer concerne les bancs

de poissons ou les nuées d’étourneaux. Dans le dictionnaire Larousse, un banc

est défini comme étant « une troupe d’animaux marins de même espèce se formant à

certaines époques de l’année »66 et le dictionnaire en ligne Wikipédia rajoute « sans

hiérarchie entre eux »67. Ce qui nous intéresse dans le cas présente qu’il n’existe

pas de hiérarchie dans les bancs de poissons à la différence d’autres structures

sociales. Le poisson menant le groupe est simplement celui étant le plus à l’avant.

66 Larousse, repéré sur http://www.larousse.fr/dictionnaires/francais/banc/7781?q=banc#8600867 Wikipédia, repéré sur http://fr.wikipedia.org/wiki/Banc_(poisson)

-92-

C’est leur système sensoriel qui détermine la structure organisationnelle. C’est la

même chose pour les étourneaux qui en se réunissant en nuée forment une masse

noire effrayant les prédateurs. Afin de se reconnaître, ces espèces s’adaptent

morphologiquement et possèdent des caractéristiques physiques qui les

distinguent des autres espèces. Les Néons par exemple sont des poissons ayant

une bande bleue réfléchissant la lumière le long de leur corps. Dans l’air et la mer,

les notions de territoires sont plus abstraites, il est difficile de le défendre faute

de repère. Se rassembler en banc et en nuée est souvent la meilleure stratégie

de survie. Les membres les plus faibles sont rassemblés au centre du groupe

afin de les protéger. Lorsque ces animaux censés évoluer avec leurs congénères

se retrouvent isolés, ils sont sujets au stress et leur comportement est fragilisé.

Les nuées d’étourneaux fascinent avec leur formation large ou allongée, en boule

ou en sablier… Leur nuée ne cesse de se densifier et de s’éclaircir comme s’ils ne

formaient un seul être, réagissant de manière quasi instantanée. Ils intriguent

par leur fonctionnement collectif quasi parfait ou aucun individu ne heurte

un autre. Nous ne comprenons toujours pas aujourd’hui comment peuvent

être pris en compte tous les paramètres d’environnement que ces oiseaux sont

capables d’intégrer. Ces modèles fonctionnent à partir de quelques principes

simples permettant à chaque oiseau de régler son comportement sur ce voisin

immédiat un instant donné. La règle est simple, il faut se rapprocher le plus

proche possible de son voisin sans heurter. Des chercheurs italiens ont montré

que ces interactions comportementales entre individus étaient indépendances

de la taille du vol qui dans l’étude allait de 122 à 4268 oiseaux.68

Les systèmes sensoriels nous prédisposent à des formes

organisationnelles instinctives. Celles-ci sont en général liées à la survie. Tout

68 Scale-free correlations in starling flocks, Proceedings of the National Academy of Sciences, 2010.

-93-

modèle organisationnel doit être doté d’une mémoire afin que les individus

se souviennent du rang social qu’ils occupent. Les animaux ont la particularité

d’écouter davantage leur sens et de les faire fonctionner ensemble pour prendre

les meilleures décisions possible. Le modèle organisationnel de certains animaux

et insectes se rapproche du modèle holistique où les intérêts de l’individu et du

groupe sont en adéquation. L’individu s’efface au profit du groupe et parfois

même ne possède pas d’individualité propre. Ces systèmes organisationnels

sont construits de façon transversale et fonctionne toute grâce à un vocabulaire

commun. Cette langue commune, souvent sensorielle, permet aux membres de

ces organisations de créer cette transversalité et de la renforcer.

3.I.2 - Les arts transversaux

L’art est ce qui transcende l’être humain, il nous différencie des animaux.

Avec l’art nous tentons d’élever notre conscience. Nous nous aiderons du sujet

de thèse d’Alexandre Guhéry traitant de l’enjeu d’une transversalité entre les

différentes formes d’expressions artistiques pour déceler des notions pertinentes

au développement de notre étude.69 Nous traiterons du courant artistique

Bauhaus puis de l’apprentissage et enfin du design.

Tout d’abord l’école du Bauhaus a marqué un tournant dans les formes

d’expression artistique. Le Bauhaus mêle les arts, l’architecture, le design,

la photographie, la danse, le théâtre, la musique… Plus qu’un simple courant

artistique, le Bauhaus véhicule une idéologie atypique. Le Bauhaus défend l’idée

du mix des arts, en utilisant la transversalité des arts on devient meilleurs et

on produits de meilleurs objets, systèmes où concepts qui rendront l’homme

69 GUHERY A., Les enjeux d’une transversalité entre les différentes formes d’expression artistiques, 2007.

-94-

meilleur. C’est le précurseur du design contemporain. Cette notion de

transversalité ne fait sens et ne prend une réelle importance que lorsqu’elle est

inscrite dans un cadre qui amène l’individu à s’interroger sur sa position par

rapport à des objectifs. Cette créativité nait donc de la contrainte, c’est grâce à la

contrainte et en prenant en compte la complexité qu’on parvient à proposer des

solutions pertinentes. L’école du Bauhaus détermine également qu’en cherchant

simplement à superposer et à faire cohabiter différentes formes d’expression

artistique sans pour autant élargir le champ des possibles. Il faut réellement

embrasser la complexité dans son ensemble et se nourrir des différents champs

d’études possibles pour au final y trouver un sens. Il est nécessaire de laisser la

possibilité à l’individu de tisser lui-même des liens, de contourner les pratiques

de référence, de jouer avec les règles et de se les approprier.

Afin de pouvoir embrasser cette complexité, il est nécessaire de passer

par une phase d’apprentissage. Dans la thèse d’Alexandre Guhéry, il est dit qu’il

est nécessaire de « diversifier ses pratiques instrumentales, car cela permet de mieux

appréhender la musique dans sa globalité ». En apprenant d’autres pratiques que

la seule qu’il connait, l’individu va développer des connexions. Il va faire des

rapprochements entre les pratiques qu’il maîtrise, ce qui lui donne un point de

vue nuancé sur l’objet global de l’étude. Il ne faut pas compartimenter les savoirs,

mais au contraire chercher à créer des connexions, c’est cette capacité de synthèse

qui donne à l’Homme ce pouvoir de transversalité. À chaque nouvelle pratique ou

champ de connaissance maîtrisé, l’individu est amené à se remettre en question

de manière globale. Cette remise en question n’est pas innée et il faut l’éduquer.

L’expression « Pas de création artistique sans éducation artistique »70 pourrait se

transposer et donner « Il n’y a pas de transversalité sans éducation transversale ».

70 TASCA C., Extrait de la conférence de presse « l’éducation artistique pour tous », décembre 2000.

-95-

La créativité n’est pas innée tout comme la transversalité. Cette éducation est

censée amener l’ouverture nécessaire pour embrasser la nouveauté tout en

détruisant les codes établis et les préjugés.

Le Bauhaus amène donc cette ouverture nécessaire aux nouvelles

expériences. Ces nouvelles expériences permettent de mettre en place des

idéologies transversales et de nourrir la créativité. Le Bauhaus est le précurseur

du design contemporain. Cette idéologie transversale transpire dans la formation

actuelle du designer. Le designer est une personne traitant de la complexité,

il est nécessaire afin d’être pertinent qu’il puisse établir des liens entre des

univers, des individus que tout peut opposer. Il doit être l’initiateur, le moteur

de cette transversalité. Dans l’univers professionnel, c’est au designer qu’il

incombe la tâche de faire le lien entre les différents domaines de compétences

et de s’affranchir des barrières. Lorsqu’il doit travailler dans un nouvel univers,

le designer possède cette capacité à assimiler le maximum d’informations puis il

tente d’établir des connexions, des analogies, des syllogismes, des comparaisons

avec les univers qu’il connait et qu’il a pu étudier au préalable. Bien sûr il n’est en

aucun cas expert, mais possède une conscience plus globale. Le designer est un

facilitateur faisant converger les énergies de ses collaborateurs, il travaille avec

-96-

eux et tente de faire en sorte qu’ils dépassent leurs frontières.

Pour finir, nous pouvons dire que toute expérience est enrichissante.

Chaque expérience peut créer, lorsque l’individu y est prédisposé, des connexions

avec les connaissances déjà assimilées. La transversalité n’émerge que lorsque

ces liens sont créés. On apprend de la différence de l’autre et des univers

explorés. Même si parfois il est possible de perdre du temps, de tâtonner ou de

laisser reposer notre travail, il faut savoir l’accepter. La transversalité dans toute

discipline est un processus lent, mais enrichissant. Le temps de recherche donnée

à la transversalité ouvre la voie vers des chemins inexplorés. L’apprentissage de

la transversalité passe par un cheminement personnel pouvant être facilité au

préalable par une éducation à l’ouverture.

3.I.3 - La hiérarchie des besoins de Maslow

Que cherche l’Homme en appartenant à des organisations ? Comme nous

l’avons vu précédemment l’Homme est une espèce sociale ayant des besoins

complexes. Le modèle de la pyramide de Maslow peut-être extrapolé pour être

appliqué au monde organisationnel. Regardons quelles sont les concordances

pouvant être faites.

Maslow détermine que c’est la nécessité de satisfaire ses besoins

fondamentaux qui pousse l’Homme à agir. Il distingue les besoins inférieurs

des besoins supérieurs. Les besoins inférieurs comportent la survie, et donc

par extension l’organisation, qui comprend manger boire et dormir ainsi que la

sécurité. Les besoins supérieurs sont, d’après lui, le besoin social d’appartenance

et d’identification, le besoin de reconnaissance et d’estime et le besoin

d’accomplissement. La reconnaissance passe par être valorisé par les autres

et l’accomplissement par l’utilisation et le développement de ses capacités et

-97-

de l’épanouissement dans son travail.71 Ces besoins sont hiérarchisés et tout

individu tente de les satisfaire successivement. L’idée de satisfaire un besoin

supérieur tant qu’un besoin inférieur n’est pas satisfait n’est pas motivante.

Tout comme le passage des échelons de la pyramide Maslow, L’Homme

cherche en premier lieu à se nourrir, boire et manger avant d’envisager sa

sécurité et de combler ses besoins supérieurs. De façon plus courante, dans

les pays développés et en voie de développement, l’Homme moderne cherche

d’abord la sécurité de l’emploi avant de vouloir s’élever de sa condition et

71 LANDRIEUX-KARTOCHIAN Sophie, Théorie des organisations, Paris, Edition Gualino, 2013, p.70.

-98-

obtenir de la reconnaissance. Dans la revue Comment motiver sans donner plus

d’argent, Sylvie Legrez Carré nous explique que la reconnaissance ne passe plus

forcément pas l’augmentation de la rémunération.72 D’autres solutions existent

aujourd’hui comme la qualité du travail, son intérêt et la visibilité des évolutions

possibles. Parfois la mise en avant des éléments performants est un élément

de reconnaissance et donc de motivation. Lorsque les besoins supérieurs sont

comblés, cela signifie généralement que les facteurs motivants de l’individu ont

été stimulés. Combler l’ensemble des besoins d’un acteur d’une organisation

assure la performance individuelle ainsi que son épanouissement. Dans cet

état il peut envisager sereinement de constituer des liens avec d’autres parties

prenantes de l’organisation.

Toutefois le modèle Maslow est limité, car certaines personnes choisissent

de leur plein gré de ne pas satisfaire certains de leur besoin inférieur afin

d’atteindre les besoins supérieurs. On peut penser que ces personnes dépassent

leur intégrité physique comme certains artistes prêts à manger que des pâtes et à

vivre dans l’inconfort pour se concentrer sur l’obtention de la reconnaissance de

leur art. On peut en déduire que les besoins inférieurs et supérieurs peuvent être

comblés selon un degré d’acceptation variable.

Les organisations doivent prendre en compte ces besoins et aider leurs

membres à les combler. Si ces besoins sont satisfaits, c’est l’organisation qui en

tirera profit. Les membres seront plus ouverts aux autres et moins préoccupés

par leur individualité. On peut se demander s’il est envisageable pour une

organisation de pouvoir combler les besoins de chaque individu.

La transversalité au sein des organisations existe dans de nombreux

72 LEGREZ CARRE S., Comment motiver sans donner plus d’argent, Paris, Les Echos, 2013.

-99-

domaines et des caractéristiques communes se recoupent. Les concepts se

mêlent et peuvent être exportés à d’autres modèles. Plutôt que des modèles

organisationnels nous permettant de survivre comme les animaux, nous avons à

travers le temps mirent en place des organisations nous permettant d’atteindre

les échelons supérieurs de la pyramide de Maslow. Après avoir conçu et théorisé

des organisations comblant le besoin d’appartenance, comme l’armée ou les

religions, nous avons conçu des organisations permettant d’obtenir l’estime des

autres. Ces organisations motivées par la soif de reconnaissance sont devenues

d’énormes usines à gaz faisant la course au profit et à la rentabilité. Imaginons

que les organisations de demain permettent à tous de combler pleinement le

besoin d’accomplissement, au sommet de la pyramide des besoins, où chacun

peut s’épanouir.

-100-

3.2 - Prospective et Thématiques émergentes

Dans cette partie nous tenterons de dresser, tel un prospectiviste, une

vision de l’avenir dans lequel les organisations vont évoluer. Pour commencer,

nous analyserons les signaux faibles de notre société puis nous nous intéresserons

à la science-fiction et nous finirons par aborder les thématiques relatives

émergentes de ce mémoire.

3.2.I - Signaux faibles

Les signaux faibles nous montrent les tendances actuelles exploitables

pour imaginer le monde de demain. Nous nous appuierons sur des faits et sur

des constats décryptés sur le site theatlantic.com.73 Nous utiliserons également

notre sens de jugement et notre instinct pour imaginer ces futurs potentiels.

*Petits dessins pour chaque signal*

Nous nous dirigeons rapidement vers un monde connecté globalement

où tout est lié et connecté. Il est courant aujourd’hui d’entendre parler d’ordre

mondial et organisation mondiale, cette mondialisation ne fait que s’accroitre.

Toutes les organisations sont amenées à être liées et à communiquer entre elles.

Un des futurs possibles serait un monde où la diversité est omniprésente et

l’adaptation au cœur des préoccupations. Du fait de la croissance importante des

pays en voie de développement, les États-Unis et l’Europe n’ont plus le monopole

de la création d’emplois, de l’innovation et des pouvoirs politiques.

73 Infographie, repéré sur http://cdn.theatlantic.com/static/front/docs/sponsored/phoenix/futur_work_skills_2020.

pdf

-101-

Un autre phénomène remarquable est le développement des machines

et des systèmes intelligents. Les objets auront une conscience propre, seront

capables de prendre des décisions et d’interpréter des situations et des données.

La complicité du facteur se humain pourra être appréhendée par la machine

ce qui facilitera la gestion des organisations. Par ailleurs la machine pourra se

soustraire à l’intelligence humaine par mimétisme. La technologie permettra

d’étendre et d’augmenter toujours plus nos capacités. Pour finir, toujours plus de

tâches automatiques et répétitives pourront être effectuées par des machines ce

qui signifie que tous les emplois basés sur ce modèle sont amenés à disparaître.

Le futur des organisations est dans la superstructure. La superstructure

crée un nombre extrêmement important de connexions et de liens. Dans ce

futur potentiel, il n’y a pas plus de place au hasard et l’incertitude est contrôlée,

calculée. Les interconnexions intra et interorganisationnelles sont encore plus

nombreuses et complexes. Les technologies sociales conduisent à de nouvelles

formes de production et de création de valeurs comme celles que l’on observe

aujourd’hui avec Facebook, What’s applet Google. Les réseaux sociaux sont

désormais acceptés et utilisés au sein des entreprises pour travailler tous

-102-

ensemble à des échelles mondiales. Il est devenu nécessaire pour l’individu

d’appréhender la complexité des liens qu’il génère afin de s’inscrire durablement

dans ce modèle. Nous serons à la place d’un enfant de 10 ans arrivant sur Facebook

ayant dû parfois du mal à donner un sens à ses relations directes et n’ayant aucune

conscience des interconnexions entre ses contacts.

Notre monde évolue en un monde de data où tout est calculé et tout

génère une information pouvant être quantifiée. Dans ce futur probable, tout peut

être illustré et schématisé. Les liens entre les gens et les objets sont désormais

quantifiables. L’augmentation des capteurs et des systèmes d’analyse rendent la

complexité du monde abordable tel un système programmable. Les datas ont ce

potentiel de nous doter de l’habileté à voir des choses à une échelle qui n’a jamais

été possible. Le développement de la data visualisation permet à tout à chacun

de donner un sens à des données complexes. L’appréhension de l’environnement

n’a jamais été aussi simplifiée.

Aujourd’hui les médias sont au centre de la communication, la vidéo et

l’image remplace petit à petit littérature. De nouveaux outils de communication

toujours plus stimulants exploitant la 3D, la réalité augmentée, les hologrammes

-103-

permettront à la communication visuelle de devenir la norme. Les informations

véhiculées pourront être plus complexes, car elles ont le potentiel de toucher

à plusieurs sens en simultané. Il est plus que jamais nécessaire de s’éduquer à

l’image, au son et aux formes afin qu’ils n’en altèrent pas notre jugement.

Il ne faut pas oublier que nous serons également dotés d’une longévité

importante. L’amélioration des conditions de vie, la diminution de la pénibilité

du travail et les progrès de la médecine permettront d’augmenter la longévité. Il

est nécessaire que l’homme travaille plus longtemps, car la société ne pourra pas

financer cet accroissement de la vieillesse. Le développement des connaissances

de notre environnement passant par l’analyse des datas nous permettrons de

nous adapter aux changements. Dès 2025, les analyses montrent que le nombre

d’Américains ayant plus de 60 ans aura augmenté de 70 %.

Le monde de demain tend à être globalement connecté, nous verrons

émerger des machines et des systèmes toujours plus intelligents. D’une part,

les organisations se verront dotées de superstructures et nous vivrons dans un

monde de data. D’autre part, de nouveaux outils de communications émergeront

et nous serons dotés d’une extrême longévité. Les organisations de demain

devront anticiper et s’inscrire dans ce nouvel environnement potentiel pour

survivre.

-104-

3.2.2 - Prospective et science-fiction

Nous nous inspirerons pour les cas suivants de la littérature ainsi que

de films de science-fiction. La science-fiction extrapole les signaux faibles

que nous venons d’analyser, et de nombreux autres, pour dresser un portrait

des sociétés futures envisageables. Nous verrons à travers ces références les

différentes organisations de société imaginées par ces auteurs et réalisateurs. La

science-fiction, parce qu’elle est un puissant outil pédagogique, toutes sciences

confondues, est un formidable véhicule idéologique.

Le scénario le plus probable semble être celui d’un système organisationnel

ultra hiérarchique où la masse est déshumanisée et l’élite surpuissante. C’est le

modèle ayant la plus forte probabilité d’exister si nous restons dans une position

attentiste et laissons un monde hypermarchant se développer. Les différences

d’appartenance à l’organisation sont marquées par les richesses matérielles

et immatérielles, telles que l’argent et l’information. De ces richesses viennent

le pouvoir et le contrôle. Ce modèle est illustré par les films Metropolis74 et

Timeout75 ou la série Continuum76. Dans ces deux univers, des mégacorporations

ont pris le pouvoir et possèdent la quasi-totalité des ressources. Les personnes

riches tentent de se distinguer des pauvres pour se protéger et érigent des murs,

des frontières. Les individus pauvres se ghettoïsent et sont dépendants des

corporations. Dans Timeout, le temps est utilisé comme métaphore à l’argent et

est la nouvelle unité monétaire mondiale. Il sert à payer les factures, les péages, les

denrées alimentaires et les biens de consommation. Ce changement de monnaie a

été mis en place depuis que l’Homme a été génétiquement modifié afin de ne plus

74 LANG, Fritz, Metropolis, UFA, 1927, 145min.75 NICCOL, Andrew, Timeout, Regency Entreprise, 2011, 115min.76 BARRY, Simon, Continuum, Showcase, 2012-2014, 43min/ep.

-105-

vieillir après l’âge de 25 ans. À partir de cet âge, un compteur intégré à l’avant-bras

de chacun, crédité d’une année, se met en marche : s’il tombe à zéro, l’individu

meurt. Dans Timeout les gens pauvres courent, car ils n’ont pas de temps, peu

de richesses. Dans la partie riche, il est mal vu de courir, car ceux-ci vivent une

vie opulente et immortelle. Pour les habitants des ghettos, un mois semble être

une fortune, alors que dans la capitale une nuit à l’hôtel en coute plusieurs. On

voit que le sens des valeurs est devenu absurde. De nouvelles hiérarchies naissent

parmi les plus démunis et les bandits semblent riches avec leurs cagnottes de

plusieurs semaines. Toutes ces richesses sont relatives et font les affaires des

corporations souhaitant laisser les ghettos dans leurs routines et leurs illusions.

Un autre scénario potentiel est celui de l’émergence de systèmes de

castes. Nous ne parlons pas ici de castes comme en Inde, mais de castes encrées

de manière pérenne. Ces castes ne seront pas déterminées par l’appartenance

sociale, mais de façon plus profonde par le génome. Ce modèle offre encore plus

de sécurité pour les élites, car il possède un côté irrémédiable. Il n’existe pas de

remise en question possible, on nait pour ce qu’on est censé être. Cette structure

-106-

organisationnelle pourrait être un modèle post-ultra hiérarchique ou les élites

ont rendu la masse impuissante. Cette théorie de l’eugénisme ne paraît pas si

absurde lorsque nous nous apercevons qu’en Chine, les personnes de grandes

tailles sont fortement incitées à se reproduire entre elles pour obtenir des enfants

pouvant devenir basketteurs professionnels. Les Chinois incitent également les

génies à avoir des enfants entre eux. Dans le roman d’anticipation le Meilleur des

Mondes77 ou le film Bienvenue à Gattaca78, afin d’optimiser les organisations,

chacun possède sa place et ses prédispositions. Les castes illustrent le contrôle

total et la performance extrême. Dans le film Divergence79, le modèle de caste

est plus souple et l’individu a le droit de choisir sa caste, même s’il est fortement

incité à suivre la voie de ses parents. Ces théories questionnent et nous pouvons

nous demander s’il est nécessaire de revoir le modèle naturel pour aller vers des

organisations plus performantes. Les films et les livres de science-fiction traitant

des castes vont souvent dans le même sens et racontent en général l’histoire d’un

héros réunissant les caractéristiques de plusieurs castes, recréant en quelque

sorte l’humain dans sa complexité, s’élevant de sa condition primaire. Dans

Bienvenue à Gattaca, le héros parvient à s’élever de sa condition par le travail et

l’effort, mais doit user de tromperie en se faisant passer pour quelqu’un d’autre.

Il est également possible d’imaginer un système organisationnel où

la complexité humaine est supprimée en inhibant l’homme de ses émotions.

Sans émotions, il est plus facile de mettre en place des organisations stables,

car on réduit le champ de complexité. Lorsque les émotions ne font plus partie

de l’équation de l’organisation optimale, on peut se focaliser sur les objectifs.

Si l’être humain vit dans l’illusion alors il ne revendique pas une autre place.

77 HUXLEY, Aldous, Le meilleur des mondes, Plon, 1932, 234 pages. 78 NICCOL, Andrew, Bienvenue à Gattaca, Columbia Pictures, 1997, 106min.79 BURGER, Neil, Divergence, Red Wagon Entertainment, 2014, 139min.

-107-

L’Homme ne peut pas chercher à atteindre le bonheur, car c’est une notion

inconnue pour lui. Dans le film The Giver80, les habitants de la communauté

sur le rocher vivent en harmonie dans un monde stérile, seul un élu possède

la lourde tâche d’être la mémoire des émotions. Le héros va repousser les

frontières qui lui sont imposées par les traitements hormonaux qui lui sont

inoculés tous les jours pour découvrir la richesse et la complexité des émotions.

Les modèles organisationnels utopiques sont rares dans la littérature et

dans les films. Les auteurs cherchent avant tout à critiquer la société au travers de

projections. On trouve cependant quelques romans comme Chroniques d’un rêve

enclavé qui illustre un monde ou l’espoir est synonyme d’utopie. « On ne bâtit rien

sur le désespoir, fors la haine, mais avec la colère et l’usure des souffrances qui se répètent,

avec la faim et la peur du lendemain, avec nos seuls coudes serrés pour nous tenir chaud,

et nos larmes en écho, et nos rires enfuis, un jour, avec juste ça, entre hommes et femmes,

nous n’aurons plus besoin que d’un rêve pour nous éveiller. »81 Le monde dans lequel

évoluent les personnages de ce roman est marqué par la féodalité et l’absence

de technologie moderne. L’auteur Ayerdhal raconte l’histoire d’une utopie, celle

de la liberté et de la solidarité d’une communauté face à un monde hostile. Les

univers fictifs utopiques ont en commun le fait d’avoir trouvé leur équilibre,

d’avoir réussi à s’intégrer à la complexité et à la comprendre. Un système

organisationnel en fédération comme celui de Star Wars82 demande cet équilibre

constant. Dans Avatar83, tous les Na’vis sont rattachés grâce à une conscience

collective représentée sous forme d’un arbre, Eywa. Cette métaphore rapproche

le modèle structurel animal de celui de l’homme, nous pourrions tendre vers

une prise de conscience collective et nous responsabiliser individuellement.

80 NOYCE, Phillip, The Giver, Walden Media, 2014, 97 min.81 AYERDHAL, Chroniques d’un rêve enclavé, J’ai lu, 1997.82 LUCAS, Georges, Star Wars I-VI, Lucasfilm, 1977-2005.83 CAMERON, James, Avatar, 20th Century Fox, 2009, 162min.

-108-

En observant des signaux faibles, des prospectivistes, souvent auteur de

sciences-fictions ont pu dresser des portraits de l’évolution de nos organisations.

Ces visions du futur ne sont plus des fictions à proprement parler, mais des

scénarii de réels possibles. La science-fiction et les romans d’anticipation nous

permettent de nous projeter et d’anticiper les futurs potentiels. Grâce à ses visions,

nous pouvons agir sur le présent et tenter de construire le meilleur futur possible

pour l’humanité. Malgré les nombreuses dystopies, un futur fait d’équilibre

entre fédérations, comme celui de Star Wars, semble être un modèle d’évolution

organisationnelle appréciable… Les auteurs de science-fiction n’écrivent pas

d’histoires où les Hommes sont libérés des contingences matérielles, vivent

dans une harmonie esthétique et sociale où la volonté de chacun vient se fondre

sans contrainte dans la volonté générale. Ce constat peut s’expliquer par le

manque de tension d’un tel récit et le besoin de critiquer la société dans laquelle

ils vivent. Devons-nous tendre vers des organisations libérées de toute emprise

technologique ? Les organisations sociales, religieuses et militaires du passé nous

ont montré que ce n’était pas plus enviable.

3.2.3 - Thématiques relatives

Nous allons nous intéresser aux thématiques émergeant de cette

réflexion sur les organisations et leur transversalité. Nous parlerons du temps

puis du mouvement et nous finirons par l’énergie. Ces thématiques articulent les

concepts profonds liés aux organisations.

Le temps est une unité de mesure universelle. La plupart de nos unités

de mesure ont été déterminées par l’homme contrairement au temps ce

qui le rend légitime par essence. Le temps peut être théoriquement altéré,

mais cela reste aujourd’hui de la science-fiction, il reste une unité de mesure

-109-

incompressible. L’Homme n’a pu concevoir que des représentations du temps.

Une organisation n’est pas un corps inerte, elle évolue avec le temps. Sans le

temps, l’environnement dans lequel évolue l’organisation serait inerte, il serait

donc plus facile de prendre en compte les différentes variables et de les contrôler.

Il serait alors possible de trouver des formules organisationnelles parfaites

alliant dans une synergie optimale les attentes individuelles, collectives,

environnementales… Il est possible de faire une analogie entre les organisations

et le bonheur. L’organisation parfaite n’existe pas, tout comme dans notre quête

vers le bonheur, le Graal qu’elle vise en tentant de faire correspondre les attentes

collectives avec les attentes individuelles est changeant. Il faut sans cesse

s’adapter dans cet univers complexe. Lorsque toutes les conditions sont réunies

en un instant t l’organisation est dans cet état de grâce et toute entreprise lui

semble envisageable, mais cet état vertueux est très fragile et il suffit qu’un des

facteurs change pour le remettre en cause.

Le mouvement n’existe pas sans le temps. C’est le déplacement d’un

corps évoluant d’un point A à un état B en un temps donné. La transversalité

désigne une « dynamique de traversée »84 plus ou moins forte selon le sens qu’on lui

attribue et la portée qu’on lui donne. C’est ce mouvement qui est cherché par les

organisations pour être pérenne. Certains iront jusqu’à dire que « le mouvement

c’est la vie » et l’inertie, par opposition, la mort. Par conséquent, la transversalité

est censée apporter ce mouvement nécessaire à la survie de l’organisation. Pour

rester pertinente, une organisation doit être utile à l’environnement dans lequel

elle se situe, elle doit donc être changeante. Elle doit sans cesse se réinventer,

réajuster les variables qui la constituent. Ce mouvement constant est vital

à l’organisation. L’innovation est au cœur de se processus d’évolution et de

84 NAUD D., MELET B., Transversalité et coopération dans l’entreprise réseau, Demos, 2008, p.33.

-110-

changement. En innovant, une organisation réévalue les facteurs environnants,

qu’ils soient internes ou externes, et se repositionne de façon plus pertinente.

En ce faisant, elle viabilise son existence. L’individu est au centre de cette

organisation apprenante, il doit sans cesse se remettre en question pour lui

apporter le mouvement nécessaire.

Pour assurer la cohésion de l’organisation, son contrôle et mobiliser

ses acteurs il faut beaucoup d’énergie.85 Dans un modèle tribal, l’énergie

vient de l’affect et de l’engagement collectif, mais on remarque une forte

déperdition dans l’exaltation et la passion des individus. Dans une organisation

mécaniste, l’énergie vient de la pression directe des chefs et les conflits, les

sources de frottement nuisent au bon fonctionnement. Concernant le modèle

transactionnel, l’énergie vient de la compétition, de la quête vers l’excellence

professionnelle, mais elle se perd dans ce qu’on pourrait appeler des « courants

d’air ». L’énergie du modèle transactionnel est en grande partie « importée » des

parties prenantes externes. L’organisation holistique génère son énergie en

utilisant « de multiples petits moteurs que sont les individus et les équipes mettant en

85 JOCHEM J., le mix organisation, Paris, Edition Eyrolles, p.99.

-111-

oeuvre collectivement l’autonomie qu’on leur laisse »86. La déperdition d’énergie de

se modèle est très faible car il est très fluide. L’énergie est l’adjuvant nécessaire au

mouvement pour créer la transversalité. Elle puise sa source dans les éléments

constituant l’organisation comme l’Homme. L’Homme est la seule source

d’énergie ne dépendant que d’elle même, elle est stimulée par la motivation. De

plus, l’organisation est contrainte à remplir des objectifs importants plus l’énergie

qu’elle doit dépenser est importante. C’est ce que nous avons vu dans la partie

sur les entreprises, elles sont une forme purement organisationnelle exacerbée

par le fait qu’elles soient contraintes au résultat. Les entreprises sont donc sans

cesse à la recherche d’énergie, qu’il faille la stimuler ou aller la chercher ailleurs.

La stimulation vise la motivation, car c’est la source de la libération de l’énergie.

Quand l’Homme est motivé, il déploie une énergie importante se matérialisant

par son investissement. C’est le rôle du leader que d’orienter cette énergie et de la

canaliser. Un bon leader est un cultivateur et un chef d’orchestre des énergies, il

les stimule, les oriente et les coordonnes. En innovation il est courant de parler de

la nécessité de cultiver les énergies créatives. Cette expression matérialise bien

ce concept d’énergie. L’énergie s’oppose à l’aridité qui empêche le mouvement et

donc la transversalité.

Temps, mouvement et énergie sont intimement liés, le mouvement

n’est pas possible sans le temps et sans énergie pas de mouvement. L’énergie

est nécessaire au mouvement et par conséquent à l’évolution de l’organisation.

C’est cette évolution qui va permettre à l’organisation de résister et de s’adapter

aux changements de son environnement. Nous aurions pu également aborder

l’illusion qui est un thème apparaissant de façon récurrente.

86 JOCHEM J., le mix organisation, Paris, Edition Eyrolles, p.100.

-112-

Dans cette partie nous avons ouvert notre réflexion sur des terrains

d’analyses prospectives tout en partant de signaux faibles de notre société

actuelle. Que ce soit en s’inspirant d’auteurs de science-fiction ou en se projetant

dans des thématiques connexes, on s’aperçoit que les questionnements sont

profonds. Il n’est pas nécessaire de se projeter à des horizons aussi lointains pour

être innovant, mais ces visions potentielles du futur ont l’intérêt de questionner

notre quotidien pour nous permettre de nous projeter dans des systèmes de

réflexion plus complexes. Les organisations d’aujourd’hui peuvent aboutir à ces

modèles fictifs, mais elles peuvent également prendre d’autre voie. Quoi qu’il en

soit ces visions permettent d’anticiper les problèmes de demain en exacerbant

les contradictions du monde actuel. En nous mettant face à ces paradoxes, elles

nous poussent à réagir de la meilleure façon possible en prenant en compte le

plus de facteurs et d’enjeux envisageables. Nous allons voir dans notre dernière

partie en quoi ces analyses peuvent être des problématiques de design, mais

également quels terrains de développement et champs de réponses peuvent être

envisageables.

-113-

3.3 - Retour au design

Après avoir élargi notre recherche à des champs analogues et prospectifs,

revenons à des problématiques actuelles, centrées sur l’Humain et le design.

3.3.I - La machine au pouvoir

Nous sommes en pleine période de transition, perdu dans l’usage de la

technologie. Elle nous dépossède autant qu’elle nous accompagne dans notre

quête vers l’organisation parfaite. Le numérique disrupte aujourd’hui toutes

les organisations. Nos besoins organisationnels peuvent-ils être comblés par la

technologie ou simplement par plus d’humanité ?

La machine remplace petit à petit l’homme dans toutes ses tâches

quotidiennes. De la simple pénibilité, on est passé à l’assistanat. Du GPS

permanent sur nos smartphones, qui amoindrit notre sens de l’orientation,

à Google ayant réponse à tout, qui limite notre mémoire, en passant par les

notifications qui amenuisent notre patience. Les technologies de l’information

et de la communication pourraient-elles limiter notre sens de l’organisation ?

On voit les limites des applications de management de groupes qui se révèlent

obsolètes si aucune conduite au changement n’est mise en place. Le designer doit

apporter cette humanité nécessaire à la technologie et laisser une plus grande

place à l’Homme en le responsabilisant. Contrairement à l’Homme, la machine

n’est pas malléable et garde une trace de tout. La trace mise en mémoire sur un

disque dur ne change pas avec les années. Il en va tout autrement avec la mémoire

humaine qui est sans cesse déformée et reconstruite au gré de notre humeur

ou de notre état d’esprit du moment. Les organisations se nourrissent de cette

-114-

souplesse et de cette capacité humaine à oublier les évènements superficiels

pour reconstruire.

La complexité toujours plus grande des organisations demande cependant

l’usage intensif de la technologie. L’individualité exacerbée et l’amélioration de la

gestion de la complexité sont deux signaux permettent d’imaginer que la machine

puisse comprendre, anticiper et combler les nouvelles attentes de l’Homme dans

une organisation. Les machines peuvent devenir des vecteurs de reconnaissance,

et donner à l’Homme ce regain d’attention vis-à-vis de ses collaborateurs. Elles

ne doivent pas créer ces vecteurs de reconnaissance, mais transmettre une

intention humaine sinon la valeur du signal est nulle. Il est possible d’imaginer

combler les besoins secondaires de l’homme que nous avons étudié avec la

pyramide de Maslow en utilisant des interfaces, des objets connectés… Les

avancées technologiques nous permettent de prétendre visualiser les besoins et

les attentes de l’Homme. Des outils de ressources humaines pourraient mapper

la capacité les profils afin de comprendre les enjeux, les zones de tension, les

stratégies d’évolution. La technologie n’apporte pas une réponse virtuelle,

mais belle et bien réelle, cette réponse est simplement numérique plutôt que

physique. Les réseaux sociaux de masse, tel Facebook, illustrent bien cette réalité

numérique où l’on s’aperçoit que le lien social numérique est souvent privilégié

au lien social physique. Mais ce lien social n’est pas virtuel comme certains

l’entendent et s’ancre dans une réalité organisationnelle plus complexe pour

l’Homme.

La machine a remplacé certaines des fonctions de l’Homme. Est-elle

amenée à le remplacer complètement ? La machine n’étant pas dotée d’émotions

est optimisée et programmée pour atteindre les buts qui lui sont fixés, nous

pourrions en conclure que ces caractéristiques en font l’acteur organisationnel

rêvé. Mais dans ce cas de figure, il n’y a pas de synergie possible, la sérendipité

-115-

est quasi nulle et l’innovation devient incrémentale et routinière. Il faut se

demander la place qu’occuperont les machines dans les organisations de demain.

Seront-elles des acteurs à part entière, des concurrents, des collaborateurs, ou

simplement des assistants ? L’Homme est baigné dans cette peur que la machine

nous domine, mais sa course au profit et à l’optimisation ne l’amènera-t-il

pas à structurer des organisations contrôlées par des machines toujours plus

performantes ? Laurent Alexandre dans le TEDX nos enfants iront-ils demain

dans des écoles eugénistes nous parle d’un monde à horizon très proche, moins de

20 ans, ou « les automates auront remplacé les individus occupant des postes dans les

organisations mécanistes »87.

Malgré le développement toujours plus important de la technologie et de

la machine au sein des organisations humaines, il est plus que jamais indispensable

d’humaniser les organisations. Les organisations sont initialement une structure

87 Alexandre, Laurent, Nos enfants iront-ils demain dans des écoles eugénistes ?, TEDxParis, citant Bill Gates.

-116-

naturelle cherchant l’équilibre et les spécificités de l’Homme, telles que l’oubli,

lui permettent d’évoluer, de s’adapter et de se réinventer. Il ne faut pas perdre

de vu les vertus de l’Homme lui ayant permis de structurer des organisations

toujours plus performantes et résistantes au changement. La technologie peut

être vue comme un assistant aidant les Hommes à se structurer, se comprendre

et s’accomplir. La machine peut se substituer à l’Homme dans les tâches les plus

répétitives, mais il faut éviter qu’elle ne le limite. Le but est toujours d’apporter

plus d’énergie aux organisations et cette énergie prend racine dans l’humanité de

la structure organisationnelle.

3.3.2 - La technique éternelle assistante

La technologie nous assiste, mais nous permet également de nous

augmenter. Nous avons cherché ces dernières années à dématérialiser tout ce qui

était démartérialisable. Nous revenons doucement au tangible après avoir compris

la valeur des interactions physiques. Les datas analytiques nous permettent de

mettre un visage sur le monde numérique qui nous dépasse, la complexité des

structures organisationnelles actuelles également. La technologie peut-elle

nous rassurer autant qu’elle stimule nos peurs profondes de dépossession ?

Comme nous l’avons vu précédemment les data analytiques permettent

de matérialiser au travers d’infographie des données. Cette matérialisation de

la complexité permet au plus grand nombre de comprendre des enjeux qui leur

auraient échappé. Les datas peuvent prendre une forme tangible au travers de

smart objects évoluant et changeant selon les évolutions de leur environnement.

Les liens de l’organisation peuvent être matérialisés, il est envisageable de

pouvoir agir directement dessus et de simuler les réponses potentielles.

Matérialiser des données numériques nous permet de simplifier notre quotidien.

-117-

-118-

Nous arrivons plus facilement à nous souvenir de formes et d’expériences que de

chiffres sur une interface. Il est plus simple de réinterpréter des données dans un

contexte au lieu de simplement les afficher dans le même logiciel jour après jour.

La technique a rendu l’homme plus omniscient et lui a

permis de décupler ses facultés mentales. Nous sommes redevenus

des enfants devant gérer la complexité et les interconnexions.

Comme notre instinct social dans les premières organisations sociales, nous

devons développer un instinct digital. Cet instinct digital nous permet de mieux

nous inscrire dans nos organisations sociales technologiques. Il faut simplifier

les interconnexions des organisations et les rendre accessibles à l’Homme afin

qu’il puisse se projeter. Il est nécessaire qu’il puisse visualiser l’ensemble auquel

il appartient. Dans les startups on retrouver cette simplicité des structures

organisationnelles passées, nous savons et nous visualisons nos dépenses

d’énergie. Il est envisageable d’utiliser un dispositif permettant d’assister

l’Homme et de lui donner cette vision globale et cet instinct digital. Cette réflexion

se rapproche de cette visualisation globale que tente d’effectuer à son échelle le

design et le design thinking, avoir une vision transversale de l’organisation et

des enjeux. Le métier de manager devient aujourd’hui un métier fourre-tout et

il lui revient la tache de gérer toute cette complexité. Que ce passerait-il si des

managers omniscients, humain ou machine, pouvaient nous éclairer sur les

enjeux de la communauté ? Seraient-ils des agents motivants ?

Alain Damasio nous explique dans le TEDX Très humain plutôt que

transhumain que « la technologie vient nous rassurer dans notre peur suprême de la

solitude via les réseaux numériques qui sont créés »88. Cette peur peut également

être transposée à celle de la performance que viennent combler les wearables

88 Damasio, Alain, Très humain plutôt que transhumain, TEDxParis

-119-

devices comme le Fit-bit ou la balance connectée de Withings qui nous rassurent

par les chiffres. Cette visualisation de la performance nous permet de nous

projeter et nous positionner vis-à-vis de la société. Une visualisation de la

performance professionnelle aurait l’avantage de nous aider à nous repérer dans

l’organisation, mais pourrait conduire à des dérives comme l’abus de contrôle

et la course à la performance. Si cette visualisation reste individuelle, il serait

possible de limiter ces dérives. Il serait également envisageable de monitorer la

performance de groupe pour éviter le contrôle sur l’individu, mais cela aurait

pour effet de le déresponsabiliser. De même que la peur de la performance la

peur de l’appartenance et de l’identité au groupe pourrait être comblée par la

technologie.

La complexité de l’environnement dans lequel évolue l’Homme demande

à être matérialisée afin de l’appréhender dans sa globalité. L’objectif n’est pas de

rendre la complexité simple, au risque d’en perdre sa subtilité, mais accessible. Il

est par conséquent nécessaire de nous approprier la technologie nous permettant

de rendre accessibles notre environnement et nos organisations dans lesquels

nous évoluons. Visualiser l’organisation dans sa globalité nous habilite à nous

situer et savoir à quel ensemble nous appartenons. Nous vivons dans un monde

en grande partie devenu immatériel que nous ne pouvons pas visualiser et dans

lequel nous ne pouvons pas nous projeter. La visualisation de l’immatériel

pourrait nous rassurer et combler nos peurs d’appartenance, de performance et

d’identité.

-120-

3.3.3 - Embrasser la complexité

Les technologies d’information et de communication nous on permis

d’appréhender la complexité des organisations. Nous verrons la valeur de

la mesure et des softs skills, mais également l’importance des langues et des

codes et nous finirons par parler du pouvoir de la maitrise de la complexité.

Les technologies nous permettent de mesurer ce qui était auparavant

inmesurable. Les softs skills sont maintenant au coeur des problématiques

organisationnelles. La maitrise des datas analytiques nous permet de les

quantifier et de leur donner autant d’importance que les hard skills.

Les managers accordent de plus en plus d’importance aux valeurs humaines que

l’on peut apporter à l’organisation. Ces softs skills transcendent l’organisation

et ont une singularité transversale que les hards skills non pas. Ils permettent de

construire des relations durables et stables. Les collaborateurs souhaitent évoluer

avec des personnes étant agiles, sachant s’adapter et être créative. La coopération,

le partage, l’esprit d’équipe, la flexibilité, la confiance en soi, la résistance à la

pression… sont autant de qualités qui sont recherchées pour inclure de nouveaux

acteurs au sein de sa propre organisation. Ces énergies déployées par les softs skills

sont contagieuses. La mesure des softs skills et leurs prises en compte pourrait être

précieux au management de demain tout en rendant l’organisation plus humaine.

Afin d’assurer la cohésion d’une organisation, l’instauration des langues

et codes commune est indispensable. À l’ère de la mondialisation, nous pouvons

voir l’efficacité de la signalétique des métros et des aéroports. Communiquer à

travers des codes communs nous autorise à créer une transversalité constructive

sans pour autant changer notre culture et nos valeurs. L’émergence des Gifs et

des émoticônes témoigne des attentes de la société à vouloir créer de nouveaux

-121-

moyens de communiquer plus universels. En septembre 2014, TechCrunch titre

“PopKey will replace written language with the expressive art of the GIF. »89 La

communication par les images et l’émergence de nouveaux médias permettent

d’enrichir les liens. Le vocabulaire de l’entreprise est aujourd’hui plein

d’anglicismes, car cette nécessité d’unification des langues est un besoin. Il est

possible pour le designer de définir des codes et une signalétique permettant de

faciliter la conduite du changement et la mise en place de la transversalité.

Notre gestion de la complexité actuelle nous permet d’imaginer la

construction de modèles organisationnels riches. Cette capacité à répliquer la

complexité pourrait être utilisée afin de construire une organisation des objets, des

89 Techcrunch, repéré sur http://techcrunch.com/2014/09/13/popkey-ios-8/

-122-

machines avec ses propres codes et signes distinctifs. Cette organisation serait une

matérialisation concrète de ce qu’on appelle l’Internet des objets. La prolifération

des objets connectés amène à questionner leurs interconnexions. Quelles sont

les possibilités de communication et interaction avec les autres objets, mais

également avec les Hommes ? Ce dispositif de communication, transversal à tous

les objets, prendrait-il une forme matérielle ou logicielle ? Quel serait le potentiel

de cette organisation n’étant pas contrainte par les changements d’humeur de

ses acteurs ? Il est pensable de questionner l’individualité des objets connectés

et la conscience qu’aurait l’organisation d’elle-même et de son environnement.

Il devient possible de mesurer ce qui n’était pas envisageable, de valoriser

l’intangible. Les innombrables langues et codes peuvent être déchiffrés et adaptés

afin d’en simplifier leur usage.

Après s’être accommodé à la complexité il est envisageable de la recréer pour mieux

la comprendre et de l’appliquer aux objets et ainsi décupler leurs possibilités.

Les pistes d’explorations et de développement possibles sont nombreuses

pour le design car ce métier est né de cette nécessité de créer du lien dans des

univers complexes. Les organisations devenant extrêmement complexe il semble

pertinent que le designer s’intéresse à cette problématique. Plus que jamais les

organisations ont besoin de transversalité pour assurer leur pérennité. Les leviers

d’actions sont nombreux, il est possible d’agir sur l’humain, sur ses relations,

sur la machine, sur les liens entre l’homme et la machine, sur la structure, à tout

niveau hiérarchique dans l’organisation.

Après avoir ouvert le champ de recherche sur des analogies,

la science-fiction et les signaux faibles nous avons pu voir que

le design peut répondre à ces problématiques très actuelles que

sont la gestion de la complexité, l’utilisation de la technologie

et les limites de la machine. Le recul apporté par les projections

et les vision de prospectivistes que nous avons étudiées, nous

permet d’apporter de la pertinence aux problématiques que

nous tentons de définir. La transversalité permet de créer

du lien et du sens pour les acteurs de l’organisation. Avoir

analysé d’autres modèles nous a permis de comprendre que

les organisation ne tirent leur force que des individus qui

la constituent. Les acteurs de l’organisation cherchent à

combler leur besoins d’appartenance, de reconnaissance et

d’épanouissement au travers de la communauté et du groupe.

Conclusion

-125-

- conclusion -

Les organisations sont en pleine mutation, l’environnement dans lequel

évoluent ces structures sociales évolue plus rapidement que jamais. Les

organisations nécessitent cette souplesse et cette agilité nécessaires à leur

adaptation. Cette capacité d’adaptation passe par la transversalité. C’est la

transversalité qui va amener le mouvement en usant de l’énergie nécessaire

à l’organisation pour s’adapter dans le temps. Cette énergie est générée

principalement par l’Homme. Les organisations n’aiment pas le vide et s’adaptent,

mutent jusqu’à trouver une forme stable.

Dans la première partie, nous avons étudié les différentes formes

organisationnelles et les différentes théories associées. La forme holistique sur

laquelle nous avons conclu s’avère être transversale par essence. Cependant, ce

modèle est extrêmement difficile à mettre en place, car il résulte d’un équilibre

parfait entre tous les facteurs qui constituent une organisation. Lorsque les

aspirations individuelles et collectives parviennent être comblées simultanément,

la cohésion globale et la créativité de l’organisation sont transcendées la rendant

ainsi compétitive. Les structures organisationnelles matricielles s’avèrent être

des structures intermédiaires, temporaires, et comportent des défauts. Pour

évoluer, il est nécessaire que la responsabilité individuelle soit plus forte et que les

acteurs de l’organisation soient plus autonomes. Le modèle organisationnel de

demain semble être un modèle en réseau ayant un socle agile. Pour atteindre une

agilité suffisante, l’enjeu du développement de l’autonomie des acteurs semble

indispensable. La mise en place d’un ensemble de bonnes pratiques permet de

faciliter l’émergence de ce modèle holistique.

Nous avons ensuite vu dans la deuxième partie, l’importance de la prise

en compte du facteur humain et la complexité de ses aspirations. L’évolution de

-126-

- conclusion -

ses attentes et de l’environnement participent à cette difficulté d’adaptation des

organisations. Cette évolution est accélérée par le développement extrêmement

rapide des technologies de l’information et de la communication. Il faudrait peut-

être se baser sur des métriques et des valeurs plus profondes et moins changeantes

que nos outils et les attentes des acteurs de l’organisation. Cependant, il est

nécessaire pour l’organisation d’être ancrée dans le présent pour survivre et attirer

de nouveaux acteurs. Les organisations actuelles semblent dépassées et ne plus

être en capacité de combler les attentes complexes de leurs acteurs. Pour gérer

ces attentes, les organisations ont eu tendance à rationaliser le facteur humain,

mais aujourd’hui les technologies permettent de s’approprier cette complexité.

Plusieurs fois, nous avons abordé la thématique de l’illusion, mais elle questionne :

faut-il vivre dans le réel en ayant des frustrations ou dans l’illusion en ayant

toutes ses attentes comblées ? Nous avons également vu que les organisations

doivent désormais appréhender et traiter simultanément les facteurs tangibles

comme la structure, les processus, les systèmes d’information… et les facteurs

intangibles comme la culture, les valeurs, les comportements… généralement

traités séparément. Plus une organisation devient complexe plus les liens qu’elle

génère sont fragiles. Il est important de rappeler qu’une organisation recherche

l’équilibre. Hors plus on rajoute de facteurs plus l’organisation devient complexe

et plus il est difficile de trouver cet équilibre.

Dans la troisième partie, nous avons ouvert au maximum le champ de

recherche en nous projetant dans l’avenir et en cherchant des similitudes entre les

structures organisationnelles pouvant exister. Nous avons développé le concept

d’énergie qui est fondamental pour comprendre le fonctionnement d’une

organisation en ayant pour objectif de la faire évoluer. L’énergie de l’organisation

vient la transversalité. Lorsque la transversalité se met en place, elle génère à son

-127-

- conclusion -

tour plus facilement une énergie permettant de stabiliser cet état. C’est un cercle

vertueux. Il suffit cependant de rompre cet équilibre fragile pour remettre en

cause cet état. La responsabilité de la mise en place de la transversalité dans une

organisation revient en partie au designer qui pratique une discipline transversale

par essence. Il est amené à créer des liens entre les différentes parties prenantes

constituant une organisation afin de pouvoir conceptualiser la complexité à

laquelle il fait face. Le design thinking, si populaire dans les entreprises, tente

de rendre tout le monde un peu designer en formant les acteurs à acquérir des

compétences transversales. Pour finir, nous nous sommes rendu compte que la

communication est régulièrement la source de la transversalité, c’est l’unicité de

la langue qui permet des échanges de qualité nouant des liens solides et pérennes.

Les facteurs empêchant la transversalité de se mettre en place lui sont très

souvent liés.

-128-

- conclusion -

Durant l’étude, nous avons fait de nombreux constats et établi des

paradoxes. Pour commencer, les organisations ont pour objectif primordial

de survivre, mais leur survie n’a jamais été aussi menacée. De plus, la mise en

place d’une transversalité globale est nécessaire, mais est complexifiée par la

gestion du facteur humain et le développement exacerbé des individualités. Par

ailleurs, l’unification des codes et du vocabulaire facilite la mise en place d’une

transversalité durable, mais malgré la mondialisation il subsiste énormément

d’incompréhensions. De surcroît, nous savons que la motivation est la source

de la libération de l’énergie, mais elle nécessite d’être cultivée en permettant

à l’Homme la visualisation de l’accomplissement de ses besoins. Nous avons

également vu que l’équilibre des paramètres nécessaires à la transversalité place

l’organisation dans un état de grâce, mais la complexité de ces paramètres ne fait

que s’accroitre. Sans compter que l’état actuel des organisations ne leur donne

pas l’agilité nécessaire pour être pérenne. Pour conclure, nous voulons aller vers

plus de transversalité et faire évoluer nous organisation, mais nous restons dans

nos zones de confort de peur d’échouer.

-129-

- conclusion -

De ces paradoxes, nous avons pu faire émerger trois notions problématisantes :

la Complexité

l’Énergie

la Pérennité

Ces notions problématisantes nous permettent de poser les problématiques

suivantes :

« Comment en tant que designer puis-je faciliter et structurer la complexité

grandissante des organisations ? »

« Comment en tant que designer puis-je stimuler et motiver les sources d’énergie

des organisations telles que les Hommes, le partage et la collaboration ? »

« Comment tant que designer puis-je développer et ancrer la notion de durée dans

les organisations ? »

Nous tendons à évoluer vers un monde décloisonné et plus global. Il s’agit

désormais de parvenir à trouver du sens et à traverser les frontières que nous

avons érigées par le passé pour rendre nos organisations plus humaines.

Bibliographie 134

Glossaire 140

Annexes 144

-132-

Bibliographie

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Enquêtes de terrain

ACCENTURE, Imagination de la future structure organisationnelle d’Accenture avec des

Managing Partners, Workshop de deux jours, Paris, Septembre 2014.

CPI IMAGINE, Conduite d’un projet pour la Société Générale ayant pour thématique la

formation, la communication et la structure organisationnelle, Rencontre avec des cadres

supérieurs de la Société Générale, Numa. 2014.

HAPPY INSPECTOR, Stage dans une startup de la Silicon Valley, Observation du modèle

organisationnel, San Francisco, 2014.

MASHUP, Association promouvant l’entrepreneuriat étudiant organisant des conférences

tous les deux mois, Paris, Membre depuis 2012.

- bibliographie -

-138-

Glossaire

Connexité :

En mathématiques, la notion de connexité formalise le concept d’« être d’un seul tenant ».

En sociologie, la connexité renvoie à la notion d’intéraction.

Digital natives :

Un digital natif est une personne qui est née pendant ou après l’introduction générale des

technologies numériques, il a commencé à interagir avec la technologie numérique à un

âge précoce, et possède un grand niveau de confort d’utilisation.

Hardskill :

Compétences formellement démontrables, nées d’un apprentissage technique, souvent

d’ordre académique, et dont la preuve est apportée par l’obtention de notes, diplômes,

certificats.

Heuristiques :

Heuristique est un terme didactique qui signifie l’art d’inventer, de faire des découvertes.

MOOCS :

Signifie cours en ligne ouvert et massif. Les participants aux cours, enseignants et élèves,

sont dispersés géographiquement et communiquent uniquement par Internet. Des

ressources éducatives libres sont généralement utilisées.

-139-

Organisation :

Sens Etymologique : « Disposé de manière à rendre apte à la vie »

Sens Courant : « Action d’organiser, de structurer, d’arranger, d’aménager »

Sens Biologique : « Hétérogénéité structurale, observable à toutes les échelles (molécule,

cellule, tissu, organe, organisme) chez les êtres vivants tant végétaux qu’animaux, sur laquelle

repose leur fonctionnement vital. »

Out-sourcing :

Anglisisme signifiant externalisation. Désigne le transfert de tout ou partie d’une fonction

d’une organisation, entreprise ou administration, vers un partenaire externe.

Pattern :

Le mot anglais « pattern » est souvent utilisé pour désigner un modèle, une structure, un

motif, un type, etc. Il s’agit souvent d’un phénomène ou d’une organisation que l’on peut

observer de façon répétée lors de l’étude de certains sujets, auquel il peut conférer des

propriétés caractéristiques. Un pattern constitue donc une solution générique à un type de

problème fréquemment rencontré, en décrivant et formalisant les concepts sous-jacents

à cette solution.

- glossaire -

-140-

Softskill :

Compétences proches de traits de personnalités propres à chaque personne. Ces

compétences ne sont pas généralement acquise lors de son parcours scolaire. Contrairement

à des connaissances théoriques que l’on apprendrait à l’université, ces compétences sont

souvent innées et ne demandent qu’à être développées.

Système :

Un système est un ensemble d’éléments interagissant entre eux selon certains principes ou

règles. Un système est déterminé par :

- La nature de ses éléments constitutifs,

- Les interactions entre ces derniers,

- Sa frontière, c’est-à-dire le critère d’appartenance au système

- Ses interactions avec son environnement

Transversalité :

Sens Etymologique : vient du latin médiéval transversalis et du latin classique transversus.

Sens Didactique : « qui est disposé en travers de quelque chose, perpendiculairement à sa

largeur ou à sa hauteur. »

Sens Courant : « qui traverse, est en travers. »

Figuré : « qui regroupe plusieurs disciplines du secteur. »

- glossaire -

-141-

-142-

Annexes

Workshop Accenture

CPI Imagine

Interviews

Le Mash Up

Happy Inspector

-143-

Workshop Accenture

Imagination de la future structure organisationnelle d’Accenture avec ses Managing Partners.

-144-

CPI Imagine

Conduite d’un projet pour la Société Générale ayant pour thématique la formation, la communication et la structure organisationnelle. Interview des cadres supérieurs.

-145-

Interviews

Discussions sur l’avenir des organisations avec des salariés de Google, Dropbox, Dribbble, Facebook, Feedly, Critéo, Scheider Electric, ...

-146-

Le Mash Up

Association promouvant l’entrepreneuriat étudiant organisant des conférences bi-mensuelles.Discussions avec les intervenants sur les thématiques des organisations et de leur évolutions.

-147-

Happy Inspector

Observation du modèle organisationnel d’une startup de la Silicon Valley.

J’ai réalisé moi-même toutes les illustrations de ce mémoire.

Les organisations fascinent. Ces structures sociales organisées sont sans cesse en recherche d’adaptation pour assurer leur survie. Les individualités constituant ces organisations questionnent leurs relations, leurs conflits, leurs tensions, leur implication, la place qu’ils occupent, la reconnaissance qu’ils attendent...Tous les liens tissés au sein d’une organisation se créent de la nécessité d’avancer ensemble et sont d’une complexité qui nous échappe quand on tente de les appréhender dans leur globalité. Afin d’être pérennes, les organisations sont en permanence a la recherche d’énergie pour innover et s’inscrire durablement dans leurs écosystèmes mouvants. Nous pouvons nous demander où cette énergie prend sa source et comment est-elle stimulée. L’apport de transversalité semble être une réponse au manque de souplesse des organisations et à leur quête vers l’équilibre. Nous tenterons de comprendre dans ce mémoire les formes que peut prendre cette transversalité et comment stimuler les énergies des organisations de demain.

Organisations et transversalitéNicolasFALLOURD

Diplômes 2015

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