كتاب علم الأسلوب

  • Upload
    mizian

  • View
    245

  • Download
    0

Embed Size (px)

Citation preview

Langage et stylistiqueLeons de stylistique franaise

Par Mohamed Nabil Nahas Homsi Docteur dtat

Septembre 2005 Langage et stylistique : leons de stylistique franaise

sommaireAvant-propos Introduction : quest-ce que la Stylistique ? Leon 1 : Mots grammaticaux et mots lexicaux Leon 2 : Les fonctions du langage Exercices Leon 3 : Enonc nonciation Exercices Leon 4 : Les types de textes Exercices Leon 5 : Les actes de langage Exercices Leon 6 : Les registres de langue Exercices Leon 7 : Pjoratifs et mlioratifs Exercices Leon 8 : Sens propre et sens figur Exercices Leon 9 : Les figures de style Exercices Leon 10 : Rhtorique des genres littraires Exercices Leon 11 : Les paroles rapportes Exercices Leon 12 : Logique du discours : lments danalyse de largumentation Exercices Leon 13 : Les sons Leons 14 : Mesure et rythme Bibliographie 2 3 5 9 12 15 18 21 24 28 31 33 38 44 50 48 50 57 77 81 90 94 97 102 108 111 115 118

1

Avant-propos Aprs avoir connu une priode faste dans les annes 50-60, apparaissant comme une discipline nouvelle, la stylistique sest trouve en retrait, dans les annes 75-85, par rapport lexplosion dautres domaines, pour vivre depuis peu une sorte de renaissance, qui en fait dsormais une discipline porteuse et novatrice, une discipline au croisement des sciences du langage et des sciences de la littrature. Il est vrai quon ne peut rendre compte du sens dun texte sans observer de manire rigoureuse lobjet quil constitue, un objet fait de mots organiss. Cest l quintervient la stylistique, car si les dfinitions de cette discipline - que certains refusent de considrer comme une science - sont divergentes, toutes admettent que son propos est lanalyse et linterprtation des faits langagiers pour examiner, scruter, isoler et tudier les diverses composantes dun texte. En effet, ltude stylistique dun texte implique une analyse grammaticale, linguistique, rhtorique de celui-ci. Toutefois, en raison de sa recherche dinterprtation, elle ne saurait se rduire une grammaire applique ni mme une linguistique du texte. Cet ouvrage propose une tude des instruments danalyse permettant de reprer, de classer et surtout dinterprter ces faits de langage. Les leons dont il est compos ont t enseignes sous forme de cours polycopi pendant plusieurs annes conscutives aux tudiants de licence la Facult de langues et de traduction de luniversit Roi Saoud, ce qui a permis leur auteur den mesurer lefficacit et l a encourag prendre la dcision de les faire publier. Si la rdaction du contenu remonte plusieurs annes, des modifications importantes et multiples y ont t apportes, la lumire des constatations faites en cours de route, lobjectif final tant, bien entendu, de rendre la matire moins rebelle et plus accessible. La plupart des leons seront suivies dexercices dapplication multiples et varis. Mais il nen va pas de mme pour certaines autres, notamment celles qui sont consacres ltude des sons, de la mesure et du rythme pour lesquelles nous avons jug inutile de surcharger louvrage dexercices qui ne seront pas dun grand secours un public de futurs traducteurs. Si elles figurent ici cest dabord pour satisfaire les lecteurs passionns de posie, et ensuite parce quil est inconcevable quelles fassent dfaut une uvre qui traite de la stylistique. Nous esprons avoir pu atteindre lobjectif que nous nous sommes fix en concevant cet ouvrage et souhaitons vivement quil puisse rponde aux attentes des lecteurs.

2

Introduction Quest-ce que la stylistique ? Le terme de style (du latin stilus=poinon servant crire) est emprunt lantique instrument qui servait marquer la cire des tablettes. Ce mot, qui a dsign ds le latin classique la manire dcrire dun individu, dun crivain, dune cole ou dun genre, sapplique aujourdhui de nombreux domaines (on peut tout autant parler du style dun fauteuil, dun comportement, dune vie que du style dune oeuvre littraire). Pour lancienne rhtorique, le style, cest le beau style, affaire dornements, de figures, donc denseignement. Cette orientation demeure dominante en France jusqu la fin du XVIIe sicle; on le dfinissait lpoque comme un je ne sais quoi. A partir du XVIIIe sicle, on tend de plus en plus attribuer le style au gnie personnel. Avec le romantisme, il devient la marque de lindividu, du groupe ou du genre dans lutilisation du langage commun. Il faut attendre le dbut du XXe sicle pour que cette notion de style, marque de lindividualit du sujet dans le discours, soit pure grce une discipline scientifique qui se donne le nom de stylistique et sintresse essentiellement aux objets linguistiques. Quest-ce que la stylistique ? Cest ltude scientifique de lutilisation, des fins expressives ou esthtiques, des ressources particulires dune langue : elle a pour objet dtudier la manire spcifique dont un crivain use des constructions syntaxiques ou des relations de sens ou de forme existant entre les mots. On dfinit le style par rfrence une norme comme un cart : a. cart par rapport au code. b. cart par rapport un niveau non-marqu de la parole, sorte dusage moyen simple. c. cart par rapport au style du genre dont luvre fait partie, et qui constitue une sorte de langue tablie pralablement (on peut tudier le style de Balzac, par exemple, lintrieur du style du roman). Dans tous les cas, il sagit dtudier des effets de style sur fond de langue, celle-ci tant la somme des moyens dexpression dont nous disposons pour mettre en forme lnonc, alors que le style serait comme laspect et la qualit qui rsultent du choix entre ces moyens dexpression. Ainsi, par exemple, si lhomme de la rue dit je men souviens, qui est une expression banale; lhomme cultiv choisit je me le rappelle exprimant la mme chose avec une expression pdante. A ces deux expressions, le pote, lui, prfre lexpression potique il m en souvient. Le domaine du style est illimit, car tous les lments et procds dexpression, quelque catgorie grammaticale quils appartiennent, peuvent tre objet de choix. Ainsi, la stylistique recouvre tout le domaine de la langue et ltude de lexpressivit linguistique doit tre faite en fonction des divisions traditionnelles de la grammaire: phontique, morphologie, lexicographie, syntaxe, structure de lnonc. Soit la phrase suivante :

3

Je peux vous affirmer que cest exact; mais il vaudrait peut-tre mieux que ce ne le soit pas. Telle personne, dans telle circonstance, prononcera: exa-c-t; telle autre, ou la mme dans dautres circonstances, dira exa; le ton et laspect de lnonc en seront modifis, et lauditeur en retiendra une impression diffrente. Si, au lieu de je peux vous dites je puis la qualit de lnonc diffrera : je peux relve du registre courant et familier tandis que je puis est accentu dans le sens de la distinction. Il y a ainsi une stylistique des formes. On peut choisir entre ce et a; le premier sera plus littraire, le second trs familier; cette fois cest le vocabulaire qui est en jeu. Fait-on varier la construction en employant, au lieu du subjonctif prsent soit, qui reprsente une tolrance de lusage, limparfait ft, qui est correct et savant; la qualit du style devient fonction de la syntaxe. Enfin, lordre des mots est aussi un lment de style, comme il apparat suivant que je dis, banalement : il vaudrait peut-tre mieux, ou, avec une inversion lgante : peut-tre vaudrait-il mieux. Ce cours se veut comme une initiation lapproche linguistique des textes ou plus exactement comme un guide de lecture. Il a pour ambition de dvelopper chez les tudiants une forme dattention au langage des textes souvent dlaisse ou juge affaire de techniciens.

4

Leon 1 Mots grammaticaux et mots lexicaux Il est trs utile de prsenter ds le dbut la distinction entre les mots grammaticaux et les mots lexicaux. Cette distinction nous permet, en effet, de classer les mots du franais en deux grands ensembles qui ont des caractristiques trs diffrentes. I. Les mots grammaticaux A Les mots grammaticaux sont les dterminants (articles et adjectifs non qualificatifs), les prpositions et les conjonctions de coordination et de subordination : Ex. : Le jeune homme lisait un roman de science-fiction dans son coin. Le : article dfini, dterminant de jeune homme ; un : article indfini, dterminant de roman ; de : prposition ; dans : prposition ; son : adjectif possessif, dterminant de coin . B Quelles sont leurs caractristiques essentielles ? B1. Les mots grammaticaux sont en nombre limit Ex. : Lenfant savanait vers la maison. On dcouvre dans cette phrase trois mots grammaticaux : larticle dfini l, la prposition vers et larticle dfini la. On peut remplacer chacun dentre eux par dautres mots : L peut tre remplac par cet, son, un, quelque, etc. la peut tre remplac par les mmes mots sous leur forme fminine : cette, sa, une, quelque, etc. vers peut tre remplac par dans, en direction... Dans chaque cas, les mots qui peuvent remplacer chacun des trois mots grammaticaux sont en nombre limit. B2. On cre trs rarement de nouveaux mots grammaticaux La liste des mots grammaticaux est courte et on lallonge difficilement. Alors que lon cre un nouveau nom ou un nouveau verbe lorsque le besoin sen fait sentir. Les mots grammaticaux constituent donc un stock de mots qui ne peut tre aisment augment. B3. Les mots grammaticaux sont frquents et ont un sens peu prcis Les mots grammaticaux tant peu nombreux, le mme mot grammatical peut tre utilis de faon trs frquente dans un texte, ou mme dans une phrase : Un jour vers midi sur la plate-forme arrire dun autobus peu prs complet de la ligne 5, japerus un personnage au cou fort long qui portait un feutre mou entour dun galon tress au lieu dun ruban.(Raymond Queneau, Exercices de style)

Dans ce texte, on remarque que :

5

1. Les seuls mots qui sont utiliss plus dune fois sont des mots grammaticaux : un (six fois), de (quatre fois), la (deux fois). 2. Le sens de ces mots grammaticaux est trs large : un peut signifier une unit (un et pas deux), La non-prcision (un quelconque), etc. de est une prposition qui peut indiquer : la possession (le chapeau de Pierre), la matire (une table de bois), la provenance (il sort de la cuisine), etc. Remarque : Ces mots grammaticaux sont courts, ils dpassent rarement une syllabe. Ils sont la fois frquents, peu prcis et courts. Il est intressant de constater que plus un mot est frquent, plus son sens est large et peu prcis. Ceci tient au fait quil est utilis dans un grand nombre de phrases diffrentes au sein desquelles les autres mots lui donnent un sens particulier. De mme, on peut noter que plus un mot est frquent et son sens variable, plus il est court. Ceci sexplique par le fait que celui qui parle refuse de faire un effort (dutiliser un mot trop long) si ce mot napporte pas une information prcise. B4 Les mots grammaticaux se distribuent en deux groupes 1. Ceux qui dterminent le nom : articles, adjectifs non qualificatifs ; 2. Ceux qui servent mettre en relation les mots dans une phrase : les prpositions. II. Les mots lexicaux Les mots lexicaux sont les noms, les verbes, les adjectifs qualificatifs, les adverbes : Le loup sortit du bois, regarda le pauvre agneau avec voracit et se prcipita pour le dvorer. Les mots lexicaux de cette phrase sont au nombre de neuf : - loup : nom, - sortit : verbe, - bois : nom, - regarda : verbe, - pauvre : adjectif qualificatif, - agneau : nom, - voracit : nom, - se prcipita : verbe, - dvorer : verbe. Les caractristiques essentielles des mots lexicaux ? 1. Ils sont en trs grand nombre Dans lexemple suivant : Le loup aperut lagneau.

6

Les trois mots lexicaux : loup, aperut et agneau peuvent tre remplacs par un nombre trs important dautres mots lexicaux : Le loup aperut agneau lion vit brebis chien mangea paysan garon prit enfant ... ... ... 2. On peut crer, selon les besoins, des mots lexicaux nouveaux La langue est un outil grce auquel on peut parler, crire dautres personnes pour leur donner des informations sur des sujets trs diffrents. Comme tous les outils, la langue change et se transforme pour sadapter des besoins nouveaux de communication. Ainsi, lorsque lon a invent un nouveau moyen de se dplacer sur leau laide dune planche munie dune voile, on a invent le mot planche voile. Pour dsigner ceux qui se servent de ce nouvel engin, on a fabriqu le mot vliplanchistes. Pour voquer un nouvel appareil, on inventa le mot ordinateur. Un nouvel engin sur rail entrana la cration dune abrviation T.G.V. (Train Grande Vitesse). Pour crer des mots nouveaux, le franais dispose de trois procds : A. La suffixation : on ajoute la fin dun mot un suffixe pour obtenir un mot nouveau : - A partir de fleur, on forme fleurir ou fleuriste. - A partir de doux, on forme douceur ou doucement. B. La prfixation : on place devant un mot un prfixe pour fabriquer un nouveau mot : - A partir de dire, on forme redire ou prdire. - A partir de voir, on forme prvoir. C. La composition : on juxtapose des mots dj existants pour former un mot nouveau : - chou-fleur, - caf-crme, - pomme de terre, - essuie-glace, - aigre-doux. 3. Certains mots lexicaux peuvent tre remplacs par des pronoms Cest le cas des noms et des adjectifs qualificatifs attributs. - Il a emmen son enfant avec lui au bureau il la emmen avec lui au bureau. - Ne trouvez-vous pas cet enfant tourdi ? - Oui, il lest vraiment trop. 4. Les mots lexicaux se distribuent dans des classes grammaticales diffrentes On mettra dans une mme classe les mots qui peuvent avoir la ou les mmes fonctions. On distingue alors : Les noms qui peuvent tre sujet, complment dobjet direct ou indirect, complment circonstanciel, complment du nom, attribut ou mis en apposition ;

7

Les adjectifs qui peuvent tre pithte, attribut ou mis en apposition ; Les adverbes qui sont tous complment circonstanciel ; Les verbes qui sont tous noyau de la phrase.

On dira que les mots appartenant la mme classe ont la mme nature. Les noms et les adjectifs peuvent remplir plusieurs fonctions, ils forment deux classes de polyfonctionnels. En revanche, les adverbes et les verbes ne peuvent avoir quune seule fonction. Ils appartiennent chacun une classe de monofonctionnels.

8

Leon 2 Les fonctions du langage /I/ Le schma de la communication La communication verbale est un change de paroles ou dcrits (noncs, ou messages), entre une personne et un ou plusieurs interlocuteurs, sur un sujet donn, et dans une langue donne. Chaque change met en jeu plusieurs facteurs : un message ou un nonc (ce qui est dit), un locuteur (celui qui parle ou crit), un interlocuteur (le destinataire du message), une situation (celle dans laquelle se trouvent les deux partenaires de lchange, et laquelle ils font rfrence), le langage commun utilis (par exemple la langue franaise ou la langue arabe), et enfin un moyen de transmission (change direct de paroles, lettres, journal, etc.). /II/ Les fonctions du langage et les types dnonc A chacun des facteurs de la communication, correspond un rle, ou une fonction particulire du langage. 1. La fonction expressive: lorsque le locuteur exprime ses sensations, ses impressions, ses motions, il met en jeu la fonction expressive du langage. a. Lorsque lnonc a pour rle essentiel dexprimer des ractions affectives du locuteur (douleur, inquitude, colre, indignation, ou au contraire, joie, surprise, plaisir, admiration, enthousiasme, etc.), on dit que cest un nonc expressif . Le langage expressif se caractrise par les interjections, lintonation haute, les phrases exclamatives, les accents dintensit marqus, les mots valeur superlative, les phrases sans verbe: Chic ! Cest merveilleux ! Quel garon extraordinaire ! Oh la la ! Oh, ce que jai mal ! Ae, ae, ae ! Quelle misre! b. Dans un texte qui donne successivement la parole plusieurs personnages, en discours direct (roman, thtre, reportage) le mme mot je dsigne des locuteurs diffrents. Le contexte permet de les identifier. c. La fonction expressive se manifeste notamment dans la conversation, lautobiographie, les rcits de souvenirs, les lettres, la posie lyrique (sentimentale), la confidence, la promesse, lapologie, etc. 2. La fonction impressive du langage : lorsque le locuteur cherche faire pression sur son interlocuteur, obtenir quelque chose de lui, linfluencer, il met en jeu la fonction impressive. a. Celle-ci se caractrise par la frquence de la 2e personne, les appels, limpratif et le subjonctif, les interjections, les formules de prire ou de suggestion, les interrogations, loge, rprimandes, incitations publicitaires... - Jaimerais que tu prtes grande attention ce que je vais te dire. - -Allez ! Circulez! - - Il faut que tu nous dise tout !

9

b. Lorsque lnonc a pour rle essentiel dattirer lattention de linterlocuteur, ou, mieux encore, de dclencher chez lui une raction, un comportement donn, de linciter agir dune certaine manire, on dit que cest un nonc impressif. Le langage impressif utilise les interjections, les apostrophes, limpratif, les formules dappel ou dindignation, le langage figur, etc. - Hep! Taxi! - Garon, laddition, sil vous plat! - Attention, ne bougeons plus! - Flicitations, mon cher ami! 3- Ce dont on parle (le sujet, ou le thme, ou la situation, ou le rfrent) La fonction rfrentielle du langage.: a. Lorsque celui qui parle fait rfrence une autre personne que lui-mme ou son interlocuteur, ou lorsquil fait rfrence un objet, il emploie un nom ou un groupe nominal, ou un pronom : il, elle, ceci, cela, etc. - Jai eu des nouvelles dIbrahim. Il travaille maintenant dans une banque. - Jai port mon tlviseur chez le rparateur, car il est abm. b. De nombreux types dnoncs sont prononcs ou crits le plus souvent la 3e personne : les articles dinformation, essais, ouvrages techniques, reportages, histoire, conte, nouvelle, roman, etc. c. Ces noncs, qui servent raconter des vnements ou dcrire des aspects du monde, sont des noncs rfrentiels. 4- La fonction mtalinguistique du langage : Il arrive que lchange porte sur la langue elle-mme, par exemple pour poser une question ou donner une prcision sur le sens dun mot, demander ou donner une dfinition. Il met alors en jeu la fonction mtalinguistique ou de mtalangue. Cest lemploi du langage pour parler du langage lui-mme. Le type dnonc le plus caractristique cet gard est larticle de dictionnaire. 5- La fonction de contact ou phatique : avant de communiquer, on utilise des procds pour crer le contact; pendant lchange, on essaie dentretenir lattention de linterlocuteur. Cest la fonction de contact. Pensons aussi, de ce point de vue, aux formules de politesse (Bonjour), aux propos sur le temps quil fait ou sur la sant (Comment a va?), aux expressions qui servent remplir les silences (Dis, dites, hein, tenez, tu sais, bon, alors) ou relever lattention (Nest-ce pas ? si vous voulez, tenez). 6- La fonction potique : enfin, le message peut viser au style, cest--dire un effet de beaut, de recherche artistique : emploi des vers en posie, des mots rares, des comparaisons et des mtaphores, des phrases rythmes en prose, des tournures raffines, des sonorits et des cadences, etc. Il existe autant de styles diffrents que de grands crivains; chaque crivain se reconnat par une criture absolument unique. Mais chez tous sexerce la fonction potique. Attention !

10

Il existe des communications sens unique, ou au moins des changes diffrs, dans lesquels linterlocuteur ne peut pas rpondre immdiatement (par exemple : la presse, la radio, la tlvision). Chaque change met en jeu plusieurs fonctions du langage. Le langage peut dautre part exprimer dautres fonctions que celles qui viennent dtre analyses. La fonction expressive, par exemple, pourrait se diviser en fonction affective (sentiments, sensations), et en fonction idologique (ides, convictions).

11

Exercices/I/ Relevez, dans les phrases qui suivent, les lments qui traduisent une raction affective, motive, de lauteur. Indiquez, pour chacune deux, sa valeur particulire.

1. Ae ! Mais tu me fais mal ! 2. Bravo ! bravo ! Oh ! Jamais vous navez si bien jou. 3. Hlas ! Quallons-nous devenir? 4. Pas possible ! Vous, ici ? 5. Ah ! non, alors. Pas a, ou pas moi ! 6. Vous ici ? quelle surprise !/II/ De quelle faon ( laide de quelles tournures, de quelles intonations) peut exprimer la douleur ? /III/ Imaginez des phrases o vous exprimerez successivement dautres ractions affectives, telles que la joie, lindignation, la colre... /IV/ A quelle fonction linguistique rattachez-vous chacune des phrases suivantes ? De quel type de texte est-elle extraite ?

1. Accus, levez-vous ! 2. Jai t heureux dapprendre que tu viendras nous voir pendant les prochaines vacances. 3. La courbe de tes yeux fait le tour de mon cur. 4. Ce quon appelle le locuteur, cest la personne qui parle. 5. Ai visit ce matin la Sainte Mosque : Quelle splendeur ! 6. Avec le shampooing X, changez votre manire de vivre. 7. Mtro, boulot, dodo./V/ Lnonciateur peut tre dsign par dautres personnes que je. Relevez, dans ces phrases, les marques qui renvoient au locuteur :

1. Nous allons cet aprs midi la piscine. 2. Le signataire sengage restituer cette somme au bout de 6 mois. 3. Comment se porte ma petite cousine ? 4. Tel est notre bon plaisir. 5.Le propritaire informe MM. les locataires que des travaux seront effectus partir du 1er octobre. 6. On arrive tout de suite. 7. Il est scandaleux que de tels actes puissent tre commis notre poque. 8. Tu vas me faire le plaisir de nettoyer ta chambre, et plus vite que a !

12

/VI/ Texte

Depuis plus de 30 ans nous perfectionnons une technique industrielle de construction qui nous a permis damliorer nos produits tout en rduisant les cots. Aujourdhui nous construisons prs de 15.000 maisons par an, nous sommes devenus le plus grand constructeur de maisons individuelles. Si nous en sommes fiers, cest parce que nous avons conscience de jouer un vritable rle social. En effet, la majorit de nos ventes concerne notre modle le moins cher. Cest la preuve que nous permettons ceux qui pensaient ne jamais avoir les moyens de soffrir une maison, de raliser leur rve.a. Qui est le locuteur, dans ce texte ? Comment est-il dsign ? b. A quelle fonction rattachez-vous ce texte ? Pour quelles raisons ? c. Retranscrivez ce texte, de telle manire que la fonction rfrentielle y prdomine; sur quels lments devez-vous faire porter les modifications ? /VII/ Slogan publicitaire

Roquefort... Un plaisir fort ! Un plaisir fou ! Roquefort dabord, Roquefort daccord.Observez le slogan publicitaire ci-dessus. Quelles sont les caractristiques de prononciation, de vocabulaire et de grammaire qui en assurent le succs ? /VIII/ Textes

A. Cet hiver le soleil vous attend aux Etats-Unis. Il vous accompagnera pendant que vous faites la Cte Californienne en voiture, du cheval au Texas et en Arizona, du ski dans le parc du Yellowstone ou dans les Rocheuses. Cet hiver en Floride, le soleil vous invitera galement aller la plage. Voile, ski nautique, plonge sous-marine, pche en mer, planche voile, vous de choisir. Cet hiver, les Etats-unis vous rserveront le meilleur accueil et pas seulement parce quils vous offrent le soleil, vous trouverez l-bas une vie facile et peu coteuse. Quelques exemples : location de voiture pour 7 jours, kilomtrage illimit, 405 F _ lavion de New York San Francisco, 600 F _ le repas, 30 F . B. Pour faciliter la vie de ses clients, le Crdit Agricole a maintenant une carte de paiement internationale : Eurocard . Au moment de rgler vos achats, une note dhtel, de restaurant, vous la tendez, vous signez, et on vous la rend avec un sourire. Vous tes quittes.1- Comparez ces deux publicits; quel est, dans chaque cas, le locuteur ? 2- Quel est linterlocuteur?Comment est-il dsign?Sagit-il dun interlocuteur rel ? 3- Quelles remarques pouvez-vous faire sur lemploi des temps ?

13

Leon 3 Enonc et nonciation /I/ La notion dnonc 1. Dfinition Toute suite de mots, prononce, crite ou imprime, est un nonc. Peu importe que cette suite de mots ait un sens ou semble nen pas avoir; peu importe quelle soit grammaticale ou non. Mais en gnral, on rserve le mot nonc une suite de mots construite grammaticalement et pourvue dun sens : cest le cas le plus frquent dans la pratique quotidienne de la communication. 2. Lchelle de lnonc a. lnonc peut se rduire un mot : par exemple, une interjection (Zut!), un appel (Hep!), un ordre (Silence!), une constatation (Minuit), lentre dun article de dictionnaire, etc. b. Un nonc peut tre un groupe de mots : par exemple, un groupe nominal (dans un titre de journal : Accidents dautoroute). c. Un nonc peut tre une phrase : phrase avec verbe ou phrase sans verbe (Plerinage Makka - Formidable!) d. Enfin un nonc peut tre une suite de phrases en quantit variable, cest--dire ce quon appelle gnralement un texte. Il existe des textes de toutes dimensions : quelques phrases, un paragraphe, un chapitre, un livre entier. /II/ La notion dnonciation 1. Dfinition Lnonciation est lacte individuel de parler ou dcrire, de produire un nonc, dutiliser la langue dans une situation donne, pour des interlocuteurs donns et des fins donnes. Celui ou celle qui effectue lacte dnonciation, autrement dit qui produit un nonc, est lnonciateur (ou nonciatrice). On dit galement : le sujet de lnonciation. 2. Les marques de lnonciation Le contenu et la forme de lnonc dpendent pour une part des aspects de lnonciation, dont chacun peut varier. a. Le sujet de lnonciation (ou nonciateur) : Ou bien il ne se dsigne pas lui-mme dans lnonc; il reste masqu. Cest lnonc la troisime personne (histoire, conte, nouvelle, romans la troisime personne, reportage, essai, texte scientifique, etc.). Ou bien il apparat lui-mme dans lnonc, par diverses marques : - Le pronom personnel et les possessifs de la 1re personne ( je, mon ). - Lemploi de certains modes, par exemple limpratif, qui exprime un ordre du sujet de lnonciation : Disparaissez !14

- Lemploi des interjections et des apostrophes : Ae; Oh! Eh! - Lemploi des mots qui expriment une attitude particulire, une apprciation, un jugement de lnonciateur sur le contenu mme de lnonciation : par exemple les tournures exprimant le doute, lincertitude, la probabilit, la volont, la ncessit, le pouvoir (avec les adverbes et les verbes dits de comme peut-tre, sans doute, assurment, ncessairement / devoir, falloir, vouloir, pouvoir, etc.). La combinaison de tous ces traits donne naissance des noncs fortement empreints de la personnalit et de la subjectivit de celui qui les prononce (dialogue de thtre, discours, polmiques, posie lyrique, etc.). A linverse, dans certains textes apparemment objectifs, on peut dcouvrir des marques beaucoup plus discrtes et plus subtiles de la prsence de lnonciateur, de sa sensibilit et de ses ides. b. Le destinataire de lnonciation. Lui aussi est plus ou moins prsent dans lnonciation. Dans un ordre, dans une lettre, dans un discours politique, dans le thtre, le destinataire est explicitement dsign la deuxime personne (pronoms et possessifs de la 2e personne). Dans dautres types dnonc (science, histoire, roman), il peut rester compltement implicite. Il peut tre dsign la troisime personne : textes administratifs, annonces, avis. c. Le reprage du lieu et du temps Le lieu - Il existe des noncs non localiss, ne comportant aucune marque permettant didentifier le lieu o lnonciateur les a produits : cest le cas de nombreux romans, de lhistoire, des textes scientifiques. - Dautres noncs, au contraire, fournissent des indications sur le lieu dmission, par exemple laide dadverbes comme ici, ailleurs, l-bas (qui prennent pour point de repre le lieu o se trouve lnonciateur), dadjectifs dmonstratifs, de termes de prsentation (voici) et mme de noms de lieu ( dans la correspondance : Riyad le...). Le moment Les temps verbaux (prsent, pass, futur), les adverbes de temps (hier, maintenant, jadis, demain, tout lheure, etc.), et mme les dates explicites (Bordeaux, le 5 septembre), permettent dindiquer le moment de lnonciation et de situer par rapport lui les vnements que rapporte lnonc. Toutes sortes de degrs sont possibles entre les noncs qui se datent et datent leur contenu avec prcision, et les noncs totalement intemporels.

15

Exercices/I/ Les phrases qui suivent sont-elles toutes acceptables ? Sinon expliquez pourquoi.

1. Je suis fire dtre un garon. 2. Si jtais vous, je nagirais pas ainsi. 3. Demain, nous sommes alls au cinma. 4. Nous serons ici dans une heure. 5. Mon pre na pas denfants. 6. Le lendemain nous avons fait une belle promenade. 7. Lanne prochaine, nous avons visit lAngleterre. 8. Mohamed ne viendra pas : elle a trop de travail./II/ Dans ce dbut darticle, quels sont les lments qui dpendent du moment de lnonciation, et qui ncessiterait un renseignement complmentaires pour tre bien compris?

Aprs la mort de deux convoyeurs de fonds mercredi, le meurtre de deux gardiens de la paix la nuit suivante, et celui dune commerante hier matin, monsieur Christian Bonnet a convoqu immdiatement les hauts responsables de la police./III/ Posez-vous la mme question propos de ces autres phrases, empruntes elles aussi divers articles de presse?

1. Les actionnaires ont refus lan dernier le projet daccord avec une socit norvgienne. 2. Une rencontre intressante, ce soir Nantes, qui recevra Lens. 3. Une zone de temps nuageux et passagrement pluvieux gagnera aujourdhui notre rgion, et progressera vers lest. 4.Depuis, jamais les Canaris navaient dpass le cap des 16e de finale. Ainsi, face lAtletico de Madrid, il y a deux ans, en coupe des Clubs Champions. Ainsi, face Benfica lan pass en 32e de finale de la Coupe de lU.E.F.A. Cette saison, enfin, les joueurs de la Loire-Atlantique ont dcroch leur billet pour les quarts de finale de la Coupe des coupes./IV/ Relevez et identifiez dans les phrases suivantes les mots qui indiquent le moment et le lieu de lnonciation : 1. Aujourdhui, maman est morte, ou peut tre hier, je ne sais pas. (A. Camus)

2. Qui tes-vous ? Que faites-vous ici ? Je ne vous connais pas. Et pourtant il me semble que je vous connais. (A.Fournier) 3. Orso, dit-elle, cest ici que notre pre est mort. Prions pour son me, mon frre !(P.Mrime)

16

4. Chevaliers, laissez-moi monter sur ce rocher si haut, pour voir une fois encore mon beau chteau. (Apollinaire)/V/ Texte A Madame de Grignan

A Malcorne, samedi 23 mai 1671 Jarrive ici, o je trouve une lettre de vous, tant jai su donner un bon ordre notre commerce; je vous crivis lundi en partant de Paris. Depuis cela, mon enfant, je nai fait que mloigner de vous avec une tristesse et un souvenir de vous si pressant quen vrit la noirceur de mes penses ma rendue quelquefois insupportable. Je suis partie avec votre portrait dans ma poche. Je le regarde fort souvent. Il serait difficile de me le drober prsentement sans que je men aperusse; il est parfaitement aimable. Jai votre ide dans lesprit; jai dans le milieu de mon cur une tendresse infinie pour vous. Voil mon quipage, et voil avec quoi je vais trois cents lieues de vous. Nous avons t fort incommods de la chaleur. Un de mes beaux chevaux demeura ds Palaiseau; les autres six ont tenu bon jusquici. Nous partons ds deux heures du matin pour viter lextrme chaleur. Encore aujourdhui, nous avons prvenu laurore dans ces bois pour voir Sylvie, cest--dire Malcorne, o je me reposerai demain. (Madame de Svign, Lettres)1. Expliquez les mots : commerce-prvenir : faites pour chacun deux une phrase o ils auront leur sens actuel. 2. Relevez, dans ce texte, tous les lments qui renvoient au sujet de lnonciation, au destinataire de lnonciation, au lieu et au moment de lnonciation. /VI/ Texte

Dans le train Paris -Rome Ce train presque inconnu pour vous - puisque dhabitude cest toujours lautre que vous prenez, le Rome-express wagons-lits atteindra Rome termini demain matin cinq heures quarante-cinq, bien avant laube. ... Il fera encore nuit noire. Vous vous rveillerez pniblement aprs un sommeil souvent interrompu, surtout si vous tes oblig de vous conserver cette mauvaise place au milieu de la banquette, mais il y a tout de mme dassez fortes chances pour que vous russissiez prendre possession de lun des coins au moment o lun de vos compagnons actuels descendent, car il est impossible que tous continuent jusque l. Lesquels, parmi eux six, seront encore ce moment dans ce compartiment vraisemblablement clair seulement par la veilleuse bleue, par cette petite ampoule sphrique et sombre que vous apercevez lintrieur du lampadaire, niche entre les deux autres transparentes et piriformes. Dans la campagne, les lumires des maisons seront teintes. Vous verrez passer les phares de quelques camions, les lanternes des gares; vous aurez froid... Vous vous lverez, vous sortirez, vous irez jusquau bout du couloir pour vous mettre un peu deau douce sur les yeux. (M.Butor, LaModification)17

1. Quel personnage est dsign par le pronom vous ? 2. Relevez dans ce texte, les mots qui renvoient une autre personne. 3. Rcrivez le texte la 1re, puis la 3e personne.

18

Leon 4 Les types de textes Les types de textes renvoient diffrents actes de communication : raconter, renseigner, convaincre, expliquer, ordonner, faire agir. A lintrieur dun mme crit, lauteur peut passer dun type un autre. 1. Le texte narratif Il raconte un fait, un vnement en situant son droulement dans le temps et dans lespace. Il en retrace les tapes et en fixe la dure. Le texte narratif est souvent entrecoup de passages descriptifs, explicatifs ou argumentatifs. Caractristiques : les temps du rcit (pass simple, imparfait, prsent de narration) ; des repres temporels (le lendemain, la veille, un mois plus tard) et spatiaux (l, cet endroit). Exemple : En 1593, le bruit courut que les dents tant tombes un enfant ge de sept ans, il lui en tait venu une dor la place dune de ses grosses dents. Horstius, professeur en mdecine dans luniversit de Helmstad, crivit quelle tait en partie naturelle, en partie miraculeuse, et quelle avait t envoy de Dieu cet enfant orphelin, afflig par la mort de son pre et de sa mre, en guise de consolation.Fontenelle, Histoire des oracles, 1686.

2. Le texte argumentatif : Il vise convaincre de la justesse dune ide, dun avis en sappuyant sur des arguments et des exemples qui ont valeur de preuve. On appelle ar-gumentateur celui qui argumente et argument le destinataire de largumentation. Lide dfendue ou combattue sappelle la thse. Caractristiques : le prsent de lindicatif ; des termes darticulation pour indiquer les liens logiques entre les arguments employs. Exemple : Ajout une voiture, laccessoire utile (les mots jurent de faon savoureuse) ne lembellit jamais. Rien de ce qui est complmentaire, subsidiaire, ne sert lapparence dun objet industriel. Quant aux gadgets, ces mille trouvailles, bibelots, bricoles qui se ngocient du ct de lavenue de la Grande-Arme et que je regroupe sous la dnomination gnrale et pjorative denjoliveurs, ils dconsidrent la voiture quils affublent. Aucune exception cette rgle. Comme son nom ne lindique peut-tre pas sans quivoque, lenjoliveur enlaidit.Franois Nourrissier, Autos Graphie, 1990

3. Le texte explicatif : Il cherche informer et rendre plus clair un sujet que le lecteur ou linterlocuteur est cens ignorer. Il a une fonction pdagogique.19

Caractristiques : le prsent de lindicatif ; des termes darticulation du discours pour marquer les tapes de lexplication (dabord, ensuite). Exemple : Lor : sous ce bref substantif se pressent dinnombrables vocations o la lgende le dispute la ralit. Rien de ce qui touche lor ne laisse indiffrent. Au cours des sicles, sest bti autour de ce mot un prodigieux difice dont la faade brillante annonce les splendeurs mais cache les misres.Jules Lepidi, LOr, Que sais-je ? , no 776, 1958, PUF.

4. Le texte descriptif : Il sefforce par les mots dvoquer une ralit que le lecteur

ne voit pas mais quil peut imaginer. Il renseigne, sur un espace, sur un physique et peut traduire les impressions ressenties par le descripteur. Caractristiques : limparfait ou le prsent de lindicatif ; des repres spatiaux pour localiser. Exemple : Partout il y avait ces jardins ventrs, ces ruines, ces plaies gantes creuses dans la terre, en haut de la colline. Sur les chantiers les hautes grues taient immobiles, menaantes, et les camions avaient laiss des tranes de boue sur la chausse. Les immeubles navaient pas encore fini de pousser. Il grandissaient encore, mordant dans les vieux murs, abrasant la terre, tendant autour deux ces nappes de goudron, ces aires nues de ciment blouissant.J.M.G. Le Clzio, Villa Aurore, 1993.

5. Le texte injonctif : Il pousse laction, la ralisation, faire appliquer des consignes. Il implique parfois lordre ou linterdiction. Caractristiques : limpratif, linfinitif, le futur et le subjonctif ; les rfrences la deuxime personne sont nombreuses. Exemple : Scapin.- prparez-vous soutenir avec fermet labord de votre pre. Octave.- Je tavoue que cet abord me fait trembler par avance, et jai une timidit naturelle que je ne saurais vaincre. Scapin.- Il faut pourtant paratre ferme au premier choc, de peur que, sur votre faiblesse, il ne prenne le pied de vous mener comme un enfant. Un peu de hardiesse, et songez rpondre rsolument sur tout ce quil pourra vous dire. Octave.- Je ferai du mieux que je pourrai. Scapin.- Essayons un peu pour vous accoutumer. Rptons un peu votre rle et voyons si vous ferez bien, Allons Octave.- Ainsi ? Scapin.- Bon. Imaginez que je suis votre pre qui arrive, et rpondez-moi fermement, comme si ctait lui-mme.(Molire, Les Fourberies de Scapin)

20

Exercices /I/ Quelles caractristiques du texte suivant indiquent quil sagit dun texte narratif ? En arrivant Salerne, Il mit son cheval au pas. Ses angoisses revinrent. Peut-tre en tait-il de la fivre comme dun malfice dont on peut se dfaire en le passant dautres, et lavait-il son insu communique sa mre. Il eut du mal trouver lhabitation du mdecin. Enfin, prs du port, dans une impasse, on lui montra une maison de pauvre apparence ; un mollet demi dcroch claquait. A son coup de heurtoir, Une femme parut en gesticulant ; elle demanda au chevalier ce qui l amenait ; il dut sexpliquer en dtail, criant pour se faire entendre ; dautres femmes sapitoyrent bruyamment sur la maladie inconnue.(Marguerite Yourcenar, Anna, Sorror, 1931.)

/II/ Observez lextrait suivant et indiquez pour chaque passage le type de texte dont il sagit. Justifiez votre rponse en vous rfrant aux caractristiques du narratif et du descriptif.

Quoique dvast par les approches de lhiver, le Jardin imprial ne manquait pas dun certain charme mlancolique. La longue alle prolongeait fort loin ses arcades rousses, laissant deviner confusment son extrmit un horizon de collines dj noyes dans les vapeurs bleutres et le brouillard du soir ; au-del, la vue stendait sur le Prater et le Danube ; ctait une promenade faite souhait pour un pote. Un jeune homme arpentait cette alle avec des signes visibles dimpatience ; son costume, dune lgance un peu thtrale, consistait en une redingote de velours noir brandbourgs dor borde de fourrure, un pantalon de tricot gris, des bottes molles glands montant jusqu mi-jambes. Il pouvait avoir de vingt-sept vingthuit ans. Le trs court espace dans lequel il circonscrivait sa promenade montrait quil attendait quelquun ou quelquune, car le Jardin imprial de Vienne, au mois de novembre, nest gure propice aux rendez-vous daffaires. En effet, une jeune fille ne tarda pas paratre au bout de lalle : une coiffe de soie noire couvrait ses riches cheveux blonds, dont lhumidit du soir avait lgrement dfris les longues boucles ; son teint, ordinairement dune blancheur de cire vierge, avait pris sous les morsures du froid des nuances de roses de Bengale.(Thophile Gautier, deux acteurs pour un rle, 1841.)

/III/ Les deux extraits suivants sont des textes argumentatifs. En quoi le second texte contredit-il le premier ? Rpondez sous la forme dun tableau. Texte 1 Texte 2 Thse dfendue Arguments Exemples texte 1

21

Malgr lexprience des sicles qui ont prouv que la femme, sans exception, est incapable de tout travail vraiment artistique ou scientifique, on sefforce de nous imposer la femme mdecin ou la femme politique. La tentative est inutile, puisque nous navons pas encore la femme peintre ou la femme musicienne, malgr les efforts acharns de toutes les filles de concierges et de toutes les filles marier en gnral qui tudient le piano et mme la composition avec une persvrance digne dun meilleur succs, ou qui gchent de la couleur lhuile et de la couleur leau sans parvenir peindre autre chose que des ventails, des fleurs, des fonds dassiettes ou des portraits mdiocres.(Guy de Maupassant, Prface de Manon Lescaut, 1888.)

texte 2 Que tu sois entre premire Polytechnique, Anne-Marie Chopinet, que tu sois sortie major de lENA, Franoise Chandernagor, que tu aies reu la Croix de guerre, Jeanne Mathez, que vous ayez gravi votre tour un plus de 8 000 mtres, petites japonaises de Manaslu, que vous ayez lev seules vos enfants dans les difficults matrielles et la dsapprobation morale, vous autres les abandonnes ou les filles mres volontaires, que vous soyez mortes pour vos ides, Flora Tristant, Olympe de Gouges ou Rosa Luxembourg, que tu aies t une physicienne accomplie, Marie Curie, alors que tu navais pas le droit de vote, tout cela et bien dautres actes hroques ou obscurs ne nous vaudra ni dignit ni scurit. Cest un ministre qui la dit. Non, pas au Moyen-ge. Pas au XIXe sicle non plus, vous ny tes pas. En 1973. Il sadressait vous et moi pour nous redire aprs tant dautres que toute valeur pour la femme ne peut procder que de lhomme.(Benote Groult, Ainsi soit-elle, 1975.)

/IV/ Lauteur sadresse aux lves dun lyce. Relevez toutes les marques qui indiquent la prsence de largument dans le texte. En quoi la thse dveloppe par lauteur peut-elle sduire un jeune public ?

Cest vous maintenant, chers jeunes gens, daborder lexistence, et bientt les affaires. La besogne ne manque pas. Dans les arts, dans les lettres, dans les sciences, dans les choses pratiques, dans la politique enfin, vous pouvez, vous devez considrer que tout est repenser et reprendre. Il va falloir que vous comptiez sur vous-mme beaucoup plus que nous autres navions le faire. Il faut donc armer vos esprits ; ce qui ne veut pas dire quil suffit de sinstruire. Ce nest rien que de possder ce quon ne songe mme pas utiliser, annexer sa pense. Il en est des connaissances comme des mots. Un vocabulaire restreint, mais dont on sait former de nombreuses combinaisons vaut mieux que trente mille vocables qui ne font quembarrasser les actes de lesprit. Je ne vais pas vous offrir quelques conseils. Il ne faut en donner quaux personnes trs ges, et la jeunesse sen charge assez souvent.(Paul Valry, Discours de lHistoire, 1932.)

22

/V/ Le texte suivant est du type explicatif. Quels dtails indiquent que la volont de lauteur nest pas de dcrire mais de faire comprendre un fonctionnement ?

Un moulin vent, cest dabord une maison, une vraie maison o gte matre meunier. Mais cette maison ne ressemble aucune autre. Dabord elle dresse solitairement lcart du village, au centre du pays plat cralier. Cest souvent une tour de bois, pose sur un socle de maonnerie en forme de tronc, de cne ou de pyramide Mais cette tour travaille et, pour ce faire, elle a des ailes. Et elle est capable de pivoter sur son socle afin de faire face toute la rose des vents. Un cercle de bornes saillantes lentoure comme un cadran solaire. Le meunier y prend appui pour dplacer la queue du moulin, et avec elle tout ldifice.(Michel Tournier, Petites proses, 1986)

/VI/ Lemploi des temps est lune des caractristiques qui permet de diffrencier le texte narratif du texte descriptif. Conjuguez comme il convient les verbes du passage suivant soit limparfait, soit au pass simple. En voyant lavou, linconnu [tressaillir] par un mouvement convulsif semblable celui qui chappe aux potes quand un bruit inattendu vient les dtourner dune fconde rverie, au milieu du silence et de la nuit. Le vieillard [se dcouvrir] promptement et [se lever] pour saluer le jeune homme ; le cuir qui [garnir] lintrieur de son chapeau tant sans doute fort gras, sa perruque y [rester] colle sans quil sen apert, et [laisser] voir nu son crne horriblement mutil par une cicatrice transversale qui [prendre] locciput et [venir] mourir lil droit, en formant partout une grosse couture saillante.Honor de Balzac, Le Colonel Chabert, 1832.

23

/VII/ Le texte descriptif situe dans lespace lobjet dcrit. Relevez les repres spatiaux du texte qui suit.

Un croiseur traversait lentement la baie, se dirigeant vers lItalie, les deux bras de lhorizon semblaient le tenir dans un tablier bleu ; une colonne de mouettes montait du rivage, la fois immobile et anime ; derrire la vitre, un moineau avait lair, dans ce cadre grandiose, dune ngligence, dun simple oubli.(Romain Gary, Les Clowns lyriques, 1979.)

24

Leon 5 Les actes de langage /I/ La parole et laction Lorsquon prend la parole, oralement ou par crit, on effectue en mme temps un acte, qui peut ntre pas sans consquences pour linterlocuteur et pour soi-mme. En effet, parler, cest souvent agir. Chaque fois quon promet, quon sengage, quon flicite, quon accuse, quon condamne, quon absout, quon ordonne, quon interdit, etc., les paroles quon prononce sont autant dactes qui engagent le destin dun autre ou de soi-mme. Par exemple, si je dis un ami : Je te promets de taccompagner au supermarch ce soir, cette promesse est un acte qui engage dans un sens dtermin ma conduite venir. Quand le juge dit un accus : Je vous condamne trois mois de prison, cette dclaration a des consquences (immdiates) sur laccus. Ce sont l des noncs dont la ralisation (lnonciation) quivaut un acte. De l limportance dune bonne matrise de la langue, permettant dajuster exactement ce quon dit ce quon pense et ce quon veut. Chacun de ces actes de parole peut se raliser laide de tournures diffrentes et quivalentes, selon ses objectifs prcis, et les rapports entre les interlocuteurs. La langue franaise dispose de variantes pour un mme acte de parole. Linventaire des actes de parole est infini. Mais certains sont trs frquents dans la vie quotidienne. On peut dune part, essayer de les classer selon la nature de lacte, et dautre part tudier les squences quils forment en senchanant les uns aux autres dans des situations donnes. /II/ Comment classer les actes de langage et les noncs qui leur correspondent ? Il faut distinguer : 1. Lobjectif de la communication (ex. : faire faire quelque chose par quelquun ou laisser faire quelque chose par quelquun.) 2. Lacte de langage (conseiller, inviter, ordonner, contraindre, suggrer, etc.); 3. Les noncs possibles pour un mme acte.

Objectifs A-faire faire (ou ne pas faire)

Actes proposer, suggrer

Enoncs possibles Si tu venais dner la maison ? a te ferait plaisir de venir dner la maison ? tu pourrais venir la maison ... je tu suggre de venir dner la maison. je vous conseille de garder le silence l - dessus.

conseiller,

25

recommander

Gardez le silence l - dessus , si vous men croyez . Si jtais votre place , je garderais le silence l - dessus . Pas un mot l-dessus , croyez-moi . Ne fumez pas ici. Dfense de fumer. Eteignez vos cigarettes, je vous prie. Il est interdit de fumer ici.

Interdire, dconseiller

permettre, autoriser B- laisser faire dispenser

Je vous permets de sortir. Vous pouvez sortir. Sortez si vous voulez. Je vous dispense de monter la garde. Ce nest pas la peine de monter la garde. Je ne vous oblige pas monter la garde. Vous pouvez vous dispenser de monter la garde.

3-Comment tudier la succession des actes de langage dans une conversation, un dialogue ? Toute situation de communication relle est complexe. Elle se construit comme une srie dactes de parole, changs par les interlocuteurs, selon les rgles respectes par la socit (saluts, prsentations, questions-rponses, formules de politesse, etc.). Par exemple : un touriste dans une gare cherche des informations... Paroles- Bonjour Monsieur. - Bonjour Monsieur. Que dsirez-vous? - Sil vous plat, quelle heure part le train pour Lyon ? -Lequel Monsieur, lexpress ou lomnibus? - Lexpress. - A 15h50, Monsieur. - Je vous remercie. - Je vous en prie. - Au revoir, Monsieur.

Actes de paroleSalut de dbut de dialogue Rponse au salut. Offre de service. Demande dinformation. Demande de prcision sur la nature de linformation recherche Rponse la prcdente demande. Fourniture de linformation demande. Remerciements. Rponse code au remerciement. Salut de fin de dialogue.

26

Exercices/I/ A quels actes de langage correspondent les phrases suivantes ?

1. Bonjour, monsieur. 2. Je mappelle Salem Ahmed. 3. Excusez-moi, monsieur, pourriez-vous me donner du feu ? 4. Le jury, aprs avoir dlibr, vous dcerne le grade de docteur s-lettres. 5. Dcampez ! 6. Ah ! cher ami, quel artiste vous tes ! /II/ Mme exercice 1. Je ne veux pas y aller. 2. Je vous promets dintervenir auprs du ministre. 3. Le prochain avion pour Dammam dcolle 18h50. 4. Le service est compris dans laddition. 5. Entre interdite. 6. Vous pouvez visiter le studio denregistrement./III/ Relevez les diffrents actes de langage raliss dans la conversation suivante. La scne se passe sur un chantier de construction.

- Bonjour, monsieur. - Salut , mon gars. - Il y a de lembauche, par ici ? - Pourquoi ? Vous cherchez du travail ? - Oui, vous avez quelque chose ? - Ah ! non, mon vieux. Lquipe est au complet. - Dommage ! - Quest-ce que vous savez faire ? - Jai mon C.A.P. de pltrier. - Ecoutez, je nai rien vous proposer pour le moment. Mais repassez donc dici une huitaine de jours, on ne sait jamais. - Bon, merci. A la semaine prochaine, alors. - Oui, salut, et bonne chance!/IV/ Imaginez un dialogue qui fera succder les actes de langage suivants :

Salut de dbut de dialogue. Rponse au salut. offre de service. Demande dinformation. Demande de prcision sur la nature de linformation recherche. Rponse la prcdente demande. Fourniture de linformation demande.

27

Remerciements. Rponse code au remerciement. Salut de fin de dialogue./V/ Il arrive parfois quon veuille faire comprendre le contraire de ce quon semble dire : cest le mcanisme de lironie. Comment signifierez-vous, de faon ironique :

1. Cest malin ! 2. Quel vilain temps ! 3. Voil un coup rat. 4. Ce quartier est bruyant. 5. Ce que tu dis nest pas trs spirituel. 6. Quelle beaut ! 7. Quelle lgance !/VI/ Un personnage A sollicite un service dun personnage B . Imaginez deux variantes de cette situation de communication, en indiquant avec prcision et vraisemblance lidentit, lge, le mtier de chaque personnage, et les circonstances de la dmarche.

28

Leon 6 Les registres de langue La langue franaise n est pas un bloc homogne. Les expressions lexicales (vocabulaire) et syntaxiques (grammaire) des ides et des sentiments sont trs varies. Un exemple. Gniale, ta baraque ! (registre familier), Tas une belle maison ! (registre courant), Tu as une fort belle demeure ! (registre soutenu). Lusage des ressources de la langue varie selon plusieurs facteurs qui peuvent agir sparment ou en se cumulant : lge, le milieu, le degr de culture, la situation de communication, les objectifs de communication et, lcrit, les intentions de lauteur. On peut distinguer trois registres (ou niveaux) 1- Le registre standard (courant) Cest celui que lon emploie, loral comme lcrit. Il est moins spontan que le registre familier, mais il est plus spontan que le registre soutenu. Cest celui de la conversation, des situations de la vie quotidienne ou de la correspondance entre personnes qui nont pas de relations de familiarit, qui ne se connaissent pas ou peu, des articles de journaux, de linformation radiophonique ou tlvise, de la publicit, du discours scientifique, de la narration conventionnelle , roman, nouvelle, de lenseignement... Le vocabulaire est celui des dictionnaires usuels; il est compris du plus grand nombre sans difficult. la grammaire suit les rgles enseignes dans les manuels. Au fond, cest le registre qui passe inaperu. Il existe un usage standard technique, qui est celui des changes professionnels entre spcialistes dune science ou dune technique. Leur grammaire est la grammaire usuelle, mais chaque spcialit (mdecine, astronautique, tlvision, industries diverses, etc.) dispose de son vocabulaire propre, peu connu, et en tout cas peu employ par les non spcialistes. 2- Le registre soutenu ou soign Il nest jamais spontan et demande des efforts particuliers dattention et de recherche pour bien parler ou bien crire. Cest celui de la production crite ou littraire; des discours ou textes prononcs en public. Il requiert une connaissance approfondie des ressources de la langue, tant sur le plan de la syntaxe (phrases complexes, rgles classiques de concordance des temps, emploi de certains temps du subjonctif...) que sur le plan du lexique (vocabulaire recherch, rare, littraire, technique...)

3- Le registre familier Le registre familier est celui dune parole spontane. Cest celui de la conversation en famille, entre camarades, dans la vie de tous les jours, sur le stade, dans la rue, au

29

bureau, etc. Cest un modle plutt oral qui comporte souvent des fautes au regard de lusage correct. Il comporte lui -mme plusieurs degrs, dont lusage est li la situation de 3.1 Le registre populaire. a. Vocabulaire : beaucoup dinterjections, de termes et de locutions argotiques, dexpressions images (hyperbole, redondances, etc.), de plaisanteries, dintonations expressives. b. Grammaire : suppression de ne dans les tournures ngatives, emploi de on la place de nous de y la place de lui, tutoiement, nombreuses rptitions, usage frquent de la phrase segmente (Alors jy ai dit, alors i ma dit, etc.), enchanement des phrases par juxtaposition ou par coordination. 3.2. Le registre vulgaire : mmes caractristiques que le registre populaire, avec plus de plaisanteries grossires, voire dexpressions ordurires. 3.3. Le registre argotique : emploi dun vocabulaire cod, inconnu ou mal connu du grand public (propre aux truands, aux loubards, etc.)Le lexique Registre courant Registre familier Vocabulaire usuel, gnralement partag Vocabulaire rduit, rptitif ; usage frquent de lonomatope; intonation expressive ; expressions images ; mots incomplets ; termes populaires, vulgaires et argotiques Les formes verbales Temps simples de lindicatif , subjonctif prsent Temps restreints de lindicatif : prsent, futur et pass compos La construction de la phrase Phrase simple, phrase complexe de longueur rduite Nombreuses entorses la syntaxe ; ruptures de construction ; constructions incompltes ; phrases segmentes ; suppression de ne ; enchanement des phrases par juxtaposition ou par coordination ; emploi de on la place de nous de y la place de lui Phrase complexe souvent longue ; constructions rigoureuses et recherches ; nombreux dterminants ; nombreuses subordonnes

Registre soutenu

Vocabulaire prcis et nuanc ; nombreuses rfrences la culture ; mots composs ; refus du franglais , des termes imports rcemment

Tous les temps, tous les modes ; temps simples et composs ; usage de la concordance des temps

Ces indications sont en apparence commodes, mais en ralit discutables, car elles impliquent un jugement social et moral sur les manires de celui qui parle. Le thtre et le roman sefforcent souvent de reproduire les divers registres de lusage familier ou populaire, par souci dauthenticit et dexpressivit. dans la reprsentation des types psychologiques et sociaux et des formes diverses de la communication dans la socit moderne. Emploi dans les textes Les registres de langue peuvent tre considrs de deux manires :

30

1. Le point de vue normatif les classe en registres corrects et incorrects. De ce point de vue, il y a donc des registres quon doit viter demployer dans la mesure du possible. 2. Le point de vue descriptif les analyse comme des ressources de la langue. Matriser sa langue, cest pouvoir employer les diffrents registres selon les situations de communication. Dans les textes, on peut rencontrer linfluence de deux points de vue : * Lauteur sen tient la norme et sinterdit demployer des registres incorrects ou registres bas. * Lauteur joue sur toute la gamme des registres, en fonction de ses personnages et des situations o ils se trouvent. Cela le conduit donc souvent jouer sur les registres marqus, ceux quon peut distinguer : le registre familier et le registre soutenu. En effet, le langage permet lui seul de situer socialement le personnage et mme de le caractriser psychologiquement. Le lecteur doit reprer les passages o ces registres sont employs, apprcier comment ils conviennent aux situations de communication. Comment accder au langage soign 1. Substitution de mots dautres de mme espce (synonymie courante) Eviction dun mot vulgaire ou commun au profit dun mot plus relev. Le verbe engueuler, par exemple, frquemment employ, voque lanimal (la gueule tant la bouche de certains animaux). Ne conviendrait-il pas, ds lors, de le remplacer par un autre verbe moins animalier ? Exemples : - gronder : familier - rabrouer : courant - reprendre : courant - rprimander : courant - sermonner : courant - houspiller : courant - semoncer : soign - tancer : soign - chapitrer : soign Remplacement dun verbe par une locution verbale Exemples : - affronter faire face - aider venir en aide, prter main forte - embarrasser mettre dans lembarras - nuire porter prjudice - rsister tenir tte - satisfaire donner satisfaction - se dcourager baisser les bras - envoyer faire parvenir 2. Substitution de groupes de mots dautres de mme fonction. Exemples pour indiquer un point de vue :31

- question conomie : langage familier - conomiquement parlant : langage familier - au niveau conomique : langage courant - au point de vue conomique : langage courant - en ce qui concerne lconomie : langage courant - du ct conomique : langage soign - sur le plan conomique : langage soign - sagissant de lconomie : langage soutenu. 3. Nominalisation base adjective - Ses ractions sont rapides, il a vit le danger grce cela. Il a vit le danger grce la rapidit de ses ractions. - Lexercice tait simple, cela a surpris les tudiants. La simplicit de lexercice a surpris les tudiants. - Les fruits sont abondants en t, cela fait plaisir. Labondance des fruits en t fait plaisir. - Ces deux commerants sont concurrents, cela profite aux consommateurs. La concurrence entre ces deux commerants profite aux consommateurs. - Il tait gravement malade, il na pas pu passer son examen. La gravit de sa maladie lavait empch de se prsenter lexamen. - Il a un regard franc. La franchise de son regard... - Son discours fut bref. La brivet de son discours... 4. Adjectivation dadverbes : Exemples : - Il tait trs fatigu. Sa fatigue tait extrme. - Il semblait parler facilement. Sa parole nous paraissait aise. - Il fait souvent des erreurs. Ses erreurs sont frquentes. 5. Nominalisation base verbale Verbes + adverbe Complment nominal + adjectif On avait dcid de renvoyer le renvoi dfinitif des ouvriers dfinitivement les ouvriers. Conjonction + subordonne Prposition + complment nominal circonstancielle A leur arrive... Grce son dvouement... Quand ils arrivrent... Parce quil tait dvou... Phrase complexe Phrase simple Et comme il se trompait sans arrt, il a Ses erreurs incessantes (rptes) ont videmment entran son licenciement. t rapidement limog. Verbes dclaratifs + conjonctions Un verbe plus expressif Il dit que cette maison lui appartient. Il revendique la proprit de cette maison. On lui prte un certain talent. On dit quil a un certain talent. Il impute cet accident mon Il dit que cet accident est d mon imprudence. imprudence. 32

(phrases complexes)

(phrases simples)

33

Exercices/I/ Mme thme, trois langages diffrents : pouvez-vous reprer dans les trois textes qui suivent, les lments communs et les diffrences de style ?

Texte 1 Ah ! quels coups durs on a supports, ma petite. Enfin, a y est. Dans le ciel, l-haut, on nous rend justice Cest pas trop tt Cest le grand chambardement en Aragon. Les Aragonais se battent presque tous pour nous. La dictature, fini ! Et on va rcuprer ce que ces salauds de putschistes nous ont vol. Quelle honte, ce rgime ! Et les injustices la pelle ! Terminus quy z ont dit, les Aragonais Et y zont rtabli la loi. La ntre. Ils reconnaissent leurs reines, les Aragonais. Texte 2 Aprs tant de malheurs, ma fille, Dieu se montre enfin favorable : il sest rsolu nous rendre justice. Les Aragonais, dans leur quasi majorit, se sont rvolts en notre faveur. Ils reprennent nos tyrans ce quils nous avaient pris. Ils brisent nos fers, mettent fin linjustice et la honte. LAragon rtablit nos lois, lAragon reconnat ses reines. Texte 3 Aprs tant de malheurs, enfin le ciel propice Sest rsolu, ma fille, nous rendre justice ; Notre Aragon, pour nous presque tout rvolt, Enlve nos tyrans ce quils nous ont t, Brise les fers honteux de leurs injustes chanes, Se remet sous nos lois, et reconnat ses reines.(Corneille, Don Sanche dAragon, 1650.)

/II/ A quel registre de discours pouvez-vous situer ces noncs ?

1. Une fois, Saint-Lazare, tu sais, les gens descendent, et puis faut aller tourner la place, alors, tu sais, un bus, a ne tourne pas comme une voiture... Un taxi, il vient, il allait se mettre l-bas. Il sarrte juste ras de moi, comme a. 2. Nadine et sa mre prparent le repas dans la cuisine; papa vient darriver; il est assis dans un fauteuil et lit le journal, en fumant sa pipe. 3. La lune son dclin profilait au bord de lhorizon sa silhouette de faucille au milieu de ces semailles infinies de grains luisants jets poigne dans lespace.

34

4. Un flingue sest tu, puis un autre. Roman est sorti, un peu cass, la main gauche sur le bide, un colt au bout du bras droit. La pluie qui tombait dru lui dlayait le raisin sur la tronche. Ca semblait pisser du crne gros bouillons. 5. La ractivit aux bruits un peu intenses est considrable ds la naissance et le bb sursaute trs facilement. Ce nest pas une raison pour penser quil est nerveux . Il est simplement trs sensible aux bruits un peu forts, ressentis sans doute douloureusement. Il a demble une prdilection pour la voix fminine et une sensibilit particulire pour certaines plages sonores. Il reconnat la voix de sa mre ds lge de trois semaines, et celles des autres personnes de lentourage peu de semaines plus tard. Jai suivi un bb qui, ds lge de sept semaines, fermait les yeux et rentrait la tte en entendant la voix du frre an de deux ans qui lagaait en permanence./III/ Relevez dans le texte qui suit, les traits de langage familier.

Jai soixante-neuf ans et je cultive cent soixante-dix hectares. Tous les matins, je me lve six heures. Mes compagnons viennent manger et je fais chauffer le caf. La patronne se lve aprs, tout doucement. Pendant que mes ouvriers djeunent, je prends seulement du caf et on cause du boulot de la veille, do on en est, de ce quon va faire. Quand ils savent leur travail de la journe, je vais curer mes deux vaches. Si jai encore deux vaches, cest parce que je veux pas tre cultivateur et aller au lait chez le voisin. Je peux pas lui dire : Jai plus de vache parce que a me rapporte pas. Pourquoi est-ce quil me vendrait du lait, alors ? Curer les vaches, a me met en train. La patronne vient tirer quelques litres de lait pour la maison et aprs, je fais boire les veaux. Tout en faisant mon ouvrage, jentends les tracteurs qui dmarrent./IV/ Observez ce texte de Guy de Maupassant, choisi pour son registre familier:

Vla laffaire. Jtions embusqu lEperon quand quque chose nous passe dans le premier buisson gauche, au bout du mur. Mailloche y lche un coup, a tombe. Et je filons, vu les gardes. Je peux pas te dire ce que cest, vu que je lignore... -Cest-i pas un chevreuil ? - a speut bien, a ou autre chose? Un chevreuil ?... oui...Cest pt-tre pu gros ? Comme qui dirait une biche. Oh ! jte dis pas que cest une biche, vu que jlignore, mais a speut !/V/ Les synonymes ci-dessous, groups par sries, appartiennent soit au registre courant (C), soit au registre familier (F), soit au registre argotique (A), soit au registre soutenu (S). Classez-les en mettant le signe (X) dans la colonne concerne. C dtriorer abmer35

A

F

S

esquinter agriculteur cultivateur bouseux amant amoureux flirt mec gigolo accoucher enfanter dpoter loge pangyrique dithyrambe apologie peur frousse trouille chocottes terreur dupe victime dindon gogo

/VI/ Voici une liste de mots et dexpressions du registre courant. En vous aidant dun dictionnaire, cherchez le maximum de synonymes dans les registres familier et soutenu. Que constatez-vous ? Quels termes, quelles expressions vous semblent les plus riches de sens ?

Avoir trs chaud, avoir trs froid, battre quelquun, voler (quelque chose quelquun), voyager, regarder quelquun, manger, rencontrer quelquun.

/VII/ Voici une liste de mots et dexpressions du registre familier. En vous aidant dun dictionnaire, cherchez le maximum de synonymes dans les registres courant et soutenu. Que constatez-vous ? Quels termes, quelles expressions vous semblent les plus riches de sens ?

se marrer, se gourer, rigoler, se barrer, faire des conneries, dconner, y en a marre, en avoir marre de, tre branch, gagner sa crote, un pieu, potasser./VIII/ Voici une liste de mots et dexpressions du registre soutenu et littraire. En vous aidant dun dictionnaire, cherchez le maximum de synonymes dans le registre courant. Que constatez-vous ? Quels termes, quelles expressions vous semblent les plus riches de sens ?

marri, bigarr, essuyer un camouflet, une clrit, crne, derechef, infrer, incurieux, pitre, un homme lige, un lucre, madr, mander, obsolte.36

/XIX/ Observez ces deux textes. Quel registre de langue dominant caractrise chacun deux ? Relevez les caractristiques du registre dominant dans chaque texte : caractristiques lexicale, syntaxiques et morphologiques.

Texte 1 La nature sest une nouvelle fois dchane, hier, dans le nord des Philippines autour du volcan Pinatubo, entr en ruption il y a sept jours aprs six sicles dinactivit. Une tempte tropicale a dclench des pluies diluviennes entranant des flots de boue et de cendres, pendant que le volcan redoublait dactivit. Lnorme masse de nuages gris-noirs, cribls de cendres volcaniques, a fait tomber une nuit artificielle en milieu daprs-midi jusqu Maille, situe 80 kilomtres au sud. Le trafic arien y a mme t interrompu en raison des ventuelles pannes que pourrait provoquer le cendre infiltr dans les racteurs des avions.(Sud-Ouest Dimanche, 16 juin 2001)

Texte 2 Enfin on partit, tous en chur entasss ; cette anne pour bien que tout le monde profite de la voiture et se rende compte que le pre en avait une, personne navait t mis la colonie, au diable lavarice. Papa conduisait comme un cochon ; tous les autres chauffards de la route le lui faisait remarquer, et javais les jetons chaque fois quil essayait de doubler une bagnole ; ctait une vieille traction ce quon avait, il disait que a devait doubler tout. Chaque fois quun de ces excits sortait sa sale gueule de sa quincaillerie pour le traiter de connard, son an rougissait ; il avait honte de son pre ; et depuis le dbut il tait en fureur parce quon lavait jamais laiss toucher la prcieuse mcanique ; ctait un point sur lequel le pre ne cdait pas. Toutes les vingt-cinq bornes Patrick demandait quon lui laisse le volant, rien quun peu, et le pre rpondait fermement que non. Merde, je ferais au moins aussi bien que toi, dit Patrick, humili une fois de plus car le pre venait de se faire agonir par un quinze tonnes.(C. Rochefort, Les Petits enfants du sicle)

37

Mots et tournures familiers, populaires et argotiques Andouille : niais, imbcile / tourdi, dissip, irrflchi. Avoir aval sa langue : garder le silence. Avoir du pot : avoir de la chance. Avoir la langue bien pendue : parler beaucoup. Avoir la langue trop longue : ne pas savoir garder un secret. Avoir la bougeotte : avoir la manie de bouger ; avoir lhabitude de se dplacer, de voyager. Avoir le bourdon : tre triste. Avoir les boules : tre angoiss, dprim ou exaspr. Avoir la trouille : avoir trs peur. Bouffer : manger. Casser les pieds quelquun : limportuner. Casser le cou, la figure, la gueule quelquun : le battre, le rosser. Casser sa pipe : mourir. Citron : tte. Coter les yeux de la tte/coter la peau des fesses : coter cher. Cracher : payer. Dbile : idiot, imbcile, stupide, infantile Dgonfler (se) : renoncer faire quelque chose. Emmerder qqn. : lennuyer, limportuner. En avoir ras le bol : en avoir assez. tre en boule : se mettre en colre. Etre fauch/ne pas avoir un rond/ne pas avoir un radis : tre sans argent. Etre un richaud /tre bourr de fric/rouler sur lor : avoir de largent. Faire du fric/gagner son bifteck/gagner sa vie : gagner de largent. Faire (se) la valise : partir. Faire (se) plumer/se faire taper : se faire dpouiller, se faire voler. Flic(un)/un poulet : un policier. flingue(un) : un fusil, un revolver. Flinguer : tirer avec une arme feu sur qqn. Fous-moi la paix : laisse-moi tranquille. Jeter largent par les fentres/tre un panier perc : dpenser de largent. La flotte : leau. La grande bleue : la mer. Mettre de largent de ct/tre regardant : faire des conomies. Ne te casse pas la tte : ne te fatigue pas. Panier salade : voiture de police. Perdre la boule : saffoler, devenir fou. Piger : comprendre, saisir. Pour des prunes : pour rien. Salaud : malhonnte. Savate(une) : quelquun qui est mou, sans personnalit. Sucer les fraises : tre vieux.

38

Leon 7 Pjoratifs et mlioratifs On appelle pjoratif (du latin pejor = plus mauvais) un mot (ou une expression) qui contient une nuance de sens qui dprcie la personne, la chose ou laction dsignes. A linverse, un mlioratif (du latin melior = meilleur) valorise ce quil dsigne. Pjoratifs et mlioratifs se distinguent donc par leur valeur apprciative. Ex. maison est un mot de valeur neutre. A ce mot correspondent: - des mots pjoratifs comme : masure, baraque, bicoque; - et des mots mlioratifs comme : demeure, rsidence, palais. Pjoratifs et mlioratifs sont donc des moyens dexpression indispensables : ils servent mettre des jugements de valeur. Ex. Lorsquon dit dun chanteur quil braille, on na plus besoin dajouter de commentaire sur son talent...Le mot en lui mme est suffisamment pjoratif. Inversement, il suffit souvent, dans le domaine publicitaire par exemple, de qualifier un produit de nouveau ou de naturel, ou de jeune, pour quil ait du succs. Ces trois mots ont aujourdhui une valeur nettement mliorative. On voit donc que le choix des mots est essentiel puisquil traduit notre jugement, nos penses, nos gots, nos sentiments. /I/ La formation des pjoratifs et des mlioratifs 1. Les mots pjoratifs sont le plus souvent obtenus partir de mots de valeur neutre auxquels on ajoute un suffixe pjoratif. Les principaux suffixes pjoratifs sont : - ard : Un tranard, un vantard, un chauffard. - asse : fadasse, tidasse, rvasser. - ichon : plichon, maigrichon, - tre : verdtre, belltre, martre. 2. Ce peut tre aussi le mot qui, lui seul, donne une nuance pjorative ou mliorative : Ex. un festin est un repas somptueux; - un cancre est un mauvais lve 3. Dans certains cas, un terme peut tre doublement pjoratif : Ex. Hommasse pour caractriser une femme; femmelette pour qualifier un homme. 4. De nombreux pjoratifs sont enfin obtenus par emprunt au vocabulaire familier ou argotique. Le changement de registre de langue suffit discrditer lobjet ou la personne dsigns. Ex. une voiture une guimbarde, une chignole, une bagnole, un tacot (= une vieille et mauvaise voiture) ; un homme naf un gogo (homme crdule et niais, facile tromper). Inversement, le recours au registre soutenu permet de valoriser ce que lon nomme. Ex. une boisson un nectar ; un groupe dimmeubles une rsidence /II/ Les degrs dapprciation Les mlioratifs expriment une valeur positive; les pjoratifs expriment une valeur ngative. Ex. : Epatant ! Nul !39

Mais cette opposition nest pas toujours aussi nette. Il existe de nombreuses nuances intermdiaires. La diffrence de degr dans la valeur pjorative ou mliorative peut dpendre : a. de la personne qui exprime son jugement ou son sentiment. Ex. un professeur peut qualifier une copie de mdiocre et signifier par l que le devoir est moyen (cest le sens tymologique). Mais, pour un autre, le qualificatif prendra lacception ngative de mauvais . b. de lpoque laquelle est exprim ce jugement ou ce sentiment Ex. jusquau XIXe sicle, le mot misrable navait pas la valeur pjorative quil a aujourdhui; il dsignait celui qui est dans la misre, le malheureux (comme dans le roman de Victor Hugo : Les Misrables). Il convient donc dtre prcis dans lexpression des nuances pjoratives et mlioratives, et prudent dans linterprtation des divers degrs de la dprciation et de la valorisation. /III/ Limportance du contexte Il est parfois difficile de savoir dans quelle mesure un mot dprcie ou valorise un objet ou une personne. En effet, le mot peut tre neutre en lui-mme, mais prendre une nuance pjorative ou mliorative selon son contexte. Par exemple, les mots ambition ou artiste ont, suivant les cas demploi, une valeur plus ou moins positive. Les phrases : Cest un jeune homme plein dambition ou Cest un artiste ! ne disent pas si la personne qui les prononce est favorable ou non lambition, si elle mprise ou estime les artistes. Seul le contexte permet de le deviner. Ce contexte peut tre : 1. la connaissance que nous avons de la personne qui sexprime; 2. des propos similaires quil a dj tenus; 3. un commentaire qui claire son point de vue, etc. A loral, la nuance pjorative ou mliorative est plus facile percevoir : le ddain ou ladmiration seront exprims par lintonation ou les mimiques.

40

Exercices/I/ Dans cette liste, quels sont les mots nettement pjoratifs ? Quels sont ceux qui ne deviennent pjoratifs que dans un certain contexte? Faites pour chacun deux phrases qui soulignent leur double valeur.

rustaud - charlatan - mangeaille - rustique - lourd - courtisan - rvasser - balourd/II/ A partir des mots suivants, quels mots pjoratifs peut-on former par suffixation ?

crier - jaune - brave - traner - violet - court - gueuler- geindre - brailler - mou/III/ Ces mots pjoratifs ont t forms par suffixation. En vous aidant dun dictionnaire, recherchez leur origine et le mot dont ils sont la transformation.

- canaille - pitaille - gommeux - paillard - lavasse - pendard ./IV/ A quels verbes de valeur neutre correspondent ces pjoratifs ? Classez - les selon quils drivent ou non du terme neutre correspondant.

- saccoutrer - samouracher - gesticuler - mchonner - se pavaner - prorer pleurnicher - rabcher - tranasser/V/ Dans le texte suivant, remplacez les mots entre parenthses par les pjoratifs qui conviennent :

Tout avait commenait un matin (gris). Un (homme) trange tait entr dans la boutique de Mme Hortense en faisant retentir la sonnette (aigu). Il tait (vtu) dune veste trs (cintre) et son teint tait (ple) sous la lumire (vive) du non. Dune voix (nasale) et dun ton (ferme), il a (demand) un paquet de cigarettes. Il a (prsent) un billet de dix francs quil a extrait de son portefeuille dun geste (lent). Puis, aprs avoir repris sa monnaie et dit un (discret) merci, il sest dirig vers la porte quil a ouverte et referme avec (force)./VI/ Notre poque juge pjoratifs les mots de cette liste. Par quels euphmismes remplace-t-on aujourdhui ces mots ? (Un euphmisme est un mot qui attnue ce quune ralit a de choquant.)

- aveugle - sourd - chmeur - vieux - concierge - domestique - ngre/VII/ En vous aidant dun dictionnaire, cherchez si ces mots taient autrefois pjoratifs comme il le sont aujourdhui :

- vulgaire - mdiocre - pitre - bent - vilain - une commre./VIII/ Ces mots, de sens neutre quand ils sont employs hors de tout contexte, peuvent tre utiliss comme pjoratifs. Que dsignent-ils alors.

un requin - un picier - un clou - un cornichon - un chameau- une dinde.41

Leon 8 Sens propre et sens figur - Donne-moi de quoi crire, Ahmed, sil te plat ! - Tiens, voil une feuille et un stylo La feuille dont parle Ahmed nest pas, bien sr, une feuille darbre, mais une feuille de papier sur laquelle on peut crire. Pourquoi le mot feuille dsigne-t-il des ralits aussi distinctes ? Cest parce qu cause dune certaine proprit commune, on a transform sur un nouvel objet un mot qui en dsignait un autre : feuille ( darbre ) [ minceur ] feuille ( de papier ) Mais lorsquon emploie ce terme propos du papier, on ne songe plus du tout cette analogie. De mme on oublie que le cur est lorgane de la vie pour ne retenir que le sens de ensemble des sentiments quprouve une personne . On appelle sens figur le sens quun mot peut prendre, en plus de son sens propre. Ex. avoir une maladie de cur Ici le mot cur dsigne lorgane de la vie. Il est utilis au sens propre. Ex. avoir bon cur . Cette expression signifie tre gnreux; le mot cur est utilis au sens figur. Comment expliquer quun mme mot ait un sens propre et un ou des sens figur(s) ? Lexistence des sens figurs dans une langue rpond deux exigences fondamentales : 1- Une ncessit dconomie : si chaque mot ne possdait quun seul sens, les mots dune langue seraient innombrables. 2- Le besoin qua notre esprit de recourir au concret quand il veut se reprsenter des abstractions, se les figurer. Ainsi, on dira dun homme droit quil sattache la vrit, quun crivain manque dinspiration, etc. /I/ Les changements de sens Le sens propre dun mot est aussi appel : sens premier. Cest partir de ce sens premier que lemploi sest tendu dautres domaines et que le mot a pris un ou des sens figur(s). Parfois, le sens premier du mot a t oubli; seul le sens figur est rest dans lusage. Ex. le mot tte vient du latin testa qui signifiait pot de terre ! Lemploi du mot au sens figur est d la ressemblance de forme qui existe entre un pot de terre et...une tte ! Mais cette association a t rapidement oublie et le mot nest pass dans la langue que dans son sens figur. Dans la plupart des cas, sens propre et sens figur coexistent, chacun sappliquant un domaine particulier. Ex. le gel : phnomne mtorologique; le gel des armements : larrt de la course aux armements. Gnralement, nous navons plus conscience du passage du sens propre au(x) sens figur(s); nous employons le mot tantt au sens propre, tantt au sens figur, selon le contexte, comme sil sagissait de deux sens tout fait diffrents. Ex. cette viande est tendre ; cette maman est trs tendre avec ses enfants.42

Lexistence dun sens propre et dun sens figur est un cas particulier de la polysmie dun mot. /II/ Le passage du sens propre au sens figur Les cas les plus frquents de passage du sens propre au sens figur sont: a. le passage de la ralit concrte la notion abstraite. Ex. endosser un manteau = le mettre son dos, le porte endosser la responsabilit = la prendre son compte, lassumer. b. le transfert par analogie ou ressemblance. Ex. les dents a) sens premier : celles de la mchoire; b) sens figur : celles du peigne, du rteau, etc. c. le transfert par analogie entre deux sensations. Ex. Un spectacle savoureux, un ton sec. A lorigine de ces emplois figurs, il y a le plus souvent une mtaphore, cest--dire une image qui associe deux ralits entre elles en les comparant de faon sousentendue. Dans la plupart des cas, le sens figur est une mtaphore passe dans lusage et qui nest plus perue comme une cration originale. Pourtant, le sens figur peut parfois tre rajeuni :- Il est des parfums frais comme des chairs denfants, - Doux comme les hautbois, verts comme les prairies[...] (Baudelaire)

Ces vers suggrent des correspondances entre les diffrentes sensations et donnent aux adjectifs que nous avons mis en italique une grande richesse smantique (cest--dire une grande richesse de signification).

43

Exercices/I/ En vous aidant dun dictionnaire, retrouvez le sens propre de ces mots dont nous nutilisons plus que le sens figur :

Talent - scrupule - flau - empcher - arriver - leurrer - niais - berner ./II/ Donnez le sens actuel de ces locutions figures et dites quels domaines elles ont t empruntes lorigine :

Crever labcs - tre aux abois - revenir la charge - tre dans le ptrin - tre au bout du rouleau - mordre la poussire - tre en butte - battre son plein/III/ Au sens propre et au sens figur, un mot nappartient pas toujours au mme niveau de langue. Etudiez cette diffrence pour les verbes suivants :

Crever - balancer - dbiter empoisonner - drailler - encaisser - plucher./IV/ Ces mots sont utiliss au sens propre dans le vocabulaire scientifique et technique. Employezles dans une phrase o ils auront ce sens. Puis dans une autre o ils prendront un sens figur :

une aberration - une raction - un clich - une faille - les ressorts- une entorse - une clipse - caustique - obtus./V/ Employez ces adjectifs dans des phrases de telle sorte quils aient chaque fois un sens figur :

Cuisant - dvorant - terne - froid - piquant - sec./VI/ Remplacez les points de suspension de faon donner lexpression un sens figur :

un ventail de ... - un tissu de ... - le fruit de ... - la soif de ... - la racine de ... lescalade de ... - un puits de ... - la fleur de ... - le champ de .../VII/ Employez chaque mot de la liste ci-dessous a. dans une phrase o il gardera son sens propre; b. dans une phrase o il prendra un sens figur.

Mr - lger effac - le cur - un don - le rayonnement - la profondeur - frapper chouer/VIII/ Donnez comme complment aux verbes ci-dessous a. un nom qui leur fera garder leur sens propre; b. un nom qui leur donnera un sens figur .

44

Assimiler - saccrocher - viser - rompre - nourrir - effacer - soutenir - afficher embrasser - amorcer - dnouer - soulever/IX/ Associez les adjectifs suivants des noms a. qui leur feront garder leur sens propre; b. qui leur feront prendre un sens figur

Insipide - cuisant - pineux - fleuri - clatant - bouillant - obscur - piquant/X/ Etudiez les jeux de mots dans le texte suivant :

...Monsieur, je vous demande une petite minute dattention : je voudrais que vous me donniez lheure du dpart des cars pour Caen ! Enfin, monsieur, Caen, dans le Calvados ! - Cest vague... - En Normandie ! Ah ! ma parole, vous dbarquez ! - Ah ! l o a eu lieu le dbarquement , ... en Normandie... Caen ? - Voil. - Eh bien, prenez le car. - Il part quand ? - Il part au quart . - Mais, le car est pass ! - Et bien, si le car est pass, vous lavez rat. - [...] - ... mais si a vous dit daller Troyes, [...] - Quest-ce que vous voulez que jaille faire Troyes ? - Prendre le car. - Pour o ? - Pour Caen. - Comment voulez-vous que je vous dise quand si je ne sais o ? - Vous ne savez pas o est Caen ? - Mais si je sais o est Caen; Oh ! ne criez pas ! on va soccuper de vous... Alors il a tlphon au dpt. Mon Dieu, 22 le car tait l; les flics mont embarqu trois et suis arriv au car o jai pass la nuit... Voil mes vacances ! ( R. Devos, Vacances Caen)

/XI/ Relevez dans le texte suivant tous les mots et expressions figurs : Chez le docteur (Personnages : Marie-Jeanne - Le docteur)

Marie-Jeanne : Bonjour, docteur. Le docteur : Bonjour, mademoiselle. De quoi vous plaignez-vous ?45

Marie-Jeanne : De rien. Moi, je suis optimiste. Je suis aussi journaliste. Je viens faire une enqute. Mon journal me prie de vous demander quelles sont les maladies les plus frquentes que vous soignez. Cest pour une statistique. Le docteur : Cest trs vari. Parmi tant de malades qui viennent me voir, il y en a qui ont le cur gros, dautres qui ont le ventre creux, dautres leurs jambes leur cou. Dautres clatent ou explosent. Dautres se tordent. Il y en a qui sont plis en quatre. Il y en a dautres qui on a cass les pieds. Dautres ont la rate dilate. Certains nont plus de cur; ils sont coeurs. Dautres ont le sang qui ne fait plus quun tour; de la moutarde qui leur est monte au nez; dautres, on leur a tourn la tte. Plusieurs voient rouge, ou tout en noir. Nombreux sont qui ont la gueule de bois...ou mal aux cheveux; il faut les leur couper en quatre. Il y a les maniaques qui tirent tout par les cheveux. Beaucoup sont sur les genoux quand ils nont pas le cur bris. dautres encore sont pourris et corrompus. Je ne peux rien faire pour ceux qui sont crevs. Il y a les gonfls sans compter les intouchables. Il y a ceux qui se lvent du pied gauche, celles qui ont un pied anglais, les pieds dans le plat, les pieds de nez. Jai des patients qui ont du nez, dautres qui nen ont pas. Je soigne des personnes qui ont un poil dans la main, ou qui ont leur ide derrire la tte, ou qui la perdent, qui nont pas les yeux en face des trous. Jai des malades mentaux qui ont le fou rire, des vicieux qui lchent les bottes, qui boivent la tasse, ou qui se font du mauvais sang, quand ils ne cassent pas leur pipe. Il y a ceux qui ont froid aux yeux et ceux qui sont tout feu tout flamme. Je reois aussi les monstres, les faux frres, les personnes qui versent des larmes de crocodile, ou qui ont la tte de bois, un cur de glace, un cur de pierre, les yeux plus gros que le ventre, le cur sur la main, une langue de vipre. Marie-Jeanne : Etes-vous aussi vtrinaire ? Le docteur : Trs peu. On ne peut gurir les nes et les chameaux. Cependant, je soigne les petits rats de lOpra et les oies blanches. Marie-Jeanne : Soignez-vous les goutteux ? Le docteur : Cest leur faute; ils boivent la goutte tous les matins. Je leur donne des gouttes. Marie-Jeanne : Et ceux qui ny voient goutte ? Le docteur : Je leur fais des transfusions car ils nont pas une goutte de sang dans les veines ; je leur donne du sang froid, du sang chaud, cest selon. Marie-Jeanne : Et sil ny a pas de donneurs de sang ? Le docteur : On leur donne du sang de navet. Marie-Jeanne: Est-ce que les transfusions reviennent cher vos patients ? Le docteur : a ne leur cote que les yeux de la tte.( Eugne Ionesco, Exercices de conversation et de diction franaise pour tudiants amricains )

46

Expressions et locutions avec les mots : cur , yeux , nez , bras, pied, sang. Cur : A contre cur : contre son envie, son dsir. Ami de cur : ami choisi pour des raisons affectives et non par intrt. Apprendre, rciter par cur : de mmoire. Avoir le cur louvrage : tre enthousiaste pour un travail. Avoir le cur gros : tre triste. Avoir le cur sur les lvres : tre entirement sincre. Avoir le cur sur la main : tre sincre dans les actes. Avoir le cur dans la gorge : tre angoiss. Avoir mal au cur : avoir des nauses. Avoir quelque chose sur le cur : avoir du ressentiment. A votre bon cur : formule servant demander un geste de gnrosit. Bourreau des curs : sducteur. Cur de marbre, de pierre : caractre dur, insensible. Cur dor : caractre doux, gnreux; personne gnreuse. Connatre quelquun par cur : le connatre parfaitement bien. De bon cur : sans tre forc, volontiers. Dchirer le cur, percer le cur : faire souffrir. Dner (manger, souper) par cur : ne pas dner. tre de tout cur avec qqn.: partager ses motions. Lever le cur, soulever le cur : coeurer, dgoter. Ouvrir son cur : se confier. Sans cur : dur, insensible. Serrer le cur : rendre triste et angoiss. Si le cur vous en dit : si vous en avez envie. Lil, les yeux : Avoir, tenir qqn. lil * : le surveiller sans relche. Avoir un oeil qui joue au billard et lautre qui compte les points : loucher. Accepter qqch. les yeux ferms : en toute confiance, sans vrification. Ce nest pas pour ses beaux yeux : ce nest pas par amour pour lui. Faire les gros yeux qqn. : le regarder dun air mcontent, svre. Fermer les yeux : se refuser voir, par tolrance, connivence, lchet, etc. Il ma ouvert les yeux : il ma fait comprendre ce que je ne savais pas. Mauvais oeil : regard auquel on attribue la proprit de porter malheur. Navoir dyeux que pour qqn. : ne voir que lui, ne sintresser qu lui. Navoir pas froid aux yeux : avoir un regard rsolu, audacieux, dcid. Navoir plus que les yeux pour pleurer : avoir tout perdu. Ne pas avoir les yeux dans la poche : tre un bon observateur. Ne pas avoir les yeux en face des trous : ne pas voir clair, tre mal rveill. Ne pas fermer lil de la nuit : ne pas dormir. Ouvrir lil : tre trs attentif.

47

Nez A vue de nez : premire estimation, approximativement. Avoir du nez : tre clairvoyant, prvoyant. Avoir qqn. dans le nez : le dtester, ne pas pouvoir le sentir. Cela se voit comme le nez au milieu de la figure, du visage : cest trs apparent. Fermer la porte au nez de qqn. : le congdier. Fourrer son nez partout : tre curieux. Mener qqn. par le nez : Le mener sa guise. Mettre le nez dehors : sortir. Mettre son nez, fourrer son nez dans les affaires dautrui . Ne pas voir plus loin que le bout de son nez : tre born. Passer sous le nez : chapper qqn. aprs avoir sembl tre sa porte. Piquer du nez : laisser tomber sa tte en avant (en sendormant). Se casser le nez la porte de qqn. : trouver porte close, et fig. prouver un chec. Se manger, se bouffer le nez (pop.) : se battre, se disputer violemment. Se trouver nez nez avec qqn. : le rencontrer brusquement; Tirer les vers du nez : faire parler, questionner habilement. Bras Avoir le bras long : avoir du crdit, de linfluence. Avoir un bras de fer : avoir une grande autorit, une volont inflexible. Avoir un pied dans la fosse, la tombe : tre trs vi