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Mouvement International Atd Quart Monde - Burkina Faso – Rapport moral 2007 2 Mouvement International ATD Quart Monde « C’est en se rencontrant qu’on bâtit le monde » Rapport moral 2007

« C’est en se rencontrant qu’on bâtit le monde

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Mouvement International Atd Quart Monde - Burkina Faso – Rapport moral 2007 2

Mouvement InternationalATD Quart Monde

« C’est en se rencontrantqu’on bâtit le monde »

Rapport moral 2007

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Introduction

Cette année encore, les membres du Mouvement Atd Quart Monde se sont investis pour

bâtir une relation de confiance avec des personnes vivant dans la grande pauvreté :

− des enfants et des jeunes qui vivent dans les rues de Ouagadougou

− des enfants dans la zone du Ganzourgou

− des jeunes couples vivant à Ouagadougou

− des familles vivant à Ouagadougou et en zone rurale

Cette confiance établie a permis de réfléchir avec elles à des actions concrètes à mener

ensemble avec leur propre famille, avec leurs voisins. Ces actions cherchent à respecter

la dignité et à encourager la participation de tous.

Cependant pour changer les comportements et améliorer le fonctionnement d’une

société, les pauvres ne peuvent pas rester seuls. Ils ont besoin de rencontrer d’autres

citoyens qui sont prêts à agir avec eux.

Pour cela, Atd Quart Monde a multiplié les occasions de rencontres entre eux et les

personnes ou les associations et structures qui sont d’accord de refuser la misère en

s’associant aux populations pauvres.

Dans ce rapport, seules quelques actions seront détaillées. Il semblait plus important de

présenter quelques-uns des chemins parcourus par les membres du Mouvement Atd

Quart Monde pour lutter avec tous contre la grande pauvreté. Décrire ces chemins

permet de rencontrer les personnes qui les ont empruntés pour que leur vie et celle de

ceux qui les entourent changent.

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Quelques repères…

Rencontrer des enfants et des jeunes vivant dans les rues de Ouagadougou et s’associer à leur famille pour faire émerger des projets d’avenir :

A Ouagadougou

En 2007, deux volontaires permanents animant la ‘bibliothèque sous les lampadaires’, ont rencontré 230 garçons lors de 19 séances de bibliothèque, sur 3 sites à Ouagadougou. Ces séances hebdomadaires de rencontre à partir du savoir des enfants ont lieu de 20h30 à minuit environ.

Il y a eu 6 semaines d’ateliers (maçonnerie, couture…) à la Cour aux cent métiers où 17 garçons ont participé. Ces ateliers permettent d’approfondir la relation de confiance tissée dans la rue.

L’équipe a effectué 90 visites pour aller à la rencontre de leurs familles à Ouagadougou et 14 en région. Ces visites cherchent d’abord à faire exister l’enfant dans les projets de la famille, et la famille dans les projets de l’enfant pour ensuite bâtir ensemble un chemin d’avenir pour l’enfant et sa famille.

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« Si Dieu nous fait si différents, c’est pour que chacun puisse apporter au monde. », Djoulde, éleveur peul, papa d’Alaï.

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Tisser des liens entre des personnes isolées et leur entourage à partir de l’éveil des enfants :

A Ouagadougou

En 2007, ces actions de partage du savoir se sont déroulés dans trois (3) lieux d’animations :

35 animations d’éveil scolaire ont été réalisées dans 2 quartiers auprès de 40 enfants en moyenne par quartier.

Une animation a démarré dans un nouveau quartier. 7 séances d’animation autour de l’outil informatique se sont déroulées. Plus de 100 enfants participent à chaque séance.

Dans le Ganzourgou :

En 2007, des séances d’animations autour du partage du savoir se sont déroulées dans 9 sites répartis dans trois villages du département de Méguet ( Boulwando, Zémalga et Bollé où nous avons démarré l’animation cette année ). 600 enfants y ont participés.

4 mini-livres Tapori racontant en français l’histoire de courage d’enfants dans le monde ont été traduits en mooré par des enseignants en alphabétisation de la zone.

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« Quand on aide un enfant, on aide

celui qui va bâtir le monde demain. Et cet enfant aidera

d’autres à son tour. »

Madame Célestine (à propos de

l’importance des animations.)

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1. Aider les personnes à aller au bout de leurs aspirations.

a) Partager son savoir avec les enfants pour leur assurer un meilleur avenir.

Chaque jeudi matin, une petite équipe composée de volontaires permanents et d’amis (bénévoles) du Mouvement ATD Quart Monde part avec quelques livres rejoindre les enfants d’un quartier périphérique de Ouagadougou.

Notre présence dans ce quartier est née il y a plusieurs années. Elle répondait à la volonté de Madame Célestine – une femme âgée particulièrement éprouvée par la vie – d’agir pour que tous les enfants qui l’entourent puissent avoir les mêmes chances d’avenir que les autres.

Cette femme, dont la participation à la vie de la communauté n’était pas attendue, dont le savoir était le plus souvent ignoré, est vue aujourd’hui comme celle grâce à qui, les enfants s’ouvrent et découvrent le monde.

Lorsque nous avons commencé les animations dans son quartier, Madame Elise, la fille de Madame Célestine, faisait l’effort de rester à la maison le jour J pour soutenir l’équipe. Elle a ensuite commencé à s’impliquer dans les rencontres mensuelles du Mouvement.

Un jour, elle confie à l’équipe de volontaires : « Vous voir venir tous les jeudis dans notre maison me donne envie d’en faire autant avec d’autres enfants des autres quartiers. Il est vraiment important que les enfants voient des livres ». C’est ainsi qu’elle s’est engagée bénévolement à suivre l’équipe de l’animation dans un autre quartier.

Pour mener à bien cette action, avec d’autres jeunes gens désireux de contribuer à bâtir l’avenir de leur pays, elle a dû relever le défi de se former à l’informatique. Parmi ces jeunes, certains font, comme elle, face à un quotidien qui exige d’eux tout leur courage, toutes leurs forces et aussi tout leur espoir qu’une autre vie est possible, pour eux et pour les autres.

Aujourd’hui, elle a un travail régulier et elle a même demandé un jour de repos à son employeur pour pouvoir continuer à s’investir dans les animations.

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A travers ces actions, les enfants se savent capables d’apprendre et certains prennent ou retrouvent le chemin de l’école. Les parents se voient soutenus dans leurs efforts pour offrir un avenir meilleur à leurs enfants et trouvent dans la joie de leurs enfants le courage de continuer à résister à la pauvreté.

« Les animations changent la vie des enfants. Il y en a qui sont nés depuis longtemps et qui n’ont pas eu un livre à regarder. Il y en a beaucoup qui ne savent pas tenir un crayon. A travers les livres, les enfants connaissent les animaux de la brousse. » Madame Félicité, animatrice dans le Ganzourgou.

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b) Soutenir l’engagement des adultes dans les animations de partage du savoir :

A Ourgou-Manega, une animation sur le marché, appelée « bibliothèque de marché », a démarré en 2000 avec des jeunes venus de Ouagadougou, en accord avec le chef du village et le soutien du chef de marché.

Le lieu de la bibliothèque est un carrefour : des enseignants, des élèves, des enfants non scolarisés, des vieux, des vieilles s’y retrouvent. La manière de faire l’animation permet une rencontre, un échange entre ces différentes personnes. L’année dernière, Monsieur Sawadogo et Monsieur Maïga qui habitent à Ourgou-Manéga, ont décidé de prendre le relais et font vivre encore aujourd’hui cette dynamique du partage du savoir.

Monsieur Sawadogo raconte : « Quand le groupe venait pour l’animation, je ne m’approchais pas et à un moment, je me suis dit : « Je vais m’approcher ». Quand je suis arrivé, on m’a invité à m’asseoir, on m’a donné un livre. Je ne sais pas lire mais je vois quand même les images. Je m’intéresse beaucoup aux enfants. Quand les jeunes animateurs ont dit qu’ils veulent s’arrêter après 6 ans d’animation, j’ai dit : « Non, je veux qu’on continue ». Monsieur Maïga a dit qu’il était prêt à aider et on les a remplacés. Notre animation se passe tous les 21 jours. Au début, certains pensaient que c’était des enfantillages le fait que des vieux se mettent au milieu des enfants. D’autres disaient qu’on y gagnait de l’argent. Maintenant, ils comprennent que ça donne autre chose.»

Monsieur Maïga : « Les gens demandent un livre et s’installent pour lire. Des gens demandent un livre précis. Par exemple, un vieux a demandé un livre sur les animaux sauvages. Quand il y a des enfants marginalisés, je vais m’asseoir à côté d’eux pour éviter les disputes.

Les livres intéressent même ceux qui ne sont pas allés à l’école, le dessin également. Les enfants racontent chez eux les contes qu’ils entendent. Un vieux qui faisait des charades a retrouvé l’envie d’en écrire de nouvelles. Des potiers ont lu des livres sur la poterie et cela leur a donné de nouvelles idées. Comme le vannier qui a créé de nouveaux modèles de paniers. Cinq personnes ont lu un livre sur l’élevage des poules. Elles ont décidé de lancer un élevage. Six mois plus tard, elles ont déposé un projet en s’appuyant sur ce qu’elles avaient lu, elles ont été convoquées pour un entretien et leur projet a été accepté.

A Bollé, des adultes s’investissent aussi.L’animation se fait une fois par mois, à côté de l’école, à la demande de Monsieur Ilboudo, délégué du chef. C’est lui qui rencontre les parents, qui leur explique le sens de l’animation, ceux-ci peuvent alors dire à leurs enfants de venir. Il y a toujours au moins une personne du village lisant le mooré qui anime avec l’équipe. Un vieux est venu plusieurs fois pour encourager l’animation.

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La bibliothèque participe à l’éducation des enfants à travers ce qu’ils lisent. Ils cultivent la solidarité entre eux ».

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L’équipe de volontaires permanents travaille en lien avec les enseignants de l’école qui ont demandé que les élèves puissent participer à une partie de l’animation. Une enseignante est venue plusieurs fois soutenir l’animation.

A Boulwando, Monsieur Albert a décidé de s’investir auprès des jeunes et des enfants qui passent du temps devant sa boutique au marché. Il a leur a proposé de participer à la réalisation d’une banderole pour la Journée mondiale du refus de la misère (17 octobre). Il explique aux adultes le sens de l’animation. Il a des livres en mooré en dépôt que les gens peuvent lire devant sa boutique ou emprunter pour quelques jours. Il écrit des contes en mooré qu’il propose pour l’animation. « Au début, quand Joëlle venait animer avec les enfants, je ne m’approchais pas et un jour, je me suis approché et j’ai demandé ce qu’elle faisait : c’est pour aider les enfants, leur permettre d’avoir des connaissances. Cela m’a permis de me joindre à eux. C’est pour cela que je me suis donné pour écrire et lire avec les enfants. Et après cela, je racontais des contes aux enfants et je les ai écrits ».

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Dans ce même village, les enseignants se sentent concernés par l’animation.Avec quelques enfants de l’animation, nous sommes allés à l’école offrir le pagne traditionnel sur lequel les enfants avaient brodé des animaux, les lettres de l’alphabet et les nombres de 1 à 20. Les élèves et les enseignants nous ont très bien accueillis. Un enfant de notre groupe a raconté un livre. Le directeur avait, de lui-même, invité quelques parents en allant les rencontrer chez eux. Les enseignants et les élèves ont accueilli les enfants de l’animation avec beaucoup de respect. Le directeur leur a dit que l’école était à eux aussi et qu’ils pouvaient venir jouer dans la cour.

A Zémalga, quand nous ne pouvons pas prévenir nous-mêmes les enfants de notre venue, c’est le directeur de l’école qui fait passer l’information auprès de ses voisins et auprès des élèves en insistant sur le fait que c’est pour tous les enfants. Comme nous y allions le jeudi matin, la plupart des élèves n’avaient pas classe et pouvaient donc participer. A partir d’un livre qui présente la vie des enfants dans le monde, Des enfants comme moi, nous avons réalisé des marionnettes ainsi qu’un atlas pour l’offrir à l’école.

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Un couple de catéchistes emprunte des livres en mooré.

Nous avons donné à Monsieur Albert à Boulwando, au couple catéchiste à Zémalga et au délégué de Bollé, une « valise » avec des livres en mooré, un cahier et un stylo susceptible de recevoir des contes, proverbes ou autres phrases ou textes que les gens auraient envie de noter pour que d’autres connaissent.

Avec Madame Wentoin, enseignante en alphabétisation : nous avons traduit en mooré 4 mini-livres qui racontent l’histoire d’enfants de familles pauvres dans le monde : Jacinto (Guatemala), Deepika (Philippines), Lea (Etats-Unis), Bryan (Grande Bretagne).

Madame Franceline, jeune maman de Méguet, fait les animations avec nous à Boulwando et nous soutient aussi pour la traduction de documents en mooré.

c) Soutenir ceux qui ont la préoccupation des personnes en difficultés.

La préoccupation des jeunes qui vivent dans la rue pour leurs amis

« Lors de la bibliothèque sous les lampadaires, Eric me dit : « Maître, nul n'est parfait dans la vie mais ce qui est arrivé à notre ami Moussa nous préoccupe beaucoup. Nous sommes allés avec vous rendre visite à Rabi qui est bien malade, chez lui à Ziniaré. Cela m'a beaucoup touché. J'aimerais que l'on fasse une délégation pour aller rendre visite à Moussa qui est rentré à Korsimoro, il y a environ deux mois dans un mauvais état de santé. Nous sommes devenus comme une famille et même si nous n’avons pas grand chose à lui offrir, je pense que la chaleur humaine qu'on va lui apporter lui donnera certainement du courage. » Yacouba, volontaire permanent.

Des voisins sont mobilisés pour réparer la maison d’une vieille

Chaque semaine, depuis plus de trois ans, deux membres du Mouvement se rendent dans un quartier périphérique de Ouagadougou où habitent Madame Célestine, sa fille et ses petits-enfants. Avec eux, ils emportent nattes, livres et crayons pour mener une animation d’éveil qui s’adresse à tous les enfants du quartier. Les enfants se réunissent dans la cour de Madame Célestine. Neuf enfants qui avaient participé à l’animation en 2005 ont été inscrits à l’école, dont le petit-fils de Madame Célestine autour de qui avait commencé cette animation petite enfance.

Fin avril 2007, Madame Célestine interpelle les animateurs : sa maison prend l’eau et la saison des pluies arrive. L’équipe de volontaires permanents décide d’aller la visiter avec Monsieur François (maçon, ami de la Cour) pour mesurer l’étendue des travaux.

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Madame Nathalie dit : « C’est vrai que je n’ai pas appris le français mais avec le mooré, on peut apprendre des choses. Il n’y a pas un livre que j’ai lu et qui ne m’ait rien apporté. Lorsque je vois quelqu’un qui peut être intéressé par le livre, je peux lui proposer de le lire.Lorsqu’ arrive la période d’inscription à l’alphabétisation, si je vois quelqu’un qui ne s’inscrit pas, je l’informe. »

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Mai-juin : Les deux animateurs rendent visite aux voisins avec lesquels ils ont eu des contacts à travers l’animation, pour leur parler des difficultés de Madame Célestine. Ils rencontrent en particulier Monsieur Issouf, boucher qui avait déjà apporté une aide pour la scolarité du petit-fils de Madame Célestine et le Pasteur Lévy, mécanicien.

16 juin : Le Pasteur Lévy est présent à la rencontre mensuelle des membres du Mouvement à la Cour aux cent métiers.

28 juin : Fin des animations. Le Pasteur Lévy et Monsieur Issouf proposent aux animateurs de mobiliser le quartier pour faire les travaux en commençant par les parents des enfants qui participent aux animations. Monsieur Issouf achète le sable que ramasse Madame Célestine.

5 juillet : Deux membres du Mouvement rendent visite au Pasteur Lévy. Il dit qu’il va organiser une réunion avec les gens du quartier, il leur expliquera ce qu’est le Mouvement.

8 juillet : Plus de 10 personnes ont répondu à l’invitation. Le Pasteur Lévy leur explique ce que cherche à faire le Mouvement. Les gens sont prêts à contribuer, chacun à sa mesure pour faire le chantier. Une autre réunion est prévue dans la semaine suivante.

12 juillet : 14 personnes se sont rassemblées, elles interrogent les membres du Mouvement sur l’animation et sur le lien entre l’animation et le chantier. Le Pasteur Lévy aborde le sujet des cotisations. Un papa questionne : « Comment cotiser quand on n’a pas d’argent ? » Après discussion, la position commune est que chacun peut donner ce qu’il peut ou venir travailler. Dans le groupe, il y a un maçon et un menuisier. Ils vont voir les travaux à réaliser. Le maçon dit qu’il faut trois charrettes de sable et trois sacs de ciment. Le groupe s’engage à payer le sable, le Mouvement soutient avec le ciment. Le groupe a désigné un secrétaire qui prend note de toutes nos décisions, qui récolte et garde les cotisations.

24 juillet : Une des personnes présentes à la rencontre précédente a pris en charge à elle seule l’ensemble des frais du sable. Alors, personne d’autre ne s’est senti obligé de cotiser. Le Pasteur Lévy a l’air déçu que cela se passe comme cela. Avec le secrétaire du groupe, le Pasteur Lévy et Monsieur Issouf, la question des indemnités du maçon, de l’achat de l’eau est soulevée. Le Mouvement maintient sa proposition d’apporter sa part en achetant le ciment. Le sable est déjà dans la cour de Madame Célestine. Les gens se sont mis d’accord pour faire le chantier le dimanche suivant.

29 juillet : Le chantier commence, chacun passe apporter une cotisation ou donner un coup de main. A 13h, le travail est fini.

La maison de Madame Célestine n’a plus de fuites. Tout le monde est content.

Il reste de l’argent de la collecte, les voisins ont décidé de refaire les fenêtres et la porte de la maison de Madame Célestine.

Bien souvent la situation du logement n’est que la partie visible de l’isolement et des difficultés d’une famille. C’est pourquoi les volontaires et les amis du Mouvement prennent le temps de comprendre comment la famille est en lien ou non avec son environnement. Ils encouragent ceux qui sont prêts, dans le quartier, à se mobiliser pour prêter leurs bras, pour faire des briques, préparer un repas communautaire, cotiser pour acheter des bois ou des tôles, etc. Le Mouvement ne vient qu’en appui de tous ces efforts.

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Chaque chantier doit être une occasion de resserrer les liens de la famille avec ses proches. Pour cela, il faut qu’elle soit associée, qu’elle puisse faire sa part malgré son dénuement. Ces situations parfois dramatiques peuvent être l’occasion pour les gens de la communauté d’affirmer, par des gestes concrets, une solidarité avec les plus oubliés.

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d) Croire en l’aspiration des jeunes qui vivent dans la rue à soutenir leur famille.

Se découvrir responsable des siens même si on est en ville

Alaï est en ville depuis si longtemps qu’il a oublié le nom de son village. Il était déjà parti, seul, à la recherche de sa famille. Mais après quatre jours de recherche, il a dû rentrer à Ouagadougou. Plusieurs mois après son retour, il a osé demander à l’équipe de volontaires permanents, au nom de l’amitié qui les lient, de le soutenir dans cette démarche. Une tante lui avait donné le nom d’un village, il tenait une piste.

Quand enfin Alaï retrouve sa famille, il est accueilli chaleureusement et chacun se déplace pour le saluer. Il discute longuement avec sa maman et lui explique qu’il a besoin de son acte de naissance pour travailler.

A son retour, Alaï dit aux volontaires qui l’avaient accompagné : « J’ai des responsabilités par rapport à ma famille. Moi en ville, je mange jusqu’à 500 Fcfa par jour. Je ne pourrais plus vivre comme vit ma famille, mais je dois pouvoir les soutenir depuis la ville et en les visitant régulièrement. »

Peu après notre retour, le papa d’Alaï nous téléphone pour nous dire qu’il a entrepris les démarches pour obtenir l’acte de naissance de son fils.

Aujourd’hui, Alaï travaille de manière régulière. Il vit dans une cour qu’il meuble petit à petit grâce à ses efforts. Il a déjà acheté une table pour installer son frère comme tablier.

Le retour d’un enfant en famille, une chance pour tous.

Malick a environ 16 ans. Il était dans le centre ville de Ouagadougou depuis plus de 4 ans. Les relations tendues entre lui et sa petite maman ne lui ont pas permis de rester en famille. Nous avons beaucoup réfléchi avec Malick et son papa et en faisant des allers-retours de l’un à l’autre. Malick voulait reprendre contact avec sa maman qu’il n’avait pas vu depuis que son papa a quitté le village et s’est séparé de son épouse, il y a 10 ans. Le papa a approuvé et nous a « donné la route » en nous indiquant le chemin. Il s’agissait de trouver un oncle paternel qui nous indiquerait la route du village de la maman de Malick où nous devions entrer en contact avec un oncle maternel qui nous donnerait des nouvelles. Lors de notre visite dans la famille maternelle, nous avons été bien accueillis. La grand-mère était très touchée des photos de Malick. Eux aussi, nous ont dit être prêts à accueillir Malick. L’oncle maternel nous a expliqué que la maman de Malick était dans un autre village, accessible en pirogue. Mais il ne nous en a pas indiqué le chemin. Nous avons insisté sur le fait que le but n'est pas le retour en famille, mais que Malick fasse savoir à sa mère qu’elle existe pour lui et qu’il découvre qu’il existe encore pour elle. Nous partageons toutes ces nouvelles à Malick, qui est très ému.

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Avoir découvert les responsabilités qu’il a à assumer par rapport aux siens lui ont donné la force d’avancer.

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Nous avons donc fait deux voyages au village maternel et un au village paternel, accompagné lors de ce dernier voyage du papa, de Malick et de sa sœur Djamilatou. Cet homme n’était pas retourné au village depuis plus de 10 ans. Il n’en connaissait plus le chemin. Bien qu’il soit l’aîné, c’est l’un de ses petits frères qui assume les responsabilités de chef de famille. Il est accusé de ne pas s’être préoccupé du sort de Malick et cela lui a valu de perdre le respect de la grande famille. Le fait qu’il ait pu expliquer le souci qu’il a de Malick, les circonstances de son départ, ses efforts, ont probablement changé le regard que son entourage familial portait sur lui. Et aujourd’hui, c’est à la demande de sa famille qu’il est retourné au village pour y assumer des responsabilités sociales importantes.

Aujourd’hui, Malick est dans sa famille. Son papa lui a trouvé un apprentissage en menuiserie chez l’un de ses amis. Djamilatou est heureuse d’être avec son frère. Il n’y a pas de tension avec sa petite maman. Malick dort avec son frère qui fait de la soudure.

Mais ce que nous avons appris aussi c’est que le « renouement » entre Malick et son père a permis celui du papa avec la famille élargie. Chacun assumant aujourd’hui des responsabilités sociales dans son milieu.

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Le renouement familial n’a pas que des conséquences au niveau de la relation parent-enfant, il peut entraîner des changements pour l’ensemble de la famille élargie. Ces changements sont positifs car ils permettent à chacun d’assumer à nouveau des responsabilités sociales vis-à-vis des autres membres de la famille.

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2. Travailler et se former ensemble pour mieux savoir que faire contre la pauvreté

a) Rencontres à la Cour aux cent métiers : « Ici, c’est comme au village, les anciens et les jeunes échangent pour se conseiller. »

Pour se mettre ensemble en marche vers le 17 octobre 2007, une rencontre mensuelle, les samedis proches des 17 de chaque mois, a été proposée aux membres du Mouvement et aux partenaires.

Au mois de septembre et octobre, ces rencontres sont devenus hebdomadaires afin de finaliser le témoignage collectif1.

La première rencontre a eu lieu le 19 mai. Elle reflète l’esprit de cette démarche qui a abouti à la commémoration du 17 octobre 2007. C’est pourquoi nous décrirons ici toutes les étapes de sa préparation et de son déroulement.

L’équipe de volontaires permanents a d’abord cherché avec les amis bénévoles et les personnes très pauvres quelle réalisation nous pourrions faire ensemble à cette occasion. Nous voulions que cette réalisation ait du sens à la fois dans le cadre de la campagne internationale “Refuser la misère, un chemin vers la paix ” et pour le Mouvement Atd Quart Monde au Burkina.

Comme le symbole de la campagne est l’idée du lien, nous avons réalisé un grenier en paille. La paille est fragile, mais lorsqu’elle est tissée, elle protège la récolte pendant de nombreuses années.

“ Sans grenier, il n’y a pas de vie, pas de santé, et tu n’es pas en paix car tu n’as rien à

1 Voir annexe 1

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L’objectif est de se réunir en faisant ensemble quelque chose qui nous mette tous à égalité tout en valorisant le savoir-faire des personnes les plus pauvres.

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donner à ta famille. Le grenier est source de paix et de joie dans la famille, ” a dit Monsieur Ablassé, le jour de la rencontre.

Trouver la paille n’a pas été facile. Heureusement qu’Alexandre, un ancien jeune qui vivait dans la rue, dont c’est le métier, a fait des dizaines de kilomètres à vélo pour réunir la paille nécessaire.

Pendant que les Vieux donnaient leurs explications du grenier, chacun était très attentif, et en particulier les plus jeunes.

L’activité du tissage a tout de suite conquis l’assemblée. Chacun s’y est mis par groupe de vieux et de plus jeunes. Les sons du djembé et du balafon, grâce auxquels chacun pouvait s’exprimer et donner son rythme à la rencontre, nous ont accompagnés et ont donné du courage tout au long de la matinée.

Nous avons tous travaillé ensemble, nous relayant pour tisser avec un enthousiasme chaque fois renouvelé. Les uns ont réalisé la toiture, les autres le bas, d’abord en faisant des éléments séparés que nous avons ensuite tissés ensemble. La fierté brillait déjà des les yeux de Monsieur Ablassé, de Monsieur André, de Monsieur Emmanuel, de Lassané qui a mis toute son énergie et son savoir-faire à la disposition de tous pour réaliser un authentique grenier comme ceux de son enfance à Zorgho.

Monsieur Jean-Baptiste regardait le travail avancer en nous encourageant et en discutant avec les uns et les autres. Rosine était là aussi, elle qui vient de si loin malgré sa jambe douloureuse. Madame Élise, Madame Mariam, la sœur d’Éric s’y sont mises aussi sous la direction bienveillante de Raphaël.

Les tout-petits étaient au dos de leur mère penchée sur l’ouvrage. Monsieur François S. passait d’un atelier à l’autre, encourageant chacun avec son sourire et soulignant à tout moment la perfection technique des gestes du tissage. Raphaël disait sa fierté : “ Ce sont nos grands-pères qui ont inventé ça. ”

Nous nous sommes ensuite tous rassemblés pour faire prendre aux nattes les formes coniques du grenier. Nous avons encore passé des liens pour maintenir solidement l’ensemble.

Ensuite, Malick, le plus petit, est allé sous le cône du toit. De l’extérieur, on lui passait une corde en fibre naturelle destinée à solidariser les deux parties du toit. “ Be be ” criait-il (“ ça y est ! ”), enfermé sous le toit en plein soleil. Et tout le monde riait de sa bonne humeur, peut-être aussi que nous étions touchés que ce soit le plus petit qui permette que le travail de l’ensemble de la communauté soit achevé.

Notre dernier geste a été de soulever tous ensemble le toit pour le poser sur la base du grenier.

Nous avons ensuite partagé un repas. Nous avons tout rangé, puis chacun est parti à son rythme, avec longues poignées de main et promesses de se réunir à nouveau. Madame Mariam et Madame Élise sont restées jusqu’au bout aider à la vaisselle.

b) Session de formation pour des enseignants sur le thème : “Développer la solidarité à partir des enfants, avec le Mouvement TAPORI”

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Neuf enseignants burkinabé venant de Ouagadougou, du Ganzourgou (Zémalga et Boulwando) et de Yako ont assisté à cette session. Ils ont été rejoints par deux enseignants béninois de la région de Bohicon.

Ils ont participé à une marche organisée par les enfants Tapori d’une école. Les enfants avaient réalisé leurs silhouettes pour dire qu’il ne faut pas porter de jugements sur les personnes pauvres, qu’il faut apprendre à les connaître. Ces silhouettes ouvraient la marche. Ils ont ensuite entendu le témoignage de trois jeunes qui ont participé à des groupes d’enfants Tapori.

« Tapori représente un lien d’amitié et d’espoir entre nous, car quand tu es dans une réunion Tapori, tu oublies toutes tes peines et tes souffrances en lisant quelques histoires vraies des enfants Tapori. Tu quittes la désespérance pour aller à l’espérance. Ce ne sont pas seulement les fils des riches qui ont droit à la parole lors d’une rencontre Tapori car tous les enfants ont les mêmes droits et les mêmes devoirs.

Il y a aussi l’acquisition de nouvelles idées telles que faire disparaître les guerres et la misère qui sont dans le monde. Chaque mois, l’enfant Tapori reçoit une lettre dans laquelle il lit des informations venant du monde entier. » Ismaël

De leurs échanges et partages d’expériences, les enseignants ont su tirer des idées pour améliorer leur pédagogie et permettre aux enfants de développer leur esprit de justice et de solidarité.

« Pour aider les enfants à construire l’amitié, les adultes doivent d’abord les écouter, les comprendre, les prendre au sérieux, être à l’écoute de l’enfant qui souffre le plus, disait l’un des enseignants. L’exclusion, c’est comme une chaîne, et si un enfant est exclu, il va mettre d’autres de côté aussi. L’enfant grandit avec tout ce qu’il reçoit et, une fois adulte, il cultive tout ce qu’il a reçu. Certains enseignants se disent que leur rôle est d’instruire. Mais en dehors ou pendant les cours, ils peuvent trouver un temps pour parler de la vie aux élèves, les conseiller, leur montrer le bon chemin. Un enseignant ne doit pas se contenter des leçons sur le tableau, il doit aussi arriver à comprendre les attitudes des enfants.

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Les adultes doivent soutenir les enfants dans la construction de l’amitié. Les enfants ont besoin de se rassembler et ils doivent leur donner cette occasion de se retrouver pour pouvoir échanger des idées. »

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c) Mobilisation pour le 17 octobre, Journée mondiale de refus de la misère

Le 17 octobre 1987, le message de la journée mondiale du refus de la misère était gravé dans le marbre du Parvis des Droits de l’homme et des libertés au Trocadéro à Paris par Joseph Wrésinski, le fondateur d’Atd Quart Monde : « Là où des hommes sont condamnés à vivre dans la misère, les droits de l’homme sont violés. S’unir pour les faire respecter est un devoir sacré ». Cet appel est nourri de l’espoir, du courage et du refus d’être humiliées de personnes et de familles victimes de la faim, de l’ignorance et de la violence.

C’est ce même message que portent les personnes très pauvres au Burkina avec lesquelles le Mouvement Atd Quart Monde et ses partenaires sont engagés. Lors d’une rencontre préparatoire du 17 octobre 2007, l’une des personnes présentes disait : « Si je m’isole parce que je suis pauvre, je plonge encore plus dans la misère. C’est en s’unissant qu’on lutte contre la misère ».

Pour renforcer ce courant mondial du refus de la misère, le Mouvement Atd Quart Monde, en partenariat avec les Nations Unies, a lancé un appel à la solidarité1 à travers le monde : « Refuser la misère, un chemin vers la paix » qui a été relayé par de nombreuses ONG, des associations, des syndicats, des médias.

Au Burkina, 619 signatures ont été récoltées. Ce sont de simples citoyens, mais aussi des artistes, des personnalités éminentes comme Son Excellence le Premier ministre, M. Tertius Zongo, qui ont signé cet appel pour faire reconnaître les pauvres comme des acteurs de la lutte contre la pauvreté. Toutes ces signatures, ainsi que celles recueillies dans le monde entier, ont été remises au secrétaire général de l’ONU, à New York, le 17 octobre.

Les membres du Mouvement et des personnalités2 nous ont poussés à oser organiser un 17 octobre qui proclame très publiquement le courage des familles.

Un clip vidéo est passé à la télévision nationale pour annoncer cette journée.

Chaque vendredi des mois de septembre et d’octobre, des ateliers ont eu lieu à la Cour aux cent métiers afin de préparer les décorations de la salle du CENASA (Centre National des Arts du Spectacle et de l’Audiovisuel). Ces banderoles sont autant de symboles de rencontres. En les réalisant, des liens se sont noués entre des personnes de tous milieux. Ce sont ces liens qui, jour après jour, font reculer la misère.

Lors de ces ateliers, les personnes présentes étaient invitées à exprimer leurs idées pour contribuer avec tous à bâtir un monde de paix. Ces idées ont été relevées pour être remises lors de la cérémonie à des personnes engagées chargées de les diffuser dans leur entourage.

Cette cérémonie s’est déroulée au CENASA à Ouagadougou. Des responsables politiques, institutionnels, religieux, coutumiers, associatifs, des citoyens de tous âges,

des enfants qui vivent dans les rues, des personnes qui connaissent des vies très difficiles étaient présents.

1 Voir annexe 22 Monsieur Adotevi, ancien représentant de l’Unicef pour l’Afrique de l’Ouest, Monsieur Idrissa Ouédraogo, cinéaste, Madame Monique Ilboudo, ancienne Ministre de la Promotion des Droits Humains

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Le moment fort de la cérémonie était la présentation du témoignage collectif. Huit personnes d'horizons très différents et dont certains ne savent pas lire, ont pris la parole, chacun livrant un passage du message collectif.

Le témoignage collectif a été élaboré à partir des rencontres mensuelles à la Cour aux cent métiers. Lors de ces rencontres, nous nous sommes exprimés sur les thèmes de la solidarité et la rencontre. Puis nous avons répondu à ces questions : Comment je résiste chaque jour à la misère ? Comment j'aide d'autres à résister à la misère ? Que faisons-nous quotidiennement pour essayer d’avoir une vie meilleure pour notre famille ? Qu’est-ce qui nous donne le courage et la force ? Dans nos quartiers la vie est difficile. Mais les gens se soutiennent aussi : donner des exemples d’entraide dans vos quartiers.

En nous appuyant sur les notes prises lors des rencontres, nous avons proposé un texte qui a été relu et corrigé par les participants aux rencontres.

« C’est la première fois que l’on fait un message collectif, cet effort de recueillir la pensée des uns et des autres et de la mettre ensemble. J’ai noté combien les personnes qui vivent dans la pauvreté s’investissent quand on prend le temps avec elles d’écrire ce qu’elles ont à dire. J’ai été frappée de leurs paroles fortes et vraies. » Anah, volontaire permanente.

Il a été proposé à Madame Salamata Sawadogo, Ministre de la Promotion des Droits Humains de réagir au témoignage collectif. « Nous avons écouté bien sûr des témoignages poignants, en commençant par la vidéo. Nous avons vu des personnes en situation de pauvreté extrême, qui vivent dans des conditions que personne ne souhaiterait connaître, mais qui vivent dans des situations tellement réelles que ça nous interpelle tous. Cela nous interpelle à plus d’un titre. En tant qu’humain, on est interpellé de voir son prochain vivre dans une situation telle que celle qu’on a vue. Et en tant que membre du gouvernement, je me sens également interpellée par cette situation.

Des témoignages des frères et sœurs qui ont été lus ici, j’ai retenu un certain nombre de points : un appel à la solidarité, à une solidarité agissante ; un appel à la compréhension des personnes en situation de pauvreté, savoir les écouter et pouvoir partager ce qu’ils ont à partager avec nous. Un appel aussi à une meilleure attention de ceux qui vont vers les services publics, donc ici, j’ai compris que l’accueil au niveau des services publics pose aussi certains problèmes et qu’il faut faire quelque chose à cet égard-là.

Je retiens également que la dignité qui est due à toute personne humaine n’est pas toujours servie aux personnes dans des situations de pauvreté. Et le respect du droit à la dignité est un respect sacré qui est dû à toute personne, en dehors de toute considération de statut social.

La solidarité est une vertu bien africaine et malheureusement, on se rend compte que par ces temps difficiles, cette vertu tend parfois à être oubliée mais je pense que, après ce que nous avons entendu, nous devons tous faire revivre cette vertu de la solidarité qui nous permettra, la main dans la main, de lutter pour l’élimination de la misère.

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C’est sûr qu’une personne dans une situation de pauvreté est démunie de ressources matérielles, mais elle garde toutes ses ressources intellectuelles. C’est pourquoi effectivement, la prise en compte de l’association, la participation des personnes pauvres à la recherche de solutions pour lutter contre la pauvreté est un appel qui méritait d’être lancé.

Ce soir, j’ai entendu donc l’appel, je me ferai le devoir de porter cet appel à l’attention des autorités ».

Madame Salamata Sawadogo, Ministre de la Promotion des Droits HumainsRéaction au témoignage collectif

Le 17 octobre 2007

Les enfants Tapori de l'école Guinkouma ont chanté : « C'est à nous de bâtir un monde d'amitié ».

Un théâtre forum réalisé par la troupe de l’ANERSER (Association Nationale pour l’Education et la Réinsertion sociales des Enfants de la Rue) a présenté des saynètes inspirées par le sens du 17 octobre et le témoignage collectif et a invité l’assistance à prendre position par rapport à des gestes de solidarité vécus.

L’association Tond Yingré a mimé un conte inspiré par le témoignage collectif. Ce conte racontait comment s'unir autour de celui qui s'enfonce dans un puits, seul au fond de la brousse en lui permettant de revenir parmi les siens au village.« On venait comme artiste pour faire un spectacle, mais une fois au CENASA, on a senti qu’on était en famille. S’il n’y avait pas un jour en l’honneur des plus pauvres, nous le créerions pour rendre hommage à ceux qui se battent. » Monsieur Alexis.

Le chanteur Alif Naaba a ensuite interprété un titre tiré de son prochain album. Ce titre dit combien les enfants sont avides d'apprendre.

Cette journée rend hommage à tous ceux qui, parfois de manière très modeste ou dans l’ombre, mettent au cœur de leur vie, de leurs responsabilités et de leurs actes le respect

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de la dignité humaine. Leurs efforts sont souterrains, leurs actes trop souvent méconnus et pourtant ils participent pleinement au développement de leur pays.

d) Permettre à des jeunes Burkinabé de faire un stage de découverte du Mouvement :

« J’ai participé en particulier à l’animation avec des livres dans deux quartiers de Ouagadougou, écrivait Léonard, stagiaire à la Cour aux cent métiers. Cela m’a donné un lien avec des familles que je ne connaissais pas, elles m’ont reçu. Au début, les familles attendaient sans doute qu’on vienne leur donner un soutien matériel mais peu à peu, quand on leur parle de l’éducation de leurs enfants et de ce qu’on veut faire avec eux, elles sont d’accord et on découvre que c’est cela qu’elles veulent le plus.A mon niveau, le fait de pouvoir aller vers les enfants, de leur montrer des choses, cela m’a donné une certaine fierté et m’a montré que j’étais capable d’animer ».

Ce stage est proposé à la suite d’une démarche bénévole pour permettre à des jeunes d’approfondir leur connaissance du Mouvement Atd Quart Monde dans sa manière de bâtir un partenariat avec les populations les plus pauvres. Il est proposé à ces jeunes de participer aux actions de l'équipe de volontaires permanents à mi-temps afin qu’ils puissent maintenir une activité parallèle : soit suivre des cours du soir pour compléter leur formation scolaire, soit avoir une activité rémunératrice complémentaire, soit continuer à participer à d'autres engagements.

La raison de cette condition est que ce stage ne doit pas couper le stagiaire de son quotidien. Il dure le plus souvent 6 mois.

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« C’est une journée où on m’a montré que c’est quand on se met ensemble qu’on a plus de force. » disait l’un des participants après cette cérémonie avant d’ajouter « C’est chacun, là où il est, qui peut faire quelque chose. » Il dit être reparti plus engagé, avec une meilleure compréhension du Mouvement et de ce qu’on veut vivre ensemble : rassembler les riches et les pauvres, ceux du village et ceux de la ville. « C’est un moment où tu te vois comme les autres », disait un autre participant.

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e) Apporter son expérience et apprendre de l’expérience d’autres : contribuer à une session internationale sur le thème « Refuser la misère, c’est bâtir l’avenir pour tous »

Une délégation de trois personnes du Burkina a participé à la session sur le thème « Refuser la misère, c’est bâtir l’avenir pour tous » qui s’est déroulée à Dakar (Sénégal). L’une d’entre elles, Elie, est impliquée avec des enfants qui vivent dans la rue à Ouagadougou et avec leur famille, l’autre, Julieta, fait des animations culturelles en zone rurale, dans le Ganzourgou et la dernière, Fatimata développe la solidarité entre enfants dans un groupe Tapori.

Cette rencontre a mobilisé 70 personnes venant de quartiers pauvres, de différentes associations impliquées auprès d’enfants, de femmes et de groupements divers, en ville ou en région, ainsi que des responsables d’ONG, d’instances internationales (comme l’UNICEF), des fonctionnaires et des représentants de ministères. Elle est le résultat d’une démarche menée pendant six mois. Il y avait aussi une délégation de quatre personnes de République Démocratique du Congo.

La rencontre s’est déroulée en deux temps : une rencontre des personnes qui agissent dans différents quartiers et un séminaire autour de quatre thèmes :

o Avec les exclus, promouvoir une éducation réellement pour tous.o Avec les enfants, l’amitié peut chasser la misère.o La participation des plus pauvres pour développer la vie communautaire et

associative.o Lutter contre la misère pour promouvoir la paix et les droits de tous.

« Ces deux jours d’échanges d’expériences et de courage autour des adultes, des jeunes, m’ont permis d’avoir une autre façon de voir la vie. J’ai compris que la misère n’est pas une fatalité mais qu’ensemble, on la fera disparaître à jamais. Je rentre au Burkina avec plein de bagages dans ma tête et beaucoup de projets car ce que j’ai reçu du séminaire me donnera encore la force de combattre pour la paix autour de moi. Je retiens le courage de ces femmes qui vivent dans ce quartier pauvre de K. qui, malgré leur situation de vie très difficile, les logements précaires, développent beaucoup de solidarité ». Fatimata

« Je retiens des échanges que ce n'est pas parce que l’on démarre un projet concret qu'il assure la participation des plus pauvres. Il faut du temps et de l'engagement envers ceux qui sont fatigués. Une femme a dit : ‘‘C'est le suivi qui est important car beaucoup de gens pauvres ont vécu beaucoup d’échecs. Ils ont peur d’échouer une nouvelle fois’’ ». Julieta

« Ce genre de rencontre m’a permis de découvrir d’autres efforts et d’accepter que nous ne sommes pas les seuls à agir, que tout le monde agit ou peut agir. J’ai vu des personnes pauvres à l’aise pour parler avec des personnes (responsables d’ONG, de structures, fonctionnaires) qu’elles n’ont pas l’habitude de rencontrer. Cela donne des échanges très riches. » Elie

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Conclusion

Créer la rencontre a été le fil conducteur des actions menées cette année au sein du

Mouvement Atd Quart Monde. Tout au long de ce rapport, nous avons pu mesurer

combien, de cette rencontre, naissent des responsabilités communes (les voisins que se

mobilisent), des engagements les uns envers les autres (la prise de position de Madame

Sawadogo le 17 octobre), mais aussi une nouvelle manière d’être ensemble, de

s’associer pour refuser la misère (le témoignage collectif).

Le Mouvement Atd Quart Monde au Burkina Faso se bâtit sur cette rencontre à

plusieurs niveaux :

− rencontrer les enfants qui vivent dans la rue et leurs familles.

− découvrir l’entourage de personnes particulièrement isolées afin de tisser des

liens qui sont autant de sécurité pour ces personnes.

− permettre à des citoyens, à des personnes ‘influentes’ de vivre cette rencontre

avec les populations les plus pauvres pour qu’elles puissent s’engager à leur

côtés dans leur milieu professionnel ou personnel.

Nous l’avons constaté, cette rencontre est féconde. Encore faut-il que soient réunis les

conditions et les moyens d’une telle rencontre : se donner du temps, de la disponibilité

pour entrer en relation avec des personnes parfois isolées, s’appuyer sur les dynamiques

de partage du savoir pour créer une relation de réciprocité et de complémentarité,

trouver des lieux, des occasions de rencontres et d’échanges d’expériences.

Cependant cette rencontre n’est pas une fin en soi. Elle invite chacun à emprunter avec

d’autres un chemin où le rythme du plus lent sera la mesure des avancées de tous.

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Perspectives

Les membres du Mouvement Atd Quart Monde vont poursuivre leurs actions en

direction des jeunes en rupture familiale et de leurs familles et pour permettre aux

familles très pauvres connues en ville comme en milieu rural de participer à la vie de

leur communauté, et plus largement d’apporter leur contribution à la lutte contre la

misère et l’exclusion.

En 2008, un accent particulier sera mis pour :

• Découvrir, susciter et soutenir des solidarités au sein de l’entourage des

personnes et familles pauvres.

• Faire reconnaître les personnes les plus pauvres comme acteurs de solidarités.

• Montrer que les populations très pauvres ont une intelligence à apporter au

monde en initiant une dynamique de réflexion à partir de textes du Père Joseph

Wrésinski, fondateur du Mouvement Atd Quart Monde.

• Lancer une dynamique de formation mensuelle pour les personnes engagées dans

leur milieu professionnel ou personnel.

• Renforcer les échanges entre implantations en zone rurale et en ville pour

approfondir notre connaissance de ces milieux.

• Se former aux actions de partage du savoir en organisant une session sous-

régionale.

• Continuer l’animation avec l’ordinateur pour permettre aux enfants de

communiquer avec d’autres enfants dans le monde.

• Commémorer le 17 octobre, Journée mondiale du refus de la misère.

• Proposer des stages de formation de 3 à 6 mois à des jeunes désireux

d’approfondir l’approche de la lutte contre la misère du Mouvement ATD Quart

Monde.

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ANNEXE 1

Témoignage collectif du 17 octobre 2007

Ce message a été préparé à partir de plusieurs rencontres qui réunissaient des parents et des jeunes qui ont une vie très difficile, en ville comme au village, et des personnes solidaires qui s’impliquent dans leur quartier ou leur profession.

Tous participent aux actions du Mouvement Atd Quart Monde.

Nous sommes fiers de nous battrePour sortir de la pauvreté et de la misère, il faut le courage, la solidarité, mais aussi garder l’espoir. Parfois, tu es obligé de faire des travaux que personne ne veut faire et cela peut t’ouvrir des portes. Des personnes peuvent se rendre compte de tout ce dont tu es capable de faire et te proposer quelque chose de mieux. Certains d’entre nous ramassent du sable pour le revendre. D’autres vendent du bois mais ceux qui nous l’achètent à crédit ne paient pas. C’est comme si on ne gagnait rien.

Dans la vie, tu dois compter sur toi-même avant de compter sur les autres. Mais beaucoup d’entre nous disent que si tu es seul, tu ne pourras pas t’en sortir. Si tu t’isoles parce que tu es pauvre, tu plonges encore plus dans la misère. C’est en s’unissant qu’on lutte contre la misère.Quand on lutte tous les jours contre la misère, on a besoin d’être soutenu. Personne ne peut lutter seul contre la misère. Cela commence déjà avec la famille.

Ce qui nous donne du courage, c’est d’abord nos enfants. Nous ne voulons pas qu’ils connaissent ce que nous avons vécu, nous ne voulons pas qu’ils soient obligés de faire les mêmes travaux que nous.Ce qui nous donne aussi du courage, c’est de participer à un groupe, comme avec le Mouvement Atd Quart Monde. Cela nous permet de partager nos réflexions, nos idées. En entendant les idées des autres, nos propres idées peuvent changer. Chacun a quelque chose de valable à dire pour aider l’autre à résoudre son problème.

On connaît d’autres plus pauvres que nous et on essaie de les aider à lutterOn dit toujours : « Moi, je n’ai rien, je ne peux rien faire. » Mais ce n’est pas vrai. On peut toujours faire quelque chose pour les autres. Tout est possible s’il y a la volonté et l’amitié.Aider quelqu’un, c’est d’abord le respecter et tout faire pour qu’il puisse garder sa dignité.Un homme n’avait pas de maison. L’un d’entre nous l’a soutenu pour qu’il obtienne un terrain. Mais on lui a refusé un numéro. Ils ont fait des démarches ensemble et ce n’était pas facile mais à force d’insister et comme la cause était juste, cet homme a obtenu un bon numéro et aujourd’hui, il a une maison de 10 tôles. Plusieurs d’entre nous se sont mobilisés pour réparer ou reconstruire la maison de quelqu’un. On se met ensemble, on contribue comme on peut. Parfois on ne se connaît pas bien mais on s’encourage en participant.

Certains d’entre nous prennent le risque d’être incompris par leur famille, leur quartier et leur travail pour permettre à tous d’avoir accès à leurs droits.

Certains d’entre nous ne sont pas pauvres mais ils nous comprennent. Ils ont le souci d’améliorer nos conditions de vie et que nous soyons bien accueillis dans les services.

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Souvent ceux qui sont à l’aise sont bien reçus, mais si toi tu es mal habillé, on ne s’occupe pas de toi. Mais celui qui prend les pauvres à son compte, qui va de bureau en bureau pour débrouiller une situation, il risque d’avoir lui aussi des difficultés, car certains collègues n’aiment pas cela. Cela les dérange, mais si on veut que cela change, il faut plus de gens comme cela qui se battent à nos côtés.

Ce que nous voulons dire à la sociétéEnsemble, nous voulons dire à la société que chacun à sa manière doit pouvoir contribuer à bâtir un monde meilleur. Mettons-nous ensemble pour réfléchir car nul ne peut se débarrasser seul de la misère.

Allons vers les personnes les plus isolées, les visiter, être avec elles, au milieu d’elles. Se rencontrer permet de mieux se comprendre, de s’accepter, de se compléter.

Nous demandons aux autorités, aux organismes, à tous ceux qui luttent contre la misère de continuer leurs efforts et surtout de nous considérer comme des partenaires indispensables.

C’est main dans la main qu’on pourra vaincre la pauvreté.

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ANNEXE 2

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