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i ansle numéro précédent (153), nous avonstenté de préciser la définition et la portée de termes utilisés dans I'enseignement du français au secondaire, à savoir discours, texte, t)?e de texte, séquence textuelle et genre. Il nous semble opportun de poursuivre ce travail de clarification de termes liés à des aspectsdidactiques et pédagogiques de cet enseignement:lecouple notion et concept utilisé dans les programmes de français au secondairel et celui de progression, puis- que la question de la progression semble une question vive en ce moment, comme en témoignent deux publications récen- tes (Chartrand,2008 ; MELS,2008). Nous ferons référence à ces deux publications, non pas pour les comparer, mais pour mieux cerner un concept-clé des didacti- ques disciplinaires, celui de progression. Concept et notion ne sont pasdes synonymes Dansun articlerécentde Québec fran- çals (n'151), nous proposions dedistinguer les termesconcept et notion, employés sansdistinction dans les programmes de français du secondaire. Pourtant, si le fran- çais compte deuxmots,c'est qu'il sied de faire une distinction.Rappelons-la suc- cinctement. Un concept estune représen- tation mentale générale et abstraite d'un objet (abstrait ou concret), stabilisée dans une communauté de savoirs à un moment déterminé (concept de poids en physique, deraison enphilosophie, de verbe engram- maire). Aussi, rigoureusement parlant, le terme de concept fait référence à un objet construit dans le monde scientifique ou savant. En classe, point deconcepts, puis- quelaproduction de concepts est le travail deschercheurs, pascelui desélèves. Ame- ner cesderniers à construire les notions spécifiques à chaque champ disciplinaire et à lesutiliseradéquatement, voilà un travail exigeant pour lesenseignants, qui doivent maîtriser2 les notions scolaires, mais pas nécessairement les concepts utilisésdans les domaines scientifiques de référence. Une notion est uneconnaissance intui- tive, générale (Le nouveau Petit Robert, 2008) qui synthétise les caractères essen- tiels d'un objet, mais ne prétend pas à la scientificité. Pour nommer desobjets abs- traits qui relèvent de l'étude scolaire de la grammaire, de la mathématique, de l'his- toire, etc., à l'école, on utilisedes notions propres à cesdisciplines scolaires. Mais, tout comme le concept, unenotion estune construction. Le but est d'amener les élè- vesà construire progressivement au cours de leur scolarité desnotions grammatica- Ies,mathématiques ou autres de plus en plus opératoires, parceque plus précises et rigoureuses. De là l'importance d'évi- ter I'accumulation de notions dès le début du primaire,cequi entraine une confusion désastreuse entre les termes et encourage la < devinette >. Un grand éducateur disait : < N'enseignez pas trop de sujets; ce que vousenseignez, enseignezle bien I > (Whi- tehead, 1929). Tout aulong du primaire et du premier cycle du secondaire, les élèves devraient, grâceà un enseignement planifié selon une progression, construire, par exem- ple, la notion d'adjectifde manièreà ce qu'elle désigne de plus en plus précisé- ment I'ensemble des caractéristiques de l'adj ectif (sémantiques, morphologiques et slntaxiques) afin delesreconnaitre sys- tématiquement, pour lesaccorder correc- tement et évaluer leur apport au sens du texte. C'est ce processus queI'on appelle, paradoxalement, conceptualisation, en psychologie cognitive et du développe- ment. Cette notion, très utilisée en ce moment en éducation, est source d'am- biguïté car conceptualiser peut être com- pris soit comme produiredes concepts soit commeconstruire desconceptions. Tout apprentissage scolaire exige un processus deconceptualisation, carl'élève doit passer de notions élémentaires peu opératoires à desnotions plus complexes et opératoi- res pour désigner les différentsobjets de connaissances disciplinaires. Or, la ques- tion que l'on doit seposer estla suivante : commentfavoriser cepassage obligatoire denotions élémentaires à des notionsplus complexes ? Ce passage rejoint ce que Vygotski appelle une ( rupture ), c'est-à- direpour l'élève quitter des zones connues, faisant partie du quotidien, pour se diri- gervers I'inconnu,le non-maitrisé et donc versl'apprentissage (SchneuwJy, 2008). À l'école,c'estl'enseignant qui doit jouer ce rôle pédagogique et didactiquefonda- mentaldepermettre cette rupture, doncle développement psychique desélèves. lmportance de l'enseignement pour le développement de l'élève Au début du siècle dernier, Vygotski, psychologue et pédologue ruSse, posait le lien essentiel entre l'enseignement et le développement de I'enfant, s'opposant ainsiauxthéories remettant entre les mains ÉTÉ 2oo9 | Qaébec francaisl5!

 · Created Date: 7/22/2009 7:10:50 PM

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ans le numéro précédent (153),nous avons tenté de préciser ladéfinition et la portée de termes

utilisés dans I'enseignement du français au

secondaire, à savoir discours, texte, t)?e

de texte, séquence textuelle et genre. Il

nous semble opportun de poursuivre ce

travail de clarification de termes liés à des

aspects didactiques et pédagogiques de cet

enseignement:le couple notion et concept

utilisé dans les programmes de français au

secondairel et celui de progression, puis-

que la question de la progression semble

une question vive en ce moment, comme

en témoignent deux publications récen-

tes (Chartrand,2008 ; MELS,2008). Nous

ferons référence à ces deux publications,

non pas pour les comparer, mais pour

mieux cerner un concept-clé des didacti-ques disciplinaires, celui de progression.

Concept et notionne sont pas des synonymesDans un article récent de Québec fran-

çals (n'151), nous proposions de distinguerles termes concept et notion, employéssans distinction dans les programmes defrançais du secondaire. Pourtant, si le fran-

çais compte deux mots, c'est qu'il sied defaire une distinction. Rappelons-la suc-cinctement. Un concept est une représen-tation mentale générale et abstraite d'un

objet (abstrait ou concret), stabilisée dansune communauté de savoirs à un momentdéterminé (concept de poids en physique,de raison en philosophie, de verbe en gram-maire). Aussi, rigoureusement parlant, leterme de concept fait référence à un objetconstruit dans le monde scientifique ousavant. En classe, point de concepts, puis-que laproduction de concepts est le travaildes chercheurs, pas celui des élèves. Ame-ner ces derniers à construire les notionsspécifiques à chaque champ disciplinaire età les utiliser adéquatement, voilà un travailexigeant pour les enseignants, qui doiventmaîtriser2 les notions scolaires, mais pasnécessairement les concepts utilisés dansles domaines scientifiques de référence.

Une notion est une connaissance intui-tive, générale (Le nouveau Petit Robert,2008) qui synthétise les caractères essen-tiels d'un objet, mais ne prétend pas à lascientificité. Pour nommer des objets abs-traits qui relèvent de l'étude scolaire de lagrammaire, de la mathématique, de l'his-toire, etc., à l'école, on utilise des notionspropres à ces disciplines scolaires. Mais,tout comme le concept, une notion est uneconstruction. Le but est d'amener les élè-ves à construire progressivement au coursde leur scolarité des notions grammatica-Ies, mathématiques ou autres de plus enplus opératoires, parce que plus préciseset rigoureuses. De là l'importance d'évi-ter I'accumulation de notions dès le débutdu primaire, ce qui entraine une confusiondésastreuse entre les termes et encourage la< devinette >. Un grand éducateur disait :< N'enseignez pas trop de sujets; ce quevous enseignez, enseignezle bien I > (Whi-tehead, 1929).

Tout au long du primaire et du premiercycle du secondaire, les élèves devraient,grâce à un enseignement planifié selon

une progression, construire, par exem-ple, la notion d'adjectif de manière à cequ'elle désigne de plus en plus précisé-ment I'ensemble des caractéristiques del'adj ectif (sémantiques, morphologiqueset slntaxiques) afin de les reconnaitre sys-tématiquement, pour les accorder correc-tement et évaluer leur apport au sens dutexte. C'est ce processus que I'on appelle,paradoxalement, conceptualisation, enpsychologie cognitive et du développe-ment. Cette notion, très utilisée en cemoment en éducation, est source d'am-biguïté car conceptualiser peut être com-pris soit comme produire des concepts soitcomme construire des conceptions. Toutapprentissage scolaire exige un processusde conceptualisation, car l'élève doit passerde notions élémentaires peu opératoires àdes notions plus complexes et opératoi-res pour désigner les différents objets deconnaissances disciplinaires. Or, la ques-tion que l'on doit se poser est la suivante :comment favoriser ce passage obligatoirede notions élémentaires à des notions pluscomplexes ? Ce passage rejoint ce queVygotski appelle une ( rupture ), c'est-à-dire pour l'élève quitter des zones connues,faisant partie du quotidien, pour se diri-ger vers I'inconnu, le non-maitrisé et doncvers l'apprentissage (SchneuwJy, 2008). Àl'école, c'est l'enseignant qui doit jouerce rôle pédagogique et didactique fonda-mental de permettre cette rupture, donc ledéveloppement psychique des élèves.

lmportance de l 'enseignementpour le développement de l 'élèveAu début du siècle dernier, Vygotski,

psychologue et pédologue ruSse, posaitle lien essentiel entre l'enseignement etle développement de I'enfant, s'opposantainsi aux théories remettant entre les mains

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des élèves la construction de leurs savoirsou prétendant devoir attendre qu'ils soient< prêts à ,... Selon lui, I'enseignement nepeut être efficace que dans la mesure oit ildevance le développement de I'enfant et< travaille sur des savoirs et adresses dontles bases psychiques ne sont pas encoredéveloppées, ne sont pas encore arrivées àmaturité > (Schneuwly,2008, p.47). Aussi,I'importance de planifier I'enseignement,de le préparer, d'être au-devant de l'élèvedevient plus apparente et plus justifiée. Enquelque sorie, l'enseignant doit confron-ter les élèves au nouveau, mais pas à n'im-porte quel nouveau:, aux nouveaux objetsde savoir propres aux disciplines scolaires.Car, < bien que l'élève soit le premier arti-san de la construction de ses apprentissa-ges, on doit garder à I'esprit que l'apprentiartisan a, de tout temps, eu un maitre pourle diriger et I'amener à l'æuvre ; à l'école,ce maitre, c'est l'enseignant > (De Koninck2005,p.5).C'est ici qu'intervient la notionde progression dans l'enseignement, carc'est Ie maitre qui est responsable d'orga-niser, de planifier le travail pour faire ensorte que l'élève quitte un environnementconfortable et connu pour entreprendre ladécouverte de l'inconnu. Mais qu'entend-on au juste ici par progression ?

- La progression : un outi lessentiel pour l 'enseignement< Avance élaborée, organisée > ou encore

n développement par degrés et continu )selon le nouveau Petit Robert (2008). Cene peut être plus clair et plus simple. Pourqu'il y ait progression, il doit y avoir uneplanification, une organisation des conte-nus à enseigner pour faire apprendre. C'estla responsabilité des enseignants de la met-tre en æuvre selon les prescriptions du pro-gramme d'études qui, lui, dewait s'appuyersur les apports des sciences de référence,dont la didactique : quelles pratiques lan-gagières étudier, quelles connaissances ethabiletés eîgager dans l'appropriation deces pratiques, quelles notions enseigner ?Cela veut dire que l'enseignant disposed'une répartition dans le temps des objetsà enseigner selon des finalités explicites età partir d'une anticipation des apprentis-sages suscités (Dolz et Schneuwly, 1996dans Chartrand, 2008, p. 3).

Nous revenons donc à notre premièreaffirmation, l'élève a besoin d'un maitre,

Québec français 154 | ÉTÉ 2oo9

c'est-à-dire ( une personne dont la com-pétence est socialement reconnue, parcequ'il a déjà construit, avec d'autres et grâceà d'autres, les contenus institutionnalisésqu'il enseigne ; il connait les outils néces-saires aux apprentissages et prévoit ce quipeut leur faire obstacle > (Chartrand, 2008,p. 5). Il peut alors répartir les contenusselon certains critères pour en faire uneopération réfléchie et respectueuse de l'en-vironnement pédagogique. Il nous semblenécessaire de retenir quatre ensembles decritères pour l'enseignement du français.Nous les aborderons succinctement3 :. I'objet à enseigner, son statut, sa diffi-

culté et sa fréquence ;. I'articulation de I'objet à enseigner à

l'étude des genres, puisqu'il s'agit detravailler dans la langue et non seu-lement sur la langue, c'est-à-dire deprendre le temps d'approfondir lesspécificités langagières du genre étudiéet non seulement de les nommer;

. la prise en compte des attentes socia-les, des prescriptions scolaires et descultures disciplinaire et enseignante ;

. Ia prise en considération de la cultureet du développement cognitif et langa-gier des élèves, ce qui ne veut pas direqu'il faille < attendre > la motivationou I'intérêt des élèves, mais plutôt êtreconscients de ces différentes réalitésagissant dans une classe.

Il existe plusieurs types de progressionen éducation. Or, si I'on tient compte deces divers critères, il faut choisir celui quiconvient Ie mieux. La progression linéairene prend en compte que les objets d'ap-prentissage qu'elle répartit du plus simpleau plus complexe (au primaire, on a long-temps enseigné Ia lettre, la syllabe, Ie mot, laphrase, puis le texte) accordant ainsi moinsd'importance au sens du texte lu. La pro-gression par accumulation renvoie aussiseulement aux objets qu'elle traite de façonconsécutive, Ies éléments nouveaux s'empi-lant les uns sur les autres. Mais I'enfant quiapprend à lire ne le fait pas seulement grâceà I'introduction de nouvelles lettres, denouveaux mots, mais bien grâce à son pro-grès dans la gestion d'ensembles de plus enplus complexes, variés et signifiants pourlui. Même chose avec l'écriture. Appren-dre à écrire n'est pas seulement ajouter denouveaux mots à son vocabulaire (500 au

premier cycle, I 500, au 2" cycle, etc.) ou denouvelles structures qmtaxiques, mais plu-tôt faire des avancés, des retours en arrière,prendre le contrôle sur la verbalisation desa pensée et de sa manifestation langagière.La progression spiralaire, quant à elle, aucontraire des deux autres, non seulementpeut tenir compte des quatre critères éla-borés, mais appréhende I'objet (une notion,un genre textuel, une procédure, une stra-tégie) par approfondissements successifs.Ainsi, Ies genres à dominante descriptives'enseigneront au frl-des ans en partant, parexemple, de la fiche encyclopédique pourse rendre à la note critique d'un ouwage,selon des dispositifs didactiques différentset en poursuivant des objectifs différentschaque fois. On peut donc penser la pro-gression des situations d'apprentissagedans la famille (s)'informer par exemple-en travaillant tout au long du secondairedes genres différents, selon des modalitesqui varieront et selon des objectifs de plu-.en plus complexes.

Il faut cependant avoir à l'esprit quefaire de la progression I'outil essentiel del'enseignement exige deux éléments : lasolidarité entre les enseignants (d'un mêrneniveau, d'une même école, d'une mêmecommission scolaire, voire d'une mêmeprovince) dans l'élaboration ou la mise enæuvre d'une progression cohérente et effi-cace et le besoin de souplesse pour faire faceaux divers contextes sociaux et aux parti-cularités des élèves pour lesquels il faudraprévoir des ajustements.

Avant de se demander quel chemine-ment l'enseignant devrait adopter pourmettre en place une progression, il noussemble opportun d'introduire le termerépartition. Car il nous apparait que ledocument publié par le MELS intituléProgression des apprentissages au primairepropose davantage une répartition desapprentissages au primaire qu'une vérita-ble progression.

La répartit ion : un outi lnécessaire mais secondaireLa répartition est une opération ,t=:

consiste à partager certains éléments lie*,entre eux ou disparates. Ainsi, on p€:îdécider qu'à l'école (et c'est ce que I'on t-aiIes élèves doivent, à un moment don-e.maîtriser telle ou telle notion, connai:*telle ou telle règle, être capable de lire e: :e

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comprendre tel ou tel genre de texte, etc. Ilne s'agit donc pas d'une progression dansl'enseignement, mais bien d'une réparti-tion des connaissances et habiletés jugéesnécessaires dans une discipline donnée. Lesdeux termes apparaissent donc plutôt com-plémentaires. En effet, dans les program-mes par exemple, onpeut se demander queltype de progression a été planifié pour per-mettre aux élèves d'atteindre les objectifsdéterminés dans la répartition des objetsd'enseignement et d'apprentissage.

Ainsi, le document publié par le MELSen réponse à la mesure 6 ds PIan d'actionpour l' amélioration du français à I' enseigne-ment du primaire et du secondaire n' est pasune proposition de progression, mais plu-tôt une répartition par année et par rycled'objets d'étude. Ce sont plutôt des atten-tes ; le chemin à emprunter pour y arrivern'est pas indiqué. Ce qui n'est pas indiquénon plus, c'est le matériau sur lequel on vatravailler: des exercices, des textes, de queltype, de quel genre ? Par exemple, com-ment la stratégie d'associer un graphèmeà un phonème va-t-elle être enseignée ?

Quand il s'agit de faire comprendre le sys-tème verbal, comment va-t-on procéder ?À partir de quoi ? On peut certes s'appuyersur.cette répartition, mais une suggestionde progression est nécessaire pour guiderles enseignants et éviter la redondancedurant deux, trois, quatre ans.

Dans la proposition de progressionpour le secondaire (Chartrand, 2008),on peut clairement observer une prise encharge d'un objet, par exemple les genresde textes à dominante argumentative, etsuivre comment ses caractéristiques vontêtre développées et approfondies au coursdes années, comment aussi ces dernièrespourront se manifester et se complexiûerdans divers genres (affiche de sollicitation,4" de couverture, lettre du lecteur, compterendu critique et texte d'opinion). Il en vade même pour une notion grammaticale,une procédure d'accord ou une stratégiede lecture. On ne peut enseigner durantdeux, trois ou quatre ans ces objets de lamême façon et en poursuivant les mêmesobjectifs sans lasser les élèves et provoquerennui et désengagement. Aussi doit-on sedemander quelles seront les façons d'en-seigner pour éviter le < rebrassage > et larépétition qui, avouons-le, est trop souventle lot de la classe de français.

Les modalités de travailde l 'enseignantDans le document ministériel de 2008,

on propose deux façons de diriger les inter-ventions de l'enseignant : 1) l'élève apprendà faire le travail avec I'intervention sys-tématique de I'enseignant ; 2) l'élève Iefait seul avec aisance au terme de I'année.On notera au passage que ce n'est plusI'enseignant qui est au centre du proces-sus de développement, mais l'élèvea. Desquestions surgissent : comment les élèvespeuvent-ils recevoir un enseignement sys-tématique durant trois ou quatre annéessur une notion et à la 5" être autonomes ?Comment cet enseignement systématiquesur autant d'années est-il organisé pourqu'il ne soit pas que de la redite ? Y a-t-ilprogression ; si oui, de quel tFpe est-elle ?Comment peut-on enseigner la mêmenotion de façon systématique durant qua-tre ans (MELS,2008, p. 9) ?

Pour éviter la redondance d'une annéeà l'autre, tout en visant I'approfondisse-ment, la progression spiralaire qu'a déve-loppée Chartrand propose, dans la fouléedu programme du MEQ de 1995, troismodalités de travail : la sensibilisation,I'enseignement systématique et I'appro-fondissement ou consolidation. Dans l'ap-prentissage d'un métier, d'une profession,d'un sport, d'un art, d'une discipline sco-laire, peu importe laquelle, ce chemine-ment est Ie plus n normal u. Revoyons nosexpériences personnelles, il y a toujoursune période d'apprivoisement, suivie d'ac-quisitions de connaissances et d'habiletésélémentaires qui se complexifieront à tra-vers des pratiques diversifiées.

Pour terminer, quelques questionsmériteraient d'être débattues et exigentune réponse claire des autorités scolaires :

. Si on accepte que notion et conceptsont deux mots traduisant deuxentités fort différentes, pourquoi nepas distinguer, pour les enseignants,ce qui relève de concepts scientifiqueset ce qui relève des notions scolairesà faire construire et maîtriser par lesélèves ?

. Si le principe de progression estconsubstantiel de I'enseignementdans le système scolaire, ne faut-ilpas lui donner une définition nonéquivoque ?

Si la progression de I'enseignementest essentielle au développement del'élève, ne faut-il pas déterminer unpilier sur lequel elle s'appuiera ?

Subsidiairement, qui est responsable. de la planification et de la répartitiondes objets à enseigner : chaque ensei-gnant, chaque groupe d'enseignants,chaque groupe d'éditeurs scolaires, leMELS ? tr

" Didacticienne dufrançais, professeureà I'Université Laval

" * Didacticienne, orthopédagogue et

auteure de manuels defrançais

Notes

1 Notons que ce qui est traité sous la rubriqueNotions et concepfs au secondaire 5e retrouve,au primaire, sous Savoirs essentiels. Onpourrait se questionner sur cette expressioninappropriée d'autant plus qu'il ne s'agit quedes notions qui concernent le fonctionnementde la langue en laissant tout l'aspect discursifdu langage de côté. Ne serait-il pas plusprudent de parler plutôt de connaissancesélémentaires sur lo /angue puisque nous savonstous que la plupart des élèves acquièrentau primaire des notions élémentaires qu'ilsapprofondiront au cours des années quisuivent ?

2 Ce texte adopte l'orthographe rectifiée.

3 Pour plus d'explications sur ces critères,consulter le document de Chartrand (p.8 et 9).

4 l ly adans ce documentdeuxfaçonstendanciellement contradictoiresd'appréhender l'enseignement du français.Dans les deux pages introductives, on insistebeaucoup sur le rôle de l'enseignant, maispour la répartition des connaissancés, c'estl'élève seul (et non plus la classe et sonenseignant) qui est concerné.

Références

CHARTRAND, Suzanne-G., Prog ression do nsl'enseignement du français langue premièreou secondaire québécois. Répaftition desgenres textuels, des notions, des stratégieset des prccédures à enseigner de la 1'" à la5" secondaire, Québec, Les PublicationsQuébec français, 2008.

DE KONINCK Go delieve, Lire et écrire ausecondoire, un défr signifiant, Montréal, LesÉditions de la Chenelière,2005.

MELS, Progression des opprentissoges enf ra n ça i s, en s ei g n em ent p r i m oi te, Québec,Gouvernement du Québec, 2008.

SCHNEUWLY, Bernard, Vygotski, l'école etl'écriture,Cahies de la section des Sciencesde l'Éducation n" 1 1 8, Genève, Université deGenève, coll. Pratiques / Théorie, 2008.

WHITEHEAD, A. N.,The aims of Educdfion, NewYork. Macmillan, 1929.

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