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« Dans les pertes de "Libération",tout le monde a une part deresponsabilité »Le Monde.fr  | 10.02.2014 à 19h26 • Mis à jour le 10.02.2014 à 19h52 |

Propos recueillis par Alexandre Piquard (/journaliste/alexandre-piquard/)

Olivier Bertrand est élu syndical SUD et correspondant à Marseille

de Libération.

Pierre : Les termes employés par les actionnaires dans leur projet sont unpeu provocateurs et excessifs, dans l'intention de virer  la rédaction de

son bâtiment, mais faire de Libé  un lieu ouvert de débats, d'expos, c'est

attrayant, non ?

Olivier Bertrand : Tous les projets sont imaginables. Dans leur immense

majorité, cela fait longtemps que les salariés de Libération sont prêts à toutes

les diversifications qui permettent de trouver  un modèle économique et des

moyens de continuer  à faire un journalisme de qualité.

Nous avons d'ailleurs commencé, depuis déjà un bon moment, avec par 

exemple les forums, les master class, etc. Mais ce modèle ne fonctionne que si

le cœur de métier, c'est-à-dire le journalisme, une information de qualité, sont

au cœur du projet. Et lorsqu'on envisage un bar, un restaurant, un espace

culture , tout en demandant aux journalistes de quitter  les lieux, le modèle

devient incohérent.

David : La presse a l'air d'être  en difficulté de manière générale, mais

Libération semble avoir  raté, plus que les autres, le virage numérique,

alors qu'il y avait un gros potentiel (notamment via les Libé blogs  , que

vous connaissez bien). La rédaction est-elle prête à changer  ses

habitudes pour réellement faire du numérique sa priorité et prendre en

compte les usages d'aujourd'hui (plus grand monde ne va au kiosque...) ?

Bien sûr que la rédaction est consciente de cela. C'est peut-être important de

rappeler  que Libération a souvent été en avance sur ces questions : premier site Internet de la presse quotidienne généraliste, premier Libéville, première

radio, premier live tweet. Aujourd'hui, la rédaction est tout à fait prête aux

mutations indispensables.

Il faut se préparer  à une éventuelle poursuite et, malheureusement, probable de

 Au siège de "Libération", le 3 septembre 2013. | AFP/FRED DUFOUR

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la baisse du papier. Ces dernières années, nous avions un handicap pour nous

projeter  complètement vers le numérique, c'est la sous-capitalisation de

Libération.  Aujourd'hui, nous disons que nous avons toujours ce problème.

Mais nous avons également des dirigeants qui ont été incapables, ces

dernières années, d'impulser  et accompagner  ces projets de mutation.

Alex : Que répondez-vous aux accusations de ringardise ?

La première réaction que l'on peut avoir  , c'est que lorsqu'on imagine de faire

un « Flore du XXI siècle », c'est audacieux de faire en même temps un procès

en ringardise à ses salariés. Mais ce que nous pensons surtout, c'est queBruno Ledoux, actionnaire de Libération, ne connaît pas ses salariés, ne

connaît pas ses journalistes, et plus grave encore, la seule chose qu'il en

connaît est probablement ce que lui en dit Nicolas Demorand, PDG en échec,

et qui pour sauver  la face et son poste auprès des actionnaires, dénigre ses

salariés et les accuse à tort de ne pas vouloir  évoluer  .

Ces dernières années, à de nombreuses reprises, les journalistes de Libération

ont pressé Nicolas Demorand d'accélérer  les réformes nécessaires, de lancer 

les chantiers pour soutenir  les ventes du journal et, en même temps, préparer 

la mutation numérique. Mais Nicolas Demorand ne s'est jamais installé dans

les habits d'un patron de presse.

C'est d'ailleurs une chose que nous disent très officiellement les actionnaires.

En comité d'entreprise, leur représentant nous explique que Nicolas Demorand

est l'un des meilleurs interviewers de France , mais que ce n'est probablement

pas un PDG. Qu'on lui a peut-être demandé de faire  des choses qu'il ne

pouvait et peut-être ne voulait pas faire  .

NN : Quel rôle voyez-vous pour Nicolas Demorand dans cette affaire ?

 A titre  personnel, et pas en tant qu'élu, j'aurais été ravi, par exemple, que

Nicolas Demorand prenne en charge un grand rendez-vous sur le Web. Ce qui

nous paraît certain aujourd'hui, c'est qu'aucun projet de développement viable

ne pourra se mettre en place tant qu'il restera PDG de cette entreprise.

Depuis vendredi, au problème de compétences, s'est ajouté un problème de

confiance. Nicolas Demorand connaissait parfaitement le projet que préparait

en secret l'actionnaire. Il a menti à ses salariés, il a dupé ses journalistes.

Pour permettre l'arrivée de Nicolas Demorand, les journalistes de Libération ont

voté, ensuite ils ont été déçus, ils ont essayé d'alerter  plusieurs fois leurs

actionnaires des défaillances de la gouvernance. Les salariés de Libération ne

demandent pas à choisir  leurs dirigeants, c'est du ressort de leurs actionnaires,

mais la responsabilité des actionnaires est de nommer  des dirigeants

compétents.

Paul Gubbio : Depuis de nombreuses années, vous accusez les

actionnaires, la direction ou encore l'évolution de votre écosystème. Ne

pensez-vous pas que les journalistes ont aussi leur part de responsabilité

?

D'abord, nous accusons nos dirigeants d'incompétence. Pour le reste, nous

n'accusons pas l'écosystème. Nous en faisons partie et nous en sommes

coresponsables.

Et dans la baisse des ventes de Libération, comme dans les pertes du

quotidien cette année, tout le monde a une part de responsabilité. Les

 journalistes, comme les autres, doivent se remettre en cause. Et continuer 

d'aller  vers tous les supports. Mais cela suppose aussi des financements et, au

risque de me répéter  , des dirigeants compétents.

Benjamin : Je suis étudiant. Et ce matin, à la bibliothèque universitaire,

 j'ai pris Libé  de ce week-end et de ce lundi. Le seul article que j'ai trouvé

intéressant est l'entretien avec Marie-Josèphe Bonnet

(http://www.liberation.fr/societe/2014/02/07/le-mariage-est-devenu-de-gauche-un-paradoxe-

incroyable_978617) [militante homosexuelle et féministe]. Il n'y a pas un

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problème de contenu ?

Je pense que Libération est inégal en ce moment. Qu'il y a des jours où ce

 journal regorge de pépites. D'autres, où on le referme en étant déçu. Et les

 journalistes de Libération, toute l'équipe, demandent que cette question-là soit

posée sur la table, sans tabou, et collectivement.

Patrique : Libé , c'est un journal fait par des bobos parisiens pour des

bobos parisiens votant exclusivement pour les partis « sociétalistes », PS

et EELV . La chute de lectorat ne vient-elle pas de votre étroitesse de vue

?

Je pense que c'est une vision assez caricaturale. La plupart des quotidiens

nationaux français sont trop parisiens. Pour lutter  contre cela, Libération est le

seul quotidien national qui a encore des correspondants permanents salariés.

Sur la ligne politique , à part peut-être dans les toutes premières années, et

encore, Libération a toujours été un journal qui s'adresse, politiquement, à un

lectorat très large. Ce qui peut faire  débat chez le lecteur, et ce qui a toujours

fait débat à Libé.

 Au comité le matin, comme dans les assemblées générales, il y a des

 journalistes qui trouvent Libération pas assez à gauche, trop libéral, pas assez

libéral… mais là, ils sont rares. C'est difficile de rester  un quotidien ouvert au

plus grand nombre. Nous sommes beaucoup, je crois, à croire que

l'engagement de Libération devrait surtout se faire  sentir  nettement, non pas

dans des positions partisanes, mais dans la sélection des sujets sociétaux que

nous choisissons de rendre prioritaires dans nos pages.

Stéphanie : Nous parlons depuis tout à l'heure d'habillages (papier ou

Web), de mutation technologique. Mais nous ne parlons que très peu du

contenu et du fait qu'en amenuisant depuis des années les rangs de la

rédaction, les actionnaires et dirigeants n'ont fait que créer  la situation

actuelle. Que Libération ait créé le supplément Next pour siphonner  la

pub du secteur du luxe  , qu'il suive les mêmes actus, les mêmes agendas

que les autres quotidiens, qu'en gros, il s'aligne sur « ce qui se fait en ce

moment et ce qui doit se faire demain », n'est-ce pas là la preuve d'une

perte d'identité, qui fait aujourd'hui véritablement sa perte ?

Il y a deux questions. La première pointe du doigt l'amenuisement des moyens.

C'est vrai que nous sommes, comme la plupart de nos confrères, dans un

cercle pas très vertueux. Pour se maintenir  à l'équilibre, ou limiter  nos pertes,

nous sommes de moins en moins nombreux avec des journaux moins épais et

plus chers.

 A cela se sont ajoutés, selon nous à Libération, des choix stratégiques qui ont

accéléré la dégringolade ces deux dernières années, alors que nous nous

étions plutôt bien tenus jusque-là : supressions de rubriques, baisse brutale de

pagination, arrêt du recrutement d'abonnés qui étaient en pleine progression et

qui contribuaient à essayer  de pérenniser  le modèle. Et à le rendre  moins

dépendant de la disparition des kiosques.

Deuxième aspect de la question : le supplément Next et le luxe. Je pense qu'il y

a une part d'injustice. On trouve aussi dans Next des pépites. Je pense qu'il

n'est pas incompatible de proposer  un magazine dans lequel il y a de la

publicité, y compris pour des marques de luxe, tant que notre modèle en

dépend et d'y trouver  en même temps des enquêtes, des reportages , des

portraits, des interviews, etc.

ABC : Vous avez vraiment vu François Hollande ? Qu'a-t-il dit ?

Moi, je n'ai pas vu François Hollande.

ENS : Où en est la recherche de nouveaux actionnaires ?

C'est compliqué pour nous de répondre à cette question. D'abord, parce que

depuis le début, nous privilégions la discrétion afin de ne pas nuire aux

éventuelles démarches pour trouver  de nouveaux actionnaires. Et ensuite,

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parce que ces informations ne peuvent nous parvenir  que par nos actionnaires

actuels et qu'aujourd'hui, nous savons qu'ils nous mentent.

La seule chose que l'on sait, puisque Bruno Ledoux l'a dit officiellement

vendredi, c'est qu'une banque d'affaires est mandatée effectivement pour 

trouver  de nouveaux investisseurs.

Visiteur : Ne peut-on pas dire que la situation financière est un simple

prétexte pour récupérer  l'immeuble rue Béranger ?

C'est l'une de nos inquiétudes. Et l'on peut dire 

que les mensonges de nosactionnaires, ces derniers mois, ne contribuent pas à nous rassurer  . Mais nous

ne sommes pas fermés. Nous voulons trouver  les solutions pour sauver  ce

 journal, cette entreprise et une information de qualité.

Donc nous prenons les gens au mot. S'il y a un modèle économique nouveau à

imaginer  11, rue Béranger, que le journalisme reste au cœur de ce projet et

donc de ce lieu, que ce projet est accompagné de financements pour la

diversification et pour le journalisme, et qu'un vrai patron de presse arrive enfin,

nous sommes force de propositions et non d'immobilisme.

Alexandre Piquard  (/journaliste/alexandre-piquard/)

Journaliste au Monde