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© Éditions Tallandier, 2019 - GUERRE DE FRANCERG est dégradé au sein d’une Sous-Direction à l’information générale (SDIG)4 confiée à la Direction centrale de la sécurité

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©ÉditionsTallandier,201948,rueduFaubourg-Montmartre–75009Paris

www.tallandier.com

EAN:979-10-210-3993-3

CedocumentnumériqueaétéréaliséparNordCompo.

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Sommaire

Titre

Copyright

Introduction

Premièrepartie-NAISSANCED'UNEINSTITUTIONL'INCONSTANCEDENICOLASSARKOZY-2008-2011

Chapitrepremier-BaptêmesouslefeupourBernardBajolet

ChapitreII-ChristopheGomartUnsoldatpourlabatailledel'Élysée

ChapitreIII-ClaudeGuéantoulementormalgrélui

Deuxièmepartie-LETEMPSDESMUTATIONS-2011-2015ChapitreIV-AngeMancinicunctator

ChapitreV-AlainZabulonaucœurdesréformesdel'Étatsecret

ChapitreVI-LeshommesduPrésidentvusparFrançoisHollande

Troisièmepartie-LARECHERCHED'UNSUPPLÉMENTD'ÂME-2015-2017

ChapitreVII-DidierLeBretdanslatourmenteterroriste

ChapitreVIII-NouveaumondeetvieillesmenacesPierredeBousquetdeFlorianetlaCNRLT

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Appendices-COORDONNERLESSERVICESDERENSEIGNEMENTUNECOMPARAISONDANSL'ESPACEETDANSLETEMPS

L'exempleaméricainLeDirectorofnationalintelligence(DNI)

Lesessaisdecoordinationdepuis1958L'échecduPremierministre

Conclusiongénérale-EntrechronosetkairosUnecoordinationàlarecherchedubontempo

Notes

AnnexesPrincipauxacteursdelapériode

LettredemissiondeNicolasSarkozyàBernardBajolet

Lacoordinationnationaledurenseignement(en2019)

Dispositionsdudécretno2009-1657du24décembre2009relativesauCNRintroduitesdansleCodedeladéfense

Listedessiglesetacronymes

Noticesbiographiquesdesprincipauxacteurs

Remerciements

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Introduction

Sidans laConstitution lePrésidentdétientpeudepouvoirs,dans laréalitéillesconcentre.Toutconvergeverslui,desdécisionsstratégiquesaupositionnementdesacteurspolitiques;ilestlepointfocaldesattentescitoyennes, notamment en période de crise. Conscient de cette chargesymbolique et politique, Nicolas Sarkozy a voulu instituer l’Élysée encentre de décision. Aucun champ d’action de l’État n’a échappé à sonappétit, pasmême le renseignement,d’ordinairemarginalisé et objetdeméfiance.

Ainsi, le chef de l’État élu en 2007 a-t-il immédiatement créé lafonction de Coordonnateur national du renseignement (CNR) pour leconseiller dans ce domaine stratégiquemais également pour relayer sesinstructions à des administrations très autonomes. Désormais, laprésidence supervise les services spécialisés de la communauté durenseignementets’assuredeleurbonnecoopération.Àcettefin,leCNRélabore lePlannationald’orientationdurenseignement, feuillederouteaucaractèreimpératif.Demême,destinatairedetoutelaproductiondesservices, il la synthétise au profit du Président qui, à la veille d’unenégociation diplomatique au plus haut niveau ou dans l’urgence d’unecriseterroriste,disposed’élémentspourfonderseschoixettenir lerangdanslacompétitioninternationale.

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Face à la centralisation opérée, les esprits s’affolent au sujet de ce« chefdes espions » qui s’installe au sommetde l’État, dans le cœurdupouvoir.Lasuspicionplane:lerenseignement,enjeudepouvoir,serait-ilen train de muer en un instrument de pouvoir ? Le « secret du roi »,embryondeservicederenseignementsousLouisXV,va-t-ilseréincarnerdanscet«espiondel’Élysée»?Carl’intérêtpourcesujetnepeutêtrequesuspect tant les servicesde renseignementont longtempsété considérés

commeunmal nécessaire, un rouage peu apprécié de l’« État secret 1 »qui,précisément,devaitledemeureret,pourcela,setrouvaitreléguéàlamarginalité. Les responsables politiques ne s’en préoccupaient quecontraintsetforcés,hantésparlesscandalesquiémaillèrentlaCinquièmeRépublique,del’opérationRésurrectionàl’affaireClearstream,enpassantpar le RainbowWarrior ou lesmicros duCanard enchaîné. De fait, cesactivitésnefaisaienttraditionnellementl’objetnid’unesupervisionsuivie,nid’uneorientation,nid’unecoordinationpérenneetencoremoinsd’uncontrôle. Les services se trouvaient quelque peu livrés à eux-mêmes, secherchant – parfois en vain – des interlocuteurs éparpillés à tous lesniveaux stratégiques de l’État (entourage présidentiel, état-major

particulierduchefde l’État 2,entourageduPremierministre,Secrétariat

général de la défense et de la sécurité nationale 3, ministres de tutelle,etc.). Un indéniable et tenace parfum de soufre nimbait cette activitérégalienne. Le vocabulaire usuellement employé en atteste : « espion »,«secret»,«ombre»,«barbouzes»,«opérationsspéciales»,etc.

Cependant,lagreffevoulueparNicolasSarkozy,maisinsuffisammentaccompagnée, ne prend pas. L’entourage présidentiel et les services derenseignement s’accordent pour rogner les ailes de celui dont ils nesouhaitentpasqu’ils’installeen«Maîtreespion».Sanaissanceseréalisedans la douleur et tout acte de son existence devient un combat. Lesblessures originelles laisseront des séquelles. Depuis, loin d’être le chefdes services de renseignement, le coordonnateur joue plutôt le rôle decourroie de transmission entre des administrations oudes échelons qui,

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d’ordinaire,s’ignoraient.Bienqu’indispensable,ilpeutincarner,selonlesconfigurations,une forced’impulsionoun’êtrequ’unspectateurengagé.Pourtant,lesquestionstraitéessontstratégiques,lesenjeux,vitauxetlesmoyens déployés, considérables. D’ailleurs, les crises se succèdent, etréservent une place croissante aux activités de renseignement :terrorisme, conflits armés, conflits géopolitiques (en Syrie, en Irak),scandaled’espionnage(affaireSnowden,Russiagate),attaquescyber,etc.

Onimagineununiversoùl’irrationneln’apassaplace,oùlesrivalitésn’existent pas. On se trompe. Le terrorisme, en particulier, cristallisel’attentionetlesambitions.Car,danscettegestiontrèsopérationnelle,lecoordonnateur ne trouve pas de place tant celle-ci est disputée pard’autres,installésdepuispluslongtempsetsansdouteplusopiniâtres.

Il fallait donc ouvrir cette « boîte noire » de l’État, éclairer lesvicissitudes de sa structuration, saisir les mécanismesd’institutionnalisation du renseignement mais aussi les freins et lesobstacles pour, in fine, appréhender comment s’exerce le pouvoir. Pourservir cette ambition, nous avons donné la parole aux principauxconcernés:ancienscoordonnateurs,conseillers,ministresetprésidentdela République ont accepté de se livrer à un exercice dont ils sont peucoutumiers, d’évoquer leur succès et, surtout, leurs échecs ou lesdifficultés rencontrées. Ni hagiographie, ni brûlot, l’ouvrage retrace lescahots d’une histoire administrative passionnante qui nous emmène ausommetde l’Étatetnousplaceaucœurdesenjeuxmondiaux.TousontdémontrélajustessedelaphrasedeCocteau,selonlaquelle«unsecretatoujourslaformed’uneoreille».

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PREMIÈREPARTIE

NAISSANCED’UNEINSTITUTIONL’INCONSTANCEDENICOLAS

SARKOZY

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2008-2011

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Au cours de son quinquennat,Nicolas Sarkozy a procédé à une trèsimportante réforme du renseignement, promouvant ainsi une rapidemodernisationdecesadministrations.

Àpeine élu à laprésidencede laRépublique, il ordonne lamise enœuvre d’un projet conçu lors de son passage auministère de l’IntérieurmaisbloquéeparlevetodeJacquesChirac:l’absorptiond’unepartiedeseffectifs et des missions de la Direction centrale des renseignements

généraux(DCRG) 1parlaDirectiondelasurveillanceduterritoire(DST) 2

dans l’objectif de créer laDirection centrale du renseignement intérieur

(DCRI) 3qued’aucunsprésententdemanièreerronéecommele«FBIàlafrançaise ». Pour trompeuse que soit la comparaison, elle traduitl’ambitionduprojet.Enparallèle,lereliquatdeseffectifsetmissionsdesRG est dégradé au sein d’une Sous-Direction à l’information générale

(SDIG) 4confiéeàlaDirectioncentraledelasécuritépublique(DCSP) 5.Indéniablement, la réforme est marquée par l’influence de certains

acteurs clés des enquêtes déclenchées lors de la vague d’attentats desannées 1995-1996 : ils occupent des fonctions éminentes entre 2002et2012,àl’instardeClaudeGuéant,anciendirecteurgénéraldelapolicenationalede1994à1998,devenudirecteurdecabinetdeNicolasSarkozy

placeBeauvaupuissecrétairegénéraldel’Élysée 6,ouencoredeBernardSquarcini, directeur central adjoint des renseignements générauxentre1999et2004,nommédirecteurde laSurveillanceduterritoireen2007.

Sil’objectifglobalconsistaitàrationaliserlaluttecontreleterrorismequi s’était auparavant épuisée en luttes intestines, cette greffe et cettediminutiocapitisproduisentdeseffetsjugéscontre-productifsparnombre

d’observateurs 7 et de policiers, mais aussi par la majorité issue desélections de 2012 qui repensera l’entier dispositif de renseignementintérieur.

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Danslamêmedynamiqueréformatrice,NicolasSarkozyreprenduneinitiativelégislativelancéeparDominiquedeVillepinenmars2006danslebutdecréeruneDélégationparlementaireaurenseignement(DPR).Letexte,identiqueàsondevancier,estinscritàl’ordredujourduSénatdèslemoisde juin2007etdéfinitivementadoptéenoctobre,manifestationd’une incontestable volonté politique traduite en actes. La novations’avèreàlafoisconsidérableetbanale:considérablecarjamaislaFrancen’avait légiféré enmatière de contrôle parlementaire, faisant preuve aucontraire d’un certain conservatisme sur ce point ; banale parce qu’elleétait ledernierpaysd’EuropeavecChypreànepasdisposerd’une telleinstance. Les prérogatives de celle-ci demeurent d’ailleurs timorées (ledispositifseraentièrementrefonduendécembre2013).

Conséquence connexe de cette loi du 9 octobre 2007 : la liste desservicesderenseignementestpourlapremièrefoisarrêtée.LaFranceencompte désormais six : à laDirection générale de la sécurité extérieure

(DGSE) 8,laDST(devenueDCRI),laDirectiondurenseignementmilitaire

(DRM) 9 et la Direction de la protection et de la sécurité de la Défense

(DPSD) 10,lesparlementairesontsouhaitéajouterTracfin 11etlaDirection

nationaledurenseignementetdesenquêtesdouanières(DNRED) 12.Enfin, dès le 26 juillet 2007, Nicolas Sarkozy confie à Jean-Claude

Mallet lesoindeprésider lacommissionchargéederédigerunnouveauLivre blanc sur la défense et la sécurité nationale. Ce travailprogrammatique, publié en juin 2008, contribue notamment àpromouvoir et à légitimer les activités de renseignement, érigées en unpilier stratégique dénommé « connaissance et anticipation ». Le rapportplaideenparticulierpourdesrecrutements,unmeilleurdéroulementdecarrière et une formation adéquate (la DGSE en sera la principalebénéficiaire). Dans cet esprit, en juillet 2010, l’Académie du

renseignement est instituée 13 pour doter la communauté durenseignement d’un organe de formation et de promotion de la cultureéponyme. D’abord peu acceptée par les services, il semblerait qu’après

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huit années d’existence, la structure soit en passe de trouver sa voie(actionsd’extériorisation,liensaveclemondeuniversitaire,etc.).

Le Livre blanc pointe aussi la nécessité d’investissements techniquesafindedéveloppernotammentdescapacitéssouverainesd’interceptionàl’internationaloudedéchiffrementauprofitdelaDGSEoudelaDRM.Cechoix stratégique, opéré au moment où la National Security Agency

(NSA) 14 réalise des offres de services à nombre d’agences derenseignementeuropéennes(àl’instardel’Allemagnequileregretteraau

momentdesrévélationsd’EdwardSnowden 15),correspondàunevolontéd’indépendance nationale dont notre pays bénéficie aujourd’huipleinement.

En outre, de nouvelles prérogatives juridiques sont préconisées auprofit des services. Car le terme « renseignement » ne dispose d’aucunfondementjuridiqueetnefiguredansaucuntextelégislatifalorsquelesdémocraties comparables ont adopté des dispositifs ou amélioré leurstextes après les attentats du 11 septembre 2001. Mais les réunions detravail organisées sous l’égide du SGDN ne déboucheront que sur desdispositionslégislativeséparses,principalementconsacréesàlaprotectiondu secret de la défense nationale. Il faudra attendre la loi du 24 juillet2015relativeaurenseignementpoursatisfairel’exigencedémocratiqueetopérationnelle.

Le rapport plaide aussi pour la création d’un Conseil national durenseignement, formation spécialisée du traditionnel Conseil de

défense 16, afinde consacrer la spécificité et le caractère stratégiquedesmatières traitées.Aucoursde lacampagne, lecandidatSarkozyplaidaitpour un Conseil de défense et de sécurité nationale sur le modèle

américain 17. Il confia au comité Balladur 18 le soin de proposer desmodifications des prérogatives constitutionnelles du chef de l’État, audétrimentduPremierministre.Préconisésdanslerapportdu29octobre2007, ces changements ont été atténués dans le projet de loiconstitutionnelle déposé par le gouvernement Fillon puis repoussés par

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l’examen parlementaire. Cela explique sans doute la configuration decettesolutionmédianeconcernantlerenseignement.

Enfin et surtout, le Livre blanc réclame que soit institué uncoordonnateurnationaldurenseignementauprèsduchefdel’État,pointuniquedeconvergencede laproductiondes servicesetdediffusiondesorientations.Sansattendre,NicolasSarkozymetégalementenœuvrecespréconisationsetadresse,dèsjuillet2008,unelettredemissionàBernard

Bajolet 19, alors ambassadeur de France enAlgérie 20. Celui-ci est chargéde constituer une équipe pour préfigurer la structure et participer à larédactiondestextesqui,parlebiaisdelaréformeduSGDN,introduironten décembre 2009 dans le code de la Défense le conseil national du

renseignementetlafonctiondecoordonnateur 21.L’ampleur des modifications et innovations, entreprises dans les

premiers mois du quinquennat et conduites en un laps de temps trèscourt, s’avère considérable et n’a que peu de précédents depuis l’après-guerre.Silaplupartdecesréformesnesuscitentguèredecommentaire,la création de la DCRI est jugée inopportune par certains tandis que lacréation d’un coordonnateur est attaquée en raison de laprésidentialisation induite,à reboursdeschoixopéréspar leconstituant

danslecadredelarévisionde2008 22.Car le Livre blanc puis Nicolas Sarkozy ne créent pas ex nihilo une

fonctiondecoordination;ilslaretirentdesfonctionsduPremierministre,estimant–àbondroit–qu’ellen’avaitétéassuméeniavecsuffisammentd’implication, ni avec suffisamment de constance. Un réflexeprésidentialiste vient ainsi clore un chapitre de l’histoire durenseignementenFrance,marquéparsaprofondedésorganisation.

Pourtant, le nouveau chapitre qui s’ouvre est tout aussi heurté.Désormais une institution existe, qui concentre sur elle les attentions etrivalitésmêmesi sonpositionnementauprèsduchefde l’État luiassureune pérennité qui a tant fait défaut aux structures précédentes. Et leprogrèsparaîtnotable.

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Dans ce contexte, le premier coordonnateur national durenseignement, l’ambassadeur Bernard Bajolet, a pourmission de créersonposteetd’installercettefonctiondanslepaysagedurenseignement.Le diplomate, qui n’est issu ni des services de renseignement, ni del’entourageprésidentiel, jouit d’une réputation de spécialiste duMoyen-Orient, objet de toutes les préoccupations. Ses sponsors – Jean-DavidLevitte, conseillerdiplomatiqueduPrésident, aupremier chef –pensentainsiavoirtrouvéunprécieuxcollègueetunaffidé.

Pour le seconder, Bernard Bajolet s’adjoint les services du colonelChristophe Gomart avec qui il va poser les bases de cette nouvelleinstitutionauxambitionsaffichées.Entémoignela lettredemissionquelesdeuxhommesrédigentetproposentàlasignatureduprésidentdelaRépublique. Ce document inédit, reproduit dans cet ouvrage, établitclairement lavolontédepositionnementstratégiqued’unCNRdisposantdepouvoirsétendus.

Or c’est précisément ce qui froisse l’entourage présidentiel, en postedepuisplusd’unanetdésireuxdeconserversesprérogatives.Lesheurtsavec la cellule diplomatique et l’EMP sont immédiats. La bataille pourobtenir des locaux en constitue la dérisoire illustration, tandis que lespremiersarbitragesperdussursonrattachementadministratifetdoncsonpositionnementdansl’écosystèmeprésidentielconduisentBernardBajoletàproposersadémissionàClaudeGuéant,lesecrétairegénéraldel’Élysée.Les signesd’une coordinationnondésirée s’accumulent. L’Élysée semblen’avoirjamaisvoulupleinementintégrerleCNRniàsonorganigramme–pournepasfairedel’ombreàl’entourageprésidentiel–niàseseffectifs–pournepaspesersurlebudgetdelaprésidence.Ledécretconstitutifde2009vientannihilerlesespoirsdelalettredemissionetlerattachement

fonctionnel au Secrétariat général du gouvernement (SGG) 23 achève leportaitd’unorganismeadministratifnonidentifié.Afindecirconscriresonrôle, il sera également tenu éloigné des opérations sensibles, et sestentativespourappliquerune supervisionopérationnelledeshommeset

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desmoyensnes’avérerontguèrefructueuses.Lesleviersd’actionluifontalorsdéfaut.

D’autantquesiClaudeGuéantsertderéférentaucoordonnateur,sonintérêt pour la création décroît très rapidement, l’exercice quotidien dupouvoir ravalant le renseignement derrière les priorités dumoment. Demême,NicolasSarkozynerencontrepassonnouveauconseilleret,ainsi,n’aide pas la structure à s’imposer. L’ambition de Bernard Bajolet estdéçue par celle du chef de l’État et de son premier conseiller quin’attendent guère que des synthèses de renseignement et l’absence debévues. De fait, les services de renseignement, d’abord méfiants,s’accommodentdelanouvellestructurepuisqu’ilsontplacéleurspionsausein des équipes nouvellement instituées et continuent de rencontrer lePrésidentetlesecrétairegénéral.

Mêmesi la criseentre laRussieet laGéorgieausujetde l’Abkhazieconstitue un baptême du feu pour la coordination, l’élan des premiersmois s’étiole tandis que l’hostilité de l’environnement perdure, lequelexige parfois jusqu’à la démission du coordonnateur. Malgré tout, unecoutumesecrée,desoutilsetmoyenssontmisenplaceetperdureront:Plan national d’orientation du renseignement (PNOR), réunionsmensuellesdeschefsdeservicederenseignement,synthèsequotidienneàl’adresse du Président, recommandations capacitaires et pilotage de lamutualisation technique, diplomatie du renseignement, etc.Naturellement,touteslesrecommandationsformuléesparleCNRnesontpassuivies,à l’imagede l’accordobtenudeNicolasSarkozypour l’achatsur étagère du drone américain Predator, ou de la mise en place d’uncoordonnateurdelaluttecontreletraficdedrogueàMatignon.

Lasd’uncombatà l’issue incertaine,BernardBajolet finitparquitterses fonctions en 2011. L’institution lui survit mais l’ambition initialesembleamputée.

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CHAPITREPREMIER

BaptêmesouslefeupourBernardBajolet

Diplomate atypique, coutumier des situations complexes, sinondangereuses,BernardBajoletafaçonnéunespécialitéreconnuedumondearabe au gré des postes occupés. À ce titre, à partir de 1975, il exercependant trois ans les fonctions de premier secrétaire à l’ambassade deFrance enAlgérie où, en 1978, il accueille FrançoisHollande pour huitmois dans le cadre de son stage de l’ENA. Après une parenthèseeuropéenne et en administration centrale, il devient en 1986 premierconseiller à Damas, puis directeur adjoint Afrique du Nord et Moyen-OrientauQuaid’Orsayen1991.

De1994à1998,sesfonctionsàl’ambassadedeJordanieluidonnentl’occasion de suivre la signature et les conséquences du traité de paix

israélo-jordanien 1visantànormaliserlesrelationsentrelesdeuxpays.En1999, il quitte leMoyen-Orient bouillonnant pour occuper un poste enBosnie-Herzégovinejusqu’en2003.Ilvitlamiseenplaceduprocessusdepaix, l’inaugurationduPacte de stabilité pour l’EuropeduSud-Est et latraquedescriminelsdeguerre.

Contrairement à nombre de ses collègues, il connaît et apprécie lesservicesderenseignementaveclesquelsilatravaillé.Enparticulier,alors

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qu’il représente la France en Irak entre 2003 et 2006, au sortir de ladeuxièmeguerreduGolfe, ilgère la longuepriseenotagesdeChristianChesnotetGeorgesMalbrunot,d’aoûtàdécembre2004.IlobtientparlasuitelaprestigieuseambassadedeFranceàAlgeravantd’êtreappeléparl’Élysée pour prendre la tête de la coordination nationale durenseignementen2008.

Après deux ans et demi passés à ce poste, il sollicite un nouveaudépart en ambassade et choisit l’une des plus difficiles au monde :l’Afghanistan. Il y réside jusqu’en avril 2013 quand, à la demande duprésident de la République François Hollande, il retrouve des fonctionsdanslacommunautédurenseignementendevenantdirecteurgénéraldelaSécuritéextérieure(DGSE).SaproximitéavecleprésidentHollandeetsonexpérienceluiconfèrentuneinfluencemajeurejusqu’àsondéparten2017.

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L’INCONNUDUSÉRAIL

«Dèslemoisdefévrier2008,alorsquejen’étaisàAlgerquedepuisquatorze mois, on m’a sondé sur le poste de coordonnateur durenseignement. Quelques semaines plus tard, j’ai donnémon accord deprincipeet,débutavril,onm’ainforméqueleprésidentdelaRépubliquelui-mêmeavait acceptémonnom.Maprisede fonctions était envisagéepourlafindumoisdejuillet.

Pourquoi a-t-on pensé à moi qui n’avais pas de compétencesparticulières en matière de renseignement et n’avais rien sollicité ?L’argumentprésentéàNicolasSarkozy– j’aieul’occasiondelire lanotequi luiavaitétéadresséepoursuggérermacandidature–se fondaitsurmon expérience dans le monde arabo-islamique alors que la menaceterroristeétait déjà prégnante. Je ne sais simon travail en Irak avec laDGSEsurlesaffairesd’otagesavaitaussijouéunrôle.Quantauxservicesintérieurs, ilsmeconnaissaientassezbiendepuismapériodesyrienne,àlafindesannées1980,etlacrisealgériennedudébutdesannées1990.Lessujetsetlesacteursn’étaientdoncpastotalementnouveauxpourmoi.

Mais je pense surtout que les collaborateurs institutionnels duPrésident craignaient la nomination à ce poste d’un homme de sonpremier cercle qui leur aurait fait de l’ombre. Il s’agissait donc d’unerecherched’équilibredespouvoirsauseindel’Élysée.Sijesimplifie,ilssesontpeut-êtredit : “Bajoletest fonctionnaire,doncon le tiendra”.Si tel

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estlecas,celasignifiequ’ilsnemeconnaissaientpassibienquecela.J’aiapprisquetroisautresnomsavaientétéproposés,maisj’ignorelesquels.»

En effet, face à ce profil institutionnel mais atypique circulent lesnoms de personnalités proches de Nicolas Sarkozy, à l’instar de Pierre

Charon 2oud’OlivierDebouzy 3.BernardBajoletsait-ilcommentsonnomafinipars’imposer?«Jenepeuxvousdires’ilaétéquestiondesnomsmentionnés.Pourmapart, jeconnaissaispeuNicolasSarkozy; jel’avaisuniquementcroisé.Quandilaétéélu, j’étaisambassadeuràAlgeret j’aisollicité une audience, comme je l’avais fait auprès de tous sesprédécesseurs.FrançoisMitterrandm’avaitreçuavantmondépartpourlaJordanie où il m’avait nommé. Jacques Chirac agirait de même à denombreusesreprises.Maisonm’asignaléquelenouveauchefdel’Étatnetravaillaitpasainsi,qu’ilnevoyaitpaslesambassadeurs.

En revanche, Nicolas Sarkozy a effectué deux déplacements enAlgérie.Lepremier,dèslemoisdejuillet2007,troismoisàpeineaprèssonélection,étaitunepetitevisiteassezsympathique.Nousavonspartagé

unméchouiavecAbdelazizBouteflika 4.Iln’yavaitpasd’enjeu,sinondenouer un premier contact utile en raison du préjugé de beaucoupd’Algériensà l’encontredeNicolasSarkozy.Quelquesmoisplus tard,endécembre2007,celui-ciaeffectuéunevisited’Étatbeaucouppluslourded’enjeux. Le projet de traité d’amitié envisagé par Jacques Chirac avaitéchoué, sous prétexte d’un article de loi voté nuitamment par les

parlementaires : l’article 5 de la loi du 23 février 2005 5. En fait, lesAlgériens n’étaient peut-être pas encore prêts pour envisager un traitéd’amitié avec la France. Nicolas Sarkozy avait à l’esprit un accord plusmodeste, pragmatique, qu’il appelait en privé son “traité d’amitiésimplifié”,etdontonm’aconfiélanégociation.

LesAlgériensavaientdonné leuraccordàuntexte,mais leremirenten cause la veille de la visite, le liant à d’autres sujets. Finalement, unaccordfuttrouvépendantlavisite.D’autrepart,NicolasSarkozy,d’abordréticentpouraborderlesquestionsmémorielles,prononçasurcepointun

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superbe discours à Constantine, finalisé pendant son déplacement. Autotal,cettevisiteàhautsrisquesetauxenjeuximportantsaétéunsuccès,dontonm’aattribué,àtortouàraison, lemérite.Jecroisquecesdeuxvisites ont constitué l’élément déclencheur de ma future nomination –dont iln’acommencéàêtrequestionquedeuxoutroismoisplus tard.Leurbondéroulementapuamenerlescollaborateursduchefdel’Étatàpenser que Nicolas Sarkozy accepterait sans peinemon nom s’ils le luiproposaient.»

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DUCONSEILNATIONALDESÉCURITÉÀCELUIDURENSEIGNEMENT

NicolasSarkozyavaitenvisagé,aucoursdelacampagneélectorale,lacréation d’un Conseil national de sécurité ; l’hypothèse perdure-t-ellelorsque Bernard Bajolet est approché par l’entourage présidentiel ?«L’idéen’avaitfinalementpasétéretenue.Sansqu’onmel’aitréellementexpliqué, j’ai cru comprendre que l’abandon de ce projet était lié, denouveau,àunequestiond’équilibredespouvoirsauseinde l’Élysée : leconseiller national de sécurité aurait été trop puissant, créé un échelonsupplémentaire au-dessus de certains conseillers, et aurait pu priver lesecrétairegénérald’unepartiedesesattributions.Danslapratique,c’étaitcedernierquifaisaitofficedeconseillernationaldesécurité.Ilsupervisaitleconseillerdiplomatique,lechefdel’état-majorparticulieret,aprèsmanomination,leCNR.Detempsàautre,ilrecevaitlespatronsdesservicesde renseignement. En ce quime concerne, je rendais d’abord compte àClaudeGuéant,lequelm’aplutôtsoutenuaudépart.

Quantaupostedecoordonnateur,c’estleLivreblancsurladéfenseetlasécuriténationalede2008 6quil’aproposéetconceptualisé.Enréponse,NicolasSarkozyatrèsviteannoncésavolontédemettreenœuvrecettepréconisation.

Aumomentoùmanominationàcepostefutacquise, jemetrouvaisencoreàAlger.J’échangeaisrégulièrementautéléphoneaveclesecrétaire

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général de l’Élysée. Le Livre blanc entrait dans sa dernière phrased’élaboration. Je rendis visite à Jean-Claude Mallet, président de laCommission, qui n’avait pas encore finalisé le document. Nous avonsévoqué le poste de coordonnateur du renseignement ; ilm’en a exposél’importance. De façon anecdotique, j’ai insisté pour l’ajout du mot“national” afin de conférer à cette fonction un peu plus de surface, à

l’instardudirecteurnationaldurenseignementauxÉtats-Unis 7.Sanscetadjectif, le terme “coordonnateur” aurait eu une connotation troptechnique.

J’ai suivi avec une attention particulière la dernière étape de larédaction des passages du Livre blanc consacrés au renseignement.Figuraitnotammentdansleprojetunephraseinstituantlecoordonnateurnational du renseignement en point d’accès unique des services derenseignementàl’Élysée.Cettedispositionmeparaissaitcentrale.Oràunmoment,elledisparutd’unedesversionsdetravail,àl’insuduprésidentde la Commission. Elle a été rétablie après que je lui signalai cetteomission, dont j’ai appris qu’elle avait pour origine une des structuresélyséennes.Celam’adonnédesindicationspourl’avenir…

Parlasuite,lorsquejerédigeraislalettredemissionduCNRsoumiseà la signature deNicolas Sarkozy, je veillerais – en compagnie demonadjointChristopheGomartquim’aidaitàconforterl’idéeassezprécisequej’avais de la fonction de coordonnateur – à traduire une conceptionambitieuse que le décret vint pour l’essentiel consacrer quelques moisaprès. Je souhaitais une équipe resserrée parce qu’à mes yeux lecoordonnateurdevaitoccuperunrôlestratégiqueetnonpasopérationnel.Les services en éprouvaient quelque appréhension,mais elle n’était pasjustifiée car je n’avais pas l’intention de m’ingérer dans la conduiteopérationnelledeleursaffaires.Jen’yauraiseuaucunevaleurajoutée.Enrevanche,lecoordonnateurdoitproposerauprésidentdelaRépubliqueetauGouvernementlesprioritésderechercheetd’actiondesservices.Ildoitveiller à faire travailler les services ensemble et assurer une parfaitefluidité de leur relation, notamment enmatière de lutte anti-terroriste.

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C’estl’essencedesafonction.Ildoitparailleursdévelopperunevisionsurleurorganisationetleurfonctionnement,êtreenmesure,lecaséchéant,de proposer les réformes de nature à les améliorer ; il doit aussi jouird’une connaissance précise des besoins des services, en personnel et enéquipement. Il doit superviser leurs budgets et piloter les programmesmajeurs d’équipement. Au quotidien, il doit veiller à ce que toutes lesinformations pertinentes – seulement celles-là, mais toutes celles-là –remontent bien au chef de l’État. Cela implique que toutes lesinformations en provenance de services lui soient communiquées. Ellesdoiventpasserparlui.»

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UNEPRÉSIDENTIALISATIONDURENSEIGNEMENT

Face à cette initiative élyséenne, souvent assimilée à uneprésidentialisation du renseignement, comment le Premier ministreFrançoisFillonréagit-il?«Le28juin2008,FrançoisFilloneffectuaunevisiteofficielleenAlgérie.IlaétéreçuparAbdelazizBouteflikaquej’avaisinformédepuisplusieurssemainesdemaprochainenominationàl’Élysée.LePrésidentalgérieninterrogeaalorsnotrePremierministreàproposdupostequiallaitm’êtreconfié:“Allez-vous luidonnerunvraipouvoirouva-t-ildevoirsecantonneràdelafiguration?”LePrésidentalgérienavaitbiensaisil’enjeustratégique.FrançoisFillonavaitparuembarrassédevantcette question. J’en apprendrais la raison dans l’avion du retour, danslequel le Premierministrem’avait offert de l’accompagner : il avait desréserves sur la création même du poste, sans doute pour des raisonsinstitutionnelles.

D’ailleurs, Matignon manifesterait toujours une certaine distance àl’égardducoordonnateur,endépitdesbonnesrelationsquej’entretenaisavec le cabinetduPremierministre. Jeveillaisà informercedernierdemesactivitéset,notamment,jeluicommuniquaissystématiquementavant

les conseils restreints 8 lesnotesque je rédigeaispour leprésidentde laRépublique,avec l’accorddecedernier.J’agissaisentotale transparenceaveclui.Jeveillaisd’autrepartàassocier leSGDSN,servicerelevantduPremier ministre. Cela était d’autant plus normal que cet organisme

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assure,de façon institutionnelle, lesecrétariatdesconseilsnationauxdu

renseignement 9.Néanmoins, cette réservedeMatignon continuerait de semanifester

lorsdelapréparationdudécretde2009quifondelespouvoirsduCNR.Jevoulaiseneffetinscriredanscetexte:“LeCNRcoordonneetanimelesactivités des services de renseignement” ; mais le cabinet du Premierministre, influencé semble-t-il par certains demes collègues de l’Élysée,refusa le terme “anime”. Dans l’esprit de ces derniers, ce mot m’auraitconféréune formed’autorité sur les services (c’étaitd’ailleursbienainsique je l’entendais, moi aussi). Il figurait pourtant dans la note que lesecrétairegénéraldel’ÉlyséeavaitadresséeauprésidentdelaRépubliqueenmars2008pour luiproposermanomination.Jen’aipasobtenugaindecause:dansletexte,lecoordonnateurcoordonne,unpointc’esttout.Danslesfaits,enraisondelafortevolontédeNicolasSarkozy,aumoinsaudépart,j’aianimélesactivitésdesservicesderenseignement,mêmesil’onm’avaitrefusélaconsécrationjuridiquedecerôle.»

EndépitdecetteforteréserveduPremierministre,lechoixseratoutdemêmeopérédefairesupporteràMatignonlachargefinancièrede lanouvelle structure, sur laquelle il avait peu d’influence… « En effet, un

décretpubliéen2010 10matérialisaladécision.IlavaitétépréparéparledirecteurdecabinetduPrésident,ChristianFrémont.Ilnem’avaitrienditet j’en fus très contrarié. Son souci, je pense, était de pur affichage :soucieuxde réduire les dépenses de l’Élysée, il ne souhaitait pas que lebudget duCNR vînt charger le budget de la présidence,même si, pourl’Étatetlecontribuable,celanechangeaitrien.Pourmapart,jetenaisaurattachement demon budget à l’Élysée : dans cette période encore trèsfragile pour le CNR, son positionnement à la présidence devait êtresoulignéetnonpasaffaibli.Deplus,commemareconductiondansmonposte était envisagée lors du même Conseil des ministres (le décretinstituant officiellement la fonction de CNR rendait cette procédure

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obligatoire 11),j’annonçaisausecrétairegénéralquejen’étaispascandidatàmaproprereconduction.Ensomme,jedonnaismadémission.

LesecrétairegénéralétaittrèsennuyécarNicolasSarkozyn’avaitsansdoutepas été informéde toutes ces péripéties et, à cemoment-là,mondépart l’aurait sans doute contrarié. Je finis par céder, moyennant lapromesseque leCNRet sa structure severraient reconnaîtreauseindel’Élysée, y compris dans l’organigramme officiel, un statut équivalent àcelui de l’état-major particulier du Président. Mais la promesse dusecrétairegénéralneseraitjamaistenueetceseraitunedesraisonsqui,quelquesmoisplustard,m’amèneraientàdemandermondépart.

Pour faire fonctionner ma structure, j’avais récupéré une partie desfonds consacrés jusque-là au comité interministériel du renseignement(CIR), supprimé du fait de la création du CNR. Je connaissais bien cecomité pour avoir présidé son groupe de travail consacré au Maghreb,lorsque je travaillais au Quai d’Orsay. À cette époque, j’étais lecorrespondantdesservicesauseindeladirectiond’AfriqueduNordetduMoyen-Orient.

Le SGDN – qui n’avait pas encore gagné sa lettre supplémentaire

attribuée par le décret de 2009 12 – assurait le secrétariat des conseilsnationauxdurenseignement.Dansmonesprit,lacréationduCNRdevaitconduireàrepenserlesfonctionsdecetteinstitution.Jelacroyaisutileetmême indispensable, notamment dans sa fonction de coordinationinterministériellequ’elleexerçaitdefaçontrèscorrecte.Maiscraignantdedisparaître,elleavaitaccumulélesfonctionsdansunesortede“politiquedel’attrape-tout”.Ilfallaitredonnerdusensàsonaction,unevisionàsonavenir,structurersesmissions.NicolasSarkozyetlesecrétairegénéraldel’Élyséen’avaientpasunegrandeconsidérationpourleSGDN.LecabinetduPremierministre, tout enpartageantmonopinion sur l’intérêt d’unerefonte,craignait,connaissantlessentimentsdel’Élysée,quecelle-cinefîtécroulertoutl’édifice.Monambitionderéformerlastructuren’alladoncpasbienloin.

J’ai cependantpuendétacher la fonctiond’intelligenceéconomique.

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Le secrétaire général de la défense nationale, Francis Delon, s’en est

d’autant moins formalisé que le titulaire de ce poste, Alain Juillet 13,agissaitenélectronlibre(leposteavaitétécréépourluidanslebutdelesortir de la DGSE). Persuadé cependant de l’importance de la fonctiond’intelligence économique, j’ai souhaité créer une “délégation

interministérielle à l’intelligence économique” (D2IE) 14. Matignon,réticent pour exercer la tutelle du nouvel organisme, proposa de lerattacherauministèredel’Économie.NicolasSarkozy,doutantdel’intérêtde Bercy pour l’intelligence économique, n’aurait pas été hostile aurattachementdecettestructureauCNR.Nousavonsfaituncompromis:la structure serait localisée à Bercy, mais pilotée par un comité sousl’autorité du secrétaire général de l’Élysée, et en fait présidé par moi-même. Dans la pratique, Matignon a fini par assurer un suivi étroit etefficacede l’instance.Pourdiriger celle-ci, j’ai choisiOlivierBuquen,uncadredehautniveauissudusecteurprivé.Ilétaitjusque-làdirecteurdu

développementdePlasticOmnium,leno2del’entreprise.OlivierBuquenaétéunexcellentpatrondel’intelligenceéconomiquequiafaitprogresserles dossiers. Cette structure a été depuis intégralement absorbée parBercy.Jenesuispascertainqu’elleyaitgagnéenrayonnement.»

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UNEPLACEÀPRENDRE

« Je savais comment constituer mon équipe pour superviser lerenseignementciviletmilitaire.Ilmefallaitenpremierlieuunmilitaire.Le chef d’état-major des armées (CEMA) me présenta trois bonnes

candidatures:commedecoutume,unmarin,unaviateuretunterrien 15.Maisjeconnaissaisunpeulesystèmeet,commejelepratiqueraisensuiteà laDGSE, jeveillaisàceque,parmi lescandidaturesproposéespar lesarmées, figurât celle que j’avais l’intention de retenir. Je rencontrai lestrois officiers avant de sélectionner Christophe Gomart quime parut leplus prometteur. Il occupait alors les fonctions de chef du bureau

réservé 16,unpostecléauministèredelaDéfense.Parlasuite,nousavonstout fait ensemble. Comme évoqué, il a été d’excellent conseil pourguetter les manœuvres visant à priver le poste de son contenu et,parallèlement,pours’assurerdelaconformitéànossouhaitsdela lettredemissionsoumiseàlasignatureduprésidentSarkozy.

J’aiensuiterecrutéNacerMeddahqui,àcetteépoque,étaitpréfetdel’Aube. Issude laCour des comptes, il était réputé pour sa compétencedans les domaines économique et budgétaire. Un seulmembre demonéquipem’aété imposé,à l’instigationde laDCRIquivoulaitunhommedans la place. Son rôle principal était de faire des photocopies et desurveillernosmouvements…

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Composermeséquipesimpliquaitdepouvoirleslogeretleurdonnerles moyens de travailler. Or, à l’époque, mon équipe faisait l’objet devexations plus mesquines les unes que les autres. Les obstacles seprésentaient sur tous les sujets, y compris les plus insignifiants. Parexemple, concernant notre adresse internet : je souhaitais une [email protected],mais il fallut [email protected]. Jepourrais égalementévoquer l’accèsdesenfantsdemes collaborateurs etcollaboratricesàlacrèchedel’Élysée,lesplateaux-repas…Toutcelaétaitbienpetit.

De même, je rencontrai aussitôt un problème de locaux dans lamesure où nous arrivions après la bataille : les équipes présidentielles,déjà formées, disposaient de leurs bureaux. Or on sait bien que, sur lascèneparisienne,lesbureauxoccupéstiennentuneplaceimportantedanslepositionnementetl’influence.Enl’espèce,nousnedisposionsqued’unepetite sallede réunionattenanteaux toilettesde l’état-majorparticulier,qui avait accepté de nous accueillir, avec peut-être une idée derrière latête.Maisdansquellesconditions!Ilsemblequel’idéeconsistaitànousdiluer dans tout le bâtiment pour faire de notre structure une sorted’annexedel’état-majorparticulier.

Dans l’attente de locaux adaptés, nous prîmes place à l’hôtel de

Marigny 17, mais j’éprouvais quelques réticences à l’égard de cetemplacement,pourtroisraisons:d’unepart,ilaccueillaitàcetteépoque

l’équipedel’UnionpourlaMéditerranée 18,cequiluidonnaitunprofilunpeumarginalauseindel’Élysée–carcesujetétait,onpeutleregretter,passé de mode ; d’autre part, cet hôtel particulier, au demeurantsomptueux, accueillait occasionnellement les chefs d’État étrangers envisiteenFrance.Àchaquevisite,nousétionsmenacésdedevoirquitterleslieux.C’estdanslejardindecetimmeublequeMouammarKadhafiavaitplanté sa tente. Enfin, l’Élysée étudiait, semble-t-il, l’hypothèse d’unevente de l’hôtel. Notre structure risquait de devenir nomade, situationpourlemoinsinconfortable.

Aussi voulais-je loger, sinondans lepalaisde l’Élysée lui-même–ce

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quiparaissait impossiblemêmesi,dans lespremiers temps, ilm’arrivaitd’yrecevoiràdéjeunerdansunesalledupremierétage–,aumoinsdansundes immeublesde la ruede l’Élysée. Jene souhaitais pasm’installerdans le bâtiment réservé à la cellule diplomatique : en ma qualité dediplomate,j’auraisrisquéd’apparaîtrecommeunmembrerapportéet,detoutefaçon,onnemel’avaitpasproposé.Enrevanche,dansl’immeubleréservéàl’état-majorparticulier,pouréviterlerisquededilutionquej’aiévoqué,jeréclamaiunétageetdemicomplet,véritablecasusbelli.Ilfallutfairedéménagerdespersonnalitésetdesservices–notammentceluidesdécorations–,mais j’obtins l’arbitragefavorabledusecrétairegénéraldel’Élysée. Ce dernier avait parfaitement compris l’enjeu de pouvoir quesupposait cette affaire de locaux. Il vint inaugurer lui-même notreinstallation.

Peuaprèscettebagarre inaugurale,denouvelles tensions, trèsvives,apparurent avec plusieurs services élyséens, la cellule diplomatique etl’état-major particulier notamment, qui souhaitaient exercer un droit deregardsur lesactivitésduCNR.Pourmapart, jesouhaitais travaillerentotale transparence avec eux, mais sans me soumettre à leur autorité.J’estimaiseneffetnereleverquedusecrétairegénéraletduprésidentdelaRépublique.Unincidentsurvintquelquessemainesseulementaprèsmaprisede fonctionsàproposd’unenoteque j’avais adresséeauPrésidentsous le couvert du secrétaire général, avec seulement copie à mescamaradesdiplomatesetmilitaires.Ceux-cimeconvoquèrentàunesortedetribunal,maisneréussirentpasàmefairecéder.Nousconvînmesderéunions régulières avec les autres équipes élyséennes, avant et aprèscelles que je tenais avec les services de renseignement, réunions quis’espacèrent ensuite. Après cette mini-crise, les relations demeurèrenttendues et méfiantes jusqu’au bout. Il ne s’agissait pas de problèmespersonnels,puisquecertainsdesprotagonistesétaientmesamis,etlesontdemeurés.Maisdesproblèmesdefondnousopposaient.

Car,ànouveau,leCNRsetrouvaitdansmonespritsurlemêmeplanquelacellulediplomatique,l’EMPouledirecteurdecabinetduPrésident.

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En termes d’affichage, je ne souhaitais pas faire partie du cabinet, nem’estimant pas politique. Pour moi, le CNR revêtait une dimensioninstitutionnelle.Pourautant,étantleseulcollaborateurduprésidentdelaRépubliquenommépardécretenConseildesministres,jepensaisdevoirfigurer sur l’organigramme de l’Élysée, au même titre que la cellulediplomatiqueoul’état-majorparticulier.Mais,commejel’aiexpliqué,celaneseraitjamaislecas.

J’aiapprisquecertainscollaborateursduPrésidentavaientdemandémon départ, mais que Nicolas Sarkozy me soutint fermement. Il avaitvoulu la création du CNR et ne s’étonnait pas qu’elle se heurtât à desrésistances. Claude Guéant de son côté convoqua plusieurs desresponsables concernés enma présence et leur ordonna : “Messieurs, ilfautmettreaupasvoscollaborateurs.”Enréalité,c’étaienteux-mêmesquiétaientvisés.

Jem’attendaismoi-même,dèsledépart,àdesdifficultésdecegenreetétaisdécidéàfaireface,dumoinsjusqu’àcequelenouveaudispositiffût consolidé. En revanche, d’autres demes collaborateurs se laissèrentgagnerparledécouragement,dontNacerMeddah,quiremitsadémissiondèslemoisdejanvier2009.Alorsquel’aventureavaitd’abordsuscitésonenthousiasme, il estimait désormais que l’on m’avait fait venir d’Algerpour rien, que le poste ne bénéficiait pas du soutien qu’on avait puimagineràl’origine.Ils’agissaitd’unmauvaisdépartaprèsuntempsaussicourt.Celafragilisaquelquepeuledispositif,cartrouverunepersonnedesoncalibren’étaitpaschoseaisée.»

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DESSERVICESDERENSEIGNEMENTDANSL’EXPECTATIVE

Face à ces difficultés internes, les relations avec les services derenseignementprenaient-elleslamêmetournure?«Dèsmonarrivée,j’aisouhaité effectuer une sorte de “stage d’immersion”. J’ai d’abord priscontact avec Bernard Squarcini qui dirigeait la DCRI. Il m’a réservé lemeilleuraccueilavecsonstyletrèsenveloppant.J’aipasséquasimentdixjoursdansleservice,d’abordàParispuisàMarseille,dansuneambiancetrèsconviviale.

Pierre Brochand, directeur général de la DGSE, avait quant à luipréparéunprogrammestandardd’unjouretdemi.Jeluiaisignaléquelacomparaison n’était pas tenable avec ses “cousins” de la DCRI et il aallongélasession.Jegarderaitoujoursenmémoirelaprésentationqu’ilafaiteenpersonnedansla“salledesituation”,sanssavoirquej’ypasseraismoi-mêmedesheuresquelquesannéesplustard:derrièresonpupitreenPlexiglas, il a développé en sept points très précis ce qu’il attendait ducoordonnateur. Il s’appuyait sur une longue notemanuscrite qu’il avaitrédigée. J’ai souvent relu les notes que j’avais prises pendant sonintervention.Ellesm’ontétéutilesparlasuite,ycomprislorsquej’aiprisla tête de la DGSE. Son propos était constructif. Il était convaincu del’utilité, voire de la nécessité, du poste deCNRdont il avait soutenu lacréation lors de l’élaboration du Livre blanc, avec cependant certaines

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limites, au demeurant pertinentes et peu éloignées de celles que jemefixeraisquandjeseraisàlaDGSE…»

Mais cette conception de Bernard Bajolet, directeur général de laDGSE,correspondait-elleàcelleduCNRqu’ilétaitprécédemment?«Jen’ai pas vraiment changé d’avis. L’automobiliste n’oublie pas totalementqu’ilaétépiétonetinversement.CommeCNR,j’avaislesoucidenepasfaire le travail des services à leur place, de ne pasm’ingérer dans leursaffairesopérationnelles.Monrôleconsistaitàlesfairetravaillerensemble,àmettredel’huiledanslesrouages,àdonnerdesimpulsions,àfixerdespriorités, en accord avec les autorités politiques, à soutenir les servicesdans leurs besoins en personnel ou en équipement, etc. Et cetterépartitiondesrôlesleurconvenaitglobalement.

J’avais noué de bonnes relations avec les directeurs des deuxprincipauxservices.Enrevanche, ilsnes’entendaientpasentreeux.Au-delàdesrivalitésdeservices,onnepouvait imaginerdeuxpersonnalitésplus différentes. J’ai donc estimé que ma première action consistait àrapprocherlesdeuxdirecteursetleursservices.Jetrouvaisdéplorablequeces deux administrations eussent autant de difficultés à travaillerensemble. Il y avait entre la DST – dont la DCRI était principalementl’héritière – et la DGSE, un lourd passif historique. Ainsi, BernardSquarciniavait-il retrouvédanssesarchivesunevieillenotede laDGSEquiplaidaitpouruneallianceaveclesRGcontrelaDST,dontelledisaitpisquependre.JecroismesouvenirquecettenoteavaitétéégaréeparunagentdelaDGSEdanslemétroetretrouvéeparundesescollèguesdelaDST,etcelaaussi, jenel’oublieraispaslorsquejedirigeraisleserviceextérieur.

Audébutdel’année2007,PierreBrochandavaitproposéunprotocoleà la DST qui comprenait de nombreux points, dont certains meparaissaienttrèspositifs,pourresserrerlacoopérationenmatièredelutteantiterroristeenamont.J’exhumaiceprotocole, lemodifiaiquelquepeuet le proposai à la signature des deux patrons. L’un et l’autre semontraient réticents mais j’insistais. Ils souhaitèrent la modification de

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quelques mots mais, en définitive, ne divergeaient pas tellement sur lefond.Naturellement,jetenaisNicolasSarkozyetClaudeGuéantinformés.Leprotocoleseraitdoncsigné.MaisquandjeprendraismesfonctionsàlatêtedelaDGSEen2013,jeconstateraisqu’iln’avaitenréalitépasétémisenœuvresuruncertainnombredepointsessentiels.

Demême,jen’airencontrédeproblèmemajeurniaveclecabinetduministredelaDéfense,niavecceluiduministredel’Intérieur.LeministredelaDéfense,HervéMorin,montraitdebonnesdispositionsàmonégard.Maisilnes’intéressaitguèreaurenseignementetnes’encachaitpas.Celan’étaitpasgênantcarjetravaillaisavecsoncabinetetlechefd’état-majordesarmées.Auministèredel’Intérieur,lasituationétaitplusdélicate,en

raison de la proximité du ministre Brice Hortefeux 19 et de BernardSquarcini avec Nicolas Sarkozy. Néanmoins, le ministre, à maconnaissance, n’entrava jamais mon action – sauf, peut-être, surl’organisation de l’État enmatière de lutte contre la drogue.Ma bonneentente avec le directeur général de la police nationale, FrédéricPéchenard,facilitabeaucoupleschoses.LaDCRIappréciait,jecrois,monsoutien.Ainsi,jem’étaisfermementopposéàl’application,àceservice,dela règle du non-remplacement d’un fonctionnaire sur deux partant à laretraite.Celaluipermitdeconserverles400postesqu’ilétaitquestiondesupprimer.

AprèssixansàlatêtedelaDGSE,PierreBrochandaétéremplacéparErardCorbindeMangouxàlafinde2008.J’aiétéinformédecechoixleweek-endprécédantlanomination.Seulementinforméalorsmêmequelalettredemissionsignéepeude tempsauparavantpar leprésidentde laRépubliqueprécisaitquejedevaisêtreconsultésurlechoixdesdirecteursmaisaussisurceluidescadressupérieursdechacundesdeuxservices.Jel’aiparfoisété;jemesuisaussisaisid’initiativedecertainesnominations.

Celaaétélecaspourcelleduno2delaDCRIàlatêtedeladirectiondu

renseignementde laDGSE 20.Jevoyaisdanscechoixundesmoyensderapprocherlesdeuxgrandsservices.

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D’unemanièregénérale,jerencontraislesdirecteursdesservicesassezfréquemmententêteàtête,enparticulieràl’occasiondedéjeunerspourne pas paraître les convoquer. J’organisais également des déjeuners àtrois (CNR, DCRI, DGSE) et parfois à quatre avec la DRM.De temps àautre, jedéjeunaisavec leDRM, legénéralPuga.Enoutre,une foisparmois, je réunissais tous les directeurs dans mon bureau. Cette réunionexiste toujours, je crois. J’exigeais que les directeurs participent enpersonne. Ils le faisaient.Lesoutien,connu,deNicolasSarkozym’aidaitencela.»

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DONNERDUCORPSÀLAFONCTION

«Au-delà de la remontée d’informations et de la synthèse que nousadressionsquotidiennementauchefde l’État, jesuivaispersonnellementcertainssujetstransversaux,notammentenmatièred’équipement.Àtitre

d’exemple,j’avaisfaitapprouverparNicolasSarkozyl’achatsurétagère 21

dudronePredator 22.D’aucunsluiontreprochéden’avoirriendécidéenla matière, mais la décision avait été prise ! Toutefois, les successeursd’Hervé Morin au ministère de la Défense la remirent en cause, pourprivilégier des solutions industrielles françaises alors que celles-cin’existaient pas. Les industriels avaient mis en avant des perspectivesexcessivement optimistes, comme on peut d’ailleurs le vérifieraujourd’hui.Leur intervention retardaainsideplusieursannées le choixenfaveurdelasolutionaméricaine.Cechoixmedéplaisait,maisc’étaitleseulpossible.C’estuniquementsouslemandatdeFrançoisHollandequeleministre de laDéfense, Jean-Yves LeDrian, reprendra cette décision,trop longtempsdifférée.Pourautant, àmaconnaissance,nosdronesnesont toujours pas équipés de moyens d’interception électronique, niarmés.

Dans le même ordre d’idées, j’avais beaucoup poussé le projeteuropéende satellitesmilitaires d’observationMUSIS, pour faire suite à

Helios 23. J’avais aussi insisté pour obtenir le pilotage ou, dans certainscas, le copilotage avec l’état-major particulier, des grands programmes

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techniques de renseignement dans lesquels l’État investit des sommesconsidérables depuis 2008. Cette organisation est toujours en placeaujourd’hui.

Enfin,nousavonségalementprocédéà larédactiondupremierPlannational d’orientation du renseignement (PNOR) qui, à l’époque, n’étaitpasle“cataloguedeLaRedoute”qu’ilapuêtre.LeSGDNélaborait,parlebiaisduCIR,unpavéd’une centainedepagesdont les services avaientfinipar ignorer jusqu’à l’existence.J’ai souhaitéundocument trèscourt,reflétantbien lesprioritésdesautoritéspolitiques,etnonpasceque lesservices souhaitaient faire. Néanmoins, leur apport fut essentiel, enparticulierpourdresserl’étatdeslieux.Mesdemandesétaientintrusives,cequiapulessurprendre.Maisendéfinitive,ilsontjouélejeu.

JenecroispasquecetexerciceduPNORaitétévaindanslamesureoù il a présenté l’avantagede clarifier les choses, d’établir des priorités.J’aieulesentimentparlasuite,ycomprislorsdemonpassageàlaDGSE,que le PNOR constituait un point de référence important. Les services,leurs directions ou sous-directions, s’y référaient régulièrement pourjustifier lesmoyens alloués à telle ou telle thématique ou solliciter desarbitrages. Le PNOR a donc contribué à la légitimation des prioritésinternes. Je concède néanmoins qu’un certain nombre de sujets dontj’avais fait remonter le niveau de priorité dans le PNOR, lorsque j’étaisCNR,n’avaientpasvraimentbougé.Maiscelan’invalidepasladémarche.

Enrevanche,pendantmesannéesàlaDGSE,j’aidéploréunecertainedérive : le PNOR est redevenu trop long et détaillé, les principalespriorités ne ressortaient pas suffisamment. Il évitait des arbitrages aussinécessaires quedouloureux.En somme, cedocument, quine faisait pasl’objet d’un vrai débat au niveau politique, était devenu tropbureaucratique.»

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LEPRÉSIDENTETLECNR

«JenevoyaisjamaislePrésidententêteàtête.Ilyeutuneexception,quand je lui fismavisited’adieux, j’enprofitaipour formuleruncertainnombre de recommandations, notamment sur l’organisation durenseignementintérieur.Àl’inverse,jerencontraislesecrétairegénéraldel’Élyséeunefoisparsemaine.Dumoinsaudépart.Ensuite,cederniers’estlassé et a espacé les réunions. Les services traitaient des affairesdirectementavecluioulePrésident.Aposteriori,j’aipenséquecelavalaitmieuxpourmoipeut-être 24…

À défaut de voir le chef de l’État, je lui adressais des notes qu’ilcommentait.Illisaittout,annotaitsouventetindiquaitsesinstructions,enparticulier sur la synthèse quotidienne. La diffusion de celle-ci,extrêmementlimitée,avaitfaitl’objetdepressionspoursonextension;ilnepouvaitenêtreautrement si l’onvoulaityaborder les sujets lesplussensibles. J’ai résisté ainsi à certains ministres qui insistaient pour êtredestinatairesdecepapier.Ilsn’ontjamaisobtenugaindecause.

JevoyaisleplussouventlePrésidentlorsdesconseilsrestreints.Leurpériodicitén’étaitalorspashebdomadairecommeceseraitlecassouslemandatdeFrançoisHollandeaprès les attentats terroristesde2015.EnqualitédeCNR,j’étaisinvitélaplupartdutempsauxconseilsdedéfense,sauf lorsque les sujets traités n’intéressaient que les forces armées. Enrevanche,jeprenaispartauxconseilsrestreintsportantsurlaluttecontre

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leterrorisme.J’enpilotaislapréparationetenanimaisledéroulementaucôtéduPrésident.Cerôlecorrespondaitpourmoiàuneévidencequeladernière réformeduCNRsouhaitéeparEmmanuelMacrona consacrée,puisquelecoordonnateurnationaldurenseignementestaussidésormaisofficiellement celui de la lutte contre le terrorisme, d’où sa nouvelle

dénomination(CNRLT) 25.J’étaisdéjàlecoordonnateurdelaluttecontreleterrorisme,sansquecelaeûtàfigurerdansmontitre.Àcetégard,JohnBrennan,quejeretrouveraisquelquesannéesplustardcommepatrondela CIA, était mon interlocuteur à laMaison-Blanche. Il était en effet, àl’époque, le conseiller du président Obama pour la lutte contre leterrorisme.Notreamitiédatedecetteépoque.

Je rédigeais les notes préparatoires pour le Président, organisais lesconseils restreints dédiés, intervenais, sollicitais des décisions, etc. Jemettaisaussienœuvrecequ’AlainJuppém’avaitautrefoisappris:j’avaisun relevé de décisions tout prêt avant même d’entrer en réunion. LePrésident approuvait ou n’approuvait pas, mais je savais que tel ou telpointdevaitêtrediscuté.Cerôle-lànem’ajamaisétécontesté,ycomprisen interne à l’Élysée. En revanche, j’eus moins de succès lors de matentative pour traiter à ce niveau la lutte contre le trafic de drogue. Ils’agitpourtantd’unfléauaumoinsaussigravequeleterrorisme.J’avaiscommandéuneétudeauSGDN.Celan’entraitpasdanssescompétences–sonsecrétairegénéralFrancisDelonmel’avaitsignalé–,maisileffectuauntrèsbontravail.Nousréunîmesdoncunconseilrestreintsurcesujet.Mais leministère de l’Intérieur, soucieux de conserver le pilotage de cedossier,torpillal’initiative.

Ilnes’agissaitpaspourmoidem’emparerdecesujetpouraccroîtremonchampdecompétence–cedontonm’avaitsoupçonnéàl’époque;jeplaidaisenfaveurdelanominationd’uncoordonnateurdelaluttecontreletraficdedrogueàMatignon.J’airelancécedossieraprèsl’électiondeFrançoisHollande,envain.Maisjecontinueàpenserquenotredispositifactuelnefonctionnepas,enraison,entreautres,delaconcurrenceentre

les douanes et l’OCRTIS 26, qui dépend du ministère de l’Intérieur.

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D’ailleurs, la luttecontrelacriminalitéorganiséenefigurepasparmilescompétences de la DGSI et c’est, àmon avis, une lacune. L’OCRTIS nedisposepasenpropredesmoyensd’unservicederenseignement.»

Alors que Nicolas Sarkozy a créé le Conseil national durenseignement, il ne l’a réuni qu’une seule fois. Le paradoxe suscitel’étonnement… « La première réunion du Conseil national durenseignementaeulieuavantqueledécretnefondejuridiquementcetteinstance.Donc,enthéorie,maisenthéorieseulement,ceconseiln’apasexisté.Jemerappelletrèsbiencetteréunion: j’avaissuiviàlalettrelesprescriptionsduLivreblancenconviantlessixservicesderenseignementet leurs ministres de tutelle. Les principaux conseillers de l’Élyséesouhaitaientégalementyprendrepartetjen’avaisguèrelepouvoirdeleleurinterdire…Nousétionsdonctrèsnombreuxautourdelatable(unevingtaine),àtelpointqu’onnepouvaitpastenirlaréuniondanslesalonvertquijouxtelebureauduPrésident.Nousavonsdûnousinstallerdans

lesalonMurat 27.Sortantdesonbureau,NicolasSarkozys’étonnadecechangementde lieu ; il descendit, furieux, et lança : “Comment voulez-vous discuter de renseignement dans un cercle aussi large ?” Je luirépondis : “Monsieur le Président, c’est exactement le format du Livreblanc,quevousavezapprouvé.”Surlefond,lePrésidentn’avaitpastortetnousménageâmesensuitedans ledécret lapossibilitéderéunircetteinstance dans des formats plus restreints.Mais le format large – et peuefficace–acontinuéàprévaloirsouslemandatsuivant.

Ce fut donc le seul et unique conseil national du renseignement dumandat Sarkozy, et encore n’était-il pas officiel. Je n’ai pas éprouvé lebesoinderéunirdenouveaucetteinstancedanslamesureoùlesconseilsrestreints et d’autres réunions, en format encore plus réduit et sans lesministres, permettaient de traiter les sujets importants avec le chef del’État.»

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LESHOMOLOGUESÉTRANGERS

« Je me suis rendu aux États-Unis pour rencontrer le DNI Dennis

Blair 28. J’avais bien connu le premierDNI, JohnNegroponte 29, lorsqu’ilétait,commemoi,ambassadeurdesonpaysàBagdad.J’avaisétabliavecluiune trèsbonne relation.En2006,peude tempsavant la findemesfonctions en Irak, Jacques Chirac m’avait envoyé à Washington pourpartager mes impressions sur la situation en Irak avec Negroponte,devenuDNI,etd’autresresponsablesaméricains.AvantmanominationaupostedeCNR,lehasarddelacarrièrediplomatiquem’avaitainsiprocuréquelquescontactsutiles.

DennisBlairorganisauneréuniondansseslocauxàlaquellepritpart,entre autres, la CIA. À l’issue, il souhaita échanger en tête à tête : “Jetrouve idiot que l’on s’espionne les uns les autres. Je te propose lanégociationd’unaccorddenon-espionnageentrenosdeuxpays.”J’étaistrès surpris de cette proposition, que j’avais bien sûr accueillie trèspositivement,toutensachantquelecontrôledesamiseenœuvreseraitquasiment impossible. Tout aurait reposé sur la parole donnée. À monretour, j’en informai leprésidentSarkozy,qui réagitavecenthousiasme.Mais trèsvite,nousdûmesdéchanter :nousnous rendîmescomptequeDennisBlairnedisposaitdel’accordnid’ObamanidelaCIA.D’ailleurs,

LeonPanetta 30merenditvisiteàParis.Ilfaisaitchauddansmonbureau

et il me lança : “Si tu veux, ton bureau, je te le climatise 31”, avant

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d’éclaterderire.J’évoquaisavecluilesujetquifâchait:“Alorscetaccord,ilparaîtquetuasdesréserves…”Ilneleniapas:“Écoute,mongrand-pèreétaititalienetmedisaitChivapiano,vasano.”

Nicolas Sarkozy, à qui j’avais rendu compte de cette conversation,était déçu. Malgré tout, il souhaita insister auprès d’Obama et medemandadel’accompagnerlorsdelavisitequ’ilaccomplitpeudetempsaprès àWashington. Obama et lui évoquèrent ce sujet, non devant lesdélégations en raison de sa sensibilité, mais en marge d’un dîner avecleurs épouses. À l’issue, le Président me confirma le souhait de sonhomologueaméricaindesedonnerunpeudetemps,dufaitdesréservesde la CIA… Le temps a passé, en vain. J’eus l’occasion d’évoquer denouveaucettequestionen juillet2011,enmarged’unevisitedeNicolasSarkozy en Afghanistan, où j’étais ambassadeur. J’avais souhaité leprésenteràDavidPetraeus,quivenaitd’êtrenomméà latêtede laCIA.Petraeus,quidécouvraitlesujet,promitd’ypenser…MaisilquittalaCIAavantd’allerplusloindanslaréflexion.

Ladisproportiondesmoyensentrenosdeuxpaysétaitmanifeste.Lorsd’une demes visites aux États-Unis, j’avais été reçu par les deux sous-

comités du renseignement du Congrès 32. Un congressman m’interrogeasurlenombredepersonnestravaillantsousmesordres:

–Fifteen.(Etencore,jecomptaisleschauffeursetlessecrétaires.)–Youmeanfifteenhundred?–No,fifteen…–Onehundredfifteen?No?Fifty?–No,fifteen.Ils s’étonnaient que je pusse coordonner tous les services de

renseignementfrançaisavecquinzepersonnes.Jeleuravaisalorsexpliquémonsouhaitde limiter leseffectifsdemonserviceàunniveaurestreintpour ne pas être tenté d’agir en lieu et place des services derenseignement, mais au contraire pour être en mesure de prendre durecul,d’élaborerunevision,dedonnerles impulsions,decoordonnerausensstrictduterme.

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Jerencontraiségalementmeshomologuesbritanniquesetallemands.Ils’agitd’interlocuteursquicomptent:RobertHannigan(numérodeuxdu

National Security Council 33 avant de prendre la tête du Government

CommunicationsHeadquarters [GCHQ] 34dans lesannéesquiont suivi)et Klaus-Dieter Fritsche (secrétaire d’État à la chancellerie fédérale etdélégué du gouvernement fédéral aux services de renseignementfédéraux).

Dans mes contacts à l’étranger, je veillais à ne pas doublonner letravail des services de renseignement. Je rencontrais mes homologues,nonlespatronsdelaCIAouduFBI,quejerecevaiscependantlorsqu’ilsvenaientàParis.Pourlereste,jem’appuyaissurlaDCRIetlaDGSE.»

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LASSITUDEETDÉPART

Deux périodes peuvent être distinguées dans le passage de BernardBajoletàl’Élysée:de2008àlafindel’année2009,lediplomateinstallela fonction et prend tous les dossiers à bras-le-corps ; puis de 2010 àfévrier2011,datedesondépart,lesdifficultéss’amoncellentetsuscitentune certaine lassitude, au point qu’il présente sa démission… « Jeconstatais ladissipationde l’enthousiasmedesdébutsde lapartdemeschefs et unmoindre soutien face aux oppositions que je rencontrais ausein de l’Élysée – mais, je le répète, pas de la part des services ni desministères. Ilm’estmême arrivé deme demander si finalement le CNRn’avaitpasétéungadget–letermeestsansdouteexcessif–ouaumoinsunprojetpassédemode:objetd’unvifintérêtaudépart,ilétaitvictimed’unmanquedevolontépolitiquepourlemeneràsontermeetconféreruneréelleautoritéàlastructurequejedirigeais.

Certes,lorsqueNicolasSarkozyadûarbitrercertainesquestions–celaremontait rarement à son niveau –, il m’a toujours réservé un accueilbienveillant.Aucunaccrochagesérieuxnenousajamaisopposés,endépitparfois de quelques échanges un peu vifs. Mais c’était son caractère etj’avaislemien.Jepeuxmêmedirequej’aientretenuavecluiunerelationagréable.

Maismalgrécela,j’estimaisnepasbénéficierd’unsoutiensuffisant.Jevoyaisbienquecertainesgrossesaffairesnepassaientpasparmoi,queles

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services traitaient directement avec le Président. À titre d’exemple, jem’aperçus qu’une réunion de sécurité intérieure se tenait en dehors duCNR tous les dix jours. Je n’en recevais bien sûr aucun compte rendu.Maiscelavalaitpeut-êtremieux.

Tout ceci se conjugue et, à la fin, j’avais le sentiment d’avoir étémarginalisé.J’estimaisavoiraccomplimatâche,misenrouteledispositif,établi une relation avec la Délégation parlementaire au renseignement(DPR),lancédeschantiersstratégiques.J’avaisaccomplimondevoir.Maiscerôles’écartaitdeceluiinitialementenvisagéet,auboutdedeuxansetdemi,jejugeaisqu’ilmefallaitpartir.Jesouhaitaisenprendrel’initiative.NicolasSarkozy l’accepta.J’avaisd’ailleursveilléàm’enouvriràClaudeGuéant trèsenamont. Jeneprispersonneen traître.Quand j’ai suquel’ambassadedeKaboulselibérait,jel’aidemandée.Onnepouvaitmelarefuser:cen’étaitpasunposteparticulièrementconvoitéetenl’obtenant,j’avaislesentimentdeneriendevoiràpersonne.

Masuccessionmepréoccupait.J’avaisprospectéparmilespréfets,lesambassadeurset lesofficiersgénéraux.J’avaisd’abordpenséàplusieurspréfetsparmil’élitedececorpsmais,enraisonjustementdeleurqualité,ilsétaientdéjà réservéspourd’autrespostes. Jenevoyaispasvraiment,à cette époque, de diplomate disponible ayant le profil adéquat et,finalement,mapréférenceallaitàunmilitaire,quiétaitcandidatetavaitunesolideexpériencedansledomainedurenseignement,toutensachantqu’untelchoixpourraitposerunproblèmeàl’état-majorparticulier(maisaufond,pasplusqu’undiplomateaveclacellulediplomatique).Au-delàdu choix d’une personne, j’avais surtout défini le profil : un hautfonctionnaire d’autorité, reconnu par ses pairs, non marquépolitiquement, qui ne pourrait faire l’objet d’aucun soupçon lors de lapériodepréélectorale qui allait s’ouvrir. Je soulignais aussi la nécessairedimension internationale du futur coordonnateur qui, pour le moins,devaitparleranglais.

Jem’étaisouvertdemonsouciauprèsdusecrétairegénéralmaisilnesedécouvraitpas.Cependant,j’avaisuneidéedesespossiblesintentions,

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Bernard Squarcini m’ayant sondé sur le nom d’Ange Mancini. Celui-ci,fondateurduRAID, avait étéungrandpolicier.C’était aussiunhommepourvud’un solide bon sens.Mais il ne correspondait pas auprofil quej’avais défini. Cette option me serait confirmée juste avant la visited’adieuxquejeferaisauPrésident,quelquesjoursavantmondépartpourKaboul.Etcetteinformationdedernièreminuteétaitbiensûrdélibérée.

Le Présidentm’interrogea sur la pertinence d’un tel choix, mais j’aicompris qu’il avait quasiment arrêté sa décision. D’autre part, si monsuccesseurn’étaitpasdésignéavantmondépart,onassisteraitàunefoired’empoignequirisquaitdedéstabiliserlastructure.J’émisdoncquelquesinterrogations,maispasuneobjectiondenatureàamenerlechefdel’Étatà revoir sa décision. De façon très élégante, François HollandemaintiendraitAngeManciniàsonpostejusqu’àl’échéancedeses69ans.Delamêmefaçon,ilconfirmeraitlegénéralPugadanssafonctiondechefdel’état-majorparticulier,ainsiquelechefdelaDGSE,ErardCorbindeMangoux. Seul parmi les chefs des grands services, Bernard Squarciniserait remplacé(parPatrickCalvar,alorsdirecteurdurenseignementdelaDGSE).

AprèsmonentretienavecNicolasSarkozy, j’invitaimonsuccesseuràdéjeuner. Je lui laissai tous les dossiers. Je lui communiquai égalementune note sur les sujets que je considérais comme importants, lespriorités,etc.J’agis toujoursainsiquand jequitteunposte : je laisseuntestamentaussiprécisquepossible.»

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LECNRVUDELADGSE

Deuxansaprèssondépartdel’Élysée,BernardBajoletrenoueaveclerenseignement en devenant directeur général de la DGSE. Il bénéficied’unerelationprivilégiéeavecleprésidentdelaRépublique.Defait,sonregard s’inverse-t-il ? « Ma relation avec le président Hollande m’aidabeaucoup,c’estcertain.Jeportaisunregardsanstropd’indulgencesurleCNRparcequecelui-cin’étaitpluscequej’avaisenvisagé,mêmesij’avaismoi-mêmerencontrédesdifficultésdès lesderniersmois.Leposteavaitnettementperduen influencedepuismondépart.Celanemetd’ailleurspas en cause la qualité des personnes. La structure elle-même suscitaitpeut-être moins d’intérêt. Je crois que les choses ont changé avec leCNRLT,etpourmapart,jem’enréjouis.Outrel’attachementquejepeuxéprouver pour une structure que j’aimise en place et pour laquelle j’aidonnéde l’énergie, supportédes tensions, jepenseque c’est l’intérêtdel’État.Maisàl’époqueoùjedirigeaisàlaDGSE,j’avaisl’impressiond’unCNRquidéclinait.Jeleregrettais.

C’est certain que j’aurais été gêné par un CNR qui aurait fait écranavec le président de la République et aurait interféré dansma relationavec lui. Une concurrence à ce niveau de l’État aurait été contre-productive. Mais fondamentalement, la DGSE, pas plus que les autresservices,n’aintérêtàlafaiblesseduCNR.C’estlecontraire,àlaconditionquechacuncomprennebienlerôledel’autreetlerespecte.SileCNRne

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semêlepasde l’opérationneletsi lesservicesne lecourt-circuitentpas,cela peut très bien fonctionner. Au contraire, CNR et services sont trèscomplémentaires.Comme je l’ai indiqué, il peut faire énormémentpourépauler les services, s’assurer qu’ils ont lesmoyensnécessaires, le cadrejuridique adéquat, des orientations claires, faciliter la coopération entreeux.Peude tempsavant la findemamissionà la têtede laDGSE, lesrelationsentre lesdeuxgrandsservices– intérieuretextérieur–sesonttendues, pour des raisons d’ailleurs essentiellement psychologiques et“culturelles”. Un CNR fort aurait sans doute pu contribuer à faciliter ledialoguequi,malgrétoutetheureusement,n’ajamaisétérompu.

J’aieulesentiment,enoutre,queleCNRavaitunpeurenoncéàsonrôle dans le domaine capacitaire. Il est vrai aussi que la présence decabinets forts,à l’Intérieuretà laDéfense,ne lui laissaitguèred’espacepourcela.Enfin,ilavaitétéquasimentmarginalisédanslaluttecontreleterrorisme, alors que, on l’a vu, ce n’était pas le cas au départ. C’estpourquoil’adjonctiondeLT(luttecontreleterrorisme)ausigleCNR,aveclesmoyenscorrespondants,meparaîtêtreuneexcellentechose.»

Fort d’instructions présidentielles ambitieuses, Bernard Bajolet auradoncdéployéunegrandeénergiepourcréerune structureet surmonterlesobstaclesinhérentsàtoutecréationadministrative,maisrehaussésparla particularité de l’écosystème concerné. Dans cette lutte, bien quesecondé par son adjoint Christophe Gomart, il aura souffert del’inconstanceprésidentielleetd’habitudesconcurrentiellestropfortes.Saprincipalevictoire,ill’obtientendéfinitiveenpartantpuisqueleCNRluisurvit.

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CHAPITREII

ChristopheGomartUnsoldatpourlabatailledel’Élysée

En 2008, Bernard Bajolet porte son choix sur le colonel ChristopheGomartpourposeravec lui lespremièrespierresde l’institutiondontonluiaconfiélacréation.Cerecrutementsemblelogiquetantleparcoursdumilitaire garantit au diplomate de disposer d’un acteur qui connaît lemonde du renseignement, son équilibre parfois précaire comme saréticenceauchangement.Eneffet,ensaqualitédechefdubureauréservéauseinducabinetdelaministredelaDéfense,cetancienchefdecorps

du 13e RDP 1 veille aux liens avec les services de renseignement duministère(DGSE,DRM,DPSD) ; il se situeégalementenpremière lignepour voir émerger l’idée de CNR lors des travaux préparatoires à larédactionduLivreblancpourladéfenseetlasécuriténationalede2008.

Christophe Gomart accompagne donc la création du CNR, laconstitution des équipes et la structuration de la communauté durenseignement. Avec Bernard Bajolet, il s’investit dans une structure enproie à l’hostilité d’un écosystème auquel elle doit s’imposer. Les deuxhommesvivent lespremièresdéceptionset l’âpretéd’uncombatde tousles instantspourdéfinir lepérimètrede cettenouvelleorganisationqui,

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en dépit de sa situation auprès du président de la République,n’appartientpasvraimentàl’Élysée.

Depuis sonposted’adjoint,ChristopheGomartapuobserverparfoisplus froidement les avanies rencontrées par le coordonnateur et seséquipes. Loin de tempérer le jugement porté par Bernard Bajolet, il lecorrobore et souligne l’opiniâtreté du diplomate pour mettre en œuvreune consigne présidentielle que le chef de l’État lui-même semble avoiroubliée.Cependant,lesacquisobtenusdehauteluttes’avèrenttoutàfaitconséquentsetapaisentlesouvenirdescombats.

Après le départ de Bernard Bajolet, l’opportunité se présente pourChristopheGomartdeprendrelecommandementdesopérationsspéciales(COS).Ilquittedoncl’Élyséepourcepostepuis,enjuin2013,pourceluidedirecteurdurenseignementmilitaire.IlretrouvealorsBernardBajolet,désormais à la tête de laDGSE. Il sait alors s’appuyer sur le CNRpours’imposerfaceauserviceextérieurmaisaussipourinsufflerunenouvellejeunesseàlaDRMquifêtesesvingt-cinqansen2017.

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UNSOLDATÀL’ÉLYSÉE

« Peu après son élection à la présidence de la République, NicolasSarkozydécidedeconfieràJean-ClaudeMalletlarédactiond’unnouveauLivre blanc sur la défense et la sécurité nationale. L’exercice n’a pas étéaccompli depuis 1994. En ma qualité de chef du bureau réservé auministèredelaDéfense,jeparticipeàcertainstravauxdelaCommissionsur le Livre blanc et constate que l’idée d’une structuration de lacommunauté du renseignement autour d’un CNR progresse dans lesesprits. Il s’agit d’une aubaine, non pas personnelle,mais au profit desservicesderenseignementpuisqu’uneinstancevafédérerleuraction.

En raison de mes fonctions au sein du cabinet de Michèle Alliot-

Marie 2, j’entretiens une relation nourrie avec le chef d’état-majorparticulier du président de la République et les représentants des troisarmées auprès de lui : Didier Castres pour l’armée de terre, Charles-Édouard de Coriolis pour la marine nationale et Antoine Noguier pourl’arméedel’air.Defait,dèslacréationdelastructureconfirmée,l’amiralGuillaud, qui en a saisi les enjeux, m’indique qu’il pense àmoi pour yexercerdesfonctions.Ilestimeindispensablelaprésenced’unmilitaireausein de cette structure afin d’en connaître l’activité exacte, de disposerd’un“œildeMoscou”ensomme.C’estd’ailleurscequ’ontpensétouslesministères aumoment de désigner des représentants. Ils ont voulu toutsavoir de ce nouvel objet institutionnel pouvant atteindre à leur

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autonomie. C’est ainsi que je deviens candidat sans avoir fait acte decandidature.

Audemeurant,monprofilrépondauxsouhaitsdeBernardBajolet:unmilitaire jouissant d’une expérience du travail en cabinet ministériel etsurtout qui connaît les services. En outre, dans lamesure où il n’a pasencore été officiellement nommé, il demeure en poste à Alger et maprésenceencabinetministérielluipermetdedisposerd’unpionparisien.Après m’avoir reçu, il m’a rapidement téléphoné pour confirmer monrecrutement.»

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PREMIÈRESMISSIONS

«Jeprendscettenouvelleaffectationsanslettredemissiondelapartdesarmées,sansconsignesparticulières,auseind’uneinstitutiondontlesstatuts s’écrivent jouraprès jour.Toutestàbâtir, et enpremier lieu leséquipes. Depuis Alger, Bernard Bajolet me charge d’une premièremission : recevoir les autres candidats désireux d’intégrer la futurestructureélyséenne.Ilestimenécessairelaprésenced’undiplomate,d’unmilitaire, d’un représentant du ministère de l’Intérieur et d’un expertfinancier. Après avoir prévenu Claude Guéant, il sollicite donc lesministères et je reçois les candidatsmême si jen’ai aucune libertédansleur choix.À l’issuedesentretiens, je lui envoieuncourrielou l’appellepourluidonnermonimpression.

Nousrecrutons très rapidementNacerMeddah,préfetde l’Aube,quibénéficie d’une bonne réputation. Le CNR souhaite également un

diplomate et a un candidat 3. Mais pour Claude Guéant, il y a déjà undiplomate en la personne de Bernard Bajolet ; de surcroît, des raisonspolitiquesavaientdéjàprivé lecandidatenquestiond’intégrer lacellulediplomatique.Sonnomadoncétéànouveaurefusé.C’estdommagecarje l’apprécie beaucoup et nous aurons l’occasion de très bien travaillerdanslasuitedenosparcoursprofessionnels.

Unjour,BernardBajoletm’appellepourmedemandersijeconnaisuncandidat désireux d’entrer au CNR sur proposition du ministère de

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l’Intérieur, un certain Pierre Lieutaud. Je le connaissais uniquement de

nom parce qu’il avait fait Saint-Cyr puis avait servi au REP 4 avantd’intégrer le corps préfectoral où il s’était très bien entendu avec Jean-

FrançoisCarenco 5.Lorsd’undesespassagesàParis,leCNRmedemandedel’accompagnerpourrecevoirlecandidat.NousnousrendonsdoncdanslebureaudupréfetJean-FrançoisÉtiennedesRosaies,autroisièmeétagedupalaisdel’Élysée.L’entretiensepassetrèsbien.Quoiqu’ilensoit,nousn’avonspasvraimentlapossibilitéderejetercettecandidature:leserviceintérieurveutunhommeàluiauCNR.

Nousconstituonsuneéquipededépartdetroispersonnes.Nousnousrépartissons les missions : Nacer Meddah supervise l’économie et plusparticulièrementlaDNREDetTracfin,PierreLieutaudl’Intérieur,etmoi,j’ai en charge la relation avec les services relevant du ministère de laDéfense, DGSE incluse. Je poursuis finalement la mission qui était lamienneauBureauréservé.

LeDGSE de l’époque, Pierre Brochand, va très rapidement proposeruncandidatissudesonadministration.MaisleCNRs’avèreréticentcarilsouhaite des collaborateurs indépendants des services. Mais, dans lamesure où le DGSE veut à tout prix proposer une ressource, nousaccueillonsun ingénieur, placé sous la responsabilitédeNacerMeddah,mais qui n’est pas resté longtemps. Nous recrutons également LorraineTournyolduClosenqualitédechargéedemission.Elleœuvreà la foispour Pierre Lieutaud et moi-même afin de superviser les groupes detravailauSGDSNet larédactiondupointdesituation.Je laretrouveraideux ans plus tard à laDRMoù l’a recrutée le général Bolelli. Ellem’aaidéàtransformerladirectionaveclamêmeénergiequecelledéployéeàl’Élysée.

Bernard Bajolet me demande également de veiller sur les dernierstravaux de rédaction du Livre blanc pour nous assurer que les versionsinstallant le CNR et son cadre d’action ne divergent pas de l’ambitioninitiale. Il faut batailler âprement pour conserver l’intégrité de la pageintitulée “Nouvelle organisation du renseignement” qui comporte un

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organigramme présentant le CNR rattaché directement au Président etplacéaucœurdelacommunautéduRenseignement.

Je dois aussi rédiger le premier texte fondateur de l’institution : lalettredemissionquivalide lesobjectifsdeBernardBajolet.L’état-majorparticulier souhaite alors modifier un élément, ce que refuse BernardBajoletpourpréserverunCNRfort.Etde fait, lePrésidentasignécettelettrequipositionne leCNRsurunéchelonstratégiqueet lui confiedesprérogativesconsidérables.Eneffet,sielledevaitun jourêtreappliquéeintégralement,elleinstitueraituncoordonnateurtrèspuissant.»

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L’ENNEMIDEL’INTÉRIEUR

«Nousformonsuneéquiperesserréedotéed’unetrèsforteambition!Arriveràl’Élyséereprésenteuneopportunitéextraordinaire.Quandvousl’annoncez, vous êtes perçu comme travaillant à proximité de Dieu lePère.MaisnousnoussommesassezviterenducomptedeladistanceavecDieu lePère,d’autantqu’aucunaccueilparticuliernenousest réservéàl’Élysée.Rien!Pasmêmedeslocaux.Heureusementqu’enmaqualitédemilitaire, j’ai accès à l’état-major particulier car, apprenant que nousn’avonspasdebureaux,leCEMPnousproposedenousprêtersasallederéunion.Nousvoilàaccueillisdansunesalleentrelaphotocopieuseetlestoilettes. En ces lieux, nous passons quinze jours à débroussailler leterrain, à se demander quel titre porter : “conseiller”, “adjoint aucoordonnateur”,“coordonnateuradjoint”?Ilestdécidéqu’iln’yaurapasde coordonnateur adjoint et que nous occuperons donc les fonctionsd’adjointsaucoordonnateur.Seposentensuitedesquestionslogistiques,notammentpour accomplir desdéplacements.Nous sollicitonsdoncdesvéhicules…Unevéritableinstallationexnihilo.

Bernard Bajolet profite de cet intervalle pour se faire présenter laDGSEet laDCRI– ilyseramoinsà l’aise.Puis,nousnousrendonsà laDRM où nous accueille le général Puga. Les trois autres services ferontl’objet d’une présentation plus rapide. Après quoi, nous décidons que

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l’équipe prendra quinze jours de congé, le coordonnateur une semaineseulement,préférantnepastrops’éloignerdeParis.

Ànotreretour,débutaoût,peudechoseachangéàl’exceptiond’unebasculedu14au22de la ruede l’Élysée,dansdesappartements louéspar la présidence pour en faire des bureaux.Nous disposons enfin d’unbureau et d’une salle de réunion que nous ne pouvons cependant pasoccuperàtempspleinpuisqu’unservicevoisinenaaussil’usage.Malgrétout,nousavonsprogresséetilfautreconnaîtrequePierreLieutaudaététrèsutileetassezdébrouillard:ilaintensémentparlementéaveclesgensdel’Élyséepourtrouverunesolution.Mêmes’ilyaunproblèmedeplaceàl’Élysée,noussommessurprisdenotresituationettoutel’équipeespèrequelaquestiondesbureauxsedébloquerarapidement.

Nous posons ensuite nos cartons à l’hôtel de Marigny de manièretemporairedans lamesureoù,d’unepart, l’Unionpour laMéditerranéedisposedetoutlecorpscentraldubâtimentet,d’autrepart,nousaurionsdûdéménageràchaquepassagedechefd’Étatétranger.Auboutdesixmois,etgrâceàuneimplicationàquasipleintempsdePierreLieutaud,ilestenfindécidédenousattribuerdéfinitivementunplateauaudeuxièmeétage du 14 rue de l’Élysée ainsi que deux bureaux au-dessus, danslesquelsnousaménageonsdepetitessallesderéunion.Nousenprenonspossession en février 2009. Ce temps passé à nous installer n’a guèrepermisdemettreenvaleurl’existenceduCNR.Cequiauraitdûn’être,demonpointdevue,qu’undétaillogistiqueaprisbeaucouptropdetempsetd’énergie.

Devoirnégocierdeslocauxparaîtassezétrange:soit leprésidentdelaRépubliquesouhaiteinstalleruncoordonnateur,soitonnechangerien.Dans lamesure où la décision a été prise, tout le reste n’aurait dû êtrequ’unequestiond’intendance.Or,mêmelorsqueBernardBajoletadresseenpersonneuncourrielà l’intendance,on luidemandedepatientercaraucun ordre n’a été donné au profit de notre installation. Nous avonsl’impressionquetoutestfaitpourfreinerl’arrivéeduCNR.Touslesjours,noussubissonsdespetitsobstacles,desnon-dits,desoublisd’invitationà

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desréunions,etc.Àchaquefois,ilfauts’imposer,mêmepourobtenirdesadressesélectroniquesetencore,sansavoirpleinementsatisfaction:[email protected],cellesduCNRdiffèrentauprétextequenouspourrionsêtrelacibled’attaquecybercomptetenudenotreidentité«renseignement».Ilfautdoncéviterquelamessageriedel’Élysée ne soit une victime collatérale de cette potentielle attaque.Argument surprenant quand on sait qu’il ne s’applique pas à l’EMP quitraitepourtantdedissuasionnucléaire.

Bernard Bajolet, conquérant, désireux de mettre en place cettestructure, se confronte rapidement à un mur qui se situe finalement àl’Élyséeplus quedans les servicesde renseignement.Cesderniers, pourleurpart,attendent,curieuxdesavoircequivasepasser.

Au-delàdecesquestionslogistiques,nousdevonsnousinsérerdanslabarqueélyséenne, etnotammentexister entre la cellulediplomatique etl’état-major particulier. Chacun désire bien évidemment piloter le CNRpour conserver ses prérogatives. L’amiral Guillaud par exemple nousindiquedèslespremiersjourssondésirdeconserverlescontactsaveclaDGSE, seprévalantd’unepratique coutumièrequ’il veut immuable.Soncombat,commeceluiduconseillerdiplomatique,serésumeaisément:leCNR ne doit pas assurer la gestion opérationnelle des services. Nousdevonsuniquementcoordonner,maisquerecouvrecetermeassezflou?Dès lors que le coordonnateur n’a aucun poids dans la nomination deschefsdeserviceetqu’iln’apasdeprérogativesdirectessurlebudgetdesservices,quereste-t-il?Audépart,nousn’intervenonsjamais,pasmême

enmatièrede répartitiondes fonds spéciaux 6 (la situation sedécanteraquelque peu). Il en va demême pour le budget du CNR puisque nousrécupéronsceluiduCIR,cequinousplace,defacto,dans ladépendanceduSGDSN.MaisNacerMeddah gère cette question et il jouit d’un vraisavoir-faire.

Se pose la question de la participation du CNR aux réunions ducabinet. Faisons-nous d’ailleurs partie du cabinet ? Même si nouspressentons la réponse et quenousn’avons pas grand-chose à partager,

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nousdécidonsde forcerunpeu laporte.Audemeurant,nousvivonsundécalage et devons prendre notre place auprès d’acteurs qui seconnaissentbien,ontdéjà leursautomatismesaprèsunande travailencommun.Enoutre, certains sedemandent encorepourquoi le présidentdelaRépubliquesouhaiteinstalleruncoordonnateuràl’Élysée!D’autresfeignentencoredes’interroger,estimantqu’ilauraitétéplusjudicieuxdenous installerauprèsduSGDNouduPremierministre…Pourtant,avecunprésidentdelaRépubliquecommeSarkozy,toussaventtrèsbienoùsesitue le pouvoir ! Au demeurant, ces questions ont été tranchées par leLivre blanc : quelqu’un doit pouvoir coordonner les services derenseignementpourassurer la sécuritédesFrançais.Même sansavoir àl’époquesubid’attentats, lamenaceestpalpable.Unestructures’imposedonc. Il faut sansdouteque la greffeprenneet,malgré les vicissitudes,nousnousménageonsuneplace.ClaudeGuéantappuieladémarchemaisdes ordres plus directifs de sa part auraient permis une installationbeaucoup plus rapide. Nous sommes restés comme un organismeadministratifnonidentifié.BernardBajoletcommemoi,enserviteursdel’État, ne comprenons pas pourquoi l’État rejette ce qu’il a lui-mêmeimaginé.»

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LESRUDIMENTSDELACOORDINATION

Trèsrapidement,l’équipeconstituéeassumelesmissionsconféréesparleprésidentdelaRépublique.Ilfautpourcelaleurdonnerducorps.Ence domaine, tout est à inventer. Quatre principales missions sedistinguent.

RÉUNIRLESSERVICES,INFORMERLEPRÉSIDENT

«Nousavonstrès tôtestiméque,pourexister,nousdevonsadresserdes notes au président de la République. Nous créons donc le point desituation quotidien du Président que nous lui adressons chaque soir. LeDNIaméricainapournousvaleurd’exemplecarilbriefelePrésidenttouslesmatins.Maisl’espritdelafonctionprésidentiellefrançaisen’estpaslemême.L’idéeconsisteplutôtàrédigerquelquesparagraphessurlessujetschauds du jour et de l’adresser tous les soirs à 17 heures au secrétairegénéral de l’Élysée, pour transmission au président Sarkozy. Ce dernierannote,soit au crayonbleu, soit au crayon rouge : “Çam’intéresse”, “Àsuivre”,“Vu”,etc.

BernardBajoletjugeégalementnécessairederéunirlesdirecteursdela communauté à intervalles réguliers. Une réunion tous les mois nousparaît plus raisonnable que tous les 15 jours ou toutes les semaines.

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BernardBajoletsouhaiteassocierleSGDSNFrancisDelon.Audépart,lestroisadjointsduCNRyassistentpuisonnousademandédeneplusveniret une réunion s’est tenue sans que personne ne tienne un relevé dedécision. De fait, à la suivante, j’ai été convié, en compagnie de BrunoMarescauxpourleSGDSN.Puis,finalement,j’aicontinuél’aventureseul.Écouter les directeurs de services évoquer leur activité s’est avéréréellementpassionnant.

Pour lapetitehistoire : à l’occasionde lapremière réunion, tenueàl’hôtel de Marigny, nous avons placé des casiers pour que chacun desdirecteurs puisse y déposer son téléphone portable et assurer ainsi uneparfaiteconfidentialité.L’und’entreeuxaalorsrejetél’idéed’unephrase:“On arrête de jouer aux Américains. Mon portable j’en ai besoin. Je legarde!”

Nous avons également dû réunir le premier Conseil national durenseignement,crééparlesmêmestextesqueceuxdelacoordination.Leprocessusaétéassezlongpouraboutiràlapremièreédition–etdernièrepour la présidence Sarkozy, le Conseil de défense permettant de traitercessujets.Nousdevonseneffetétablirl’ordredujour,lespointssoumisàl’arbitrage du Président – car il faut une décision à prendre, c’est unpréalable pour réunir dumonde autour de la table ! Nous avons doncprofitédel’occasionpourvaliderlepremierPlannationald’orientationdurenseignement.Jen’aipassouvenird’autresdécisionsprises,maisilétaitnécessaire de le réunir pour officialiser son existence. Et la premièreréunions’estplutôtbienpasséemalgrélenombredepersonnesprésentes.LeprésidentSarkozyn’ad’ailleurspasmanquéde lesouligner.Mais,enréalité, quand les conseillers du Président sont tous invités, il y aforcémentfoule:CEMP,conseiller“diplo”,secrétairegénéral,directeurdecabinet, conseiller intérieur, ministres des services concernés (Défense,Intérieur, Économie et Finances), Premierministre, directeur de cabinetduPremierministre,coordonnateuretsonéquipe,SGDN.

Enfin,nousorganisonségalementdesréunionsinternesàl’Élyséeavecla cellule “diplo”, l’EMP et la cellule intérieure. La coordination semet

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doncenplacerapidement.Maisc’estunecrisequivanouspermettrede

pleinement exister : celle qui éclate entre la Russie et la Géorgie 7 enaoût 2008. LeCNR réussit alors à imposer l’idée de corédiger une noteavec la cellule “diplo” et l’EMP afin de donner plus de poids à ladémarche.Denotrecôté,nousapportonslasubstantifiquemoelleextraitedes notes des services de renseignement que nous recevonsquotidiennementafind’informerlePrésidentetdepermettresaprisededécision.»

ORIENTERLAPRODUCTIONDESSERVICES

«D’unemanièregénérale,l’accèsàcesnotesnouspermetd’identifierles spécificités de chacunmais aussi les manques au niveau global, lestrousdanslaraquette.C’estpourquoinousproposonsdefaireévoluerles

groupesdetravail(GT)duSGDN 8pourreprendrelamainsurlessujetsetlesthématiquesàcreuser.Concrètement,leSGDNcontinued’accueilliretde conduire ces groupes, mais le CNR a obtenu d’en valider lesorientations.Nousavonsdoncsouhaitélasuppressiondecertainsd’entreeux, ce qui a généré quelques tensions entre Bernard Bajolet et FrancisDelon.Toutefois,etalorsquelesservicesderenseignementnevoulaientplusdecesGT,noussoulignonsqu’ilspermettentauxagentsdeseréunir,dediscuteretsurtoutdepartagerautourd’unethématiquepréciseentredifférentsservicesd’ordinaireimperméableslesunsauxautres.

Puis,nousproposonsunPlannationald’orientationdurenseignement(PNOR). Le Comité interministériel du renseignement (CIR) produisaitdéjà un document d’orientation mais les critiques étaient vives sur ces500pages rébarbatives.Lecoordonnateurmechargedesa rédactionenmeprécisantquecedocumentnedoitpasdépasser lesdixpages,pagesdegardeetsommairecompris.Jedoisconfesserquelaformalisationd’unPNOR resserré a pris un peu de temps. J’ai pris soin de faire valider ledocumentfinalparl’ensembledescontributeurs,enm’assurantquepour

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chaque service y ait unemission précisément définie, clarifiant ainsi lerôledechacunauseindelacommunauté.BienévidemmentlaDCRI,etlaDGSEsesontbattuescarellesnepartagentpaslamêmevisiondeleurscompétencesrespectives.LaDRMestimequantàelleque lePNORn’estpassuffisammentmarquéparlerenseignementd’intérêtmilitaire,sibienqu’ellejugedisparaîtreaubénéficedesautresservices.

Malgrécesrapportsdeforce,nousavonssortiunPNORmisàjouretqui existe toujours puisque son utilité réside dans l’attribution desmissions respectives des services et de leurs périmètres. En revanche,toutelapartierelativeauxactionsmenéesparlesservicesaétésuivieparl’EMP. S’agissant de la DCRI, Bernard Squarcini a directement accès àClaudeGuéant.Doncenréalité,lapartieopérationnellen’estpasdutout

dans lamainducoordonnateur.Lagestiondesotages 9aagicommeunrévélateurdecette impuissanced’autantplusque,par lepassé,BernardBajolet avait déjà eu à gérer personnellement ces sujets-là. Cetteexpériencel’aconduitàsouhaiterêtreleseulpointdecontact,conditiondusuccès,commeilavaitpuleconstater.Maiscesujetn’ajamaisintégréle champ d’action du coordonnateur qui, dans le meilleur des cas, estassociéàdesréunionsprésidéesparl’EMP,véritablepilotedecesaffairessensibles.Cetépisodeadûlaisserdestracescar,lorsqueBernardBajoletdirigera la DGSE, il tiendra une position intransigeante qui lui vaudraquelqueséchangesvifsavecJean-YvesLeDrian. IlexpliqueraàFrançoisHollande sa conviction de la nécessité d’un interlocuteur unique. Maiscommelacrisedesotagesdurera,d’autressemettrontsur“l’affaire”.»

AFFERMIRLECADREJURIDIQUE

« Toujours dans l’optique d’une modernisation de l’appareil derenseignement sous l’impulsion du CNR, nous sollicitons également denombreuses réunions interministérielles (RIM) qui conduisent auxprémices d’une loi sur le renseignement. La loi d’octobre 2007 portant

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création sur une délégation parlementaire du renseignement avaitd’ailleurs ouvert le chemin. J’avais suivi ce sujet dans mes précédentesattributionsauBureauréservéetj’aidoncétéidentifiéauCNRcommeleconseillerdevantassisteràcesRIM,à l’exceptiondecellesqui touchentauxfinancespuisquelesujetrelèvedeNacerMeddah.»

LESPREMIERSPASDELAMUTUALISATION

«Au-delàdelacoordination“institutionnelle”,voireadministrative,leCNR doit selon nous arbitrer les questions stratégiques liées aux outilstechniques de recueil de renseignement. Bernard Bajolet anime avec leSGDN des réunions dédiées. Nous ressentons très vite les premiersfrottements entre, d’un côté, une DGSE très réticente à l’égard de lamutualisation, de l’autre, une DCRI très volontaire et, enfin, une DRMallantemaisdontledirecteurn’apaspressentilesenjeuxetnes’estdonclancédanslapartiecyber.

Convaincus de la pertinence de drones au profit des arméesnotamment,nous tenonségalementunrôleactif surcesujet,parfoisenconflitassuméaveclaDGSE.LesministresdelaDéfensesesontd’ailleurssuccédéaveclamêmeconviction.Nousparvenonsdoncàfairesignerparle président Sarkozy des directives en faveur de l’acquisition de dronesmais,faceàladivisiondesmilitairessurlesujet,leprojetn’aboutirapas.CarlaDGSEsouhaiteachetersespropresdronespilotablesetamontéundossierpourexpliciterlebesoinetsonchoix.Maisnousdisposonsd’uneinformation importante : cette solution n’est pas mûre et le pilote amanqué d’écraser l’appareil. De surcroît, l’armée de terre désire acheterson propre appareil, arguant d’un besoin spécifique. Tous confirment lebesoinmais ne conjuguent par leurs efforts dans lemême sens. Il auradoncfalludixanspourprocéderàl’achatsousl’impulsionduministreLeDrian.Maiscemanquedeconvergenceacoûtéàl’industriefrançaisequi

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seseraitmieuxportéesinousavionsréussiànousentendreeninterne:nousn’aurionspasétéobligésd’acheteraméricain.

Endéfinitive,quandjedresselebilandecesannées, jeconstatequenosinnovationsdemeurent:lepointdesituationquotidienauPrésident,les groupes de travail, le PNOR qui continue à être mis à jourrégulièrement et pour lequel chaque service cherche à préserver le rôlequiestlesien,lamutualisation,lesdrones,etc.»

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LAGREFFENEPRENDPAS

« L’hostilité des services n’a jamais été franche et déclarée. Ils ontéprouvédesréticences,biensûr,maisjelesaitrouvésplutôtbénévolents.Lespetitsservices,enparticulier,onttrèsrapidementcomprisl’utilitéduCNR et l’intérêt particulier qu’ils pouvaient en tirer. Bernard Squarcinidisposed’unaccèsdirect àClaudeGuéant etNicolasSarkozy, il nevoitpas dans le CNR un obstacle. Il bénéficie même des productions de laDGSEgrâceaurelaisdontildisposeauseindel’instance.AveclaDGSE,leschosessontdifférentes:d’abord,PierreBrochandest“ambassadeurdeFrance”, ce qui compte aux yeux d’un Bernard Bajolet très respectueuxdes hiérarchies. Néanmoins, des tensions apparaissent le jour où lecoordonnateur indique son souhait de disposer d’une connaissanceexhaustive des activités du service, de la localisation des agents, etc. Ils’agit certes d’une volonté intrusivemais qui s’avère indispensable pourcontraindrelaDGSEànousconsidéreretànepasuniquementenréféreràl’EMP.

Si l’onajouteàcela laconfiguration interneà l’Élysée,oncomprendque les frottements se sontmultipliés. Le coordonnateur a été contraintd’alleràlaconfrontation.Pourmapart,j’aicherchéàtemporiser,àfaireque les chosesévoluent, à travailler enbonne intelligenceavecFrançoisRichier pour la cellule diplomatique, avec Castres, Coriolis, et Noguierpour l’EMP.D’aucunsont estiméque lapersonnalitédeBernardBajolet

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explique des tensions. Je ne le crois pas. L’origine de tout cela résidesurtout dans ce que personne ne veut d’un coordonnateur, ou alorsuniquement un coordonnateur pour “raconter” le renseignement, pourfaire des notes, pas pour agir. L’amiralGuillaud le dit en permanence :“Pas question qu’il participe aux opérations.” Ce refus d’accès aurenseignement opérationnel explique la marginalité du CNR pour lesaffairesd’otageset,plusgénéralement,pourtouteslesaffairessensibles.

Au demeurant, l’une des vraies problématiques d’un coordonnateurrésidedanssonabsencedetutelleministérielle.Touslesautresconseillersélyséensontunministèrederéférence : leministèrede laDéfensepourl’EMP, le Quai d’Orsay pour le conseiller diplo, etc. Le coordonnateur,quantàlui,enestréduitàparleràplusieursministres,doncàpersonne.D’autantqueni lePremierministre, ni sondirecteurde cabinetne fontmontre d’une grande ouverture, comme l’illustre la gestion des fondsspéciauxquinenousajamaisétédéléguée.»

Danscecontexte, lespremièresdéceptionsconduisentauxpremièresdéfections.ChristopheGomartseremémore:«NacerMeddahestpartilepremieret,finalement,assezrapidement.Ilestpréfet,ilespèresansdouteplus de reconnaissance. Il y a eu un affrontement de volonté entre lasienneetcelledeBernardBajolet. IlestimequeBajoletne lui laissepasassezd’espace.Enoutre,commemoi,ilaconnulesdéboiresdudébutetenaéprouvéunegrandelassitude.Pourmapart,jeresteendépitdetout.Jeconçois cepostecommeuneaffectationparticulièrement intéressantequ’ilfautmenerjusqu’aubout.Enrevanche,jenesaiscombiendetempsjedemeureraienposte.»

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L’ANNÉEDESADIEUX

« Bernard Bajolet a fini par s’en aller car il se rend compte que samission est impossible. Il a beau vouloir agir, il se trouve bloqué ; s’ilprend une autre voie, il est à nouveau bloqué.Néanmoins, face à cettesituation,jenecroispasqu’ilaitjamaisrencontréNicolasSarkozyentêteàtête.Ilesttoutdemêmerestéenplacedeuxansetdemi!Sonsouciaconsistéàcomprendrecommentl’Élyséefonctionne.Toutefois,lerejetestassezunanime.Certes,ClaudeGuéant l’aassociéàungroupede travailsur le “décèlement précoce” pour analyser des signaux faibles en vued’anticiper la menace. Alain Bauer anime ce groupe composé, entreautres, de Bernard Squarcini, d’Erard Corbin de Mangoux, de PhilippeDelmas,deValérieDerouetetdeCédricLewandowski.LeCNRenassumelesecrétariat.IlaétésensibleàcettepreuvedeconfiancequiluiconfèreunrôleauprèsdeClaudeGuéant.Maiscelanechangepaslerapportdeforcedéfavorableinstauré.

Je dois reconnaître que, pour lui, ces années ont dû être assezéprouvantes. À l’inverse, ma situation est simple : j’ai un chef. Enrevanche, lui n’a personne à qui en référer, malgré son souhait. Sesdemandesderendez-vousauprèsdeClaudeGuéantrestentsouventsansréponse. Je lui recommandealorsuneapproche trèsmilitaire : “Allez levoir!Forcezlaporte.”Ilmerépondinvariablement:“NonChristophe.Cen’estpascommecelaqu’onprocède.Jevaisluiécrireunenote.”Nombre

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d’entre elles sont restées sans réponse. Il a compris qu’il avait été“cornerisé”,alorsilaprisl’Afghanistan.J’aiétésincèrementtristedesondépart, nousnous sommes liés d’amitié.C’est unhommede conviction,courageux.

Jeluiaiemboîtélepasquelquesmoisaprès.Eneffet,l’équipen’apaseudechefpendantquelquessemaineset lesrelationssesontdégradéesen interne en raison de l’ambition affichée par certains d’assumerl’interrègne. Un coordonnateur par intérim a même été désigné parChristianFrémont,ledirecteurdecabinetduPrésident,sanspourautantdisposerdelalégitimiténécessairepourêtreobéi.Aprèsm’enêtreouvertauprèsdugénéralPuga,devenuCEMPentre-temps,celui-cimerassureet

mesignalequeleCOS 10selibère.Leposteesttropbeaupournepasmetenter. À son arrivée, Ange Mancini s’est montré extrêmementsympathiqueàmonégardetm’asoutenudansmadémarche.»

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LECNRVUDELADRM

En 2013, Christophe Gomart prend la tête de la DRM et reconnaîtl’importance du CNR pour valoriser le renseignementmilitaire face auxdeuxacteursprédominantsquesontlaDGSEetlaDGSI:«J’aientretenudetrèsbonsrapportsavecleCNRparcequ’ilapermisauxpetitsservicescommeauservicedetaillemoyennequ’estlaDRMd’existeraumilieudesautres, de pouvoir partager un certain nombre de choses et de pouvoirdialoguer. Le général Bolelli l’exprimait en son temps avec une grandeclarté.PourunDRM,s’appuyersurunCNRreprésentelagarantied’êtrebeaucoupplusconstructifqueleservicedurenseignementmilitaireisoléau sein des armées. Cela induit un rayonnement et une reconnaissancebeaucoup plus importants et, par conséquent, un intérêt accru pour ceservice. Sans le coordonnateur, la DRM serait beaucoup moins connuequ’elle ne l’est, disposerait de moins de moyens, etc., même si j’aibénéficiéd’unministredelaDéfenseetd’undirecteurdecabinet,CédricLewandowski,quim’ontmanifestéunsoutiensansfaille.

À cette époque, je retrouve Bernard Bajolet, directeur général de laDGSE.Nousne jouonspas tous lesdeux lemême jeuà l’égarddecetteinstitutionquenousavonsbâtie,notammentenraisondesonliendirectetexclusifavecleprésidentdelaRépubliquequiagrandementbénéficiéàsonservice.Chaqueinstitutionasalogiqueetlamémoiredeshommes

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ploie aisément. Reste l’œuvre considérable bâtie, parfois contre unsystème,àl’Élyséecommeauseinduserviceextérieur.»

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CHAPITREIII

ClaudeGuéantoulementormalgrélui

Lorsque Nicolas Sarkozy est élu président de la République enmai 2007, il confie le secrétariat général de l’Élysée à celui qui officieauprès de lui depuis 2002 en qualité de directeur de cabinet : ClaudeGuéant. Le haut fonctionnaire exerce alors une influence et un pouvoirconsidérables.

Fortdesonexpérienceauministèrede l’Intérieuroù ilaoccupédesfonctions de cabinet (auprès desministres Christian Bonnet ou CharlesPasqua) et administratives de premier plan, il porte une attention touteparticulière à la réforme de la Direction centrale du renseignementintérieure (DCRI). Convaincu de la nécessité d’organiser la remontéed’informationsetd’éviterlesanglesmorts,ilaccompagnelespremierspasduCNR.

Eneffet, alors qu’il étaitdirecteurgénéralde lapolicenationale, auplus fortde lavague terroristede1995-1996,ClaudeGuéanta forgésaconviction sur les défauts du système français. Il s’est alorspersonnellement impliqué et exposé dans la coordination de servicesdevenusconcurrentsquandils’agitdepartagerunrenseignementouuneinformationsensible.Danslesépreuves,ilanouédesolidesrelationsavec

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des professionnels du renseignement qu’il promeut à des postes deresponsabilitéàpartirde2002.

Mais, passées les rigueurs de l’installation, et accaparé par d’autrespansde l’activitéde l’État, il sedétacheassezvitedusuiviquotidienduCNR. En 2011, il quitte l’Élysée pour devenir ministre de l’Intérieur etdirigerainsidesservicesderenseignementqu’ilacontribuéàréorganiser.

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GENÈSED’UNEÉVIDENCE:LESATTENTATSDE1995

«DèssonélectionàlaprésidencedelaRépublique,NicolasSarkozyasouhaité mettre en œuvre des réformes du renseignement françaisconçues à l’aune de notre expérience au ministère de l’Intérieur et denotre conscience des enjeux auxquels était confronté le pays. Pareillevolonté s’est matérialisée au travers de deux projets d’envergure,indissociablesl’undel’autre:laréformedurenseignementintérieuraveclacréationd’uneDCRIetlamiseenplaced’unecoordinationnationaledurenseignement.

LaréformedelaDCRI,àtraverslasuppressiondeladirectioncentraledesrenseignementsgénéraux(DCRG),procèded’uneconvictiontrèsfortedeNicolasSarkozyforgéeauministèredel’Intérieur:ilavaiteneffetétéscandalisépar les relentsdepolicepolitiquequimarquaient lesactivitésde cette direction et en particulier par la pratique des notes blanches,documentsà la crédibilitédouteusepuisqu’anonymesetnon sourcés. Jepuis témoigner d’expérience qu’un certain nombre de notes blanchesrelevaientpurementetsimplementdelacatégoriedesproposdebistrot:un fonctionnaire déjeunait avec un journaliste d’investigation et voilàqu’une note blanche sortait, à même de ruiner des carrières ou desréputations. Le ministre de l’Intérieur s’était donc efforcé d’obtenir lasuppressionde cette direction, sans succès face au refus catégorique du

présidentdelaRépubliquedel’époque 1.

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De mon côté, j’étais animé par le souci de recentrer l’activité desservices sur l’essentiel : la protection contre l’ennemi extérieur, leterrorisme et les activismes violents. Ces fonctions relevaient de ladirection de la surveillance du territoire (DST). Nous avons parconséquentsupprimélaDCRGetrépartiseseffectifsd’unepart,auprofitdel’ex-DST(devenueDCRIetquiaainsidoubléseseffectifs)et,d’autrepart,auprèsdelaDirectioncentraledelasécuritépubliquepourcréerce

qu’onappelleaujourd’hui le renseignement territorial (RT) 2.Unebonneutilisationena-t-elleétéfaite?Jen’ensaisrien,maisonditsouventqueleseffectifsduRTnesesontpasassezdédiésàl’observationdesfilièresterroristes. Il faut signaler qu’à l’époque, la menace terroriste différaitgrandementdecelled’aujourd’hui.En2012,Daechn’existaitpas.

Le second volet de la réforme a concerné l’animation durenseignement en France. Si, pendant la campagne présidentielle, lacréation à l’Élysée d’un conseil national de sécurité (CNS) a pu êtreévoquée, nous lui avons préféré l’idée d’un Conseil national durenseignementafinquetoutelapolitiquededéfenseetdesécuriténesoitpas traitée, imaginée, suggérée par ce CNS avant même toute décisionprésidentielle,englobantainsiledomainemilitaire.Cen’estpaslecasduCNRetdelacoordinationnationaledurenseignementmêmesielleinclutuneparticipationmilitairevia laDRM.Unefoisladécisionprésidentielleprise, j’ai effectivement beaucoup œuvré à la mise en place de cettecoordination nationale du renseignement en me fondant sur deuxexpériences:l’uneopérationnelle,etl’autreplusconceptuelle,relevantdelapolitiquede renseignement.Eneffet, l’évanescencede laconcertationinterministérielle en matière de renseignement m’avait profondémentfrappé:leSecrétariatgénéraldeladéfensenationale(SGDN)organisaitchaque année un Comité interministériel du renseignement (CIR),réunion des plus solennelles, pour valider le Plan national du

renseignement (PNR) 3. Or ce vaste plan n’éliminait pas les doublons,n’incluait pas systématiquement certains objectifs importants et neprésentait pas de traduction concrète. Car même si des réunions

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techniques rassemblant les différents services spécialisés se tenaient enamont du CIR, leur caractère non contraignant supposait une illusoirecollaboration volontaire. J’en ai gardé le sentiment d’un processus peuactif, dénuédedynamismeet surtout tropponctuel, sans visiondans ladurée.

Dansunregistreplusopérationnel,lesattentatsde1995constituentlesouvenir le plus vif et cruel que j’aie gardé à l’esprit. Il a forgé maconviction d’un besoin de coordination dans le domaine durenseignement. Ce fut une période particulièrement difficile, étalée surplusieursmoisaucoursdesquelsnoussommeslongtempsdemeuréssansmême ledébutd’unepiste jusqu’àcequ’uneempreintedigitale,àpeineexploitable, laissée sur un sparadrap censé commander un dispositifexplosif aupassageduTGVParis-Lyon, nous révèle l’identité deKhaled

Kelkal 4.Naturellement,jeneveuxpasinsinuerqueceslenteurstenaientàl’insuffisance du renseignement et de sa coordination. Toutefois, durantcettepériodeoùj’occupaislesfonctionsdedirecteurgénéraldelapolicenationale, j’animaisde façonquotidienne l’actionmenéepar les servicesde renseignement et de police. Et je mesurais alors à quel point lesservices fonctionnaient selon leur propre logique, agissaient dans leursillonetavaient,plutôtquelesoucidelaréussitecollective,celuideleurpropre réussite.Par exemple, jeprésidais quotidiennementdes réunionspour rassembler tous les acteurs avec tous ceux pouvant contribuer enapportant un élément même le plus infime, y compris ceux quin’appartenaientpasàlasphèrehabituelledel’Unitédecoordinationdelalutteantiterroriste(UCLAT).Jefaisaisainsiparticiperlagendarmeriequiréalisait déjà un travail remarquable en matière de renseignement. LaDGSEétaitégalementconviée.Anecdoteàlafoisdrôleetdramatique:àl’issuedechaqueréunionaucoursdelaquelleiln’avaitpasprislaparole,lereprésentantdelaDGSEvenaitinvariablementmevoirenapartéenmeconfiantcequ’ilnepouvaitdirequ’àmoiseul selon lui.Celameplaçaitdans une situation très inconfortable, moi qui n’étais pas policier. Jenotais fébrilement ses dires sur un cahier spécialement dédié à ses

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habituelles confidences, pour les exploiter ou les restituer à d’autresservices. La DST participait quant à elle très volontiers au partaged’information:audébutdel’enquête“Kelkal”,aulendemaindel’attentat,lesservicesalgériens,traditionnellementenmeilleurerelationaveclaDSTqu’avec la DGSE, nous avaient communiqué l’identité et desphotographies du commanditaire par l’intermédiaire de Raymond Nart,directeuradjointde laDST.Lapistes’est finalementrévélée faussebienque les Algériens n’aient pas complètement tort puisqu’entre-temps, leresponsableducommandoavaitétéremplacé.Enrevanche, lesrelationsentre la Préfecture de police (PP) et la police nationale étaient trèscompliquées.Àtelpointque,àlasuitedefuitesdanslapresse,j’aipréférédissimulerpendantvingt-quatreouquarante-huitheuresuneinformationstratégiqueàlaPP,convaincuqu’elleétaitlasourcedecesfuites!

Cetteexpérienceaucontactdesdifférentsservicesderenseignementanourrimaréflexionà l’heuredeproposerunecoordinationnationaledurenseignement. L’idée était en premier lieu que notre dispositif derenseignementneconnaissepasd’anglemort;quelesserviceséchangentvraiment ; qu’une autorité s’assure de cet échange et, enfin, que nousdisposionsd’unegarantiequotidiennede l’exploitationetde ladiffusiondurenseignementauxacteursayantàenconnaître.Restaitàconstitueretdirigercetteéquipe,cequinereprésentaitpaslamoindredesdifficultés.»

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UNDIPLOMATEPOURUNEMISSIONIMPOSSIBLE

«Pourobteniruneparticipation sans réservede tous les servicesderenseignement, ils devaient être représentés dans la nouvelle équipe ;chacun desministères a donc désigné ses correspondants au sein de lacoordination.Puisestvenulechoixducoordonnateurlui-même.Pourceposte, il était entendu qu’une certaine rotation soit instaurée entre lesdifférentsministèresrégaliens,Intérieur,DéfenseetAffairesétrangères.

Quoi qu’il en soit, le choix s’est d’abord porté sur un diplomate,Bernard Bajolet, car les menaces les plus importantes de l’époquerelevaientpleinementdesondomainedecompétences.Eneffet,l’hommeestunformidablediplomateetmêmeundiplomatebaroudeurquiconnaîtbienlarégiondetouslesdangers,l’Irak,pouryavoirexercélesfonctionsd’ambassadeur. On nomme rarement une personnalité de cet acabit auseindesarméessansquecelaposeproblèmedanslasphèremilitaire.Demême dans la sphère policière… Il appartient par ailleurs à la sphèreadministrative ce qui, sans tomber dans un travers français, se révèlenéanmoinsutileàcespostes.Jeneleconnaissaispaspersonnellementàl’époque,sonnomm’aétésuggéréparJean-DavidLevitte.»

Interrogé sur les difficultés évoquées par Bernard Bajolet, ClaudeGuéantnegardepassouvenirdecelles-ci:«Jenemerappellepasqu’ilait rencontré des difficultés matérielles, juridiques ou personnelles. LesrelationsentreBernardBajoletetleconseillerdiplomatiqueduPrésident

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étaientbonnes, le secondayantproposé lepremier.Enoutre, tousdeuxissus du ministère des Affaires étrangères, ils partageaient une cultureadministrative commune. Je crois à lamêmequalitéde relation avec lechefd’état-majorparticulier,l’amiralGuillaud.Celanesignifiepasqueleschoses étaient simples. Peut-être Bernard Bajolet a-t-il éprouvé unembarras avec ses collègues de l’Élysée.Mais j’ai davantage le souvenirqu’il a rencontré des difficultés avec les services de renseignement, enparticulier la DGSE, mais pas uniquement. Le problème réside dans lavolontédechacundeconserversonprécarré,uneformed’indépendance.Ilestvraiaussiqueleschefsdeserviceontpus’adresserdirectementauprésidentSarkozyouàmoi-mêmeencasdeforcemajeure.Maislàn’estpas vraiment la question. Ilm’est arrivé d’intervenir après que BernardBajolet s’en est ouvert auprès de moi. Mais je pense que cela a dûs’arranger. La mise en place d’une culture institutionnelle prend dutemps ! Je reconnais la complexité que représente la création d’uneinstitutionquidonneauxserviceslesentimentqu’ellevadefactomarchersur leurs plates-bandes. Mais je l’ai beaucoup accompagné au début,notamment parce qu’il en a éprouvé le besoin. C’était mon devoir del’appuyer dans lamise en place de cette institution dont nous voulionsqu’elle réussisse. Elle a d’ailleurs démontré sonutilité puisque personnenel’asupprimée.LeprésidentMacronl’amêmerenforcéeenluidonnantuntourplusopérationnel.Celamesembleallerdanslebonsens.

Parconséquent,nousavonseudefréquentsentretiensàl’époque,enparticulier pour constituer l’équipe du CNR qui a notamment accueillitrois membres issus du corps préfectoral : le préfet Lieutaud, JérômePoirotetNacerMeddah.Jeconnaissaisunpeu lepremier, ildirigeait leserviceopérationneldesRGetjouissaitd’unpassémilitaireassezbrillant,avecunpassageparlesforcesspéciales.Ilparaissaitdoncqualifiépourlafonction.JérômePoirotvenaitquantàluiduministèredesFinances,iladonc supervisé la question du renseignement économique. Ce sujet mesemblaitdelaplushauteimportanceetj’yaibeaucouptravaillé,avecdesfortunes diverses : à chaque fois que j’ai créé une fonction dans le

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renseignementéconomique,elleaétésuppriméeaprèsmondépart…Ilyavait des enjeux de pouvoir considérables impliquant Bercy et lanomination de Jérôme Poirot a permis d’inclure cette dimension. Enfin,concernantNacerMeddah,ilmesemblaitintéressantdel’incluredansleséquipes du CNR compte tenu de son expérience au Trésor. De plus, lePrésident avait cette volonté d’ouvrir la fonction publique à d’autresprofils.Iln’estpasrestélongtempsauCNRmaisjenemesouvienspasdescirconstancesexactesdesondépart.

Enparallèledecetravaildeconstitutiondeséquipes,BernardBajoletrédigelalettredemissionqueleprésidentSarkozysouhaiteluiadresser.Puis,nousélaboronsledécretde2009quiinstitueleconseilnationaldurenseignementenformationspécialiséeduconseilnationaldedéfenseetcrée la fonction de coordonnateur. Je n’ai pas souvenir de difficultésconcernantcesquestions.Aposteriori,cettepositionexterneàl’entourageduprésidentdelaRépubliquemesembleidoine.C’estconsoliderleCNRque de l’instituer en structure permanente de l’État. Certes, le Premierministren’a pas étéungrandadmirateurde lanouvelle structure,maiscela relève des relations entre institutions et non entre administrations.D’unecertainefaçon,leCNRadépouillélechefduGouvernementdesesprérogatives d’animation du renseignement au profit d’une instanceplacée directement auprès du Président,même si elle est également auservicedeMatignon…MaislePremierministren’ajamaisfaitsavoirsondésaccord.Nousavonsévidemmentperçusaréserve.SiFrançoisFillonasouventdit par la suite qu’il étaitmal à l’aise, jene l’ai jamais entenduexprimerlamoindreopiniondivergenteencinqannéesdefonctions.»

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LECNRAUQUOTIDIEN

« Avec la création du CNR, nous avions le sentiment que l’Étatdisposait d’un instrument de veille permanente. Je demandai d’ailleurstrès rapidement à Bernard Bajolet de produire une note quotidienne àl’attention du président de la République et du Premier ministre poureffectuerlasynthèsedesnotesreçuesquotidiennementenprovenancedesservicesderenseignement.Leformatnedevaitpasdépasserunepageetdemie.Grâceàcettenoteunique,nouspouvionsenfintrierethiérarchiserles renseignements remontés. Les signaux faibles pouvaient être repérésd’emblée. La teneur des notes ne constituait pas un enjeu fondamental,nousétionssurtoutrassurésparleurexistence.

Au-delà de ce travail, le CNR devait élaborer le plan nationald’orientation du renseignement et, surtout, le faire vivre au quotidien,veillerà sonapplicationpar les servicesde renseignement.Àce titre, jepensequeBernardBajoletaeubeaucoupdemérite.

Enfin,leCNRdevaitpréparerlesréunionsduconseilnational.Maisjen’ai pas enmémoire la tenue de nombreuses réunions. Je pense que leformatprivilégiépourcesréunionsdoitselimiterauCNR,auCEMA,auDGSEetauDCRI.IlestprobablequeleprésidentdelaRépubliqueaitpuestimer toutautre formatcommepléthorique.Audemeurant, endehorsde ces réunions, le CNR n’a pas vocation à rencontrer régulièrement lePrésident.Defait,BernardBajoletararementétéreçuenentretienparle

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Président. Mais cela tenait avant tout au mode de fonctionnement duprésidentSarkozy:ilnerecevaitguèreleschefsdeservice,nimêmelesministres, sauf pour des raisons politiques. Il tenait très souvent desréunionsdeministres,toujoursenprésenceduPremierministre,maisnerecevaitjamaislesministressurleurschampsdecompétence.

Pour ma part, j’appuyai la naissance du CNR plutôt que sa viequotidienne.Lastructure fonctionnait,elleapuvivresursonaire.Nouscontinuions cependant à nous voir régulièrement avec le CNR,généralement le samedimatin.Pourunsecrétairegénéralde l’Élysée, lesujetest stratégiqueparmid’autres.À titred’exemple, l’émergencede lamenaceduvirusH1N1aaccaparémonattentiondèsavril2009,dateàlaquellenousmettonsenplaceundispositifd’alerteetdesurveillanceenFrance.C’étaitdevenulesujetstratégiquedel’instant.»

LERENSEIGNEMENTFACEÀLATECHNOLOGIE

SiNicolasSarkozyprocédaàuneréformeinstitutionnelleimportantedu dispositif de renseignement, il décida également de grandsinvestissementstechniquesauprofitdesservicesderenseignement,etdelaDGSEenparticulier.L’anciensecrétairegénéraldel’Élyséeserappelle:« Le CNR était associé dans la supervision de ces investissementstechniques.Àlasuited’investissementsconséquents,laDGSEseretrouva

enpositiondeforcedansdesdomainestechniquestrèsparticuliers 5.Ilfutdonc décidé qu’elle devrait mettre ces moyens à disposition des autresservices, notamment de la DCRI. Il n’y avait pas d’autre optionenvisageable. Nous n’allions pas dupliquer les moyens et lesinvestissements.

De même, le CNR était associé par les armées à la création d’un

servicedeguerreélectronique 6.Les réunions relativesàcesujetavaientlieu dans le salon vert de l’Élysée. Le CNR coprésidait également, avec

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l’état-major particulier, un groupe de travail sur la Lutte informatique

active(LIA) 7etlesinvestissementstechniquesassociés.»

LEDOSSIER«DRONES»

«LeCNRabeaucoupagi sur le sujetdesdrones. LePrésident avaitpris la décision de procéder à l’achat de drones sur étagère, décisionmalheureusementrestéesanssuite.IlfautgarderenmémoirelevifconflitquiexistaitsurcesujetauseindesArmées.Deuxquestionsmajeuresnouspréoccupaient:celledelamiseenœuvreetcelleduchoixindustriel.Sur

lapremière,legénéralGeorgelin,chefd’état-majordesarmées(CEMA) 8,étaithostileauxdronescarilpréféraitconsacrerl’argentdisponibleàdesmoyens terrestres, à la différence de l’armée de l’air, naturellement. Lasecondeconsistaitàs’interrogersurl’opportunitéd’acheterdesdronessurétagèreauxÉtats-Unisoudefavoriser lafilièrefrançaise.Dureste,nousavions choisi deménager les deux : acheter ce qui était disponible auxAméricains,ennenégligeantpaslesfaiblessesquecelapouvaitengendreretencouragerlafilièrefrançaise.Nossuccesseursontagidemême.»

DÉFENDRELESENTREPRISES

« L’intelligence économique relevait pleinement de la sphère decompétences duCNR. Il s’agit d’un sujet très important.Que ce soit ausein du CNR ou à Bercy, nous n’avons pas suffisamment agi en cedomaine. Je me suis pourtant personnellement impliqué car j’avais

beaucouptravaillésurcessujets-làsous l’égideduSGDNJeanPicq 9 quianimait des groupes de réflexion assez libres à l’époque, avec le préfetRémyPautratetlesecrétairegénéralduministèredesAffairesétrangèresBertrandDufourcq.

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Concrètement,nousnepouvionspasdévelopperraisonnablementuneambition en matière d’intelligence économique sans placer Bercy aucentre du dispositif. C’est pourquoi j’ai créé une délégationinterministérielle à l’intelligence économique (D2IE), pilotée par messoins avec Matignon. J’y ai nommé Olivier Buquen, cadre dirigeant dePlastic Omnium. Les enjeux du renseignement économique sontconsidérablesmaisBercyestextrêmementjalouxdesesprérogativesdansce domaine etmanifeste une sorte de répugnance culturelle à travailleravec d’autres services. La bagarre qui se joue en permanence entre lesAffaires étrangères et Bercy au sujet de l’autorité sur les posteséconomiques en ambassade témoigne avec éloquence de cetteconfrontation.Ilfautégalement,etc’étaitlàtouteuneréflexiondeRémyPautrat, animer un lien avec la sphère privée, via par exemple l’Agence

pour la diffusion de l’information technologique (ADIT) 10. C’est unorganismeprivé,àlaperformanceinégale,maistoussesmembresviventensonseincommes’ilsétaientauservicedel’État.

Mêmesijesuisdésormaisloindecessujets,jepensequedesprogrèsconsidérables restent à accomplir dans le domaine de l’intelligenceéconomique.J’aimeraiscroirequelerelatifsilenceautourdecesujetestungaged’efficacité…»

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LESLIMITESDUCNR

Si Claude Guéant n’a pas souvenir de difficultés dirimantesrencontréesparleCNR,ilsignalelesdomainesoùsoninterventionn’étaitpasrequise,dessinantainsisonchampdecompétence:«Enmatièredenomination des chefs de service ou des principaux acteurs de lacommunauté du renseignement, je doute que l’avis du CNR ait étésollicité.Ilexistedesprocessusprévuspourcesnominationsmais,danslapratique,ilss’avèrentsouvent“consultatifs”.Àtitred’exemple,auseinduministère de l’Intérieur, le Conseil supérieur de l’administration

territoriale 11 est supposé apprécier les sous-préfets et les préfets afind’aiderlepouvoirpolitiqueàchoisirlesbonnespersonnes.Jen’aijamaisvu unministre demander l’avis de ce Conseil avant de procéder à unenomination!

Au demeurant, le Président procédait lui-même à certainesnominations.Ainsi,lechoixd’ErardCorbindeMangouxétaitceluiduchefde l’État qui le connaissait beaucoup mieux que moi grâce à leurexpérience commune au conseil général des Hauts-de-Seine. Son statutd’ancien commissaire de Marine pouvait faciliter son insertion et il sedistinguait par son intelligence. Avec son aide, nous œuvrâmes à lanomination en qualité de directeur du renseignement du commissairePatrick Calvar, en 2009. Il avait occupé le poste d’attaché de sécuritéintérieure à Londres, il était donc programmé pour faire du

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pluridisciplinaire. Pareille décision participait d’une volonté dedécloisonnementtrèsimportanteàmesyeux.

Dansun autre registre, nous considérions que leCNRnedevait pasexercer une activité opérationnelle. Parfois, le renseignement relève del’opérationnel,duquasiimmédiat.LeCNRn’estalorspasdanslaboucle.Àtitred’exemple,nousdéplorionsunenlèvementdansunpaysd’Afriquedanslequelsetrouvaientnosarméesquientretenaientnaturellementuncontact direct avec le CEMA. Nous suivîmes donc les instructionsd’intervention, données en direct. Information et décision d’interventionétaientalorssuperviséesparlesmilitaires.

De même, nous tenions des réunions de sécurité intérieure,notamment avec Bernard Squarcini et Frédéric Péchenard (DGPN),auxquellesBernardBajoletn’étaitpas conviédans lamesureoù le sujettraitérelevaitdesseules“affairesintérieures”,ycomprisavecunversantopérationnel.Mêmesinousavions installé leCNR, il fallaitmalgré toutveilleràrespecterlepérimètredesservices.J’aiainsitoujoursestiméquel’aspect stratégique devait échoir au CNR et que l’aspect opérationneldevait rester dans le giron des services pour ne pas les décourager enempiétantsurleurscompétences.»

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SUCCESSIONÀL’ÉLYSÉE

« Après deux ans et demi en fonction, Bernard Bajolet a souhaitépartiràKaboul.Jesalued’ailleurscetactedevolontéàl’égardd’unpostedifficile.Laquestiondesonremplaçants’estalorsposée.Enfévrier2011,nous avons choisiAngeMancini, que je connaissais personnellementdutemps où il était sous-directeur de la police judiciaire. Depuis, il avaitintégrélecorpspréfectoraloùilavaitbienréussi.

Je n’ai pas, d’initiative, proposé son nom ; Ange Mancini était lecandidat du ministère de l’Intérieur. Il connaissait très bien BernardSquarcini qui a appuyé sa candidature.Mais cela était naturel puisque,aprèsundiplomateàlapersonnalitéfortequiavaitinaugurélepostedeCNR, venait le tour de la police. La logique voudrait qu’un militaire yaccède également un jourmais, à l’époque, la question de nommer unmilitaire ne s’est pas posée. Au demeurant, et même si la camaraderiemilitaire peut aider, la cohabitation d’un second officier général àplusieursétoilesauxcôtésduchefd’état-majorparticuliers’avéreraitsansdoute compliquée à gérer quotidiennement. En outre, l’organisationdeslieux fait aussi les choses : géographiquement, le siège du CNR étaitprochedel’état-majorparticulier,cequifacilitaitleséchangesetarendumoinsimpérieuselanécessitédenommerunmilitaire.

Mais je n’ai pas travaillé avec Ange Mancini : il a été nommé enConseil des ministres le 23 février 2011 tandis que le président de la

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Républiquemeconfiaitleministèredel’Intérieurle27février.Ministre,jeme contentais des notes de la DCRI voire de la DGSE. Je constataistoutefoisquelastructureCNRétaitbieninstallée.»

SiNicolasSarkozyainitiél’institutionnalisationdurenseignementdèsson accession au pouvoir, la matière n’a pas immédiatement gagné laplacestratégiquequ’elleoccupeaujourd’huidansleprocessusdécisionnel.Claude Guéant retranscrit cet état de fait en rappelant lamodestie desambitions initiales, en décalage avec la perception de Bernard Bajolet :assurer la remontée d’informations à la présidence et s’assurer del’absence de failles dans le dispositif de renseignement. En outre, unconstant soucidenepasbousculer l’organisationexistante semble avoiranimélesecrétairegénéraldel’Élyséequi,decefait,nepouvaitrépondreauxattentesdupremierCNR.

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DEUXIÈMEPARTIE

LETEMPSDESMUTATIONS

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2011-2015

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Le départ de son fondateur place la coordination nationale durenseignement dans une situation à risques.Mais, preuve que trois ansaprès sa création elle semble s’êtremalgré tout inscritedans le paysageinstitutionnel, la DCRI se mobilise pour qu’un ancien policier devenupréfetsuccèdeàBernardBajolet.Eneffet,AngeManciniestdésignéàceposte, certes au profit du ministère de l’Intérieur, mais surtout pourapaiser les relations avec l’entourage présidentiel et les services derenseignement.

Lapérennitéde la structure constitueun indéniableargument en safaveurmêmesi,après lesambitionsderivaliseravec l’EMPou lacellulediplomatique, elle seplacedésormais – etdemanièredurable– sous lasupervisiondudirecteurdecabinetduPrésident.

AngeMancini semobilise sur la réformedu renseignement intérieurmais veille également à la mutualisation des moyens entre une DGSEdisposantd’extraordinaires capacités techniquesetuneDRMbénéficiantdecapacitésd’observationsatellitesanségal.Mais,àlaveilledel’élection

présidentielle 1,lesattentatscommisparMohammedMerahenmars2012interrogent sur la performance des services de renseignement. En troisexpéditions,« letueurauscooter»assassineseptpersonnesetcausesixblessés.Ilestfinalementabattulorsd’unassaut,aprèsunsiègedetrente-deux heures. AngeMancini, ancien chef duRAID, doit alorsmonter aucréneaupourdéfendrelesservicescomptetenuduparcoursduterroriste,passéenAfghanistanen2010,puisauPakistanen2011.

L’alternance de 2012 constitue unenouvelle période de risques tantpour le coordonnateur que pour ses fonctions. Pourtant, le nouveauPrésident s’accommodedesdeux.Considérantqu’il lui est impossibledese défaire de cette institution sans encourir un risque médiatique etpolitique, il contribue donc à naturaliser son existence. Et même si en

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2013 il désigne Alain Zabulon, directeur adjoint de son cabinet, poursuccéderàAngeMancini,iln’instituepasleposteencentredepouvoir.

Néanmoins,lemondedurenseignementvaconnaîtredesréformesquicompteront parmi les plus importantes de son histoire, et ce, dans lacontinuité de celles initiées par Nicolas Sarkozy, en dépit de certainesréserves:lerenseignementintérieurestentièrementréformé,lecontrôleparlementaire rénové, une inspection des services de renseignementcréée,desmoyensjuridiquesnouveauxsontadoptésparleParlement,lesmoyens humains, budgétaires et techniques bénéficient d’unaccroissementinégalé.Cetteévolutioncontribueàl’institutionnalisation– tardive – du renseignement et à sameilleure intégration au processusdécisionnel. La lutte contre le terrorisme accélère cette mue en mêmetemps qu’elle prive le coordonnateur de leviers d’autorité puisque laprimautédel’opérationnell’exclutdefacto.

Car le pays doit faire face à la résurgence du terrorisme sur leterritoirenational : après les attentats perpétrés enmars2012, ceuxdejanvier2015ouvrentunepériodequin’esttoujourspascloseetcharrieunlot considérabledevictimes.AlainZabulon soutient,malgré l’oppositionculturelle et le poids des habitudes, le partage d’informations entreservicesgrâceàlacréationdescellulesinteragences:HermèsetAllat.Lanovation s’avère tout à fait considérable tant elle rompt avec lecloisonnementtraditionnel.Unenouvelleères’ouvre.

Auparavant, l’affaire Snowden avait constitué le baptême du feud’Alain Zabulon : à la suite des révélations d’Edward Snowden, enjuin 2013, sur les programmes de surveillance de masse descommunicationsparlaNSA,laFrancedoitréagirdiplomatiquement.Carl’agenceaméricaine,souscouvertdeluttecontreleterrorisme,aplacésurécoutedenombreuxdirigeantsétrangers–dontlesPrésidentsfrançais–et une grande partie du secteur économique et industriel. La questiontechnique s’impose comme un sujet majeur, à l’intérieur de lacommunauté comme dans le débat politique. Elle offre l’occasion,notamment lorsduvoteen2015dela loirelativeaurenseignement,de

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rappeler les spécificités du modèle français qui préfère le ciblage à lacaptationdemasse.

Endéfinitive,leCNRdoitapprendreàserepositionnerenfonctiondesévénements,desnouveauxrapportsdeforcemaisaussidesexigencesdel’époque. Il travaillesous leregardacéréd’unBernardBajoletdevenulepuissantdirecteurgénéraldelaDGSE,notammentdufaitdesaproximitéavec le président Hollande. Et si le CNR de 2015 n’est certes pas celuipensé en 2008, il anime indiscutablement la communauté durenseignement,àuneplacequ’ila façonnéeaugrédeses titulaires,desdéfisetdesdifficultés.

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CHAPITREIV

AngeMancinicunctator 1

Pour succéder àBernardBajolet,Nicolas Sarkozydésigneun ancienpolicier à la solide réputation, spécialiste de police judiciaire, fondateurdu RAID, devenu préfet : Ange Mancini. Ce choix lui est suggéré parBernardSquarcini, leDCRI,quivoitdansceprofil larondeurnécessairepourunfonctionnementsansheurts,maiségalementunamiaveclequelilpourra composer sans difficulté. La transition est délicate car, à traverselle,sejoueenpartielapérennitédelastructureaprèsledépartdesonfondateur.

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LARONDEURAUXRESPONSABILITÉS

«Alorsquej’étaishospitaliséàlasuited’uneinterventionchirurgicale,BernardSquarciniestvenumerendrevisite.Jeleconnaistrèsbien,jel’aivuenculottescourtes : j’occupais les fonctionsdedirecteurde lapolicejudiciaire (PJ) en Corse quand il a pris le poste d’adjoint du directeurrégionaldesrenseignementsgénéraux(RG).Ilm’aditqueleprésidentdelaRépubliquepensaitàmoipoursuccéderàBernardBajoletauCNR.Lechefde l’État–vraisemblablement sonentourage– souhaitaitquelqu’unde pragmatique et d’assez consensuel auprès des services, qui meconnaissaientpourlaplupart.JepenseenparticulierqueClaudeGuéantadûsuggérermonnomàNicolasSarkozyqui,jesuppose,n’yauraitpassongé spontanément. J’avais connu Claude Guéant alors qu’il était unrigoureux et excellent directeur général de la police nationale. Mais cen’était pas un intime. Je connaissaisNicolas Sarkozyuniquement par lebiaisderencontresofficielles;jen’étaispasnonplusdanssonintimité.Jel’avais notamment rencontré en Corse lorsqu’il m’avait annoncé manomination en qualité de préfet de Guyane. Il m’a d’ailleurs renduplusieurs visites dans ce bout de France en Amérique. Il évoquaitrégulièrementl’importancequ’ilattachaitàcequedespréfetssoientissusde la police car cette expérience induit un autre regard. Lors d’undiscours,ilm’avaitd’ailleursqualifiéde“préfettout-terrain”.

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Danslamesureoùjevenaisd’achevermonmandatenMartinique,jeconsidérais avec enthousiasme cette nouvelle mission en raison de sanaturemême.J’aiétéélevédanslaculturedelapolicejudiciaire,orlaPJc’estdutravaild’équipe,delacoordinationpermanente.J’avaisbeaucouptravailléaveclesservicesderenseignementsansjamaisenfairepartie:jen’étaisd’aucunechapelle.

Auparavant, lorsqu’on réunissait les chefs du renseignement, onassistait à une partie de poker menteur. C’était à celui qui en disait lemoins pour ensuite susurrer à l’oreille de son sponsor sa vérité ! Cettecaractéristique justifiait pleinement la nouvelle structure mise en placeaprès le Livre blanc de 2008 par Bernard Bajolet. Il faut vraiment luirendre hommage car l’œuvre accomplie s’avère conséquente et sa tâcheextrêmement compliquée. Il s’en est d’ailleurs ouvert auprès demoi, enmeconfiantqu’iln’avaitpastoujoursétéaidé.Lorsqu’oncréeuneunitédecette importance, tous ceuxqui existentessayentde l’étouffer. Il yavaittoujours eu un CEMP et un conseiller diplomatique et voilà qu’oninstauraituntroisièmeconseiller,leCNR.Délaissercertainesprérogativess’avèretoujoursdifficile…

Pourmapart,jen’aiéprouvéaucunedifficulté:laplaceétaitfaiteetilsuffisaitdelamaintenir.Jen’airencontrédeproblèmeniavecleCEMP,niavecd’autresconseillers,nimêmeaveclesministères.BernardBajoletavaitdû“monteraufront”pourcréerlastructure,monrôleétaitplusenrondeur,dansuneperspectivedeconsolidation.Bienque jen’aiedéceléaucune tension particulière, la transition s’avérait délicate car c’estsouventà l’occasiondelapremièresuccessionqueleschosessecassent.Jemesuisdoncemployéàconforteretàélargircettestructure.»

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LECHANGEMENTDANSLACONTINUITÉ

«Lorsdemaprisedefonctions, jen’aipasreçuàproprementparlerde lettre de mission ; Claude Guéant m’a donné pour instruction decontinuer cequeBernardBajolet avait commencéàmettre enplace. Lesecrétairegénéralaeneffetorganiséunepremière réunionpourdéfinirles grands axes, me permettre de prendre possession de la maison, defairedespropositionsdemodificationoud’améliorationdeconcertavecles services, etc.Une structuredoit être constammentenadaptation ; sielle se fige, ellemeurt ou elle régresse. Par la suite,mon interlocuteurquotidienseraitplutôt ledirecteurdecabinet,ChristianFrémont,que jeconnaissais également.ClaudeGuéant avait tellementde choses à gérerquejen’évoquaisavecluiquelesaffairestrèsimportantes.

Fort de ces orientations initiales, j’ai commencé par restructurer leséquipes : la coordination disposait d’un adjoint militaire, ChristopheGomartà l’époque,d’unadjointpolicier,PierreLieutaud,etd’unadjointéconomique, Jérôme Poirot. Au lieu d’adjoints, je préférais avoir desacteurset,danslamesureoùPierreLieutaudétaitpréfet,j’enaifaitmonadjoint. Il possède une vraie qualité d’organisateur et aime cela. Je leconnaissaisdepuistrèslongtempssanspourautantavoirtravailléaveclui.Misàpartcechangement,jen’aipasmodifiéleshabitudesdetravail.

L’équipe était restreintemais suffisante. Je le disais toujours : je nedirigeaispas,jecoordonnais.Chaquedirecteurdevaitgarderlaplénitude

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de ses fonctions. L’accroissement conséquent des effectifs de l’actuelleCNRLTestpeut-êtreexcessif.Ilinduitlatentationdedisposerd’unserviceopérationnel,c’estundangerycomprispourlePrésident,carleséquipesne bénéficieront jamais des structures et des effectifs dont jouissent lesservices.

J’avaisàcœurdepérenniserlesinitiativeslancéesparBernardBajolet.Il avait par exemple institué un point quotidien du renseignement quipermettaitd’informer lePrésidentet lePremierministre,enprécisant leservice émetteur. On s’interdisait de faire figurer une information nonvalidée par les services de renseignement, sous peine de verser dans lejournalisme.Sijedétenaisuneinformationàtitrepersonnel,jelafaisaisvérifier avant de la communiquer. Je suis de ceux qui veulent fairefonctionner lessystèmes,pasdeceuxquicherchentà lescourt-circuiter.Jesuisunpeustructuraliste:siunsystèmefonctionneuniquementparlaqualitédeshommes,alorslesstructuressontmauvaises.

Les notes adressées au Président passaient au préalable par ledirecteurdecabinetetlesecrétairegénéral.Ilarrivaitquenousrecevionsdesconsignesduchefdel’Étatmaisjen’airencontréNicolasSarkozyentête à tête qu’une ou deux fois et François Hollande deux ou trois foiségalement.Cependant, je croisqu’il serait importantdemettreenplaceunrendez-vousrégulier,sansdoutemensuel,aveclePrésident;unquartd’heuresuffirait,maislarégularitécompte.

Dans le même esprit, j’ai maintenu la réunion des chefs de serviceinstituéeparBernardBajolet.Ellesetenaitdansmonbureauàunrythmehebdomadaire en présence du secrétaire général de la défense et de lasécuriténationale(SGDSN).J’exigeaisque tousviennentenpersonneetnesoientremplacésparunadjointquedemanièreexceptionnelle,carsil’oncommenceàdéléguersaparticipationàunetelleréunion,ellefinitenréunion de délégués où rien ne se décide. J’ai connu cela à l’Unité decoordinationdelalutteantiterroriste(UCLAT):audépart,elleaccueillaituniquement leschefsdeservice,maisafiniparréunirunecinquantainevoireunesoixantainedepersonnesetplusriennes’ydécidait.

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Naturellement, j’ai attaché un soin particulier à la relation avec leschefsdeservice.Aprèsmanomination,etcommeàmonhabitudelorsdechacunedemesprisesdefonction,jeleurairenduvisite,respectantainsiunvieuxdictondelaBrigadecriminelle:“Onnepeutmenerunebonneenquêtecriminellequesil’onavulecadavresurplace.”

Jeconnaissaisbiencertains services, comme ladirectioncentraledurenseignement intérieur (DCRI), d’autresmoins comme la DGSE et sondirecteurgénéralErardCorbindeMangouxquej’aibeaucoupapprécié.Àl’époqueoùjefaisaisdelapoliceactive,avantlachutedumurdeBerlin,le service renvoyait l’image d’un instrument de “lutte pour les RicainscontrelesPopovs”.

J’entretenaisdéjàunerelationavecJean-PaulGarciadelaDNRED,unhommeformidableàlatêted’unservicenonseulementintéressantmaiségalementpuissant, jouissantdepartenariatsdans lemondeentier.À ladifférence des services de police qui se focalisent sur les individus, lesdouaness’intéressentàdesmarchandisesetbénéficientparconséquentdepouvoirs extraordinaires. Elles agissent pour la protection de notreéconomieet,encela,accomplissentuntravailremarquable.

Etpuisj’aidécouvertd’autrespersonnalités,àl’imagedeJean-BaptisteCarpentier, le directeur de Tracfin. Il dit ne plus s’identifier à unmagistrat,maisdemeuretrèsmagistrat.J’auraisvoulufairedeTracfinunservice de renseignement, ce qu’il n’est peut-être toujours pas à l’heureactuelle parce qu’il a été conçu comme un outil de surveillance dublanchiment. Ils’avèredifficilederéorienter leservicealorsqu’existeunréelbesoind’élémentsd’informationsurdesgensquipourraientnuireànos activités économiques mais aussi d’éléments de riposte contre lesactivitésde ces individus. Jepensequ’il faudrait à sa têteunepersonnehabitée par la volonté d’en faire un service de renseignement à partentière.

D’une manière générale, ceux que l’on appelle trop rapidement les“petits services” ont toujours fait preuve d’une parfaite loyauté à monégard.AvantlacréationduCNR,ilsn’avaientjamaisaccèsàl’Élysée,àla

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différencedelaDGSEoudelaDCRI,notammentparcequeleurspatronsjouissaient d’un certain niveau dans la fonction publique. Mais avec lanotequotidiennederenseignement,onprenaitsoindepréciserleoulesservicesàl’originedel’information.LePrésidentvoyaitalorsquelaDRM,laDPSD,laDNREDetTracfinapportaientdesrenseignementspertinents,cequi lesvalorisait.Auparavant, leurs informationsn’auraient jamaispubénéficier de cet accès direct à l’Élysée sans passer par leur hiérarchierespective qui édulcorait, voire filtrait. Le CNR a donc incarné unaccélérateurderéputationdecesservicesquienétaientreconnaissants.

Des petits problèmes au sein de la communauté pouvaient parfoissurvenir, et c’est bien là le rôle du coordonnateur : œuvrer pourl’harmonie générale. Mon but consistait à ce que les gens secommuniquent les informations en fonction de leurs objectifs. Il estcertain que celui qui dispose des outils pour obtenir des données atendance à en profiter. Pour s’assurer d’un fonctionnement sans heurts,mon prédécesseur avait institué le plan national d’orientation durenseignement(PNOR),élaboréavec lesservices,etquidonneàchacundesobjectifsetdesmissions.Deceladécoulent lesmoyensoctroyésauxservices. Ce travail essentiel est extrêmement intéressant. On demandesouventpourquoilesservicesdonnentauCNRdesélémentsd’informationqu’ilspeuventtraitereux-mêmes:c’estparcequecedernierleurattribuelesmoyensnécessaires.

L’Académiedurenseignementparticipede lamêmedynamiquedansunmilieuoùchacunpensequ’ilestleseulàtravailleretquelesautresn’yconnaissent rien. Mêler les gens favorise la prise de conscience : ilspartagent le même travail, avec des méthodes différentes, des outilsdifférents, mais pour un même objectif. Ils se rendent comptent aussiqu’ils peuvent se faire confiance, élément clé car, dans le monde durenseignement, on ne se parle que si l’on se situe aumême niveau decompétence et de confiance. Face à cette éventuelle absence decommunication, l’Académie et la coordination démontraient pleinementleurutilité.

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J’aiactivementtravailléàlaqualitédesrelationsaveclesautoritésdecontrôle,lesassemblées,lescommissions.Àmesyeux,celarelevaitdelapure normalité. On ne peut pas toujours vouloir tout dissimuler. EnAngleterre, œuvrer dans le monde du renseignement est extrêmementnoble,vousêtesJamesBondetlareinefaitdevousun“Sir”.EnFrance,vousêtesun“barbouze” !Deuxvisionsradicalementopposéesd’uncôtéou de l’autre du Channel. Je pense qu’il faut redonner des lettres denoblesse à ce métier extrêmement difficile et ingrat, accompli par desgens de qualité et dévoués. Cet opprobre médiatico-populaire ne sejustifiepas.Etpourluttercontrecela,j’aiconsidéréqu’ilfallaits’ouvriràdesorganismesd’observation etde contrôle. J’ai beaucoupœuvré en cesens, avec laDélégationparlementaire au renseignement (DPR) : jemerendais régulièrement à l’Assemblée nationale et au Sénat. Loin d’êtrepénible, la démarche me semblait au contraire valorisante. C’estdésormaisunacquis.

Àl’instardemonprédécesseur,j’aivoyagé:auxÉtats-Unis,biensûr,au Canada, en Belgique, en Allemagne, en Angleterre, etc. Cela mepermettait d’observer les pratiques dans d’autres pays. Si on exclut lesÉtats-Unis, laChineet laRussie, laFranceappartientau triode têtedurenseignement,avec lesAnglais–maîtres incontestésen lamatière–etles Australiens. LeDNI James R. Clapper avait exprimé cette hiérarchiedevantmoi.Jen’aipas immédiatementcomprispourquoi.Enréalité,au

seindesFiveEyes 2,lesAustralienssontlesyeuxdesÉtats-Unissurl’Asie-Pacifique : desAméricainsdéguisés enAustraliens, enquelque sorte. JeluiaialorsdemandéoùilplaçaitdanscettehiérarchieIsraëlet laCoréeduSud,paysréputéspourlaqualitédeleursservices.Pourlui,biensûr,leurs services étaient extraordinaires de professionnalisme et decompétences, mais centrés sur leur survie, sans chercher une visionglobaleenlamatière.»

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UNNOUVEAUPRÉSIDENT

Enmai 2012, FrançoisHollande est élu président de laRépublique.Planent alors deux incertitudes : le maintien de la fonction decoordonnateur et celui d’Ange Mancini à ce poste. « Je n’ai ressentiaucune méfiance de la part des nouvelles équipes mais plutôt desinterrogations:qu’est-cequeleCNR?Àquoisert-il?etc.Aprèsl’électiondu président Hollande, j’ai d’abord rencontré la directrice du cabinet,SylvieHubac,puis leSGE,Pierre-RenéLemas,que jeconnaissaisdepuislongtemps.Jepensequ’iladûdireàFrançoisHollandequ’ilpouvaitmefaire confiance. Je ne connaissais absolument pas le nouveau chef del’État.Parlasuite,jerencontreraisrégulièrementAlainZabulon,directeuradjoint du cabinet. Quant à Pierre-René Lemas, comme Claude Guéantavantlui,jelessollicitaisencasdesujetsimportants.

Honnêtement, je n’ai pas noté de différences structurelles dans lamanière d’appréhender le renseignement entre les deux équipes ou lesdeuxPrésidents.Ils’agissaitplutôtd’unedifférenceliéeàlapersonnalitéde chacun.Contrairement à ce que l’onpense,Nicolas Sarkozy éprouveunevraieempathiepourlesgensquisouffrent,notammentlorsdesprisesd’otage.Quandonluirecommandaitdenepascéder,ilrétorquait:“Vousêtesassissurvotrechaise,sivousétiezàleurplacevousseriezcontentsqu’onintervienne.”Surceplan,FrançoisHollandesemontraitbeaucoupplusfroid,plusattentifàsafonctiondePrésident.

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Jemesouviensenparticulierdesadécisiond’engagernostroupesauMali pour arrêter les terroristes qui menaçaient Bamako. Tous lesresponsablesétaientautourdelatableduConseildedéfense,leconseillerdiplomatique, le chef d’état-major particulier, le chef d’état-major desarmées (CEMA), chacun avec des éléments d’information. Le CEMAindique si on a les moyens d’intervenir et à quel moment. Le Premierministre,leministredelaDéfense,etc.,donnentleurpointdevue.Enfin,lePrésidentdécide,seulmaiséclairéparnous.Setrouverainsiaucœurde la décision d’État, apporter les éléments qui vont permettre auPrésidentdeprendrelabonnedécision,c’estunesensationincomparable,d’autantqu’ilestbeaucoupplusefficacedeconcouriràunedécisionquedevouloirimposerlasienne.»

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LEQUOTIDIENDUCNR

« La gestion des otages 3 ne relève pas du CNR en raison de soncaractère opérationnel. Ni la décision, ni l’action ne lui appartiennentmaisilapportelesinformationsnécessairesàuneéventuelleaction.Celane m’a guère froissé : je ne suis pas de ceux qui craignent de ne pasexister.Surcepoint, leCEMPétaitàlamanœuvreenraisondesonlienavec la DGSE mais également avec la DRM – qui dispose de capteurspertinents – ou le commandement des opérations spéciales (COS). Desfroissements pouvaient se produire entre la DGSE et la DRM mais nedépassaientjamaisleslimitesdel’acceptable.L’intelligencedesindividusfait ladifférencedanscescas-là: ilssecritiquaientetsequerellaientunpeu,jedirais,paramitié.Maistoutcelaseréglaitsansvireràlaguerreetsanspréjudicepourlacoordination.

J’aipuintervenirdetempsàautresurlaquestiondelamutualisationdesmoyens techniques,pourapaiser, pour faireprogresser l’idéeque lepartagedesmoyensnerevenaitpasàsecouperunbras,aucontraire.LaDGSE jouit de capacités de calcul extraordinaires, les plus importantes

après le commissariat à l’énergie atomique 4. Quant à la DRM, ellebénéficiedel’extraordinairearsenald’observationsatellite.Pourmapart,jeconsidéraisquechacundevaitresterdanssasphèred’observationmaispartagerlesrésultats.

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LamutualisationneconcernaitpasuniquementlaDGSEetlaDRM;onretrouvaituneproblématiquesimilaireentrelapremièreetlaDCRIquiasonpetitcentretechnique.PatrickCalvar,DCRInomméen2012,avaitserviàlaDGSE,ilconnaissaitlescapacitésdelamaison.Maisquandonchangedemaison,onsaitcequ’ilsepasseailleursetenfindecompteonsoupçonneencorepluslesautresdenepasjouerlejeu.»

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LECHANTIERDURENSEIGNEMENTINTÉRIEUR

«JevoulaisaméliorerlefonctionnementdelaDCRI,unservicetropàl’imagedel’ex-DST.Leschosesavaientétémalfaites:enréalité,laDSTs’était simplement rhabilléeenDCRI,cequi suscitaunecertaineaigreurchez les anciens des renseignements généraux. Jemilitais donc pour lacréation de laDGSI, dossier quime tenait à cœur. L’intérêt consistait àbénéficierd’unéquilibreextérieur/intérieur,notammentdupointdevuedes capacités. De même, la DCRI était contrainte de recruter avec desstandards“police”,cequiexpliqueunecompositionàdominantepolicièreetlaprésencedeprèsde60%d’agentsdecatégorieC,desfonctionnairesformidables mais qui ne peuvent légitimement pas remplacer desinformaticiens, des ingénieurs, des linguistes, des analystes pointus…Moi-même, j’ai commencé officier de police adjoint contractuel auxarchivesdelapolicejudiciairedelaPréfecturedepolice.Jen’aidoncpasdeméprispourlesagentsdecatégorieCmais,danslecasdelaDCRI,leniveaunecorrespondaitpas.Jetenaisbeaucoupàcetteévolutionetpourcelaj’aidûmefâcheravecdesamis.

Danslemêmeordred’idées,j’étaisopposéàlacompétencejudiciairede laDCRI,héritéede laDST. Il faut savoirquece service redoutaitdedisparaître au moment de la chute du mur de Berlin. Par conséquent,certainsdesesmembresserapprochèrentdesjugesantiterroristes,faisantmiroiterqu’ilsdétenaientdesinformationssusceptiblesdelesintéresseret

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semettantàleurdispositionenmatièredelutteantiterroriste,notammentdanslecadredeprocéduresjudiciaires.Àl’heureactuelle,onadoncuneDGSIquis’engluedansdesprocédures judiciairesalorsqu’existeausein

delaPJunedirectionnationaleantiterroriste 5sous-employéemalgrésescompétencesjudiciairesincontournables.

Dansuntravaild’enquête,quelqu’ilsoit,sesuccèdenttroisphases:lapremière, le renseignement,aucoursde laquelle il fautcollecter lepluspossible, ne pas faire le tri car un petit élément anodin peut cacher unrenseignementimportant,voiredéterminant.Endeuxièmephase,débutelemomentdel’enquêteetdelasurveillance,quiinclutlavérificationdesélémentsfournisparlerenseignement.Cetteétapen’estpasréaliséeparlamêmeéquipe,cequiluiconfèreunaspectcritique.Selonl’enquête,onpeut aller jusqu’à l’interpellation. Dès lors, on entre dans le troisièmemoment,lemomentjudiciaire.C’estalorslaPJquimènel’enquête,dressedesprocès-verbaux,seretrouvedevantdesmagistratsoudevantunjuryàquiilvafalloirprésenterlesélémentstendantàprouverlaculpabilité.Ilmeparaîtmalsaind’amalgamer ces troismomentsetde concentrer leurconduitedansunmêmeservice.Pourmapart,j’aitoujourstravailléaveclesRGoulaDSTouencoreleSDECEàmonépoque;ilsnousapportaientdes éléments d’information que nous nous employions à vérifier. Jepensais que je réussirais un jour à convaincre sur les méfaits de cetteorganisation,envain.

Parailleurs,nousavonscommisl’erreurdeminorerlerenseignementterritorial.JelesignalaiàManuelVallsaprèssanominationauministèrede l’Intérieur en mai 2012 : il ne devait pas laisser le renseignementterritorial sous la seule autorité de la Direction centrale de la sécuritépublique(DCSP),quellesquesoientlesqualitésdecettegrandedirection.Ilfallaitunrenseignementterritorialquiregroupegendarmesetpolicierssousuneautoritéunique.Ilcraignaitqu’onluireprochederecréerlesRG.Pourtant, cela importait peu : les RG avaient été supprimés pour avoiraccompli une tâche qui ne leur incombait point, à l’instar de la

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surveillance des partis politiques… et pour ne plus guère collecter derenseignements.

Ma voix n’a pas porté et on a finalement créé le Service central durenseignementterritorial(SCRT)quidemeuredanslegirondelaDCSP.Ils’agitd’uneerreur:lagendarmeriecouvre85%duterritoireetdoitêtretotalement partie prenante d’une Direction centrale du renseignementterritorial (DCRT) car, dans certains départements, il n’y a qu’uncommissariatdepoliceregroupantquelquesdizainesdepoliciersavecundirecteurdépartementaldelasécuritépublique.Ilfautsavoirréfléchiretabandonnercertainesorientations,enmettred’autresenplace,etc.Peut-êtreserais-jeparvenuàinfléchirladécisionsij’étaisresté.

Toutefois,mondépartintervienten2013,unanavantl’établissementdu califat. Le pays ne déplorait alors aucun attentat depuis ceux deMohammedMerah, un loup solitaire, un petit voyou radicalisé. Peu degens savent que le jour de la tuerie à l’école juive deToulouse, il avaitinitialement planifié de tuer uniquement unmilitaire. Ce dernier ayantquitté les lieux plus tôt que prévu, Mohammed Merah a décidé des’attaquer à l’école. Il n’y avait rien de prémédité, rien de planifié. Desurcroît, on l’oublie trop souvent mais, dans les années 1980, les paysoccidentauxontdéjàconnudeshommesquitiraientaujugédanslafoule,

cefutnotammentlecasruedesRosiers,àl’aéroportdeLodenIsraël 6età

l’aéroportdeRome 7.Par le passé, les attentats procédaient de structures dédiées au

terrorisme, voire d’organisations émanant deminorités, des Kurdes, desArméniens,desPalestiniens,enluttecontredesÉtats.Maintenant,grâceàlaforced’Internet,onpeutdiffuserdesidéesquitombentdansl’oreillededemeurés qui vont acheter un marteau au BHV pour attaquer unreprésentantde l’État.Les terroristesdecegenre,à l’époque,suscitaientnos rires : deux baffes et on les envoyait chez eux ou à l’hôpitalpsychiatrique.

Quand j’étais patronduRAID, j’avais engagé des psychologues et jemesouviensdeleuravoirdemandés’ilyavaitdessignesprécurseursdu

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passageàl’acte.Seloneux,onnepeutjamaisleprévoir.Jel’aid’ailleursconstatéàl’occasiond’uneprised’otagedansunavion.Lepreneurd’otages’installe,parle,faitsoncinéma,celadureunpeu;puisilsefaitserviruncaféàl’arrièredel’appareilet,enrevenant,sansqu’onsachepourquoi,ilabat un passager d’une balle dans la tête. On travaille plus facilementquandonaaffaireàdesorganisationsstructurées.Lesdéséquilibrés,c’estcompliqué.»

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RÉFORMERLECNR?

«LeCNRestvraimentàsabonneplace;sesitueràl’Élyséepermetdejouir d’une vraie dimension. Essentiel à la vie de la nation, lerenseignementdoitbénéficierdelareprésentationlaplusforteauprèsdel’autorité. Par ailleurs, cela permet de protéger le Président : en cas deproblème,lecoordonnateursertdefusible.Lespréfetssontcoutumiersdecettelogique.Enmêmetemps,leCNRétablitlelien.J’airegrettéquelePremierministre,quirecevaitlesmêmesinformationsquelePrésidentetaumêmemoment,négligeunpeucetapport. J’avais trèspeude retoursurlesnotesdelapartdeMatignon,qu’ils’agissedeFrançoisFillonoudeJean-MarcAyrault.LesPremiersministreséprouvaientuneréticencefaceàcequ’ilsconsidéraientcommeuneprésidentialisationdurenseignement,alorsqueteln’étaitabsolumentpaslecas.

LeCNRnesauraitêtredirectementrattachéàuneautoritépolitique.Iln’appartientpasaucabinet,n’œuvrepasdanslasphèrepolitique.Ils’agit,àl’instardel’EMP,d’uneinstitution.Uneréformeutilepourraitinstaurerunmandat,decinqansparexemple.Carmessuccesseursontpassétroppeu de temps en poste. C’est là le vrai drame. Quand j’ai pris mes

fonctions,JamesClapper 8étaitDirectorofNationalIntelligenceauxÉtats-Unis;etquandPierredeBousquetdeFlorianaprislessiennes,lemêmeDNI lui a légitimement signalé : “Vous êtes le sixième CNR que jerencontre.”

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Audemeurant,leDNIreprésenteunevéritableautoritéquicoordonneseize agences et présente le budget devant le Congrès. C’estindubitablement une autre fonction que le CNR. D’ailleurs, l’un demescombatsconsistaitàêtreplusprésentdanslapréparationdesbudgetsdesministères.Après tout, on travaille avec troisministres. Il faudraitpeserplus auprès d’eux afin de leur faire prendre conscience des besoins enrenseignement.Touteautreévolution,versplusd’opérationnel,n’estquefantaisie.»

Aprèsdesdébutsheurtés,lacoordinationaccueilleAngeManciniqui,par tempérament autant que par souhait de l’Élysée, s’attache àpérenniserlastructureetlespratiquesinitiéesparsonprédécesseurtouten pacifiant les relations de travail. Naturellement, les ambitionsoriginelles s’éloignentmais, ce faisant, leCNR intègredéfinitivementunécosystème présidentiel plus enclin à l’intégrer, y compris après unealternance politique. Bâtir n’est pas sans grandeur, maintenir n’est passansvertu.

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CHAPITREV

AlainZabulonaucœurdesréformesdel’Étatsecret

En juin 2013, François Hollande décide de nommer Alain Zabuloncoordonnateur national du renseignement. Une nomination qui peutsurprendre, tant l’intéressé présente un profil atypique pour ce poste :directeur adjoint du cabinet du président de la République après unecarrièredansl’administrationpréfectoralepeumarquéeparlesquestionsdesécurité, l’hommeadécouvertcettematièrestratégiqueenarrivantàl’Élysée.Enoutre, ildoit se frayeruneplaceauseind’unecommunautédurenseignementextrêmementstructuréeetpeuenclineàbousculerseshabitudesmaisaussiendépitdelavolontéduchefdel’Étatdeneguère

favoriser l’émancipation de ce collaborateur particulier 1. Cetteconfiguration conduit Alain Zabulon à se ménager un périmètre à larecherche constantedupointd’équilibre et, enparticulier, àpleinementinvestirlechampdelaréformedumondedurenseignement.

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LADÉCISIVEEXPÉRIENCECORRÉZIENNE

«Àmonarrivéeàl’Élyséeenmai2012 2,j’aiderrièremoivingtansdecarrière préfectorale, en qualité de sous-préfet puis de préfet. Dans cecadre,enjuillet2008,jesuisnommépréfetdelaCorrèze,départementauseinduquel,jusqu’en2011,jecôtoieJacquesChiracetFrançoisHollandequejeneconnaissaispasavantdeprendremonposte.J’avaisuniquementrencontré le second à l’occasion d’une inauguration ; j’étais alorssecrétairegénéraldelapréfecturedesPyrénées-Atlantiquesetilrépondaitàl’invitationdudéputésocialisteDavidHabib.»

SiAlainZabulondécouvreFrançoisHollandeen2008,ilacependantlaréputationde«préfetdegauche».Ils’endéfend:«Jen’aijamaisétéencarté ou n’ai publiquement fait état d’une quelconque appartenancepolitiqueoudusensdemonvote.Onm’aeneffetcollécetteétiquettedepréfetdegauchetandisqued’autres,enCorrèze,m’ontqualifiédepréfetde droite dans la mesure où je mettais en place les réformes dugouvernement Fillon. Je suis juste un préfet : je sers loyalement unGouvernementfruitdelavolontéexpriméeparlesuffrageuniversel.

Pendant trois ans, FrançoisHollandeestmonprincipal interlocuteurensaqualitédedéputéetdeprésidentduconseilgénéral.Nosrelationssont placées sous le signe d’une parfaite entente républicaine. J’aiconscience d’avoir face àmoi le nouvel homme fort de laCorrèzemaisaussilechefdel’oppositionauGouvernementdontjesuislereprésentant.

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Or j’applique la politique du Gouvernement, c’est-à-dire que je metsnotamment en place la politique de révision générale des politiques

publiques 3, la restructuration des services de l’État, etc. Cela n’est pasforcément simple, mais le comportement de François Hollande s’avèreabsolument irréprochable. Nous trouvons immédiatement un pointd’équilibre : lors de nos prises de parole, nous affichons de manièredélibérée que les deux exécutifs du département – préfet d’un côté etprésident du conseil général de l’autre – évitent les propos de naturepolitique ou polémique. Nous organisons des cérémonies de vœuxcommunes en début d’année et accordons le contenu de nos discoursrespectifs : lui évoque essentiellement l’action de la collectivitédépartementaleetmoi,l’actiondel’État.

Enseptembre2011,jesuisnommépréfetdesLandes.Ledépartementest dirigé par Henri Emmanuelli, un responsable politique situé à lagaucheduPS, très intelligentmaisplusrugueuxqueFrançoisHollande.Decedernierpointdevue,ils’agitvraimentdel’antimodèledufuturchefdel’État.Jesensquelarelationneserapasdutoutlamême.PourHenriEmmanuelli, il y avait deux catégories de préfets : celui qui prendbeaucoup d’initiatives et celui qui n’en prend pas beaucoup. Entre lesdeux,lalignedecrêteestétroite.J’étaisplutôtdanslapremièrecatégorie,ce qui parfois l’agaçait. En fin politique, Henri Emmanuelli me laissetoutefois agir sans entrave sur certains sujets sensibles tels que larefondation de l’intercommunalité ; il n’est d’ailleurs pas mécontent delaisser lepréfetmonter au front. L’hommen’estpas facilemais l’animalpolitiqueestintéressantàcôtoyeretàobserver.J’aiungrandrespectpourcet homme politique, disparu il y a peu, qui avait de fortes convictionsrépublicaines.

Enmai2012,aprèsl’électiondeFrançoisHollande,jepasseleweek-endchezunami,àPerpignan;celui-cim’affirmequejevaisêtrecontacté,aprèslestroisannéesenCorrèze.Demoncôté,jenesaisrienetn’airiendemandé ; tout justeai-je échangéquelquesSMSamicauxavec l’ancienmairedeTulle,notammentaprèsledébatdel’entre-deuxtours,maisrien

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deplus.Jen’aipasfaitlacampagne.Mais,eneffet,àlafindelajournéede samedi,mon téléphone sonne. Il s’agit dePierre-RenéLemas – futursecrétairegénéraldel’Élysée–quim’indique:“LePrésidentsouhaitequetufassespartiedesoncabinet;ilfautquetusoissurplacemardimidi.”»

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L’ARRIVÉEÀL’ÉLYSÉE

« Lemardi 15mai, àmidi, j’attends avenue deMarigny 4 pour voirpasserleprésidentdelaRépublique,sousunepluiebattante,lapremièred’une longue série… Et àmidi pile, toute l’équipe rapprochée entre au55 : Sylvie Hubac, la directrice de cabinet, le secrétaire général Pierre-René Lemas, deux SG adjoints, Nicolas Revel et un certain EmmanuelMacron,leconseillerdiplomatique,PaulJean-Ortiz,lesconseillerspresseClaudineRipertetChristianGravel,lechefdecabinetPierreBesnard,etmoi-même.Jeneconnaissaisquasimentpersonne.Nousarrivonsdansunpalais désert, vide, c’est très impressionnant. Dans les bureaux, onaperçoitdessecrétairesquinousregardentd’unairinquiet.

Ilfauts’atteleràremettrel’Étatenroute.Surcepoint,leSGGjoueunrôle fondamental pour assurer la continuité de l’État : nous devonspréparer le premier Conseil des ministres et, pour ce faire, nous noustournons vers lui ; il propose très rapidement un ordre du jour et undossiercomplet.L’undespremiersactesconsisteàétablir l’arrêtéquiva

nommer le cabinet et nous conférer une existence administrative 5. Cartrès rapidement, l’activité monte en puissance avec les ministres, leurscabinets;letéléphonesonnesansdiscontinuer,parfoispoursolliciterunavisavantlerecrutementdemembresdecabinetsministériels.

Avecladirectricedecabinet,nousnoussommesrépartilestâches:jesuis le principal interlocuteur du ministère de l’Intérieur. Je suis par

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ailleurs en charge du renseignement et, à ce titre, référent du CNR del’époque,moncollègueAngeMancini.

Je m’occupe également des mouvements préfectoraux : je rédige lanote ultime que l’on présente pour arbitrage au président de laRépublique. Les propositions demutations ont été travaillées en amontavecl’Intérieur(JeanDaubigny,directeurdecabinet)etMatignon(Jean-Marc Falcone, conseiller aux affaires intérieures). À l’Élysée, je suissecondé par Gilles Clavreul, ancien sous-directeur du corps préfectoralqu’ilconnaîttrèsbien.Leministèredel’Intérieurproposelesnominations,MatignonvalideetlePrésidentdécide.

Enoutre,jesuisenchargedelasécuritéduchefdel’État.Àcetitre,jepropose au Président le recrutement de la commissaire divisionnaireSophieHatt, cheffeduGSPR(groupede sécuritéde laprésidencede laRépublique).Nousavonsréintroduitdesgendarmesauseindugroupe–dont laprésenceavait été suppriméeparNicolasSarkozy–maispas àuneparfaiteparitépournepasbraqueruneinstitutionpolicièrejalousedeses prérogatives. La sécurité intérieure du palais échoit à la Garderépublicaine et ses quelque 200militaires triés sur le volet. La sécuritéextérieuredupalaisrelèvequantàelledelapréfecturedePolice.Ilfautdonc que tous ces acteurs s’articulent et se coordonnent. Au quotidien,j’étais leur interlocuteur.Le travailn’étaitpasde tout repos,nousavonsconnuunepériodedifficile à l’époquedesmanifestations très virulentescontrele“Mariagepourtous”.

Enfin, je participe à la supervisionde l’intendancedupalais, c’est-à-dire un budget de 110 millions d’euros à l’époque et 800 personnels.SylvieHubacétaitégalementtrèsprésentesurlagestionduChâteautoutenmedéléguantlesuiviquotidienpourlequeljem’appuiesuruneéquipedechefsdeserviceaguerrismaisdontnousassuronslerenouvellementdequelques membres dès la première année. L’Élysée n’est pas uneadministration mais une institution sui generis au service d’une seulepersonne.LepalaisvitaurythmeduprésidentdelaRépublique:fébrilequand il est présent, studieux lors de ses déplacements puisque tout le

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mondepréparesonretouretlasuiteduprogramme.Lemanagementdel’administrationélyséenneesttrèsparticulierenraison,d’unepart,delagrandediversitédes corpsdont sont issus lesagentset,d’autrepart,del’absence de dialogue social institutionnalisé lié à l’absence dereprésentation syndicale et d’organes de consultation tels qu’il en existedanslesgrandesadministrations.

LePrésidentregardedeprèscequenousfaisons.Ilnousad’ailleursdonnéuneconsigneassezsimpleetforte:“Vousvivezdansunchâteau,maiscen’estpaslaviedechâteau.”Celasupposeparexemplederamenerle budget de l’Élysée à moins de 100millions, soit 10millions d’eurosd’économieavantlafinduquinquennat.Nousavonsd’ailleursatteintcetobjectifauboutdedeuxans,maispourcela,SylvieHubacetmoiavonsjouélescostkillers endiminuant lesbudgets tousazimuts (restauration,déplacements,intendance,recrutement,etc.).LaCourdescomptesnousad’ailleurs donné quitus d’une gestion rigoureuse marquée par unerecherched’économies.Etlefaitquenousysoyonsparvenus,finalementsans de trop grandes difficultés, prouve qu’il y avait tout de même desérieusesmargesdemanœuvre.»

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UNEDÉCOUVERTERÉCIPROQUE

«Danslamesureoùlesujetfaitpartiedemonpérimètre,jedécouvrecemonde du renseignement que je n’avais pas eu l’occasion de côtoyerauparavant, à l’exception du renseignement territorial, lorsque j’étaispréfet. Ilm’étaitarrivéd’avoirdes contactsavec laDGSImais jen’avaispasuneconnaissancefinedescompétencesdechacundesservices.

Lors de notre installation, Pierre-René Lemas s’est interrogé surl’utilité du poste de CNR ; après examen et un entretien avec AngeMancini,j’aifaitvaloirausecrétairegénéralqu’ilestbond’avoiràl’Élyséeun collaborateur de confiance réalisant la synthèse des informations enprovenancedesservicesderenseignement.Jevoyaisplusd’inconvénientsàsupprimercepostequ’àleconserver;nousl’avonsdoncmaintenu.Nonpas que le Président ait été totalement convaincu de l’utilité de lafonction,mais ilacertainementestiméqu’unesuppressionnes’imposaitpas.D’ailleurs,aucoursdecettepériode,AngeMancinin’aurapasd’accèsrégulier au Président ; il rencontrera Pierre-René Lemasoccasionnellement. Le chef de l’État s’appuie surtout sur ses ministresrégaliens : Jean-Yves Le Drian à la Défense, Manuel Valls à l’Intérieur,LaurentFabiusauQuaid’Orsay.

Au-delà de la question institutionnelle, nous décidons de conserverAngeMancini à ceposte. Je le connaispeumais il a la réputationd’unprofessionnelaguerri,loyaletbonconnaisseurdel’institutionpolicière.Il

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manifeste d’ailleurs le souhait d’être maintenu en fonction jusqu’à sondépartenretraiteen2013,mêmes’ilremetsesfonctionsàladispositiondunouveauprésidentde laRépublique.Pourmapart, jenevois aucunmotifdeledémettredesesfonctionsetsuishostileparconvictionàtouteformedechasseauxsorcières.J’observeparailleursqueleprésidentdelaRépublique a décidé de conserver le chef d’état-major particulier deNicolas Sarkozy, le général Puga, qui jouera un rôle incontournablependantpresquetoutlequinquennat.»

Si Ange Mancini demeure en poste, Bernard Squarcini, directeurcentraldu renseignement intérieur,est rapidement remplacéparPatrickCalvar. L’Élysée joue-t-il un rôledans ce choix ? «PatrickCalvar estunchoix de Manuel Valls. Un choix qui s’est imposé assez vite et asseznaturellementcomptetenudesonprofil,desonpasséetdesonexcellenteréputation.En revanche, lePrésident a rapidement souhaité changerdeDGSE et son choix se porte naturellement sur Bernard Bajolet qu’il aconnutrenteansauparavantàl’ambassaded’Algerquandlui-mêmeétaitstagiairedel’ENA.Ils’agitd’unchoixeffectuéparlePrésidentlui-même,intuitupersonae, pourdisposerdes informations qu’il jugeait nécessairesetquineremontaientpastoujoursavecefficacité.Néanmoins,ilaccordeletempsaupréfetCorbindeMangouxpourtrouverunesortieconvenableafindenepaslaisserentendrequecehautfonctionnaireaétésanctionné.C’estmoi quime charge de son reclassement : il est nommépréfet desYvelines;unetrèsbonnesortiepourunDGSE,propreetconformeàsessouhaits:préfethorsclasse,justeavantpréfetderégion.»

Bien que le président de la République procède à des changementsparmi les dirigeants des services, le renseignement ne s’impose pascommel’unedesespriorités:«Lepremiermoisàlaprésidencen’estpasabsorbé par la refonte de l’entier organigramme du renseignement.À l’époque, nous travaillons intensément sur les zones de sécurité

prioritaire 6. Il s’agit de l’ossature de la politique de sécuritémenée parManuelValls,toutnouveauministredel’Intérieur.Onneparlealorspasbeaucoup de terrorisme. Bien sûr, les crimes deMohammedMerah ont

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marqué l’opinion, mais l’on se rassure en se disant qu’il s’agissait d’un“loup solitaire”. Néanmoins, entre juin 2012 et juin 2013 (date de manominationenqualitédeCNR), je rencontre tous lesquinze joursAngeMancinietPatrickCalvar.LeDCRIsemontretrèsalarmistesurlamontéede l’islamisme,notammentdans lesquartierspopulaires.Lemouvementvientdeloinetlesservicesl’ontvuasseztôt.

C’est au début de l’année 2013 que nous recevons les premièresalertesconcernantlesfilièressyriennesmaisils’agitaudébutdequelquesindividus,avantl’explosiondesdépartsversleszonesdecombaten2014,au moment de la création du pseudo-califat de Daech. Ce mouvementterroristevaexerceruneattractivitéirrésistiblesurnombredejeunesquiverrontdanscettemigrationversle“paysduCham”l’occasiondedonnerunnouveausensàleurvie.

Enmai 2013, je sais qu’AngeMancini va partir à la retraite et qu’ilfaudra pourvoir le poste puisque la décision a été prise de maintenirl’institution.Dans lamesureoù je trouvecesquestionspassionnantes, jemanifesteàPierre-RenéLemasmonintérêt.Plusieurscandidatsétaientenlice, la compétition s’avère ardue etma nomination – qui intervient enjuin 2013 – s’accompagne de quelques commentaires plus ou moins“aimables”danslapressesurce“préfetquin’yconnaîtpasgrand-choseenrenseignement”… Mais le Président souhaitait nommer quelqu’un qu’ilconnaissaitpersonnellement ;Pierre-RenéLemasme l’a confié.Mêmesilesquestionsderenseignementnefontpaspartiedesonagendapolitique,ilsentbienqu’ellessontimportantes.Ils’agit,rappelons-le,delapériodequi précède la vague d’attentats inaugurée par les attaques dejanvier2015.

Le jour de ma prise de fonctions, je déjeune avec Ange Mancini.J’apprécieAnge, et réciproquement je crois ; il a d’ailleurs discrètementsoutenu ma candidature. Il ne s’agit pas vraiment d’une passation depouvoirs.Audemeurant,jeconnaisbienleséquipesetlesbureauxautitredusuiviquej’effectuaisdelastructure.Jeconvoquedoncuneréunionde

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service et demande à chacun d’expliquer en détail son domaine decompétence.

Le CNR accueille des collaborateurs issus des services derenseignement:pourlaDGSE,untrèsbonconnaisseurdetouslessujets

géopolitiquestouchantlespaysditsdel’arcdecrise 7 ;pour laDGSI,uncontrôleur général de la police nationale, spécialiste du terrorismedisposantd’unevraievisionpolitiqueetstratégique,ilfaitpartiedesgensquim’onttrèsbieninformésurcettequestion.Jerecruteégalementunemagistrate,AgnèsDelétang,dontlacollaborations’avéreratrèsprécieuselors de la préparation de la loi renseignement. Il y a également dansl’équipeungénéraldebrigadequim’aapportéunéclairagetrèsutilesurlesquestionsdedéfense;uncollèguepréfetquifaitofficed’adjointetunadministrateur de la ville de Paris en charge du renseignementéconomiqueetdel’Académiedurenseignement.Jedoisavouerquejen’aieu de problème “RH” qu’avec deux personnes. En dehors de ces cas,connusdemesprédécesseurs,jen’airencontréaucunedifficulté.

L’originalité–unedeplus–deceposterésidedanssonrattachementà la présidence tandis que son budget de fonctionnement dépend deMatignon, plus précisément du secrétaire général du Gouvernement(SGG).SergeLasvignesetsesservicesm’ontréservéuntrèsbonaccueil.Ilfaut dire que j’ai immédiatement rendu une partie d’un budget trèsconfortable.J’aiégalementdiminuél’indemnitéduCNR,neconcevantpasdegagnerplusquelePrésident.Jecroisenrevanchequemessuccesseursimmédiatsconnaîtrontplusdedifficultéssurlaquestiondesmoyens.

Naturellement, j’ai rendu visite aux directeurs des services pourmeprésenter à eux. Comme évoqué, j’ai très vite compris que je seraisextrêmementdépendantdecequ’ilsvoudraientbienmedire.ConcernantlaDGSE, laparticularité tientà l’accèsdirectdontbénéficie ledirecteurgénéralauprèsduprésidentdelaRépublique.Ilestleseulchefdeserviceà disposer d’un accès direct et sans filtre, ce qui n’est pas une totaleinnovation sous la Cinquième République mais ce lien estincontestablementrenforcéparl’amitiéquilielesdeuxhommes.Defait,

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les relationsavecBernardBajoletpeuvent s’avérerpluscomplexescar iljouelacartedelaproximitéavecFrançoisHollandeetdelapuissancedeson service. Il entretient d’ailleurs une relation difficile, de notoriétépublique,avecledirecteurdecabinetdesonministredetutelle. Instruitpar sonexpérienced’ancienCNR, il adécidédemarquer fortement sonterritoireàlaDGSE.Salégitimitéestnéanmoinsincontestableauregarddesonparcours,desonexpérienceetdesonexcellenteconnaissancedumondearabe.

Patrick Calvar, le DGSI, fait figure d’homme discret et jouit d’uneexcellenteréputation.Aufildutemps, j’ainouéavec luiunerelationdeconfianceréciproque.AprèsuneconversationavecManuelValls,ministrede l’Intérieur, je proposerais même au président de la République del’inviterà siégerauConseildedéfenseauregardducontinuumsécuritéintérieure et extérieure. Jusqu’alors, le DGSE était le seul directeur àsiéger. Bernard Bajolet n’était pas hostile à ma proposition car, en finstratège, il avait compris l’intérêt de bâtir un axe fort DGSE-DGSI àl’intérieurdelacommunautédurenseignement.OnretrouveenrevanchetouslesservicesspécialisésauseinduConseilnationaldurenseignement,formationspécialiséeduConseildedéfense.

Je remarque immédiatement que les “petits” services jouentpleinementlacarteduCNRquileuroffreuneported’entréeàl’Élysée:laDPSD, le service de contre-espionnage duministère de la Défense, peuconnuemais très efficace, dirigée par le général Jean-Pierre Bosser, unofficier remarquable avec qui je me suis très bien entendu ; la DRM,dirigée par le très compétent général Gomart,monte en puissance à lafaveur des engagements de la France au Sahel, en Centrafrique et auLevant. Je citerai également laDNREDdirigéepar Jean-PaulGarcia quijoue loyalement la carte de la coopération interservices dont il aparfaitement compris l’utilité pour sa maison. À Tracfin, Jean-BaptisteCarpentier s’avère plus compliqué à cerner,mais très bon professionnelégalement.Àcesujet,j’aitoujoursconsidéréétonnantelaplacedeTracfindanslepremiercercle.Jean-BaptisteCarpentierenconvenaitvolontiers:

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sonservice,àladifférencedesautres,nerecueillepasderenseignementdemanièreactivemaissenourritdesinformationsqu’uncertainnombred’institutions et de professions ont l’obligation légale de lui transmettre(banques, assurances, notaires, etc.) lorsqu’elles constatent des fluxfinanciers suspects ou atypiques. Sur cette base, il réalise desinvestigations et, le cas échéant, saisit le procureur de laRépublique.Àl’inverse, le Service central du renseignement territorial (SCRT) auraittoutesaplacedanslepremiercercle,d’autantqu’ilparticipedésormaisàlapréventionduterrorismesurcequ’onappellelebasduspectre,c’est-à-dire les radicalisés velléitaires, en tout cas détectés comme nonsusceptiblesdepasser immédiatementà l’acte.Son implicationet l’accèsaux techniquesde renseignement justifieraientun changementde statutmêmesi,pourl’avoirévoquéaveclesdirecteursdecabinetduministredel’Intérieur, ils n’y semblaient pas totalement disposés sans pour autantmanifester une franchehostilité. Cette évolutionme semble inéluctable.J’aid’ailleurssouhaitéqueremontentàl’ÉlyséelesnotesduSCRTàpartirdesquelles nous réalisions des synthèses. À titre d’exemple, concernantNotre-Dame-des-Landes, jemesouviensd’avoirécritquecetaéroportneverraitpaslejourcomptetenudelapuissantemobilisationsurlesiteetdudéfiposéentermesd’ordrepublicpourprotégercettezoneimmensependanttouteladuréeduchantier,alorsqu’onauraitbesoindecesforcesde sécurité en cas d’attentat ou de crise. J’avais rédigé cette synthèse àpartird’unenotetrèsintéressanteduSCRTquidressaitlalistedetouteslesZAD(zonesàdéfendre)présentessur le territoire.J’aiégalementenmémoire la note sur la structuration de l’opposition au “Mariage pourtous”,surlavolontédecesmouvementsdeperdureretdes’enracinersurleplanpolitique.Lerenseignementterritorials’intéresseàlamanièredontrespire le pays, aux fractures françaises (sociétales, économiques,territoriales,religieuses,etc.).

En définitive, tous ces hauts fonctionnaires renvoient une image decompétence,d’engagementetdeloyautévis-à-visdupouvoir.Celamérited’êtresoulignétantestpersistantelaréputationsulfureusedecesservices

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facilementsoupçonnésdefomentercomplotsetcoupsfourrésdansledosdupouvoir.Ausurplus,toutescesadministrationsformentunécosystèmetrès intéressantmaismouvant, parcourude jeuxd’alliances. LaDNRED,parexemple,offraitsesservicesàlaDGSEetlaDGSIenmatièredeluttecontre le terrorisme,enfournissantdes informationssur l’implicationdecertainsdjihadistesdans les traficsen toutgenreet lacontrefaçon…Enrevanche, les relations entre Tracfin et la DGSI étaient plus tendues àcaused’uneincompréhensionréciproquequejen’aipasréussiàrésoudre.Lasecondereprochaitaupremierdejudiciarisertropvitelesaffairessurlesquelleselleétaitpositionnéeetauraitpusollicitersonavis.»

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LESONZETRAVAUXD’ALAINZABULON

«Trèsrapidement,auregarddelanaturedesrenseignementsquimeparviennent et des caractéristiques de l’écosystème que je doiscoordonner,jeperçoiscequeneserapasleCNR.Enoutre,sijen’aipasreçudelettredemissionenarrivant,jecomprendsqueleprésidentdelaRépubliquen’entendpasen faire l’autoritéqui tranche les sujets lourds,avecunevraie capacitédedécisionetd’arbitrageainsi que lespouvoirsnécessaires.SileprésidentMacronadécidéderenforcerl’institutiondèsson élection, le président Hollande, lui, ne voulait pas de collaborateurtrop puissant autour de lui. Pierre-René Lemas, malgré sa trèssubstantielle expérience de l’État, n’a pas été un secrétaire général del’Élyséeaussiinfluentetvisiblequesesprédécesseurs(Villepin,Guéant).LePrésidentattendaitdesescollaborateursqu’ilsrestentdansl’ombreetrédigentdesnotescourtesetprécises.Undemescollèguesavaiteucetteformuleamusante:“LecabinetduPrésident,c’estlaplacedesTernes…”Je définis donc le positionnement du CNR selon ma connaissance dufonctionnementdeFrançoisHollandeetcequejecroisutile.»

UNSEPTIÈMESERVICE?

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« En premier lieu, je considère qu’il ne faut surtout pas instituer leCNR en septième service de la communauté du renseignement, c’est-à-direvouloir s’impliquerdans l’opérationnelqui relèvedes seuls services.Quandbienmêmeenaurais-jeeul’intention,uneambitionopérationnelleaurait été vaine avec un DGSE bénéficiant d’un contact direct avec lePrésident, etunministrede l’Intérieurqui l’informe immédiatementdesrenseignements ou événements importants touchant à la sécurité duterritoire.

Au demeurant, le CNR doit assurer une fonction de coordinationstratégique, alliant une bonne capacité d’analyse et de synthèse. Ainsi,touslesvendredis,jefaisrédigerunesynthèsededeuxpagessurunsujet,àpartirdesnotesdes services.Nousavonsainsiproduitdesdocumentssur la crise ukrainienne, l’opposition syrienne, la poussée djihadiste auMali, etc. Il s’agit d’une véritable valeur ajoutéeduCNRpuisqu’il est leseul destinataire des notes de tous les services, ce qui lui confère unecapacitédesynthèseauserviceduPrésidentetdescabinetsdesministresrégaliens. Cette synthèse du vendredi est imprimée sur un papier vertpour la distinguer de la note du soir que l’on place dans une chemiserouge.Lepointdesituationquotidien tientégalementenunrecto-versoquimentionnelesprincipauxévénementssurvenusdanslemonde,souslaforme de brèves comparables aux dépêches AFP. Je le transmets ausecrétairegénéralquil’annoteetlecommuniqueauPrésident.Maprioritéconsisteàveillerenpermanenceàceque leprésidentde laRépubliquesoitbieninformésurlessujetsdefond,notammentceuxquiontvocationàêtreévoquésenConseildedéfense.

Toutefois,lafaiblessestructurelleduCNR,quelqu’ilsoit,résidedanscequ’ilvitdes informationsque lesservicesveulentbien luidonner.Et,souvent, l’information importante, intéressante, ne figure pas dans lesnotes.Ellem’estdélivréetouslesquinzejourslorsdesréunionsbilatéralesavec les chefsde service,qui s’ajoutentaux réunionsmensuellesdes sixdirecteurs.Jem’aperçoisquelesdirecteurssélectionnentl’informationenfonction de ce qu’ils jugent important que je sache. Je n’y vois pas un

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signededéloyautémaismesinterlocuteurssaventquecequ’ilsmedisentarrivera aux oreilles du Président si c’est important. Ils trient doncl’informationqu’ilspartagentavecleCNRtoutenveillantànepasmettreleurministrede tutelleenporte-à-faux.Jenedois jamaisoublierque lepatrondes servicesn’est pas leCNRmais leministrede tutelle, surtoutlorsquecelui-cialepoidsd’unJeanYvesleDrian,d’unManuelVallsoud’unBernardCazeneuve…

Ànouveau,jesoulignerailecasparticulierduDGSEquidisposed’unaccès direct au Président, au secrétaire général et que je rencontrerégulièrement. Il me faisait la synthèse de ce qu’il avait dit à l’un et àl’autre et il m’arrivait de “reboucler” avec Pierre-René Lemas pourm’assurerd’uneinformationcomplète…»

TRAVAILLERAVECLESMINISTÈRES

«Jedécidedem’appuyersurlescabinetsdesministresconcernésdanslebutdefaireavancerlesdossiersstratégiquesetdefaciliter laprisededécision.LeCNRnepeutpasexisterseul,ildoitenpermanencetravailleren réseau pour disposer de suffisamment d’influence et d’entregent afinderemplirsonrôle.JecollaboredoncrégulièrementaveclescabinetsduPremierministre,duministredelaDéfense,del’Intérieurpouréchangersur lessujetsd’actualité liésaurenseignementdansuncontextedominépar deux grands sujets : la montée de la menace terroriste et lapréparationd’unprojetdeloisurlerenseignement.

AvecBercy,larelationestmoinsconstruite,cetteadministrationayantpeu investi le renseignement économique comme l’avait souligné le

rapport 8 du président de la DPR, Jean-Jacques Urvoas. Je souhaiteconstituer une petite task force qui se réunisse régulièrement pourtravailler sur des sujets opérationnels et sensibiliser Bercy sur les fortesimplications en termes de souveraineté, d’emploi, de protection de nosoutils de recherches, etc. Toutefois, avec le conseiller industrie du

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Président,ladéléguéeinterministérielleàl’intelligenceéconomiqueetunreprésentantduTrésor,nousexaminonschaquemois lescassignificatifsd’ingérence étrangère ou de tentatives de captation sur des entreprisesfrançaises afin de définir une action en réponse et de commencer àélaborerunedoctrineenlamatière.»

FACEAUXPARLEMENTAIRES

«Demême,j’aiveilléàapprofondiretàrenforcerlarelationaveclaDPR dont je perçois l’importance politique. Le chantier de la loirenseignement,quis’imposetrèsvite,l’attestera.Ceshuitparlementaires,initiés aux sujets de renseignement, établissent le lien avec le reste duParlement. J’ai la conviction qu’il faut soigner cette relation et que celaincombeenprioritéauCNR.Àce titre, jepropose tous lesmoisde leurprésenterunétatdelamenaceterroristeetqu’ilsm’auditionnentsurtousles sujets qu’ils souhaitent, en toute confiance. Nous partageons lesinformationsclassifiées,puisqu’ilssont toushabilitésèsqualitéausecretde la défense nationale. Je leur livre quasiment autant d’informationsqu’au Président dansmes notes. J’ai en face demoi des parlementairesattentifsetassidus,tousconvaincusdel’importancedecettecommunautédu renseignement, critiques sur ses insuffisances et désireux des’impliquerdanslesujet.J’aitrouvécetexerciceextrêmementintéressantparcequ’ilromptaveclaperceptiontraditionnelledeméfiancedupouvoirpolitique vis-à-vis dumondedu renseignement. Jemilite etœuvrepourfaire évoluer cette vision : le pouvoir politique doit s’approprier cettematière car le renseignement est une politique de l’État, certes trèsparticulière, mais qui relève encore plus du domaine régalien dans uncontexteoùlecontre-terrorismes’estaffirmécommeprioritéabsoluepournosgouvernants.

Enoutre,comptercommemembresdedroitdelaDPRdesprésidentsde commissions (lois, défense/affaires étrangères) des deux assemblées,

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notamment au moment de la loi sur le renseignement, nous aconsidérablementaidés.JegardelemeilleursouvenirdemarelationavecJean-Jacques Urvoas, Patricia Adam, Jean-Louis Carrère (que j’avaiscôtoyédanslesLandes),PhilippeNauche(quej’avaisconnuenCorrèze),Jean-Pierre Sueur, Jacques Myard, etc. L’avis de la DPR sur la loirenseignement reste un modèle du genre ; Jean-Pierre Raffarin, quisuccèdeàJean-JacquesUrvoasàlatêtedelaDPRen2015,m’aconfié:“Surceprojetdeloi,nousneferonspasdepolitique,ils’agitdel’intérêtdu pays.” J’ai connu une situation idéale, un parfait alignement desplanètes rendu possible par l’acuité de l’actualité sécuritaire et un étatd’esprit “d’union sacrée” contre le terrorisme, lequel,malheureusement,nedurerapas…

D’une manière générale, j’ai souhaité me poser en interlocuteurpermanentde laDPR.Ainsi,avant ladiffusiondurapportpublic, jesuisconsultépourm’assurerquetouslesélémentscouvertsparlesecretdeladéfense nationale ont bien été masqués par trois étoiles (pratique queJean-Jacques Urvoas imite des Britanniques). Ce travail est réalisé parmoi-même, aidé demon équipe et en lien avec les services.Mais je nesouhaitepasdonneràrelirel’intégralitéduprojetderapportauxservicesqui n’auraient peut-être pas résisté à la tentation d’édulcorer certainspassages.Laversionfinaleauraitétéproched’unarticledepresse.LaDPRmetémoignesaconfianceenmefaisantrelirelerapportàl’étatdeprojet.Tous les services n’ont pas apprécié l’initiative mais il m’appartient depréserver l’indépendance des membres de la délégation dans leursappréciations.Exerciced’équilibrismequiestlequotidiend’unCNR.

Jepartagel’idéeselonlaquelletoutcequiconcernelesservicesn’estpas nécessairement secret. Dans cet esprit, j’ai souhaité publier uneplaquette sur la Stratégie nationale du renseignement. Cela ne s’étaitjamais fait. J’ai reçu quelques appels, notamment de journalistes, pours’étonnerdemanièreplutôtpositivedecetteinitiative.Jeconsidèrepourma part que le renseignement est une politique d’État à part entière,mêmesisamiseenœuvreestprotégéeparlesecret;ilparaîtnaturelque

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les Français sachent comment l’État les protège. Il faut œuvrer pour lapromotiondelaculturedurenseignement,au-delàdelaseuleluttecontreleterrorisme.

Animésparlamêmevolonté,nousorganisonspourlapremièrefoisàl’Académie du renseignement des matinées d’information à destinationd’une soixantaine de parlementaires. Les questionnaires de satisfactionremplisàl’issuedecettematinéeontététrèspositifs.Jemesouviensducommentaire d’un parlementaire à la sortie de cette séquence : “Cettematinée m’a rassuré”, tandis qu’un autre a salué l’image de cohésionrenvoyéeparlesservicespendantcettematinée.»

PILOTERLESSERVICES

«Enoutre, ilm’aparu importantderemettreàplat lePlannationald’orientationdurenseignement(PNOR).Cedocumentestunpeudaté,ilconvient de l’actualiser afin d’intégrer les nombreux événementsimportants survenus sur lesplans interneet internationaldepuis2012 :lesprintempsarabesetleurseffetsdéstabilisateurssurleProche-Orient,lamontéede l’islamismedans lemondearabo-musulman, lamontéede lamenace terroriste en Occident, les crises à l’Est avec l’Ukraine et laCrimée,etc.Dansuncontexteinternationalmarquéparlamultiplicationdescrisesparfoisdéclenchéesetconduitespardesacteursnonétatiques(Al-Qaida, Daech, Boko Haram, etc.), il me paraissait crucial dedéveloppernoscapacitésd’anticipationetd’analyseparfoismisesàmal.

Jemetsdoncaupointuneméthodequiconsisteàréunirlescabinets

desministresdetutelledesservicesetj’yconvieleQuaid’Orsay 9;quandon lit les productions de la DGSE, on constate qu’elles intéressent aumoinsautantleMAEqueleministèredelaDéfense.JedemandedoncauQuaid’exprimerdescommandespourorienterlarecherchedesservices–ellesserontd’ailleurslesplusconséquentes–, jeprocèdedemêmeavecl’Intérieur–pourlaDGSIetlerenseignementterritorial–etavecBercy.

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EnparallèledelapréparationduPNOR,fonctionnentdesgroupesdetravail prospectifs animés par le SGDSN et pour lesquels cetteadministration nous apporte sa puissance de frappe en termes derédaction, de tenue de comités, de rédaction de procès-verbaux, etc. LeSGDSN se montre très aidant ; Francis Delon puis Louis Gautier onttoujoursconstituédesalliésprécieuxpourleCNR.

L’intérêtdecesgroupesdetravailrésidedansl’échanged’informationsentretouslesservicespourproduireunenotecommuneetconstruiredel’expertisepartagéeafindemieuxanticiperlesmutationsinternationales.J’ai ainsi enmémoire deux notes sur la stratégie de puissance chinoise,très prédatrice, qui repose sur une politique de renseignement tousazimuts et une collecte intensive d’informations. Alorsmême qu’il n’y apas de crise particulière à gérer avec la Chine, j’ai estimé importantd’investirsurcepaysdont lerôles’affirmesur lascène internationaleetdebénéficierdel’expertisecroiséedetouslesservices.Unepremièrenoteévoque la stratégie du pays en Afrique, l’autre concerne la stratégied’acquisitionpardescapitauxchinoisenFrance.Àl’époque,ledossierdela vente des actions de l’État dans l’aéroport de Toulouse est endiscussion.

En outre, ces groupes doivent nous permettre d’anticiper les crisesinternationales.Jemesouviensparexempledelacriseukrainienne:nousnoussommesaperçusqueDRMetDGSEavaientminorélamenaceàl’Est.Elles répondaient en cela au Livre blanc qui estimait la menace enprovenance de l’arc de crise moyen-oriental, tandis qu’à l’Est, rien de

nouveau.Puis,survientlaCrimée 10…»

DIPLOMATIEDURENSEIGNEMENT

«J’aidonccherchéàpositionner lepostesurdessujetsstratégiques,juridiques, institutionnels et bien sûr diplomatiques. Avec mesinterlocuteurs étrangers, je n’aborde jamais les sujets opérationnels ; je

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m’assuresurtoutdelaqualitédelacoopérationentreservices, j’échangesur la perception des crises et sur les sujets du moment. Tous mesinterlocuteursétrangers,notammentaméricains,s’accordentàreconnaîtreque, sur les grands dossiers géopolitiques, et en particulier tout ce quiconcerne le continent africain et le Moyen-Orient, le renseignementfrançais est de très bonne qualité, notamment dans son analysegéopolitiquemaisaussidanssonactionsurleterrain(commeauSahel).

Dans ledétail, j’entretiensdescontacts très fréquentsavec leDNI. Ilm’a rendu visite à deux reprises et j’ai fait demême. De surcroît, noustenons une visioconférence par mois. Je voyais également le ministreallemand du Renseignement de manière fréquente. Un Conseil desministres franco-allemand nous avait d’ailleurs enjoint d’intensifier nosrelationsdansuncontextepost-SnowdenoùlesAllemandsontétépiégés,plus ou moins avec leur consentement… Nous développons donc uneactionbilatéraleassezforteparlebiaisd’accordssecretspourrenforcerlacoopération,notammentenmatièred’antiterrorismeetdecybermenace,maispaspourlacontre-ingérenceéconomique…Danscedomaine,nousn’avons pas d’alliés. Autant dans celui du contre-terrorisme, lacoopération entre grands services occidentaux s’est considérablementrenforcée (on prévient, on donne l’information en cas de préparationd’attentats chez le voisin belge ou allemand), autant, en matièred’ingérence économique et d’espionnage industriel, chacun “fait sescourses”.J’entretienségalementuncontactrégulieravecleconseillerduPremier ministre britannique. Avec les Italiens, notre coopérationbilatéraleestmoinsdéveloppée.»

L’ACADÉMIEDURENSEIGNEMENT

«J’apporteuneattentionsoutenueàl’Académiedurenseignementcarlaformationdescadresestunfortlevierdecohésiondelacommunauté.Lorsque les cadres des six services passent des semaines à partager une

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formation,deslienssecréent,lacommunautésesoude.Jeprésidedonclecomitéd’orientationdel’Académiedurenseignementquivalidelesplansde formation et son plan de charge. D’après les témoignages des plusanciens, les services n’étaient guère emballés par la création de cettestructure en juillet 2010. En 2013, nous avons dépassé ce stade etpersonneneproposesérieusementsasuppression.Matignons’enoccupepeu – on le comprend aisément au regard de l’agenda infernal d’unconseiller aux affaires intérieures –, par conséquent, j’investiscomplètementlesujet:jevaisàtouteslesréunions,jedresselesbilans,jeclos les stages en présence des ministres de tutelle – qui sont toujoursvenus sans difficulté –, je reçois les stagiaires à déjeuner à l’hôtel deMarignyavecleurssixdirecteursqui,devanteux,échangentetdébattent.

Les enseignements sont de très bonniveau et recueillent unepleinesatisfaction. Ils n’empiètent pas sur les spécificités des services quidemeurentresponsablesdesformationsmétiers.L’Académiedispensedesformationstransversessurdessujetscommelescrisesinternationales, lerenseignement intérieur, les filières salafistes, etc. Autant de sujetsd’intérêt communpour les six services. J’ai aidéautantque j’aipucetteinstitutioncar,jelerépète,l’Académieajouéetjoueunrôleconsidérabledanslacohésiondelacommunautédurenseignement,ellelacimente.Jeporteàsonégarduneappréciationtrèspositive.»

LESCRISESAULEVANT

«ÀmonarrivéeauCNRenjuin2013,lepremiersujetmajeursoulevéparl’actualitéestledossiersyrienaveclebombardementdespopulationscivilespardesarmeschimiquesdurégimedeBacharel-Assad,lesvelléitésaméricaines de frapper après le franchissement de la “ligne rouge”

rappelée à maintes reprises par la communauté internationale 11…François Hollande est très offensif sur le sujet. Avec Laurent Fabius, ilestime une intervention nécessaire, non pour renverser le régime,mais

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pour frapper précisément les lieux de stockage et de fabrication de cesarsenauxchimiques.Danscettestratégied’interventionciblée,semêlentrenseignement militaire – notamment grâce à notre autonomiesatellitaire, point essentiel de notre politique du renseignement – etrenseignementpolitique,actiondelaDRMetdelaDGSE.

Un objectif s’avère essentiel : documenter parfaitement, grâce à deséléments factuels irréfutables, la responsabilitédu régimesyriendans lebombardementde lapopulationcivile.Lesservicesderenseignementenfournissent la démonstration implacable. D’abord, parce que les frappess’articulentavecunestratégied’attaquesaérienneetterrestre,etqueseullerégimeestcapabled’articulercesdifférentsmodesopératoires.Ensuite,parce que la DGSE apporte des éléments d’analyse sur des échantillonsprélevéssurdescheveuxdevictimesdontilressortquelestracesrelevéessont bien celles de produits du programme d’armement chimique durégimesyrien.

Il s’agit d’un exemple intéressant où la précision du renseignementconforte la posture politique de l’exécutif qui peut s’adosser à deséléments factuels avérés. Leministrede laDéfenseprendrad’ailleurs ladécision de publier ces preuves. Je ne crois pas que cette initiative aitd’équivalentparlepassé.Au-delàdel’informationdel’opinionpublique,ilfaut préparer les esprits à l’ouverture d’un nouveau front après leMali,sans oublier la République centrafricaine où la France est égalementengagée.

Un samedi matin, à l’initiative de Paul-Jean Ortiz, le conseillerdiplomatique,nousavonspréparélesélémentsdelangagepourexpliqueret justifier les frappes. Dans la même journée, François HollandeconvoqueunConseildedéfenseauquelilarrivelégèrementenretard:ilétait en conversation avec Barack Obama qui estimait nécessaire derecueillir le feuvertduCongrès.Nouscomprenons immédiatementqu’ils’agit d’une manœuvre dilatoire pour enterrer le projet de frappes. Àl’époque,lePremierministrebritanniquevientdesubirunreverscuisantdevantleParlementquiluiarefusél’autorisationd’yparticiper.

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Aposteriori,LaurentFabiusanalyseraquel’absenced’interventiondespuissances occidentales a joué un rôle majeur dans la création etl’expansiondeDaech.Cesignedefaiblessequ’ontnotammentdonnélesAméricains – Obama a incontestablement procrastiné sur le sujet – aouvert la voie àune conquêtedeDaech, assuréque lesOccidentauxnebougeraientpasplusqu’ilsnel’ontfaitfaceauxcrimesdurégimesyrien.Etsurcepoint,nousn’avonsabsolumentrienvuvenir.Enjuin2014,nousavonspratiquementapprislacréationducalifatenregardantlatélévision.La stratégie de Daech qui décide de foncer vers l’Irak et d’abolir la

frontièreSykes-Picot 12entrelesdeuxpaysprendtoutlemondedecourt.

Al-Baghdadi 13,decepointdevue,aréussisoncoup.Àpartirdecetteépreuvedeforce,nousobservonsl’accélérationd’un

phénomène qui avait commencé à se manifester et sur lequel le DGSInousavaitalertéstrèstôt:lesdépartsversleszonesdecombatdejeunesFrançais, pour lutter contre le régime “impie” d’Assad (ennemi par

définitionpuisquealaouite 14)danslesrangsdupseudo-califat,auservicedu “vrai islam” selon une propagande très efficace qui fait des ravagesauprèsd’unepartiedenotrejeunesse.Cepuissantappeld’airdevient,aucours de l’année 2014, le centre de nos préoccupations. Toutes lessemaines, je reçois un tableau statistique extrêmement précis avecmentiondunombre connud’individus “Sur zone”, “Ayant l’intention departir”,“Entransit”,“Décédés”.Etfaceàcettemontéeduphénomènedesfilières syriennes, nous arrêtons lors d’un Conseil de défense demars2014,lespremièresdécisionspourcontrerlephénomènedesfilièressyriennes.Danscecadre,unequinzainedemesuresadministrativessontadoptéesdont,parmilesplusemblématiques,lenumérovertpermettantde signaler les cas de radicalisation et le rétablissement partiel desautorisations de sorties du territoire. Une jeune mineure avait en effetfailli prendre l’avion à Roissy à destination de la Turquie et avait étéinterceptée in extremis par la police aux frontières. Quelquesmois plustard, en novembre 2014, le projet de loi antiterroriste vient compléter

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l’arsenal.LeDGSIcraintunretourdecesjeunesapprentisterroristespourcommettre des attentats sur le territoire national. Et la premièremanifestationdecettemenace,c’estjanvier2015.Maisj’insistesurlefaitquel’Étatn’apasattendulesattentatsdejanvier2015pouradaptersonarsenal antiterroriste et a pris conscience dès début 2014 du dangerreprésentéparl’expansiondeDaechpourlasécuritéintérieure.

Enoutre,faceàl’efficacepropagandedeDaech,nousdevonsbâtiruncontre-discours. L’initiative incombe au service d’informationgouvernementale(SIG)dirigéparChristianGravel.LeSIGaproduitunevidéo de contre-propagande démontant lesmensonges et promesses dufauxcalifat islamique.Mais lecombatidéologiques’avèrebeaucouppluscompliquéàconduirepourunÉtatdémocratique,quiplusestlaïc,oùlalibertéd’expressionestlarègleetlacensure,l’exception.EnFrance,onnesaitpasfaire,etc’estheureux.Ladifficultédel’exerciceestaggravéeparlefaitquecettenouvelleformedeterrorismeestd’inspirationreligieuse.

L’initiativeduSIGindiquelecheminàsuivre.Maisnousavonsbesoind’alliés,depersonnalitéspluslégitimesquel’Étatpourconduirececombatidéologique, des représentants de la communauté musulmane, le tissuassociatif, les leadersd’opinion, les intellectuels, etc. Il fautmobiliser lasociété civile pour relever ce défi à la fois sécuritaire, sociétal etidéologique :querépondreàces jeunesqui se laissentséduireparcetteidéologie parce qu’ils ont le sentiment d’être des Français de secondezone,d’êtrediscriminés,reléguésdanslesquartierssensibles?Commentconvaincre cettepartiedenotre jeunessedéboussoléeque la seule issuedecetteidéologiemortifère,c’estlenéant?»

COOPÉRERSOUSCONTRAINTES

«J’aiconnuunepériodeoùlesrelationsentrelaDGSEetlaDRMsesonttenduescar,dèslorsquelepouvoirpolitiqueachoisid’impliquerlesforces armées dans la lutte contre le terrorisme, le renseignement

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militaire,quiestenappuidesforcesd’intervention,vientconcurrencerlaDGSEsursonterrain.Ils’agitd’unproblèmeoriginelquidécouledel’utilecréationdelaDRMparPierreJoxeen1992,aprèslaguerreduGolfe,afindes’émanciperdurenseignementaméricainpourlesopérationsmilitaires.La puissante DGSE a tendance à regarder la DRM comme un “jeunot”ambitieuxquiveutgagnerduterrainàsondétriment.Laconcurrenceduservice action avec les forces spéciales est aussi source de tensions. UnrapportsénatorialavaitmêmepréconiséletransfertdemoyensduserviceActionde laDGSEvers les forces spéciales 15 ;autantdepierresdans lejardinduboulevardMortier…Enfin,àcettedimensionorganisationnelle,ilfautajouterunedimensionplushumaine:œuvreàlatêtedelaDRM,un militaire brillant, Christophe Gomart, à l’époque général de corpsd’arméeetsurtoutancienadjointdeBernardBajoletauCNR…

Le Mali a fourni une illustration intéressante de ce problème : leservice extérieur a, de longue date, investi ce terrain et dispose d’uneconnaissanceincomparabledeschefsdetribu,leaderspolitiquesetautresforces vives de ce pays ami de la France. Or l’intervention militaire abrouillé lescartes.Laconcurrenceentre lesdeuxservices s’exprime tout

particulièrement sur le ciblage des HVT 16 : une course s’installe poursavoir quel service apportera la liste des cibles la plus précise, la plusopérationnelle. On retrouve la même problématique sur le théâtred’opérationsduLevant.

Jesuispersuadéquelacommunautédurenseignementdoits’unirsurces questions. De fait, j’ai été très enthousiaste quand le DRM, avec leplein appui du CEMA, m’a proposé de créer Hermès, une instanceinteragences dédiée à l’Irak et à la Syrie, située au sein du Centre de

planificationetdeconduitedesopérations(CPCO) 17.L’objectifconsisteàsynthétiser le renseignement pour permettre auxmilitaires de définir leplus précisément possible les objectifs de frappe. Cela ne s’était jamaisfait.JedoisdirequecesujetaétéunpointdedésaccordentreleCNRetlaDGSE.Cettedernièreneperçoitpas l’utilitédecette instanceetde la

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présence des six services de la communauté. Elle entend fournirdirectement ses cibles auCPCO chargéde planifier les frappes, sans lesfairevaliderparlaDRM,alorsmêmequ’ils’agitd’unthéâtred’opérations.

Je considère pourmapart que la répartition des compétences entreDRM et DGSE doit s’appuyer sur le PNOR qui distingue clairement lerenseignement militaire à des fins opérationnelles (compétence de laDRM) et le renseignement politique qui a vocation à éclairer nosdécideurs(lequel incombeàlaDGSE).Onmesurelàtoutel’utilitédecedocument stratégique qui définit précisément les compétences desdifférents services et qui désigne le service chef de file sur chaquethématique. Après quelques remous demeurés discrets, ce qui est lepropre de ce monde qui gère ses bisbilles en famille, le ministre de laDéfense, convaincu de la pertinence de cette approche interagences, adéfinitivementvalidélacelluleHermès.

Les tensions suscitées par cette petite révolution systémique sontcompréhensiblescomptetenude l’histoirepropreàchaqueservice.Ellesontpuêtregéréesetsurmontéesgrâceausensdel’Étatdesprotagonisteset à l’intervention du politique, en l’occurrence Jean-Yves Le Drian,puissant et respecté ministre de la Défense. Je me suis délibérémentabstenudeportercesdésaccordsauniveauduprésidentdelaRépublique,considérant inopportun de polluer son attention sur une affaireconcernantdeuxservicesd’unmêmeministèrequeleministrecompétentétaitparfaitementenmesurederégler,cequ’ilad’ailleursfaitsanstarder.

Quelquessemainesaprèslesattaquesdejanvier2015,surlemodèled’HermèsetsurlapropositiondePatrickCalvar,secréeAllat,unecelluleinteragencesauseindelaDGSIquipermetd’échangerdel’informationetdeseconcerterentreservicesdelacommunauté(premiervoiredeuxièmecercle)surdesindividusimpliquésdansdesfilièresterroristes,àdesfinsd’action. L’idée est simple : chaque service est représenté au sein de lacellule et vient à laDGSImuni de sa base de données ; lorsqu’on veutcerner le profil d’un individu puis établir une stratégie de surveillance,chacunfournit les informationsdétenuessur l’individudansune logique

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departageetdemutualisation.LaDGSIestleserviceverslequeldoiventconverger toutes les informations utiles pour agir. Allat est l’enfant deCharlieHebdoetd’Hermès.LeDGSIacomprisquel’associationdesautresservicesetlepartagedel’informationdanslerespectdescompétencesdechacun sont nécessaires pour que son service devienne la référence enmatièredepréventionduterrorisme.

La menace terroriste aura incontestablement joué un rôled’accélérateur dans la consolidation d’une communauté durenseignement ; les dirigeants de cette dernière ont parfaitementconsciencequ’uneguerreentreservicesneleurserapaspardonnéequanddesFrançaismeurentsouslefeud’attaquesterroristes.»

L’AFFAIRESNOWDEN

« Avec l’affaire syrienne, le dossier Snowden constitue mon autrebaptêmedufeu.Ilmepermetd’appréhenderlacomplexitédecemondedu renseignement et de plonger dans l’action. Évidemment, je me suisbeaucoup appuyé sur les services qui m’expliquent les coulisses del’affaire.Nousvivonsdanslacraintedesfuitesàvenircarnoussavonsquecetagentaméricaindisposed’unemasseconsidérablededocumentsqu’ilva régulièrement publier, et ainsi potentiellement nous mettre dansl’embarras. Nos services, en revanche, semblent plutôt sereins : ilsdéfendent l’idée que leur outil de collecte de l’information n’est en riencomparable à la puissante machine à aspirer les données personnellesabritée dans les entrailles de la NSA. De fait, la France sort finalementassez peu éclaboussée, malgré les tentatives réitérées de certainsjournalistes qui veulent absolument trouver le scandale en faisant ladémonstrationquel’outiltechniquedelaDGSEcouvretoutelaFranceetespionnemassivement lapopulation.Leserviceextérieurm’aadressédenombreusesnotespourdécriresonoutil technique,préciserqu’ilnesertabsolumentpassurleterritoirenationaletréfutertouteécoutesauvage.

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Lesujetestd’ailleursvenunourrirl’idéequ’uncadrejuridiquerelatifauxtechniquesderenseignementdevenaitnécessaire.

Mais,surcepoint,ilfautêtrehonnête,ontoucheauxlimitesduCNR:jen’aipaslesmoyensdevérifierparmoi-mêmelaréalitédecequim’estdit.LepostedeCNRsupposeunerelationdeconfianceaveclesservices,de se fier à ce qu’ils disent et surtout à ce qu’ils écrivent. Je confessen’avoirjamaistrouvéd’élémentquiviennecontredirelesaffirmationsdesdirecteursdeservicesnilesavoirjamaisprisensituationdemensongeoudedissimulationvis-à-visdeleursautorités.

Dans l’affaire Snowden, notre posture a consisté à protester avecmesureauprèsdesAméricains:auregarddenosintérêtscommuns,nousne pouvons pas nous offrir le luxe d’une brouille dans un contexte oùnousessayonsdelesconvaincredeparticiperauxfrappescontrelerégimesyrien et où leur appui technique aux troupes françaises engagées auSahel est des plus précieux. Le président de la République m’envoie àWashington en compagnie du général Puga et de Paul-Jean Ortiz. Enparallèle, le directeur technique de la DGSE se rend à la NSA. Leconseillerdiplomatique,desoncôté,signaleàsonhomologueaméricaineSusanRicequelespratiquesaméricainessurleterritoirefrançaisnesontguèreappréciées.AvecleDNI,nousfixonsdesrèglesdebonneconduiteenmatièred’actiondesservicessurleterritoiredupayspartenaire.Jen’aipas la naïveté de penser qu’elles sont scrupuleusement respectées auquotidien par nos amis, mais nos discussions avec les Américains ontpermisdecreverl’abcèsendouceuretsanscrise.J’aiégalementtentédepasser le message au patron de la NSA qu’il ne faut pas mépriser lesAllemands:s’ilsnesesituentpasaumêmeniveautechnologiquequelesAnglais ou les Français, ils pèsent considérablement au sein de l’Unioneuropéenne ; or, le jour où nous aurons à légiférer sur l’utilisation desdonnéespersonnelles, il seraassezhabilepolitiquementdenepasavoirl’Allemagne contre nous. J’ai été écouté poliment. Au demeurant, nousnous apercevons que les Allemands ne sont pas que victimes dans ces

affairesd’écoutessauvagessurleurterritoire 18…

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Cette affaire révèle au grand public la prédominance de la questiondesmoyens techniquesdes services.Celle de leurmutualisationne l’estpas moins. Officiellement, la DGSE fait montre de bonne volonté pourpartagersescapacitésavecl’ensembledelacommunauté.C’estcequel’onentend autour de la table du comité de pilotage que je préside sur lamutualisation des moyens techniques et qui regroupe les tutelles desservices (cabinets, SGDSN, etc.). Dans la réalité, certains servicesexpliquentmezzavocequelamutualisationetlepartagedesinformationssontperfectibles.Lesservicesderenseignementnesontpasépargnésparlespesanteursetlesinertiespropresauxgrossesadministrations.Rienquedetrèsbanal…Quoiqu’ilensoit, lamutualisationdesoutilsdecollected’informationsentrelesservicesestuneévolutionirréversible,neserait-ceque pour des raisons de contingences budgétaires et d’économies demoyens.

À l’époque, l’idée d’une agence technique indépendante des servicesnepeutguèreprospérer, laNSAservantplutôtderepoussoiràcausedel’affaire Snowden. Lors d’une prise de parole devant les cadres desservices,j’aiexpliquéquelemodèlefrançaisreposantsurlamutualisationd’un outil technique puissant hébergé par un des services de lacommunauté ne vivrait durablement qu’à la condition que tous lesservices“clients”ytrouvent leurcomptedemanièreéquitable.Àdéfaut,un Gouvernement pourrait avoir un jour l’idée de créer une agencetechniqueencoupantlelienentreladirectiontechniquedelaDGSEetsamaison mère : au-delà de considérations techniques, on nomme enConseildesministresundirecteurde l’agencetechnique,ondésignepardécretlesservicesplacéssoussonautoritéetonindiquequ’iltravailleauprofitdesservicesdelacommunauté.Àbonentendeur…»

ENTRERDANSL’ÉTATDEDROIT

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«J’aiévoquélaloirenseignementàplusieursreprises.Ils’estagid’uneœuvreconsidérable.L’actiondeJean-JacquesUrvoasaétédéterminante:en mai 2013, il avait publié un rapport parlementaire sur le cadrejuridique des services de renseignement qui nous a souvent servi de

référenceetdepointd’appuidansnosréflexions 19.Enparallèle,dèsmaprise de fonctions, je suis associé par le cabinet du Premier ministreAyraultàungroupederéflexionpourfixeruncadrelégalauxmoyensderenseignement extérieur de la DGSE. Au départ, la Défense commeMatignon ne veulent légiférer que sur ce point afin de sécuriserjuridiquement lacollected’informationsendehorsduterritoirenational.Pourma part, je considère que si l’on se présente devant le Parlement,autant le faire en proposant une indispensable réforme globale durenseignement. C’est pour moi en effet un sujet d’étonnement : noussommes l’une des seules démocraties occidentales où un chef de lasécuritéintérieurerenonceàaccomplircertainsactesefficacesparcequ’ilssontdépourvusdecadrelégal!Lesservicesnepeuventplusvivreavecunrisque pénal omniprésent dans la mesure où le cadre juridique destechniquesqu’ilsmettentenœuvren’existepas,hormispour lesécoutes

téléphoniquesrégiesparlavieilleloidu10juillet1991 20.LeDGSIPatrickCalvarmiliteégalementencesens.Mais,quandjetienscettepositionauseindesréunionsprécitées,jerencontredansunpremiertempsunsuccèsmitigé.Mêmeauseindel’équipeduCNR,lesavisnesontpasunanimes:les tenants de la vieille école (“Il n’y a pas besoin de légiférer, un bonespionnesefaitpasprendre”)s’opposentàceuxquisontconscientsquelemondeachangé,ycomprispourlemondefeutrédurenseignement.

En dépit de ces avis contrastés, je réponds favorablement à lapropositiondeJean-JacquesUrvoasdecommencerl’écrituredutexte:àpartirdedécembre2013, il réunità l’Assembléenationaleungroupedetravailauquelparticipel’excellentejuristeduCNR,AgnèsDelétangetlesnuméros 2 et 3 de laDGSI.Aumilieu duprintemps 2014, ce groupe aachevésontravailquiaboutitàunprojetdetexteassezbienavancé.

Par ailleurs, la période d’accélération du phénomène des filières

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syriennes justifie une réunion du Conseil de défense enmars 2014. LeDGSI rappelle régulièrement que la questionn’est pas de savoir si nousserons frappés,mais quand et où. Je profite de cet argument, lié àuneactualitésécuritaireintenseetquinefaitqu’annoncerlavagued’attentatsinauguréeen janvier2015,pourdéfendre l’opportunitéd’uneloiglobalerenforçant les moyens juridiques des services de renseignement. Leministre de l’Intérieur Manuel Valls œuvre également à convaincreFrançois Hollande. Je multiplie les notes rédigées avec beaucoup derigueurparAgnèsDelétang–sanslaquelleleCNRn’auraitpaseuautantde poids dans la préparation du texte de loi – pour signaler la portéerestreinte de la loi de programmation militaire sur les données deconnexions et les insuffisances de la loi de juillet 1991 adoptée à uneépoque où n’existaient ni Internet ni le téléphone portable. J’invite àprendre exemple sur les autres grandes démocraties, presque toutesdotéesd’uncadrelégalencedomaine…Jean-JacquesUrvoas,auseindelaDPR,accomplituntravailsimilaire.Noussommesdonctroisàemporterl’adhésion du Président. Néanmoins, il songe dans un premier temps à

une proposition de loi 21. Pour ma part, je considère qu’il s’agit d’unematière éminemment régalienne etmilite pour un projet de loi qui, enoutre, permet de recueillir l’avis du Conseil d’État. Après d’intensesdiscussions,nousfinissonsparconvergervers:1)unprojetdeloi,2)quiétablituncadrejuridiqueglobal.

Defait,leConseilnationaldurenseignementdu9juillet2014ouvrela voie à un cycle interministériel intense. Ce dernier est quasi bouclélorsque surviennent les attentats de janvier 2015 ; le Premier ministrenous demande alors d’accélérer la finalisation du texte : nous letransmettonsauConseild’Étatquirendsonavispublicpourlapremière

foisàlasuitedel’initiativepriseparFrançoisHollande 22;leprojetdeloiest adopté en Conseil desministres le 16mars et déposé à l’assembléenationalele19.Lesattentatsontjouélerôled’accélérateurpourcetexte,mais il est le fruit d’un long travail dematuration qui démarre avec lerapportUrvoasetleLivreblanc,quisepoursuiten2014ets’accélèreen

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findepériode.Pourunefois,nousn’avonspastravaillédansl’urgence,ledispositifaétémûrementréfléchietaaboutiàuntextedegrandequalité,qui réalise l’équilibre entre le besoin de renforcer les moyensd’intervention des services et l’impérieuse nécessité de respecter leslibertésindividuellesainsiquelavieprivéedenosconcitoyens.

Au cours de la discussion parlementaire, le rôle du CNR consiste àsuivre l’évolution du texte, à assurer le lien entre les services et lesrédacteursafindeveilleràcequelesbesoinsdespremierssoientbienprisencompteparlessecondsetàréaliserdesnotesàl’attentionduprésidentdelaRépublique.Maisj’évitedelefairearbitrersurteloutelarticlecarcen’estpas le rôleduPrésident.Jean-JacquesUrvoas remonteparfoisàl’arbitrage du chef de l’État pour des raisons politiques, parce quecertaines dispositions le heurtent. La démarche est éminemmentrespectable et il s’est comporté comme un républicain loyal avec desconvictionsfortestoutendéfendantl’intégralitédutexte.

Dans lemêmeespritque la loi renseignement,unan jourpour jouravantsapromulgation,nousavonscrééparundécretdu24juillet2014l’inspectiondesservicesderenseignement.Autant lacréationd’uncadrejuridiquepourl’actiondesservicessusciteunebelleadhésionauseindelacommunauté, autant la création d’une inspection a rencontré unenthousiasme plus que modéré du côté des services. Pour le pouvoirpolitique,ilconvientdemontrerque,danslemêmetempsoùnousnousapprêtons à renforcer leurs prérogatives, leurs moyens d’action, il estnécessairederenforcerlecontrôledeleuractivité.

Nouscréonsdonccetteinspectiondesservicesderenseignement,nonpar voie législative mais par voie réglementaire. Il ne s’agit pas d’unnouveaucorpsd’État,nousallonspuiserlesressourceshumainesdanslesgrands corps d’inspection : Contrôle général des armées, Inspectiongénérale de l’administration du ministère de l’Intérieur (IGA), des

Finances(IGF).Touslescontrôleurssonthabilités“trèssecretdéfense 23”etdisposentd’unecapacitéd’accèsentoutlieuetàtouslesdocuments.

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Très rapidement, si l’on ne souhaite pas que cette innovation restelettremorte, jeconsidèrequ’elledoitsemettreautravailet j’élaboreunprogramme de contrôle pour l’inspection. Ce dernier écarte les irritantspourlesservicesafind’éviterdèsledépartunconflitdontl’inspectionnese relèverait pas. L’idée d’un contrôle de l’activité des services esttellement audacieuse pour une communauté dominée par la culture dusecretqu’ilmeparaîtplushabiledechoisirdesthèmesdecontrôlepourlesquelsl’inspectionpourrajouerunrôledeconseiletdeproposition.J’aiparexempleémisl’idéequ’unepremièremissiondel’inspectionseradesepenchersurlesfichiersderenseignementafindesemettreencapacitéderépondre à des interrogations de la CNIL sur ce sujet. Le tempsm’auramanqué pour mettre en œuvre ce programme que j’ai laissé à monsuccesseur : le tempsde recruter, d’habiliter, de former sesmembres etj’étaisparti.Maisjepensequ’ilfautseservirdecetteinspectionpourluiconfierdesmissionsd’audit.

DelaréformedelaDPRendécembre2013àlacréationdelaDGSI,du SCRT et de l’inspection des services de renseignement en 2014 oul’adoption de la loi renseignement en 2015, en passant par lerenforcementdesmoyenshumainsetfinanciersdesservices,nousavonsconstruit un édifice cohérent, exemple assez rare de continuité dansl’action publique. Dans ce domaine, François Hollande n’a pas pris lecontre-pied de son prédécesseur puisqu’il a conservé l’architecturegénérale du dispositif qui s’appuie sur le CNR, la communauté durenseignement, l’Académie, laDPR, les investissements techniques ; toutcela a été conforté, consolidé, amplifié. Les attentats ont pour leur partfavorisé l’allocation de moyens humains budgétaires et techniquesconsidérables,àlahauteurdelamenace.»

LEPILLAGEÉCONOMIQUE

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« Jeme suis autosaisi du renseignement économique,persuadéqu’ils’agit d’un sujet vital. Il doit être à la fois défensif (lutter contre lesingérences)etoffensif (allerchercherdes informationsen faveurdenoschampionsàl’internationalparexemple).MaisleDGSIm’informequ’ilaproduitdesnotessurdespetitesentreprisesdessecteursdepointe,dansledomainedesnanotechnologiesparexemple,quise fontpillerousontl’objet de tentatives d’OPA inamicales ou d’ingérence économique.Toutefois, il déplore le désintérêt de Bercy. J’en parle donc à ArnaudMontebourg,alorsministreduRedressementproductif,mettantenavantle fait que protéger nos entreprises des ingérences et autres actionshostiles relève du patriotisme économique. Il acquiesce sur le principemaissesservicesn’accrochentguère.

Ànouveau,lerapportdelaDPRprésidéeparJean-JacquesUrvoasm’aapporté une grande aide. Il stigmatise la déshérence du renseignementéconomique et les difficultés de l’intelligence économique. J’ai tentéd’apporter mon soutien à la déléguée interministérielle Claude Revelrattachée au Premier ministre, en vain. Ce n’est pas faute pour ladéléguée,trèsvolontaire,d’avoirtentédefaireavancerlesujet.

Lorsqu’on rattache une entité au Premierministre pour lui conférerplus de poids, souvent l’inverse se produit. Parce que le cabinet duPremierministren’anilesmoyensniletempsdesuivrel’actionmiseenœuvrepar les innombrables entités qui lui sont rattachées, parfois pourdes raisons d’affichage politique ou de prestige. Un parallèle peut êtreétabliavecl’idéedéfendueàunecertaineépoquedetransférerlagestiondes préfets à Matignon au motif qu’ils ont des compétencesinterministérielles, ce qui est d’ailleurs parfaitement exact. J’ai enmémoire les commentaires pleins de bon sens d’un vieuxpréfet : “C’estune fausse bonne idée. Mieux vaut dépendre d’une administrationrégaliennepuissanteetdirigéeparunministrequiestengénéralunpoidslourd au sein du Gouvernement.” Dans la même optique, l’intelligenceéconomiqueauraitdûdemeureràBercyàconditionque leministères’yintéresse,enfasseunepriorité,établisseunedoctrine.J’aimêmepoussé

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l’idéeque ledéléguéà l’intelligenceéconomiquesoitunpoids lourd,unLouisGalloisouquelqu’undecettedimensionquipuisseplaider,grâceàson réseau et son carnet d’adresses, en faveur d’une véritable stratégied’intelligenceéconomique.»

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CHARLIEHEBDO

En janvier 2015, la France est endeuillée par l’attentat qui frappeCharlie Hebdo et les attaques terroristes qui suivent. Comment le CNRparticipe-t-ilà lagestiondecrise, luiqui sembleabsentdes réunionsdecrise?«LorsdesattentatsdeCharlieHebdo, jesuisàmonbureauetunmembre demon équipem’informede cette frappe que nous redoutionstous.Parlasuite,presquetouslesjourspendantcettepériode,seréunitunConseildedéfense.Untournantseproduitalors:leterrorismeintègrecomplètementledomainerégalienduchefdel’État,aumêmetitrequeladéfense et la politique étrangère, du fait de la gravité de ces actes, ducontinuumentre la géopolitique et la sécurité intérieure.C’est d’ailleursdanslebureauduPrésidentqueseprendladécisiondel’assautcontreles

frèresKouachi 24.EmmanuelMacron,enaccolantauCNRla luttecontrele terrorisme, officialise et renforce cette transformation. Sous laprésidenceHollande, leConseildedéfenseest l’instanceoù seprennentles décisions non seulement enmatière de défense, ce qui est habituel,maisdésormaisenmatièredecontre-terrorisme,faitnouveau.

Dans la phase opérationnelle très critique qui suit les attentats, jelaisse les services travailler et ne constate d’ailleurs aucun problème decommunicationd’informations…Ilnesertàriende jouer lamoucheducoche alors que des professionnels aguerris œuvrent avecmaîtrise sousl’autoritédirectedesplushautsreprésentantsdel’État.Audemeurant,en

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périodede crise aiguë, leDGSI rendd’abord compte à sonministre quiinforme sur-le-champ le Président. Coordonnateur est une missiondélicate,parfoisacrobatique,parceque lespatronsdesservicessontdesministres.CettebouclecourtenemetpasleCNRensituationd’informerenpremierlechefdel’Étatdudéroulementprécisdesévénements,cequinemechoquepasenl’espèce.J’aiassezrapidementcompris,bienavantlesattentats,que jene seraispasceluiqui téléphoneauprésidentde laRépubliquepourl’informerdelasurvenanced’unévénementdramatique.Mes homologues étrangers éprouvent la même difficulté : le DNI m’aconfié qu’il voit régulièrement le président des États-Unis mais que cedernierestsouventinforméendirectparlepatrondelaCIAouduFBI.

Plutôtqued’ennourrirunequelconqueaigreur–dénuéedesens–,jeme suis complètement investi sur les fonctions que j’évoquaisprécédemment.Toutécosystèmecréesapropredynamique.Celuiquiveutlacasservaengendrerduconflit,introduiredelaperturbation.J’airepérélechampsurlequeljepouvaisapportermavaleurajoutée.Autanttirerlesconséquences des impératifs opérationnels et se positionner pour êtreutilesurlessujetsplusinstitutionnels,juridiquesetstratégiques.

Ilestvrainéanmoinsquejen’aipasétéconviéàlapremièreréuniondecrisedeuxheuresaprèslesattaques, lePrésidentpréférants’entourerdesesministresetdespatronsdesservicesopérationnels.Jesuisprésentdèsladeuxièmepuisauxsuivantesmaisdansunefonctiond’observateur,les politiques s’appuyant, et c’est bien normal, sur les informationscommuniquéesparleschefsdeservicedirectementimpliquésdanslacrise(DGSI,DGPN,GIGN,etc.).

Néanmoins, après la crise, je prends l’initiative de procéder à un

RETEX 25 des attentats de janvier 2015. Je tiens une réunion de travaildansmonbureauaucoursdelaquellePatrickCalvarproposelacréationdelacelluleAllat.J’adresseunenoteauPrésidentenluiexpliquantqu’undes premiers enseignements des attaques de janvier 2015 consiste àpérenniser cette logique interagences commencée avec Hermès. Nousavons également accéléré le dépôt du projet de loi renseignement en y

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introduisant la surveillance algorithmique et cellede liste 26. Le suivi entemps réel d’une multitude d’individus constituant une menace avéréerendnécessairescesdispositions.»

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LESRAISONSDUDÉPART

« Je n’ai jamais envisagé de passer cinq années complètes à laprésidence. Or, au premier semestre de l’année 2015, le directeur ducabinetprésidentiel,ThierryLataste,mesignalel’opportunitédepostulersurlepostededirecteurdelasûretédugroupeAéroportsdeParis.ADPestune trèsbelleentreprise,enpleinessor, cotéeenBourseetquia suconserverunfortespritdeservicepublic,notammentsurlesquestionsdesécurité et de sûreté qui sont stratégiques pour les trois aéroportsfranciliens. La fonctionm’intéresse au plus haut point : elle présente ledouble intérêt de découvrir le monde de l’entreprise – projet que jenourrisdelonguedate–etdemepermettred’appliquersurunefonctionopérationnelle mon expérience, certes toute fraîche, mais désormaissubstantielleenmatièredesécuritéetderenseignement.Ledéfiesttroptentantpourquej’yrésiste,d’autantquelecaractèrenonopérationneldelafonctiondeCNRcommenceàmepeserunpeu.J’aimeleterrainetplusencore faire que concevoir. De surcroît, le positionnement imparfait duposte de CNR qui coordonne les services sans les diriger, qui est uncollaborateur du Président sans être membre du cabinet, crée unesituationd’inconfortquipeutêtrestimulanteaudébutmais lasserau fildutemps.

D’ailleurs,à l’occasiondemondépart, il estenvisagéde rattacher leCNRdirectementaudirecteurde cabinetduPrésident ; idée finalement

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abandonnée.Àcesujet,etsic’étaitàrefaire,j’auraisproposédedemeurerdirecteuradjointdecabinetetdecumuleravec leCNR.Parceque l’unedesfaiblessesduCNRtientàcequ’iln’estpasmembreducabinet;àcetitre,demanièreétrange,ilest leseulcollaborateurprésidentielnommépar décret en Conseil des ministres. Même le CEMP n’est pas désignéainsi.Decefait,ilestperçucommeuneautoritéextérieureaucercledescollaborateursduPrésidentstrictosensu.J’enveuxpourpreuveundétailamusant:lorsquejepasseducabinetauCNR,mescollèguesm’organisentun pot de départ. L’initiative est sympathique mais révélatrice de laperceptionde la fonctionpar lesmembresdu cabinetprésidentiel. Ilnes’agitpasderesteraucabinetpourdesraisonsdeprestigeoudepouvoirmais pour être en mesure de côtoyer au quotidien le Président et lesmembresde l’équipequi l’entoure,de coller à l’actualité etde l’évoquer

avec lui de vive voix lors des réunions du lundi matin 27. Le but étaitd’éviter un décalage avec les attentes ou demandes du Président ou dusecrétairegénéral.Avec le recul, jemedisque j’auraispu solliciterplusd’entrevues avec le Président. Ce dernier accédait toujours à mesdemandes,d’autantquej’enabusaisassezpeufinalement;peut-êtrepasassezenvérité.

Au-delà de cette question institutionnelle, en 2015, l’entourageprésidentiel avec lequel j’ai noué des habitudes de travail a

considérablement changé 28, ce qui rehausse parfois mon sentiment desolitude. Le nouveau directeur de cabinet, qui exerçait auparavant lesmêmes fonctions auprès du ministre de l’Intérieur, a naturellementconservé tous ses réseaux et réflexes, notamment concernant la DGSI.Celan’estpassansconséquencesenpériodedecrise.

Ayanttoujoursconsidéréquelemeilleurplandecarrièreestdenepasenavoirmaisdesavoirsaisiraubondlesbonnesopportunités,jesolliciteune audience au Président pour obtenir un “bon de sortie” qu’ilm’accorde.Juin2015représentaitunbonmoment, ledispositif législatifdelaloirenseignementétaitsurlesrails,àmesyeuxj’avaisaccomplimapartdutravail.Lorsdecetentretien,jem’autoriseàémettreunavissurle

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choix de mon successeur – le diplomate Didier Le Bret que j’aidiscrètementapprochéaupréalable.Au-delàdesqualitésde l’homme, jepensequeladimensiongéopolitiqueestessentiellepourlepostedeCNR.Lasécuritéintérieureesttrèsbiencouverteparledirecteurdecabinetduministreetparsonhomologueélyséen,lesarméeséchoientauCEMP,lagéopolitiqueappelledoncundiplomateauCNR.

Avec le recul, je constate que l’ensemble de mon parcoursprofessionnelachangémavisiondumondeetde la société : lorsque jem’occupaisdepolitiquedelaville,j’aivulesprémicesdelasituationquenousconnaissonsaujourd’hui.CesmilliersdejeunesFrançaisquirécusentleurappartenanceàlaRépublique,quisesententmoinsfrançaisqueleursgrands-parentsquieuxne l’étaientpas,constituentundesdéfismajeursde notre pays. Car c’est bien la société française qui a favorisé lecommunautarismeenorganisantdemanièreméthodiqueleregroupementdespopulationsétrangèresdansdesquartiersdédiés. Jemesouviendraitoujours de cette visite avec un bailleur social dans l’Essonne quim’expliquait que sa politique de peuplement était de regrouper leslocatairesparaffinitésculturellesetethniquesafindesegarantir lapaixsociale dans les cages d’escalier. Les collectivités locales et les bailleurssociaux portent, avec l’État qui a laissé faire, une lourde responsabilitédans le développement du communautarisme dont l’antidote eût été demenerunepolitiquerésoluedemélangedespopulations(jen’aimepasletermetarteàlacrème“mixitésociale”)plutôtquedefavoriserl’entre-soidans des cités ghettos. Ce communautarisme a débouché – lorsque lareligion s’en est mêlée, – sur la situation actuelle où l’islam dans sadimensionlaplusrigoristeetradicaletientlieud’idéologiedesubstitutionàdespopulationsassignéesàrésidenceetdontlesplusjeunescherchentpar tous lesmoyensà exprimer leur révolte contre cequ’ils considèrentcommeune injustice.C’est surce terreauqu’ontgrandinombredeceuxqui, dans la période récente, ont porté les armes contre notre pays surnotresolouauLevant.

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Lafréquentationdesservicesderenseignementaconsolidémavisionde la société en établissant des ponts entre des éléments dont je nepercevais pas la continuité. Le renseignement fournit une lecture desfracturesfrançaises,certesavecuneffetdeloupepuisque,pardéfinition,les services ne s’intéressent qu’aux risques et périls quimenacent notrepays.Lesresponsablespolitiquesdoiventsemontrerattentifsauxsignauxdurenseignementcarleursanalysessontglobalementpertinentes,baséessur des faits vérifiés ; il incombe au pouvoir politique de bâtir despolitiquespubliquesenréponseàcesconstats.

J’ai également vécu cette période comme celle de la réconciliationentre la communauté du renseignement et le pouvoir politique,traditionnellement méfiant vis-à-vis de ce monde à la réputationsulfureuse.Cette évolutionn’allait pas de soi pourunpouvoir socialistehistoriquement marqué par une perception plutôt négative des servicessecrets,àl’instardecellequenourrissaitFrançoisMitterrand.

Parce qu’ils sont les yeux et les oreilles du pouvoir, les services ontacquisleurslettresdenoblessedansunepériodedominéeparlamontéedes périls de toute nature liés à un monde globalisé, instable etmultipolairequimetà rudeépreuve la capacitéd’anticipationdescrisesinternes et externes. Le terrorisme contemporain, qui établit uncontinuumfortentresécuritéintérieureetcrisesinternationales,faitdelacapacitéd’anticipationetd’analysedescrisesuneconditiondesurviedenos démocraties attaquées à l’intérieur et à l’extérieur. Le “retard àl’allumage”surlephénomènedesprintempsarabesou,plusrécemment,sur la stratégie de blitzkrieg du califat islamique illustre parfaitementl’enjeuque représente lacapacitéàdisposerd’uncoupd’avancegrâceàl’informationfournieparlerenseignement.»

La nomination d’Alain Zabulon a indéniablement surpris, tantl’hommeparaîtétrangeràcetécosystèmeparticulier.D’ailleurs,iln’exercepas la plénitude des fonctions imaginées par Bernard Bajolet lors de lacréation de la structure. Pourtant, Alain Zabulon aura conduit ou

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accompagné les réformes les plus structurantes pour le monde durenseignement depuis l’après-guerre : création de trois services de

renseignement intérieur (DGSI, SCRT, SDAO 29), d’instances de contrôle(DPR, ISR, Conseil d’État, Commission nationale de contrôle destechniques de renseignement – CNCTR), adoption d’un cadre juridiquecomplet, recrutements et investissements massifs, constitution d’undeuxième cercle du renseignement. Dans un espace contraint, il a su,modestementmais habilement, investir des questions stratégiques. Sansdoutea-t-ilincarnéleCNRleplusconformeàl’espritdesinstitutions.

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CHAPITREVI

LeshommesduPrésidentvusparFrançoisHollande

Le6mai2012,FrançoisHollandeestéluprésidentdelaRépublique.Neufjoursplustard,ilprendlaplénitudedesesfonctionsàl’issuedelapassation de pouvoir avecNicolas Sarkozy. La France pleure encore lesvictimes des crimes perpétrés par Mohammed Merah deux moisauparavant,tandisqu’àl’international,laguerrecivilesyriennedéstabilisela zone, la Libye d’après Kadhafi connaît d’intenses troubles et le Maliploiesouslesmenéessubversives.Cecontextegéopolitiqueetsécuritairemobilisepleinementlesservicesderenseignement.Àl’instardespratiquesétats-uniennes, le nouveau président de la République a-t-il étédestinataire d’informations confidentielles avant son accession aupouvoir ? Quelles relations entretient-il avec ces administrationsstratégiquesetleursdirigeants?

«Avantmonarrivéeauxresponsabilités,jen’avaisnouéaucuncontactaveclesagencesderenseignement.Leursresponsablesn’avaientpasnonplussouhaité–jel’aiparfaitementcompris–engagerquelquediscussionpréalableàmacandidatureoumêmeaucoursdelacampagne.

En revanche, peu de temps après mon élection, j’ai convoqué unConseil de défense relatif auMali auquel ont naturellement pris part le

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DGSE, le DCRI et le coordonnateur national du renseignement que j’aiainsi rencontrés pour la première fois. Par la suite, je les rencontreraisrégulièrement dans ce cadre ou en entretien bilatéral. Ce derniermodes’applique d’ailleurs plus au DGSE qu’au DCRI dans la mesure où unprésident de la République doit régulièrement bénéficier d’un pointd’information sur les opérations du service extérieur. Concernant leservice intérieur, les informations remontent plutôt par l’entremise duministre. À cet égard, je considérais qu’il revenait aux ministres desuperviser l’activité des services pour m’en rendre compte. De fait, leministre des Affaires étrangères, celui de la Défense ou de l’Intérieurévoquaientrégulièrementlesquestionsrelativesaurenseignement.

C’est dans cette logique que le ministre de l’Intérieur de l’époque,ManuelValls,auregarddesdifférentesprocéduresjudiciairesdontfaisaitl’objetBernardSquarcinietquipouvaientmettrecedernierendifficulté

dans ses fonctions 1, m’a proposé son remplacement, ce que j’ainaturellement accepté. Quant au directeur général de la sécuritéextérieure,enplacedepuis2008, jen’avaispasde raisondeprocéderàson remplacement immédiat. Je l’ai donc confirmé à son poste en luidemandantdepoursuivresonaction.Ilyavaitsuffisammentd’opérationsencours–jepensenotammentauMalimaisaussiànotreagentretenuen

Somalie 2 – pour qu’on nemette pas la direction générale en difficulté.J’attendraisavril2013pourleremplacerparBernardBajolet.

Comme de nombreux observateurs l’ont abondamment relaté, j’aiconnucedernierlorsquej’étaisstagiairedel’ENA;iloccupaitàl’époqueles fonctionsdepremier secrétairede l’ambassadedeFranceenAlgérie.Maisau-delàdecettepériodedehuitmois,jel’avaislargementperdudevue et n’avais repris contact avec lui qu’à l’époque où il officiait auKosovo.Ilétaitvenumedécrire lasituationdupaysalorsquej’occupaislesfonctionsdepremiersecrétaireduPartisocialiste.Parlasuite,deuxoutroisoccasionsamicalesouprofessionnellesnousavaientpermisdenousrevoir, notamment lors des enlèvements de nos compatriotes en Irak àl’été2004.Eneffet,lePremierministre–Jean-PierreRaffarinpuisaprès

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lui Dominique de Villepin – consultait et informait régulièrementl’opposition.Danscecadre, les informationscommuniquéesparBernardBajolet paraissaient très sérieuses. J’avais trouvé qu’en qualitéd’ambassadeur dans le pays, il avait très bien géré cette question desotages. Enfin, à l’occasion d’un de mes premiers déplacementsprésidentiels,jemesuisrenduenAfghanistanalorsqu’ilyreprésentaitlaFrance.Jel’avaisinterrogésursessouhaitspourlasuitedesacarrièreetpensaisqu’ilavaitleprofilidoinepourdirigerlaDGSEaprèsavoirétéenposteenSyrie,ambassadeurenJordanie,auKosovo,enIrak,enAlgérieeten Afghanistan. Mais, au-delà de ce stage et des péripéties d’une vieadministrative pour lui, et politique pour moi, il n’y avait aucun lienparticulierentrenous.Ilnes’agissaitpasd’unamiprochedontjepouvaissupposerqu’ilmecommuniqueraitdesinformationsqu’unDGSEclassiquenem’auraitpascommuniquées.IlpouvaitmêmeêtreregardécommeunprochedeNicolasSarkozypuisqu’onpeutsupposerquelecoordonnateurn’est pas un opposant du président de la République. Mais il m’avaitconfié les limites de cette responsabilité ; car, contrairement à l’idéeparfois véhiculée par la presse, le coordonnateur national durenseignement n’est pas le chef du renseignement. Bernard Bajoletjouissait de cette expérience de coordonnateur et sa connaissance dusystème l’avait sans doute convaincu que le poste important était celuiauqueljecomptaislenommer.

Enfin,concernantprécisément leCNRdel’époque,AngeManciniestun personnage à la fois très agréable et très sérieux ; en qualité decoordonnateur,ilnemeposaitpasdedifficulté.Ilréféraitàmadirectricede cabinet, Sylvie Hubac, dont ce n’était toutefois pas l’inclinaisonprincipale. L’adjoint de celle-ci, Alain Zabulon, faisait donc figured’interlocuteurprincipal.Ilmarquaitpourcesujetunvéritableintérêt,aupointqu’ilaétéchoisicommecoordonnateurnationaldurenseignementaprèsledépartd’AngeMancini.»

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L’OPTIONZABULON

Précisément,ledépartd’AngeMancinienjuin2013offrel’occasiondes’interroger sur la permanence du poste de coordonnateur auprès duprésidentdelaRépublique.D’aucunspréconisentalorsdelerattacherauPremierministre.FrançoisHollandechoisitde le conserverà ses côtés :« Il s’agissait d’une hypothèse à considérer. Mais comment aurait étéinterprétéleretouroulamiseàdispositionducoordonnateurauprèsduPremierministre?Lescommentateursauraientestiméqu’à ladifférencedemonprédécesseur, je nem’intéressais pas au renseignement, que lesmenacessurlasécuriténes’avéraientpassuffisammentimportantespourconserverlacoordinationauniveaudelaprésidence.

JenefaispaspartiedeceuxquienvisagentdedétacherdesservicesduPremierministreauprofitduprésidentdelaRépublique.Enrevanche,le coordonnateur permet au chef de l’État de recevoir régulièrementl’information stratégique dont il a besoin pour exercer ses missions oudisposerd’unevisiondepluslongterme.D’autantqu’àcettepériode,nousavons été informés de la surveillance dont nous avions fait l’objet, y

compris à l’Élysée 3. Il est donc capital qu’il puisse y avoir auprès duPrésidentunconseillerdédiéausujetderenseignement,quimaîtrise lesmenacespouvantpesersurnotrepays,lesmoyensutilisésparlesagentsdedéstabilisation,privéscommepublics,etc.

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Danslesfaits,jerecevaistouslesjoursunesynthèsedelaproductiondesservicesderenseignement.Ils’agitd’unélémentfondamentalcartropdedocumentsremontentauprésidentdelaRépubliquequinepeuttoutlire, notamment à l’occasion de déplacements, pour des raisons desécurité.J’aidoncsouhaitéquel’onsélectionneavecsoinlesinformationsqui devaient m’être communiquées. Le coordonnateur jouait ce rôle :synthétiserenunepagecequ’ilyaàsavoirsurunejournée.Iln’estpasbesoin de connaître tous les jours l’activité de tous les services,notammentquandontrouveparailleurscesinformationsdanslapresse.

Enfin,lorsdesdiscussionsaveclesÉtats-Unisoud’autresgrandspays,à l’instar du Royaume-Uni, il est important que nos interlocuteurscomprennentquelediscoursportécorrespondàlavisionduprésidentdela République. On ignore trop souvent le rôle diplomatique ducoordonnateur.

Pourtoutescesraisons,j’estimaisnécessairedemaintenirleCNRàlaprésidence de la République et dans cette configuration. D’ailleurs,lorsqu’Alain Zabulon quittera ses fonctions en juin 2015, certainsenvisageront d’instituer le directeur de cabinet en coordonnateur durenseignement.CeprojetavaitsalogiquemaisexposaitleprésidentdelaRépublique.EmmanuelMacronaainsitentéd’opérerunerecentralisationdu renseignement,mais on s’aperçoit que ce n’est ni possible, nimêmesouhaitableencasd’erreurs,debévues,dedéfautsoudemanquements.Ils’agitd’uneresponsabilitéquipeuts’avérerextrêmementpérilleusesurleplan politique. J’ai donc préféré garder cette distinction d’un conseillern’appartenantpasàl’entourageimmédiatduchefdel’État,d’autantquelecoordonnateurnesurveillepaslesagences,ceneseraitpaslégitimeetiln’enapaslesmoyens.Sonrôleconsisteàveilleràlabonneorganisationde la communauté du renseignement, à permettre une harmonisation,unefluidité,àvérifierlesmoyensdesservices,ànourrirlarelationavecleParlement,à s’assurerde la sécurité juridiquedenosactions,àdisposerdes informationsque lesagencesontpu lui transmettreetàcoordonnerleuractiondanscertainscas,lorsquecelle-cisesituedansunezonegrise,

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qu’elleneconcernenitotalementl’extérieur,nipleinementl’intérieurparexemple.Prenonslecasdesdépartsenzoneirako-syrienne,surplace,lesindividusrelèventdelaDGSEmais,s’ilsreviennentenFrance,leursuiviincombe au service intérieur. Le rôle du coordonnateur est donc des’assurerquelesinformationssurunmêmeindividusoientpartagées,quelesdispositifss’interpénètrent.

Je le répète, il ne s’agit en aucun cas d’un rôle opérationnel, ce quipeut expliquer que, dans la gestion de certaines crises, il puisse ne pasparticiper aux réunions. J’avais toute confiance en lui mais, dans desmomentsopérationnels,iln’avaitpassaplace.Ils’agitdelatraductiondela responsabilité de chacun. De même, lors des conseils de Défenseauxquels ilparticipait,quand jesollicitaisparexempledes informations,jem’adressaisàtroissources:lechefd’état-majordesarmées–quidevaitavoirsespropresinformations–,laDGSEetlaDGSI.Jen’interrogeaispaslecoordonnateurpuisqu’ilm’auraitdonnécequ’ilavaitreçului-mêmedeces services. J’étais très soucieux que l’on mesure bien le rôle ducoordonnateur.

Pouroccuperceposte,ilfallaitunepersonnalitéquineseprennepaspour un directeur d’agence du renseignement mais qui connaisse lesactivitésdurenseignement.AlainZabuloncorrespondaitàceprofiletilaétéparticulièrementprécieuxdanslerôledeCNR,notammentencequ’ilimplique de préparer les textes législatifs ou réglementaires et lesréformes qui relèvent de sa responsabilité en lien avecMatignon ou leministère de l’Intérieur. J’ai souhaité également qu’il réorganise sonéquipe,qu’ils’attachedenouvellescollaborations…etqu’ilentretiennelesmeilleurs rapports possibles avec les deux principaux services. Il aparfaitementremplicettetâche.»

À l’évocation de Pierre Pouëssel, dont la presse avait signalé lacandidature au poste de CNR, l’ancien président de la Républiquecommente:«PierrePouëssel,unpréfettoutàfaitremarquable,occupaitles fonctions de directeur de l’administration à la DGSE. Mais commej’avaisAlainZabulonauprèsdemoi,pourquoiallerchercherquelqu’unde

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laDGSE,choixquiauraitd’ailleursétévécucommeuneprééminencedece service dans un écosystème où les rapports sont déjà suffisammentcompliqués.»

Enjuin2015,AlainZabulonquittesesfonctionsàl’Élyséeaprèsdeuxannées marquées par de nombreuses réformes. Pour le remplacer,François Hollande appelle un diplomate : Didier Le Bret. « Je leconnaissaisen raisonde sagrandeexpérienceà l’étranger. Ilavaitaussilongtemps espéré, en vain, une nomination à l’Institut français. Il étaitprêtàprendrelaresponsabilitédeCNRet jetrouvaisquec’étaitunbonchoix.

Jen’aipassouhaitéopéreruneformed’alternancepréfet/diplomate.IlsetrouvaitqueDidierLeBretmanifestaituneclairevolontépourcepostequi, contrairement à tout ce qu’on peut imaginer, n’est pas un postefacile:ilestchargéd’espérancespourceluiquil’occupemaisdevientvite– et il le faut – un poste administratif du renseignement. Car il estindispensablequ’ilse limiteàcequ’estsafonction. Il fautdoncassumerqu’il n’y aura pas de débordement et Didier Le Bret a parfaitementcomprisquelleétaitsalimite.

Unanplustard,ilaétéaspiréparl’ambitionpolitique.Ilafaitpreuved’une grande correction parce que rien ne l’obligeait à quitter sesfonctions.Mais dès lors que l’information a été révélée, il n’avait pas lapossibilitédedemeurerenposte.Pourluisuccéder,nousavonschoisiunpréfet qui, à son tour, a souhaité améliorer le fonctionnementadministratifetentreprendreunenouvelleréformeducoordonnateur.Ila

pourpartieobtenugaindecause 4mais,pouruneautre,jenesouhaitaispasquel’ons’affranchissedecequejeconsidéraisêtrel’épure.Biensûr,on peut toujours introduire des améliorations mais, sur un sujet aussisensible, il faut que les rôles soient bien déterminés. Le risque majeurréside dans l’interférence, la confusion, le désordre. Je le répète, pourmoi,l’importantconsistaitàbiendélimiterlerôleducoordonnateuretdenepaschoisirunepersonnalitésouhaitantêtredavantagequecequiétaitprévuàceteffet.C’estpourquoiilm’aparutrèsimportantdenommerdes

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préfetsetdesdiplomatesqui savaient le rôleprécisassignéetqui,dansces conditions, ne demeuraient pas forcément longtemps en poste. À ladifférence du DGSE ou du DGSI, le CNR ne doit pas s’installer dans ladurée sur un mode administratif. Il n’existe pas une administrationsupérieuredurenseignement.Ils’agitdupointessentielquiapudécevoirunhommecommeBernardBajoletmaisquin’apaseusurlesautreslesmêmesconséquences.»

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LERENSEIGNEMENTDANSL’ÉLABORATIONDELADÉCISION

Auseindecettecommunautédurenseignementdontlepremiercerclecomptesixservices,seuleslaDGSEetlaDGSIsemblentsesitueraucœurdespréoccupationsduprésidentdelaRépubliqueenraisondelanaturedeleursmissions.FrançoisHollandeexpliquecetétatdefait:«Ilpouvaitm’arriverdeliredesnotesissuesdelaDNREDlorsqu’ellesévoquaientdesactivités liées au terrorisme. Le renseignement militaire constituaitégalementunesourcetrèsprécieusedanslaconduitedesopérations.AuSahelparexemple, lorsde laconstitutiondeprisonniersoud’actionsenvuedeneutraliserdesterroristes.Enrevanche,concernantlaLibyeoulaSyrie, les informations remontaient plutôt par la DGSE. Cela pouvaits’avérer source de frottements entre le chef d’état-major des armées etBernardBajolet,ycomprisencequiconcernelesopérationsspéciales.LesConseilsdedéfensepermettaientdeconstaterunevolontédel’état-majord’assumerdeplus enplusd’opérations spéciales et celle de laDGSEdepoursuivresesactionstoutdemêmetrèsmilitaires.»

InstancequirevientfréquemmentdanslesproposduprésidentdelaRépublique, le Conseil de défense semble avoir occupé une placecardinale dans l’organisation de la posture stratégique, sécuritaire etmilitaire du pays. Jamais un chef de l’État n’avait d’ailleurs réuni aussisouvent ce cénacle : « Au début de mon quinquennat, le Conseil de

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défense se réunissait selon les nécessités. Puis, j’ai considéré qu’il étaitutile de le réunir chaque semaine aussi bien pour suivre les opérationsmilitaires que pour bénéficier régulièrement des comptes rendus de laDGSI sur les risques terroristes, mais également pour instaurer unevéritable communauté de pensée et de doctrine sur les décisions qu’ilfallaitprendre.J’aiestiméqu’ils’agissaitd’untrèsboncadre.LeprésidentMacronapoursuivicettepratique,justeavantleConseildesministres.Ils’agitàlafoisdelabonneforme,dubonformat,duboncalendrieretdelabonnedurée.

Quant au conseil national du renseignement, il pâtit d’uneorganisation assez lourde, d’un caractère très formel. On y adopte lestextes (ils ont été nombreux) précédemment arbitrés – souvent par lePremierministre sur ces questions –, on y évoque les défauts constatésdanstelouteldispositif,l’organisationdelacommunauté,etc.Mais,ilnecorrespondpasàl’instanceoùl’onparleducontenudurenseignement,àunéchelonopérationnel,àladifférenceduConseildedéfense.»

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LARÉFORMEDURENSEIGNEMENT

Parmi les textes de loi examinés en CNR figure la loi du 24 juillet2015, élément fondateur des activités de renseignement et de leurcontrôle. Souhaité par le président de la République dès le conseil du9 juillet 2014, le projet de loi a été officiellement annoncé après lesattentats de janvier 2015 : « Le sujet n’avait pas été évoquépendant lacampagne pour les élections présidentielles parce qu’on ne pensait pasnécessairementutilede transformer lepaysagedu renseignement.Mais,comptetenudutravaildesservices,decequelecoordonnateuravaitlui-mêmemisaujouret,enfin,despropositionsformuléesparlaDélégationparlementaireaurenseignement,uneloinousestapparueindispensable.Nous avons entamé le travail bien avant les attentats. Elle a requisbeaucoupdepréparation.Jean-JacquesUrvoasajouéunrôleimportant,leSénatégalement.Finalement,letexteabénéficiéd’unvotequitraduitunréelconsensus.

Dansceprocessus,lecoordonnateurajouéunrôlenotablecarils’agitd’un des éléments clefs de cette fonction. Il a œuvré en lien avec lesadministrations concernées, sous l’autorité des ministres et du Premierministre, en étroite concertation avec le Parlement. Alain Zabulon s’estbeaucoup investipouraboutiràce texte. Ilyad’ailleurseuunegrandeconvergenceauseindel’appareild’État,tantauniveauadministratifquepolitique:lePremierministredel’époqueétaittrèsallantsurlaquestion,

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leministredel’Intérieurnel’étaitpasmoins,tandisquelaministredelaJusticen’était pas spécialementdemandeuse,dirons-nous.Au seinde laDPR, Jean-JacquesUrvoas et Jean-PierreRaffarin partageaient lamêmeconviction–pasnécessairementavec lesmêmes intentionsdedépartouaveclamêmepropositiond’organisation.

Jen’aid’ailleursjamaiseuàregretterl’accroissementdesprérogativesde la DPR opéré à l’occasion de la loi de programmation militaire du18 décembre 2013. Nous n’avons déploré aucune fuite ou utilisationmalveillante des informations communiquées aux élus. Il était d’ailleurscapital que la délégation dispose de toutes les informations nécessairesafin d’éviter les suspicions et fantasmes dans un domaine où ils sontlégion.»

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L’IMPACTDESRÉVÉLATIONSSNOWDEN

Les inquiétudes pouvaient s’avérer d’autant plus aiguës que lesrévélations d’Edward Snowden, en juin 2013, avaient jeté un certaindiscréditsurlespratiquesderenseignementauseind’unedémocratie.Au-delà de l’émotion médiatique, les réactions ont été politiques :«L’explicationaveclesÉtats-Unis,etavecBarackObamaenl’occurrence,a été relativement sévère. Avec Angela Merkel (espionnée encore plusdirectement et personnellement), nous avons en premier lieu demandéconfirmation de la véracité des accusations, ce qu’il a fait. Puis, nousavonsexigéquecessentimmédiatementcesopérationsàl’égarddeschefsd’État,cequeBarackObamanousaassuré.Etjedoisdirequejen’aipaseud’élémentsm’ayantdémontréqu’àpartirde2013,d’autres tentativesaienteulieu,mêmesionconnaissaitl’existencededispositifs,d’antennes,etc.Maisiln’yapaseuderévélations.Danslecasinverse,ellesauraientrevêtu une gravité particulière puisqu’elles auraient constitué unmanquement à la parole donnée par Barack Obama lui-même. Lessurveillancesderesponsablesadministratifsouéconomiquessesontsansdoute poursuivies mais plus au niveau des chefs d’État. Lors desrévélations, j’ai immédiatementsouhaitéquelecoordonnateurrencontresonhomologueauxÉtats-Unispuisqu’ils’assurequelesengagementsprisparleschefsd’Étatssoientbienrespectés.

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Sansêtreexpertdusujet,jemerendaiscomptequenousétionsentrésdans un autre univers et que la donnée, traitée par des logiciels etl’intelligenceartificielle,permetd’accroître l’efficacitédu renseignement,nonsansrisqueetunenécessairevigilance.LaDGSEdisposaitdemoyenstechniques et humains très conséquents décidés par mon prédécesseur.CelaavaitintroduitundéséquilibreaveclaDCRIquin’avaitpasbénéficiéd’une dotation équivalente et ne bénéficiait pas de la même liberté derecrutement. Par conséquent, en même temps que nous confirmions etaccroissionslesmoyensdelaDGSE,nousavonsentreprisdecréerlaDGSIet de lui conférer de plus amplesmoyens, notamment pour assurer sesrecrutements.»

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SYRIE:LAFRANCEDÉCIDÉEMAISISOLÉE

En dehors de l’affaire Snowden, les services de renseignement ontégalementétéconvoquéssurlascènemédiatiqueàl’occasiondelacrisesyrienne.Pour lapremière fois sous laCinquièmeRépublique,desnotesde renseignement ont été rendues publiques sur décision du pouvoirexécutif : « Lors de la révélation de l’usage d’armes chimiques par lerégimesyrien,unecontroverseapriscorpsconcernantlavéracitédecetusage et de l’auteur incriminé. Il s’avérait capital pournousde livrer ladémonstration que nos informations étaient fiables – elles ont d’ailleursétécorroboréespard’autres.Àmesyeux,il fallaitsansnuldouteledireauxFrançaispournepasreproduirel’épisodedelasecondeguerred’Iraketœuvreràlalégitimitéd’uneintervention.

J’ai donc pris la décision de rendre publiques ces informations. Lerenseignement permet aux autorités politiques de prendre des décisionsmaisaussid’informerlesFrançais.Touteslesinformationsdesservicesderenseignement ne doivent pas nécessairement demeurer secrètes, sansquoilesystèmen’estpassain.»

LequinquennatdeFrançoisHollandeaétéintensémentmarquéparlerenseignement, en raison des attentats terroristes mais également desréformes majeures entreprises avant la survenance de ceux-ci. Dans cecadre,leCNRaprisunepartdéterminante.Pourautant,leposten’apas

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concentré les pouvoirs.Au contraire, FrançoisHollandeamis enœuvreune conception restrictive de cette fonction : celle d’un « responsableadministratifdurenseignement»,quinedirigepaslesservicesets’effaceencasdecrise.Parcebiais,ilaopéréunediscrèteréforme,effectuantunréelrecentrageduCNR.

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TROISIÈMEPARTIE

LARECHERCHED’UNSUPPLÉMENTD’ÂME

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2015-2017

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Le tempsdesgrandes réformesachevé,AlainZabulonquitte leCNRpourlesecteurprivé.L’initiatives’expliqueégalementparlechangementde ses interlocuteurs traditionnels et samarginalisation dans la gestionopérationnelle,notammentcelledescrisesterroristes.Orsondépartfaitànouveau peser un risque sur la structure alors qu’on la croyaitinstitutionnalisée:ledirecteurdecabinetduprésidentdelaRépublique,Thierry Lataste, souhaite assumer la fonction de CNR en plus de sesattributions.Bienque rapidementécarté, ceprojetde réforme témoignedesinterrogationsquipèsentsurleCNRetsonpérimètred’action.

Néanmoins, chaque service de renseignement et chaque ministèrepropose auprésidentHollandeun candidatpouroccuper la fonctiondeconseiller renseignement.En réactionàces luttesd’influence, le chefdel’Étatdécidedene retenir aucundes candidatsproposéspar le sérail etchoisitDidier LeBret, diplomate qu’il connaît personnellement. Ce lien,DidierLeBretval’exploiter,enpremierlieupourrééquilibrerundispositifde renseignement marqué par le poids du DGSE Bernard Bajolet ;désormais, DGSE et CNR se prévalent d’une relation directe avec lePrésident, condition indispensable pour défendre son périmètre d’actionet d’indépendance. Précisément, le nouveau CNR va tirer profit de sarelationavecFrançoisHollandepourjouird’unecertainelibertéd’actiongrâce à laquelle il va chercher un nouveau souffle pour le CNR, denouveauxchampsàinvestir.Laproximitéhebdomadaireavecledirecteurdecabinetluioctroieunecapacitéàpeserfaceauxcabinetsdesministresdetutelledesservicesderenseignement.

LeCNRvadoncs’investirdanslacoopérationinternationale,voireladiplomatie, mais aussi la politique pénale relative au terrorisme, laquestiondel’incarcérationdesdjihadistes,lerenseignementpénitentiaire(ensoutenantl’ambitionduministredelaJusticedesedoterd’unservicede renseignement). De même, comme ses prédécesseurs, il veille à lamutualisation et au partage d’informations qu’impose avec une rigueur

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particulière la lutte contre le terrorisme. Et face aux réticencesd’administrationsmobiliséesdansladéfensedeleurautonomie,lechiffonrougede la créationd’uneagence techniquedu renseignementestalorsagité.

Maisunanaprèssanomination,DidierLeBretquittel’Élyséepourselancer dans la campagne pour les élections législatives au sein de la

9e circonscription des Français de l’étranger (Maghreb et une partie del’Afriquedel’Ouest).Pourluisuccéder,lechoixduPrésidentseportesur

Yann Jounot, membre du corps préfectoral 1. Ses marges de manœuvresontnécessairementréduitesàl’approchedesélectionsprésidentiellesdemai 2017. Pour autant, l’élection d’Emmanuel Macron n’induit aucunquestionnement sur la permanence du CNR. Au contraire, dans lacampagne,lecandidatprometl’adjonctionàlastructured’une task forceconsacréeàlaluttecontreleterrorisme.

De fait, dès le mois de juin, un décret procède à une réformeconséquente du CNR vers plus d’opérationnel, mais également plus deprérogatives. L’acronyme change avec l’ajout de la lutte contre leterrorisme:leCNRdevientCNRLT.L’ensembledessujetsstratégiquesdecesecteurfontleurentréedansletexteréglementaire.Lastructuresurvitdonc à sa deuxième alternance et son élargissement de compétencessembleréglerdesquestionnementsquil’avaienttaraudée.

PourprendrelatêtedelaCNRLT,lechefdel’ÉtatfaitappelaupréfetPierredeBousquetdeFlorian,anciendirecteurdelaDST.Enparallèle,lamajeurepartiedeschefsdeservicederenseignementestrenouvelée.Parconséquent, un écosystème assez inédit prend place. La question deshommesexceptée,leshandicapsprécédentsont-ilsétépourautantlevés?

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CHAPITREVII

DidierLeBretdanslatourmenteterroriste

Lors du Conseil des ministres du 3 juin 2015, Didier Le Bret estnommé coordonnateur national du renseignement. Diplomate passé parMoscou,Vilnius,puisparlesNationsunies,ilœuvreégalementenqualitédechefdemissiondecoopérationàDakar.Iloccupeàpartirde2013lesfonctions de directeur du Centre de crise du ministère des Affairesétrangères,institutionquicoordonnel’actionduGouvernementencasdecriseinternationaleimpliquantdesressortissantsfrançaisouappelantuneréponse humanitaire. Peu de temps après sa désignation commeambassadeuràlagestiondescrisesàl’étranger,ilaccèdeàl’Élyséepourprendre en charge unematière aussi particulière que le renseignement.Après deux préfets, le poste de coordonnateur revient à nouveau à undiplomate.DidierLeBretydéploieune farouchevolontéd’être forcedepropositions, à la fois aiguillon et poil à gratter de la communauté durenseignement.

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LECHOIXDUPRÉSIDENTPOURSUCCÉDERÀALAIN

ZABULON

«Depuisdécembre2012, jedirigeais leCentrede crise, instanceoùj’aieuàgérer,avecmeséquipes,dessujetsquiremontentdirectementauprésident de la République : prises d’otage, décisions de fermetured’ambassade, crashs d’avions ou évacuation de ressortissants, maiségalementcartographiedurisqued’unpaysoud’unerégion.Décréterparexemplequ’unepartieduglobepasseenzone rougeouorange, commenous avons pu le faire avec la côte tunisienne, n’est pas une décisionneutrecarnouscondamnonsalorspendantplusieursmois touteactivitétouristique dans le pays. Nous devons évaluer cette décision et sesconséquencesquipeuventalleràreboursdenotresouhaitinitialsilepaysneparvientpasàsestabiliseretàenrayerladynamiquederecrutementpour les djihadistes. Tout cela s’avère très complexe et éminemmentpolitique. La sensibilité de ces sujets, mais aussi leur accumulation àl’époque où j’occupe ces fonctions, me conduisent donc à échangerrégulièrement avec le président de la République et mon ministre detutelle,LaurentFabius.Notrerelationdeconfiances’estconstruiteainsi,aufildescrises,pendantprèsdetroisansauQuaid’Orsay.Mais jedoisreconnaîtrequelehasardmeconduitégalementàl’Élysée,àl’occasiondudépartd’AlainZabulonquidécidedevoguerversd’autreshorizons.

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LanécessitéderemplacerleCNRenclenchela“machineàprospecter”pour lui trouverunremplaçant.Plusieursprofils sontenvisagés.Chaquemaison, chaque service de renseignement, pousse alors son championpour prendre le poste de CNR. Le chef de l’État ne retient aucune despersonnes proposées. Il ne veut aucun choix qui ne lui soit imposé paraucunedesmaisons.Ilcherchequelqu’unenquiilaconfiance,avecquiilpeuttraiterdesujetssensibles.LePrésidentveutquelqu’undeneutre,quine soit candidat à aucun poste stratégique ou n’ait aucune accointanceparticulièreavecunservicederenseignement.

Ce recrutement a ensuite connu plusieurs étapes. Il m’a falluconvaincrelePrésidentdemonadéquationauposte.Jem’ensuisouvertàluidirectementetlerecrutementformelaprislaformed’untêteàtête.Jene crois pas que le lien politique ait compté même si certains mequalifient d’ambassadeur “de gauche”. François Hollande, avec sagesse,savaits’entourerdepersonnesquin’étaientpasnécessairementencartées.L’idéed’unenécessairealternancedesprofilsaégalementpujouer(entrepréfets, diplomates, professionnels du renseignement). Il pouvait êtreutiledanslescirconstancesprésentesdedisposerd’unepersonnequisoitdavantage tournée vers l’international. Il fallait pour cette fonction unacteurneutre,àunmomentoùlamissionpremièreduCNRrésidaitdanssa capacité à fluidifier la relation entre les services et à permettre unemeilleure adéquation entre les moyens et les missions. Une missionambitieuse,j’enconviens,maisimpérieuse.

Ce contexte a pu jouer en ma faveur d’autant que, même si jen’appartenais pas au sérail du renseignement, j’avais noué un contactétroitaveclesservicesdansmespostesprécédents.J’avaiseunotammentà gérer des dossiers complexes comme les prises d’otage de citoyensfrançais.L’ambassadeurBernardBajoletavaitétélepremierdiplomateàouvrir le bal au poste de CNR, c’était sans doute le moment qu’undiplomatedevienneànouveauCNR!Je leretrouved’ailleursenqualitédedirecteurgénéraldelaDGSE.Or,àcemoment-là,ilexisteunerelationasymétrique au sein du monde du renseignement dans la mesure où

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Bernard Bajolet jouit d’un poids considérable dans l’appareil d’État, enpartiedufaitdesarelationdirecteetpersonnelleavecFrançoisHollande.Cedernierasansdoutedésirérééquilibrerledispositifennommantunepersonne avec qui il entretient également une relation particulière pour

les raisons que vous connaissez 1. En toute honnêteté, j’ai joué de cetterelationdirecteaveclePrésident.

À ce titre, si les précédentsCNR réunissaient leConseil national durenseignementune foisparan, l’instituantengrand-messe, j’aipourmapart fait lepariquenousdevonsaucontrairemultiplier les rendez-vousde façonà cranter les évolutionsnécessaires. J’ai souhaitéainsi jouer lerôle du “notaire”, actant au fil des mois et des réunions les progrès àatteindre.J’assumecerôle,notammentauxyeuxdelaplupartdeschefsdeservice,parcequetoussaventquejevoisfréquemmentlePrésidententêteàtête.»

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JEUXD’ALLIANCESAUCHÂTEAU

«Unefoismanominationactée,jedoisrapidementtrouvermaplacedans la structure élyséenne. Avant mon arrivée, il y a eu une légèrehésitationpoursavoirsileCNRdevaitêtrerattachédirectementàThierryLataste,directeurdecabinetduPrésident,rouagecentraldanslamachined’État.Jeressensd’ailleurslorsdenoséchangesréguliersuneappétenceparticulière pour mes missions. De fait, ce qui aurait pu constituer unobstacledans l’exercicedemesattributionsdevient finalementunatout.Je le rencontre tous les lundismatin seul à seul. Cela s’estmontré trèsutile car nous avons instauré un vrai dialogue et établi une relation deconfiance. Thierry Lataste est curieux et à l’écoute de l’ensemble dessujets,ycomprisceuxrelatifsàl’intelligenceéconomique.Ilestimportantpourmoid’avoirsonoreillecar,danslapréparationdesconseilsrestreintsou du conseil national du renseignement, nous avons des décisions àprendre et à faire respecter par les services en interministériel. Uneautoritépourappuyermadémarches’impose.Jepréparecesconseilsavecmeséquipesetlespatronsdeservices,maiségalementaveclesdirecteursde cabinet des ministères de tutelle pour acter des arbitrages parfoisdouloureux. Or quel meilleur arbitre pour imposer des décisions à desdirecteursdecabinetsur lesquels jen’exerceaucuneautorité?Danscesnégociationsdifficiles,cetteproximitéaveclesdeuxdirecteursdecabinet

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aveclesquelsj’aitravaillé(ThierryLataste,puissonsuccesseurJean-PierreHugues)s’estavéréeêtreunatoutprécieux.

Fortdecetteconfiance,j’adressemesnotesquotidiennesautrio,PR-SG-DirCab. Matignon en reçoit une copie. Le secrétaire général del’Élysée,Jean-PierreJouyet,peutégalement,encasdeblocage,faciliterlatransmission au sein de l’appareil d’État. Sur l’intelligence économique,par exemple, il porte un regard attentif et bienveillant. Mais en raisonde sa charge de travail, du nombre de dossiers à traiter, il ne peutévidemmentpastoutgéreraveclamêmeintensité.

Unautre rouageessentieldoitêtrementionné : le secrétairegénéralde ladéfense et à la sécuriténationale (SGDSN)qui assumeégalementune fonction particulière de coordination et de synthèse au sein del’appareild’État.Jel’aiassociéd’entréedejeuàmadémarche.Ildisposeàmesyeuxd’uneréellelégitimitépours’exprimersurlessujetsdesécurité.Il a ainsi pris part systématiquement aux réunions mensuelles quej’organiseaveclessixchefsdesservicesderenseignementetilenpréparel’ordredu jouravecmoi.Celam’aaidéà consoliderune certainevisioninterministérielle.»

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ANIMERLACOMMUNAUTÉ

DidierLeBretasouhaiténonpasmodifierlepérimètredesonpostemais prendre à bras-le-corps les sujets qui occupent la communauté durenseignement:«Quandj’arriveàl’Élysée,monéquipeestextrêmementréduite. J’ai cinq conseillers – de très bon niveau – pour les domainesjuridique, économique, militaire, intérieur. En elle-même, l’équipe nepermet pas d’envisager une activité opérationnelle. D’ailleurs, j’ai plutôtsouhaitéfaireducoordonnateurunfacilitateurauseindelacommunauté.Jemesuispenchésur lesquestionsquipeuvent réellementaméliorer lavie des services : l’évolution technologique offre-t-elle des rendementscroissants ? Que retenir de la période Nicolas Sarkozy, notammentconcernantlerenseignementterritorial?Quediredelaréflexionsurlescerclesdurenseignement,delafluiditédeséchangesd’informationentreeux?etc.

La composition des premier et deuxième cercles est allée de soi, et

sans difficultémajeure 2. Toutefois, mettre en œuvre l’encadrement desnouvelles techniquesde renseignementà la suitede l’adoptionde la loirenseignement en juillet 2015 a été laborieux. Nous avons par la suitebeaucoup travaillé sur le troisième cercle (renseignement pénitentiairenotamment). Anticiper, pour un CNR, revient parfois à étendre lerenseignement là où il est nécessaire. En effet, après de nombreusesvisites d’établissements aux côtés d’Isabelle Gorce, la directrice de

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l’administration pénitentiaire de l’époque, j’ai acquis la conviction de lanécessitédemoyenssupplémentairespourlaJusticedanscedomaine.La

questiondes détenus radicalisés oudes “revenants 3” devient prégnante.Mêmes’iln’yaàl’époque“que”150profilsàsuivre,cechiffrereprésentedéjà beaucoup pour une administration pénitentiaire peu armée pour yfaireface.Jemesuisemparédudossier,enattendantlegrandsoiroùlaJusticeferaitenfinlaréformepermettantlacréationd’unBureaucentral

du renseignement pénitentiaire (BCRP) 4. Il était urgent de leur donnerrapidementquelquesmoyens.

SilarelationestfluideavecleministèredelaJusticeetlesservicesdudeuxième cercle, j’ai dû organiser ma mission dans un contexte pluscompliquéaveclepremiercercle.Eneffet, j’airapidementfait leconstatqu’ilyavaitUNtrèsgrandservice,laDGSE,quidispose,sijecaricature,detouslesmoyens.Maislamenaceaévoluéetellen’estplusuniquementextérieure. Elle concerne désormais le territoire national et il nousincombed’aiderlaDGSIàaccomplirconvenablementsontravail,c’est-à-dire à trier et cibler le danger. L’enjeu, si je grossis le trait, consiste àpasserde10000personnes suspectes à quelques centaines à suivre carreprésentant une réelle menace pour la sécurité de notre pays. Nousdevonspermettredeconcentrerletravaildenosservices.Pourenarriverlà,lasituationrequiertquetouslesservicescoopèrent,ycomprisTracfin.Une approche globale et interministérielle s’impose. Le moment debasculedelalutteantiterroristearésidédanslamiseenplacedunuméro

vert antiradicalisation à disposition des familles 5. C’est à partir de cemomentquenousavonsvraimentsaisil’étenduedesfilièresterroristesenFrance et fait remonter des informations qui jusque-là nous faisaientcruellementdéfaut.

En interne, l’enjeu consiste à faire coopérer la DGSE et la DGSI.N’appartenantàaucundesdeuxservices, jerespecte lesdeuxmaisonsàégalité. Mon travail implique dès lors d’animer une communauté, deprendredesdécisionsetdesuivreleurbonneexécution.Concrètement,je

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n’ai pas hésité à me rendre partout puisqu’il fallait identifier les faillesorganisationnelles à l’origine des retards de mise en œuvre. Certainesdécisionsontétéimpopulaires,notammentlorsquenousavonsconfiéauministèrede l’Intérieur lepilotageopérationnelquotidiende lastratégiede lutte contre le terrorisme visant le territoire national. Voilà une despremières batailles à mener car les structures administratives onttendance à raisonner en termes de victoires et de défaites.Mais je doisavouer quemes contacts avec laDGSE ont été facilités parma relationantérieureavecBernardBajolet.Eneffet,nousavionsbeaucouptravailléensemblelorsqu’ilassumaitlesfonctionsd’ambassadeuràKaboul.Ils’agitd’une forte personnalité. Lors demaprise de fonctions, j’ai redoutédesdifficultésmais, finalement, je pense que Bernard Bajolet n’a pas eu demotifdeplaintepuisquejeconnaisbiensamaison.Jesuisfavorablementimpressionné par l’évolution technologique et la diversification durecrutementdelaDGSE.Onapprochedel’espritdemobilitéinteragencesquej’essaied’insufflerentantqueCNR.

Jeme suis également beaucoupappuyé sur PatrickCalvar, véritableacteur de la transformation de la DGSI. Son passé de directeur durenseignementàlaDGSEluidonneunebonneconnaissancedesmoyensqui lui font défaut pour assurer ses missions. Cette frustration et samotivation ont constitué des moteurs pour lui permettre de tirer lasonnetted’alarmeetdire:“Jenepeuxpasetnesaispasfaire;jen’aipaslescompétencespouraffronterlamenacecarjen’aipaslesingénieurs,je

n’aipaslelogicielquivabien”…mêmes’ilafiniparletrouver 6.Pour rééquilibrer l’usage des moyens à un moment où la menace

atteint son climax, je m’empare de la question de la mutualisation desmoyens car elle devient plus que jamais un réel enjeu politique.J’encourage ce partage, en m’appuyant sur les dispositions légales quiprévoientuncertainnombrededispositifsetdeconventionsd’échanges.Et jerevêts,commeàmonhabitude, leshabitsdunotairepourrappeleren permanence les objectifs et le calendrier. Il fallait cranter cettemutualisationdesmoyensquineva jamaisdesoi.Plusqu’à laréticence

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delaDGSE, il fautfairefaceà l’entropieadministrative.Eneffet,quandvousaveztouslesmoyens,touteslescompétences,pourquoilespartageravec qui que ce soit ? Pour une administration, comme pour uneentreprise, la survie résidedanssacroissance.Danscetteperspective, laDGSEveutgrossirtoujoursetencore.Àl’inverse,auxÉtats-Unis,silaNSAou la CIA exigent de se substituer aux autres agences, il faut qu’ellesdémontrentqu’ellessontplusefficaces.

De ce fait, le contrepoids doit procéder du politique, seul à mêmed’arbitrer. Par conséquent, nous avons laissé planer sur la DGSE lamenacedelamiseenplaced’uneagencetechnique.Cetteoptionn’estpasqu’hypothétique ! Nous avons écrit sur le sujet, avons instruit desscénarios, etc. Pour être crédible, il faut écrire. Une fois que vous avezécrit, les gens ont peur. Et le Président avait ainsi, en cas de résistancetrop forte, un planB, à savoir la créationd’une seule agence techniquecommuneàtouslesservicesdontl’essentieldesforcesauraitétéconstituéparladirectiontechniquedelaDGSE.Ils’agitd’unemenacerelativementdissuasive,quenousavonslaisséflotterafindecréerduconsensus.

Au demeurant, disposer d’une certaine division des services peuts’avérerrassurantpourlepolitique,notammentenmatièredecontrôle.Àce sujet, je reste convaincu que nous disposons, grâce à Jean-JacquesUrvoas,d’undesdispositifsdecontrôledestechniquesderenseignementles plus robustes, à la fois hiérarchique, juridictionnel, administratif etparlementaire. D’ailleurs, la mise en œuvre de la loi relative aurenseignement a représenté une importante charge de travail pour leCNR.Ilfautêtrevigilant,arbitrer,préciser,carlediablesenichedanslesdétails.Les servicescraignentquenousne freinions leur libertéd’actionaveccetteloietveulentdesgarantiesenéchangedesapromulgation.Ilsfinissent par être les plus désireux de voir leurs activités légalementencadrées.JepensequelaFranceaatteintaujourd’huiunniveauinégalédansl’encadrementetdanslatransparencedel’activitédesesservices.Eneffet,aprèsavoiréchangésurcepointavecmeshomologuesétrangers,jen’observe pas d’organisation équivalente au dispositif français dans le

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monde.Jesalueceuxquiontfaitofficedegarde-fouendéfendantl’Étatdedroitlorsdelarefonteducadrelégaldesactivitésderenseignement.Iln’yapasdedroitàlasécurité,simplementundroitàlasûretéquipermet

deseprémunirdel’arbitraireétatique.Lasécuritédel’habeascorpus 7,ensomme. À ce titre, la transposition, quasiment à l’identique, de l’état

d’urgencedansledroitcommunmesembledéraisonnable 8.C’est pourquoi j’ai toujours jugé nécessaire l’encadrement de la

montéeenpuissancedestechniquesderenseignementetdesalgorithmes.La position centrale du CNR permet de convoquer quiconque dans sonbureauafinderecevoirdesexplicationsàlasource,sansfiltreaucun,surlamiseenœuvredecestechniques.Parailleurs,onpeutsedéplaceroùl’on veut, rendre visite aux techniciens en charge du recueil derenseignementsélectroniques.Enfin,j’aiauprèsdemoidespersonnesdumêmeniveauqueleDTdelaDGSE.

D’unemanièregénérale,j’aiutilisél’ensembledelapalettedesoutilsàladispositionduCNRpouranimerlacommunauté.Jedoissoulignerque

le PNOR ou la Stratégie nationale du renseignement 9 constituent desoutilspertinentscarilsexplicitentlesenjeuxdecettepolitiquepublique.Cette formalisation nous impose de maintenir un cap et donc unestratégie dont le politique doit s’emparer. Au-delà de l’exercice, nousdevons conserver une certaine souplesse pour nous adapter auxévolutions imposées par l’actualité. Et si le contre-terrorisme constituel’unedesprérogativesprépondérantesdemonposte,lerôleduCNRneselimitepasàcela.J’aiainsiproposédesmesuresenmatièred’intelligenceéconomiqueetde contre-espionnage,des sujetsportésparun conseillerdédié. J’ai ainsi tracéma feuille de route sur ces sujets. Je propose, lePrésidentacquiesceourefuse.

J’ai en outre recouru à l’Inspection des services de renseignement(ISR)puisquelaplanificationdescontrôlesm’incombait.Ilfautl’instituerenoutildecontrôleinterne,d’audit,d’aideàlaprisededécisionduCNR,maiségalementenmoyend’aideàl’identificationdesdysfonctionnements

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grâce à son regard extérieur. Il s’agit d’un levier important pour mafonction.

De plus, j’ai beaucoup cru en l’Académie du renseignement quireprésenteunmoyenimportantpourconstruire,àterme,uneculturedurenseignement commune aux services. L’Académie doit permettre departagerentreagentstropsouventenfermésdansleursbunkers.Elledoitpar ailleurs favoriser la mobilité entre tous les services. Le partageconstituesansdoutel’unedemesobsessions,peut-êtreaussimamarquedefabrique!J’aiainsifaitleparidel’hybridation,delamutualisationetdu détachement. Je pense que tous les agents doivent être mobiles,particulièrementauniveaudessous-directeurs,échelonclédanstouscesservices.L’agentquiréalisetoutesacarrièredanslemêmeserviceest,àn’en pas douter, très performant dans son métier, mais il ne peut paspenserlerenseignementdanssaglobalité:vousnepouvezpasdemanderàunagentdelaDGSEquin’ajamaispratiquélerenseignementfinancierd’accepterl’idéequ’ilfailledonnerdesmoyensàTracfin,carilpeutnepasêtre convaincu du caractère redoutablement efficace de l’arme durenseignement économique dans la lutte contre le terrorisme. Si l’agentn’ajamaisétéimpliquédanscettematièreparticulière,notammentgrâceà la mobilité, il peut penser que l’efficacité ne se juge qu’à l’aune del’infiltration de l’ennemi. Pour cet agent monoculturel, atteindre sonobjectif supposealorsuniquementd’aller auplusprèsde sa cible.Cetteculture administrative explique parfois les positions tranchées desservices.Ilfautdoncencouragerlechangement.

Je dois cependant avouer une frustration dans le domaine del’“interagences”, car j’aurais voulu conférer un rôle plus important àl’Académiedurenseignement,maiscelaaététrèscompliqué.J’aiessayé

debâtirmonaction sur le rapportMichel 10 de2014pour lancer cequiaurait pu représenter une réelle manœuvre “RH”. Nous avons tentéd’initiercetterévolutiondesressourceshumainesennommantunancienamiralpourpilotercetteaction–envain.»

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LESARCANESDELADIPLOMATIEDURENSEIGNEMENT

« J’ai assez vite compris qu’outre ma mission de coordination desservices,jedoisjouerlerôleàlafoisdepoissonpiloteetdevoiture-balaipour être “utile” au président de la République. Dans cette perspective,avant un voyage présidentiel, parfois après, je me rends dans le paysconcerné pour évaluer jusqu’où la France peut agir, en recueillant lavisiondesservicesétrangers.

Carl’aspectdiplomatiquedelafonctiondeCNRpeutêtrecentral.Àcetitre,enunanetdemiaupostedeCNR,jemerendsdanspresquetouslespaysquicomptentdanslaluttecontreleterrorisme:enIran,enRussie,enArabieSaoudite,auxÉtats-UnisetmêmeenAustralie(trèsinstructifet

intéressant car au moment des négociations finales avec DCNS 11). Jereçois également lesprincipaux services étrangers.À cette époque,nousdevons nous assurer d’un certain nombre de points, sur la scènediplomatique,concernantlasécuritédelaFrance.Enparticulier,jevisitepratiquement toutes les capitales impliquées dans la crise syrienne :Moscou, Téhéran, Washington plusieurs fois, Londres, etc. Et lorsqueVladimir Poutine entre dans la danse auprès d’el-Assad de façondéterminéeetmilitaire,nousdevonssavoirdequelespacenousdisposonspourdialogueravecluipuisqu’ilsembleouvertàcetteoptionetfaitmêmedesavances.JeproposedeleprendreaumotetmerendsenRussiepourouvrir la porte à des échanges plus nourris. Voyons jusqu’où les Russes

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sontdisposésàaller.J’yvaisenpremier,lesservicesm’emboîterontlepassi cela s’avère fructueux.Nousavons identifiédespoints très concrets àaborder. Je ne rencontre pas les services de renseignement mais le

secrétaire Patrouchev 12. J’ai toujours refusé d’interférer dans la relationdirecte entre les agences afin de garder la confiance de nos services derenseignement.Ilyacependantdespaysoùiln’existepasd’instancede

coordination. C’est le cas en Israël où le patron du Mossad 13 n’hésiteguèreàm’appelerouàvenirmevoir;maisj’associesystématiquementlesdirecteurs des services concernés. Il est hors de question pour moi, aumotif de gagner la confiance du politique, de détruire la relation deconfianceavec les services. Il s’agitd’unéquilibreà trouverpournepasaffaiblir l’ensemble de l’édifice sur lequel repose le monde durenseignement. Et en définitive, pour le président de la République,l’essentielestbienqueleCNRsoitd’abordetavanttoutunfacilitateurquimettedel’huiledanslesrouages,plutôtqu’unfauteurdetrouble!

J’ai rapidement constaté qu’il n’existe aucune coordinationeuropéenne entre nos services. Après avoir évoqué la question avec lesministres concernés et le président de la République, j’entreprends deréunir un groupe de coordinateurs du renseignement, même si peu depays disposent d’une telle fonction. Je rassemble sur un ou deux jours,treize ou quatorze partenaires partageant librement et sans filtre leurévaluationdelamenace.Entrepayspartenaires,nousconvergeonsquantà la nécessité de partage d’information au sein d’une instance decoordination dépassant nos frontières afin de réduire les trous de laraquette européenne. Nous instaurons donc un dialogue avec ces paysconcernés par le contre-terrorisme, avec pour objectif de faciliter leséchanges et de permettre une coordination efficace entre nous dans lamesureoùcettemenacenerespecteguèrelesfrontières.

J’effectue alors quelques déplacements chez nos voisins européensdans le cadre de ce “Club de Paris” que je viens d’initier. Nous nesouhaitonspasimposer,parceclub,notremodèledecoordinationpourlegénéraliser aux pays européens. Chaque pays organise ses services en

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fonction de son histoire. Ce club constitue surtout un autre outil pourmettre en œuvre une conception commune de la diplomatie durenseignement. Nous prenons donc les rênes avec les Allemands pourfaire en sorte que chaque pays qui compte dans la lutte contre leterrorisme envisage de créer une structure de coordination afin defluidifierleséchangesauseinduclub.Ilfautdisposerd’uneported’entréeuniqueparpayssurlaquestionducontre-terrorismeetceclubapermisdemettreenplacedesrelaisauseindechaqueappareild’Étatdespayspartenaires.Nousdécidons égalementde rendrepublique cette instancedans une démarche de réassurance et de résilience, même si lescommuniquésdepressesontsansdouteunpeusibyllins.

Ce club est fort utile pour œuvrer, là encore, en voiture-balai et,parfois même, en instance de service après-vente du travail réalisé parBernardCazeneuvequiabesoindeplusdecoopérationdanslarudetâcheincombantàsesservices.Carforceestdeconstaterquepersonnenejoueréellementlejeudel’échangeetdupartageentreEuropéens.Nousavonsen particulier conscience de la défaillance du dispositif frontalier et del’indispensable maîtrise des frontières là où le danger l’impose,notamment au travers des fichiers de sécurité européenne comme lePassager Name Record (PNR) ou le Système d’information Schengen(SIS)etleursdéclinaisonsnationales.Nousmobilisonsalorslesstructureseuropéennes existantes afin de bénéficier d’un effet de levier. Nousmettonsnotammentenavantlecoordinateurdel’Unioneuropéennepour

la lutte contre le terrorisme 14, Gilles de Kerchove 15. Je valorise cetteinstitutionenl’invitantàchacunedestroisréunionsdu“ClubdeParis”(lapremière a eu lieu à Paris, une deuxième avec les Allemands et unedernière avec les Italiens). Lors de chacune de ces réunions, lecoordinateur européen expose sa liste de doléances et de propositionsd’amélioration à partager avec les paysmembres. Dans un jeu subtil etcomplémentaire, nous avons recours à plusieurs reprises au principe du

name and shame 16, soulignant les retards pris par tel ou tel pays dansl’exécutiondesdécisionsprisesauniveaueuropéen.Lesmessagespassent

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donc sans filtre : “Nous comprenonsvotreposition, cependantpourquoineversez-vousaucunedonnéepourfaciliterlamiseenplaceeffectivedesfichiers européens ? Investissez là où vous pouvez être utile à la luttecontreleterrorisme.”

Au-delàdelaréticencedecertainspayspartenaires,j’aidûfairefaceàbeaucoup de résistances en interne. Pour nos détracteurs, nous n’avonsaucuneutilitéàinvestirdansuntelclubàl’échelleeuropéenne.Leniveaustratégique et multilatéral de cette assemblée ne leur semble guèrepertinent pour asseoir notre coopération. Les services objectent que lacoopérationsedéroulebienmieuxquandellesetrouveloindupolitique:“Il suffisait d’une relation directe et étroite entre services qui seconnaissentbienettravaillentensembledelonguedate!PourquoimettreKerchovedanslaboucle?”Iladoncfallumanœuvreravecdéterminationfaceàdepuissantsventscontraires!

Mais lesservicesontdûserendreà l’évidenceetreconnaître l’utilitédepartagerundiagnosticcommunsurlamenace.Ceclubs’estfinalementimposé.LesPolonais,quel’onnepeutaccuserdepro-européanismebéat,

jouentlejeucarilspréparentlesJMJ 17etredoutentunacteterroriste.Ilssontdoncdisponiblespourentendrenosdemandeset recommandationssur le partage d’informations sensibles. Ce club représente aussi unvecteur discret mais indispensable de diffusion d’un certain niveau deculturedepréventionetderenseignementauseindel’Unioneuropéenne.

L’instance a connu un certain succès mais la culture des servicespourrait avoir raison de sa pérennité. Les services semontrent toujoursréticents,parfoispourdebonnesraisons,aupartageetàlacoordination,

préférant les échanges bilatéraux, la règle du tiers 18, etc., habitudesindispensables et immuables qui participent du bon fonctionnementdusystème.Demonpointdevue,cetteétanchéitéconstitueaucontraireun frein à notre efficacité, elle ne doit en aucun cas être la règle enmatièredecontre-terrorisme,àladifférenced’autresdomainestelsquelacontre-ingérence ou le contre-espionnage, pour lesquels il estindispensable de ségréger. Le contre-terrorisme suppose de la fluidité

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pourpouvoiragirentempsréel.Siunservicegardeuneinformationpar-deverslui,ildoitavoirdebonnesraisonscar,siquelqu’uns’aperçoit,troismoisplustard,qu’unacteuraconservéuneinformationuniquementparmauvais réflexe et que cettemauvaise habitude a eu des conséquencesgraves sur la sécurité de la France… Il faudra alors en assumer laresponsabilité.»

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LECHOCDENOVEMBRE2015

« La mission du CNR n’est pas directement opérationnelle, elle neconsistepasàtravaillerà laplacedesservices.Leministredel’IntérieurassureunpilotagedirecttandisqueleministredelaJustice,leprocureurdelaRépublique, leministrede laDéfense jouentchacunleurpartition.Jeneme trouvepas au cœurdudispositif et n’en éprouveni besoinnifrustration. Ce fut le cas durant mes trois années comme directeur ducentredecriseauQuaid’Orsay.Dèscetteépoqued’ailleurs,nousavionstravailléavecledocteurChristopheSchmitàlapréfigurationdelacelluleinterministérielled’aideauxvictimes.Elleaétéactivéepour lapremièrefoisau lendemaindesattentatsdu13novembreetc’estmonsuccesseurquiamisenplacelacellulederelationsaveclesfamilles.

Chacundenoussesouvientdulieuoùilsetrouvaitlorsqu’ilaapprislesattentatsdenovembre2015.Pourmapart,j’apprendslanouvelleàlaradio,alorsquejeviensd’arriveràBordeauxpourdonneruneconférenceàdesétudiants.JereparsdoncprécipitammentpourParis.Maiscelapsdetemps m’empêche de participer à la première séquence de réactionprésidentielle qui débute dans les heures qui suivent les attentats. Eneffet, le Président prononce une allocution vers 23 heures 30 puisconvoqueunConseildesministrespourentérinerl’étatd’urgence.

Mon implication durant la crise est différente : je participe auxréunions en conseil restreint et j’essaie de contribuer utilement à

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l’établissement d’un diagnostic à chaud qui permette d’identifier lesfuturesmesuresàprendremaisaussicequenousdevrionsnousinterdirede faire ! De fait, quand les services gèrent la crise, le CNR préparel’après-crise. Dans cet esprit, j’ai très vite proposé une série derecommandations pour presser ce qui est en gestation au seinde l’État,notammentdanslamiseenœuvredelaloirenseignementdejuillet2015.Quefaut-ilaccélérersansconduireà l’implosiondusystème?Commentpeut-on exploiter au mieux les dispositions législatives existantes, sansquel’appareild’Étatnemultiplielespropositionspouvantempiétersurleslibertés individuelles ? Le “tout-sécuritaire” ne constitue pas la bonneréponse face au terrorisme. Prenons l’exemple de l’évaluation de laperformance des mesures phares de l’état d’urgence, à savoirl’assignementàrésidence,lesperquisitionsdomiciliairesetlesfermeturesadministratives : nous avons obtenu des résultats probants au début del’état d’urgence mais, dès la fin du mois de décembre, les services derenseignementn’obtiennentguèreplusd’élémentsexploitablespouragiravant le passage à l’acte. Autre exemple : le dispositif Vigipirate ; ces

mesures, comme Sentinelle d’ailleurs 19, ont avant tout une fonction deréassurance psychologique. Mais si nous voulons être sérieux, je pensequ’il faut avoir le courage d’expliquer la vérité aux Français. Certes, lepouvoir politique peut mettre dans la main d’un seul homme tous lespouvoirsetl’escaladeauraitpuainsinousconduireàallerjusqu’àdéclarerl’état de guerre, ou pourquoi pas à donner les pleins pouvoirs auPrésident. Il n’y a aucune raison que la surenchère s’arrête si nousconsidérons qu’il faut toujours plus de mesures pour rassurer lapopulation et garantir sa sécurité.Mais soyons réalistes, cela n’a aucunsens ; il existe des actions bien plus simples et basiques à mettre enœuvre,etàmonavisplusutiles.

LaFranceentrealorsdansunepériodedélicatequinous imposeuneffortde longuehaleine,d’unpointdevuemilitaireetdiplomatiqueEneffet,ilincombeaupaysdes’attaqueraufoyermêmedel’incendie,c’est-à-direenagissantinsitu,enSyrie.Parallèlement,pourdémultipliernotre

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action,nousdevonsagirsurnotreprésencesurlesréseauxsociauxoulesmédiasplusclassiques,faireœuvredecommunicationactiveetvolontairepour lutter contre la propagande djihadiste. Identifier à temps lesprémissesde la radicalisation,de ladéfiancenécessite surtoutd’épaulerl’échelon préfectoral. Or, depuis le CNR, j’ai constaté que certainesressources ont été sous-estimées dans la lutte contre le terrorisme,àl’imagedel’organisationadministrativeautourdespréfets,pourtanttrèsutilefaceauxdépartsdejeunespartisfaireledjihad.Car,encedomaine,lesservicesderenseignementsontunacteurparmid’autres,auxcôtésdesservices sociaux, psychiatriques, d’aide à l’enfance, etc. Dans cette

perspective,j’aitravailléaveclepréfetPierreN’Gahane 20quidirigealorsle Comité interministériel de prévention de la délinquance et de la

radicalisation(CPIDR) 21.De même, la coopération entre l’ordre judiciaire et les services fait

partiedecessujetsencoretabousetinexplorés.S’ils’avèreindispensabled’appliquer un strict respect de l’État de droit, nous savons le caractèreimpérieux d’un certain niveau de coopération entre renseignementadministratif etmonde judiciaire. Cependant, aumoment des attentats,j’ailesentimentquelapuissancepubliquen’optimisepascequel’Étatdedroitpermetpourl’exploitationdesdonnéesderenseignementrecueilliesdans le cadre judiciaire. Honnêtement, la frontière n’est pas évidente à

établir. Cependant, sous l’impulsion de François Molins 22, des progrèsimportants ont été réalisés, notamment en criminalisant les activités de

terrorisme jusqu’alors simplement délictuelles 23. J’ai entretenu des liensréguliers avec le procureur Molins. Il faut alors relever deux défismajeurs :d’abordprononcerdespeinesplusduresetplus longuescar ilest difficile d’accepter des peines inférieures à cinq ans pour un crimeterroriste,avecdesremisesdepeinepermettantdesortirdedétentionau

boutdedeuxans 24.Unerévisiondelapolitiquepénales’imposedanscedomaine. Le second défi : comment faire émerger l’idée d’un parquetspécialisé dans le terrorisme ? J’ai par la suite constaté l’efficacité avec

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laquelleleparquettravailled’oresetdéjàsurlesujet;mapositionadoncévoluésurlecaractèreindispensabledurecoursàunorganespécialisé.Cedébat aura néanmoins permis d’accroître les moyens accordés auxmagistratsantiterroristes.

Toutescesréflexionssoulignentlefaitquelaréponsedel’Étatnepeutse résumer à la seule hausse de moyens accordés aux services derenseignement. Il me paraît même dangereux d’expliquer aux Françaisqu’une foisdotésdemoyensadditionnels, les servicesde renseignementvont, comme par magie, désamorcer toutes les menaces. Nous devonsnous inscriredansun tempsbeaucoupplus longetaiderà identifier lesdonnées utiles aux agents des services de renseignement dans leurprédictiondupassageàl’acte.Letempsétantcompté,ilnousfautmieuxappréhender les lacunes techniques de nos services pour proposer desmoyens additionnels réellement efficaces. Le rôle du CNR consiste às’investirpersonnellementdansceretourd’expérienceconcret,sanspourautant interférer avec les organisations internes au ministère del’Intérieur, notamment l’État-major opérationnel de prévention du

terrorisme(EMOPT) 25etl’UCLAT.

Après l’attentat du 14 juillet 2016 26, lorsque la commission

parlementaire 27 s’empare du sujet et que débutent les auditions, nouspercevonsrapidementlesensdespremièresconclusions.Àcemoment-là,Bernard Cazeneuve et moi n’avons pas de divergence de vue dans lamesureoùnoussavonscequiaétéfaitréellementenamontdesfestivitésde Nice. Il apparaît toutefois assez difficile d’opposer à la commissionparlementaire une simple fin de non-recevoir. Il semble nécessaired’ouvrir le dialogue avec le Parlement dont cette commission estl’émanation. Même si la charge est très politique, il paraît possible deprendre en considération plusieurs recommandations et, au fond, cettecommissionparticipedutravailderésiliencede lanation,essentieldanscettepériodeparticulièrementdifficile.Préfets,maires,chercheurs,touteslescontributionssontlesbienvenuesetcettemobilisationgénéraleréduit

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lerisqued’unegesticulationinutile.NulbesoindepromettrelaluneauxFrançais en expliquant que l’assignation à résidence constitue la seuleréponseàlapréventionaupassageàl’acte.

Cette conviction m’a conduit à tisser des relations étroites avec leParlement.J’yairencontrédesgenssérieux,compétents,investisdanslesujet.Jen’aijamaiseul’impressionquedialogueraveceuxprésentaitunquelconque danger, bien que la relation avec les services soit parfoiscompliquéeàgérer.»

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NEPASDÉSARMERSURLEFRONTDEL’ANTICIPATION

«Aprèslesattentats,ilnousincombed’agiravecdenouveauxacteurset, enpriorité, avec ceuxquine sontpasdirectement impliquésdans lamatière du renseignement. Je souhaite ouvrir le spectre de la réflexion,parfoistropconsanguine,notammentaumondeacadémique.Lafonctionde CNR permet une grande liberté, il faut pouvoir effectuer un pas decôté,anticiper,casserlessilosetnulnepouvaitm’interdirededialogueravecAlainFuchs,ledirecteurduCNRS.Jel’interrogepourdéterminerleséléments utiles à la communauté ; la contribution des chercheurs peutêtre déterminante pour comprendre la complexité d’un sujet mêlantsociologie, science politique ou démographie. Cette liberté m’oblige enretouraupartagedel’informationrecueillieauseindelacommunauté.

Au-delà de cette démarche, je reste persuadé qu’en matièred’innovationetdeprospective,ilseraitjudicieuxdepasserunaccordavecdes think tanksdont c’est lemétier. En effet, il s’avèredifficile pourunopérationnelquifaitfaceàdenombreusescontraintesquotidiennesdeseprojeterpourimaginersonmétieràunhorizon2050.Commentpenser,àl’aunedenotreactualité,nosrelationsaveclaRussie,laChine,lesÉtats-Unis, dans trente ans ? Cela relève de la science-fiction ! Commentdemanderdepenserl’Iranen2050?Actuellement,quipenselaluttequis’organiserapeut-êtredemaindansuntriangleopposantleshumains,lescyborgs et les robots ? Si nous poussons la logique de l’intelligence

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artificielle et de la transhumanité, les prochains vrais grands conflits neseront-ils pas de facto hybrides dans un combat homme-machine ? Les changements vont trop vite pour l’horizon forcémentconservateurd’unservicederenseignement.Enoutre,àquelmomentunagent est-il mis en situation d’inventer des concepts qui n’existent pasencore ? Pour anticiper, il faut s’éloigner de la routine quotidienne.Aujourd’hui,ceparcoursn’estpasencouragéetencoremoinsvalorisé.Unservice de renseignement procède par addition d’informations,transformées en connaissance et en renseignement au sein d’unemémoire, fruit des analyses passées qui seront confrontées à la réalité.Celaexpliquequ’aucunagentnepeutontologiquementseplacerdansunelogiquederupture.C’estpourquoiilestpréférabledetravailleravecdeschercheurs maîtrisant très bien un sujet ou tellement étrangers qu’ilspeuvent spéculer librement. Nous devrions avoir confiance dansl’intelligence d’un acteur dont le métier est de penser l’impensable. LaCNR peut donc pousser les barrières et s’adresser directement à desphilosophes,parexemple,pourbénéficierdepropositionshorscadre,aurisquesinondedisposerd’uncontenutièdeetinfinepeuutile.L’Agencefrançaise de développement a acquis ses lettres de noblesse par sacapacité à penser le développement économique non pas uniquementgrâce à des ressources internes mais bien parce qu’elle a financé unechaire au Collège de France. Ces démarches réflexives sont essentiellespour anticiper la prochaine menace, détecter la prochaine faille, laprochainerupture.

Il faut en revanche faire “phosphorer” les servicesde renseignementsur leurmétierdansdeshorizonsmoins lointains,commelepermetparexemplelecyber.Maislepolitiquedoitleurfixerdespriorités.Commel’aétabli le Livre blanc, le renseignement correspond à une fonction deconnaissance et d’anticipation. Cette dernière mission, quand il s’agitd’anticiperlesdéfissécuritairesdedemain,doitêtrenourriederéflexionspluslarges.Àcetégard,laDGSEaeuunericheidéeencréantsonthinktankInteraxions.Lerenseignementabesoinde“jusdecrâne”.Accaparé

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égalementparlagestionquotidienne,maisaussiparcequelafonctiondeCNRestenfaitunpeuloindecettematièreréflexive,jedoisreconnaîtrequeletempsm’afaitdéfautpourconduirecetteréforme.»

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LERENSEIGNEMENTETLEPRÉSIDENT

«L’intérêtdu renseignementpour le chefde l’État varie en fonctiondespersonnes.CharlesdeGaulleaffichaitunegrandeméfiance:l’affaire

BenBarka 28avaitmisenlumièreuncertainlaisser-allerdesservicesdansl’interprétation des injonctions politiques. Il fallait dès lors les brider.FrançoisMitterrand témoignait d’une nonmoins grande circonspection.Celaincarne,ensomme,lerefletdelamentalitéfrançaise,partagéeentreméfianceenvers labarbouzerieetvolontédecontrôlercette force.Àcetégard,FrançoisHollandenesedistinguepasdesautresprésidents.Ilsuitlejeu,attentifàcesquestions.Nousrédigeonstouslessoirsunpetitbriefdontj’aitoujoursrefuséqu’ilporteexclusivementsurlecontre-terrorisme.Touslesaspectsdurenseignementysontabordés,afind’élargirlavisionduchefdel’État.Jecrainseneffetquelecontre-terrorismenevampiriseles forces vives de nos services alors qu’en réalité la drogue, leblanchiment, la prostitution, la contrefaçon et l’espionnage industrielgénèrent autant, si ce n’est plus, de dégâts dans nos sociétés. Leterrorismeislamistecorrespondàunmomentdenotrehistoire,enpartielié aux événements au Moyen-Orient, mais également à l’émergenced’InternetetàladégradationdutissusocialenFrance.C’estpourquoiilne faut pas perdre de vue les autres menaces pesant sur la France.J’espèred’ailleursquelatransformationduCNRenCNRLTnetraduitpasunefocalisationunpeuaveuglesurlecontre-terrorisme.

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Pourassumersesfonctions,leCNRdoitêtreprocheduPrésidentmaisaussivalorisédans lahiérarchieélyséenne.Jebénéficiedecettechance.Toutefois,ils’agitd’unphénomèneoptiquecarjeneparticipepasàlaviedu cabinet. Mais j’estime que, en raison de la culture française del’exercice du pouvoir, un lien direct avec le président de la Républiquedoitêtreétabli,carleCNRcorrespondavanttoutàunefonctionpolitique.Au-delàdecetteproximité,peudelevierssontenréalitéentresesmains,notammentpourl’instituerenvéritablecourroiedetransmission.Ilenvaainsidelamachinegouvernementalefrançaise.

Les sujets lourds que traite le renseignement, notamment lapréservationdenotrepatrimoinescientifiqueet technique, justifientquele CNR reste à l’Élysée. Mais il conviendrait peut-être, à l’avenir, deréfléchiràunestructuresurlemodèledusecrétairegénéraldesAffaireseuropéennes qui a un temps appartenu au cabinet du président de la

République tout en relevant organiquement de Matignon 29. Ce lien luipermettraitd’avoirlamainsurlesarbitragesbudgétaires.

Si l’onexamine le casduDNI,onnoted’importantesdifférences : ilbriefe le Président tous les matins alors que je ne vois pas FrançoisHollande quotidiennement, même si je bénéficie d’une possibilitéd’entretienmensuel.PourleDNI,larelationauPrésidentpermetd’asseoirdéfinitivementlepoidsd’unestructuredecoordination.VoirlePrésidenttouslesmatins,seulàseul,répondreàsesquestions,créenécessairementune relation particulière dont les autres parties prenantes ne peuventqu’être témoins. Cette relation ne suffit bien évidemment pas. Il faut yadjoindre une équipe avec desmoyens nécessaires pour organiser cettecoordination.Le troisième levier résidedans lecontrôledesbudgets : leDNIdisposed’unecapacitéd’arbitragesbudgétaires.

Sijedoismecompareràcetriptyque: jebénéficied’unerelationdeconfianceaveclePrésident;jedisposed’unepetiteéquipeconstituéedepersonnestrèsperformantesmaispasasseznombreuses;maissurtout,jen’exerceaucuncontrôlesurlesbudgets,àl’exceptiondesfondsspéciaux.Or,ceux-cinereprésententriendeplusqu’unsymbole.Ils’agitdemoyens

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financiersquipermettentderéalisercertainsprojetsmineurs,maisparfoisstratégiques.

Ilyaenfaitunquatrièmeaspectconditionnantlepoidsd’unCNR:lalongévitéenposte,d’autantqu’ilestrarequ’unCNRsurviveauxpatronsd’agencederenseignement.Vouspesezplussivousprécédezl’installationd’un directeur de service de renseignement. La volatilité dans cettefonction est problématique, à l’instar de toutes les fonctions clés dansl’État.»

Conscientdujeucontraintdanslequelildoits’insérer,DidierLeBretcapitalisesursaproximitéavecFrançoisHollandemêmes’ilnebousculepas les règles établies avant lui. Il emploie son énergie à explorer denouvelles voies (diplomatie, politique pénale, prospective, etc.), àdéborderlesconservatismes,auprofitdesservices.Ilinvestitdeschampsdélaissésouoccultés.Àl’imagedecertainesstratégiesentrepreneuriales,lecoordonnateurmisesur ladiversificationdesactivitéspourassurersapérennité.

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CHAPITREVIII

NouveaumondeetvieillesmenacesPierredeBousquetdeFlorian

etlaCNRLT

DèssonélectionàlaprésidencedelaRépublique,EmmanuelMacronouvre le chantierde la coordinationdu renseignement, conformémentà

sesengagementsdecampagne.Iladopteunnouveaudécret 1remplaçantle CNR par un coordonnateur national du renseignement et de la luttecontre le terrorisme (CNRLT). À sa tête, il désigne le préfet Pierre deBousquet de Florian qui, dix ans après avoir dirigé la Direction de lasurveillance du territoire (DST), marque son retour dans le monde durenseignement:«Jen’avaisenaucunefaçonmanifestéd’intérêtpour leposteetn’avaispasprispartauxréflexionsconcernantlaréformeduCNRpendant la campagne présidentielle. Je n’ai pas non plus participé à larédaction du décret constitutif de la CNRLT. Sur la base des réflexionsprécitées,cetravailaétélefaitdescollaborateursdirectsduprésidentdela République, au premier rang desquels son directeur de cabinet. En

2017, je dirigeais une entreprise publique, CIVIPOL 2, et pensais que ceserait pour des années encore. J’ai donc été surpris quand le présidentMacrona fait appelàmoipar l’intermédiairedePatrickStrzoda,que je

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connais depuis longtemps puisqu’il est un vieux compagnon du corpspréfectoral.

Même si le président de la République serait mieux placé que moipourexpliquerlesraisonsdesonchoix,jeprésumequeplusieursfacteursontdûjouer:monexpériencedepréfetterritorial,plusdecinqansàladirectiond’ungrand servicede renseignement (laDSTen l’occurrence),plusieurs passages en cabinet et en entreprise et, peut-être, la grandelibertéquemeconfèremonavancementdanslacarrière.

La direction d’un grand service tel que la DST constitue uneexpérienceunique.Ellemeconfèreenqualitédecoordonnateurnationalune certaine légitimité vis-à-vis demes pairs ; elleme permet aussi decomprendrelesdifficultésetleslimitesdutravaildesservices,mêmesileparadigme du renseignement, notamment en ce qui concerne leterrorisme, a beaucoup évolué depuis une décennie. À l’époque où jedirigeais ce service,nosadversaires faisaientdéjàmontred’uneextrêmedétermination et agissaient selon des schémas proches de ce terrorismeendogène;nousavionsdéjàidentifiédesjeunesgenstrèsradicalisés,desdépartsviadesfilières,lerôledelaprisoncommeincubateur,etc.,maislanouvelledimensionquantitativefaitévidemmentévoluerl’approcheetlaréponse.

Enfin, cette expériencemepermet de porter un regard différent surmesfonctionsdecoordonnateurcar jesaisd’expériencequeleschefsdeservice ont certes l’habitude de se coordonner entre eux,mais dans leslimites qu’ils se donnent. Bien sûr, quand on dirige un service, onsouhaiterait que les autrespartagentplus avec vous sans être soi-mêmenaturellement enclin à donner autant que les autres le souhaiteraient.Cette propension n’est sans doute pas propre aux services derenseignement;cependant,enmatièredeluttecontreleterrorisme,elledevientassezrapidementreprochable.»

Interrogé sur la nouvelle configuration de la communauté durenseignementauseinde laquelleaucundirecteurdeservicen’ade lienpersonnel avec le président de la République qui viendrait déborder le

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coordonnateur, Pierre de Bousquet de Florian analyse : « Il est certainqu’une relation trop personnelle entre un Président et un directeur deservicederenseignementnefacilitepaslerôleducoordonnateur,commel’exemple de certains de mes prédécesseurs l’illustre. Ce n’est plus lacomplicationactuelle.J’ajoutequedeuxélémentsserventgrandement lacoordination et le coordonnateur aujourd’hui : d’abord un intérêtconsidérable du chef de l’État pour nos sujets qu’il reconnaîtvéritablementstratégiques;ensuiteunsoutienentieràunestructurequ’ila souhaitée et portée. Il s’avérerait paradoxal d’avoir créé une tellestructureetdelalaisserparasiter.

Sansm’adresserformellementunelettredemissionécrite–ledécretconstitutif de la CNRLT remplit cette fonction –, le président de laRépubliquem’aen revanchedélivrédèsmanominationdes instructionsclaires, qu’un contact très régulier permet d’actualiser. En effet, je lerencontreaminimachaquesemaineauConseildedéfenseetdesécurité.En outre, je l’accompagne à l’étranger lorsque les questions derenseignement figurent à l’ordre du jour d’un de ses déplacementsofficiels.J’aiégalementdesentretiensaveclui.Jetravailleparailleursen

parfaiteharmonieavecsondirecteurdecabinet,lesecrétairegénéral 3,ouses autres collaborateurs proches que sont le chef de l’état-major

particulier 4ouleconseillerdiplomatique 5.D’une manière générale, la CNRLT s’est insérée rapidement et sans

difficulté au sein du biotope élyséen. Par construction, les matières durenseignement tutoientà la fois l’actiondiplomatiqueetmilitaire.Aprèsquelquesmoisd’ajustements,nousavonssutrouvernosmarquesetnoustravaillonsengrandeproximité.LaCNRLTveilleenpermanenceàcequeson travail s’accomplisse en harmonie avec celui de la cellulediplomatique,del’état-majorparticulierouducabinetduPrésident.Nousdevonsnousaccorder–d’unecertainemanière,nouscoordonner–pouréviter toute dissonance et proposer au Président des diagnosticsconsolidés et les actions les plus opportunes. Je peux citer en exemplel’organisation de la Conférence de mobilisation sur le financement du

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terrorismed’avril2018souhaitéeparleprésidentdelaRépublique.Pourlamonter,nousavonstravaillédurantplusd’unsemestreenosmoseaveclacellulediplomatiqueetlequaid’Orsay.»

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DENOUVEAUXPOUVOIRS

LaréformesouhaitéeparEmmanuelMacronmarqueunaccroissementdes prérogatives de la coordination et un accent porté demanière plusaiguë encore sur la lutte contre le terrorisme. La réforme est-elle unerupture ? « La CNRLT prend la suite de la Coordination nationale durenseignementets’inscritdoncdansunecertainecontinuité.LeprésidentSarkozyavait eu en2008une intuition remarquable en imaginant cettenouvelle institution. Toutefois, le décret de juin 2017 marque uneinflexion importante, voire peut-être une rupture entre les pouvoirs quimesontconférésetceuxdontdisposaientmesprédécesseurs.

En premier lieu, d’un point de vue juridique et symbolique, le textecréant la CNRLT (et, en son sein, le CNCT) est d’un niveau supérieur,puisqu’ils’agitd’undécretenconseild’ÉtatetenConseildesministres–contreunsimpledécretenConseildesministrespourceluiayantcrééla

CNR 6–,codifiédansleCodedeladéfense.En outre, et sans me livrer à une exégèse détaillée de ce texte, je

distingueraicinqsériesd’innovations.Ilfautd’abordnoterunélargissementduchampdecompétencedela

CNRLTetdurôledeconseillerduprésidentdelaRépublique.Celui-ciestavant tout thématiqueavec l’inclusionde la luttecontre le terrorisme làoùprécédemment seul le renseignementétaitvisé ;or la lutte contre leterrorisme dépasse de beaucoup le seul domaine des services de

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renseignement. Il est aussi organisationnel, puisque la CNRLT necoordonneplusseulement lesservicesdu“premiercercle”(DGSE,DGSI,DRM, DRSD, DNRED, Tracfin) mais aussi les services “concourant aurenseignement”, ceux dits du “deuxième cercle”. La lutte contre leterrorisme suppose en effet d’associer de très près le renseignementpénitentiaire, le renseignement territorial, la gendarmerie nationale, lerenseignement de la Préfecture de police (au demeurant, la répartitionpremier cercle/deuxième cercle s’avère quelque peu formelle puisqu’ellereposesurlaseulecapacitéàrecourirounonàlatotalitédestechniquesderenseignement).Danslamêmeperspective,leCNRLTpeutdésormaisproposerdescontrôlesdel’Inspectiondesservicesderenseignement(ISR)des servicesdudeuxièmecercle, etnonplus seulementdu seulpremiercercle. L’ISR est logiquement rattachée au Premier ministre dans lamesureoùellefaitappelàl’inspectiongénéraledel’administration(IGA),à l’Inspection générale des Finances (IGF), au Contrôle général desarmées et, depuis peu, à l’Inspection de la justice puisque le BCRP a

intégré la communauté 7. C’est doncMatignon qui définit le programmed’inspectionetreçoitpourcefairenossuggestions.Maisnotrevocationàtraquer les angles morts, les problèmes et les lacunes fournit autantd’idées pour des sujets d’inspection. À titre d’exemple, nous avons déjàsuggéré au Premier ministre d’auditer la diffusion des notes derenseignement, qui obéit, d’un service à l’autre, à des règles trèsdifférentes.

Deuxième novation, le CNRLT voit ses pouvoirs augmentés pour latransmissiondesinstructionsduprésidentdelaRépublique.Au-delàdeschefs des services de renseignement du premier cercle, le CNRLT peutdésormais donner des instructions aux services du deuxième cercle etthéoriquementauxministres.

Parailleurs,leCNRLTsevoitconfierdenouvellesattributions:1)ilparticipe à lamise enœuvre des décisions duConseil de défense et desécurité nationale (CDSN) et non plus seulement celles du Conseilnationaldurenseignement(CNR);2)ilestchargédel’analyseglobalede

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lamenaceterroristeetproposelesorientationsdurenseignementetdelaluttecontreleterrorisme;3)ils’assuredelabonnecoordinationdetousles servicesdesdeuxcercles ;àce titre, ilveilleà lamiseenplaceetàl’effectivité des mécanismes de coordination et d’échangesd’informations;4)ildisposedenouvellesattributionsenmatièredemiseen œuvre des techniques de renseignement et de mutualisation desmoyenstechnologiques.Danscedomainesensible,iljoueundoublerôle:d’abordd’éclaireurafindesensibiliser leprésidentde laRépubliqueauxévolutionstechnologiquesetàleurspotentialitéspourlerenseignement;ensuite celui d’aiguillon auprès des services afin de s’assurer qu’ilss’inscrivent bien dans une dynamique de mutualisation des moyens etaussi d’utilisation de toutes les potentialités offertes, et ce bienévidemmentdanslerespectdudroit;5)enfin,leCNRLTcoordonnedansle domaine du renseignement et de la lutte contre le terrorisme lesinitiativesprisesparlaFranceenmatièredecoopérationinternationaleeteuropéenne.

Au-delà des évolutions juridiques, le CNRLT dispose désormais demoyens renforcés. Il bénéficie d’un adjoint ainsi que d’une équipe dequinze conseillers issus de tous les ministères et services, et qui ont lacharge d’un domaine de compétence précis. Certains d’entre euxs’attachentàdesthématiquesnouvelles:laprospectiveetlarelationavecle monde académique, les liens avec l’autorité judiciaire, les nouvellestechnologiesetlecyber,etc.Aveclestaff,unetrentainedecollaborateurscomposeaujourd’huilacoordination.EtleprésidentdelaRépubliquem’aoffertlachance–uniquedansunevieadministrative–depouvoirchoisirlibrement mes collaborateurs. J’ai pu recruter ceux que je considéraiscomme lesmeilleurs, et leurs corps d’origine ont accepté loyalementdeleslaisserpartir.J’aidoncrappeléquelquespersonnesquejeconnaissaisdepuismonpassageàlaDSTmaisquiavaientquittéleserviceintérieur.Ce n’était pas illégitime, avec le renforcement de la dimension contre-terroriste voulue par le président Macron, de faire appel à descollaborateursissusduserviceenchargedusujet.Maisj’aiautantdegens

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quiviennentde laDGSE.Ausurplus, j’ai faitappelàd’autresprofilsoul’onm’en a adressé d’autres. Au demeurant, si je prends le cas demon

adjoint Jérôme Léonnet 8, il est issu de la DST mais je n’avais jamaistravailléaveclui.Ilprésentesurtoutlaspécificitéd’avoirdirigéunservicedu deuxième cercle auquel je souhaitais envoyer un signal très claird’ouverture.Cen’étaitpasinnocent.

Enfin,ilaétéinstituéunCentrenationalducontre-terrorisme(CNCT)auseindelaCNRLT,sorted’état-majorformédeconseillersdelaCNRquiconsacrenttoutoupartiedeleurtempsàlaluttecontreleterrorisme.Ilmarquelaprioritéstratégiquequereprésentelecontre-terrorismepourlechefde l’État et pour leGouvernement. Il ne s’agit donc, en aucun cas,d’une structure supplémentaire. Dans les faits, il est armé par dix desquinzeconseillers,appuyéspartroisanalystesspécialisés.Certainsysonttotalement dédiés comme les quatre conseillers qui suivent presqueexclusivementlecontre-terrorisme.D’autresysontdédiésàtempspartiel– sans que tout cela soit complètementnormé–, à l’instar dumagistratchargé du lien avec le parquet de Paris ou encore de la commissairedivisionnairedepolicequisuitledeuxièmecercledanslesaspectsdeluttecontreleterrorismecommedanslesautresaspectsderenseignement.

Cependant, la coordination n’est pas et ne doit pas être un serviceopérationnel.Nousneprenonspaslesaffairesenmainpourlestraiteroupourdireauxservicescequ’ilsontàfaire.Notrepaysdisposed’excellentsservices qui travaillent très bien. Nous nous plaçons à un niveaustratégique et veillons simplement à mettre chacun d’eux en situationd’accomplir au mieux sa mission et à vérifier en permanence que tousceux qui peuvent concourir à cettemission le font dans des conditionsoptimales.Cetaspectdelacoordinationconcernejusqu’àlacoordinationtechnique,lamutualisationdesmoyens,etc.Nousmettonsenœuvreunemaïeutique pour exprimer des besoins qu’un service ne pourra pasnécessairement porter lui-même ou ressentir seul. Existe également uneforte dimension institutionnelle afin de représenter les besoinsréglementaires voire législatifs ou de moyens – notamment de moyens

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techniques;elleconsisteenfinenunereprésentationextérieureàl’égarddel’ensembledelasphèrepubliquepourpromouvoirunepédagogiesurlesenjeuxdurenseignementoulesenjeuxdelaluttecontreleterrorisme.

Dans les faits, beaucoup d’idées sont nées ici, dans la tête de mesconseillers.Àtitred’exemple,leCNCTaimaginéetfaitvivreleprincipeduRETEXaprèschaqueattentatréussi,déjouéouéchoué,nondansuneperspectivestigmatisantemaisdansundesseinpédagogique.Lapratique,peu courante au ministère de l’Intérieur où l’action peut être trèscloisonnée, correspond à une discipline que lesmilitaires s’imposent delonguedateetavecbénéfice.Nousdevonscomprendrecequifonctionnebienpourledupliqueretcequiamalmarchépourlecorriger,véritableexercice demodestie et de rigueur professionnelle. Ne se poser aucunequestionaprèsunattentat, en répétant lemantra : “il n’y ani faute,nidysfonctionnement, ni angle mort” n’est pas une attitude responsable.Cette posture fataliste n’est pas admissible. La CNRLT a conduit lespremiersRETEXenmai2018,aprèsl’attentatdanslequartierdel’Opéra

à Paris 9, en présence des services et administrations impliqués dans lalutte antiterroriste. Depuis, nous systématisons cet exercice, à lasatisfaction des services qui ont rapidement dépassé tout sentiment deméfiance et de scepticisme et compris tout l’intérêt que l’on pouvaitcollectivement tirer de ce travail. Et au-delà de la lutte contre leterrorisme, le principe du RETEX s’appliquera dorénavant à d’autresopérationsrelevantdesdomainesdurenseignement.

Demême,nousavonsproposéungroupedeliaisonentrelesservicespour prendre en charge les radicalisés qui sortent de prison, ou encoreuneunitéquivaétudierlesfacteursdedéclenchementdepassageàl’acte

terroristeetlefacteurdedangerositédesindividus 10.Dernier changement qui pourrait paraître anecdotique mais qui ne

l’est guère, nous bénéficions de nouveaux locaux. La CNR premièreversions’estinstalléeàsesdébutsàl’hôteldeMarigny,puisadéménagé

au14, ruede l’Élysée 11. LaCNRLTnée en juin2017a temporairement

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repris les locaux du “14”, exigus pour la nouvelle configuration, avantd’investir,endécembre2017,l’hôteldeMarigny.Cetteimplantationdansunlieuprestigieux,immédiatementvoisindel’Élysée,aétédécidéeparleprésidentdelaRépublique.Attachéauxsignesetauxsymboles,cedernierasouhaitémarquerainsitoutel’importancequ’ilaccordeàcettenouvelleinstitution.Autrementdit:lerenseignementeststratégique,ils’agitd’unoutil crucialdenombredepolitiquespubliquesetàce titrenosservicesdoiventtravaillerdemanièreordonnéeetcohérentesoussonégide.Ilyaunegéographiedupouvoir.»

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S’OUVRIRSURLEMONDE,ROMPRELESROUTINES,INNOVER

Quels sont les chantiers du coordonnateur ? Quelle action demodernisationdelacommunautédurenseignemententend-ilconduire?«Onne peut pas faire du renseignement sans comprendre lemonde etsavoir ce que les autres producteurs de connaissances, d’idées et deconceptsécrivent.Lesservicesderenseignementn’ontpaslemonopoledel’intelligencedumonde.Etquandilslecroient,ladésillusionnetardepas.Or ce lien entre les services de force – police ou renseignement – et lemondedeschercheursetdesenseignantsn’estpassuffisammentétablienFrance.La relationn’estpasaussi fluideetbanaliséeque celleobservéedans nombre de pays anglo-saxons. Afin de remédier à cemalentendu,l’undes quinze conseillers de laCNRLT a pourmissionde se consacreraux questions de prospective mais aussi au contact avec le mondeacadémique français et étranger. Le but consiste à enrichir nos propresanalysesetàtissercesrelationsentrelemondeopérationneldesservicesetceluidelarechercheacadémique,delacréationconceptuelle.

Nous avons déjà fait évoluer la situation de manière concrète. Jeciteraiquelquesinitiativesparmid’autres.D’abord,deuxfoisparmoisenmoyenne,nousorganisonscequenousavonsappelé les “RencontresdeMarigny”.Unchercheurfrançaisouétrangervientnousexposerl’étatdeson travail sur un thème que nous avons choisi, devant un public

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d’analystesdesservicesderenseignementetd’administrations impliquéesdans la lutte contre le terrorisme ; l’exposé est suivi d’échanges. Nousdécentrons et élargissons le regard. Inversement, nous militonsévidemmentpourqueletravaildesopérationnelspuissenourrirlapenséedes gens de recherche et d’enseignement qui ont besoin de cetteexpériencedeterrainpourdocumenterleurréflexion.

Ensuite, nous avons décidé de faire évoluer l’Académie durenseignement vers un modèle plus “académique”. Ainsi fait-elledésormais appel demanière plus régulière à des universitaires pour sesenseignements afin de sortir d’un face-à-face administratif, forcémentlimité,defonctionnairesparlantàdesfonctionnaires.L’Académievaparailleurs proposer des formations universitaires diplômantes pour lesmembres des services, en l’occurrence sur “l’analyse du renseignement”,auniveaulicencepuismaster.Lateneurdesnotesquinousparviennentnousaeneffetpermisdeconstaterqu’existaientauseindesservicesdesdifférences d’approche méthodologique dans l’analyse. Nous avonsconstitué un groupe de réflexion et de proposition sur l’analyse pouressayer de normer quelque peu l’approche. Au demeurant, en tant queprésident du Conseil d’orientation de l’Académie du renseignement, jem’attache à ce que la formation soit de plus en plus partagée entre lesservices afin de créer une véritable communauté du renseignement. J’aiainsi permis à quelques fonctionnaires des services du deuxième cercled’intégrer les cycles de formation de l’Académie, notamment son cycle

supérieur 12. Je souhaite que nous parvenions, en particulier pour lesanalystes, à des parcours de carrière fluides permettant de passer d’unserviceàunautre;quel’onsortedoncdecarrièresverticalesauseind’unmême service pour des carrières composées permettant de dépasser lesbarrièresdecorps,degradesoudecorporations.

Enfin, toujours dans l’optique d’un resserrement des liens entre lerenseignementet lemondeacadémique, l’Académiedurenseignementacréé un prix annuel récompensant un ouvrage et une thèse de doctorattraitant du renseignement, quelle que soit la discipline. Le CNRLT, aux

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côtésd’unepersonnalitéchoisieendehorsdumondedurenseignement,enprésidelejuryquicomprendcinquniversitaires.Etnousavonsd’autresambitionsencorepourlesannéesàvenir.

Surunautreregistre,dans lamesureoùnousagissonset réagissonsdansunchampquidépasselecadrenational,j’airecrutéuneconseillère,issue du corps diplomatique, spécifiquement chargée de comparer nosdispositifs avec ceux mis en œuvre à l’étranger. Pour établir cettecomparaison – ce parangonnage constant, pour vérifier s’il existe demeilleuresidéesoudestravauxdéjàréalisés–,ellemobiliseleréseaudesservicesmaisaussinospostesdiplomatiques.

De même, j’ai déjà évoqué la présence d’analystes au sein de laCNRLT. Car les services, comme toute administration, peuvent avoirtendanceàreproduirecequ’ilssaventfairelàoùilconviendraitd’innoverdavantage,poussésparl’actualitédansunmondequisetransforme,avecdes techniquesquiévoluent,etc.De fait,demeurent toujoursdesanglesmorts,desendroitsunpeulointainsquel’onn’explorepas.Maintenirunesprit d’anticipation requiert un effort, une tension constante. Nosanalystes ne refont pas les analyses des services : les notes des servicesremontent, sont triées et vont aux autorités qui en ont besoin.Simplement, de temps à autre, lorsque l’on s’aperçoit que plusieursservicesontabordéunsujetdefaçonpériphériqueouquecelui-cinefaitpasl’objetd’untravailspécifique,noséquipess’ensaisissent,rebouclent,travaillent, creusent et produisent un regard soit transversal, soitnouveau.Ils’agitnond’une“surcoucheanalytique”maisd’uneapprochedifférente,décalée.

L’initiative ne vient pas supplanter les groupes de travail abrités auSGDSN, même si nous en avons revu l’organisation avec l’ancien

secrétairegénéral,LouisGautier 13.Eneffet,certainsétaientdéjàenplaceà l’époque où je dirigeais la DST et produisaient trop peu. Nous avonsdonc réaménagé le dispositif en supprimant ceux qui n’étaient plus enphaseavecl’actualité,enencréantd’autresetenfixantunecontraintedeproduction asservie à un calendrier. À la différence de ces groupes de

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réflexionquis’inscriventsuruntempslong,notrepetitecelluled’analysechangedesujettouteslessemaines.Elleproduitdesnotessurdesthèmesquinesontpascentrauxounouveaux.Car,sienmatièredeterrorismelesservicesontprisl’habitudedepartagerdel’informationetdeproduiredesnotesoudesanalysescommunes,teln’estpaslecassurletypedethèmesquejeviensd’évoquer.

Toutes ces réflexions prospectives doivent également nourrir lesdocumentsdecadragedesservicesderenseignement.Lepremierd’entreeux, prévu par la loi renseignement, est la Stratégie nationale durenseignement que l’on doit notamment aux assemblées parlementaireschaqueannée.Celle-civafairel’objetd’unerefonteen2020.Vientensuitele Plan national d’orientation du renseignement (PNOR), outil d’unegrande importance puisqu’il fixe les priorités d’action des services afinqu’ilsnesedispersentpas.Nousleréactualisonset lemodernisonsdoncrégulièrement avec eux. Nous avons également souhaité le rendre plusaccessible aux services qui doivent l’utiliser. Auparavant, il étaitentièrementclassifiéauniveau“secretdéfense”etétaitdoncrangédanslecoffreduchefdeservicedontilnesortaitplusjamais,cequiconduisaitles opérateurs à perdre le réflexe de s’y référer. Le Conseil national durenseignement du 6 juillet 2018 a validé le nouveau document ainsiproduit.Et,encomplémentduPNOR, j’aisouhaité innoverenrédigeantdes doctrines, partagées entre les services, dans chacun des grandsdomainesd’actiondurenseignementetdelaluttecontreleterrorisme.Delasorte,lesservicesconnaissentleurcadreprécisd’action,bénéficientderéférences opératoires en matière de renseignement et de sécuritééconomique, de lutte antiterroriste, et bientôt de contre-prolifération etde contre-espionnage. Ces doctrines précisent des définitions et desobjectifs du PNOR, les compétences, les modes de transmission del’information. Nous nous situons non au niveau stratégique ouopérationnel,maisauniveaudumoded’emploi.Lacoordinationatenulaplume, mais il s’agit de coconstructions. Précisément, la difficulté etl’utilitéde lacoordinationrésidentdanscequ’ellenetravaillepasseule.

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C’estaussipourcelaquenousavonsrapidementfaitatterrir l’idéed’unetask forceconsidérable.Quinzeconseillers,uncoordonnateur,unadjointet un peu de staff ne sauraient avoir ni la tentation, ni les moyensd’œuvrer à la place des services. Nous en dépendons plutôt. L’inverseseraitillusoireetdangereux.Àcentpersonnes,vouscommencezàvouloiragiràlaplacedesautres.Nousnesouhaitonsabsolumentpascela:nousprenonsdes idées, nous testons, nous interrogeons, nous incitons àuneréflexioncommune,nouscoordonnons.Nousdevonsdoncdemeurerunestructuresoupleetagile.»

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CNRLTETSERVICES:DESDESTINSLIÉS

Moyens accrus, pouvoirs renforcés, expérience et liberté ducoordonnateur, innovations et volonté de briser les routines, etc.,commentlesservicesperçoivent-ilscetaiguillonqu’ilsétaientsipromptsàvouloir contourner par le passé ? « La nouvelle configuration n’a passuscitéd’inquiétudechezeuxmaisilsvoulaientcomprendrejusqu’oùellepouvait aller. Je reconnais que, au début, nous avons dû céder à unecertaine “réunionite” pour caler nombre de choses (aujourd’hui, nousallégeonscettepratique,épuisantepourtoutlemonde).Parconséquent,leschefsdeservice–etpasuniquementceuxdesgrandsservices–sesontdéplacésenpersonnepourobserver,contrôleraussi.Unefoislaconfiancecomplètementétablie, leursadjointsconcernésontpris lerelaispour lesréunionsquetiennentmesconseillers. Ilssesontrapidementalignéssurune base simple : responsabilité opérationnelle aux services, pilotagestratégiqueetcoordinationàlaCNRLT.

J’ajoutequeleDGSEBernardÉmiéestunvieuxcamarade,nousavonsappartenu aumême cabinet de Jacques Chirac à l’Élysée il y a plus devingt ans. Et il faut remarquer que, huit jours après la création de laCNRLT,c’estaucoursdumêmeConseildesministresqu’ontéténommés

lesnouveauxDGSI,DGSEetCNRLT 14.Cettesimultanéitéaunsens:nousavonséténomméslemêmejourpourfairelemêmeboulot.Noussommes

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absolument sur lamême ligne et je dois veiller à ce que cette positiondemeurerectiligne.

Nous nous voyons régulièrement : c’est un plaisir, et non unediplomatie.Touslesquinzejours,aprèsleConseildedéfense,jeréunislessix directeurs des services du premier cercle, et une fois par mois lesprincipauxresponsablesdudeuxièmecercle.Au-delàdecesrendez-vous,monadjoint,lesconseillersoumoi-mêmeavonsdemultiplesoccasionsderencontrer les cadres des services, tant du premier que du deuxièmecercle,lorsdesnombreusesréunionsetautresgroupesdetravailquenouspilotons, suscitons, ou auxquels nous sommes conviés. L’interaction estquotidienne, et cedans tous les domaines.Nous ne vivons donc pas envaseclos,maisdansuneétroitecollaborationaveclesservices.»

Cette collaboration s’étend-elle à des services étrangers ? Pierre deBousquet est catégorique : « LeCNRLTn’a pas vocation, sauf exceptionquandilsledemandentexpressément,àrencontrerdeschefsdeservicesde renseignement. Ce travail incombe aux services. En revanche, jerencontremeshomologuesétrangers.Jelefaisparexempledanslecadredu “Club de Paris” qui regroupe quinze coordonnateurs européens durenseignement.Ou encore lors de rencontres bilatérales en France ou àl’étranger.Àcetitre,j’aiparexemplenouéuncontacttrèsrégulieravecleDNI ou avec le secrétaire d’État qui assure les mêmes responsabilitésauprèsdelaChancellerieallemande.»

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UNEPRÉSIDENTIALISATIONACCRUE?

L’accroissement des prérogatives précédemment évoqué anaturellement réveillé une critique formulée contreNicolas Sarkozy lorsde la création du CNR en 2008 : celle de la présidentialisation durenseignement.PierredeBousquetnepartagepascetteopinion:«Ilfautprobablementraisonnermoinsentermesdepouvoirquedecohérenceetd’efficacité.Cette réforme importantecorrespondàundoublebesoindepilotage d’une politique publique sensible et de professionnalisation duconseilapportéauprésidentdelaRépubliquesurunefonctionspécifiqueau sein de l’État. De même que le Président dispose d’un état-majorparticulier pour le conseiller en matière militaire et d’une cellulediplomatique pour le conseiller sur les relations internationales, il étaitopportunqu’ilsedotâtd’uneinstancecomparablepourlerenseignementdevenu un outil majeur de la souveraineté nationale et de sonindépendancestratégique.Iladoncétéajoutéàsesdeuxbrasmilitaireetdiplomatiqueuntroisième:lecoordonnateuretlacoordination.

Dans cette perspective, ma fonction revêt deux dimensions : lapremière est tournée vers le président de la République, je suis sonconseillerpour le renseignementet la luttecontre le terrorisme.Cerôledeconseillers’exerceaussiauprèsduPremierministre,rendudestinatairedetouteslesnotesadresséesparmessoinsauprésidentdelaRépublique.JesuisdejureleconseillerduprésidentdelaRépublique,etdefactocelui

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duPremierministre. La formule estunpeuaudacieusemais traduitmavisiondeschoses.J’ajouteque,silecoordonnateurestfonctionnellementrattachéauprésidentdelaRépublique,iln’appartientpasaucabinetduchef de l’État. Et la coordination est administrativement “portée” par le

SecrétariatgénéralduGouvernement 15.Eneffet, laCNRLTn’estpasunorgane politique,mais un outil technique au service du président de laRépublique et du Premier ministre. Nous devons demeurer destechniciens, attachés en cela à des diagnostics et à des propositionsdégagéesde considérationsquipourraientapparaître commepartisanes.En outre, la présidence de la République ne dispose pas de service enpropre.Àtitred’exemple,laGarderépublicaine,quiassurelasécuritédupalais,relèvedel’autoritéduministredel’IntérieurcarelledépenddelaDirectiongénéraledelagendarmerienationale.

Le lien avec le Gouvernement – et notamment son chef – s’avèred’autantplus importantquelerenseignementestdevenuunedimensionstratégique des politiques publiques. Il y a une politique publique durenseignement mais le renseignement gagne un ensemble d’autresterrains,commel’économieoulasécuritééconomique,sujetsquirelèventduGouvernementetduPremierministre.Danscetesprit,j’assistetouteslessemainesauConseildedéfenseetdesécuriténationaleoùseprennentlesdécisionsmajeuresdansmondomainederesponsabilité.

Lasecondedimensiondemafonctionesttournéeverslesservices.Àce titre, je conçois la coordination comme le lieu du pilotage et de lareprésentation institutionnelle de la communauté du renseignement. Enutilisantuneimagemusicale,j’agiscommeunchefd’orchestres’assurantquetouslesinstrumentistesjouentenharmonielamêmepartition.Ilnem’appartientpasdejouermoi-mêmed’uninstrumentdemusiquemaisdem’assurer que tous exercent leur art sans fausse note. En termes plusmilitaires,jediraisquelaCNRLTremplitunefonctionstratégiqueetnontactique ; elle ne le fait pas directementmais s’assure que les autres lefontbien.Encesens,j’ailaconvictionquelaCNRLTaunbelavenircar,

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ancrée au cœurdu régalien, elle correspondàunbesoinpour la bonnemarchedel’État.»

En théorie, Pierre de Bousquet de Florian bénéficie de toutes lesconditions pour que les errements connus par ses prédécesseurs ne sereproduisent pas : de nouvelles prérogatives qui soldent lesquestionnements passés, une équipe renforcée, une préséance sur leschefsdeservicesderenseignement.Decefait,lescompétencesconféréesàlaCNRLTpoussentdanssesretranchementslemodèledelaCinquièmeRépublique au sein de laquelle seul le Premier ministre dispose del’administration. Le recul permettra d’observer si ces modifications ontporté leurs fruits. On notera toutefois que la question des arbitragesbudgétaires reste pendante. En ce sens, lemodèle duDNI n’a constituéqu’unepartiedel’inspiration.

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APPENDICES

COORDONNERLESSERVICESDERENSEIGNEMENT

UNECOMPARAISONDANSL’ESPACE

ETDANSLETEMPS

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L’histoire du CNR, celle d’une institution évolutive en fonction deshommes et du contexte, pourrait dérouter tant elle paraît heurtée,accumulant les avanies, hostilités et dysfonctionnements. D’autant quel’ambitionsemblecohérentepuisqu’ils’agitpourl’Étatderationalisersonfonctionnement,d’accroîtrelasécuritédescitoyensetdemieuxdéfendrelesintérêtsdelanation.

Pourtant, elle ne s’avère ni inédite ni sans équivalent. En effet, elles’inscritcommeunaboutissementdecinquanteannéesdetâtonnements.Car la Cinquième République n’a guère ménagé de place aurenseignement, ou alors demanière inconstante, voire chaotique. En cesens,ladécisiondeNicolasSarkozytireunepartiedesenseignementsdupassé et tente de remédier aux principaux errements constatés. Lesdéfautsqu’ellereconduitsontdoncpresqueconsubstantielsàcettesphèred’activitédel’État,cequ’unrappelhistoriquepermetdeconstater.

De même, un pas de côté vers les États-Unis, si souvent cités enexemple par les coordonnateurs, offre une vision plus contrastée de cemodèle qui porte lui aussi les stigmates d’une histoire mouvementée,parfois trèsprésente.LepostedeDirectorofNational Intelligence n’allaitpas de soi lors de sa création et s’est heurté à nombre de difficultéssimilaires à celles décrites par les coordonnateurs. Toutefois, il estparvenu à s’imposer et, toutes proportions gardées, sa trajectoire peutinspirerlesespritslesplusréformateurs.

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L’exempleaméricainLeDirectorofnationalintelligence

(DNI)

À la suite des attentats du 11 septembre 2001, les États-Unis ontprocédéàunvéritablebigbangdurenseignementparlebiaisdelaloide2004 relative à la réforme du renseignement et la prévention du

terrorisme 1.LeCongrèsaalorsapprouvélaréformelapluscomplètedela communauté du renseignement américain depuis sa création et anotammentinstituélafonctiondeDNIenlieuetplacedecelledeDirectorofCentral Intelligence (DCI), créée en janvier 1946.Au-delàd’un simplechangementdenom,lepostedeDNI,quivoitlejourle21avril2005,estsurtout dissocié de celui de directeur de la CIA afin d’affirmer sonindépendance et pour éviter que la conduite d’une agence derenseignementneledistraiedesesfonctionsdecoordonnateur.Enoutre,il est très clairement positionné comme conseiller duPrésident pour lesquestionsderenseignementliéesàlasécuriténationaleetpourlamiseenœuvreduprogrammenationalderenseignement.

La loi pose également les prémices d’un contrôle sur le budgetnationaldurenseignement(National IntelligenceProgram,NIP)auprofitdelanouvelleentitédecoordination.Toutefois,lesdébatsayantprésidéàl’adoption de ce texte ont vu affleurer d’importantes divergences

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concernant les attributions particulières à confier auDNI enmatière depréparation et d’exécution des budgets des grandes agences derenseignement du ministère de la Défense (Departement of Defense,DoD). In fine, la réforme a conféré auDNI des attributions budgétairesinéditesmaisrelativementcosmétiquescarellesselimitentàunpouvoirdecontrôleetdesurveillancesansquecelui-cinesoittropcontraignantetneconcerne laCIA.Enoutre, si le législateuraénoncéunprincipe, ilalaissélesoinàd’ultérieuresdirectivesprésidentiellesdeluidonnercorps.Cependant, aucune directive ne viendra par la suite confirmer cetteautoritéduDNIetlesagencessontrestéesfinancièrementindépendantesdetoutcontrôleexterne.

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JAMESR.CLAPPERAUXCOMMANDES

L’incapacité des services à se reformer et à anticiper la menace asuscitédenombreuxreprochesduCongrèsausujetdumanqued’autorité

duDNIsurlesseizeagencesderenseignement 2placéessoussonautorité.La crise ouverte entre la CIA et le DNI sur la nomination des chefs depostes de la CIA dans les ambassades américaines – tranchée par leprésident Obama en faveur de la première – en a constitué l’une desmanifestationslesplusrécentes.Aussi,lorsquelesecrétaired’ÉtatRobertGatesluiproposelepostedeDNIenavril2010,lapremièreréactiondeJamesR.Clapper consisteà refuser : «Enmoinsdecinqans, j’avaisvutrois DNI successifs lutter pour assumer la responsabilité d’occuper unposteauniveauduCabinetsansavoircependantuneautoritélégislativereconnue. Le DNI doit exercer les fonctions de conseiller principal duPrésident et diriger, intégrer et gérer le budget consolidé de dix-septorganisations de renseignement disparates, en les transformant en unevéritablecommunautédurenseignement,maissansavoiraucuneautoritésuraucunorganisme.[…]Jen’étaispassûrqu’ilsoitpossibledefairele

travaildeDNI 3.»Quatrièmedirecteurnomméencinqans, JamesR.Clapperprend,à

soixante-neuf ans, la responsabilité d’une charge considérée commeingérable,commeenattestel’accueilqueluiréservelesénateurKitBond

lematindesonaudition:«WelcometoourannualDNIconfirmation 4.»

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L’échec de Clapper aurait sans doute conduit le Congrès à revoir enprofondeur le poste de DNI, voire à le supprimer. Il restera finalementplus de six ans en fonction et aura le temps de se hisser au rangd’animateur actif et respecté de la communauté du renseignement(IntelligenceCommunity,IC).

Ilestvraiquesonparcours ledésignaitpouroccuperces fonctions :ancien des services, nommé par deux fois à la tête d’une agence derenseignement (une fois en uniforme – la Defense Intelligence Agency,DIA–etunefoisencostume–laNationalImageryandMappingAgency)après un passage dans le privé. En particulier, son expérience chezGeoEye,BAESystems,SRAInternational,BoozHamilton,touspartenairescontractorsdesservicesderenseignement,luiaoffertl’occasiond’évaluerla pertinence des tâches externalisables dans ce domaine stratégique.Enfin, ilavaitdéjàsubi le lourdprocessusd’unenominationauCongrèslors de sa désignation comme Under Secretary of Defense for Intelligence(USD[I]),sonpremierpostedecoordinationdesagencesduministèredelaDéfense.

Conscientdesdéfisdecepostedont ilavaitdéjàobservé les limites,JamesR.Clapperposecertainesconditionsàsanomination.Il formalisecettenécessitédansunelettreauprésidentObama:«Laperceptionetlasubstancede vos interactions avec leDNI sont cruciales. Si vous traitezsystématiquement le DNI comme votre conseiller principal enrenseignement,cela luipermettraderenforcersonposte…Si,de l’autrecôté,vouscommuniquezdirectementavecledirecteurdelaCIA,sansaumoinsenavertir–oudepréférenceenimpliquantleDNI–,lastatureet

l’autoritéimpliciteduDNIserontmarginaliséesenconséquence 5.»James R. Clapper demande également au directeur de la CIA Leon

Panettaquesonpremieradjointprocèdedesonservice:«quelqu’unquiaurait une connaissance de l’intérieur, de la crédibilité et de l’influenceauprès de l’agence, quelqu’un qui pourrait couvrir mes angles morts

lorsque lesproblèmesde laCIA seposeraient 6 ». LaCIAoffrealors sonnuméro3,StéphanieO’Sullivan.

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D’unemanièregénérale, JamesR.Clapperdresse leportraitduDNIidéal : « Paternaliste, sage, […] réunissant ses pairs autour d’une idée,plutôtqueparlebiaisd’ordresetinjonctions.Deplus,j’aisoutenul’idéeque seul un agent de renseignements de carrière […] pourrait présidertoute la communauté sans être dérangé par la gestion d’une grande

agence complexe 7. » Le caractère stratégique du budget, et avec lui lanécessité d’une gestion en bon père de famille, prennent une partdéterminantedansceportraitetexpliquentlaligneadoptéeparClapper.

FOLLOWTHEMONEY!

Dèslespremièressemainesdesaprisedefonctions,leDNIvaétabliruneautoritébudgétairesurlacommunautéaméricainedurenseignement.AprèsunaccordaveclesecrétaireàlaDéfense,RobertGates,ilobtientlecontrôle administratif d’une partie des investissements du DoD, soit53milliards de dollars (27milliards resteront auxmains du Pentagonepour le renseignement militaire). Pour avaliser cette réforme, enseptembre2010,laChambreetleSénatadoptentuneloiquioctroie,parailleurs,auxcomitésdesurveillanceduCongrèsunevisibilitéaccruesurleseffortsderenseignementdelanation.

Désormais, leDNIa lacapacitédeconduireunerevue financièredubudgetdechaqueagencederenseignementetderéaliseruneévaluationde leurs ressources humaines. Il peut égalementmener les analyses devulnérabilité de chaque nouveau système de renseignement majeur. Ildisposed’undroitderegardsurtoutemodificationdescoûtsd’acquisitiond’unecapacitéderenseignementavec lapossibilitéd’ymettreunterme,s’illejugenécessaire.LeDNIestencharge,entreautrescompétences,dela planification budgétaire de l’IC sur le long terme, en soumettant lesprévisionsbudgétairespluriannuellespourleNIPencoordinationavecleBureaudelagestionetdubudget.

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Par conséquent, ces nouvelles dispositions confèrent au DNI unevéritable autorité de gestion sur l’ensemble de la communauté durenseignement;ellescomplètentlesdispositionsdelaloide2004surlaréforme du renseignement. Les frustrations des CNR français en cedomainetrouventunéchoparticulierdanscetexercicecomparatifd’uneréformeréussie.

PARTAGERLERENSEIGNEMENT

Une autre condition posée par James R. Clapper pour devenir DNIsuppose de disposer de la latitude nécessaire pour réformer sonadministration. Dès le mois d’août 2010, il annonce la création d’unnouveau poste de directeur adjoint pour l’intégration du renseignement(Deputy Director of National Intelligence for Intelligence Integration), issude la fusion des fonctions de directeur adjoint pour l’analyse et dedirecteuradjointpour le recueil.RobertCardillo,directeuradjointde laDIA, est le premier à occuper cette fonction. Car James R. Clapper ainstituél’intégrationdurenseignementenprincipalemissiondel’OfficeoftheDirectorofNationalIntelligence(ODNI).

Dans la même perspective, en 2012, il lance l’initiative IntelligenceCommunity InformationTechnologyEnterprise (IC ITE) 8 afinde créerunpostedetravailinformatiquecommunpourl’ensembledelacommunautédu renseignement. La tâche est considérable car il s’agit de passer d’unréseau d’agences ségrégé à un modèle commun et interopérable.L’ambitiondeceprojetconsisteégalementàréduireladépendancedel’ICaux fournisseurs de service informatique tout en poussant vers plus departage de données en interne. Le chiffrement et la capitalisation durecueilsurlesmédiassociauxfigurentégalementaurangdespriorités.

En dépit des nombreuses crises qu’il a dû affronter (The Four S’s :

Sequestration, Snowden, Syria, and Shutdown 9), James R. Clapper a

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réussi à transformer cette mission impossible de coordination à unepériode délicate pour les États-Unis. Le DNI est désormais plus quel’animateur de l’IC, il occupe une place centrale dans le dispositifdémocratiqueenparticulierdanslesépisodesdetensionsinternescommeinternationales.Aumomentoùledébatpolitiquedevientpluspolariséetpartisan, cette fonction de garant en dernier ressort de la vision de lamenaceetdesmoyenspouryfairefaceestcrucialepourlacommunautédurenseignementmaisaussipluslargementpourlesintérêtsdupays.

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RENSEIGNERDONALDTRUMP:

ENTRETIENAVECDANIELR.COATS

À la différence de son prédécesseur qui était issu du sérail durenseignement,DanielR.Coatsappartientaumilieupolitique :membredelaChambredesReprésentantspuisduSénat,ilaégalementoccupédesfonctions d’ambassadeur pendant plusieurs années. Nommé par DonaldTrumpenmars2017àlatêtedel’ODNI,ildoitprécisémentdéployersestalents de diplomate pour s’imposer dans un climat d’extrême tensionentreleprésidentdesÉtats-Unisetlesservicesderenseignement:tandisque cesderniers rendentpubliquesdespositions inverses à celles prisesparl’hôtedelaMaison-Blanche,celui-cilesfustigepubliquementettented’éroderleurcrédibilité.

Ainsi,leRussiagateconstitue-t-iluntroublemajeurpourleDNIdansla mesure où les services ont confirmé la crédibilité de l’accusationd’ingérence russe dans le processus électoral américain au profit du

candidat victorieux 10. Pis, trois jours avant le sommet d’Helsinki entre

DonaldTrumpetVladimirPoutine 11,RobertMueller,leprocureurspécialchargé d’enquêter sur ce dossier, inculpe 12 agents du renseignementrussepourlepiratagedesordinateursduPartidémocrate;leDNIn’aurapas d’autre choix que de confirmer cette ingérence étrangère, relançantles tensions entre l’IC et le président Trump dont la collusion avec laRussieserafinalementécartéeparRobertMueller.

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Quelquessemainesplustard,le5septembre2018,lapublicationdansleNewYorkTimes d’une tribuneauvitriold’un collaborateurprocheduPrésident qui préfère garder l’anonymat 12 oblige le DNI à en nierpubliquementlapaternité,preuveduclimatdedéfianceentrelaMaison-Blancheetsonconseillerrenseignement.

La tensionatteint sonparoxysme le29 janvier2019à la suitede la

publicationparleDNIdurapportannuelsurles«menacesmondiales 13».Car celle-ci intervient quelques jours avant le discours présidentiel sur

l’état de l’Union 14 devant le Congrès. Or, le document contredit lespositions du Président américain sur la dénucléarisation de laCorée duNord, la défaite de Daech au Levant, la menace russe, l’Iran et lechangementclimatique.Auditionné lemême jourpar laCommissiondurenseignementduSénat,leDNIDanielR.Coatsdresseunconstatcinglantsur lapolitique étrangèreduPrésident car, selon lui, « certains alliés etpartenaires des États-Unis cherchent à acquérir une plus grandeindépendanceparrapportàWashingtonenréponseàleursperceptionsdel’évolution de la politique américaine en matière de sécurité et decommerce ». Une fois de plus, les publications du DNI et des servicessemblent se télescoperavec lesprisesdepositionsduPrésident.Postured’équilibristequepermetlaConstitutionaméricaineetsesmécanismesde

checksandbalances 15. La réponse deTrumppassera par Twitter : « Lesservicessecretsdevraientpeut-êtreretourneràl’école.»

Danscesmomentsdetroubles,quelrôleleDNIassume-t-ilauseindel’IC mais aussi à l’égard des alliés des États-Unis ? Comment cetteinstitution fonctionne-t-elle dans un écosystème complexe ? DanielR. Coats livre quelques explications. Lui qui a siégé à la commissionsénatorialeaurenseignementdétaille lesétapesquiontprécédésaprisede fonctions : « Le processus de nomination au poste de directeur durenseignementnational(DNI)estidentiqueàceluiapplicableàtoutautreposte nécessitant une confirmation par le Sénat américain. Une fois lecandidatdésignéparlePrésident,ildoitrecueillirl’approbationducomité

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qui,auseinduCongrès,contrôlel’agencegouvernementaleenquestion.Dans le cas du DNI, il s’agit de la Commission sénatoriale au

renseignement 16 qui organise une audition au cours de laquelle lessénateurs interrogent le candidat sur ses qualifications pour occuper leposte. À l’issue de cette audition, la commission procède à un vote : sil’impétrantobtientunemajoritéensa faveur, sacandidatureestensuitesoumiseauvotedel’entierSénat;ànouveau,siunemajoritéconfirmecechoix, le nommé prête alors serment pour entrer en fonction. Il fautpréciser qu’il n’existe pas de durée dumandat du DNI ; il demeure enpostetantquelePrésidentlesouhaite.»

Daniel R. Coats a donc suivi ce processus extrêmement normé :désigné par le président Trump le 5 janvier, son audition a eu lieu le28février;le9mars,laCommissionapprouvesanominationpar13voixcontre2.Six jours après, leSénat confirme ce choixpar85voix contre12;sonmandatdébutealorslelendemain,le16mars,aprèsavoirprêtéserment.

Fonctionéminemmentexécutive,leDNIn’enconservepasmoinsdesrelations étroites avec un Congrès qui l’a choisi en dernier ressort :«L’ODNIfournitrégulièrementauCongrèsdesbriefingssurdiverssujetsdepréoccupation.Tenir leCongrès“pleinementetentièrement informé”estuneexigence statutairede l’ODNIetde l’ICenvertude la loi sur lasécurité nationale de 1947. Les commissions de contrôle sont laCommissionsénatorialeaurenseignementdéjàcitéeetlacommissionau

renseignement de la Chambre des Représentants 17, même si nouspouvons également être auditionnés par d’autres commissionsparlementairessinécessaire.»

GIGANTISMEDURENSEIGNEMENTAMÉRICAIN

« La communauté du renseignement se compose de 17 services(16 agences et mes équipes de l’ODNI) qui assument chacun un pan

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spécifiquedenotremissioncommune.Les agences de l’IC alimentent les responsables des différentes

administrations,del’arméeaméricaine,duCongrèsainsiquedesautoritésfédérales,étatiquesetlocales.L’étendueetlaportéedesproduitsvarientconsidérablementenfonctiondudestinataire:

– un certain nombre d’administrations comptent en leur sein desagencesderenseignementquileurfournissentainsiunsoutiendirectetadapté.C’estlecaspourledépartementd’État,ledépartementduTrésor,celuidel’énergie,delaSécuritéintérieure,delaJusticeoudelaDéfense;– le ministère de la Défense supervise quant à lui plusieursorganisations de l’IC, telles que la DIA, la NSA, la NationalReconnaissance Organization (NRO) et la National GeospatialIntelligenceAgency(NGIA).Lesarméesdisposentégalementchacuned’organismesderenseignementleurfournissantunsoutienadapté.Ausein l’IC, seuls l’ODNIet laCIAne relèventpasdirectementd’un

ministère.C’estpourquoi, ils fournissent lesoutien leplus largepossibleauxresponsablesenchargedenotresécuriténationale.Nous travaillonsbienévidemmentensembleetentotalecollaboration.

J’entretiensdescontactsréguliersaveclesdifférentsdirigeantsdel’IC.De même, ils se réunissent périodiquement pour me conseiller et mesoutenirdanslepilotage,lagouvernanceetlagestiondelacommunauté.Celaimpliquededébattreetd’échangersurlespolitiques,lesobjectifsetles priorités de la communauté, tout en s’assurant de la capacité pourchacundes’acquitterdesamission.LePrésidentetlesmembressiégeantauConseilnationalde sécuritépeuventégalement solliciterdirectementlesresponsablesdesagencesetleDNIpeutépisodiquementestimerquelePrésident doit rencontrer une agence en particulier sur un sujetdéterminé.»

AUCŒURDELAVIEDESAGENCES

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«Aprèslaprestationdeserment,leDNIdevientleprincipalconseillerduprésidentdesÉtats-Unispourlesquestionsrenseignement.Jedisposeà ce titre d’équipes dédiées (l’ODNI) qui forment une agenceindépendantechargéedecoordonnerl’IC.Grâceàcettestructure,jepeuxassumermesdifférentesmissions.

Jesupervise laproductionet ladiffusiondelasynthèsequotidienne,le President’s Daily Brief (PDB). Il s’agit d’une synthèse des différentessourcesderenseignement–classifiéesououvertes–réaliséesixjoursparsemainepardespersonnelsdédiésauseindemeséquipes.Cedocumentest conçupour fournir lameilleureanalyseet les idées lesplusprécisessurlasécuriténationaleenprovenancedel’ensembledelacommunautédurenseignementafind’aiderlePrésidentetlesprincipauxresponsablespolitiquesàprendredesdécisionséclairées.CertainsPDBrédigésauprofit

deprécédentsPrésidents 18ontd’ailleursétédéclassifiésetsontdésormaisaccessibles au public. Il s’agit d’un travail coordonné auquel peuventcontribuertouslesmembresdelacommunauté.D’unemanièregénérale,cettedernièrecollaborerégulièrementpourdiffusercetypededocumentàl’attentionduPrésidentetdesprincipauxdécideurs,qu’ils’agissed’uneproduction régulière à l’instar du PDB ou de notes en réponse à unecommande. Au demeurant, le Président, en fixant des priorités dans le

cadredelaStratégiedesécuriténationale 19,orientecetravail.Demême, j’organise plusieurs fois par semaine, en compagnie d’un

petit groupe de personnes, des briefings du Président sur les sujetsmajeursdansledomainedurenseignement.

Jeprends égalementpart auxéchanges tenusau seinduConseil de

sécurité nationale 20 aux côtés du Président afin de fournir auxresponsables politiques lemeilleur renseignement possible. Toutefois, leDNI ne réalise pas de recommandations particulières. Si j’appartiens aucabinet du président Trump, tel n’a pas toujours été le cas de mesprédécesseurs; ilsn’endemeuraientpasmoinslesprincipauxconseillerspourtouteslesquestionsderenseignement.

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Cependant, le cœur de la mission du DNI consiste à diriger lacommunauté du renseignement afin qu’elle partage le renseignementproduit,maiségalementàmaximisersescapacitésetsaproductivité.Celasupposedesynchroniserlacollecte,l’analyseetlecontre-espionnagedansuneperspectivedefusionetdansunedynamiqued’équipe.

Surleplanorganisationnel,leDNIcontrôlelepilotagedescentresdela communauté du renseignement compétents en matière de contre-terrorisme,contre-prolifération,contre-espionnageetdecybermenaces.

Le DNI nomme également des responsables nationaux du

renseignement 21, qui seront les principaux conseillers techniques pourtous les aspects du renseignement liés à certaines régions, certainesmissions ou certains domaines. Ces responsables nationaux durenseignement parlent aux décideurs d’unemême voix pour orienter etguider les activités de collecte et d’analyse. Ils élaborent des stratégies

unifiées de renseignement 22, moyens idoines pour échanger sur lespriorités à suivre mais également pour réussir la bonne intégration durenseignement.

Lasupervisiondurenseignementconstitueunmoyendes’assurerquelacommunautétravailleconformémentàlaloi,danslerespectdesdroitset libertés individuelles qu’elle contribue à protéger, et en collectant lesrenseignementsessentiels.

Diriger et coordonner l’IC peuvent être assumés de différentesmanièresetdépendronttoujoursdelapersonnalitéduoudesdirigeants.Toutefois,lerôleduDNIreposesurdeuxprincipesfondamentaux:1)ildispose de l’autorité budgétaire sur la totalité des crédits durenseignement et 2) n’assume pas le contrôle opérationnel des agencesquirelèvedeleursdirecteurs.»

LESCORDONSDELABOURSE

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«Lebudgetdurenseignementaméricaincomprenddeuxcomposantes

principales : le Programme national de renseignement 23 (NIP) et le

Programme de renseignement militaire 24 (MIP). Le premier comprendtouslesprogrammes,projetsetactivitésdel’ICainsiquetoutprogrammedéfiniconjointementparleDNIetleschefsdedépartementoud’agence,ouencoreparleDNIetlePrésident.Quantausecond,ilestsuperviséparle sous-secrétaire à la Défense pour le renseignement (USD[I]) etcoordonnéparleDNI;sonpérimètreestbienévidemmentdécidéàl’aunedeseffortsconcédéspourleProgrammenationalderenseignement.

D’unemanière générale, le DNI est chargé de déterminer le budgetconsolidépourleNIPenétroitecoordinationaveclescomposantsdel’IC,ycomprisavec l’USD(I)dans lecadredesesattributions tellesquedéjàévoquées.Enoutre,meséquipessupervisent lesystèmedeplanification,

deprogrammation,debudgétisationetd’évaluationdu renseignement 25

destiné à définir leNIP en fonctiondes buts et objectifs de la Stratégienationaledu renseignement.Àcette fin, l’ODNI,avec l’aidede l’USD(I),fournit des documents d’orientation essentiels pour éclairer laplanification,laprogrammationetlabudgétisationqui,unefoisvalidées,

sontintégréesdanslebudgetprésidentiel 26.Touteslescomposantesdelacommunauté du renseignement participent pleinement à l’ensemble desphasesde la budgétisation et sont chargéesdeproduire la synthèsedes

créditsbudgétairesàl’attentionduCongrès 27afindejustifierleurslignesauseindubudgetprésidentiel.L’ensembledeceprocessusest superviséparl’administrationprésidentielle,enparticulierleBureaudelagestionet

dubudget 28.UnefoisadoptélebudgetduNIP,lesagencesdel’ICexécutentleurs

missions et activités de renseignement conformément aux crédits etautorisations budgétaires. Dans ce cadre, l’ODNI évalue périodiquementl’exécution des budgets, avec l’aide de l’USD(I), du contrôleur du

départementdelaDéfense 29etduBureaudelagestionetdubudget,afindes’assurerque lescréditsetdépensescorrespondentauxobjectifs fixés

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et permettent d’atteindre les réalisations et les résultats attendus.Après

notification aux commissions de contrôle du Congrès 30, des procéduresexistent pour modifier les lignes budgétaires des agences en fonctiond’impératifsnouveaux.»

PARLERENTREALLIÉS

« L’ODNI entretient des relations avec de nombreux pays pour fairefaceauxmenacescommunesetégalementsurveiller lamanièredont lesrenseignementsproduitssontpartagésavecdespartenairesétrangers.Lesdifférents servicesde renseignementaméricainsentretiennentégalementleurspropresrelationsbilatérales.LeDNItravailleenétroitecollaborationavec tous les membres de la communauté nationale du renseignementpour partager et mettre en œuvre des retours d’expérience sur cespartages d’informations. La communauté partage également cesenseignements avec leurs partenaires bilatéraux pour renforcer lacoopération.

Dans ce cadre, la France est un partenaire clé des États-Unis ; nosdeux pays travaillent ensemble sur un large éventail de questionsd’importance mutuelle. J’ai rencontré plusieurs fois mon homologuefrançais et nous maintenons une communication soutenue grâce à defréquents échanges téléphoniques. J’apprécie notre relation et espèrequ’ellecontinueraàsedévelopperdanslesannéesàvenir.»

L’histoireet lesprérogativesduDNIconstituentun intéressantpointdecomparaisonpourlescoordonnateursfrançaiscar,touteschoseségalesparailleurs,lamissionsembleemporterdesproblématiquesetdifficultéssimilaires. De ce point de vue, le levier budgétaire incarne un puissantinstrumentdepouvoirdontleCNRatoujoursétédépourvudufaitdesalocalisation à l’Élysée. Mais les obstacles initiaux posés au DNI et sa

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capacité à les surmonter ménagent les plus grands espoirs pour seshomologuesfrançais.

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Lesessaisdecoordinationdepuis1958

L’échecduPremierministre

Depuis 1958, l’institutionnalisation du renseignement a connu desbégaiements dont la connaissance aurait permis d’éviter certains desécueils constatés à partir de 2008. De Charles de Gaulle à NicolasSarkozy, des lignes de force se dessinent qui instruisent le responsablepolitiqueetéclairentleréformateur.

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LADÉFIANCEGAULLIENNE:UNECOORDINATIONENDÉSHÉRENCE

Charles de Gaulle n’aimait guère les services de renseignement, saformation militaire ne le disposant pas favorablement à l’égard de cesadministrationsquiont longtempsvécuunemarginalisationau seindesarmées. Par ailleurs, il s’affirmait bien moins présidentialiste que sesthuriféraires et successeursne l’ont laissé entendre.Riend’étonnantdèslorsàceque,dansl’espritdel’article21delaConstitutionquiconfie laresponsabilité de la défense nationale au Premier ministre, et selonl’inclinationduprésidentdelaRépublique,l’article13del’ordonnancedu7 janvier 1959 portant organisation générale de la défense dispose :«sous l’autoritéduPremierministre, l’orientationet lacoordinationdesservices de documentation et de renseignement sont assurés par unComité interministériel du renseignement » (CIR). En outre, le Service

extérieurdedocumentationetdecontre-espionnage(leSDECE) 1relevaitalorsdel’hôteldeMatignon.

Mais,preuvedudésintérêtgénéralsuscitéparcettematière,ledécretd’application prévu par l’ordonnance sera publié uniquement trois ansplus tard, le 17 octobre 1962, sous la signature de Georges Pompidou,alors Premier ministre. Si Michel Debré déployait une énergieréformatricedansd’autrespansdurenseignement–commeentémoigne

la création du Groupement interministériel de contrôle 2 (GIC) par une

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décisionnonpubliéedu28mars1960–, iln’apasestimé importantdemettreenœuvrelesdispositionsrelativesauCIR.LaFranceétaitpourtanten pleine guerre d’Algérie. Et si ConstantinMelnik, aussi emblématiquequ’énigmatiqueconseillerdeMichelDebré,alongtempsaccréditélathèseselon laquelle lePremierministreavaitalorsexercéunpleinpouvoirenmatièrederenseignement,iladepuisrelativisécetteassertionàl’occasion

delarééditiondesesmémoires 3.À l’imitation de son prédécesseur, et en dépit de la publication du

décret précité, Georges Pompidou ne manifestera guère plus d’intérêtpour le renseignement, comme en atteste la décision du président deGaulle de lui retirer la tutelle du SDECE en 1966, après le scandale del’affaireBenBarka.Le chefde l’État estimait eneffetque la supervisionrelâchée de l’hôtel de Matignon expliquait en partie la défaillancesupposée.

D’unemanièregénérale,l’historienSébastienLaurentadémontréqueleschefsduGouvernementdelapériode1958-1974sesontdésintéressés

durenseignement 4. Ilsn’ontguèreaccordéd’attentionauCIR,préférantdéléguer cette tâche au SGDN. Ce dernier peinait pourtant à pallier lacarenced’attentionduchefduGouvernement ; il adonc transformé lesréunions en exercice routinier et bureaucratique, contribuant ainsi àdépouillerl’instancedetoutedimensionstratégique.

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L’ALLERGIEGISCARDIENNE

ValéryGiscardd’Estaingn’éprouveaucuneappétenceparticulièrepourle domaine de la sécurité. Pis, Philippe Sauzay, son chef de cabinet à

l’Élysée 5, concèdeunedésaffection voireuneméfiance, tandis que Jean

Riolacci,procheconseilleràpartirde1977,évoqueune«allergie 6».Danscetesprit,sur222conseilsrestreintsenseptans,lePrésidentenconsacreseulementtroisàlasécurité.Desurcroît,aucunconseillerprésidentielnesuit ces questions même s’il faut reconnaître que la « proximitépersonnelle entre ValéryGiscard d’Estaing et sonministre de l’IntérieurMichelPoniatowskiétaittellequel’ensembledesrapportsentrel’Élyséeet

leGouvernementsurleplandelasécuritéétaitcomplètementfaussé 7».Plusspécifiquement,lechefdel’Étatnesemblepasinvestirlesujetdu

renseignement. Il n’a jamais reçuni le directeurde laDST (raison sansdoute pour laquelle le service n’a pas souhaité l’informer de l’affaire

Farewell 8), ni celui de la DCRG, et n’entretient guère de relations plus

étroitesavecleSDECE 9etsondirecteur,AlexandredeMarenches.Defait,

ilparaîtcantonnerleserviceextérieuràdesmissionsmineures 10,cedont

seplaintsondirecteur 11.CarleprésidentdelaRépubliquejugemédiocre

saproductionet,selonPhilippeMestre 12,directeurdecabinetduPremierministreBarre,«pensaitqu’ilsavaitmieuxqu’AlexandredeMarenchescequisepassaitdanslemondeetqu’iln’avaitpasbesoinqu’illerenseigne».

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En parfaite harmonie avec leur chef, les collaborateurs élyséensboudent les services de renseignement. Les secrétaires généraux del’Élysée partagent d’ailleurs son opinion : Claude Pierre-Brossolette se

remémore la « très grande pauvreté 13 » et le caractère douteux desinformationsfourniestandisquesonsuccesseur,JeanFrançois-Poncet,se

déclare«frappéparlamédiocritédesinformationsquiarrivaient 14».LediplomateestimequelestélégrammesduQuaid’Orsayserévélaientplusprécieux.

Si Jean Sérisé, proche parmi les proches, recevait initialement laproduction de la DCRG sans l’avoir sollicitée, il a rapidement demandéquecetenvoicesse.MêmesileconseillerassisteparfoisauxréunionsduCIR (voir infra) et partage à plusieurs reprises la table d’Alexandre deMarenches, il n’effectue aucune supervision des questions derenseignement.

Victor Chapot, chargé de mission auprès du président de laRépublique,marqueuneattentionparticulièrepourleSDECE,maisilnes’agit pas d’un suivi rigoureux ; Michel Roussin, directeur du cabinetd’Alexandre de Marenches, ne l’a d’ailleurs jamais rencontré et ne lui

connaîtaucunlienavecleboulevardMortier 15.Enfin, Jean Riolacci déclare rencontrer très épisodiquement le

directeurdelaDST(principalementàl’occasiondel’affairedesdiamants

de Bokassa 16, semble-t-il). Cet ancien sous-directeur aux affairespolitiques de la place Beauvau ne supervise guère les questions desécurité,pasmêmeenpériodedecrise(attentatdelarueCopernic,etc.),maisconsacrel’essentieldesontempsàl’analyseélectorale(leprésidentdelaRépubliqueledésigned’ailleurscommeson«plusprocheconseiller

politique 17»).Parconséquent,àl’Élysée,lesservicesderenseignement,leSDECEen

particulier, souffrent d’une certaine relégation : seul l’état-majorparticulier incarne, comme de coutume, un interlocuteur « statutaire »mais dénué de capacités d’orientation ou d’initiatives, à l’exception de

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l’uniquecontrôleduGICopéréparleCEMPenaoût1976,àlademande

duchefdel’État 18.De son côté, le Premier ministre Jacques Chirac, à l’instar de ses

prédécesseurs,n’investitguèrecedomainedélaisséparunchefde l’Étatpourtantomniprésent.Mais,enseptembre1975, lorsqueJérômeMonoddevient son directeur de cabinet, le haut fonctionnaire témoigne d’unecuriositéinéditepourlesservicesderenseignementdontilveutassurerlacohérence.Ildresseimmédiatementleconstatdeservices«grippés[qui]

manquaientd’efficacité 19»quandilsnesouffraientpasd’uneréputationfranchementnégative.Àl’unissondel’Élysée,JérômeMonodattaqueluiaussiprincipalementleSDECEetsondirecteur,AlexandredeMarenches:àsesyeux,cedernieravaitétéchoisiparGeorgesPompidou«enraisondesoninefficacité,pour limiter l’activismenatureldecetteorganisation,etlamettreensommeil.MoinsonentendaitparlerduSDECE,mieuxles

hautsdirigeantsl’appréciaient 20».Enconséquence,iln’entretiendraavecluiquedesrelations«cordialesmaistrèsinfructueuses».

Dèssonarrivéeàl’hôteldeMatignon,JérômeMonoddécidedoncderéunirleCIR.Maislalourdeurdel’organisationetsafaiblesselerebutent.Iloptedoncpourunestructureadhoc(«quelquechosedebeaucoupplusresserré 21 ») hébergée au pavillon de Musique, dans les jardins deMatignon.Une foisparmois (voire tous lesquinze jours), lesdirecteursde cabinet des ministres de l’Intérieur, de la Défense, des Affairesétrangères, ledirecteurgénéralde laPolicenationale, ledirecteurde laDST, le préfet de police, le directeur central des Renseignementsgénéraux,lesecrétairegénéraldelaDéfensenationaleetledirecteurduSDECEseretrouventpourévoquer legrandbanditisme, l’étatmoraldesarmées, les mouvements gauchistes, la recherche des mouvementsterroristes, lesmouvementsrévolutionnairesetsubversifsenFrance,etc.Car Jérôme Monod souhaite s’informer, fixer les grandes orientationsstratégiques et préciser certains détails opérationnels : la traque du

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terroristeCarlos(enLibye,auVenezuelaouenAfriquedel’Est),voiredesprojetsd’assassinat,sontdécidésetsuivisauseindecegroupe.

Pourleseconderdanscetravaildecoordination,ilpeutcomptersurlecommandantmilitairedeMatignon, le capitainede gendarmerieMichelRoussin.CedernierassurelesecrétariatduCIRetreçoitlesdocumentsenprovenance du SDECE. Récompensé pour son action, il devient sous-préfet en1976avantdeprendre ladirectiondu cabinetd’AlexandredeMarenchesàpartirde1977;pourluisuccéderàMatignon,ilsoumetlenom de PhilippeMassoni. L’arrivée au cabinet de cet officier de policepermetdedisposerd’unconseillerquisuitl’entierspectredesaffairesdesécuritéintérieure(àladifférencedeMichelRoussinquin’œuvraitqu’auprofitdecettecoordinationressuscitée).

JérômeMonod semble avoir instauré une coutume car le départ deJacquesChiracenaoût1976etsonremplacementparRaymondBarrenegrèventpas le système.Eneffet,PhilippeMassonidemeureenposteet,surtout,lanouvelleéquipeestdirigéeparlepréfetDanielDoustin,anciendirecteurdelaDST.Lehautfonctionnairemetd’ailleursRaymondBarreengardecontrelesservicesderenseignementetentreprenddelesréunirdésormais chaque lundi, toujours au pavillon de Musique. Et lorsquePhilippeMestre luisuccèdeennovembre1978, il s’inscritdans lemêmesillonavecd’autantplusdefacilitéqu’ilfaitmontred’uneréelleappétencepourcesquestionsetéprouveunesolideamitiéàl’égardd’AlexandredeMarenches. Les deux hommes se fréquentent assidûment, échangent detrès nombreuses informations à tel point que Philippe Mestre devaitprendre la succession de son ami si Valéry Giscard d’Estaing était sortivictorieuxdes électionsde1981. Il perpétuedonc cette coordination, lelieu de réunion et le rôle de secrétaire de séance confié à PhilippeMassoni, mais il revient à une périodicité bimensuelle. La nouveautérésidedans laparticipationde représentant(s)de l’Élysée : le secrétairegénéralou,àdéfaut,JeanSérisé.JeanFrançois-Poncetjustifiesaprésenceparlavolontéderecueillirunmaximumd’informationsplusqueparcelle

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dedécider.Selon lui, l’Élyséen’avaitguèrebesoind’interveniren raisondelagrandecapacitédePhilippeMestre.

Néanmoins,etquellequesoitlapériodicitédesréunions,Matignonnedisposenidutempsnidel’expertisenécessairespourentrerdansledétaildes activités des services. Philippe Mestre reconnaît cette faiblessetechnicienne:l’entourageduPremierministresecontentaitdes’informer,de fixer lesgrandesorientationsstratégiquesetdevait sereposersur lesministères compétents et leurs administrations. La coordination, bienqu’organisée,restesuperficielle,àunniveaustratégique.

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LEDÉSORDREMITTERRANDIEN

L’alternance de 1981 modifie assez lourdement la configurationétablie depuis 1975. En effet, les socialistes dans l’opposition ontmanifesté la plus grande aversion pour les services de renseignement,soupçonnés d’avoir participé à tous les scandales de la CinquièmeRépublique et de se comporter enpolice politique au servicede « l’État

UDR 22 » puis de « l’État Giscard ». Dès lors, les préconisationsprogrammatiquesnecomportentguèredenuance:«lespolicesparallèles

seront dissoutes. Le SDECE sera supprimé 23 », selon le Programmecommunde1978.

La DST concentre nombre de critiques, comme le rapporte sondirecteurdel’époque,MarcelChalet:«leserviceétaittoujourssoupçonnéd’avoir été une institution de pouvoir beaucoup plus qu’un outil de

défense de la nation 24 ». Maurice Grimaud, emblématique directeur decabinet duministre de l’Intérieur, se souvientmême que le PS insistait

pourquelaDSTsubisseune«épuration 25».Caronluireprochesonrôle

dans l’affaire des fuites pendant la guerre d’Indochine 26,

l’accompagnementdel’opérationRésurrection 27etde laprisedepouvoiren 1958, la planification de l’arrestation de FrançoisMitterrand à cette

occasion,l’«affairedesstades 28»,lesattentatsprétendumentcommisparla DST dans la nuit du 12-13 avril 1972 contre la villa de FrancisBouygues à Saint-Malo et faussement attribués au FLB (Front de

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libérationdelaBretagne).Lalitaniesepoursuitavecleprocèsdel’ETEC,en juillet1972,qui laisseapparaîtreen filigranedes liens troublesentrecetteofficinedirigéeparunancienduServiced’actioncivique (SAC)etles services de renseignement (DST et DCRG), la fameuse histoire des

micros du Canard enchaîné le 3 décembre 1973 29 (sanctionnée par unnon-lieu en faveur de la DST en 1976) ou, avant cet épisode, la« sonorisation » de l’appartement de François Mitterrand en 1972 ;

l’affairePierre-CharlesPathé 30aaussiparticulièrementmarquélepremiersecrétaire du PS, à l’instar de la chasse aux radios libres entre 1979et 1981 et de l’affaire Delpey (dont maître Roland Dumas assurait la

défense) 31. Cette liste, non exhaustive, conduit le député socialiste del’Allier,Jean-MichelBelorgey,dansunrapportrédigéaprèslavictoiredemai 1981, à écrire : « ce n’est donc pas un hasard si de nombreusesaffairesdepolice[…]sontenréalitédesaffairesdelaDST».

Mais une réflexion plus réaliste s’engage dès cette époque, dans laperspective de l’exercice du pouvoir, si bien qu’après le 10 mai, les

réformes en matière de renseignement se révèlent « cosmétiques 32 »,comme l’observe François Cailleteau, directeur adjoint du cabinet deCharlesHernu,ministresocialistedelaDéfensenomméen1981:

–laSécuritémilitaireestrebaptiséeDirectiondelaprotectionetdela sécurité de la défense (DPSD) mais ne disparaît pas (lagendarmerienationaledevaitpourtantrécupérersesattributions);–auSDECE,AlexandredeMarenchesestremplacéparPierreMarion,un nouveau directeur proche de Charles Hernu (les deux hommessontliésd’amitié);–àlaDST,riennechange:lesenquêtesmandatéesparlessocialistesde retour au pouvoir disculpent en partie le service ; même sondirecteur, que l’on soupçonne de giscardisme, demeure en postejusqu’ennovembre1982.L’affaireFarewellexpliquesansdoutecetteétonnante permanence (l’intéressé la qualifie d’ailleurs d’« heureux

événement 33»).Ausurplus,MarcelChalets’estvaillammentdéfendu

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contre les accusations portées à l’encontre de la DST : il a, sur lademande du nouveau Premier ministre, laissé les juges accéder àcertainsdossiersclassifiés(dossierCuriel,BenBarka,etc.)enmêmetemps qu’il adressait un pro domo sua à François Mitterrand.Toutefois,ilnesurvivrapasàlafindelapremièrephasedel’affaireFarewell, en dépit du plaidoyer de Gaston Defferre, ministre del’Intérieur,auprèsduchefdel’État.MauriceGrimauds’enfaitl’écho:«L’affaireFarewellnelevacependantpastotalementladéfiancequeleurportaitlePrésidentetGastonDefferredutmettretoutsonpoidsdans la balance pour obtenir queChalet, atteint par la limite d’âgedes services actifs (en novembre 1982), soit nommé à la tête de

l’InspectiongénéraledesservicesdePolice 34.»– quant à la DCRG, elle change de directeur : Paul Roux, préfet et

militantsocialistedéclaré,tentederepositionnerleservice(abandondelasurveillancedel’ultragaucheauprofitdecelledel’extrêmedroite…)sansbouleverserlesfondamentaux.

Des réformes radicales annoncées dans l’opposition, restentuniquement des souvenirs que vient enterrer la publication des décretsrelatifsauxdifférentsservicesderenseignement,jusqu’alorsrestéssecrets.

En particulier, ceux relatifs à la DGSE et à la DST 35 précisent larépartition des compétences entre les deux services selon un critère dedifférenciation territoriale afin d’éviter d’éventuels chevauchementsconnusparlepassé.

De surcroît, les velléités démocratiques des socialistes sur des sujetsconnexes font long feu : le rapport Schmelck sur les interceptions desécurité, remis au Premierministre PierreMauroy en 1982, n’engendreaucune commission de contrôle avant 1991, la création d’une instanceparlementaire de contrôle des services de renseignement ne sera quefugacement évoquée, à l’initiative des députés communistes, lors du

scandaleduRainbowWarrior 36,etc.

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Objetsde fantasmes jusqu’en1981, lesservicesderenseignementnesuscitent plus les mêmes peurs irraisonnées après moins d’un and’exercice du pouvoir. Cependant, la méfiance perdure chez François

Mitterrand tandis que le « syndrome Allende 37 » n’a pas totalementabandonnél’imaginairedegauche;ledéfautderelaisauseindelahauteadministration–notammentpolicière–l’accroîtplusencore.Néanmoins,la méfiance ne suscite guère une vigilance particulière et les servicespeinentdenouveauàtrouverdesinterlocuteursconstantsquieffectuentunevéritablesupervision.L’embelliedelapériodeprécédenteestoubliée.

CÔTÉÉLYSÉE:UNSUIVIÉPARPILLÉ

Malgré tout, le nouveau président de la République inaugure une

coutume:ilreçoitdésormaisunefoisparmoisledirecteurdelaDGSE 38

et à intervalles réguliers celui de la DST dans la mesure où il gèrepersonnellement les conséquences diplomatiques de l’affaire Farewell ;cettedernièretombeàpointnommépourfacilitersesrelationsavecdesÉtats-Unis, choqués par l’entrée de quatre ministres communistes auGouvernement. Il refuse néanmoins par deux fois l’hypothèse d’uneréactivation du CIR suggérée par les directeurs généraux de la DGSE,PierreMarionpuisPierreLacoste.

De leur côté, troublés par l’alternance de 1981, les services derenseignementéprouvent lanécessitéd’établir rapidementun liendirectavecl’Élysée.Enconséquence,ilsvonteux-mêmessedésigner,avecplusoumoinsdesuccès,desinterlocuteurs.Fortnaturellement,ilssetournentverslesecrétairegénéraletledirecteurdecabinet.Maissilafonctiondedirecteur de cabinet, disparue depuis 1969, a été restaurée à l’initiatived’AndréRousselet,l’undesamislesplusprochesduPrésident,sous-préfetetancienmembredesoncabinetauministèredel’Intérieuren1954,etsicette charge englobe le suivi de la place Beauvau, son titulaire nemanifeste aucun attrait pour le versant sécuritaire de sa fonction. Il

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préfère se consacrer à la dimension politique du ministère, auxnominations dans le corps préfectoral, à la presse et à l’audiovisuel(domaines dont il a obtenu du chef de l’État qu’ils entrent dans sescompétences). De sorte qu’il reçoitMarcel Chalet dès son installation àl’Élyséeafind’évoquerlesortdelaDSTmaisneluiaccordequ’unefaibleattention, à l’instar de celle qu’il prête à PierreMarion, le directeur duSDECE.

À l’inverse, dans les premières semaines de sa présence à l’Élysée,Pierre Bérégovoy, le nouveau secrétaire général, témoigne d’uneappétencepourlerenseignement.DestinatairedelaproductionduSDECEà l’initiative de Michel Roussin dès les premiers jours de l’alternance,PierreBérégovoyaétédésignécommel’undesprincipauxinterlocuteursduserviceparlechefdel’Étatquiavaliseainsiunesituationneprocédantpasdesavolonté.Ilparticipeàlagestiondel’affaireFarewelldontonneredira jamais assez le rôle qu’elle a joué dans la normalisation desrapportsdesélitessocialistesavecl’appareilderenseignement.Maisunetelle implications’avèreponctuelleetcontingentedufaitdupoidsdesacharge ; il ne saurait superviser l’activité de la DST. En revanche, leSDECE semble l’attirer. Pierre Marion en témoigne : il « aimemanifestementprendredesinitiativesetdesdécisions.SonaccèsdirectàMitterrandmepermetd’obtenir des réponses rapides aux questions quejepose.J’aimêmel’impressionqu’ilprendplaisiràdébrouillerettrancherlui-mêmedesaffairesdélicatesetque leSDECEconstitueà sesyeuxunorganeimportantqu’iln’hésiterapasàutiliser.J’aiunalliédanslaplace.Defait,lesecrétairegénéraldel’Élyséedevientrapidementmonprincipal

interlocuteurauChâteauetmonmentorverslegouvernement 39».Mais, très vite, le directeur du SDECE insatisfait le pouvoir qui l’a

nommé. Pis, il semble ne pas maîtriser son service comme le révèlel’épisode de la fausse dépêche AFP qui, envoyée depuis le Gabon ennovembre 1981, annonce de source SDECE que les troupes du colonelKadhafi fondent sur N’Djamena pour déposer le gouvernement deGoukouniOueddeïsoutenuparlaFrance.Desagentssevoientcontraints

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de quitter le SDECEmais cela n’apaise pas le Président qui confie uneenquête sur cette affaire au général Saulnier, son chef d’état-majorparticulier. Plus largement, François Mitterrand décharge PierreBérégovoy du suivi du service extérieur au profit de son conseillermilitaire.Ilagitavecd’autantplusdefermetéquelatutelleadministrativedu SDECE, le ministère de la Défense, a renoncé de longue date àsuperviser ce service, véritable électron libre de la République, et quel’arrivéedeCharlesHernuàl’hôteldeBriennenechangeguèreladonne.

En juillet 1982, le départ de Pierre Bérégovoy n’affecte en rienl’organisationdécidéeparleprésidentdelaRépublique:celle-ciserévèlepérenne puisque Jean-Louis Bianco (et après lui Hubert Védrine) reçoituniquement les informations les plus importantes en provenance de laDGSEmaisnedélivreaucuneconsigneoun’effectueaucunsuivirégulier.IlsecomportedelamêmemanièreaveclaDST:ilseraainsiinformédel’affaire Farewell peu de temps avant l’expulsion des diplomatessoviétiques, en avril 1983. Car, de son propre aveu, Jean-Louis Biancon’intervient qu’en cas de problème politique, lorsque l’affaire paraîtd’importance ou lorsque le président de la République requiert son

implication 40.Touslessecrétairesgénérauxagirontdemême.Lechefd’état-majorparticuliersevoitdoncconfierlasupervisiondu

SDECE de manière pérenne. Là où il incarnait un point d’entréecoutumier, le voilà gratifié de la confiance présidentielle, lui qui a éténommé sur les conseils du frère du chef de l’État, le général JacquesMitterrand.Larumeurveutmêmeque,pressentipourintégrerlecabinetmilitaire de l’Élysée giscardien, le soldat ait décliné la proposition. Bienqu’il récuse tout engagement politique, Jean Saulnier confie : « j’étais

connupourn’avoiraucunehostilitéenverslaGauche 41».Enrevanche,etparadoxalement, le militaire affiche une véritable répugnance pour leservicedontildoitsuivrel’activité.Ilavaitd’ailleursrefusédelerejoindreaucoursdesacarrière:«c’étaitcontraireàmonéthiquepersonnelle[…],lesmilitairesnesontpasforméspourcela».IlrefusedonccerôleetneconçoitpasdedevoirsurveillerlesactivitésdelaDGSE:«àmonsens,je

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n’avais pas à suivre, donc à contrôler, l’activité de la DGSE. […] Leministre de la Défense était là pour ça ». Dès lors, il confesse « desrapports difficiles avec la DGSE » et se cantonne à recevoir desinformationssansdélivrerdeconsignes.Defait,PierreMarionseplaint,àjuste titre : « personne à l’Élysée n’assure de coordination réelle sur les

questionstouchantàlafonctionsecrète 42».Cependant,avantmêmequelePrésidentne luiconfie lasupervision

duSDECE, le directeur de laDST était venu s’ouvrir auprès du généralSaulnierdel’affaireFarewell:«Chaletn’osaitpasenparleraunouveauPrésidentetn’avaitconfiancequ’enmoi»,sesouvient-il.S’ilréorientelepolicierversleministreDefferre,cettevisiteinstitueleCEMPenréférentde la DST pour ce dossier. Le militaire se déplacera d’ailleurs rued’Argenson, siège de la branche contre-espionnage du service, pours’enquérir de données confidentielles et, « lorsque le développement del’affaire Farewell exigea l’adoptiondemesures dépassant la compétencedu ministre de l’Intérieur, c’est le général Saulnier qui en assura lacoordination»,témoigneMauriceGrimaud.

Du fait de sa qualité de correspondant de la DGSE et de la DST,l’officierdel’Élyséegagnelaréputationdecoordonnateurdesservicesderenseignement,uncoordonnateurmalgré lui.Ladistanceentre leCEMPet la DGSE s’accroît lorsque l’amiral Lacoste prend la tête du service(nominationpour laquelle legénéralSaulniern’apasétéconsulté) : lesdeuxhommes peinent à collaborer, se rencontrentmoins d’une fois parmois, sauf circonstances exceptionnelles, comme en témoigne l’amiral

Lacoste 43.Cesuividéfaillantsematérialiseraavecéclat lorsduscandaleduRainbowWarrior.Àlasuitedecetépisode,l’état-majorparticulierseverra à son tour déchargé de la responsabilité de la DGSE au profit deGillesMénage,directeuradjointducabinetélyséen.Désormais,l’instanceselimiteraàrecevoirdessynthèsesenprovenanceduservice.

Car,àlafaveurdudéchaînementdeviolenceterroristesurleterritoirenationaldèsleprintemps1982,l’entourageprésidentieldoitsestructurerbrutalement, luiquiavaitconsidérablementsous-estimé lesquestionsde

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sécurité,au-delàdeleursimpleacceptionliéeaurenseignement.Danscecontexte,GillesMénage,sous-préfetchiraquienrecrutécommeconseillertechniqueparAndréRousseletsurlesconseilsdeMauriceGrimaud,paraîtréunir les qualités nécessaires et gagne en importance dans le dispositifélyséen. Le général Saulnier – impliqué par Gaston Defferre dans lagestionduphénomèneterroristequileconvieàdenombreusesréunions–ne s’y trompe pas et s’appuie de plus en plus sur ce haut fonctionnaireredoutablement efficace. En effet, le militaire admet sa mauvaiseconnaissance de la place Beauvau et des mécanismes de la lutteantiterroriste : « j’ai senti que je n’avais pas la compétencesuffisante ; avec l’accord du Président, j’ai pris l’initiative de confier àGillesMénagelesaffairesquej’avaisplusoumoinsessayédesuivre».Cedernierdevientd’ailleursdirecteuradjointdecabinetenjuillet1982,lorsdu départ d’André Rousselet. Il a même été pressenti pour prendre sasuccessionsiJean-ClaudeColliardn’avaitpasénergiquementprotestéafin

d’occuperlui-mêmecesfonctions 44.Peu à peu, le général Saulnier se défait des principaux dossiers et

Gilles Ménage s’implique alors dans le choix du successeur de MarcelChalet à la DST, en novembre 1982. En février 1983, le sous-préfetreprendlamainsurl’affaireFarewell.«Malgré[sa]prisededistanceavecl’Intérieur»,leCEMPcontinued’êtresollicitéparlaDSTetsondirecteurYvesBonnetquileconsidèrecommeuninterlocuteurcomplémentairedeGilles Ménage, ou par le président de la République lui-même : à

l’occasion d’une affaire de contre-espionnage 45 ou de la reprise des

attentats d’Action directe 46, François Mitterrand requiert l’avis dumilitaire. La « passationdepouvoirs » auprofit dudirecteur adjoint ducabinetprésidentiels’estainsiétaléesurplusd’unan.

Commedecoutumedansl’universmitterrandien,laconstructiond’unpérimètresebâtitaugrédescahots.GillesMénagerécupèreainsilesuividelaDSTetdelaluttecontreleterrorismeenfonctiondelaprogressivedéprisedugénéralSaulniermaisaussiparcequenulautreneparvientà

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gérer consciencieusement ce sujet. En effet, François Mitterrand n’aimerien moins que multiplier les interlocuteurs. Après que François deGrossouvre,chargédemissionauprèsdelui,s’estrapidementmarginaliséen matière de renseignement du fait de son dilettantisme et de soninconstance, vient l’heure de Christian Prouteau et de la cellule del’Élysée.

Le lieutenant-colonel de gendarmerie, créateur du Groupe

d’interventiondelaGendarmerienationale(GIGN) 47,aétéchargéparlechefdel’Étatdestructurersasécurité.LemilitairecréealorsleGSPRetpose les fondations d’un dispositif qui perdure encore aujourd’hui.Maisaprèsl’attentatdelaruedesRosiersenaoût1982,FrançoisMitterrandluiconfie également une mission de coordination de la lutte contre leterrorisme.Legendarme structuredoncune cellule composéedequatregendarmes et six policiers (trois issus de la DST et trois autres de laDCRG).Ellesedoteégalementd’unbrasarmé,leGAM(Grouped’actionmixte), confié au gendarme Paul Barril. Très rapidement, la structuredysfonctionne:elles’abîmesurl’hostilitédesservicesqu’elleestsupposéecoordonneret songroupeopérationnelmultiplie lesbévues,à l’exemplede l’affaire des Irlandais de Vincennes, du nom des trois activistesirlandais soupçonnés d’avoir aidé à commettre l’attentat de la rue desRosiers et arrêtés précipitamment par Paul Barril le 28 août 1982.Toutefois, elle bénéficie d’un quota d’une vingtaine d’interceptions desécurité prélevées sur le contingent de la DGSE avec l’autorisation deCharles Hernu et Michel Delebarre, directeur de cabinet du Premierministre, qui transmet des instructions au GIC. De sorte que, entrejanvier1983etmars1986,ChristianProuteau reconnaîtavoirplacé surécoute122personnes.L’actionseraàl’origineduscandaledes«écoutesde l’Élysée»dans lamesureoùunepartiedecesécoutesaporté sur laprotectionde la vieprivéedeFrançoisMitterrandet,notamment,de sasecondefamille.

Le temps aidant, la cellule semble connaître une pacification de sesrelationsaveclesservicesderenseignementtraditionnels;toutefois,cette

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accalmie ne lui laisse point le loisir d’assumer la fonction initialementprévue tant la capacité d’inertie des services s’avère importante. De lacoordination,sonrôleseréduitàceluid’aiguillagecontingentetd’actionen cas d’indifférence ou de refus des services. En parallèle, le rôle decoordination exercé par Gilles Ménage se renforce. Et, comme déjàévoqué, après le scandale du RainbowWarrior, il s’occupera même dusuividelaDGSE.

Cependant, cette construction au gré des échecs, attentats etscandales, sans fondement, ni réglementaire, ni législatif, et dans leslimbesdesprérogativesconstitutionnellesduprésidentdelaRépublique,ne permet guère de bâtir un dispositif efficace et pérenne. Elle n’existequefauted’alternativesérieusedanslamesureoùlesPremiersministresdu premier septennat de FrançoisMitterrand, PierreMauroy et LaurentFabius,délaissenttotalementlesujet.

CÔTÉMATIGNON:LEREPLIVOLONTAIRE

NommédèsaprèslaprisedefonctionsdeFrançoisMitterrand,PierreMauroynemanifesteluinonplusaucuneinclinationparticulièreàl’égarddurenseignement,activitédont il seméfie.Sonconseiller Justice,LouisJoinet, obtient d’ailleurs de lui que les juges d’instruction puissentconsulter sans restriction les dossiers détenus par les services derenseignementsurlesaffairesCuriel,BenBarka,etc.,etleprésidentdelaCourdecassation,RobertSchmelk,sevoitcommanderunrapportdestinéàencadrertrèsfermementlesécoutestéléphoniques(réitérantlesoucideValéryGiscardd’Estaingdèssoninstallationaupouvoir).Leprincipedesréunions de coordination tenues à Matignon est abandonné même siPierre Mauroy confie à Michel Delebarre, un proche qui occupe lesfonctionsdechargédemission, lesoindesuivre lesdossiersdesécuritéintérieure afin de se prémunir contre d’éventuelles chausse-trappes en

provenancedeces«énormesetincertainesadministrations 48».

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Dans cette configuration, la sécurité extérieure ne bénéficie guèred’une attention soutenue, comme le déplore son directeur, Pierre

Marion 49,reçuunefoisparmoisàMatignonsanspourautantrecueillirniorientationsnidemandes.Sonsuccesseur,l’amiralLacosteseratraitéàlamême enseigne : « Je n’ai eu l’occasion de saluer le Premier ministrequ’uneseulefois;lecontactfutbrefetcourtois,maismanifestementmesactivités ne l’intéressaient pas. En revanche, j’ai entretenu lesmeilleursrapportsavecsonpremiercollaborateur[…]bienquemondomainen’ait

pasétédesplusimportantspourlui 50.»LesuivisuperficieletméfiantdeMatignonexpliquelagrandemarge

demanœuvreoctroyéeàGastonDefferredanslagestiondesonministère.Pressenti pour occuper Matignon en cas de victoire du PS en 1974, lemaire de Marseille jouit d’une autorité et d’une expérience quil’affranchissentduPremierministre;ilétablitunliendirectavecl’Élyséed’autantplusfacilementqu’ilgèreensecretl’affaireFarewell.Leministrede l’Intérieur, informé par la DST dès sa prise de pouvoir, en réfèredirectementàFrançoisMitterrandàpartirdu14juillet1981.Or,lechefdel’ÉtatdécidedenepasmettrelePremierministredanslaconfidence.L’expulsiondequarante-septdiplomatessoviétiquesle5avril1983,prèsde deux ans plus tard, contraindra l’hôte de l’Élysée à s’ouvrir de cedossierauprèsdesonchefdeGouvernement.Toutefois,lesdifficultésdeGaston Defferre à l’Intérieur (singulièrement face aux policiers) et ledéchaînement de violence terroriste de l’année 1982 placent Matignondans l’obligation de porter attention au champ de la sécurité. Dans cecontexte, lorsque Michel Delebarre accède au poste de directeur decabinetle30mai1982,ilrecréeunecelluledecoordinationdesservicesdepolicequiseréunitunefoisparsemaineaupavillondeMusique.

Le sursaut tardif de Matignon n’aura pas le temps de prouver sonefficacité : deux mois plus tard, sous la pression du terrorisme aprèsl’attentatdelaruedesRosiers,FrançoisMitterranddécided’instituerunsecrétariatd’ÉtatàlaSécuritépubliqueenmêmetempsqu’unemissiondecoordination confiée à Christian Prouteau. À la marginalisation du

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Premierministre et aubrouillagedesdispositifs traditionnels s’ajoute laconfusionintroduiteparlesecrétaired’ÉtatàlasécuritépubliqueJosephFranceschi qui, en réponse à la nomination de Christian Prouteau,demandeaucommissaireRobertBroussarddejouerunrôlesimilaire.Cedernier commente avec lucidité : « je n’ai pas été dupe, j’ai été nommé

pour être le pendant de Prouteau auministère de l’Intérieur 51 » tandisqu’ilconfessenejouirnidescompétencesnidugoûtpourlamissionquilui est alors confiée. Au cours des cinq mois que dura sa mission, lecommissaire Broussard stigmatise un « flou extraordinaire » dans lesattributions de chacun et dans la coordination. Il faut reconnaître quecohabitentalorspasmoinsdequatre coordonnateurs (MauriceGrimaudetMichelDelebarreenqualitédedirecteursdecabinet,RobertBroussardetChristianProuteau)!

Danscet imbroglio institutionnelparcourud’intensesrivalités,MichelDelebarre ne parvient pas à s’imposer et le souhait exprimé par PierreMauroyàFrançoisMitterranddemettreuntermeaubicéphalismedelaplace Beauvau ne rencontre aucun écho. Dès lors, les réunions deMatignon s’espacent, au point de s’avérer quasi inexistantes, tandis queMichel Delebarre prend plutôt le parti d’assister à toutes les réunionsprésidéesparGastonDefferreetJosephFranceschi.Maisfaceàl’insuccèsdecedispositif,l’Élysée,notammentparlebiaisdeGillesMénage,accroîtsoninterventionnisme.

NomméPremierministreenjuillet1984,LaurentFabiusdisposed’uneautoritéincontestableetpeutexercerlatotalitédespouvoirsinhérentsàsafonction.Néanmoins,enmatièredesécurité, ilsembleabdiquertouteprétentionauprofitdel’Élyséeetduministèredel’Intérieur:àsesyeux,ledomaineréservéélyséeninclutlesquestionsdesécurité;insensibleàcechamp d’action, le Premier ministre ne ressent pas la nécessité decontesterauprésidentdelaRépubliquecerôleexercé,pardéfaut,depuisplusieurs mois. Mieux, il décide d’accroître le désengagement deMatignon : lors de son installation, son directeur de cabinet LouisSchweitzerdemandeàLaurentFabiuss’ilentendreconduirelesréunions

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de coordination des services de renseignement et de sécuritéprécédemment établies parMichel Delebarre. Face au refus du Premierministre, ces réunions sont transféréesplaceBeauvauet le conseiller encharge du ministère de l’Intérieur, Claude Silberzahn, y représentedésormais seul l’hôtel de Matignon. La prévalence des questions desécurité intérieure,deterrorismeenparticulier, laisse laDGSEdansunerelative déshérence, privée d’interlocuteur de poids, à l’Élysée comme àMatignon. Seul le cabinet militaire du Premier ministre sertoccasionnellement de point d’entrée pour certaines informations. LePremierministreregretteravivementcedésengagementlorsdel’épisodeduRainbowWarrior:pendantlacrisepolitiquequegénèrel’actiondelaDGSE contre le navire de Greenpeace, Laurent Fabius se débattra pourtenter de découvrir la vérité sans toutefois disposer des moyensadministratifsutilespourl’atteindre,desonproprefait.

Lescinqpremièresannéesdupremierseptennatmitterrandiensesonttraduitesà la foisparun intérêtaccrupour lerenseignement(enraisond’unedéfianceactiveetsouslapressionduterrorismeinternational),uneplusgrandeprégnancedecettematièreetuneréelledésorganisationdel’État. L’absencede structurede coordinationétablie lorsde l’alternancede mai 1981, mais également la minoration des problématiques desécuritéet lepoidsfluctuantdepersonnalitésdel’entourageprésidentielont jeté un profond trouble sur l’organisation du renseignement. Ausurplus, le poids de la lutte contre le terrorisme a tordu le principe decoordination du renseignement et déplacé son centre de gravité vers leministère de l’Intérieur. La cohabitation en 1986, en pleine vagueterroriste, ne viendra hélas pas changer radicalement un dispositifdéfaillantetinconstant.

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LERENSEIGNEMENTÀL’HEUREDELACOHABITATION(1986-1988)

Conscient des défaillances de Pierre Mauroy et de Laurent Fabius(violemment dénoncées par le RPR tant à l’Assemblée nationale qu’auSénat),JacquesChiracsesouciederationaliserlalutteantiterroristedèssaprisedepouvoir, le 20mars1986, avecd’autantplusde zèle que le

paysconnaîtunevagued’attentats 52.Mais,à ladifférencedespratiquesinitiées par JérômeMonod, le nouveau locataire deMatignon restreintsonactionauterrorismeetse laisseséduirepar lespropositionsdujugeantiterroristeAlainMarsaudqui,dansunetribunepubliéeparLeMondedu21décembre1985,critiquaitsévèrementl’unitédecoordinationdela

lutte contre le terrorisme (UCLAT) 53 et préconisait la création d’unConseil de sécurité intérieure, le vote d’une loi antiterroriste, lacentralisationjudiciairedesaffairesantiterroristes.

JacquesChirac semble instituer cet article en véritable pland’actiongouvernementale:le9avril1986,ilcréeleConseildesécuritéintérieure(CSI) qui réunit les ministres concernés par la thématique et, le

9 septembre, il fait voter la loi no 86-1020 relative à la lutte contre leterrorisme. Si la structuration du dispositif judiciaire qui centralise lesaffaires terroristes àParis s’avère très efficace et pérenneplusde trenteansaprès,leCSIpeineàprouversonutilité:aprèslapremièreréunion,le

1ermai, l’instances’assoupit jusqu’au8septembre, lorsqueseproduitun

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attentat au bureau de poste de l’Hôtel de ville de Paris. Alors que desactesterroristessemultiplientles12,14,15et17septembre,lePremierministre convoque à plusieurs reprises le CSI (les 10, 14, 17 et30 septembre)mais l’accalmie qui précède le démantèlement du réseauterroristeen1987signeenréalitél’obsolescenceduCSIetladisparitiondu pouvoir primoministériel de coordination en raison de la naturellemontée en puissance du ministre de l’Intérieur. Le rôle de la placeBeauvau,dufaitdelamenaceterroriste,seconfirme.

Quant à François Mitterrand, faute d’avoir précédemmentinstitutionnalisélesinstancesdecontactaveclesservices,lacohabitationavec Jacques Chirac le prive de tout relais. Il se plaindra d’ailleurs enmaintes occasions d’être insuffisamment renseigné en matière deterrorisme ou d’espionnage ; il convoquera à cet effet le préfet Barbot(DGPN) et Bernard Gérard (DST) pour exprimer ses griefs le 14 et

29 avril 1987. La gestion de la prise d’otages d’Ouvéa 54 confirme cetteopposition au sein de l’exécutif à la veille de l’élection présidentielle.Seulesaréélectionen1988viendramodifierladonne.

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MICHELROCARDETLAPRIMOMINISTÉRIALISATIONDURENSEIGNEMENT(1988-1991)

En1988, aprèsune campagneprésidentielleplacée sous le signedurassemblement,FrançoisMitterrandsetrouvedansl’obligation–morale–de nommer un « gouvernement d’ouverture » qu’il confie à un hommeestimécapablederéunirautourdeluilepluslargeassentiment,tantchezlescitoyensquedanslemondepolitique:MichelRocard.MaislePremierministre«subit»lacompositiondesonGouvernement:ilsevoitimposerune répartitiondespostes identique à celledugouvernementFabius aupointd’êtrecomplètementcirconvenupardesmitterrandienshostiles.

Toutefois, parce qu’il considère Matignon comme un « centre

d’impulsion 55»,lePremierministreneserésoutpasàabdiquertoutdroitderegardsurlefonctionnementduministèredel’Intérieur.Profaneenlamatière,ildoits’entourerd’hommescompétents:Jean-PaulHuchon,sondirecteur de cabinet, entreprend alors de faire appel au préfet RémyPautrat, ancien directeur de la DST entre 1985 et 1986. Le hautfonctionnaire,d’abordnomméconseillertechnique,occuperaparlasuitele poste de conseiller à la sécurité, selon son souhait.Mais Pierre Joxeentend n’aborder les questions relatives à sonministère qu’avec le seulPremier ministre (en dépit de leurs relations tendues) et refusera detravailleravecJean-PaulHuchonouRémyPautrat.

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Face à l’attitude rétive duministre de l’Intérieur, Jean-Paul HuchonparvientàconserveretàinstitutionnaliserleConseildesécuritéintérieure(CSI) créé par Jacques Chirac lors de la première cohabitation. Il s’agitd’imposer à Pierre Joxe « une réunion tous les quinze jours avec lePremier ministre pour que les problèmes de sécurité, de police et les

nominationspréfectorales[n’]échappentpas 56» totalementàcedernier.LemêmesoucistratégiqueguideMichelRocarddanssarelationavec laDGSE.

S’ilconnaîtmalcedomained’activitédel’État,lePremierministrevamanifester un intérêt soutenu pour le service qui souffre de la récenteaffaireduRainbowWarrior.LenouveauDGSEnomméen1989,ClaudeSilberzahn, comprend tout le bénéfice qu’il peut tirer de la faveur deMatignon, d’autant qu’il occupait auparavant les fonctions de conseilleraux affaires intérieures du Premier ministre Fabius. En conséquence, ilcôtoierégulièrementquatrepersonnesàMatignon:deuxfoisparmois,il

rencontre un Premier ministre « avide de connaissances 57 » (pour uneseule rencontre avec le Président qui maintient néanmoins la coutumeinstaurée en 1981) ; il évoque fréquemment avec Jean-Paul Huchon lapolitiquegénéraleduserviceetles«dossiersréservés»;enfin,ilconverseavec Philippe Petit (le conseiller diplomatique) et Rémy Pautrat.Cependant, la productionde son service est encore jugéede troppiètrequalité : « presque pas d’analyses et quand il y en avait, elles se

contredisaient 58»,selonl’ancienPremierministre.Michel Rocard traduit en actes cet intérêt soutenu : il entérine et

débloque les fonds nécessaires pour un plan de développementquinquennal. La DGSE recrute alors massivement et bénéficie d’uneréforme structurelle majeure qui la dote de sa structure actuelle. D’unautrecôté,lePremierministren’oubliepasd’apporterunsoutienfinancierà l’amélioration de la collecte de renseignement technique (l’indiced’investissementétaitde170en1993 surunebasede100en1988)etune loi de décembre 1990 soumet tous les systèmes de chiffrement

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commercialisésenFranceàuneautorisationpréalableduServicecentraldesécuritédessystèmesd’information(organismedépendantduPremierministre). Enfin, marque suprême de cette appétence et élément quasiinédit,lePremierministreserenddeuxfoisàlaDGSE,endécembre1988etenaoût1990.MaislechefduGouvernementnes’arrêtepasensibonchemin : sur les conseils de Rémy Pautrat, il va initier une ambitieuseréformevisantàexhumersonpouvoirdecoordination.

Comme l’énonce avec humour son conseiller parlementaire GuyCarcassonne,Michel Rocard est « la quintessence du protestant, c’est-à-direceluiquirechercheàfairesystématiquementcequiestàlafoisune

bonneactionetunebonneaffaire 59 ». La thématiquedu renseignementva luipermettred’allier soucid’efficacitéetaccroissementdepouvoir. Ilpropose donc au chef de l’État de remédier aux carences dénoncées enréactivantleCIRcar,selonlui,«leproblèmeestmoinsceluideshommesque celui des procédures ». Il formule trois sollicitations infructueusessansdouteparceque,àl’issuedelacohabitationetinstruitdeserrementsdu passé, François Mitterrand laisse le soin à Gilles Ménage, devenudirecteurde cabinet, de superviser toujoursplus étroitement les affairesde renseignement. Le haut fonctionnaire nomme des personnes deconfiance à la tête des services, suit leur activité, etc. Il instaure lesprémices d’une coordination élyséenne sans disposer des moyens d’unsuivi continu et détaillé. Mais face à l’opiniâtreté du chef duGouvernement, le Président finit par capituler et lance un « si ça vousamuse…»enformedequitus.SelonRémyPautrat,«c’étaitdifficiledes’y

opposerpuisquecelaexistaitmaisnefonctionnaitplus 60».Le décret du 20 avril 1989 élaboré par les équipes rocardiennes

reprendlesgrandes lignes fixéesdès1962etconfieauPremierministreainsiqu’auxmembresdesoncabinetlesoindeprésiderdifférentsgroupesdetravail.Desurcroît,autermed’uneréflexioninterministérielle,unplande renseignement est soumis à l’approbation du président de laRépublique.Ce faisant,MichelRocard reconnaîtavoir « chass[é] sur lesterresduPrésident»maissedéfenddetoutearrière-pensée:«j’aiprisdu

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pouvoir là, mais je ne l’ai pris à personne, il est dans la fonction dePremierministre».

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RETOURÀLA«NORMALE»(1991-1995)

Pour succéder à Michel Rocard au terme de trois années, FrançoisMitterrandnommeunepersonnalitéquiacritiquésansrelâchelePremierministre : Édith Cresson, une mitterrandienne fidèle. Le Présidentannoncelui-mêmesadécisionlorsd’uneinterventiontéléviséeetcomposeleGouvernement.De fait, cettedernièrene jouitd’aucuneautorité : lesministresenréfèrentdirectementàl’ÉlyséeetcontestentlesarbitragesdeMatignon.PhilippeMarchand,ministredel’Intérieur,assène:«Jen’avais

qu’unchef,c’étaitl’Élysée 61.»Pourcontrercetespritd’indépendancedelaplaceBeauvau,lacheffe

duGouvernementsouhaitenommerauprèsd’elleIvanBarbot,enqualitédeconseillerpour lasécurité.Lehautfonctionnaire,ancienmembredescabinets deMichel Poniatowski et Christian Bonnet à l’Intérieur, ancienDGPN nommé par Charles Pasqua en janvier 1987, puis directeurd’Interpol en 1988 en même temps que préfet de la région Poitou-Charentes(oùsesituelefiefduPremierministre),faitfigured’hommededroite et, pis, passe pour « un homme de Pasqua » selon PhilippeMarchandqui,desonpropreaveu,entretientavec lehaut fonctionnairedesrelationsexécrables.Faceauxréticencessoulevéesparcechoix,ÉdithCresson renonceetnommeGérardCureau. Insatisfaitede cette solutionde repli, elle obtient finalement du président de la République de

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s’attacher les services d’Ivan Barbot avec le titre de chargé de missionauprèsduPremierministrepourlasécurité,enseptembre1991.

Très rapidement, l’activismedu conseiller inquiète l’hôtede la placeBeauvau.D’autantqu’ils’entouredepoliciersdesaconnaissance:«J’étaisassistéd’un collaborateurdédié auxdossiersduministèrede l’Intérieur,autresquedePolice,d’unecollaboratricespécialistedel’Outre-mer,d’uncommissaire de Police [Jean-Louis Ottavi] que j’avais fait venir duministèrepour lesproblèmesde sécurité, qu’il s’agissede l’ordrepublic,de la lutte contre la délinquance ou le terrorisme. Ces attributionsdessinentàpeuprèslescontoursdemondomainedecompétences,sil’ony ajoute les relations avec la DGSE et bien sûr de nombreux dossiers

ponctuels 62.»Defait,cettestructureinhabituellementétofféepourl’hôtelde Matignon intrigue, au point que certains observateurs dénoncentl’existence d’une véritable équipe opérationnelle qui contourne lesministresetleurscabinetsafind’entretenirdesrelationsdirectesaveclesfonctionnairesdel’administrationdelaplaceBeauvau.Enrevanche,Ivan

Barbot semble délaisser l’activité de la DST 63 (sans doute jugée tropproche de l’Élysée et en raison de l’hostilité de son directeur JacquesFournetàsonégard)maisaussicelledelaDGSE,malgrésesdires.

Accaparée par des difficultés politiques et économiques, le Premierministren’apasmarquél’intérêtsuffisantetnedisposepasdelamargedemanœuvrenécessairepourappuyer l’actiondesonconseiller,enproieàuneréelleanimositéqu’accroîtsonactivisme impérieux.Ellecontribueàreplonger leCIRdansune formede léthargie.Mais l’absenced’attentatssur le territoire national et la fin de la guerre froide, accompagnée del’espoir des « dividendes de la paix », expliquent aussi la moindreattention portée par les responsables politiques aux sujets derenseignement. Dans cette perspective, Pierre Bérégovoy, qui succède àÉdithCressonàMatignonenavril1992,obnubilépar laperspectivedesélectionslégislativesde1993,n’auraguèreletempsetl’espritdeprendreenchargelesquestionsderenseignement.IlenvademêmepourÉdouardBalladur,chefd’undeuxièmeGouvernementdecohabitationentre1993

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et1995.L’hommenes’intéressepasplusaurenseignementqu’àl’époqueoù il œuvrait à l’Élysée auprès de Georges Pompidou en qualité desecrétaire général adjoint puis de secrétaire général de l’Élysée.Or c’estprécisément parce qu’il n’entend pas se préoccuper de ce secteur qu’il

déclare 64avoirchoisiCharlesPasquacommeministrede l’Intérieur.Soncabinet n’effectue ainsi qu’un suivi très relâché de l’activité de la placeBeauvau malgré le regain de violence terroriste en Corse. Quant à laDGSE, son directeur général Jacques Dewatre instruit personnellementFrançoisMitterranddelaproductiondesonservice.ÀMatignon,ilrendcompte à Nicolas Bazire, directeur de cabinet du Premier ministre audétriment du ministre de la Défense, selon la consigne d’ÉdouardBalladur:«l’opérationnel,c’estlePrésidentetmoi[…].Vousn’êtesqu’en

pension au ministère de la Défense 65 ». Mais de coordination, il n’estpointquestion.

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LESATTENTATSDE1995COMMERÉVÉLATEURDESCARENCESDELACOORDINATION

En 1995, dans un contexte de coordination du renseignementassoupie depuis plusieurs années, une vague d’attentats islamistessurprend laFranceavecuneviolence inégaléedepuis1982.Or, le cycleterroriste qui surgit au milieu du mois de juillet présente descaractéristiques inédites : il annonce une nouvelle forme de terrorisme,détachée de supports étatiques et guidée par le fondamentalismeislamiste.Demanièrepréventive, le 20 juin1995, les servicesdepoliceréalisent soixante-seize arrestations au sein des réseaux français du

Groupeislamiquearmé(GIA) 66et,peuaprèssonarrivéeplaceBeauvau,Jean-LouisDebré–unfidèledeJacquesChirac,récemmentéluprésidentdelaRépublique–prendlesoinderéunirleComitéinterministérieldelalutteantiterroriste(CILAT).

Pourtant, lorsdupremierattentatdu25 juillet1995, les servicesderenseignementetdepolice sontdésorientés : fautede revendication, ilsnesaventquellepisteprivilégier.Jean-LouisDebré,sansdouteenqualitéd’ancien jugeantiterroriste, s’impliquepersonnellement jusqu’àcontrôlerl’enquête.Après s’être rendusur les lieuxde l’attentatencompagnieduPremierministreAlainJuppé,leministreréunitleCILAT.Maisilsubitlescritiques convergentes de la presse, de lamagistrature, de la hiérarchiepolicière et des élus, y comprisRPR. Le23 septembre enparticulier, Le

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Monde publie une tribune signée du comité Cicéron, regroupant despoliciers et des magistrats, intitulée « Un pilote de trop dans la lutteantiterroriste».Letextecritiquenotammentl’actiondeJean-LouisDebré,

le déclenchement tardif du plan Vigipirate 67 (le 8 septembre), saproximité avec les juges (le juge Bruguière notamment). En réalité,l’article constitueuneétape supplémentairedans les luttespicrocholinesquiopposentdifférentsservicesetresponsablespoliciers.

Car, lorsque le ministre évoque les réunions de coordination entreservicespoliciers, ildéclaresansambageslesavoirconvoquées«pourle

spectacle 68»puisqu’ilprécisequ’ellesserévélaient inefficaces.Enraisondesréticencesquesuscitecetexercicedecollaboration,ildoitrencontrerentêteàtêtechacundeschefsdeservice.«Ilfallaitexigerquelesservices

travaillentensemble 69»,corroboreClaudeGuéant,ledirecteurgénéraldelapolicenationaledonttouslesacteursreconnaissentlerôlecentrallorsdecettecrise.Ilajoute:«ilyavaitunetelleobligationderésultatquej’aipris la direction des enquêtes moi-même », tout en reconnaissant lecaractère inhabituel de cette décision. Véritable novation, il transformel’UCLATeninstanceopérationnellequiseréunitquasiquotidiennement.

Maiscetteprisedepouvoirsuscitedesfroissements:ledirecteurdelaDST, le préfet Parant, refuse ouvertement l’autorité duDGPNet entendn’enréférerqu’auministredel’Intérieur.Enoutre,lepréfetdepolicedeParis,PhilippeMassoni,etClaudeGuéantsontàcouteauxtirés;certainsacteurs de l’époque n’hésitent pas à envisager l’implication du premierdanslatribuneducomitéCicéronlorsquecelle-cidénonce:«undirecteurgénéraldelapolicenationale[qui]seprendpourSherlockHolmesetselance dans des travaux personnels d’identification d’empreintes etd’indicesaumilieudepoliciersgoguenards.Confusion toujoursquand ilprétend présider des réunions de l’UCLAT, la cellule technique decoordination antiterroriste des services de police. On attend d’undirecteurgénéraldesqualitésdecoordinateuretdegestionnaire,pasdesqualitésdepolicier».

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Si l’on ajoute à ces données les rivalités entre la PJ et la brigade

criminelle parisienne ainsi que lemutisme de la DGSE 70, on comprendaisément qu’Alain Juppé réunisse les chefs des services concernés le9septembrepourlessommerdecollaboreretdecesserleursquerelles.Lelendemain,JacquesChiracvoleégalementausecoursdesonministredel’Intérieurenconvoquantàl’Élyséelesmêmesacteursencompagniedesministres concernés. Le Président tient un discours ferme, exigeant demettre fin aux dissensions et d’adopter une unité d’action. Lors d’uneinterventiontélévisée,lesoirmême,ilréitèresespropos:«Lorsquenousseronssortisdelacrise,alorsjelesjugeraisurlacompétencequiauraétéla leur et sur la volonté qu’ils auront eu de réellement abattre lesfrontières qui pouvaient exister [entre les services] et de renforcer lacohésion et la détermination de l’ensemble. J’en tirerai toutes lesconséquencesàtouslesniveaux.»

Mais la menace de Jacques Chirac ne sera guère suivie d’effets,d’abordenraisondelaneutralisationdescellulesterroristespeuaprèslaréunion à l’Élysée, mais surtout de sa prévention à l’égard durenseignement, comme il l’écrit lui-même dans sesmémoires : « Jeme

suis toujours méfié de tout ce qui émane des services secrets 71. » Parconséquent, le président de la République ne rencontrera quasimentjamaislesdirecteursdeservicesconcernés.SisescollaborateursreçoiventYvesBertrand,DCRG,lechefdel’États’yrefuse.Parailleurs,leministredel’Intérieurjoueralerôled’intermédiairenaturelaveclaDST(et,d’unemanièregénérale,aveclesservicesdepolice)tandisquelaDGSEseverraconfiée aux soins de l’état-major particulier car, selon son directeur decabinet Bertrand Landrieu : « Jacques Chirac a toujours considéré que

c’était une affaire relevant de la responsabilité desmilitaires 72. » Et eneffet, aucun de ses collaborateurs ne suit ce champ de l’activitégouvernementale et la présidence de la République n’est jamaisreprésentée dans les réunions interministérielles avant la participationexceptionnelledupréfetLandrieuauCILATdu9septembre1995.Lehaut

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fonctionnaire évoque la volonté présidentielle de ne pas nommer un« nouveau Christian Prouteau » à l’Élysée, par référence à la cellulemitterrandiennecrééeen1982.Danscetteoptique,iln’entretientaucunerelation avec son ami Jacques Dewatre, à la DGSE, et ne reçoitqu’épisodiquementYvesBertrand,leDCRG.

En qualité de secrétaire général de l’Élysée et par appétencepersonnelle, Dominique de Villepin fréquente les directeurs desprincipauxservicesderenseignement(DGSE,DSTetDCRG)ainsiquelepréfetdepolice,PhilippeMassoni.Ilsepréoccupenotammentdesaffairespolitico-financières qui concernent le président de la République etinterrogeencesensledirecteurcentraldesRenseignementsgénérauxquia fait acte d’allégeance pendant la campagne électorale de 1995. Son« activisme » finit par gêner le ministre de l’Intérieur qui prend soind’éviter Dominique de Villepin et s’en ouvre à un Jacques Chirac

temporisateur.D’autantque lediplomate «voit les chosesd’enhaut 73 »selon la litote employéeparYvesBertrandetne sepréoccupeguèreduquotidiendel’activitédesservices.

Cettedistancequ’imposeJacquesChiracàsonentouragenevarieranisouslatroisièmecohabitationavecLionelJospin(1997-2002),nilorsdeson dernier quinquennat (2002-2007). La méfiance présidentielleexpliqueaussiqu’aucunPremierministren’ait,soussonautorité,tentéderéactiverunequelconquecoordinationdesservicesderenseignement.

De la fondation de la Cinquième République jusqu’à la création duCNR en 2008, et même si le renseignement aurait pu dès l’origineappartenirà ce «domaine réservé »duchefde l’État, il a été considéréavecdéfianceet/oudédain.Lasituationjustifiesafaibleinsertiondansleprocessus étatique de prise de décision et, par conséquent, l’absence demécanisme de coordination efficace, pérenne, institutionnalisé. Aucontraire, jusqu’en2008, lesservicesspécialisésn’ontbénéficiéqued’unintérêtponctueldelapartdecertainsresponsablespolitiquesoudeleurentourage tandis que le CIR s’épuisait dans une bureaucratie

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improductive. En particulier, certains collaborateurs de Matignon onttentédeposerlesfondationsd’unecoordinationmaisnebénéficiaientnidu tempsni de l’expertise nécessaires, ni d’une certainepermanence enfonctionspourentrerdansledétaildesactivitésdesservices.Pourn’avoircréé que des instances ad hoc, celles-ci se sont abîmées dans lesalternances.

L’arrivée au pouvoir de François Mitterrand, si elle ne change pasradicalement la faible considération dont pâtissent les services derenseignement, introduitunbiaisprésidentialistequeviennent renforcerlesdéchirementsliésàlaluttecontreleterrorisme.Or,cebiaisprospèresur un terreau favorable de services en manque d’interlocuteurs et deconsidération, trop heureux d’accéder aux sommets de l’État. À titred’exemple,l’affaireFarewellpermetàlaDSTdesortirdesarelégation.Defait,etendépitdel’expériencerocardienne,ledésengagementdurableduPremierministre a été scellé par cette période. Toutefois, les errementsconnusontégalementdissuadéJacquesChiracdes’investirencedomaineautrement que contraint par les événements. Car, seule la croissanteprégnance de la lutte contre le terrorisme a contraint les responsablespolitiques à prendre en considération l’apport des services derenseignement.Ellel’acependantdissousdansunensembleplusvastequiinclut tant la sphère policière que judiciaire. Dès lors, les activités derenseignement n’étaient pas coordonnées pour elles-mêmes, dans leurdiversité,maissousl’anglenécessairementrestrictifdel’antiterrorisme.Enoutre, le centre de gravité de cette coordination se déplaçait versle ministère de l’Intérieur, justifiant plus encore le désengagement del’ÉlyséeetMatignon.

Àcetégard,lacréationduCNRparNicolasSarkozyestvenuerompreprès de cinquante années d’une préjudiciable déshérence durenseignement dans l’appareil d’État. Marquée par une conceptionprésidentialiste de l’exercice du pouvoir, elle propose un dispositifréglementaire qui s’inscrit dans les limbes des prérogativesconstitutionnellesduprésidentdelaRépublique.Cefaisant,ellesefonde

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–àbondroit–surleconstatquelalourdeurdelatâchedeMatignonneluilaissepasleloisirsuffisantpourcoordonnerdansledétailuneactivitéopérationnelle,mêmesicelaheurteprofondémentnosinstitutionsetleuresprit.

La réforme tire les enseignements du passé : aux dispositifs decirconstance,ellepréfèrelemarbredesdécretsetl’exigencequerequiertunpositionnementauprèsduchefdel’État;grâceàunecommunautédurenseignementde six services trèsdivers, elle s’abstraitde la seule luttecontre le terrorisme. Les ferments d’une véritable politique publiqueapparaissent. Mais, oublieuse des leçons de l’histoire, l’initiative laissependantes des questionsmajeures : au sein de l’entourage présidentiel,l’hésitation de rattachement fonctionnel au secrétaire général, audirecteur de cabinet ou au chef d’état-major particulier apparue sousFrançois Mitterrand, n’est pas tranchée et plonge la structure dansd’intenses luttesdepouvoir.Demême,passé l’enthousiasmedesdébuts,ledéfautd’attentionpersonnelleduprésidentdelaRépubliquetempèrelevolontarisme des dispositions. Enfin, l’éloignement trop marqué deMatignon prive des leviers budgétaires et interministériels quel’ordonnancedejanvier1959avaitpromus.

Endéfinitive, si l’histoireapuservirdeguideà la réformede2008,celle-ci a néanmoins reproduit certaines des causes desdysfonctionnementsobservéssurundemi-siècle.

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Conclusiongénérale

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EntrechronosetkairosUnecoordinationàlarecherche

dubontempo

Del’officiergénéralaudiplomate,duvisiteurdusoiraumaîtreespion,les conseillers se disputent un même privilège : pouvoir chuchoter àl’oreille du décideur. Tous veulent contribuer à l’élaboration de ladécision, à « renseigner » pour éclairer, anticiper, prévoir au profit decelui qui tranche en dernier ressort, « renseigner » pour prendre sesdistances,comprendreles jeuxd’ombresquis’agitentencoulisse,nepasseperdredanslemomentmaisanticiperlalumièreàvenir,écarteléentrela tyrannie de l’instant et la volonté de garder un temps d’avance. Or,depuis2008,leCNR(LT)estl’undesnombreuxacteursencompétitionauseindecemarchédel’influence.

Dans unmonde où l’information est foisonnante, où le temps courts’impose et où l’immédiateté fait loi, l’acteur en mesure de déchirer levoiledelasurfacepourraforcerledestinensafaveur.Lerenseignementincarne l’undesoutils idoinespoursaisirvoirecomprendre l’urgencedumonde,sessoubresautsetseslignesderupture.Ildoitpermettreauchefde l’État de percevoir l’obscurité de son temps comme « quelque chosequi, plus que toute lumière, est directement et singulièrement tournée

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vers lui.Contemporainestceluiqui reçoitenpleinvisage le faisceaude

ténèbresquiprovientdesontemps 1»,estimeGiorgioAgamben.Pareilleactionétatiquesupposeuntempslong,celuidelaréflexionau

service d’un État stratège. Depuis sa création, le CNR(LT) doit incarnercettepostureentrel’hieretledemain,cetteincarnationpleineetentièredu présent. La mission des coordonnateurs consiste justement à unécartèlement permettant cet anachronisme salutairemais périlleux pourquel’Étatpuissesaisirsontemps.

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UNCNRDANSLATEMPÊTE

L’extensiondu«domaineréservé»duprésidentdelaRépublique,ladiscontinuité de la gestion primoministérielle, comme la conception del’action présidentielle de Nicolas Sarkozy, ont naturellement conduit leCNR à être « hébergé » à l’Élysée.Une fois pris le pli, impossible de ledéfairesouspeinedes’exposerpolitiquement,commelerappelleFrançoisHollande: lePrésidentnecèdepasdeprérogatives.Defait,si leCNRasurvécuà troisprésidentsde laRépublique,son influenceaété fonctiondelapersonnalitéduchefdel’Étatetdesesattentesdansledomainedurenseignement face à la distance de Matignon (imposée ou souhaitée),auxrivalitésinternesaucabinetprésidentieletàlaméfiancedesservicesde renseignement. Car, bien qu’instituée officiellement par volontéprésidentielle de Nicolas Sarkozy, la fonction de coordination seracontestée en interne.Certains s’attacheront avecminutie à en limiter lepouvoir, confinant son domaine d’intervention entre des conseillers auxprérogativespluslisiblesdansunorganigrammeétablidelonguedate.Eneffet,nileCEMP,nileconseillerdiplomatiquenesouhaitentl’émergenced’unnouvelacteurfortdanscedomainesensibletandisquelesecrétairegénéraln’aguèreletempsdesuivreauquotidienlesvicissitudesdecetteinstitutionnaissante.

Leserrementsdespremiersmoissurlalocalisationdeséquipesdelacoordinationn’ont-ilspasétéannonciateursd’unproblèmeplusprofond?

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Alors qu’il doit lutter pour imposer une coordination à des servicesnécessairement jaloux de leur indépendance, le CNR doit égalementaffronterunennemiplusredoutable,celuidel’intérieur.

Àcetécueils’adjointceluid’unstatutbâtard:conseillerduPrésidentnommépardécretenConseildesministres, ilne figureparadoxalementpas à l’organigramme élyséen (nomination qui ne requiert qu’un simplearrêté). Or tous ceux qui ont témoigné estiment que ce rattachemententachelebonpositionnementdelacoordination.BernardBajoletpensaitainsi,envain, «devoir figurer sur l’organigrammede l’Élysée,aumêmetitre que la cellule diplomatique ou l’état-major particulier ». Quant àAlainZabulon, il déduitde sonexpérienceque « l’unedes faiblessesduCNR tient à cequ’il n’estpasmembredu cabinet […].De ce fait, il estperçu comme une autorité extérieure au cercle des collaborateurs duPrésident stricto sensu ». François Hollande s’en explique d’ailleurs,estimant qu’« une recentralisation du renseignement, […] n’est nipossible,nimêmesouhaitableencasd’erreurs,debévues,dedéfautsoude manquements. Il s’agit d’une responsabilité qui peut s’avérerextrêmement périlleuse sur le plan politique. J’ai donc préféré gardercettedistinctiond’unconseillern’appartenantpasàl’entourageimmédiatduchefdel’État».Decepointdevue,laréformede2017nemodifiepasl’équilibreinstauréneufansplustôt.

Au demeurant, tout conseiller élyséen sait que sa liberté d’actiondépendentièrementde lapersonnalitéduPrésident etde savolontédedonnerautoritéàsesavis.LeCNRnedérogepasàlarègle.LeprésidentNicolas Sarkozy entretiendra un rapport ambivalent, créant uneinstitution sans lui octroyer l’attention régulière dont elle avait besoinpoursedévelopper.QuantàFrançoisHollande,ilastrictementbornélerôle de son conseiller à celui de responsable administratif durenseignement.

Alors que James R. Clapper a fait de sa relation avec le présidentObamaunecondition sinequanonpouraccepter leposte, jouant lerôled’interface unique dans le domaine du renseignement face à la

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concurrence de la CIA, les coordonnateurs ont souffert des relationsdirectes instaurées entre le Président et certains chefs de service, sousNicolasSarkozycommesousFrançoisHollande.Ordansunsystèmetrèscentralisé, l’accès au décideur ultime définit le poids de l’acteur. À cetégard, sans pour autant connaître la disgrâce, les CNR n’ont guèrebénéficié d’un traitement de faveur. En réformant le CNR, le présidentMacronsembleavoirconféréplusd’autonomieauCNRLTmaisletemps,seul,permettrad’apprécierlaréalitéduchangementintroduit.

Desurcroît,silaproximitéavecleprésidentdelaRépubliqueestunecondition indispensable pour asseoir l’autorité du coordonnateur sur lesservices et alimenter quotidiennement le chef de l’État, l’éloignementd’aveclePremierministrelefragilise,enleprivantnotammentdesleviersbudgétaires pour s’imposer par exemple en matière de pilotage desmoyenstechniquescommehumains.

Enréaction,DidierLeBrettracelescontoursdecequepourraitêtreuncoordonnateurhybride,mieuxinsérédansledispositifinstitutionnelettirant parti dumeilleur des deuxmondes. Il préconise la création d’unSecrétariat général du renseignement (SGR) sur le modèle du SGDSNmaisaussidusecrétairegénéraldesAffaireseuropéennesquiauntempsappartenu au cabinet du président de la République tout en relevant

organiquementdeMatignon 2.Ce lienluipermettraitd’avoir lamainsurles arbitrages budgétaires, facteur indispensable à la reconnaissance desonautoritépardesservicesquipourraientêtreréticentsàcette tutelle.Par conséquent, le Conseil national du renseignement et le Conseil dedéfensepermettraient toujours auprésidentde laRépubliquededéfinirles directives destinées au coordonnateur et aux services derenseignement, mais le Premier ministre renouerait avec ses fonctionsconstitutionnellesetinterministérielles.LeCNRauraitalorsunpieddanschaqueinstancecomposantladyarchiedelaCinquièmeRépublique.

Ainsi, pour l’accomplissement de sa mission, le coordonnateurpourrait-il se voir doter d’une administration relevant du Premierministre. Comparable, dans ses missions plus que dans ses moyens, à

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l’administrationdontdisposeleDNI,ceSGRsoutiendraitl’actionduCNRdanstoutessesmissions(élaborationduPNOR,travaildel’Académiedurenseignement, rédaction du bulletin quotidien remis au Président,diplomatiedurenseignement,définitionetadaptationducadrelégal,lienavecleParlement,coordinationdessujetstransversesetpriseencomptedel’apportdurenseignementdansladéfinitiondespolitiquespubliques,etc.). Cette administration rattachée au Premier ministre et conseil duPrésident permettrait d’inclure légitimement une approche capacitairecohérente pour la communauté nationale du renseignement, intégrantune vision de l’utilisation des crédits budgétaires et de la finalité desprogrammes techniques à la main des services. Car le présent se codedésormais plus qu’il ne s’écrit, faisant de l’horizon technologique undomainequidoitêtreappréhendépournepaslesubir(voirinfra).

En l’absence de vrai levier d’action sur la politique publique durenseignement, lesCNRsuccessifsontétécondamnésàsedébattredansune structure narrative en boucle où chacun réinvente ses outils : lePNOR,lesbulletinsd’informationquotidiensàdestinationduprésidentdelaRépublique, l’extensiondurenseignementà l’intelligenceéconomique,les RETEX, la diplomatie du renseignement ou les relations avec leParlement. Il existe en définitive peu de place pour l’innovation de lacoordination.Larépétitionusealorslescoordonnateursquin’endossentlecostume que pour une durée et des variations narratives limitées. Celaexpliqued’ailleursqu’ilsaienttousregardéversleDNIavecunecertaineenvieetlesentimentd’unexemplenontransposable.Pourtant,laréformeconduite par James R. Clapper au même moment se montre riched’enseignementsexportablesenFrance.

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ANTICIPEROUGÉRERLACRISE?

Le contre-terrorisme s’est universellement imposé comme la prioritédes services de renseignement. La France ne fait pas exception etl’ensembledesservicesde l’État sont tendusversunobjectif :empêcherpartouslesmoyenslesprochainsattentats.Lesservicesderenseignementet le CNR en ont grandement profité et y ont gagné une meilleureinsertion dans le processus décisionnel, une plus grande respectabilité,

desmoyenshumainsetfinanciers 3.Le temps du renseignement antiterroriste doit désormais

correspondre, plus que pour les autres domaines, au temps réel. Laprioritécroissantepriseparlaluttecontreleterrorismedanslespolitiquespubliques(défense,sécurité, justice,éducation,entreprise…)acontraintlesresponsablespolitiquesàprendretardivementenconsidérationl’utilitédesservicesderenseignementpour lesquels iln’avaitprécédemment,aumieux,qu’un intérêtdistantvoire,aupire,uneméfiancetenace.Mais lesujet s’est imposé au sommet de l’État plus qu’il n’a été embrassé avecferveur.Nécessité fait loi.DeNiceauLevant,desbanlieuesdeBruxellesau centre-ville de Nancy, de l’île de la Cité au musée du Louvre, lesservices de renseignement ont incarné une ligne de défense. Ils sontreconnus comme un outil indispensable pour assurer la sécurité desFrançaisdansunmondeoùlesfrontièresentreopérationsextérieuresetterritoire national sont poreuses et où la coopération est devenue une

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nécessitépouranticiperlaprochaineattaque.LarécenteréformeduCNRdevenuCNRLTconfirmelesouciderassurersurlabonnepriseencomptedecettemenace.

Cependant, à cet intérêt contraint s’est adjointeunedistorsionde lacourbedu tempspolitique.L’information immédiate s’est imposée sur le« temps opportun » et les chaînes d’information en continu semblentvouloir reléguer aux vestiges du passé les notes des services derenseignement d’un État sténographe. Des colonnes de blindés lors duconflit opposant la Géorgie et la Russie en Ossétie du Sud, du11 septembre à l’attaquede l’HyperCacher, personnenepeut échapperaux images retransmises endirect. Lesbandeauxdudirectdéfilent sansdistinction dans le bureau du président de la République ou dans lesfoyers dumonde entier. Plus une salle de gestionde crise sans unmurd’écrans laissant une place conséquente aux correspondants permanentsou « acteurs-témoins » de l’irruption de l’événement armés de leursmartphone.

Le « temps des horloges 4 » est devenu complexe à habiter carl’informations’imposecommeunfluxininterrompuethypnotisantdontildevient impossible de se détacher pour l’analyser. Pourquoi lerenseignement échapperait-il à l’urgence alors que nous traversons uneépoque où l’urgence est climatique, que l’état d’urgence économique etsociale est déclaré, que les réseaux sociaux imposent l’urgencemédiatique?

Àregarderdetropprèsledétaild’untableau,lavuedevientfloue.Lavisionestalorstropcourtepourunemiseaupointindispensableafinderépondreàl’urgenceimposéeparleréel.

Laquotidienneetnécessairecoordinationentrelesservicesengendreune compétition dans la hiérarchisation des priorités, rendant invisiblesd’autres menaces. Le décret de 2017 mentionne ainsi explicitement leterrorismecommeprioritéduCNRLT.DidierLeBretrappellepourtantsacrainted’unevampirisationdesforcesvivesdenosservicesparlecontre-terrorisme. Le risque est en effet que les activités de renseignement ne

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soientpluscoordonnéesdansleurdiversitéetleurcomplémentaritémaisau rythme forcément saccadé du contre-terrorisme. De plus, ce prismegrossissantdelamenacerisquedereléguerlesautreschampsaurangdespriorités secondaires (l’espionnage et l’ingérence économique ; laprolifération des armes de destruction massive ; les cyberattaques ; lacriminalitéorganisée;ladéfensedesintérêtsdelaFrancedanslemonde,etc.).Lerenforcementdesmoyensducontre-terrorismen’affaiblit-ilpaslerenseignementmilitairepourtantindispensableausoutiendestroupesenopérations extérieures ? Lapart croissantedes investissements auprofitdes techniques de renseignement n’a-t-elle pas rendu invisible lanécessairecapacitédetraitementdel’information?Àl’heureoùlaguerreest plus que jamais économique, le renseignement économique etfinanciern’est-ilpasleparentpauvrealorsquelaFrancedoitfairefaceàun pillage invisible de son patrimoine dans un contexted’hyperconcurrence ? Disposer d’une structure au niveau politique etstratégique doit permettre de maîtriser le sablier du renseignement enfaçonnant une communauté à partir de services aux compétencescomplémentaires pour répondre aux objectifs d’une politique publiqueprécisémentdéfinis.

C’est pourquoi il est indispensable de piloter de façon coordonnéel’ensemble des services de renseignement avec un spectre vaste, et nonpasl’uniquelorgnetteducontre-terrorisme.

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LEDÉFITECHNOLOGIQUE

Latechnologieestun levierpuissantd’actionetd’influencepolitiquecomme en atteste la déclaration provocatrice du président Obama :« Nous avons possédé Internet. Nos entreprises l’ont créé, développé etaméliorédetellemanièrequel’Europenepuissepaslutter.Etsouvent,ceque l’on nous présente comme des positions éclairées sur certainsproblèmesn’estenréalitéqu’unemanièredefaireavancer leurs intérêtscommerciaux.»LaFrance,ensontemps,amaîtriséunetoileconsidérabledecapteursluipermettantd’avoirdesyeuxouvertssurtoutelaTerre.Eneffet, l’« Universelle Aragne », soit le « Grand Tisseur de Toiles », faitréférenceauxméthodesdeLouisXIquiapensésonactionpolitiquegrâceàunréseauétendud’espions,délivrantunfluxd’informationsréduitmaisprécieux.Prèsdequatresièclesplustard,touslesdeuxjours,l’humanitéproduitautantd’informationsquecequ’elleagénérédepuisl’aubedelacivilisation. Plus de 90 % des données disponibles ce jour ont étéproduitescesdeuxdernièresannées.

Quatre siècles ont été nécessaires pour passer de l’artisanat del’espionnage à une industrie organisée grâce à des fermes demégadonnées. La productionmassive de données personnelles constituel’unedestransformationsmajeuresdenotresiècle.Orcesdonnées,jalonslaissés par chacun dans son parcours numérique, ont une forte valeurajoutée après traitement, pour les individus, les entreprises mais aussi

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pour l’État. Ainsi, pour les services de renseignement, l’enjeu réside-t-ildans la maîtrise de cette masse de données afin de produire uneinformationpertinente.

Capacités cyber, moyens d’interception des communications, IMSI-

catchers 5, algorithmes de corrélation, balises de géolocalisation, dronestactiquesetstratégiques,satellitesd’observationetd’écoute,avionslégersde surveillance et de reconnaissance, key logger, Data Centers, etc., lesservices de renseignement français ont bénéficié, depuis trois lois deprogrammation militaire et une loi sur le renseignement, de moyenstechnologiques considérables. Ces investissements constituent uneformidableopportunitéàsaisirpourtransformerleursmodesd’action.

L’homme n’est plus capable de traiter cette masse générée par descapteurs toujoursplusnombreuxetperformants.Lesprochainesguerresseront remportées par ceux qui seront en mesure de mieux capter,analyser, exploiter, maîtriser et protéger une somme toujours plusimportantededonnées.Quelquesoitsonéchelon,qu’importesongrade,d’un centre de fusion des données de renseignement au soldat sur leterrain,unevagued’informationsépaissitlebrouillarddelaguerre.

Levolumeet lavariétédesressourcesconduisentdonclesservicesàfaire évoluer leurs méthodes de renseignement impliquant des coûts(culturels,humains, techniqueset financiers) significatifs.PatrickCalvarl’arappeléle10mai2016àl’Assembléenationale:«Nousnemanquonspas de données ni de métadonnées, mais nous manquons de systèmespourlesanalyser.[…]Lamoindreperquisitionnouspermetderécupérerdesmilliersdedonnées.Nousavonsdoncbesoind’outilsdebigdatapour

répondreimmédiatementànosbesoins 6.»Faceà cettemasse inédited’informationsnumérisées, la capacitédu

CNR, comme celle des échelons de synthèse des services derenseignement,àjouerunrôledefédérateurdel’information,s’entrouveaffaiblie.Faceà lachimèred’unagentde renseignement renduobsolètepar les capacités d’un supercalculateur, le politiquedoit rester en alertetout en permettant aux services de renseignement de conserver leur

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supériorité informationnelle et décisionnelle grâce à l’apport de lanouvelle technologie.Eneffet, l’anticipationn’estplusenvisageable sansunmoteur algorithmique au centre des flux de données, au cœur d’unréseau désormais intelligent et sécurisé. Cette nouvelle capacitéopérationnelledoit libérer les acteursdu renseignementde lamultitudede tâches ancillaires et chronophages afin de leur permettre de seconcentrersurl’essentiel:laréflexionetlaprisededécisions.

Au-delà de l’efficience opérationnelle, l’enjeu de cettemaîtrise de latechnologiecommelevierdetransformationeststratégiquecarseuleslesnationscontrôlantcestechnologiescompteront.Lerenseignementtotalisedésormais « tous les fluxd’informationset les computeen continupourrendreune image,non seulementduprésent,mais surtoutde la réalitéfuture,parfoisavecquelquessecondesd’avance,parfoisplus,etc’estcetteprédictivitéquidécidedusortdelabataille.Laguerrededemainestuneguerreprédictive.C’estceluiquipréditlemieuxetleplusenavantdans

le temps qui gagne. La victoire, c’est l’avance 7 ». C’est pourquoi, cetteguerredeladonnéetotaleimpliqueunesouveraineténumérique.

Au demeurant, le monde du renseignement a souvent porté desinnovationstechnologiquesàfinalitéduale(chiffrement,miniaturisation,autonomie-permanence, etc.). Maîtriser la technique pour la placer auservice d’une transformation profonde du renseignement suppose de luiconférer une ambition, un cadre et une finalité politiques. Lerenseignementn’estpasqu’unMeccanoinstitutionnel,ilincarneaussiunpuissant vecteur pour repenser l’économie de l’information, les cursusuniversitaires, les méthodes et les outils techniques à usage souverain.Danscetteperspective,sousuneimpulsiontechnophile–queporteraitleCNRLT–,lesservicespeuventdevenirl’undesleviersd’unerévolutiondel’économiedel’informationhexagonale.C’estpourquoiilconvientdefaireémerger une culture du renseignement dans une logique dedécloisonnementetdepartageàlafoisrespectueuxdesdroitsindividuelset proportionnée dans son action. Le modèle français de la pêche au

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harpon peut s’imposer face à la pêche au chalut numérique des paysanglo-saxons.

Plusieurs CNR l’ont évoqué : ils ont veillé à la mutualisation descapacités entre services de renseignement afind’éviter la redondance etde forcer le partage d’information. Car, en maintenant un haut niveaud’investissementssurleséquipements,lesloisdeprogrammationmilitaireontcontraintàlamutualisationdesmoyenstechniqueslespluscoûteux,nonsansdifficultéssociologiquesetorganisationnelles,commecelaaétésignaléàplusieursreprises.Êtrereconnucommechefdefiled’unmétier« renseignement » dans le renseignement d’origine électromagnétique

(ROEM) 8, le renseignement d’origine image (ROIM) 9 ou la cyberimplique de fixer le cap technique d’une capacité en fonction de sonbesoin et demettre à disposition ses capacités ou ses données avec lesautresmembresdelacommunauté.

Face à un impératif budgétaire, opérationnel et démocratique demutualisation, leCNRadû fairepreuved’autoritéetdediplomatie.Lesregardssesontdonctournésverscertainsdenosalliésquiontoptépourlacréationd’agencestechniquesdurenseignement(NSAouGCHQ)alorsque laFranceachoisideconcentrerdesmoyensauseind’unedirectiontechnique puissante au cœur de la DGSE. Ce choix, s’il garantit unecertaine interopérabilité technologique, ne permet peut-être pas derépondre à la diversité des métiers du renseignement. Bénéfices delarationalisation,inconvénientsdel’uniformisation!Nedisposantpasdepouvoirfinanciercontraignant,nideprérogatived’orientationcapacitaire,leCNRpeutorienterparlamenacedelacréationd’uneagencetechnique.Unemenacequidoitêtrecrédibleens’inscrivantdansletempslong.OrlavolatilitédesCNRnepermettrafinalementaucuneaction,àladifférencedel’exempleaméricaindeClapper.

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POURUNECULTUREDURENSEIGNEMENT

Lamaîtrise de ces données suppose également un écosystème de ladonnéeplusabouti,affranchidescloisonshistoriquesentrelesacteursetlessavoirsdurenseignement.D’autantquelamenaceprotéiformeobligetous les acteurs à l’interopérabilité. Si, comme l’explique Sébastien-YvesLaurent« lemondedu renseignement régalienet lemondeacadémique

ont des pas à faire l’un vers l’autre 10 », l’Académie du renseignementœuvredéjààposerlesindispensablesfondationsdurapprochement.Ellebâtitun«nous»carlemondedurenseignementdoits’ouvrirenpremierlieusurladiversité«interne»delacommunauté,surl’agentquiœuvredanslerenseignementcrimineloumilitaire,pénitentiaireouéconomique,comme dans les métiers de l’intelligence économique. Il existe uneimpérieusenécessitédecréerunemobilitédesprofilsdeserviceenservicepour que la coordination devienne, in fine, un réflexe et non plus unecontrainte,corrigeantdecefaitunpenchantnaturelausecret.AuxÉtats-Unis,l’avancementdesofficiersderenseignementauseindel’IntelligenceCommunityn’est-ilpasconditionnéàleurmobilitédansunautreservice?Cettemobilitéestégalementfavoriséeaveclemondeciviletuniversitaireoùnombredethèsessontréaliséespardespraticiensdurenseignement.

Mais l’importancestratégiquedeladonnéefaitégalementapparaîtrele besoin d’un « nous » extérieur à la CNR, composé d’ingénieurs,d’officiers de terrain, mais aussi de sociologues, d’anthropologues,

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d’historiens, de politistes et de juristes dont les savoirs croisés feront

fonction«deposted’aiguillage»del’information.Véritable«clairière 11»,l’Académie du renseignement permettra de brasser des ressources trèsdiverses,militaires,industriellesetacadémiquespourcréeruneculturedurenseignement partagée rompant avec la pratique du renseignement,cloisonnée,ayant,parpragmatisme, laissé lesdébats se tenirenmilieuxclos : entre experts, au sein dumonde de la recherche, dans la sociétécivile, les conclusions tirées par les uns n’étant pas portées à la

connaissance des autres 12. Pouvoir croiser l’évolution des conditions deviedes agriculteursdansune zone géographique, la sédentarisationdesnomades ou les conséquences de la raréfaction des réserves d’eau peutfaire gagner enpertinencedes renseignements ponctuels.Une approchefoisonnante permettrait de faire émerger un écosystème durenseignement autour de laboratoires de recherche fondamentale,d’universitaires et d’ingénieurs, autant d’acteurs de l’information qui aumieuxs’ignorent,aupirenourrissentuneméfiancemutuelle.

Dans cette perspective, le CNRS a conclu le 30 mai 2018 uneconvention avec la Direction du renseignement militaire. Ce document« formalise la mise en place de petits ateliers entre les analystes de laDRMaffectésàlasurveillancedeteloutelterritoireetleschercheursdesUnités mixtes de recherche CNRS spécialistes de ces régions lors de

séminaires-discussions 13»,expliqueFabriceBoudjaaba,directeuradjointscientifiquedel’Institutdesscienceshumainesetsociales.Cependant,unepartie dumonde universitaire s’est opposée à ce partenariat dénonçant«l’obsessionsécuritaire»parlebiaisd’unepétitiond’unesoixantainede

chercheursduCNRS 14.Parconséquent,l’Académiedurenseignementdoitcontinuer d’œuvrer pour réconcilier la défiance des universitairescraignant une perte d’autonomie face à cette volonté d’ouverture dumondedurenseignement.

Àcetitre,ledialogueouvertparlebiaisd’ungrandprixdel’Académiedurenseignementmention« recherche»aideàdissiper les inquiétudes.

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Dans lemême esprit, le concept de Geospatial Intelligence (GeoINT) nes’est-il pas structuréauxÉtats-Unis autourde formationsdiplômantes 15,

de structures professionnelles 16, d’événements 17 et de publications 18 auserviced’unstory-tellinginnovantetséduisant?Ilpermet,grâceàl’apportdes nouvelles technologies, de redonner une place centrale auraisonnement géographique dans les pratiques du renseignement. Uneanimation très anglo-saxonne, exemplaire pour des initiatives françaisesnaissantes.

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AUCŒURDELADÉMOCRATIE

Au-delà de son pouvoir direct ou d’influence sur la communauténationale du renseignement, le CNR incarne l’acteur dépositaire de laStratégie nationale du renseignement. Il donne corps à ce qui est, paressence, secret, classifié, au phantasmé, aux coulisses, à l’indicible ou àl’intangible. Alors que se lève le voile, il ne reste que la qualité del’individuqui occupeune fonction sur le fil, instablemais indispensablepour les services comme pour la sécurité de la nation, de ceux qui laserventetlacomposent.

ÊtreCNR,c’estdoncresterauxaguets,anticiper,nepassesatisfairedes réponses faciles. C’est être garant de l’adéquation des moyens auxfins,interrogerlaproportionnalitédestechniquesderenseignementdansl’atteinteportéeauxdroitsetlibertésindividuellesafindedésamorcerlacritiquedeGiorgioAgamben:«Lepouvoiraujourd’huin’ad’autreformedelégitimitéquel’étatd’urgenceetpartoutetcontinuellementenappelleà luiet travailleenmêmetempssecrètementàsaproduction(commentnepaspenserqu’unsystèmequinepeutdésormaisfonctionnerquesurlabased’unétatd’urgencenesoitpaségalement intéresséàmaintenircet

étatàn’importequelprix?) 19.»ÊtreCNR,c’estavoir laconvictionque la réponseà lamenacenese

réduitpasuniquementàunelogiquesécuritairemaisqu’elleimpliqueuneréponse coordonnée à partir de nombreuses politiques publiques

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(éducation, justice, redistribution sociale, sécuritaire, militaire…). ÊtreCNR, c’est ne rien omettre, ne pas suivre les courants, lesmodes et lestendances. C’est s’exposer sans se substituer mais assumer et donner àcomprendre.PourreprendrelaformuledeJamesR.Clapperaupatrondela CIA, c’est « être informé que l’avion a décollé pour être présent s’il

s’écrase 20».ÊtreCNR, c’est aussi aller où les autresne vont pas, réunir, souder,

comprendre que le renseignement se nourrit de multiples sources, deruisseaux différents coulant à des débits différents. Être CNR, c’ests’imposer sans diriger, c’est animer sans donner à voir. Être CNR, c’estfaireactederésiliencequandlesmursvacillent.C’estaccompagnersanssuppléer.ÊtreCNR,c’estdépasserlesfrustrationsindividuellesauservicedelacommunauté.

C’estdonc se situerà la croiséedes chemins, savoir regarder loinetaccepterlevertiged’unenuitétoilée.C’estavanttout,commeledémontrecetouvrage,une«affairedecourage:parcequecelasignifieêtrecapablenonseulementdefixerleregardsurl’obscuritédel’époque,maisaussidepercevoirdanscetteobscuritéunelumièrequi,dirigéeversnous,s’éloigneinfiniment.Ouencore:êtreponctuelsàunrendez-vousqu’onnepeutque

manquer 21».

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Notes

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Notesdel’introduction

1.Pourreprendrel’expressiondel’historiendurenseignementSébastien-YvesLaurentdans sonhabilitation à diriger des recherchesAu cœur de l’État. Le renseignement, le

politique et la formation de l’État secret dans la France contemporaine (XIXe-XXe siècle),2007.

2. Instance composée de militaires qui assistent et conseillent le président de laRépubliquedanssonrôleconstitutionnelde«chefdesarmées».Lechefd’état-majorparticulier(CEMP)estunofficiergénéraldehautrangenchargedelapréparationdesConseils de défense, de la liaison avec le ministère des Armées et l’état-major desarmées.

3.ServicedépendantduPremierministrequiassistecedernierdansl’exercicedesesresponsabilités constitutionnelles en matière de défense nationale et assure unecoordination interministérielle sur ces sujets et ceux liés à la sécurité, notammentdepuis la réforme de décembre 2009 qui a transformé le Secrétariat général de ladéfensenationale(SGDN)enSGDSN.

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Notesdel’introductionàlapremièrepartie

1.Directionde lapolicenationaleencharged’unepartiedurenseignement intérieurjusqu’à sa suppression en 2008. Elle suivait notamment le terrorisme interne, lesviolencesurbaines,l’économiesouterraineainsiquelaviepolitiqueetsociale.

2.Directiondelapolicenationale, laDSTétaitunservicedesécuritéprincipalementspécialisédanslecontre-espionnageetlecontre-terrorisme.

3.Décretno 2008-609du 27 juin 2008 relatif auxmissions et à l’organisation de ladirectioncentraledurenseignementintérieur.

4. La SDIG n’a conservé qu’une petite partie des effectifs de la DCRG (environ800personnels) pour près de 70%desmissions de cette dernière (à l’exceptionduterrorismeetdusuividelaviepolitique).

5.Directionlaplusimportanteauseindeladirectiongénéraledelapolicenationaledontdépendentparexemplelespoliciersdescommissariats,etc.

6. Le secrétaire général de l’Élysée est le principal collaborateur du président de laRépublique.Ilsupervisel’actiondel’ensembledesconseillersdecedernier.

7.CommeentémoignentAngeManciniouClaudeGuéantdansleprésentouvrage.

8.LaDGSEest leservicederenseignement françaisquiagitprincipalementhorsdesfrontièresnationales.

9.Crééeen1992,ausortirdelapremièreguerreduGolfe,pourdoterlaFranced’unecapacitéderenseignementautonomeindépendantedesmoyensaméricains,laDRMestàlatêtedurenseignementd’intérêtmilitairepourlesforcesarméesfrançaises.

10.LaDPSDestdevenueen2016laDirectiondurenseignementetdelasécuritédelaDéfense(DRSD).Elleluttenotammentcontrel’espionnageetleterrorismeauseindesarméesetdumilieuindustrieldeDéfense.

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11. La cellule de lutte contre le blanchiment de capitaux et le financement duterrorisme(Tracfin)estplacéesousl’autoritéduministèredel’ActionetdesComptespublics.Crééparlaloidu12juillet1990,ceserviceluttecontrelescircuitsfinanciersclandestins,leblanchimentd’argentetlefinancementduterrorisme.

12.LaDNREDestrattachéeàlaDirectiongénéraledesdouanesetdroitsindirectset,àcetitre,placéesousl’autoritéduministèredel’ActionetdesComptespublics.Elleestcompétenteenmatièredecontrôleetdeluttecontrelafraudeenmatièredouanière,contrelesgrandsréseauxinternationauxdecontrebandeetcontreleterrorisme.

13. Décret no 2010-800 du 13 juillet 2010 portant création de l’Académie durenseignement.

14. Service de renseignement technique états-unien, la NSA est rattachée audépartement de la Défense. Elle est responsable du renseignement d’origineélectromagnétique et de la protection cyber des systèmes d’information dugouvernement.

15. Ancien agent contractuel des services de renseignement états-uniens, EdwardSnowden travaille ensuite pour des prestataires privés de la communauté durenseignement.En2013,ilrévèlel’espionnagemassifetlescapacitéstechniquesdelaNSA. À cette occasion, les Allemands découvrent que leur dispositif de surveillance«offert»parlaNSApouvaitégalementserviràlesespionner.

16.LeConseildedéfense,placésouslaprésidenceduchefdel’État,estl’instancedeprise de décisions stratégiques pour la défense nationale. À partir de 2015, il estfréquemment réuni et traite, plus généralement, des sujets de défense et sécuriténationales.

17.«C’estpourquoijesouhaitelacréation,auprèsduprésidentdelaRépublique,d’unConseildesécuriténationalequideviendral’instancecentraled’analyse,dedébatetderéflexionenmatièredesécuritéetdedéfense,enpériodenormalecommeenpériodedecrise.Cetteinstanceauravocationàsesubstituer,dansdesconfigurationsadaptées,selonlessujetsetlescirconstances,auxactuelsConseildesécuritéintérieureetConseilde défense. Ce Conseil sera adossé à un secrétariat permanent qui en préparera lesréunionsetserachargédusuividesdécisionsprises»(déclarationdeNicolasSarkozy,7mars 2007 ; voir également la tribune qu’il a publiée en avril 2007 au sein de larevueDéfensenationaleetsécuritécollective).

18.Comitéderéflexionetdepropositionsurlamodernisationetlerééquilibragedesinstitutions.

19. Le lecteur trouvera, ici, les notices biographiques des principaux acteurs quiapparaissentdanscevolume.

20.ReproduiteenAnnexe,p.308-309.

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21.ArticleR.1122-8etsuivantsduCodede ladéfense,crééspar ledécretno2009-1657du24décembre2009relatifauConseildedéfenseetdesécuriténationaleetauSecrétariatgénéraldeladéfenseetdelasécuriténationale.

22.Cf.lerecoursenexcèsdepouvoirintroduitauConseild’Étatenavril2012contreledécret instituant le coordonnateur national (consultable à l’adresse suivante :http://data.over-blog-kiwi.com/1/26/05/85/20141003/ob_d4331c_rep-conseil-d-État-04-2012.pdf).

23. Entité administrative qui organise notamment le travail gouvernemental et lerespectdesprocédures,assumelafonctiondeconseiljuridiqueduGouvernementainsiquelasupervisiondesservicesduPremierministre.

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Notesduchapitrepremier

1.Signéle26octobre1994.

2. Homme politique, collaborateur notamment de Jacques Chaban-Delmas puis deJacquesChirac,conseillerdeParisàpartirde2001,ilfutconseillerauprèsdeNicolasSarkozyentre2008et2010.En2011,ildevientsénateurdeParis.

3.Hautfonctionnairepuisavocat.Spécialistedesquestionsgéopolitiquesetmilitaires,il participe à ce titre à la Commission du Livre blanc sur la défense et la sécuriténationalede2008.

4.PrésidentdelaRépubliquealgériennede1999à2019.

5. Loi no 2005-158 du 23 février 2005 portant reconnaissance de la nation etcontributionnationaleenfaveurdesFrançaisrapatriés.L’article5prohibetouteinjure,diffamationouapologiedecrimescommiscontrelesharkis.

6.Livreblancsurladéfenseetlasécuriténationale,2008,p.137-141.

7.Voirl’appendice«L’exempleaméricain»,p.215.

8.Enapplicationdel’articleR.1122-3duCodedeladéfense,crééen2009,leConseilde défense et de sécurité nationale peut être réuni en conseil restreint, dans unecompositionfixéeparsonprésidentenfonctiondespointsfigurantàsonordredujour.

9. Une des formations spécialisées du Conseil de défense et de sécurité nationale,présidée par le président de la République. En l’occurrence, le Conseil national durenseignement inclut également le Premier ministre, les ministres concernés, lecoordonnateurnationaldurenseignement,leschefsdesservicesderenseignementetlesecrétairegénéraldeladéfenseetdelasécuriténationale.

10. Décret no 2010-299 du 22 mars 2010 relatif à la gestion administrative etfinancièredelacoordinationnationaledurenseignement.

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11. Décret no 2009-1657 du 24 décembre 2009 relatif au Conseil de défense et desécuriténationaleetauSecrétariatgénéraldeladéfenseetdelasécuriténationalequiprévoitunenominationducoordonnateurenConseildesministres.

12.Voirci-dessusnote3,p.285.

13. Membre des services de renseignement industriel, Alain Juillet est directeur durenseignement à la DGSE entre 2002 et 2003. Il occupe ensuite, jusqu’en 2009, lafonctiondehautresponsablepourl’intelligenceéconomique,auseinduSGDSN.

14.Crééeparledécretno2009-1122du17septembre2009auseindeBercy,laD2IEaété chargée de coordonner les activités d’intelligence économique au sein de l’État.

Quatreansplus tard, ledécretno2013-759du22août2013 la rattacheauPremierministre.En2016,elleestremplacéeparleServiceàl’informationstratégiqueetàlasécuritééconomiques(SISSE)dépendantdesministèreséconomiquesetfinanciers.

15.Représentantchacunl’unedestroisarmées:terre,marine,air.

16. Instance composée de militaires qui, au cabinet du ministre des Armées, sertnotammentd’interfaceaveclesservicesderenseignementetsuitleuractivité.

17. Bâtiment appartenant à la présidence de la République qui jouxte l’Élysée etaccueilletraditionnellementlesdélégationsétrangères.

18.Organisationintergouvernementalefondéeenjuillet2008,ellerassemble43paysd’Europeetdubassinméditerranéenafinderenforcerleurpartenariat.

19.Ministredel’Intérieurentre2009et2011.

20.PatrickCalvar.

21.Casdefigureoùl’équipementachetéestimmédiatementdisponible.

22.Dronemilitairedemoyennealtitudedecroisièreetdelongueendurance(MALE).

23. MUSIS (Multinational Space-based Imaging System for Surveillance,Reconnaissance and Observation), programme de satellites de reconnaissance àl’originepartagéentrecertainspayseuropéens(France,Allemagne,Belgique,Espagne,Grèce et Italie) qui sera en définitive développé par la France dans le cadre departenariats bilatéraux. Il succède au programmeHelios, satellites de renseignementfrançais conçus avec une participation minoritaire de l’Italie, de l’Espagne, de laBelgiqueetdelaGrèceetmisenorbiteentre1995et2009.

24.BernardBajoletfaitsansdouteallusionauxscandalesquiontconcernélaDCRIetsondirecteurcentralBernardSquarcini,notammentcondamnédans l’affaireditedesfadettespouravoiremployédestechniquesderenseignementafindedétecterl’origined’informationsconcernantlecoupleprésidentiel.

25.Voirchap.VIII.

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26.Officecentralpourlarépressiondutraficillicitedesstupéfiants.

27.LesalonvertjouxtelebureauduprésidentdelaRépublique,aupremierétagedupalais de l’Élysée. Le salon Murat se situe au rez-de-chaussée et accueilletraditionnellementleConseildesministres.

28.DennisBlairaoccupélesfonctionsdeDNIentre2009et2010.

29.Hautfonctionnaireethommepolitiqueaméricain,DNIde2005à2007.

30.Hautfonctionnaireethommepolitiqueaméricain,directeurdelaCIAentre2009et2011.

31.Plaisanterieautourdescapacitésd’écoutedelaCIA.

32. Instances de contrôle parlementaire du renseignement propre à chacune deschambresducongrèsaméricain.Ils’agitduUnitedStatesSenateSelectCommitteeonIntelligenceetduUnitedStatesHousePermanentSelectCommitteeonIntelligence.

33.Instancequi,auprèsduprésidentdesÉtats-Unisetpoursoncompte,superviselesquestionsstratégiquesetdesécuriténationale.

34. Government Communications Headquarters, agence technique de renseignementau Royaume-Uni, elle fournit aux services de renseignement et forces militaires lerenseignementd’origineélectromagnétique(Internet,radio,satellite,etc.).

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NotesduchapitreII

1.Le13e régimentdedragonsparachutistes (ou13eRDP)estuneunitémilitairederenseignementetd’action.

2.MinistredelaDéfenseentre2002et2007souslaprésidencedeJacquesChirac,puisministredel’Intérieur(2007-2009),ministredelaJustice(2009-2010)etministredesAffairesétrangères(2010-2011)souslaprésidencedeNicolasSarkozy.

3.MartinBriens,actueldirecteurdecabinetdelaministredesArmées.IlaauparavantoccupélesfonctionsdedirecteurdelaStratégieàlaDGSE.

4.Deuxièmerégimentétrangerdeparachutistes(2eREP)stationnéaucampRaffalliàCalvi.

5. Membre du corps préfectoral ayant dirigé les préfectures de région les plusimportantes.

6. Crédits qui financent des activités de sécurité et de défense nécessitant discrétionet/oucélérité.Ilsdérogentauprincipedespécialitébudgétaireimposantquelescréditssoientaffectésàdesdépensesprécises.L’utilisationdesfondsspéciauxesteneffetàladiscrétion du pouvoir exécutif. Leur usage est contrôlé par la commission devérificationdesfondsspéciauxcrééeparl’article154delaloidefinancepour2002du28 décembre 2001, formation spécialisée de la Délégation parlementaire aurenseignementdepuis2013.

7.En2008,laGéorgies’opposeàsaprovinced’OssétieduSudsoutenueparlaRussiedanssonambitionséparatiste.LeconflitseconclutparlareconnaissanceparlaRussiedel’indépendancedel’OssétieduSudetdel’Abkhazie.

8. Les groupes de travail correspondaient aux diverses instances du CIR ; ilsréunissaient des membres des services de renseignement afin d’échanger sur unethématiqueouunezonegéographique.

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9. Les journalistes Hervé Ghesquière et Stéphane Taponier ont été enlevés le29décembre2009enAfghanistanetlibérésle29juin2011.

10. Commandement des opérations spéciales « chargé de planifier, préparer,coordonner et conduire les opérations spéciales, qui sont des opérations militairesmenées en dehors des cadres d’actions classiques, visant à atteindre des objectifsd’intérêtstratégique,notammententermesd’actionsd’environnement,d’ouverturedethéâtred’opérations,d’interventiondanslaprofondeursurdesobjectifsàhautevaleur,ouenmatièredeluttecontrelesorganisationsterroristes»,selonl’arrêtédu5janvier2017.Cecommandementopérationnelaétécrééen1992aprèsleretourd’expériencedelaparticipationfrançaiseàlaguerreduGolfe.

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NotesduchapitreIII

1.JacquesChirac,lorsdesonderniermandat(2002-2007).

2.L’actuelServicecentraldurenseignementterritorial(SCRT)asuccédéen2014àlasous-directionàl’informationgénérale(SDIG)issuedelaréformede2008.

3.Documentdeprogrammationstratégique,ancêtreduPNORévoquéprécédemment.

4.TerroristeaffiliéauGroupeislamistearmé(GIA),instigateuretauteurdesattentatsterroristesayantfrappélaFranceen1995.

5.Enparticulier lasurveillancedescommunicationsinternationales, lechiffrementetledéchiffrement.

6.Actionmilitairedemaîtriseduspectreélectromagnétiquepourattaquer,sedéfendreouserenseigner(détectiondesactivitésennemies,cartographiedesmoyensadverses,brouillage,écouteetidentification,etc.).

7.Actionsinformatiquesmenéespourattaquerunsystèmeàdesfinsderenseignementoud’actionclandestine.

8.CEMAde2006à2010.

9.Haut fonctionnaire français,magistrat la Cour des comptes, il préside en 1994 lamission sur les responsabilités et l’organisation avant de prendre la tête du SGDNentre1995et1996.

10.Établissementétatiquedevenusociétéanonymedétenueà10%parl’État,chargéedecollecter,desynthétiseretdediffuserl’informationd’intelligencestratégiquepourlaprévention et la gestion des risquesmais également l’intelligence économique ou ladiplomatied’affaires.

11. Le Conseil supérieur de l’administration territoriale de l’État, créé ennovembre 2006, est devenu le Conseil supérieur de l’appui territorial et de

l’évaluationpardécretno2015-547du19mai2015.

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Notedel’introductionàladeuxièmepartie

1.Lepremiertouralieule22avriletlesecondtourle6mai2012.

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NotesduchapitreIV

1.Le temporisateuren latin,parallusionaugénéralFabiusMaximus(néàRomeen275av.J.-C.etmorten203av.J.-C.),quigagnalesurnomdecunctatorenrefusantlecombatfaceàHannibalauprofitd’unestratégiemilitairedeharcèlementjustifiéeparlafaiblessedesmoyensàsadisposition.

2.Groupedepaysunisparl’accordUnitedKingdom–UnitedStatesofAmerica(UKUSAAgreement) qui fonde la coopérationmultilatérale et de partage d’information entrel’Australie, le Canada, la Nouvelle-Zélande, le Royaume-Uni et les États-Unis enmatièrederenseignementélectromagnétique.

3.HervéGhesquièreetStéphaneTaponier,déjàévoqués.

4. Organisme de recherche ayant pour mission principale de développer lesapplications de l’énergie nucléaire dans les domaines scientifique, industriel et de ladéfense nationale. Les compétences du CEA sont reconnues dans le domaine du« calcul haute performance ». Depuis 2014, l’État a confié au CEA la mission de«disposerà l’horizon2020de lacapacitédeconcevoiret réaliserdesordinateursdegrandepuissancedemanièredurablementcompétitive».

5.ActuellementnomméeSDAT(sous-directionantiterroriste).

6.Attentatperpétréparl’Arméerougejaponaisequiacausévingt-sixmortsetquatre-vingtsblessés,le30mai1972.

7. Attentats perpétrés le 27 décembre 1985 par le Fatah dans les files d’attente depassagersauxguichetsde la compagnie israélienneElAlà l’aéroportdeRomeetdefaçonquasisimultanéeàceluideVienne.Cesdeuxattaquesontfaitdix-huitmortsetcentquinzeblessés.

8.Voirchap.IX.

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NotesduchapitreV

1.Nousrenvoyonslelecteuràl’entretienavecFrançoisHollande,p.151.

2.FrançoisHollandeestéluprésidentde laRépublique le6mai2012faceàNicolasSarkozy, candidat à sa réélection. La passationdepouvoir entre les deuxhommes alieule15mai.

3. Réforme de l’action de l’État lancée par le gouvernement Fillon en juillet 2007portant surdes restructurationsetdes rationalisationsde servicesetdeprocessusdel’Étatavecunobjectifderetouràl’équilibrebudgétairevianotammentlarègledenon-remplacementd’undépartàlaretraited’unfonctionnairesurdeux.

4. Artère jouxtant la rue du faubourg Saint-Honoré, dont le numéro 55 constituel’entréeprincipaledupalaisdel’Élysée.

5.ActeréglementairepubliéauJournalofficieldelaRépubliquefrançaise.

6.L’instaurationdeszonesdesécuritéprioritaireaconstituél’undes60engagementspourlaFranceducandidatFrançoisHollandeafind’assurerunesécuritédeproximitédans les quartiers les plus sensibles. La création d’une ZSP supposait des moyensrenforcésetuneplusgrandecoordinationdesservicesdel’État.

7.Lanotiond’«arcdecrise»,théoriséeparBernardLewis,conseilleraudépartementd’ÉtatdesÉtats-Unis,estreprisedansleLivreblancsurladéfenseetlasécuriténationalede 2008 pour matérialiser géographiquement les menaces pesant sur la France etl’Europe.

8. « Au moment de définir ses thèmes de travail, la Délégation parlementaire aurenseignementasouhaités’intéresserenpremierlieuaurenseignementéconomiqueetfinancier(REF)enraisondesatropfaiblepriseencomptedanslapolitiquepubliquedu renseignement, de samarginalité au sein d’une culture du renseignement encoreembryonnaire dans notre pays et du déficit d’organisation administrative en cedomaine alors même que la menace économique n’a jamais été aussi prégnante »,

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rapportrelatifàl’activitédeladélégationparlementaireaurenseignementpourl’année

2014no2482enregistréàlaPrésidencedel’Assembléenationalele18décembre2014.

9.SiègeduministèredesAffairesétrangères.

10. La crise débute au printemps 2014 à la suite des tensions entreUkrainiens pro-RussesetUkrainienspro-Européens.L’Unioneuropéennes’opposeàl’occupationdelaCriméepardestroupes«pro-russes»hybrides,ainsiqu’auxmouvementsdestroupesde l’armée fédérale russe près de la frontière ukrainienne. L’issuedu référendumdu16mars2014conduitaurattachementdelaCriméeetdeSébastopolàlaRussie.

11.L’armée syriennea frappé,dans lanuitdu21août2013, lesvillesde laGhoutaorientale, la plaine agricole à l’Est de Damas – où vivent près d’un million depersonnes–etlaGhoutaoccidentale,ausud-ouestdelaville,suscitantl’indignationdelacommunautéinternationale.Enréaction,lesÉtats-Unis,leRoyaume-UnietlaFrancesouhaitentorganiserdesfrappesmilitairesmaislesdeuxpremiersn’obtiennentpasleconsensuspolitiquenécessaire.

12.Le16mai1916,enpleinePremièreGuerremondiale,lesaccordsSykes-PicotsontsignésentreBritanniquesetFrançais,redéfinissantlesfrontièresduMoyen-Orientsurlesruinesdel’Empireottoman.CesgrandeslignesgéopolitiquesdéfinissentencorelasuperficiedesÉtatsdelarégion,leurstructuredémographiqueainsiqueleurscapacitéséconomiqueseténergétiques.

13. Chef de l’organisation terroriste Daech ayant déclaré, le 8 avril 2013, laconstitutionde « l’État islamiqueen Iraketdans leCham».Le29 juin2014,DaechproclameAbouBakral-Baghdadi,«califeetsuccesseurdeMahomet».

14. Branche du chiisme vouant un culte à la figure d’Ali, gendre du prophèteMohammad. Les membres du clan de Bachar el-Assad sont pour la plupart deconfessionalaouite.Cetteminoritéreprésenteenviron10%delapopulationdupays.

15.«Ilnefaitaucundoutepourpersonnequecertainesopérationsclandestinessonten réalité des “opérations spéciales” et gagneraient à être effectuées par des forces

spéciales. » Rapport d’information no 525 (2013-2014) de Daniel Reiner, JacquesGautieretGérardLarcher,«Lerenforcementdesforcesspécialesfrançaises,avenirdelaguerreouconséquencedelacrise?»déposéle13mai2014.

16. High Value Target, terminologie militaire américaine désignant une cible,notammenthumaine,envuedesonéliminationparlebiaisd’uneactionclandestineouspéciale.

17.LeCPCOestl’instancedecommandementdesarméesfrançaises,connectée7jourssur7et24heuressur24avecl’ensembledesthéâtresd’opérations.IlpermetauCEMAd’assurer le commandementdesopérationsmilitaires,de conseiller leGouvernement

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danslechampdesopérationsetdeproposerdesoptionsstratégiquesauprésidentdelaRépublique.

18. L’Allemagne a accepté un partenariat avec les États-Unis pour disposer d’unsystèmed’interceptionperformantauprofitdesesintérêts.Ladécouverted’une«portedérobée»danscedispositifpassedoncpourune«contrepartie»nonnégociée...

19.Jean-JacquesUrvoas,PatrickVerchère,«Rapportd’informationenconclusiondestravauxd’unemissiond’informationsurl’évaluationducadrejuridiqueapplicableauxservicesderenseignement»,Assembléenationale,mardi14mai2013.

20.Loino91-646du10juillet1991relativeausecretdescorrespondancesémisesparla voie des télécommunications qui a régi les écoutes téléphoniques judiciaires etadministrativesde1991à2015.

21.Proposition législativeà l’initiatived’unparlementaire,paroppositionàunprojetdeloid’initiativegouvernementale.

22. En application de l’article 6 de la loi du 17 juillet 1978 relative à l’accès auxdocuments administratifs, les avis rendus par le Conseil d’État sur des projets de loiavant leur dépôt au Parlement ne constituent pas des documents librementcommunicablesauxadministrés.Confidentielsparprincipe, lesavisduConseild’Étatpeuvent néanmoins être rendus publics après accord de l’autorité demanderesse.FrançoisHollandeaainsisouhaitérendresystématiquementpublicscesdocuments.Lepremierd’entreeuxfutceluirelatifàlafutureloirenseignement.

23.IlexisteenFrancetroisniveauxdeprotectiondusecret,parordred’importance:«confidentieldéfense»,«secretdéfense»et«trèssecretdéfense».

24.Terroristesauteursdel’attentatcontrelejournalCharlieHebdodu7janvier2015,décédésle9janvier2015àDammartin-en-Goële.

25. RETour d’EXpérience, équivalent du concept anglo-saxon des Lessons Learned,exercicequiapourfonction«derechercherdesinformationsémanantdesopérationsoudesexercices,delesexploiterpourlestraduireenenseignementsquiconduirontàdes adaptations », «PIA7.7.Retourd’expériencedes armées (RETEX) », publicationinterarmées.

26. Respectivement régies par les articles L. 851-2 et 3 du Code de la sécuritéintérieure. Articles créés par la loi du 24 juillet 2015 relative au renseignement quiétablit unemodalité de surveillance de certains individus par le biais d’une analysemassivededonnéestéléphoniques.

27. Le cabinetduPrésident se réunit chaque lundimatinpour travailler l’agendaduprésidentdelaRépubliqueetpréparerlesdossiersprésidentiels.

28. Jean-Pierre Jouyet a pris la suite de Pierre-René Lemas au secrétariat général le16 avril 2014. Sylvie Hubac a été remplacée le 5 janvier 2015 par Thierry Lataste

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auquelsuccédera,le15juin2016,Jean-PierreHugues.

29.Sous-directiondel’anticipationopérationnelleauseindelaDirectiongénéraledelagendarmerienationale.

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NotesduchapitreVI

1.BernardSquarciniestmisenexamenle17octobre2011pour«atteinteausecretdes correspondances », « collecte illicite de données » et « recel du secretprofessionnel»danslecadredel’«affairedesfadettes»,alorsqu’ildirigelaDCRI.Ilavait eneffet sollicité les factures téléphoniquesdétailléesd’un journalisteduMondepouridentifiersessourcesdansl’affairedire«Bettencourt».Lacourd’appeldeParis,dans une décision du 12 décembre 2012, ne conserve que le chef d’accusation de« collecte de données à caractère personnel par un moyen frauduleux, déloyal ouillicite ». Il est condamné le8avril2014à8000eurosd’amendeet7000eurosdedommagesetintérêtsauxpartiesciviles.

2.AgentdelaDGSE,DenisAlexestretenuenotageenSomalieàpartirde2009,àlasuitedesonenlèvementàMogadiscioparlesrebellesislamistes.Le11janvier2013,latentative de libération planifiée par la France n’empêche pas son assassinat par sesravisseurs.

3. Le site lanceur d’alertes WikiLeaks a révélé que les services de renseignementaméricainsontespionnélescommunicationsdeFrançoisHollande,NicolasSarkozyetJacquesChirac.Cesinterceptionsontétéréaliséesparle«SpecialCollectionService»,uneunitécomposéedemembresdelaNSAetdelaCIA,grâceàdesdispositifsd’écouteprésentsauseindel’ambassadeaméricaine.Cettedernièresesitueàproximitédetousles lieux de pouvoir français : l’Élysée, leministère de l’Intérieur, de la Justice, desAffairesétrangèresetdelaDéfenseainsiquedel’Assembléenationale.Cetteaffaireaégalement révélé la vulnérabilité des moyens de communications des Présidentsfrançaisetdeleurentourage.

4. Yann Jounot avait sollicité l’abrogation du décret no 2010-299 du 22 mars2010 relatif à la gestion administrative et financièrede la coordinationnationaledurenseignement.Décidéepar leprésidentHollande,celle-cidevaitêtremiseenœuvre

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par son successeur. Toutefois, la réforme n’a pas survécu à l’alternance. Voir letémoignagedePierredeBousquetdeFloriandansleprésentouvrage,p.195.

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Notedel’introductionàlatroisièmepartie

1.Sollicité,YannJounotn’apassouhaitétémoignerdanslecadreduprésentouvrage.

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NotesduchapitreVII

1.DidierLeBretestl’épouxdeMazarinePingeot,filledeFrançoisMitterrand.

2.Laloirenseignementdistinguedeuxtypesdeservicesselonleurcapacitéàrecouriràl’entier spectre des techniques de recueil du renseignement. Ceux bénéficiant d’unaccès total appartiennent au premier cercle de la communauté du renseignement(DGSE, DGSI, DRM, DRSD, DNRED, Tracfin), les autres appartiennent au deuxièmecercle.

3.NotionpopulariséeparlejournalisteDavidThomsondansunouvrageconsacréàcescitoyens français partis rejoindre des groupes jihadistes en Syrie dès 2012 et ayantdésormaischoisiderentrer(LesRevenants,Paris,Seuil,2016).

4.LeBCRPaété crééen janvier2017par Jean-JacquesUrvoas, alorsministrede laJustice.

5.Dans le cadreduplan administratif de lutte contre la radicalisationduprintemps2014.

6.LaDGSIafaitl’acquisitiondulogicieldelasociétéaméricainePalantir.

7. Fondement des libertés individuelles en Grande-Bretagne et de la lutte contrel’arbitraire.Cetteclausederangconstitutionnelimposelaprésentationphysiqueàunjugedetoutindividudétenuouincarcéréafindestatuersurlalégalitédeladétention.

8.Laloino2017-1510du30octobre2017renforçantlasécuritéintérieureetlaluttecontre le terrorismea transposédans ledroitcommun lesprincipalesdispositionsdel’état d’urgence déclaré en novembre 2015. Elle accroît notamment les pouvoirs desautoritésadministrativesaudétrimentdupouvoirjudiciaire.

9. Document créé par la loi de programmation militaire du 18 décembre 2013.InitialementàdestinationdelaDélégationparlementaireaurenseignement,iladepuis

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été rendu public. Il synthétise les orientations stratégiques confiées aux services derenseignement.

10.Unrapportsurlagestiondesressourceshumainesdesservicesderenseignementaétéconfiéen2014àJérômeMichel,membreduConseild’État.Cedocumentestclasséconfidentieldéfense.

11. Le groupe industriel français, désormais rebaptisé Naval Group, a remporté, enavril2016cequelapresseaappelélecontratdusiècleenraisondesonmontant,leplus important de l’histoire de la défense de l’Australie : 50 milliards de dollarsaustraliens, soit35milliardsd’euros,dont8milliards reviendront aux entreprises del’Hexagone. Ce contrat porte sur la production de 12 sous-marins. La fabrication dupremierbâtimentdébuteraen2021.

12.Hautfonctionnairerusse,auparavantàlatêteduServicefédéraldesécuritérusse(FSB)etduComiténationalantiterroriste(NAK),ilestdésormaissecrétaireduConseildesécuritédeRussie.

13.Servicederenseignementisraélienenchargedelacollectedurenseignement,desopérationssecrètesetdelaluttecontreleterrorisme.Ilrelèvedel’autoritédirecteduPremierministre.

14. Le coordinateur de l’Union européenne pour la lutte contre le terrorisme est unhaut fonctionnaire,placésous l’autoritédirecteduhautreprésentantde l’UnionpourlesAffaires étrangères et la Politique de sécurité. Il a pour rôle d’assurer lamise enœuvre de la stratégie de l’Union enmatière de lutte contre le terrorisme (meilleureinteractionentrelesagencesdel’UE,meilleurepréventionduterrorismeenparticulierparlaluttecontrelaradicalisation,préparationdesunitésdeprotectioncivile).Ildoitégalement coordonner les différentes formations du Conseil compétentes : ConseilEcoFin(luttecontreleblanchiment),ConseilJAI(coopérationpolicièreetjudiciaire)etConseilaffairesgénéralesetrelationsextérieures(dimensioninternationale).

15.Hautfonctionnaireeuropéen.DirecteurdelasectionJusticeetAffairesintérieures(JAI) au Secrétariat général du Conseil de l’Union européenne de 1995 à 2007, ilsuccède alors à Gijs de Vries à la tête de la Coordination pour la lutte contre leterrorisme.

16.«Tonameandshame»,soit«nommeretcouvrirdehonte».Actionquiconsisteàrendre publics, pour les couvrir d’opprobre, les agissements répréhensibles d’unepersonne,d’ungroupe,d’uneentrepriseoud’uneinstitution.

17.Événementorganiséparl’Églisecatholique,lesJournéesmondialesdelajeunesse

réunissent plusieurs centaines de milliers de participants du monde entier. La 31e

édition a été organisée à Cracovie du 26 au 31 juillet 2016. La vague d’attentatsterroristes ayant ensanglanté l’Europe a conduit le comité d’organisation à être

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particulièrementattentifà la sécuritédecetévénement.L’assassinatdupèreJacquesHamelaeulieuenFrance,àSaint-Étienne-du-Rouvray,lejourdel’ouverturedesJMJ.

18. La règle du tiers service suppose que tout partage d’information avec un servicepartenaire ne puisse être révélé à un tiers sans l’autorisation explicite du serviceémetteur.

19.Opérationmilitairemobilisant10000soldatsprincipalementde l’arméedeterre,déployésaulendemaindesattentatsdes7,8et9janvier2015pourassurerlasécuritéduterritoirenational,elleserarenforcéelorsdesattaquesdu13novembre2015enÎle-de-France.

20. Haut fonctionnaire français, nommé le 4 décembre 2013 secrétaire général duCIPDRjusqu’en2016.

21. LeCPIDR a pourmission l’animation, la coordination et le soutien financier despolitiquesinterministériellesdepréventiondeladélinquanceetdelaradicalisation.

22.Magistratfrançais,procureurdelaRépubliqueprèsletribunaldegrandeinstancedeParisayantdecefaitunecompétencenationalesurlesaffairesdeterrorisme.Ilaéténomméle27octobre2018procureurgénéralprèslaCourdecassation.

23. En septembre2016, FrançoisMolins a entrepris dedurcir la politiquepénale enmatièredeterrorisme:les«revenants»deSyrieserontdésormaispassiblesdesassisespuisque l’incrimination a été relevée de délictuelle à criminelle. En conséquence, lespeinesdeprisonsontconsidérablementalourdies.

24.Entre2015et2017,plusieursloisontmodifiécerégimepourdurcirsesconditionsd’application.

25.L’EMOPT,crééenjuin215etrattachéaucabinetduministredel’Intérieur,avaitpour mission de coordonner, d’animer et de contrôler le suivi des personnesradicalisées.Ilaétésuppriméen2018auprofitdel’UCLAT.

26.AttentatperpétréàNiceetquiacausé86décès.

27. Commission d’enquête relative aux moyens mis en œuvre par l’État pour luttercontreleterrorismedepuisle7janvier2015,crééeàlasuitedesattentatsde2015etdirigéeparlesdéputésFenech(LR)etPietrasanta(PS).Ellepubliesonrapportfinalenjuillet2016.

28.Opposantaurégimemarocainenlevéettorturésurleterritoirefrançaisavec,onlesuppose,descomplicitésauseinduSDECE.Larévélationdecesfaitsetsoupçonscréaunlargescandaleen1966.

29.LeSecrétariatgénéraldesaffaireseuropéennesestunserviceduPremierministreprincipalement chargé de la coordination interministérielle pour les questionseuropéennes. Philippe Léglise-Costa, secrétaire général entre 2014 et 2017 a été, enparallèle,conseillerEuropeduprésidentdelaRépubliqueFrançoisHollandejusqu’en

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2015. Cette proposition concernant le renseignement a déjà été formulée par Jean-JacquesUrvoasdanssonrapportparlementaireprécitéde2013,p.112.Jean-JacquesUrvoas et Floran Vadillo, Réformer les services de renseignement français. Efficacité etimpératifsdémocratiques,Paris,FondationJean-Jaurès,2011,p.27,avaientproposélacréationd’unsecrétariatgénéraldurenseignement.

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NotesduchapitreVIII

1. Décret no 2017-1095 du 14 juin 2017 relatif au coordonnateur national durenseignement et de la lutte contre le terrorisme, à la Coordination nationale durenseignement et de la lutte contre le terrorisme et au Centre national de contre-terrorisme.

2. Société de droit privé détenue à 40 % par l’État qui valorise le savoir-faire duministère de l’Intérieur auprès de partenaire étrangers grâce à des accords decoopération technique. CIVIPOL réalise des prestations de conseil, d’assistancetechnique,d’auditetdeformationdansledomainesécuritaire.

3.AlexisKohlerdepuismai2017.

4.L’amiralBernardRogeldepuisle6juillet2016.

5.PhilippeÉtiennedepuismai2017.

6.Voirl’article1erdudécretno2009-1657du24décembre2009relatifauConseildedéfenseetdesécuriténationaleetauSecrétariatgénéraldeladéfenseetdelasécuriténationale.

7. Décret no 2018-798 du 19 septembre 2018 ajoutant l’Inspection générale de lajusticeauxcorpsetservicesd’inspectionetdecontrôleconcourantaufonctionnementdel’inspectiondesservicesderenseignement.

8. Commissaire général de la police nationale, il a effectué une grande partie de sacarrière au sein de la DST. En 2014, il prend la tête du Service central durenseignementterritorial(SCRT)avantd’êtreappeléàlaCNRLTen2017.

9.Attaqueparun terroriste arméd’un couteauayant entraînéune victime et quatreblessés,le12mai2018àParis.

10.Annoncéspar lePremierministreà l’occasiondelaprésentationduPland’actioncontreleterrorismeàLevallois-Perret,levendredi13juillet2018.

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11.SereporterauxtémoignagesdeBernardBajolet,p.19oudeChristopheGomart,p.49.

12. L’Académie du renseignement constitue chaque année deux promotions : l’uneconsacrée aux hauts potentiels des services de renseignement, l’autre aux échelonsintermédiaires.

13.SGDSNd’octobre2014àmars2018.

14.Conseildesministresdu22juin2017.

15. Article 1er du décret no 2017-1096 du 14 juin 2017 relatif à la gestionadministrative et financière de la coordination nationale du renseignement et de la

luttecontreleterrorismequireprendencelalesdispositionsdudécretno2010-299du22 mars 2010 relatif à la gestion administrative et financière de la coordinationnationaledurenseignement.

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Notesdel’appendice

1.IntelligenceReformandTerrorismPreventionAct.

2. L’Intelligence Community se compose de 17 agences généralement placées sousl’autoritéd’unministère.– Indépendantes (2) :Officeof theDirectorofNational intelligence (ODNI),CentralIntelligenceAgency(CIA);–Départementde laDéfense (8) :Defense IntelligenceAgency (DIA),MarineCorpsIntelligence Activity, National Security Agency (NSA), Twenty-Fifth Air Force,IntelligenceandSecurityCommand,NationalGeospatial-IntelligenceAgency,NationalReconnaissanceOffice,OfficeofNavalIntelligence;–HomelandSecurity(2):CoastGuardIntelligence,OfficeofIntelligenceandAnalysis;–Energy(1):OfficeofIntelligenceandCounterintelligence;–State(1):BureauofIntelligenceandResearch;–Trésor(1):OfficeofTerrorismandFinancialIntelligence;–Justice (2) :OfficeofNationalSecurity Intelligenceauseinde laDEA, IntelligenceBranchauseinduFBI.

3. James R. Clapper & Trey Brown, Facts and Fears: Hard Truths from a Life inIntelligence,NewYork,Viking,2018,p.128.Traductioneffectuéeparnossoins.

4.«BienvenueànotreauditionannuelledeconfirmationduDNI»,ibid.,p.137.

5.Ibid.

6.Ibid.

7.Ibid.

8.VoirAlexandrePapaemmanueldansPierrePascallon(dir.),Rendrelerenseignementplusefficace,Paris,L’Harmattan,2017.

9.Lesotages,Snowden,laSyrieetlescoupesbudgétaires.

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10. LaRussie aurait aidé le siteWikiLeaks à divulguer des courriels de la candidateHillaryClintonafindefavoriserl’électiondeDonaldTrumpen2016.

11.Le16juillet2018.

12.«IamPartoftheResistance»,NewYorkTimes,5septembre2018.

13.StatementforTheRecord:2019WorldwideThreatAssessmentOfTheU.S.IntelligenceCommunity,29janvier2019(disponibleenligne).

14. Discours annuel du Président devant la Chambre des représentants et le SénatréunisenCongrèsaucoursduquelilbrossesonprogrammed’actionpourl’année.

15.Théorieaméricainedelastricteetégaleséparationdespouvoirs.

16.SenateSelectCommitteeonIntelligence(SSCI).

17. United States House Permanent Select Committee on Intelligence, commissionchargée de superviser la communauté du renseignement des États-Unis, bien qu’ellepartage certaines compétences avec d’autres commissions de la Chambre, dont laCommissiondesforcesarméespourcertainesquestionsconcernantledépartementdela Défense. Elle a été précédée par la Commission spéciale du renseignemententre1975et1977.Larésolution658delaChambrel’acrééeetluiaconférélestatutdecommissionpermanentele14juillet1977.

18.CeuxdesprésidentsNixonetFordontétérenduspublics le24août2016,aprèsceuxdesprésidentsKennedyetJohnson,publiésle15septembre2015.

19.NationalSecurityStrategy.

20.NationalSecurityCouncil.

21.NationalIntelligenceManagers.

22.UnifyingIntelligenceStrategies.

23.NationalIntelligenceProgram(NIP).

24.MilitaryIntelligenceProgram(MIP).

25.IntelligencePlanning,Programming,Budgeting,andEvaluationsystem.

26.President’sBudget.

27.CongressionalBudgetJustificationBookmaterials.

28.ExecutiveofficeofthePresident’sOfficeofManagementandBudget(OMB).

29.DoDController.

30.CongressionalOversightCommittees.

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Notesdel’appendice

1.Servicederenseignementextérieurjusqu’en1982,dateàlaquelleilesttransforméenDGSE.

2. Service du Premierministre chargé de centraliser l’exécution des interceptions desécurité(les«écoutestéléphoniques»).

3.ConstantinMelnik,DeGaulle, lesservicessecretset l’Algérie,Paris,Nouveaumonde,2010.

4.VoirSébastien-YvesLaurent,«PierreMessmeretlagestiondecrise:leministredesarmées,lasécuritémilitaireetleSDECE(1960-1970)»,dansFrançoisAudigieretal.,PierreMessmer.Aucroisementdumilitaire,ducolonialetdupolitique,Paris,Riveneuve,2012, p. 225-237 ; « Chaban à trois temps (1943-1944, 1957-1958, 1969-1972 :Chaban, le renseignement dans la politique », dans Bernard Lachaise et al., JacquesChaban-Delmas en politique, Paris, Puf, 2007, p. 163-177. ConcernantMichel Debré,lire également : Olivier Forcade, « Michel Debré et les fins politiques durenseignement»,dansDeGaulle,lesservicessecretsetl’Algérie,op.cit.,p.7-32.

5.EntretiendePhilippeSauzayavecFloranVadillo(lesentretiensquisuiventontétéréalisésparlemêmeauteur).

6. Entretien avec Jean Riolacci. La même référence vaut pour les propos de JeanRiolacci,saufmentioncontraire.CespropossontappuyésparYvesCannac,secrétairegénéraladjointdel’Élyséeentre1974et1978(entretien).

7.EntretienprécitéavecJeanRiolacci.

8. Du nom de code donné à un agent de renseignement soviétique qui, à partir de1980, a communiquéà laDSTdenombreuses informations sur l’espionnage conduitparl’URSSàl’encontredel’Occident.L’affaireFarewellestconsidéréecommel’unedesplusimportantesaffairesdecontre-espionnagedelaguerrefroide.

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9. Comme en témoigne notamment Michel Roussin (entretien). La même référencevautpourlesproposdeMichelRoussin,saufmentioncontraire.

10.ValéryGiscardd’Estaing,LePouvoiret laVie, t.3:Choisir,Paris,Compagnie12,2006,p.227.

11. Alexandre de Marenches et Christine Ockrent, Dans le secret des princes, Paris,Stock,1986,p.182,183-184ou129.L’auteurexprimeparexemplesondépitd’avoirététenuàl’écartdel’affaireClaustres:«ilyavaitàl’Élyséeundésirévidentdenepasmevoirm’enmêler»(p.188).

12.EntretienavecPhilippeMestre.

13.EntretienavecClaudePierre-Brossolette.

14.Entretienavec JeanFrançois-Poncet.Lamêmeréférencevautpour lesproposdeJean François-Poncet, sauf mention contraire. Selon plusieurs témoins, le hautfonctionnaireetAlexandredeMarenches«étaientàcouteauxtirés»(MichelRoussin,entretien).

15.SiègedelaDGSE.

16.Scandalepolitiquequiéclatepeuavantlacampagneprésidentiellede1981:ValéryGiscard d’Estaing est accusé d’avoir reçu en cadeau et gardé par devers lui desdiamantsdelapartdeJean-BedelBokassa,autoproclaméempereurduCentrafrique.

17.ValéryGiscardd’Estaing,LePouvoiretlaVie,t.3:Choisir,op.cit.,p.414.

18.D’aprèsPhilippeMassoni,Histoires secrètes de laRépublique, Paris, LaMartinière,2012,p.102.Ils’agissaitdugénéralVanbremeerschàl’époque.

19.JérômeMonod,LesVaguesdutemps.Mémoires,Paris,Fayard,2009,p.30.

20.EntretienavecJérômeMonod.Touteslescitationsquisuiventsansappeldebasdepagesontextraitesdumêmeentretien.

21.EntretienprécitéavecMichelRoussin.

22.Dunomdupartigaulliste:l’UniondesdémocratespourlaCinquièmeRépublique

(UD-Vede1967à1968etUDRde1968à1976).

23.LeProgrammecommundegouvernementde lagauche.Propositions socialistespourl’actualisation,Paris,Flammarion,1978,p.93-94.

24. Marcel Chalet et Thierry Wolton, Les Visiteurs de l’ombre, Paris, Grasset, 1990,p.180.

25.MauriceGrimaud,Jenesuispasnéenmai1968,Paris,Tallandier,2007,p.149.

26.En1954,FrançoisMitterrandestaccuséàtortd’avoirlivrédessecretsdeladéfensenationaleauPCF.LaDSTprendenchargel’enquête.

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27. Tentative de coup d’État en mai 1958 qui accompagne le retour de Charles deGaulleauxresponsabilités.

28. La DST est soupçonnée d’avoir communiqué au SAC la liste d’un millier depersonnes de gauche et d’extrême gauche afin de les placer en détention en 1968 ;l’accusationsefondesurundocumentquiserévéleraêtreunfaux.

29.DesmicrosavaientétéposésausiègeduCanardenchaînéetdécouvertsparl’undesmembresdujournal.LaDSTavaitétéaccuséed’êtreàl’originedel’affaire.

30.Filsadoptifducélèbrecinéastequi,contrerémunération,véhiculaitdanslejournalpériodiqueSynthesis(destinéauxparlementaires)lesthéoriessoviétiquesenFrance.Ilfutcondamnéen1979parlaCourdesûretédel’Étatenraisondesaqualité«d’agentd’influence et de désinformation ». François Mitterrand prit alors la plume : dansL’Unitédu6 juin1980, journalduPS, ildénonce l’acharnementde laDSTcontreunhommequi«necomprendriendecequiluiarrive».

31. Confident de Bokassa, arrêté le 10 mai 1980 pour intelligence avec des agentsd’unepuissanceétrangèremaisenréalitéquestionnésurl’affaireBokassa;disculpéparunnon-lieule2novembre1981.

32.EntretienavecFrançoisCailleteau.

33.MarcelChaletetThierryWolton,LesVisiteursdel’ombre,op.cit.,p.180.

34. Entretien avec Maurice Grimaud. La même référence vaut pour les propos deMauriceGrimaud,saufmentioncontraire.

35.Décretno82-306du2avril1982portantcréationet fixant lesattributionsde la

DGSEenremplacementduSDECE,etdécretno82-1100du22décembre1982fixantlesattributionsdeladirectiondelasurveillanceduterritoire.

36.Scandaleliéàlapose,parlaDGSE,dedeuxbombessurlenaviredel’associationécologiste Greenpeace dont l’explosion causa la mort d’un photographe portugais enjuillet1985.

37.DunomduPrésident socialiste chilien renversé en septembre1973parun coupd’ÉtatmilitaireconduitparlegénéralPinochet.

38. Par la suite, le rythme semble s’atténuer puisque l’amiral Lacoste, successeur dePierreMarion,affirmeavoirrencontrélechefdel’Étatàunequinzainedereprisesaucours des trois années passées à la tête du service de renseignement extérieur, voirPierre Lacoste et Alain-GillesMinella, Un amiral au secret, Paris, Flammarion, 1997,p.132.

39. Pierre Marion, Mémoires de l’ombre. Un homme dans les secrets de l’État, Paris,Flammarion, 1999, p. 168. L’ancien directeur évoque ainsi par exemple « desinstructionsetdesréponsesprécises»enprovenancedePierreBérégovoyqu’ilaurait,

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enéchange,renseignésurlesattaquessubiesparlefranc(voirLaMissionimpossible.Àlatêtedesservicessecrets,Paris,Calmann-Lévy,p.39).

40.EntretienavecJean-LouisBianco.

41.EntretienaveclegénéralSaulnier.LamêmeréférencevautpourlesproposdeJeanSaulnier,saufmentioncontraire.

42.PierreMarion,LaMission…,op.cit.,p.130.

43.Entretienavecl’amiralLacoste.

44.EntretienavecJean-ClaudeColliard.

45. Commentaire présidentiel en marge de la note de Gilles Ménage en date du10janvier1984(source:archivesprivées).

46. Commentaire présidentiel en marge de la note de Gilles Ménage en date du14février1985(source:archivesprivées).

47.Crééeen1973,l’unitéd’éliteintervientnotammentlorsdesprisesd’otage.

48.PierreMauroy,Mémoires.«Vousmettrezdubleuauciel»,Paris,Plon,2003,p.232.

49.PierreMarion,LaMission…,op.cit.,p.42.

50.PierreLacosteetAlain-GillesMinella,Unamiralausecret,op.cit.,p.135.

51.EntretienavecRobertBroussard.

52.Onciteral’attentatdelagalerieClaridge,àParis,lejourdel’installationdeJacquesChirac.

53.Crééeenoctobre1984parleministredel’IntérieurPierreJoxeafindecoordonnerlesdiversservicespoliciersenchargedelaluttecontreleterrorisme.

54. Du 22 avril au 5 mai 1988, des indépendantistes néocalédoniens retiennent enotagesdesgendarmesdanslagrotted’Ouvéa.

55.Jean-PaulHuchon,JourstranquillesàMatignon,Paris,Grasset,1993,p.109.

56.Ibid.,p.114-115.

57.EntretienavecClaudeSilberzahn.

58.EntretienavecMichelRocard.LamêmeréférencevautpourlesproposdeMichelRocard,saufmentioncontraire.

59.EntretienavecGuyCarcassonne.

60.EntretienavecRémyPautrat.

61.EntretienavecPhilippeMarchand.

62.LettreadresséeparIvanBarbot.

63.EntretienavecJacquesFournet.

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64.EntretienavecÉdouardBalladur.

65. Entretien avec Jacques Dewatre. Propos confirmés par Édouard Balladur lors del’entretienprécité.

66.Organisationterroristealgériennenéedel’oppositionàl’interruptionduprocessusdémocratique en Algérie en 1992 après la victoire des islamistes aux électionsmunicipales.

67.Crééen1995surlabasededispositifsantérieurs,leplanVigipirate(«Vigilanceetprotectiondesinstallationscontrelesrisquesd’attentatsterroristesàl’explosif»)établitla répartition des responsabilités entre les différents acteurs de la lutte contre leterrorisme.Sesdifférentesgradationscorrespondentauniveaudemenace.

68.EntretienavecJean-LouisDebré.

69.EntretienavecClaudeGuéant.LamêmeréférencevautpourlesproposdeClaudeGuéant,saufmentioncontraire.

70.SeréférerautémoignagedeClaudeGuéantdansleprésentouvrage.

71.JacquesChirac,Mémoires,t.1:Chaquepasdoitêtreunbut,Paris,Nil,2009,p.160.

72. Entretien avec Bertrand Landrieu. La même référence vaut pour les propos deBertrandLandrieu,saufmentioncontraire.

73.EntretienavecYvesBertrand.

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Notesdelaconclusion

1. Giorgio Agamben, « Qu’est-ce que le contemporain ? », Nudités, Paris, Payot etRivages,2009,p.28.

2. Proposition initialement formulée par Jean-Jacques Urvoas et Floran Vadillo,Réformer les services de renseignement français. Efficacité et impératifs démocratiques,Paris, Fondation Jean-Jaurès, 2011, p. 27 reprise dans Jean-Jacques Urvoas, PatrickVerchère,«Rapportd’information…»,op.cit.,p.112.

3.LireàceproposFloranVadillo,«Réformerl’Étatsouscontrainte:latragiqueutilitéduterrorismeinternational»,SécuritéetStratégie,28,janvier2018,p.5-14.

4.GastonRoupnel,Siloë,Paris,Stock,1927.

5.Fausse antenne relais qui établit un dialogue avec les terminaux téléphoniques etpermetainsiunecaptationdedonnées,voiredecommunications.

6.AuditiondePatrickCalvar,directeurgénéraldelasécuritéintérieureCommissiondeladéfensenationaleetdesforcesarmées,mardi10mai2016.

7.PierreBellanger,«Commentgagner laguerreperdued’avance», intervention lorsd’uneconférencedel’AAIHEDN,tablerondele11décembre2018:«Quellefrontièrepournotresouveraineténumérique?»

8. Le ROEM est issu de la collecte de signaux électromagnétiques provenant decommunicationsradioousatellitairemaisaussid’ondesproduitesparunradaroupardesinstrumentsdetélémesure.

9.LeROIMest issudelacollecteetde l’analysed’informationsobtenuesnotammentparlaphotographieaérienne,lesimagessatellitairesoulavidéodedrone.

10. Sébastien Yves Laurent, « Le renseignement et l’université ne doivent pluss’ignorer»,Libération,8novembre2015.

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11. Peter Sloterdijk, « Ladomesticationde l’Être », dansRègles pour le parchumain,Paris,Fayard,2010p.86-87.

12.VoirAlexandrePapaemmanuel,«Uneculturedurenseignementpourfairefaceautsunamideladonnée»,LaTribune,2juin2016.

13.LaurentLagneau,«LaDirectiondurenseignementmilitaireasignéuneconventiondepartenariatavecleCNRS»,Opex360,10juin2018.

14.JérômeHourdeaux,«Contre“l’obsessionsécuritaire”,lafrondedeschercheursenscienceshumaines»,Mediapart,20juin2018.

15.CertifiedGEOINTProfessional, formationassuréepar laNationalCommissionforCertifyingAgencies,sousl’autoritédel’InstituteforCredentialingExcellence.

16.UnitedStatesGeospatialIntelligenceFoundation.

17.GeoINtSymposium.

18.TrajectoryMagazine,IntelligenceStudies.

19.GiorgioAgamben,Moyensansfin,Paris,PayotetRivage,2006.

20.FormuledeJamesR.ClapperàLeonPanetta,directeurdelaCIA:«Sivousvoulezquejesoislàaumomentoùl’avions’écrase,assurez-vousquejesoislàquandl’aviondécolle»(«Ifyouwantmearoundwhentheplanescrashesmakessurei’maroindwhentheplanetakeoff»).

21.GiorgioAgamben,«Qu’est-cequelecontemporain?»,art.cité,p.30.

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ANNEXES

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Principauxacteursdelapériode

©AurélienBertry.

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LettredemissiondeNicolasSarkozyàBernardBajolet

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Lacoordinationnationaledurenseignement(en2019)

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Dispositionsdudécretno2009-1657du24décembre2009relativesauCNRintroduitesdansleCode

deladéfense

La lettredemission signéeparNicolasSarkozyauraitnaturellementdûinspirerlesdispositionsréglementairesintroduitesendécembre2009dans le Code de la défense. Celles-ci consacrent l’existence du CNR demanièretriomphantemaisenlimitentaussilaportée.

ArticleR.1122-6.LeConseilnationaldurenseignementconstitueuneformationspécialiséeduConseildedéfenseetdesécuriténationale.

Le Conseil national du renseignement définit les orientationsstratégiques et les priorités en matière de renseignement. Il établit laplanificationdesmoyenshumainsettechniquesdesservicesspécialisésderenseignement.

ArticleR.1122-7.SiègentauConseilnationaldurenseignement,sousla présidence du président de la République, le Premier ministre, lesministresetlesdirecteursdesservicesspécialisésderenseignementdontla présence est requise par l’ordre du jour ainsi que le coordonnateurnationaldurenseignement.

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Article R.1122-8. Nommé par décret en Conseil des ministres, lecoordonnateur national du renseignement conseille le président de laRépubliquedansledomainedurenseignement.

AvecleconcoursdusecrétairegénéraldelaDéfenseetdelasécuriténationale,lecoordonnateurnationaldurenseignementrapportedevantleConseilnationaldurenseignementdontilpréparelesréunionsetilveilleàlamiseenœuvredesdécisionsprisesparleconseil.

Ilcoordonnel’actionets’assuredelabonnecoopérationdesservicesspécialisésconstituantlacommunautéfrançaisedurenseignement.

Il transmet les instructions du président de la République auxresponsables de ces services, qui lui communiquent les renseignementsdevantêtreportésàlaconnaissanceduprésidentdelaRépubliqueetduPremierministre,etluirendentcomptedeleuractivité.

Lecoordonnateurnationaldurenseignementpeutêtreentenduparladélégationparlementaireaurenseignement.

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Listedessiglesetacronymes

ADITAgencepourladiffusiondel’informationtechnologiqueBCRPBureaucentraldurenseignementpénitentiaireCDSNConseildedéfenseetdesécuriténationaleCEMAChefd’état-majordesarméesCEMPChefd’état-majorparticulier(duprésidentdelaRépublique)CIACentralIntelligenceAgencyCILATComitéinterministérieldelalutteantiterroristeCIR

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ComitéinterministérieldurenseignementCNCTCentrenationalducontre-terrorismeCNCTRCommissionnationaledecontrôledestechniquesderenseignementCNILCommissionnationaledel’informatiqueetdeslibertésCNRConseil national du renseignement ou coordonnateur national durenseignementCNRLTCoordination nationale du renseignement et de la lutte contre leterrorisme ou coordonnateur national du renseignement et de la luttecontreleterrorismeCNRSCentrenationaldelarecherchescientifiqueCNSConseilnationaldesécuritéCOSCommandementdesopérationsspécialesCPCOCentredeplanificationetdecommandementdesopérationsCPIDR

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Comité interministériel de prévention de la délinquance et de laradicalisationCSIConseildesécuritéintérieureDCIDirectorofCentralIntelligenceDCNSDirectiondesconstructionsnavalessystèmesetservicesDCPJouPJDirectioncentraledelapolicejudiciaireDCRGouRGDirectioncentraledesrenseignementsgénérauxDCRIDirectioncentraledurenseignementintérieurDCSPDirectioncentraledelasécuritépubliqueDGPNDirectiongénéraledelapolicenationaleoudirecteurgénéraldelapolicenationaleDGSEDirectiongénéraledelasécuritéextérieureDGSIDirectiongénéraledelasécuritéintérieure

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DIADefenseIntelligenceAgencyD2IEDélégationinterministérielleàl’intelligenceéconomiqueDNIDirectorofNationalIntelligenceDNREDDirectionnationaledelarechercheetdesenquêtesdouanièresDoDDepartmentofDefenseDPRDélégationparlementaireaurenseignementDPSDDirectiondelaprotectionetdelasécuritédeladéfenseDRMDirectiondurenseignementmilitaireDRSDDirectiondurenseignementetdelasécuritédeladéfenseDSTDirectiondelasurveillanceduterritoireDTDirecteurtechnique(delaDGSE)

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EMOPTÉtat-majoropérationneldelapréventionduterrorismeEMPÉtat-majorparticulier(duprésidentdelaRépublique)FBIFederalBureauofInvestigationFLBFrontdelibérationdelaBretagneGAMGrouped’actionmixteGCHQGovernmentCommunicationsHeadquartersGICGroupementinterministérieldecontrôleGIGNGrouped’interventiondelagendarmerienationaleGSPRGroupedesécuritédelaprésidencedelaRépubliqueICIntelligenceCommunityICITEIntelligenceCommunityInformationTechnologyEnterprise

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IGAInspectiongénéraledel’administrationIGFInspectiongénéraledesfinancesISRInspectiondesservicesderenseignementMAEMinistèredesAffairesétrangèresMIPMilitaryIntelligenceProgramMUSISMultinational Space-based Imaging System for Surveillance,ReconnaissanceandObservationNGIANationalGeospatialIntelligenceAgencyNIPNationalIntelligenceProgramNRONationalReconnaissanceOrganizationNSANationalSecurityAgencyOCRTISOfficecentralpourlarépressiondutraficillicitedesstupéfiants

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ODNIOfficeoftheDirectorofNationalIntelligencePDBPresident’sDailyBriefPNORPlannationald’orientationdurenseignementPNRPassagerNameRecordouPlannationaldurenseignementPPPréfecturedepoliceoupréfetdepolicePRPrésidentdelaRépubliqueRAIDRechercheassistanceinterventiondissuasionREPRégimentd’élémentsparachutistesRETEXRetourd’expérienceRIMRéunioninterministérielleSCRTServicecentralderenseignementterritorial

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SDAOSous-direction de l’anticipation opérationnelle au sein de la DirectiongénéraledelagendarmerienationaleSDECEServicededocumentationétrangèreetdecontre-espionnageSDIGSous-directionàl’informationgénéraleSGouSGESecrétairegénéraldel’ÉlyséeSGDNpuisSGDSNSecrétariatgénéraldeladéfensenationalepuisSecrétariatgénéraldeladéfenseetdelasécuriténationaleSIGServiced’informationduGouvernementSISSystèmed’informationSchengenSSCISenateSelectCommitteeonIntelligenceTracfinTraitement du renseignement et action contre les circuits financiersclandestinsUCLATUnitédecoordinationdelalutteantiterroriste

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UMPUnionpourlamajoritéprésidentielleUSD(I)UnderSecretaryofDefenseforIntelligenceZADZoneàdéfendreZSPZonedesécuritéprioritaire

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Noticesbiographiquesdesprincipauxacteurs

Ayrault Jean-Marc. Né en 1950. Député, maire de Nantes,président du groupe socialiste à l’Assemblée nationale entre 1997et2012.NomméPremierministreparFrançoisHollandeenmai2012,il quitteMatignonen2014, après ladéfaiteduPS auxmunicipales.Entre2016et2017,ilestministredesAffairesétrangères.

BajoletBernard.Néen1949.Enposteà l’ambassadedeFrance

enAlgériede1975à1978,ilœuvreensuiteenadministrationcentraleet en cabinet ministériel. Après divers postes, il est nommé àl’ambassade de France en Syrie à partir de 1986. Il devientambassadeur de France en Jordanie (1994-1998), en Bosnie-Herzégovine(1999-2003),en Irak(2004-2006)etenAlgérie (2006-2008). De 2008 à 2011, il est CNR. En 2011, il est nomméambassadeurenAfghanistanavantdeprendrelatêtedelaDGSEen2013.Iloccuperacettefonctionjusqu’enmai2017.

BalladurÉdouard.Néen1929.Membredecabinetsministériels

sous laprésidencedeCharlesdeGaulle, ildevientsecrétairegénéraladjointdel’ÉlyséesousGeorgesPompidou,puissecrétairegénéralen1973.Ministredel’Économielorsdelapremièrecohabitation(1986-

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1988),ilestnomméPremierministreparFrançoisMitterrandlorsdeladeuxièmecohabitationentre1993et1995.Candidatmalheureuxàl’électionprésidentielle, ilestéludéputéentre1997et2007.NicolasSarkozy lui confie la présidence du Comité de réflexion sur lamodernisation et le rééquilibrage des institutions entre juillet etoctobre2007.

Barre Raymond (1924-2007). Vice-président de la Commission

européenneentre1967et1973,ildevientPremierministredeValéryGiscard d’Estaing entre 1976 et 1981. Il est ensuite élu député etmairedeLyon.

BérégovoyPierre (1925-1993).Secrétairegénéralde l’Élyséeen

1981, il devient en 1982 ministre des Affaires sociales puis del’Économie et des Finances jusqu’en avril 1992. À cette date, il estnommé Premier ministre jusqu’à la défaite du PS aux élections

législativesde1993.Ilmetfinàsesjoursle1ermai1993.

BolelliDidier.Néen1955.Officierde l’arméedeTerre(générald’armée), il sert dansdesunitésde renseignement avantdedevenirchefduBureauréservéentre1999et2001.IloccupelesfonctionsdedirecteurdesopérationsàlaDGSEde2004à2008,dateàlaquelleildevientdirecteurdelaDPSDjusqu’en2010,puisdirecteurdelaDRMjusqu’en2013.Ilpassealorsdanslesecteurprivé.

Bosser Jean-Pierre. Né en 1959. Officier de l’armée de Terre

(général d’armée), après diverses affectations, il est nomméDPSDàpartirdenovembre2012,puischefd’état-majordel’arméedeTerreàpartirdeseptembre2014.

BousquetdeFlorianPierre(de).Néen1954.Membreducorps

préfectoral, il est conseiller à la présidence de la République

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entre 1995 et 1999. Directeur de la DST entre 2002 et 2007,EmmanuelMacron l’appelleen juin2017pourassumer les fonctionsdecoordonnateurnationaldu renseignementetde la lutte contre leterrorisme(CNRLT).

BrochandPierre.Néen1949.Membreducorpsdiplomatique,il

fut notamment ambassadeur enHongrie, en Israël puis auPortugal.En2002,JacquesChiracluiconfielaDGSEqu’ildirigejusqu’en2008.

Calvar Patrick. Né en 1955. Dès sa sortie de l’école des

commissaires, il intègre la DST et travaille au contre-espionnage.Entre1997et2000,ilestattachédesécuritéintérieureàl’ambassadedeFranceàLondres.AdjointdudirecteurdelaDSTpuisdelaDCRIentre2007et2009,ildevientdirecteurdurenseignementàlaDGSEjusqu’en 2012 où Manuel Valls lui confie la DCRI. Il conduira laréformedu service pour créer laDGSI en2014. En2017, il part enretraiteetentamedesactivitésprivées.

CarpentierJean-Baptiste.Magistrat, iloccupediversesfonctions

juridictionnellesetenadministrationcentralejusqu’en2002.De2005à2007,ilestconseillerjuridiqueduministredel’Économie.IldevientdirecteurduserviceTracfinentre2008à2015.Àcettedate,ilprendla têtede laD2IEpuis crée en2016 les fonctionsde commissaire àl’information stratégique et à la sécurité économique. En 2018, ilquittelafonctionpubliquepourdevenirdirecteurdelaconformitédugroupeVéolia.

CazeneuveBernard.Néen1963.Membredecabinetsministériels

entre1991et1993,ilestélumairedeCherbourgen1995puisdéputéen1997jusqu’en2002.Battuen2002,ilestrééludéputéen2007eten 2012. François Hollande le nomme alors au Gouvernement. En

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2014, il devient ministre de l’Intérieur puis Premier ministre endécembre2016.Àpartirde2017,ilreprendsaprofessiond’avocat.

CoatsDanielRay.Néen1943.MembredupartiRépublicain et

diplomate américain. Il est élu à la Chambre des représentantsentre1981et1988.Ildevientensuitesénateurde1989à1999,puisGeorge W. Bush le nomme ambassadeur en Allemagne, poste qu’iloccupede2001à2005.Aprèscinqannéesdanslesecteurprivé,ilestréélusénateuren2010avantd’êtrenomméDNIparDonaldTrumpen2017.

CorbindeMangouxErard.Né en1953.Militairepassédans le

corpspréfectoral,en2007,ildevientconseillerauxaffairesintérieuresdeNicolasSarkozy,présidentdelaRépublique.Entre2008et2013,ildirige laDGSE. Ilestpar la suitenommépréfetdesYvelinespuis,àcompterde2015,conseillermaîtreenserviceextraordinaireàlaCourdescomptes.

CressonÉdith.Néeen1934.Éluedéputéeen1981,elleintègrele

gouvernement de Pierre Mauroy puis de Laurent Fabius. NomméeministredugouvernementRocarden1988,elledémissionnedeuxansplus tard.En1991,FrançoisMitterrand ladésignePremierministre.Dixmoisplustard,ellequitteMatignon.Entre1994et1999,elleestcommissaire européen, adjointe au maire de Châtellerault jusqu’en2008.

DebréMichel (1912-1996). Résistant, il est l’un des principaux

rédacteursdelaconstitutiondelaCinquièmeRépublique.Entre1959et 1962, il est Premierministre du président de Gaulle. À nouveauministre entre 1966 et 1973, il est candidatmalheureux à l’électionprésidentiellede1981.

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DelonFrancis.Néen1950.MembreduConseild’État, iloccupedesfonctionsencabinetministérielentre1986et1988.DirecteurdecabinetduministreBayrouentre1995et1997,ilestnomméàlatêteduSGDNen2004,etprésideàlaréformedelastructureen2009quidevientalorsleSDGSN.En2015,ilestnomméparFrançoisHollandeà la tête de la Commission nationale de contrôle des techniques derenseignement(CNCTR)nouvellementcrééeparlaloi.

ÉmiéBernard.Néen1958.Membreducorpsdiplomatique,ilest

membre du cabinet du ministre des Affaires étrangères entre 1986et 1988 puis entre 1993 et 1995. Il intègre alors les équipes duprésident Chirac jusqu’en 1998, date à laquelle il est nomméambassadeurenJordanie,puisauLiban,enTurquie,auRoyaume-UnipuisenAlgérie.Enjuin2017,EmmanuelMacronluiconfielaDGSE.

FabiusLaurent.Néen1946.Députésocialisteavantmai1981,il

devientalorsministrepuisPremierministreenjuillet1984.En1988,il prend la présidence de l’Assemblée nationale, poste qu’il retrouveaprès la dissolution de 1997 avant d’entrer au Gouvernement enqualité de ministre de l’Économie, des Finances et de l’Industrie(2000-2002). Sous le quinquennat de François Hollande, il devientministre des Affaires étrangères (2012-2016) avant d’être nomméprésidentduConseilconstitutionnel.

FillonFrançois.Néen1954.Ilestéludéputéen1981.En1993,il

entreaugouvernementd’ÉdouardBalladurpuis,en1995,dansceluid’Alain Juppé. Le retour de la droite au pouvoir en 2002 le voit ànouveauentrerauGouvernement jusqu’en2005.De2007à2012, ilest le Premierministre deNicolas Sarkozy. En 2017, il est candidatmalheureuxàl’électionprésidentielle.

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GarciaJean-Paul.Néen1955.Membredesservicesdouaniers,iladirigélaDNREDentre2012et2017.

Gomart Christophe. Né en 1960. Officier de l’armée de Terre

(général de corps d’armée). Il occupe diverses affectations avant de

devenir chef du 13e Régiment de dragons parachutistes (RDP)entre2003et2005.IldevientensuitechefduBureauréservéjusqu’en2008.Àcettedate,ilestnomméadjointaucoordonnateurnationaldurenseignement puis commandant des opérations spéciales (COS) de2011à2013.En2013, il prend la têtede laDRM jusqu’en2017. Ilquittealorsl’arméed’activepourintégrerlesecteurprivé.

GuéantClaude.Néen1945.Aprèsavoiroccupédiverspostesen

cabinets ministériels et dans l’administration préfectorale, ClaudeGuéantestdésignédirecteurgénéralde lapolicenationaleen1994,jusqu’en 1998. À partir de 2002, il accompagneNicolas Sarkozy enqualitédedirecteurdecabinet,notammentauministèredel’Intérieur.Aprèsl’électionprésidentiellede2007,ildevientsecrétairegénéraldela présidence de la République jusqu’en 2011. À cette date, il estnomméministredel’Intérieuretassumecesfonctionsjusqu’en2012.Ilpoursuitunecarrièredanslesecteurprivéetenqualitéd’avocat.

GuillaudÉdouard. Né en 1953. Officier de la Marine (amiral).

Aprèsdiversesaffectations,iloccupelesfonctionsdecommandantduporte-avion Charles-de-Gaulle. Nommé adjoint pour la marine duCEMPentre2002et2004,ildevientpréfetmaritimedelaMancheetdelamerduNordjusqu’en2006.Àcettedate,ilestnomméCEMPduprésidentChirac,demeureenposteaprèsl’électiondeNicolasSarkozyquiledésignechefd’état-majordesarméesenjanvier2010.Iloccupecettefonctionjusqu’en2014.

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HuguesJean-Pierre. Né en 1951.Membre du corps préfectoral,aprèsdiversesaffectations,ildevientdirecteurgénéraldelaLiguedefootball professionnel entre 2005 et 2016. À cette date, FrançoisHollande lui confie la direction de son cabinet à l’Élysée. Après lesélections présidentielles de 2017, il continue d’assumer les mêmesfonctionsauprèsdel’ancienchefdel’État.

JouyetJean-Pierre.Néen1954.Membredel’Inspectiongénérale

des finances. Entre 1988 et 1991, il est directeur de cabinet duministredel’Industrieetdel’Aménagementduterritoire.Entre1991et 1995, il est chef adjoint puis chef du cabinet de Jacques Delors,président de la Commission européenne. De 1997 à 2000, il estdirecteuradjointducabinetduPremierministreJospin,puisdirecteurduTrésor jusqu’en2004.En2007, ildevientsecrétaired’étatchargédes affaires européennes. En décembre 2008, il prend la tête del’autorité des marchés financiers jusqu’en 2012, date à laquelle ildevientdirecteurgénéraldelaCaissedesdépôtsetconsignations.Enavril 2014, François Hollande l’appelle auprès de lui pour êtresecrétairegénéralde l’Élysée.Après lesélectionsde2017, ildevientambassadeurdeFranceàLondres.

JuppéAlain. Né en 1945. Collaborateur de Jacques Chirac dès

1976puisadjointaumairedeParisen1983.IlestministreduBudgetetporte-paroleduGouvernementdecohabitationentre1986et1988.DéputédeParisde1986à1993,ilestministredesAffairesétrangèresdu gouvernement Balladur entre 1993 et 1995 puis Jacques Chiracl’appelle pour diriger le Gouvernement. Élu maire de Bordeaux en1995,puisdéputédelaGirondeen1997,ilprésidel’UMPde2002à2004. Sous le quinquennat de Nicolas Sarkozy, il est brièvementministrede l’Écologieen2007,puisministrede laDéfenseen2010-2011etministredesAffairesétrangèresjusqu’en2012.

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Lataste Thierry. Né en 1954. Membre du corps préfectoral.Entre1983et1985,iloccupelesfonctionsdedirecteurducabinetdePierreMauroy,mairedeLille.De1991à1994,ilestsecrétairegénéralde laNouvelle-Calédonie. En1997, il dirige le cabinet du secrétaired’État à l’Outre-mer puis devient haut-commissaire en Nouvelle-Calédoniede2000à2002.Aprèsdiverses affectations enqualitédepréfet,ildirigelecabinetduministredel’Intérieurdedécembre2012àjanvier2015,dateàlaquelleilprendlatêteducabinetduprésidentHollande jusqu’enmai 2016. À cette date, il est à nouveau désignéhaut-commissaireenNouvelle-Calédonie.

Le Drian Jean-Yves. Né en 1947. Maire de Lorient de 1981 à

1998etprésidentduConseilrégionaldeBretagnede2004à2012etde2015à2017.IlestdéputéduMorbihande1978à2012.MinistredelaDéfensesousFrançoisHollande(2012-2017),ilprendlatêteduQuaid’Orsayaprèsl’électiond’EmmanuelMacron.

LemasPierre-René.Néen1951.Membreducorpspréfectoral,il

estmembreducabinetduministredel’Intérieurentre1983et1986.Directeur du cabinet du secrétaire d’État chargé des Collectivitéslocalesen1988, ilestdésigné l’annéesuivantedirecteurgénéraldescollectivités locales. Après diverses affectations en administrationcentraleetdanslecorpspréfectoral,ildevientdirecteurducabinetduprésident du Sénat en 2011.Un an plus tard, FrançoisHollande luiconfielesecrétariatgénéraldel’Élysée.Ilquittesesfonctionsen2014pourdevenirdirecteurgénéraldugroupeCaissedesdépôts jusqu’endécembre2017.

LevitteJean-David.Néen1946.Membreducorpsdiplomatique.

Après des affectations en poste diplomatique et en administrationcentrale, il est directeur adjoint de cabinet duministre des Affairesétrangères de 1986 à 1988. Nommé représentant permanent de la

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Franceà l’OfficedesNationsuniesàGenève(1988-1990), ildevientpar la suite conseiller diplomatique et sherpa du président JacquesChiracde1995à2000.Cedernierlenommereprésentantpermanentde la France auprès de l’ONU (2000-2002) puis ambassadeur deFranceauxÉtats-Unis(2002-2007).De2007à2012,NicolasSarkozyluiconfieànouveaulesfonctionsdeconseillerdiplomatiqueetsherpaàl’Élysée.

MalletJean-Claude.Né en1955.MembreduConseil d’État. En

1991,ilintègrelecabinetdePierreJoxe,ministredelaDéfense,puisdevientdirecteurdesAffairesstratégiquesduministèredelaDéfensede1992à1998.Àcettedate, il estnomméSGDN jusqu’en2004. Ilpréside la Commission du Livre blanc sur la défense et la sécuriténationaleentre2007et2008.Àpartirde2012,ilestconseillerspécialdeJean-YvesleDrian,successivementauministèredelaDéfensepuisau ministère de l’Europe et des Affaires étrangères sous lesprésidencesdeFrançoisHollandepuisEmmanuelMacron.En2019,ilrejointlesecteurprivé.

ManciniAnge. Né en 1944. Policier devenu préfet, il débute à

19anscommeadjoint-administratifàlaPréfecturedepolice.Ilpasseexamensetconcourspourdevenircommissairedepolice,auseindelapolice judiciaire.Entre1985et1990, ilest lepremierchefduRAID.En1999,ilestnommépréfetadjointpourlasécuritéenCorse.IlestparlasuitepréfetdeGuyane(2002-2006),desLandes(2006)etdelaMartinique(2007-2011).IlsuccèdeàBernardBajoletenfévrier2011aupostedeCNRjusqu’àsondépartenretraiteenjuin2013.

MarenchesAlexandre(de) (1921-1995).Résistantet industriel,

ilestnomméparleprésidentPompidouàlatêteduSDECEen1970etoccupecesfonctionsjusqu’en1981.

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MauroyPierre(1928-2013).MairedeLilleetdéputéduNorden1973, président du conseil régional à partir de 1974. En 1981,FrançoisMitterrandlenommePremierministre,fonctionqu’iloccupejusqu’en juillet 1984. Premier secrétaire du Parti socialiste en 1988et 1992, puis de l’Internationale socialiste jusqu’en 1999, il est enparallèlesénateurduNordde1992à2011.IlquittelamairiedeLilleen2001,lacommunautédeLilleMétropoleen2008.

NuñezLaurent.Néen1964.Membreducorpspréfectoral, ilest

directeur de cabinet du préfet de police (2012-2015) puis préfet depolice des Bouches-du-Rhône. Il devient DGSI en 2017. Un an plustard, ilestnommésecrétaired’Étatauprèsduministredel’Intérieur,ChristopheCastaner.

PugaBenoît. Né en 1953.Officier de l’armée de Terre (général

d’armée), ilappartientau2eREPde1978à1984dont ilprendra lecommandemententre1996et1998.En2004,ilprendlatêteduCOSjusqu’en 2007. Nommé DRM en juillet 2008, il devient CEMP deNicolasSarkozyen2010etseramaintenudanssesfonctionsjusqu’en2016parFrançoisHollande.IlestalorsnommégrandchancelierdelaLégiond’honneur.

RaffarinJean-Pierre. Né en 1948. Cadre du privé très impliqué

dans les partis centristes et notamment l’UDF, il est président duconseil régional de Poitou-Charentes de 1988 à 2002. Entre 1989et1995, ilsiègeauParlementeuropéenpuisentreaugouvernementJuppé.Enparallèle,ilestélusénateuretleresterajusqu’en2017.En2002, Jacques Chirac le nomme Premier ministre jusqu’en 2005.Entre2014et2017,ilprésidelaCommissiondesaffairesétrangèresetdeladéfensenationaleduSénat.Ilquittealorslaviepolitiqueet,enjanvier 2018, il est désigné administrateur indépendant de la filialechinoisedugroupePlasticOmnium.

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Rocard Michel (1930-2016). Figure des mouvements de la

deuxième gauche, il est notamment candidat malheureux à laprésidence de la République en 1969 mais élu député. À partir de1981,ilestmembredesgouvernementsMauroypuisFabius.Aprèslacohabitation et les élections présidentielles de 1988, FrançoisMitterrand lui confie l’hôtel de Matignon jusqu’en 1991. Députéeuropéen de 1994 à 2009, il est en parallèle sénateur entre 1995et1997.

RoussinMichel. Né en 1939. Officier de gendarmerie, il est le

commandantmilitairede l’hôteldeMatignonentre1972et1974. Ilintègre alors le corps préfectoral et, en 1977, devient directeur decabinetd’AlexandredeMarenchesauSDECEjusqu’en1981.De1984à1988, ilestchefdecabinetdeJacquesChiracà lamairiedeParispuis à l’hôtel deMatignon puis directeur de cabinet à la mairie deParis jusqu’en 1993. Élu député en 1993, il devient ministre de laCoopération du gouvernement Balladur. À partir de 1996, il entredanslesecteurprivéetyexercedespostesàresponsabilités.

Squarcini Bernard. Né en 1955. À partir de 1983, il occupe

diversesfonctionsauseindelaDCRGavantd’endevenirledirecteurcentraladjointentre1999et2004.Nommépréfet,ilprendlatêtedela DST en 2007 et devient le premier directeur central durenseignementintérieur(DCRI)entre2008et2012.Ilintègrealorslesecteurprivé.

StrzodaPatrick.Néen1952.Membreducorpspréfectoral,après

diverses affectations, il est nommé préfet en 2002. Préfet de Corseentre2011et2013,ildevientpréfetdelarégionBretagnede2013à2016.Àcettedate, ilestnommédirecteurdecabinetduministredel’Intérieur puis du Premier ministre. Après l’élection d’Emmanuel

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Macron à la présidence de la République, il devient directeur ducabinetélyséen.

Urvoas Jean-Jacques. Né en 1959. De 1984 à 1998, il est

collaborateur de Bernard Poignant à l’Assemblée nationale puis à lamairiedeQuimper.En1998,ildevientmaîtredeconférencesendroitpublic. Il est élu député en 2007, réélu en 2012. Il devient alorsprésident de la Commission des lois de l’Assemblée nationaleentre2012et2016.Danslecadredecesfonctions,ilestnotammentprésident de la Délégation parlementaire au renseignement (2014),membredelaCommissionnationaledecontrôledesinterceptionsdesécurité (2010-2015), rapporteur de la loi renseignement. Il estensuitenommégardedesSceauxentre2016et2017.

VallsManuel.Néen1962.Collaborateuràl’Assembléenationale

puis au cabinet des Premiers ministres Michel Rocard (1988-1991)puis Lionel Jospin (1997-2002). Élu maire d’Évry en 2001, puisdéputéen2002,ilestrééluen2007eten2012.FrançoisHollandeluiconfie alors leministère de l’Intérieur jusqu’en 2014 puis l’hôtel deMatignon. Il démissionne en décembre 2016 pour se présenter auxprimairesdelagauche,envain.Rééludéputéen2017,ildémissionneen2018pourseprésenteràlamairiedeBarcelone,envain.

VillepinDominique(de).Né en1953.Diplomatede carrière, il

est directeur de cabinet d’Alain Juppé au Quai d’Orsay entre 1993et 1995. Après l’élection présidentielle de 1995, Jacques Chirac lenommesecrétairegénéraldelaprésidencedelaRépublique.Àpartirde2002,ildevientministredesAffairesétrangères(2002-2004)puisministre de l’Intérieur (2004-2005) et enfin Premier ministreentre2005et2007souslesecondmandatdeJacquesChirac.

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ZabulonAlain.Né en1955.Membredu corpspréfectoral, il estnommépréfet en2006.PréfetdeCorrèze en2008, il devientpréfetdesLandesen2011.En2012,FrançoisHollandelenommedirecteuradjoint de son cabinet puis, en 2013, coordonnateur national durenseignement. En 2015, il quitte ses fonctions pour rejoindre legroupe Aéroport de Paris jusqu’en 2018. À cette date, il intègrel’Inspectiongénéraledel’administration.

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Remerciements

Lesauteurs tiennentàexprimer leur trèsvivegratitudeauprésidentFrançoisHollande,àBernardBajolet,ChristopheGomart,AngeMancini,Alain Zabulon, Didier Le Bret, Pierre de Bousquet de Florian et DanielR.Coats.Laconfiancetémoignéeparcesacteursnoushonore.

Au-delàdesentretiens,lesauteursontbénéficiédel’aidedePierredeBousquetdeFlorian,desonconseillerJean-FrançoisGayraud,etdeJean-PierreHugues;qu’ilsensoienttoustroisremerciés.

NoussavonsgréàKellieWadeetBarryD.Boriedel’ODNIainsiqu’ànos interlocuteurs de l’ambassade des États-Unis en France pour leurgrandedisponibilité.

De même, l’ensemble des témoins cités dans les appendices agrandement contribué à notre compréhension de la coordination durenseignement;nousleurensavonségalementgré.

MaximeTremblayaapportéuneaidedécisivedans la réalisationdel’ouvrage, nous lui adressons nos plus vifs remerciements. Nous yassocionsMaxinePouzetpoursesconseils,sarelectureetsapatience.

Blaise Moulin, Benoît Le Roy et Valentyn Baudemont nous ontégalementprêtéleurtrèsutileconcours.

Enfin, les auteurs adressent une pensée particulière à GenevièveRisterucci, Annie Vadillo, Anne-Charlotte Hartmann-Bragard, Jean-

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Jacques Urvoas, Sébastien-Yves Laurent, Jean-Pierre Dugué et GrégoryBarazzutti.

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