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Également disponible :

Le milliardaire était (presque)parfait

Un yacht de luxe, des invités glamour, unemploi de serveuse bien rémunéré…Madison Seyner a décroché le jackpot !Artiste et photographe fauchée, elle aquelques dettes à éponger et ce contrattombe pile au bon moment. Mais entreune chef psychorigide, une top modelnévrosée, un client pot de colle, un adodragueur et une gamine capricieuse, rienn’est simple ! Et ce n’est pas AngelDoran, propriétaire du yacht, qui luifacilite la tâche avec ses sourires

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moqueurs, son humour provocant et sabeauté si particulière.Qu’à cela ne tienne, Madison aime lesdéfis et M. Beau Gosse n’a qu’à bien setenir ! ex sont liés par la découverte d’unsecret. Chacun a le pouvoir de détruirel’autre. Ou de le sauver.

Tapotez pour voir un extrait gratuit.

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Anna Bel

SPICY GAMES

integrale + Bonus

ZCAM_001

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1. New York, New York !

Je fends la foule de l’aéroport JFK deNew York à la recherche de Suze, mavalise en main, excitée comme une puce.Peut-être parce que ma nouvelle viecommence là, tout de suite ! Et aussiparce que je vais retrouver…

Une voix familière m’interpelle :

– Camélia !

La voilà ! Toujours aussi « voyante ».

Mon amie Suze frôle une mamie avec

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un caniche en courant vers moi sur deshauts talons vert pomme qui, étrangement,s’accordent parfaitement à sa robetrapèze violette. Suze est tout moncontraire : très brune, assez grande etlongiligne, alors que je suis blonde etassez fine, avec un aspect presque fragilequi déroute quand on me connaît mieux.

Elle me saute dessus, en modebulldozer à stilettos et parfum Guess, et jeris sous son assaut.

– Tu m’as manqué.

– Je vois ça ! J’ai deux côtes brisées.

– Laisse-moi te regarder ! exige-t-elle,me tenant à bout de bras. Tu as encoreminci : comment c’est possible en

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cuisinant toute la journée ? Quel scandale!

Pas de doute, c’est ma Suze !Toujours à geindre sur les kilosimaginaires qu’elle doit perdred’urgence !

Cela fait deux ans que nous ne noussommes pas vues. Nous sommes amiesdepuis l’enfance, mais elle est partievivre aux États-Unis quand nous avionsquinze ans. Heureusement que noussommes de la génération Skype,Instagram et Facebook, sinon l’une denous aurait fini par faire la grève de lafaim ! C’est même sûrement grâce à elleque je parle si bien anglais : j’ai déjàpassé des vacances dans le Connecticut

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avec elle et nous chattons souvent enanglais. Autant dire que j’ai eu la notemaximum au bac sans me fouler !

Mais comme je suis chef de partiedans un palace parisien, nous avonsmoins de temps pour nous depuis un an, etje me rends compte en la voyant à quelpoint elle m’a manqué… Enfin, leschoses ont changé. J’ai quitté mon poste ily a deux mois. Ce qui m’amène à penser àSimon.

Mauvaise idée ! On zappe lesconnards d’ex !

Alors qu’elle m’entraîne vers le métroqui nous mènera de l’aéroport du Queensà Manhattan, nous papotons comme despies. C’est à celle qui parlera le plus !

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Et Suze a un débit version mitraillette!

– Comment vont tes parents ?

Mon cœur se serre ; c’est la premièrefois que j’envisage de vivre loin desmiens, dont je suis pourtant proche, maisje sais qu’il me faut en passer par là pouratteindre l’objectif que je me suis fixé, etleur prouver ce que je vaux. En attendant,nous nous sommes mis d’accord, je ne lescontacterai pas avant la fin du jeu.Pendant les semaines à venir, je doisuniquement me concentrer sur mon but.Un quelconque accès de nostalgierisquerait de me faire perdre mes moyens.

– Bien ! Ma mère n’a pas changé,malgré sa nouvelle lubie pour la marche

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nordique. Mon père rase les murs pour luiéchapper et pouvoir continuer à liretranquille.

Suze éclate de rire et me donne desnouvelles des siens. Le trajet de métrodure une bonne heure et demie que je nevois pas filer, absorbée par notrediscussion et nos retrouvailles.

***

Ma première découverte de Manhattancommence donc, la valise à la main, levent printanier soufflant dans les rues dela Grosse Pomme tandis que nousremontons Canal Street. Quand nousarrivons en bas de chez mon amie, enbordure de Chinatown qu’elle m’a faittraverser, je réalise à quel point Paris est

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loin ! Suze me prévient avec un grandsourire qui sent le roussi :

– J’ai trouvé cet appart par un pote, ilreste deux ans en Allemagne et me lesous-loue. Il n’y a pas d’ascenseur etc’est au quatrième. Ça entretient la ligne !

Elle grimpe et je lui emboîte le pas.Après avoir passé le deuxième palier àtracter ma valise qui pèse un âne mort, jefinis par regarder de travers la prochainevolée de marches.

Superman n’est jamais là quand on abesoin de lui ! Quel lâcheur ce HenryCavill !

Sa porte d’entrée est à l’image del’immeuble : décrépite ! Une fois dans le

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salon, je jette un coup d’œil curieuxautour de moi : bariolé, bric-à-brac etdéco fouillis… On dirait sa chambred’ado en fait. C’est, eh bien…

« Cosy » est la version positive de «minuscule », je suppose ?

– Merci de m’héberger, ma belle, c’estadorable, ça me dépanne bien. J’essaieraide me faire toute petite, promis.

– Évite, tu n’es déjà pas grande…

– Très drôle, râlé-je.

Suze me fait son célèbre clin d’œilsupposé irrésistible, celui qu’elle a millefois testé devant sa glace et même Skypeà l’occasion, juste pour moi.

– Oh, je ne crois pas que tu seras bien

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envahissante, mademoiselle, avec KeepCalm and Cook ! Dire que tu serasbientôt une star !

Je souris, amusée. J’ai débarqué àNew York pour remplacer au pied levé uncandidat qui a dû abandonner lacompétition culinaire ultra-médiatiqueKeep Calm and Cook ! C’est l’un desconcours télévisés les plus connus, tousles concurrents voient leurs carrièresprendre leur envol, et le vainqueur reçoitla modique somme de 100 000 dollars.Petit pactole qui pourrait, par exemple,m’aider à monter mon propre resto !

Enfin, j’en suis pas là encore !

– Je serai peut-être la première à êtreexpulsée par le jury, et tout ça devant des

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caméras.

Pendant que j’entasse tant bien quemal mes affaires dans un coin, Suze partdans la pièce attenante, que je devine êtreune cuisine. Elle revient avec unebouteille de Coca, des verres et un paquetde crackers.

Tiens, un océan a beau la séparer dupays qui l’a vue naître, mon amiecontinue de prendre l’apéro comme unevraie Frenchie.

– Beurk, comment fais-tu pour mangerces trucs industriels bas de gamme ! Si tume donnes une demi-heure et un four, jesuis sûre de pouvoir te proposer bienmieux que ça.

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– Repos, soldat ! Tu n’es pas deservice, me réprimande-t-elle.

Elle se laisse tomber sur un canapérouge qui me pique les yeux et je l’yrejoins.

– À toi, ma puce, lance-t-ellegaiement, ne ratant jamais une occasionde souligner le quasi-décimètre qui noussépare. Au moins ton ex, Slash connard,Slash patron, nous aura permis de nousretrouver, je le remercie de ça… Et levoue bien sûr aux enfers, comme il sedoit !

Je soupire. Depuis que c’est arrivé, jepréfère éviter le sujet : tout ça n’a rien deglorieux et je continue un peu à ruminercette histoire malgré moi.

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– Il était plutôt mignon et il prépare unbœuf Stroganov à se rouler par terre…Après, il m’a prise pour une idiote et jene lui pardonnerai jamais ça. Dire qu’il ale bras assez long pour intervenir àchaque fois que je décroche un entretienaprès avoir quitté ses cuisines… Rienque d’y repenser, ça m’énerve.

– Écoute, il faut oublier tout ça, tentede m’apaiser Suze. Keep Calm tepermettra un nouveau départ. Je suis sûreque tu as le niveau et que tu vas cartonner.En plus de Double Slash qui en prendrapour son grade, tu prouveras à tes parentsce que tu vaux et ça sera tout bénéf… Etpuis surtout tu m’as gagnée, moi ! Jemérite carrément qu’on traverse unocéan…

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J’éclate de rire sous son regard amuséet elle me ressort son clin d’œil deséductrice.

– Tu es en tout cas ma bonne étoile ! Sije n’avais pas refait mon passeport pourvenir te voir à l’automne, je n’auraisjamais pu répondre à cette annonceauprès du chasseur de têtes. Avec toutesces nouvelles normes biométriques,j’étais une des seules à pouvoir partirimmédiatement aux États-Unis !

– Il est arrivé quoi au candidat que turemplaces, tu ne m’as jamais dit ?

– Il s’est brisé le poignet et ils avaientbesoin de quelqu’un sous dix jours.Heureusement que tu pouvais m’héberger,d’ailleurs ! Mais on arrête de parler du

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concours, je stresse déjà !

Suze penche la tête sur le côté, dans cetic que je reconnais avec plaisir tant il estrassurant. Je réalise à quel point elle m’amanqué !

– Tu veux aller te coucher pour teremettre du décalage horaire ? Les sixheures en moins par rapport à Parispeuvent être assez rudes.

– En fait, j’ai dormi une partie du vol,je devais être épuisée…

– J’ai vu ça : tu avais encore la tracede couture du siège incrustée sur ta jouequand je t’ai retrouvée, je peux en attester!

La voix de la raison me rattrape et

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j’admets à regret :

– Après, je suppose que je devraispenser au concours et me coucher : j’aibesoin d’être au top pour les épreuves.

Suze secoue la tête et engloutit uncracker de plus.

– Et si tu oubliais tout pour te lâcherun peu ? Je suis sûre que tu n’as pas faitla fête depuis des mois… Je me trompe ?

Je préfère ne pas répliquer. Surtoutquand mon amie tente de me faire passerpour un genre de mormone qui n’a pas buune goutte d’alcool depuis…

Super, en fait elle n’a pas tort,impossible de me rappeler ma dernièresoirée en boîte… Quelle mamie je fais !

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– Ça te dirait de sortir ? Il est à peine21 heures, on se pomponne et on décolle? J’avais prévu une virée dans une boîtepour fêter ton arrivée, le Black Dog.Hyper-branché et classe !

J’éclate de rire et secoue la tête. Monamie trépigne sur place. Déjà à sept ans,j’avais du mal à lui refuser quoi que cesoit…

Et a priori je n’y parviens pas plus à24 !

– Comment refuser une telleproposition ! OK, je vais fêter comme ilse doit ma rencontre avec la GrossePomme, et j’aurai une semaine pourmanger sain, me coucher tôt et mepréparer mentalement… Mais ce soir, on

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s’amuse !

***

Quand nous arrivons au club dont Suzem’a parlé, le Black Dog, du côté duChelsea Market, je marque un tempsd’arrêt. Je ne connais pas encore la villequi ne dort jamais, c’est ma première foisà New York, et je suis légèrementsurexcitée. L’air est doux et une légèrebrise caresse mes bras nus. La façadechic du bâtiment me laisse songeuse.Cette boîte est forcément l’une des plushuppées de Manhattan. L’emplacement, lafile de it-girls peu couvertes qui se gèlentsur le trottoir et la carrure des gardes ducorps en disent long. Ma petite robe noireet l’ensemble mauve de Suze ont beau

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être classe, pas sûr que ça suffise…

– Suze, on ne pourra jamais entrer !

– T’inquiète, j’ai eu une aventure avecle videur, le grand black… Bref, on varentrer : il espère trop qu’on remette ça !

Ceci explique la robe ultra-décolletée, version Grand Canyon etWonderbra…

Je la suis donc, alors qu’elle remontela file d’un pas conquérant.Effectivement, la baraque à droite de laporte sourit dès qu’il aperçoit Suze. Ilnous fait signe d’entrer. Je tente de ne pasloucher sur son biceps qui fait presque lalargeur de mon crâne, comment est-cepossible ?!

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Ce type est le fils caché de Hulk, sansle côté vert…

En moins de temps qu’il ne faut pourle dire, nous nous retrouvons dans le halldu club. Pour accéder à la salleprincipale, nous devons gravir desmarches étroites à l’éclairage succinct.La rumeur de la boîte nous parvient déjàdans une pulsation sourde. Les murs sonttendus de tissu noir. Ce n’est pas du cuir,mais la matière mate me donne envie del’effleurer tant elle paraît douce.

Nous débouchons dans une vastepièce, dans les mêmes tons et au plafondhaut. Un immense lustre central dans desteintes rouges complète les lumièresindirectes. La boîte est bondée, il y fait

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chaud, et de la musique électro que j’aidéjà entendue à la radio y résonne.

Sur la gauche, un imposant escalierd’un noir brillant confère un réel cachet àl’ensemble. Il s’envole vers unemezzanine qui surplombe la piste dedanse et ne possède aucun garde-corps.Si cela me semble très contemporain, jeme demande combien d’accidents cetélément architectural a pu provoquer.

On se dirige vers le bar et il nous fautune bonne demi-heure pour obtenir noscocktails au milieu de dizaines de bimboscourt vêtues.

Pourquoi ma robe, sexy jusque-là,paraît soudain hyper-stricte ? À moinsque se balader en T-shirt et culotte soit

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tendance…

Alors qu’on trinque au milieu d’unvacarme assourdissant, Suze hausse lavoix pour se faire entendre.

– Normalement on peut croiser desstars ici, avec un peu de chance : c’estune boîte vraiment branchée, tout lemonde vendrait son chihuahua pour yentrer !

Mon amie parcourt la salle d’un œilcurieux. Me fichant bien des people –surtout après avoir supporté leurscaprices au palace où je travaillais,quand ils venaient saluer le chef et visiterles cuisines, sans se gêner, en plein coupde feu –, je me contente d’essayer de merappeler du titre de la chanson électro…

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Sûrement du David Guetta ? La pulsationse répercute jusque dans mon ventre et jecommence à avoir envie de danser.

– J’ai trouvé ! Tu vois la fille là-bas ?La grande tige, brune, avec un side-hairtotalement has been ? C’est Mila, une starde Lollipop… Je pense qu’à côté, c’estWoody Faretto, dans quoi il joue déjà ?

Si elle croit que j’ai une quelconqueidée de ce dont elle parle, elle se trompelourdement ! La dernière série que j’aidû suivre régulièrement c’était How IMet Your Mother, qui a disparu desécrans depuis un bon moment !

Remarquant que je ne réagis pas, Suzehausse les épaules, presque vexée. Sonregard pétille et un sourire carnassier

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étire ses lèvres « rouge Acapulco ».

Si elle aime bien se moquer de mataille, j’ai tendance à me moquer de sonaddiction au maquillage.

– J’ai reconnu un ami, rejoignons-le !

Je hoche la tête pour lui montrer quej’ai décrypté le message. Elle me faitsigne du doigt que nous allons monter etj’acquiesce à nouveau.

Oui, chef !!!

Nous nous faufilons donc jusqu’aufameux escalier. La boîte bondéecomplique considérablement notreprogression, et j’ai l’impression dedanser avec ces inconnus. Je chasse sur lecôté pour éviter une blonde et sa bière,

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fais un pas en arrière ou me mets deprofil pour laisser passer un hipster troppressé, qui me pousse au passage. Saufqu’à ce moment de la valse, déjà prochedu bord de la marche, je ne trouve rien àquoi me raccrocher, et… bascule dans levide pour de bon.

Et mer…

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2. Une nuit de rêve àManhattan

Alors que mes paupières se ferment –tentative assez étrange pour nier la réalité–, l’atterrissage survient, plus rapide etmoins brutal que prévu. La chaleur contremon flanc est agréable. Je rouvre un œilcurieux et croise un regard qui me laissepantoise, au point d’ouvrir le second.

Je suis dans les bras d’un homme auxyeux fascinants ; à la fois clair, presquelumineux, ce vert contraste avec la

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couleur halée de sa peau. D’ailleurs, lereste du visage tout autour n’est pas malnon plus : un nez et des sourcils droits,une bouche pulpeuse, des cheveux brunsun peu en bataille, la légère barbe, touts’accorde en… eh bien, un vrai canon. Jel’admire, abasourdie.

En même temps, ça serait dommagede bouder un tel plaisir.

Je sens mon cœur faire une embardéequand il se penche un peu plus vers moi,jusqu’à ce que je réalise qu’il veutseulement se faire entendre au milieu dece brouhaha.

– Ça va ? J’ai essayé d’amortir votrechute quand j’ai compris que vous allieztomber, mais j’ai peur que vous ne

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finissiez avec un bleu malgré tout…

Je me préoccupe plus de sa voix basseque du sens de ses paroles. Ou de sonodeur ?

C’est quoi ce parfum ? « Mâle àtomber » ?… Mais pourquoi jem’inquiète de ça ?! Parle ! Remercie-le,n’importe quoi !

Mes quelques neurones toujours enétat de marche saisissent enfin l’idéegénérale et mes lèvres s’étirentfinalement en un sourire convaincant.

– Ça va, merci beaucoup… Je n’avaispas vu que quelqu’un avait vidé l’eau dubassin.

Normalement, j’ai un esprit assez

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caustique, voire de la repartie, les bonsjours…

Pas aujourd’hui.

– Vous êtes sûre que vous vous sentezbien ? s’enquiert-il, perplexe devant masortie.

Soyons honnête, comment l’en blâmer?

Au top… À part une légère envie dedisparaître sous terre, bien entendu.

– Bien sûr, juste une belle peur. Jeréfléchis au fait de porter plainte contrele proprio qui a oublié de sécuriser sonescalier design pour me venger, il paraîtque ça se fait aux USA, plaisanté-jemaladroitement.

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– Alors, je vous offre un verre pourvous présenter toutes nos excuses,m’annonce-t-il, avec une expression queje ne parviens pas à identifier.

– Pourquoi ? Vous bossez ici ?

Il me sourit et, au lieu de me répondre,me relâche. Je quitte le cocon de ses brasavec une pointe de regret. Il desserre sonétreinte et m’aide à me rétablir sur mespieds, gardant mon coude le temps que jeremette mon stiletto perdu dans labataille.

Et non, ma main sur son torse n’est pasinutile, et je n’en profite pas pour peloterau passage le pectoral bien dessiné que jesens sous le tissu de sa chemise. Jesouhaite juste éviter de m’étaler devant

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lui… une fois de plus, disons. Il y a unequantité d’humiliations que toute femmenormale peut supporter.

Surtout quand on sort un tel festivalde blagues douteuses.

Une expression complexe passe surson visage et il effleure ma joue d’undoigt. La tendresse inattendue du gestecontraste avec l’autorité qu’il dégage. Jeme fige sous ce contact familier de la partd’un total inconnu, surprise de ce qu’ildéclenche en moi.

Ça me semble… naturel ?

Son regard remonte le long de mesjambes et la chaleur qui brûle mespommettes depuis le sauvetage honteux se

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répand comme une traînée de poudre versle bas de mon corps.

Je pourrais presque croire que je nesuis pas la seule à vivre un méga-crushà cet instant…

J’essaie de localiser Suze mais, apriori, elle n’a même pas remarqué mamésaventure et a continué sa route. Jesoupçonne le fameux « ami » d’être plutôtune future proie.

L’inconnu m’entraîne vers le bar.Incapable de m’en empêcher, je ledétaille un peu mieux. Son costume ajustémet en valeur des épaules larges et unbassin étroit. Il doit mesurer plus d’unmètre quatre-vingt sans problème. Ce qui,du haut de mon mètre cinquante-cinq, plus

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dix de triche grâce aux stilettos, mesemble toujours grand.

Alors que tout à l’heure il fallait jouerdes coudes, j’ai l’impression que les genss’écartent sur notre passage, comme pourlui laisser le champ libre. À peinesommes-nous arrivés au comptoir rutilantque la barmaid s’approche. Soit il bossevraiment ici… soit elle craque sur lui. Lesourire qu’elle lui adresse aurait tendanceà accréditer… les deux théories, en fait !

– Qu’est-ce que vous souhaitez boire ?demande-t-il.

J’hésite. Un alcool fort pourrait servirde « liant » social, et m’éviter une hontesupplémentaire en anesthésiant lesouvenir de ma récente maladresse.

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– Un Cosmo, merci.

OK, ça sonne horriblement cliché, « unCosmo », mais j’ai passé monadolescence à visionner des redifs de Sexand the City et ça laisse des traces ! Ilcommande une vodka. Devant cetexemple de virilité un peu affolant, jem’attends presque à ce qu’il ajoute « onthe rocks » ou « au shaker, pas à lacuillère », comme un certain agent secret.

J’ai l’impression qu’il détaille meslèvres et, sans beaucoup me forcer, je luirends la pareille. Il se tient à moins d’unmètre de moi et il y a trop de gens autourde nous et trop de bruits pour que nouspuissions nous éloigner, mais cetteproximité met déjà à mal mon rythme

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cardiaque…

Et ce n’est pas dit que ça nes’emballe pas plus bas…

– Vous avez une bouche magnifique.

Voilà ce qu’il me sort, comme ça, debut en blanc. Pas de sourire, non, ilsemble tout à fait sérieux. Le peud’équilibre mental que j’ai restaurédepuis qu’il m’a lâchée explose.

Respire, tu vas faire une attaque si tucontinues… ou l’attaquer tout court.

– Et un prénom, peut-être ? merelance-t-il, comme je persiste à me taire.

L’amusement se lit dans son regardpétillant, comme si nous venionsd’entamer un jeu dangereux. Et, je le sens,

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cet homme est un excellent joueur.

– La vôtre aussi est pas mal.

Ô joie. Qui a dit cette idiotie ? Qu’ilse dénonce et soit fusillé !

J’ai l’impression qu’il fait sonpossible pour ne pas rire.

– Content de voir que vous avezretrouvé votre… langue. Vous étiezdevenue bien silencieuse tout à coup.

La serveuse lui confie nos verres et ilme fait signe de le suivre. Aisément, il sefraye un chemin dans le dédale desdanseurs qui oscillent sur une musiquesyncopée. La techno ne fait que soulignerle rythme affolant de mon cœur.

Nous contournons la piste et

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rejoignons le fond de la salle où un vigilepatiente, bloquant l’accès à un couloir.Aussitôt, ce dernier se décale pour nouslaisser passer.

Alors à moins que lui aussi ne craquepour le beau brun qui m’accompagne,c’est définitivement quelqu’un de laboîte…

Je repense à l’histoire de Suze et desstars qui traînent au Black Dog. Il n’estpas connu quand même ? Pour lapremière fois de ma vie je regrette de nepas être adepte de Voici et consorts. Nousempruntons une passerelle et je profited’une pause que doit marquer moninconnu, interpellé par un homme, pourrécupérer mon smartphone. Je dois

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prévenir Suze par SMS, au cas où elles’inquiète. Visiblement, nous avons eu lamême idée.

[Ai trouvé un avion de chasse. Dis-moi que tu ne m’en veux pas ? ]

Je souris et tape rapidement.

[Idem de mon côté. Je bois un verre etje t’envoie un SMS après, promis.]

Presque immédiatement la réponsearrive.

[OK, ne fais rien de raisonnablesurtout !]

Je range mon portable dans mon sacquand « l’avion de chasse » se tournevers moi.

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– Vous avez l’air très demandé…tenté-je, sans oser me montrer plusdirecte.

Nous rejoignons un box en retrait.Depuis que nous sommes arrivés sur lapasserelle, le bruit a nettement diminué etje peux lui parler sans forcer. Avec sacarrure et son magnétisme, j’ai presquel’impression qu’il va me toucher alorsqu’il se trouve de l’autre côté de la table.

–Tout le monde semble aux petits soinsà votre égard, ne me dites pas que vousêtes une superstar que j’aurais dûreconnaître ? Vous travaillez ici ?

Il me sourit comme si je l’amusais, cequi pique ma curiosité.

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– En effet. Je suis là pour… rattraperau vol les jolies filles.

– « Tombeur » professionnel ensomme ?

Cette fois, j’ai droit à un éclat de rire.

– J’ai été ravi de jouer ce rôle ce soir.Un instant… j’ai cru que vous m’aviezrepéré et que votre chute était préméditée,avoue-t-il plus sérieux.

– Pourquoi aurais-je fait ça ? Je neconnais pas les stars en général. Il paraîtqu’il y a une Mily au bar et…

– Mila, rectifie-t-il en ayantvisiblement de plus en plus de mal à nepas rire.

Étrangement, ça n’a rien de vexant, je

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sens qu’il se détend en ma compagnieplus qu’il ne se moque. Je bois de moncocktail et remarque ses yeux qui nequittent pas mes lèvres.

– En effet, répond-il, toujoursénigmatique.

– Pitié, vous n’êtes pas un baseballeurconnu, au moins ?

Je dois être la seule femme sur terremal à l’aise avec l’idée de croiser unestar, mais c’est ainsi.

Je ne servirai plus de faire-valoir àun homme à l’ego surdimensionné !

– Le mot « baseballeur » n’existe pas,précise-t-il, ses yeux clairs pétillants, unléger sourire mettant en valeur ses lèvres

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si sexy. Pourquoi cela vous contrarie-t-ilautant ? Vous froncez les sourcils depuisque vous avez posé la question.

– Vous êtes réellement connu ? Dites-moi que vous n’êtes pas en procès pourun truc genre suspicion de meurtres ensérie…

– Je ne serais pas dans ce bar si j’étaisréellement un danger pour la société,s’amuse-t-il.

La société, peut-être pas. La femmeen face de vous, sûrement…

– Sérieusement, vous me diriez votreprénom ? osé-je, obnubilée par cette idéedepuis cinq minutes.

– Je n’ai jamais refusé de le faire,

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remarque-t-il. Je m’appelle Alessandro.Et vous êtes ?

– Alessandro ? Un Italien ?

Vu la couleur de ses cheveux et de sapeau, il a effectivement un côtéméditerranéen.

– D’origine italienne, mais new-yorkais pur et dur ! J’ai grandi ici et jepense que c’est la ville que je préfère aumonde, même si Little Italy reste un demes coins favoris de Manhattan… MaisParis a aussi son charme, j’avaisbeaucoup aimé, reprend Alessandro,après un instant à me dévisager. Vous êtesbien française, non ?

Mes yeux s’écarquillent sous la

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surprise.

– Comment avez-vous deviné ?

– Votre accent, léger, mais identifiable.C’est la seule raison pour laquelle jeveux bien croire que vous n’êtes pastombée sciemment de cet escalier… Jevous imaginais bien parisienne, unecertaine classe, le chic « à la française ».

L’entendre dire quelques mots dans malangue provoque une série de frissonsincontrôlés le long de mon dos.

– Je vais essayer à nouveau : vous êtes?

– Très tentée par vous… Désolée. Jevous ai prévenu que l’alcool me rendaitaffreusement honnête ?

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Là, je le jure, j’ignore qui parle,sûrement pas moi, c’est impossible !

Il paraît presque déstabilisé etimmobilise son verre à quelquescentimètres de ses divines lèvres. Aprèsavoir avalé une gorgée, il reprend :

– Votre prénom, jolie Française,répète-t-il, comme s’il ne s’intéressait àrien d’autre, alors que je viens de luifaire l’invite la plus franche de toute mavie.

Il se penche soudain en avant,diminuant l’espace entre nous. Sa mainentoure ma nuque et un frisson remontesur ma peau.

– Réponds-moi, je dois savoir le

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prénom de la fille qui me regarde commetu le fais en ce moment, susurre-t-il,passant brusquement au tutoiement.

Ma bouche s’assèche. Son doigtparcourt ma nuque dans une caresseinfime qui monopolise malgré moi toutemon attention. Mes seins se dressent sousma robe.

Sérieusement ?! Merci mon corps dete réveiller maintenant : mes neuronessont déjà l’ouest, alors si le reste suit…

– Camélia.

Suivant son exemple, je me contentede mon prénom. Après tout, si je veux memontrer honnête, je devine qu’une histoired’un soir se profile entre nous et, fascinée

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par cet homme, je me sens incapable dem’en détourner. Au contraire, c’est moiqui ai commencé à lui faire des invites dupied sans pouvoir m’en empêcher. Je nesais pas si c’est le Cosmo, l’ambiance duBlack Dog qui a quelque chosed’hypnotique… ou juste lui, car je ne voispas comment résister à un tel homme,mais pour la première fois de ma vie, j’aiun besoin fou de céder à la tentation.

Nous sommes bien trop près, comme àdeux doigts de fondre l’un sur l’autrealors qu’il y a des gens tout autour denous, même si j’ai tendance à l’oublier.Je suis captive de ses prunelles claires,de sa main sur moi… À côté de nous, unechaise racle le sol et rompt le charme. Jecligne des yeux comme si je sortais d’un

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rêve éveillé.

– Viens danser, propose-t-il soudain.J’ai envie de te sentir contre moi.

Je ne trouve rien à dire, déstabiliséepar sa façon de me regarder. Habitée parla même envie, je deviens docile. Nousabandonnons nos verres et je le suis dansun état second sur la piste. Un slow aremplacé la techno assourdissante et je nesais pas si j’en suis ravie ou effrayée.

Si sa main sur ma nuque me perturbeà ce point, alors une danse ?Combustion assurée !

Il m’attire contre lui et je me love dansses bras avec un naturel confondant. Jepose mes mains sur lui, approche mon nez

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de son cou pour percevoir son odeur aumilieu de tous ces corps. L’alcool quicircule dans mes veines me permet d’êtreplus audacieuse sans ressentir le moindrevertige. Sa chaleur contre moi m’irradiepetit à petit, la sensation gagne le creuxde mon ventre.

Enfin, si j’ai la tête qui tourne, c’estplus de son fait à lui…

Au début, nous parlons un peu, il mepose des questions sur ma vie et levolume sonore plus raisonnable nousautorise une conversation sans beugler.Puis, peu à peu, les mots s’espacentd’eux-mêmes au profit d’un jeu deregards.

Nous n’avons besoin de rien de plus

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pour nous comprendre.

La musique s’accélère à nouveau, maisnous restons sur le même rythme, commeen dehors du temps, tandis que les autress’agitent autour de nous. Inexorablement,on se rapproche. Je ferme les yeux etc’est moi qui me colle à lui sans pudeur,incapable de m’en empêcher, enivrée parcette bulle, son odeur et sa chaleur contremoi.

Il m’hypnotise, lentement maissûrement…

Sans y penser je relève la tête,aimantée par ses lèvres. J’ai l’impressionque ça fait des heures qu’il m’a attrapéeau vol. Sa bouche est si près !

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Ça serait criminel de ne pas letenter…

J’abandonne toute timidité et je medresse sur la pointe des pieds,m’accrochant à sa veste pour l’embrasser.Ses lèvres sont douces et chaudes.L’audace qui m’a portée disparaît quandje réalise ce que j’ai fait. Alors que jerecule, il me retient et me pressefarouchement contre lui. L’une de sespaumes épouse ma nuque et je ploiecontre lui.

C’est lui qui entrouvre les lèvres,vient chercher ma langue. Notre baisers’approfondit au fur et à mesure que jeperds la notion du temps, le cœur battantcontre lui. Je m’agrippe à lui comme si

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ma vie en dépendait. Ses mains secrispent sur moi et nous nous rapprochonsbien plus intimement que ne l’autorise unepiste de danse, mais à cet instant, je m’enfiche. Je mordille ses lèvres et c’est luiqui finit par me repousser, le soufflecourt.

Un peu plus et j’essayais de ledéshabiller, là, au milieu de la foule.

Nos yeux, rivés l’un à l’autre, ne sequittent pas une seconde. Je suis en feu, ledésir est niché dans mon ventre, tout moncorps crie le besoin qu’il a de continuercette étreinte. Son regard sur moi mesemble incandescent ; j’ai toujours rêvéd’être regardée par un homme de cettemanière, avec urgence, comme s’il ne

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pouvait s’en empêcher, mais aussi avecun intérêt réel. Depuis qu’il connaît monprénom, pas une fois il ne s’est trompé. Ilm’a écoutée pendant que nous parlions endansant, avec une sorte d’acuité qui melaisse pantoise.

Si c’est une méthode de drague chezlui, elle est diablement efficace.

Mon instinct m’ordonne d’oublier ceque la raison me dit : que le concours netardera pas, que ce n’est pas une bonneidée, que jamais je ne me suis comportéeainsi… Mais peu importe. À cet instant,j’ai l’impression que je ne supporteraisjamais de ne pas aller au bout de ce tête-à-tête qui n’a qu’une seule conclusionpossible, logique. Sans réfléchir, je me

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hausse à nouveau sur la pointe des piedset chuchote à son oreille :

– S’il te plaît, isolons-nous…

Si je n’ai rien pu oser de plus cash, etcrains qu’il me repousse, je comprends àson regard qu’il a deviné. Sans douteparce qu’il souhaite exactement la mêmechose, je le jurerais… Il semble hésiter,puis d’un coup, sa main saisit la mienne.

L’anticipation rend mes paumes moiteset je le devance presque tant j’ai hâte,tandis qu’il m’entraîne vers les entraillesde la boîte. Nous passons une portemarquée d’un panneau « PRIVÉ », etlongeons un couloir qui débouche sur unevolée de marches en hélice.

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Alessandro m’invite à le précéder,après un bref coup d’œil à mes talons :

– Par sécurité, j’ai peur que lesescaliers ne soient pas tes amisaujourd’hui…

La pointe d’humour qui danse dans sesyeux me séduit, comme si nous étionsdéjà intimes et qu’il se montrait souventtaquin ainsi. De toute façon, tout meséduit en lui… Enfin, nous arrivons dansun bureau. Le fait qu’il en possède la cléconfirme ma théorie : il bosse bien ici.Serait-il le gérant de la boîte ? Un club decette importance a forcément unepersonne à plein temps pourl’administrer… Mais au final, quand ilpose à nouveau son regard sur moi, je me

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fiche du reste. La seule chose que je veuxd’Alessandro à cet instant, c’est toute sonattention, comme sur la piste de danse.

Le son assourdi de la boîte nousparvient encore à travers la porte, faisantécho aux battements erratiques de moncœur en déroute. C’est la première foisque je propose à un homme de nous isolerdans un lieu public pour… ça. Jusqu’àprésent, je n’ai même jamais pensé à agirainsi. L’urgence qui coule dans mesveines et me précipite vers lui me semblesi forte qu’il est impossible d’y résister.Surtout après cette danse, presque… unpréliminaire, je ne vois pas d’autre mot.À moins qu’Alessandro soit différent ?

Oh ça, il n’a plus à le prouver…

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Le besoin d’un nouveau contactcommence à m’obséder au point qu’ildevient difficile de songer à autre chose.

– Un verre ?

Bêtement intimidée, je refuse d’unmouvement de tête. Tout mon corps estdéjà dans un état second, si j’avale quoique ce soit de plus, je ne réponds plus demoi ! Pourtant, je n’ose combler ladistance entre nous, même si j’en crèved’envie.

Si ma conscience me tiraillevaguement, je me dis qu’une telleattirance est trop rare pour y résister. Jesuis libre de toute attache après tout. Cethomme est beau à se damner. J’ai passél’âge de croire qu’être amoureuse est une

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condition stricte pour profiter de la vie…et si je n’ai jamais eu d’aventure d’unsoir, eh bien il y a un début à tout !Alessandro serait l’exception la plus sexyque la planète ait jamais portée selonmoi…

Connaître mon ex ne m’a pasempêchée de faire une erreurmonumentale en lui cédant ; au moins,cette fois, pas d’illusion. Mon corps meguide et au diable le reste ! Alessandrome scrute comme si j’étais… comment ledécrire d’ailleurs ? Si ce n’est que, toutde suite, je me sens plus sensuelle etféminine.

– Camélia ? Ça va ?

Son expression attentive m’amuse.

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– J’ai l’air effrayée ?

– Un peu. Nous pouvons nous revoirdemain, si tu veux. Pour toi, je trouveraidu temps, même si mon planning est unpeu dingue en ce moment…

– Je ne sais pas… si je peux attendre,murmuré-je, n’osant faire cet aveu plusfort que sur le ton de la confidence.

Son regard change et il revient versmoi lentement.

– On ne devrait pas, pas ici, soupire-t-il avant de souffler. As-tu la moindre idéede l’effet que me fait ta bouche ?

L’air entre nous semble électrique. Sil’un de nous bouge, j’ai la certitude quetout va basculer… ou s’embraser, je ne

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sais plus trop.

– Je n’ai pas envie de réfléchir,Alessandro, contente-toi de m’embrassercomme tout à l’heure… Je ne te demandeque ça.

Pour une nuit, j’arrête d’être le chefintransigeant qui aboie en cuisine etredeviens une femme comme les autres,qui a juste besoin à en crever d’êtreembrassée par le type affolant qui luifait face.

Je fais à peine un pas dans sa directionqu’il me soulève de terre, puis me plaquecontre son torse ferme. Nos bouches seretrouvent. C’est intense, électrique. Legoût de ses lèvres et la puissance de sesmains qui me pétrissent les reins

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m’enflamment. Notre baiser s’éternise etje pourrais croire que je suis ivre tant jeme sens grisée par cette étreinte.

Je ne parviens pas à dissimuler monimpatience, me pressant contre sa bouche,Alessandro m’embrasse comme j’aitoujours espéré qu’on le fasse : avecdextérité, presque avec art. Il me rendmalléable, je dois me souvenir d’inspirerquand la tête me tourne. Sa langue joueavec la mienne, troublante. Il réveillequelque chose en moi par ce simplecontact, exactement comme s’il me faisaitl’amour ; la possession est progressive,assurée. Je m’accroche à sa veste pour lecoller contre moi – et conserver monéquilibre.

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Mes mains restées inactives osentenfin le toucher. Je frôle son torse, sesépaules, et me perds dans ses mèchesbrunes. La manière dont il mordille meslèvres à cet instant attise un peu plus cettepulsion. Je perds pied. Mon souffle se faiterratique alors que, de son côté, il sembletoujours aussi maître de lui. Il remonte lelong de mon dos jusqu’à ma nuque, avantd’ôter la baguette qui maintient monchignon. Mes cheveux cascadent autourde mon visage. Ce geste pourtant anodinme libère. Je décide de me montrer plusentreprenante : je veux l’étourdir, mettre àmal son self-control.

Ma langue effleure la sienne sanséquivoque, je l’imagine parcourir soncou, son torse, jusqu’à son ventre…

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Comme s’il devinait le fantasme auquel jepense, un faible gémissement lui échappe.Mes mains se referment sur sa chevelure,le bras qui m’enveloppait se resserre, mefaisant ployer en arrière, et nous perdonsl’équilibre, tombant emmêlés sur lecanapé. Sa jambe se loge entre lesmiennes et souligne si bien l’endroit exactoù j’ai envie de le sentir… À mon tour degémir. Nous n’échangeons plus un mot,c’est devenu inutile depuis que nos corpsse parlent.

Dès que ses dents mordillent le creuxde mon cou, un frisson me traverse avecforce. Mon dos se cambre, dévoilant bienassez l’effet qu’il a sur moi. Puis je tiresur sa chemise, j’ai besoin de le touchersans barrières. Je parcours sa peau de

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mes doigts, rêveuse. Il est parfait, sesmuscles, sa chaleur contre moi… Mesongles se crispent sur lui d’impatience.Le grognement qui me parvient et sonérection contre ma cuisse tendent àprouver que nous sommes deux à perdrepied.

Son regard décidé me coupe le souffleet j’ai du mal à endiguer mon excitation.Quand ses mains viennent caresser mapoitrine à travers le tissu de la robe, jedois me retenir pour ne pas gémir defrustration, il me faut plus ! L’une de sespaumes fait glisser centimètre parcentimètre la bretelle de ma robe sur legalbe de mon épaule. Le bustier retombedans un mouvement souple et il admire lacourbe du sein qu’il a dévoilée.

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Un instant de gêne me traverse, je saisma poitrine menue. Mais, si certainshommes s’en sont plaints, le regardincendiaire d’Alessandro me brûlepresque, tant son désir est palpable. Seslèvres s’approchent de moi, puis salangue, taquine. Elle se promène dans lavallée de ma gorge et sombre plus bas. Iladopte un rythme lent et sensuel.

Enfin, c’est la peau sensible de monsein qu’il explore. Il contourne l’aréoleun moment et j’en viens à me tortillersans pudeur sous ce doux traitement.Alors que je me consume d’impatience,n’y tenant plus, il attrape entre ses lèvresmon mamelon dressé. Je sursaute desurprise et me cambre pour mieuxm’offrir. Mais il me relâche, se jouant

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sans pitié de moi.

Ce type va me rendre dingue, monDieu…

Ses dents remplacent le velouté de sabouche sur mon téton, la pointe dedouleur me transforme en une chosepantelante entre ses bras. La main qu’il aglissée sous ma jupe saisit une de mesfesses exposée. Si le geste ne m’a jamaisémoustillée jusque-là, force m’estd’admettre qu’Alessandro doit s’yprendre différemment.

Sa présence entre mes jambes devientplus lourde, je sens son excitation et lamienne grimper en flèche. J’essaied’atteindre sa ceinture sans succès, il merepousse. La moitié de sa chemise est

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ouverte et sa veste est déjà par terredepuis un moment. J’admire son torse auxpectoraux bien dessinés… Mais plus quecette vision, c’est le contraste entre matenue indécente et la rigueur de soncostume qui m’enflamme.

J’ai l’impression d’être impudique. Jelaisse tomber la deuxième bretelle de marobe pour finir de dégager mes seins. Sesyeux n’en perdent pas une miette et c’esttant mieux. Son sourire provocateur medonne l’audace nécessaire pour continuer.D’un mouvement que j’espère sensuel, jesaisis le bas de ma robe et la fais passerau-dessus de ma tête pour me retrouverseulement vêtue d’un string.

Alessandro me détaille avec un regard

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lourd, la pointe de mes seins se dresseencore. Je me penche en avant, alors qu’ilvient à ma rencontre, croyant que jecherche ses lèvres. Je m’attaque aucontraire à sa chemise et tire dessus ; jerêve de dévoiler ses épaules musclées. Ilse prête au jeu sans broncher, accaparépar la vision de mon corps. Ledéshabiller se révèle une expérienceétonnamment érotique. Je prends montemps, laissant mes doigts s’attarderlonguement sur la peau que je découvre.

Je profite de ma taille et de masouplesse pour glisser ma jambe entrenous. Mon escarpin est resté sur le tapiset, du bout du pied, je remonte sa cuisse.J’avance avec une lenteur redoutable,obliquant petit à petit vers ma

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destination… Moi aussi, je peuxl’allumer sans pitié ! Quand j’effleure sonaine puis son sexe, il me faitsoudainement basculer en arrière. Unpetit cri de surprise m’échappe.

Ses doigts se posent sur la dentelle demon string, coupant net ma respiration.Une étincelle de plaisir pur me traversequand ils passent sous le tissu ets’insinuent entre mes plis intimes,cherchant avec assurance le point qui…

Oh mon Dieu…

Mes paupières se referment et j’expirebruyamment quand la ronde sur mon sexeavide s’accentue. Sa bouche torture messeins sensibles, ses doigts se jouent demoi, et le plaisir monte crescendo. Mon

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souffle devient plus saccadé.

– Alessandro, s’il te plaît…

Je tâtonne à nouveau vers sa ceinture.J’ai besoin de le sentir en moi plus quetout, j’ai l’impression que je vais devenirfolle s’il ne me donne pas ce que je veux.D’une précision redoutable, il me mèneau bord du gouffre… puis abandonne monsexe. J’ouvre les yeux, frustrée, j’enpleurerais presque de dépit.

Je tente de l’attirer à moi quand jecomprends ce qu’il fait : il s’est éloignépour finir de se dévêtir, me dévoilant delongues jambes musclées.

D’un geste vif, il fait glisser monstring le long de mes cuisses, s’attardant

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un instant à contempler ce spectacle, cequi m’amuse ; moi aussi, je n’ai pas assezde mes cinq sens pour profiter de cemoment. Puis, enfin, il revient contre moi.

Ma hâte de l’accueillir provoque unsourire dont je me moque. Sans faussepudeur, j’attrape sa nuque et c’est moi quicapture ses lèvres. Avec ce baiser, touts’emballe. Nos bassins se cherchent, sefrôlent, mais son poids entre mes cuissess’accentue petit à petit. En très peu detemps, nos corps se retrouvent pressésl’un contre l’autre au point que noslimites se confondent. La retenued’Alessandro a disparu. Il est partout à lafois, multipliant ses caresses lascives.

Je bascule les hanches pour l’inviter à

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me prendre, à deux doigts de le supplier.Il enfile un préservatif et pénètre en moi.Un cri m’échappe. Après une sensation devide vertigineux, je me sens enfincomblée et m’adapte à lui avec facilité,mon sexe plus que prêt à le recevoir. Messeins, mes épaules, ma nuque, il dessineinlassablement mon corps de sescaresses. Il vient entourer mon visaged’une paume et nos regards s’accrochent.Alors que je redoutais une étreinteanonyme à la sauvette dans l’arrière-salled’un club, j’ai l’impression que c’estl’une des plus intimes que j’aie jamaisvécues.

Son mouvement en moi est ample, et jedois me retenir à son dos et au canapépour l’accueillir. Le plaisir enfle en moi,

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petit à petit. Je me calque sur son rythme,mes hanches bougent avec lui, aiguisantmon envie d’aller plus vite et plus fort.Mes muscles se tendent, je crains detrembler tant l’effet qu’il a sur moidevient dévastateur et me bouleverse.

Son va-et-vient se renforce toujoursplus, presque trop : je pressens l’intensitéde l’orgasme qui arrive à toute vitesse etj’en suis presque effrayée. Mon corps esten feu, Alessandro en joue en virtuose. Jene sais plus où j’en suis, perdant la têtepour de bon. Je lâche enfin les rênes,pour la première fois depuis longtemps,je m’ouvre et me sens épanouie un peuplus à chaque minute.

Il m’embrasse et nous nous soudons

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l’un à l’autre. Son souffle court sur mapeau et la pression qui ne fait qu’enfler enmoi est telle que j’ai peur de me mettre àcrier, jusqu’à ce que même cetteconsidération n’ait plus aucuneimportance, le plaisir effaçant tout lereste.

La force de ses coups de reins mecomble et mon corps se soulève, jem’abandonne à lui, bien incapable dedissimuler les émotions qui m’assaillent.La pression accumulée se répandbrusquement, dévastatrice. Alessandros’enfouit en moi et mon orgasme exploseavec une puissance inégalée dans cetinstant parfait.

Il m’a suivie de près et sa respiration

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précipitée me touche. Mes lèvres sourientsans que je puisse les en empêcher.Cachée dans son cou, je tente de meressaisir. Je sais à quoi m’en tenir : uneétreinte unique et passionnelle, car c’estbien ce que nous venons de vivre. Je nedois surtout pas continuer à sourire ainsicomme une… Ce sont… les endorphines,sûrement.

– Je crois que c’est moi qui vais avoirbesoin d’un verre pour me remettre,s’amuse-t-il.

Nos regards se croisent, mais jeréussis à arborer à nouveau un visageneutre, bien plus prudent vu la situation.Sa main court sur ma joue, il effleure monnez, mon cou…

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Une série de coups à la porte nousinterrompt.

– Alessandro ! On a une bagarre enbas, il y a du grabuge, et des gens ontappelé les flics avant qu’on ait pu virerles perturbateurs. Une fille a reçu unegifle… il vaudrait mieux que tuinterviennes.

Alessandro jure et me dévisage uninstant, indécis.

– Pas de problème, je comprends : jene voudrais pas que tu te fasses renvoyer.

Un petit rire lui échappe, il secoue latête.

– Il faudra qu’on parle de ça, dit-il.Attends-moi ici, j’en ai pour dix minutes

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maximum.

Il se rhabille en vitesse et, rien quepour ça, je me sens aussitôt déprimée. Àmoins que ce ne soit à cause de l’idéequ’il est temps pour moi de tirer marévérence. Alessandro n’en a visiblementpas fini avec moi et je sais qu’une autreétreinte comme celle-là est impossible.Dans une semaine, le concours vam’accaparer, cette rencontre n’arrive pasau bon moment.

Je récupère mes escarpins, qui ontéchoué sur le tapis, et cherche mon stringdisparu.

Tant pis si Cendrillon a dû s’éclipsersans sa Louboutin, je peux bien offrir àAlessandro un string en souvenir !

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J’enfile rapidement ma robe,galvanisée par la perspectivequ’Alessandro revienne d’un instant àl’autre. Comme je ne trouve pas de stylo,je sors mon rouge à lèvres de mon sac etécris sur la surface en verre du bureau : «Merci pour cette première soiréeinoubliable à New York ! »

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3. Allumez les feux !

C’est le grand jour !

Les épreuves de Keep Calm and Cook! débutent aujourd’hui. J’ai l’impressiond’être branchée sur du 10 000 volts, et cen’est pas peu dire. Un soleil chaudréchauffe les rues sans apporter encore lacanicule qui écrase New York en été. Uneseconde, je pense que j’ai quand même dela chance de découvrir cette ville auprintemps et pas en plein hiver, quand onvoit les trombes de neige et le froidpolaire qui enserrent alors la Grosse

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Pomme. Suze, à mes côtés, contemple lebâtiment dans lequel le tournage sedéroulera. C’est un ancien entrepôt qui aété réaménagé en studio dans le Bronx. Jesuis venue la veille avec mon amie pourvérifier que ma « tenue » m’allait ; c’estune veste blanche et un pantalon noir, toutce qu’il y a de plus classique.

– Tu vas assurer ! affirme Suze. Arrêtede stresser !

Je lui fais face et soupire. Ses cheveuxbruns sont relevés sur son crâne dans unchignon un peu fou, elle porte une robecorail assez courte et des grosses lunettesde soleil un peu vintage pour se protégerdu soleil. Dans la rue, tout le monde seretourne pour la regarder et, loin de la

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gêner, cela la ravit.

Moi, stressée ? Je fais toujours de lapâtisserie à 2 heures du matin pour medétendre, c’est normal…

Pour la millième fois, mon esprit mebombarde de souvenirs d’une certainenuit. Cela doit se voir, car Suze pointevers moi un doigt accusateur qu’elleagite, faisant tinter ses bracelets bangles :

– Arrête de penser à cet Alessandro !Il t’a envoûtée, ma parole ! Soit tu es enmode rêveuse, soit tu t’angoisses pourl’émission !

– Je sais ! Je me le répète tout le temps: concentre-toi, tu es déjà assez stressée.

Depuis le Black Dog et ma rencontre

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avec Alessandro, j’ai un mal fou àredescendre sur terre. Pourtant, il ne peutpas me manquer, ça n’aurait pas desens…

Ou je suis en manque tout court.

– Mais c’est plus facile à dire qu’àfaire ?

J’acquiesce en haussant les épaules,pas prête à admettre l’effet dévastateurqu’une simple étreinte a pu avoir sur monmental. Habituellement je suis posée,organisée même. Je gère ma vie endonnant au boulot la priorité sur tout lereste. Quitte à dormir peu. Je foncejusqu’à obtenir ce que je veux. C’est ainsique j’ai gagné ma place de chef de partiedans mon ancien restaurant – avant que

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Simon ne ruine tout ça, bien évidemment.

Ne jamais coucher avec son patron.Grosse erreur !

Après cette soirée au Black Dog, jesuis passée par tous les états : rêveuse,puis dépitée d’être partie, résolue àoublier, et retour à la case fantasmes…L’enfer ! Heureusement, les essayagesd’hier ont constitué un rappel à l’ordre :une fois dans la loge, mon objectif estredevenu clair. Une nuit aussiparticulière, forte, bouleversante et…bref ! ne peut pas me détourner de monbut.

Je regarde mon portable. C’est l’heurede me jeter dans l’arène. Mon amie doitvoir que je n’en mène pas large, car elle

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me prend dans ses bras quelquessecondes.

– Ma belle, on reste en contact, OK ?Tu me préviens avant chaque épreuve etje t’envoie des ondes positives par leréseau 4G ! Dès que tu peux, appelle ! Jesurveille mon téléphone comme le lait surle feu, promis ! m’assure-t-elle.

Après une grande inspiration, jetraverse la rue et me présente, à moitiémorte de trouille, devant le vigile quicontrôle les entrées. Le badge qu’on m’adonné me permet d’éviter tout le cirquede vérification d’identité de la veille, quiavait duré un temps infernal.

Respire ! Tomber dans les pommesmaintenant n’est pas une option !

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Il y a plusieurs tournages en simultané,Keep Calm and Cook ! occupe tout lepremier étage. Je sais qu’au rez-de-chaussée est enregistré un soap, populaireaux États-Unis, qui n’est pas diffusé enFrance. Au second étage, ce sont desémissions diverses dont le détail setrouve après le poste de garde.

Non, je n’ai pas cherché à voir sij’avais une minuscule chanced’apercevoir un acteur que je connais,genre Theo James.

Dans l’ascenseur mon stress semblemonter avec la cabine qui s’élève. Lamaquilleuse que j’ai croisée hier, unepetite brune dont j’ai oublié le nom,arrive et me propose de m’accompagner.

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Dès lors, tout s’accélère, je meretrouve assise sur une chaise pour mefaire maquiller et on m’apporte ma tenue.Tout le monde s’agite, je sens l’électricitédans l’air. Étrangement, ça me rassure.

On dirait un service avant le coup defeu !

Un des assistants m’a expliqué lefonctionnement de la réalisation lors demes essayages. Le tournage dure deux outrois jours par semaine, selon le nombrede scènes à filmer. Les épreuves decuisine ne sont tournées qu’une seule fois,à part énorme problème technique, etdonc interruption. Pour obtenir desimages intéressantes, deux cameramensillonnent le plateau, tandis que cinq

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caméras en surplomb prennent des «plans d’ensemble ». Après chaqueépreuve, nous passerons devant unepersonne de la prod qui nous demanderacomment nous l’avons vécue, ce qui n’apas marché, mais nous fera aussi parlerun peu de nous : « Les téléspectateursadorent savoir qui vous êtes, n’hésitezpas à dire ce qui vous a marquée et,surtout, laissez-vous aller : pleurez sivous en ressentez l’envie », a-t-illourdement insisté. A-t-il sorti ce genrede remarques aux concurrents masculins ?

J’en doute…

Le machisme en cuisine et le côtéassez paternaliste de certains chefsenvers la gent féminine sont des sujets qui

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me rendent vite tatillonne. Surtout quandj’abats autant de travail qu’un de mescollègues masculins et qu’ils préfèrentl’oublier parce que je culmine vingt àtrente centimètres plus bas qu’eux.

Toutes les images enregistrées par lescaméras seront ensuite remontées etmixées pour créer le show qui passera àla télé. Si une phrase est vraiment maldite, j’aurai droit à une nouvelle prise,mais ils garderont la plupart desmaladresses et lapsus gênants : «l’audimat adore ce genre de petitesbévues ; ça vous donne un capitalsympathie ! » m’a précisé mon guide. Àce rythme, le tournage s’étalera donc surtrois semaines et sera diffusé dans sixmois. Cela permet au candidat gagnant de

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quitter l’emploi qu’il occupe ou dechercher à concrétiser un projet derestaurant. Il peut ainsi présenter tout çalors d’une émission bilan par la suite.

Déjà on me propose de rejoindre leplateau où l’équipe va nous expliquer unedernière fois les consignes et le déroulédu tournage pour l’épreuve à venir. Jesuis docilement le petit maigre, un poilhyperactif, qui semble avoir pris du caféen intraveineuse, chose que j’ai moi-même évitée. La caféine a un peutendance à me faire ressembler à unécureuil sous acide !

Il ne manquerait plus que je mecouvre de farine devant des centaines detéléspectateurs et qu’ils le gardent au

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montage !

À peine arrivée, je repère deuxcandidats à leur tenue. L’un d’euxs’avance à ma rencontre. Jeune quadradébonnaire au sourire franc, il a unecoupe courte et des ridules d’expressionqui donnent à ses yeux en amande un airtaquin. Ses cheveux de jais sont striés dequelques fils d’argent. Sans réfléchir, jefais le dernier pas vers lui.

– Bonjour ! Tu dois être l’Européenne? Moi c’est James Wong, le dignereprésentant de l’Orient cette année,m’annonce-t-il sans façons.

Je réponds à son sourire et serre samain. Keep Calm and Cook ! est unconcours international, l’idée est simple :

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un candidat par continent. James estvisiblement asiatique, je représentel’Europe, et il reste deux autresconcurrents, un d’Amérique – du Sud oudu Nord – et un Africain.

– C’est ça, je suis française, CaméliaChardenne.

– Redoutable nationalité en cuisine,intervient dans le dos de James le secondcandidat que je reconnais aussitôt.Edward Lake, enchanté.

Lake ?! Ouah ! Y a du niveau…

Edward est l’un des chefs les plusréputés d’Amérique, j’ai lu des articlessur lui. Si James ne me dit rien, Edwardest connu comme le loup blanc. Alors

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qu’il nous rejoint, il me semble viteévident qu’avec lui ça sera plus guindé.

Ton sourire est dans ton autre vesteou quoi ?

Plus jeune que James, il est râblé,avec un visage assez carré, et unetignasse qui tire vers le roux. Je lui trouvel’air fermé, comme si la compétition étaitdéjà lancée.

– Hé ! Je me demandais à quoiressemblerait l’Européenne.

Je fais volte-face et découvre lafemme qui avance vers moi d’unedémarche assurée. Elle est grande, noireet a des traits fins. Ses cheveux sontnattés sur son crâne. Alors que je la

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détaille, je dois l’avouer : elle en impose!

Je répète mon nom, poliment, etapprend qu’elle s’appelle Farah Edou.Nous parlons quelques minutes duconcours et je réalise que je suis la moinsrenseignée… et surtout la plus novice !James est à la tête du restaurant d’un desplus gros palaces de Shanghai, Farahnous dresse sans y toucher une listelongue comme le bras de restaurantsconnus où elle a travaillé. Edward estdéjà étoilé. Farah, qui semble la plusdirecte du groupe, me demande commentj’ai été repérée par l’émission et je suisobligée d’avouer, mal à l’aise, que jeremplace le candidat initialement prévu.Si elle avait voulu, de manière détournée,

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me faire remarquer que je suis la moinsqualifiée des candidats de cette année,elle ne s’y serait pas prise autrement…

Au secours ! Le prochain avion pourla France part quand ?

Un producteur nous rejoint, archétypede l’homme d’affaires : costard, cravate,bedaine et crâne dégarni, version presséeen prime. Il prend quand même le tempsde nous expliquer le déroulement del’émission et nous rappelle nosobligations : nous ne devons pas enlevernotre micro tant qu’une épreuve est encours, nous nous devons d’être fair-play,d’éviter les injures ou tout comportementinapproprié durant le tournage… Jedécroche un peu tant les consignes

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semblent viser une bande d’adosdissipés. Mon stress est monté en flèche.La présentation de mes collègues m’aimpressionnée, je dois l’avouer. Chef departie dans un palace, voilà mon uniquedistinction.

On dirait que j’ai un CV timbre-poste, quand ils ont une encyclopédie àcôté !

En temps normal, j’ai la niaque. Lacuisine est un milieu très rude avec deshoraires de dingues. On s’y brûlesouvent, on passe des heures debout avecune pression permanente, bosser dans unpalace n’a rien d’une sinécure ! Bien desgens craquent en quelques semaines, etj’ai réussi à devenir chef de partie en

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étant la seule femme de toute la brigade.Simon comptait tellement sur moi à la finque je le remplaçais régulièrement. Alorsje ne vois pas pourquoi je me sens d’uncoup si intimidée.

Je n’ai peut-être pas leur expérience,mais j’ai les épaules pour faire ça ! Àmoi de le prouver !

– Et où est la « surprise du chef » cetteannée ? interroge Farah d’une voixabrupte, visiblement adepte del’efficacité.

Je ne l’ai entendue ouvrir la bouchequ’en cas de nécessité, tandis qu’Edwardsemble plus du genre à pérorer – sur lui,si possible. Pourtant Farah a raison, je mepose la même question. Chaque année la

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voix off qui accompagne l’émission etdécrypte pour les téléspectateurs ce quise passe sur le plateau explique que l’unedes marques de fabrique de Keep Calmand Cook ! est le fameux « candidatsurprise » du jury. Il permet d’apporter del’inattendu au show : une année un jeuneprodige de la cuisine qui a fini sesclasses à quinze ans à peine, une autrechef « vegan »… Cet élément amuse maispeut aussi être le plus redoutable selonles années.

– Nous en parlerons une fois lescaméras en route, vous savez que nousaimons garder un certain suspense, secontente de répondre le producteur. Desquestions ?

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Mon cerveau déraille aussitôt.

J’ai le droit à un masque, à êtrefilmée de dos, non ?

Je suis bien résolue à aller jusqu’aubout. À peu près autant que je suiseffrayée !

– Bien, à vos plans de travail et bonnechance à vous.

Alors que je suis mes collègues, onm’indique où me placer, puis untechnicien arrive avec un petit boîtierrelié par un fil à un micro. Le dispositifest installé sous ma veste et s’attache aucol. Le but est de rendre le tout invisiblemais d’être sûr de ne pas perdre lamoindre de mes paroles. L’assistant

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m’explique que le micro tourne tant quenous le portons et que tout est enregistrédans un ordinateur pour être mixé lors dumontage final.

Le plateau de Keep Calm and Cook !est fidèle aux années précédentes, je n’ynote aucun changement. Il est organiséautour d’un grand rectangle central d’unnoir rutilant où le sigle de l’émission «KCAC » en rouge et argent détonne. Àl’extrémité et donc au fond du décor, ontrouve la table du jury pour lesdégustations, sur une espèce d’estrade unpeu à l’écart. Je me demande si cetteposition de surplomb est faite pourintimider. Non loin se situe l’immensepiano de cuisine avec une vingtaine debrûleurs en enfilade ; nous devrons tous

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cuire nos plats côte à côte. Les fours sonten dessous. J’ai toujours pensé que cettedisposition avait comme unique but depousser les candidats à se chamailler :entre ceux qui accaparent toute la place,ceux qui se plaignent de voir un feu vifsous une casserole qui mijote… le débutde la compétition, en somme ! Et, sur lesdeux longueurs du rectangle central, il y ales deux plans de travail en inox dechaque côté. Je remarque tout de suitequ’il manque celui du cinquièmeconcurrent, « la surprise du chef ».

Surprise du chef de cette année :candidat invisible !

Les cameramen sont maintenant prêts.Edward se trouve à ma gauche et James,

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en face, profite que je le regarde pourlever un pouce en guise d’encouragement.Je l’imite et articule un « Bonne chance ».Par opposition, les deux autres candidatsm’ignorent royalement. Farah me toise àtravers le plateau avec un air de pitbull.Elle semble parée pour éviscérer oudécouper à coups de hachoir…

Et pas que des animaux !

Edward est plus renfrogné. À moinsqu’il ne s’ennuie ? Difficile à dire.

Tous les techniciens qui tournentautour de nous donnent des ordres etvérifient les ultimes réglages lumière. Onbouge certains spots, puis tous quittent leplateau. Le silence s’installe petit à petit.Ne restent que les deux cameramen qui

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vont nous suivre en bordure de cadre. J’aiun trac monstre.

Un peu tard pour se mettre au yoga !

Linda Marquès, la seule femme dujury, apparaît précédée par Jean-JacquesDorémont, le dernier juré arrivé surl’émission, à peine deux ans plus tôt. Elleest d’origine espagnole et vit à New Yorkdepuis deux décennies.

À titre personnel, je l’admirebeaucoup. Déjà parce qu’elle a réussi àse faire un nom dans le milieu. Mais aussiparce qu’elle propose une cuisine baséesur une réactualisation de standards,qu’ils soient espagnols ou américains,avec une vraie capacité à innover. Ce quiémane d’elle est surtout un grand

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dynamisme que j’apprécie, avec sescourts cheveux bruns et ses largessourires. Jean-Jacques, lui, a lacinquantaine florissante.

Tout comme la bedaine…

Son visage un peu empâté conserve unair rusé en toutes circonstances et uneaura de calme ; je ne l’imagine pas dutout en chef criard comme on en voitsouvent dans mon métier. Il doit menerd’une main de maître ses cuisines sans unmot plus haut que l’autre. Expatrié auxUSA depuis cinq ans, il est françaisd’origine, tout comme moi – son nom letrahit assez !

L’image d’Alessandro s’interpose uneminute entre moi et le plateau et je dois

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faire un effort pour chasser les souvenirs,malvenus, de notre étreinte. Je medemande un instant pourquoi je repense àlui, avant de faire le lien : l’excitation. Lasensation que quelque chose d’importantest en train de se jouer pour moi… Puisje me reconcentre aussitôt.

Désolée, Alessandro, mais tes bellespetites fesses devront attendre ! J’ai unconcours à gagner !

Il manque le dernier membre du jury,Brett, un critique culinaire assez connu.Mais l’émission fonctionne souvent ainsi: les jurés se relaient à l’écran, sans doutepour renouveler l’intérêt du spectateur. Ilssont accueillis par nos applaudissements ;puis une voix retentit hors plateau :

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– Silence ! On tourne dans trois, deux,un…

La chef s’avance de quelques pasdevant la caméra. Elle se présente et nousrappelle rapidement le nom du vainqueurde l’année précédente et son brillantparcours.

– Aujourd’hui, le concoursrecommence ! Nous recevons unenouvelle fois de jeunes cuisiniersprometteurs, bien décidés à défendre lescontinents qui les ont vus naître ; FarahEdou, James Wong, Edward Lake etCamélia Chardenne seront nosconcurrents des semaines à venir,déclare-t-elle avec un geste large, et lesdeux cameramen effectuent chacun de leur

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côté un travelling sur nous.

Quand je réalise que ça y est, je suisréellement filmée, j’essaie de me mettresur pilote automatique et me contente desourire.

Faites que j’aie l’air plus naturelqu’Elizabeth Taylor après l’une de sesmultiples opérations…

– Nous sommes fiers de vous lesprésenter, enchaîne Jean-Jacques d’unevoix de stentor où pointe son accentfrançais. Mais je ne vous fais pas pluslanguir, j’en viens à notre petit truc ànous, la « surprise du chef ». Si,habituellement, dans un restaurant cela serapporte à un plat à la carte pour unecourte durée, ici à Keep Calm and Cook

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!, nous sommes plus taquins : c’estl’élément qui va déstabiliser lesconcurrents mais aussi leur permettre dese dépasser. Cette année, notre candidatmystère n’est autre…

Ce moment de l’émission est toujourshorrible. Quand on le regarde à la télé,systématiquement, une page de pub estdéclenchée, on a droit à un rappel desportraits, un speech des juges, un résuméet, ensuite, la fin de la phrase du jury.Sauf que cette fois je me trouve sur leplateau et personne n’interrompt Jean-Jacques. Linda sourit à ses côtés,également parfaitement à l’aise – depuiscinq ans qu’elle présente le show, toutcela doit être routinier pour elle.

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– … n’est autre qu’un amateur !

L’annonce fait son effet, je vois Farahhausser ses sourcils fins presque jusqu’àla racine de ses cheveux, ce qui lui donneun aspect assez comique. Edward secouela tête et j’ai sûrement l’air aussiabasourdie que mes collègues.

Voilà une « surprise du chef » quiporte bien son nom !

– Pour la première fois, reprend Lindaquand nous semblons revenus de notresurprise, nous ouvrons la compétition àune personne qui n’a jamais suivid’apprentissage ou travaillé dans lamoindre cuisine. Un simple amateur,comme vous, chers téléspectateurs, maisnéanmoins un vrai passionné qui a décidé

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de se confronter à des professionnels. Cetamateur, homme ou femme, va pour lapremière épreuve rester à part sur unplateau où il sera filmé. Pour prouverqu’il a sa place à vos côtés, il devraimpérativement ne pas arriver dernier,sinon il sera éliminé d’office !

Le silence qui accueille sonexplication serait presque drôle si jen’étais pas moi aussi encore sous le choc.Jamais aucun candidat n’a subi unepression semblable d’entrée de jeu,normalement nous avons deux épreuvespar émission pour obtenir le maximum depoints.

– Et si c’est l’un de nous qui a ceclassement ? ose demander Farah qui,

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pour le coup, agit un peu en porte-parole– je me pose la même question.

Linda sourit avant de secouer la tête.

– Il ne serait pas éjecté de lacompétition. Seul l’outsider peut sortirdès le début. Il doit démontrer à tous qu’ila les capacités nécessaires pour affronterdes professionnels qui ont gagné leursplaces en faisant des études et entravaillant dans de grands restaurants.Cela ne sera pas simple, mais ainsichacun aura mérité de concourir !

Je sais que nous devrons reparler eninterview de ce moment, les cameramenont filmé nos réactions dans ce butd’ailleurs. Je suis impressionnée : releverun tel défi n’est déjà pas facile pour moi

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avec mon expérience actuelle, alors pourlui ou elle ?

Chapeau bas, outsider, il va te falloirdu courage !

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4. À l’aveugle !

Linda se frotte les mains avantd’annoncer d’une façon un peu théâtrale :

– Aujourd’hui, nous allons commencerpar un classique, nous en consommonstous, chaque hiver…

Ça tombe bien, on est au printemps etce sera bientôt l’été !

Enfin, la diffusion se passeeffectivement vers la fin de l’automne,donc pour les spectateurs ça aura du sens.

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– Je pense bien sûr à la soupe ! Nousvous demandons de revisiter ce platpopulaire de nos grands-mères, froid ouchaud. Donnez-lui ses lettres de noblesse,rendez-le audacieux !

– Vous avez une heure et demie poursélectionner vos ingrédients et réaliservotre plat, ajoute Jean-Jacques. Lecandidat outsider vient d’apprendre lesconsignes par oreillette et bénéficieraexactement des mêmes conditions quevous. Il sera filmé de son côté et nousavons hâte de découvrir vos plats. Soyezinventifs !

Un chrono au-dessus de la table dujury commence le décompte et je voisFarah réagir le plus vite, attrapant son

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bac en inox pour se ruer vers la réserveoù est stockée la nourriture. Nousfinissons par l’imiter avec quelquessecondes de retard.

Le garde-manger est vaste, il y a denombreuses étagères et plusieurs tables.On y trouve des produits frais, desbocaux et récipients ; si je me pensaispréparée, ayant regardé l’émissionrégulièrement, la vivre change tout.

C’est le moment de se concentrer etde donner le meilleur de moi-même !

En premier lieu, je vérifie ce queprennent mes collègues : réaliser la mêmerecette risque de nous desservir. J’enprofite pour passer en revue toutes lessoupes que je préfère. Aucune règle du

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concours ne nous l’impose, mais noussommes censés faire des platsreprésentatifs de nos origines et notreparcours : on attend plus de James unbouillon thaï, par exemple. L’idée est dedéfendre non seulement son propre nom,mais aussi une tradition.

Ouais, je n’ai pas du tout la pression,seule « Française » du concours, avec laréputation de notre cuisine…

Farah sélectionne plusieurs légumespuis s’empare d’un pot de beurred’arachide. James, qui a déjà un bocal deriz dans son bac, attrape dans le plateaudes fruits de mer plusieurs poignées decrevettes. La soupe de riz est un standardde la cuisine chinoise, l’a-t-il choisi ? Et

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comment compte-t-il rendre ça innovant ?Edward, de son côté, fait main basse surtous les épis de maïs.

Je dois me rappeler à l’ordre et medirige vers les herbes aromatiques dontj’aurai forcément besoin.

Il me faut une idée originale, pas unepoule au pot façon grand-mère…Quoique ?…

Je repars aussitôt en arrière et chargemon bac d’oignons. Faire une soupe àl’oignon, grand classique, me sembleintéressant, même si c’est aussi risqué :c’est un plat goûteux mais qui manque demodernité, et là, c’est à moi d’interveniret d’y mettre ma touche. J’attrapeégalement du foie gras cru et des figues

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que j’aperçois dans un coin, sûre quel’alliance du tout fonctionnera.

Ça va le faire !

De retour à mon plan de travail,j’établis mentalement les tâches àaccomplir par ordre de priorité. Le kilod’oignons que j’ai à peler, tâcherépétitive au possible, me permet demieux m’organiser et peaufiner les détailsdans ma tête. En un quart d’heure, mesoignons sont émincés menu et, la force del’habitude aidant, mon make-up a tenubon ! Je commence à reprendre confiance; sauf gros imprévu, je serai dans lestemps.

Je me rue aux feux pour lancer mescuissons. Au lieu de me disperser, je

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préfère rester un moment à côté de macasserole pour me familiariser avec cettenouvelle cuisine. Je dois « prendre latempérature » : savoir si les brûleursfonctionnent bien, appréhender lapuissance des fours, etc. Ça m’évitera decarboniser ce que j’ai fait et je gagneraiau final de précieuses minutes. Tandis quemes oignons dorent doucement, je ne peuxm’empêcher de jauger l’état de laconcurrence.

Farah, fidèle à elle-même depuis ledébut, semble très à l’aise. Elle a mistous ses ingrédients à mijoter en vingtminutes et se contente maintenant depréparer sa présentation. James courtpartout, on le dirait en plein entraînementet non dans une cuisine !

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Le marathon de New York est ennovembre pourtant !

Un mouvement à ma gauche attire monattention et je reviens à Farah sans ypenser. Elle s’est déplacée vers le plande travail de James comme si elle ycherchait quelque chose, sauf que nousn’avons pas le droit d’emprunter quoi quece soit à un autre candidat sans sonaccord. Elle se dirige vers le sel, et je meconcentre sur mes oignons qui grésillentavant qu’ils ne brûlent, les mouillant avecle bouillon et le vin blanc que j’aiapporté. Elle peut bien lui prendre du selsi bon lui semble, nous l’avons enquantité illimitée.

Attends… Justement, pourquoi fait-

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elle ça ?

Quand je relève la tête, elle s’éloignedu plan de travail de James. Remuant unedernière fois mes oignons, je fronce lessourcils, toujours pensive. Je suispresque sûre de ce que j’ai vu, mais çan’a pas de sens… Impossible, j’aiforcément dû mal interpréter.

Je retourne à ma table avec uneimpression étrange, comme si j’avais ratéquelque chose. Le cameraman quiapproche m’empêche de réfléchir plusloin : tout au long de l’émission, nousdevons régulièrement montrer des gestestechniques que nous faisons, c’est un petitplus pour les spectateurs et ça rend leshow plus interactif que de nous voir

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préparer les plats sans rien dire. Je meretrouve donc à expliquer à la caméracomment dénerver un foie gras. J’ai déjàfait ça des dizaines de fois mais, dans cesconditions, ça change tout ! Malgré montrac, je me force à donner des directivesclaires.

Je ferai bientôt concurrence à JulieAndrieu !

Une voix nous prévient alors que noussommes à une demi-heure de la fin del’épreuve et je réalise que j’ai encore unegrosse masse de travail. En ce qui mesemble être un claquement de doigts, unnouveau décompte retentit : vingt minutes,puis dix. Heureusement, tous les élémentsde mon plat sont presque prêts, il me

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suffit de les assembler et de rectifier lesassaisonnements. J’attaque la cuisson dema tranche de foie, qui doit être faite audernier moment et ne devrait me prendreque quelques minutes.

Les préparations s’enchaînent à touteallure et, quand on nous annonce qu’ilreste cinq minutes, je me rue avec deuxcasseroles en mains sur les trois assiettesque j’ai déjà disposées, manquant de peude me brûler sévèrement.

Voilà que j’imite James et son footingmaintenant !

Quand la fin du temps imparti arrive,indiquée par le bruit d’un minuteur àl’ancienne, je lève les mains avecl’impression d’avoir à peu près géré. La

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soupe a une belle couleur et texture, elleentoure la tranche de foie poêlée brillanteen une large goutte dans le creuset del’assiette et la figue est parfaite, onvoudrait la gober !

Je soupire et m’essuie le front. Jeviens de passer l’heure et demie decuisine la plus stressante de ma vie !James s’approche pour jeter un œil à monassiette.

– Ça donne envie de goûter, tu as faitun super-travail, me complimente-t-il.

Je ne peux m’empêcher de cligner despaupières, surprise : au palace où jebossais pour obtenir une félicitation deSimon… en fait, je n’en ai jamais eu. Aumieux, il me disait « Ça va », assorti d’un

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conseil.

– Et toi, ça a été ?

– J’ai flippé ! Je ne me suis jamais tantagité… surtout à côté de Farah qui avaitl’air en pleine méditation zen !

Nous éclatons de rire et continuonsd’échanger pendant que les caméras serepositionnent pour la scène dedégustation avec le jury qui se met enplace. Puis nous nous alignons pourattendre le verdict.

Argh ! J’ai l’impression de revenirsur les bancs de l’école !

Cette fois-ci, le dernier membre dujury, Brett Lanschtaf, apparaît avec Lindaet Jean-Jacques. C’est un jeune quinqua

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aux tempes poivre et sel, perpétuellementen costume pour bien marquer qu’il est leseul ici à ne pas être chef.

Mais qu’il a la classe !

Il a toujours un demi-sourire, et sonaccent anglais, quand il nous lance un «Bonjour » décontracté, m’amuse. Ondirait une version anglaise de GeorgeClooney ; le style séducteur, coup d’œilpar en dessous… Je sais qu’il a beaucoupde succès auprès du public de l’émissionmême si, je dois l’avouer, j’ai du mal àpartager cet enthousiasme, classieux oupas !

Peut-être la différence d’âge ?

Il prend place au centre, entre Linda et

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Jean-Jacques, puis nous détaille, son petitsourire en coin rivé aux lèvres.

– Alors, comment s’est passée cettepremière épreuve ? James, vous semblezen nage !

Ce dernier laisse échapper un rirechaleureux.

– J’avoue, je crois que j’ai perdu deuxkilos. J’aurais dû manger plus de vosexcellents bagels new-yorkais au petitdéjeuner !

Le jury rit avec lui, et chacun notretour, nous donnons nos impressions surl’épreuve. Quand c’est à moi, je décidede me montrer honnête :

– C’était intéressant… mais assez

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compliqué ! Je ne m’attendais pas à êtresi déstabilisée par les caméras.

Brett m’envoie un sourire lumineux,j’en suis presque mal à l’aise.

Un peu plus et il me fait un clin d’œilou je rêve ?!

La dégustation commence et monstress ressurgit. Le plat de Farah manquevraiment d’une présentationcontemporaine à mon avis, mais les jurésparaissent emballés par le goût, on ledevine à leurs têtes. Jean-Jacques,visiblement le grand gourmand de latroupe, mange la moitié de son assietteavant de reposer sa cuillère. Brett, de soncôté, semble chercher à isoler lesdifférents éléments du plat, en pleine «

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dissection » culinaire. Linda se contented’une ou deux cuillérées. C’est cettedernière qui reprend la parole ets’adresse à Farah :

– Je pense que c’est une jolie assiettetrès équilibrée, on sent que ce platraconte une histoire d’enfance, je metrompe ?

Farah, qui jusque-là a eu un visagepresque fermé, sourit subitement et se metà conter les visites des marchés du Béninoù sa grand-mère l’emmenait. Je ne peuxm’empêcher de trouver son ton très faux.

Ou est-ce cette affaire de sel quicontinue de me perturber ?

Ensuite, Brett se tourne vers moi avec

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un grand sourire, un brin séducteur.

– Camélia, mais quel beau plat ! mefélicite-t-il, disant « beau plat » enfrançais. J’ai eu l’impression de revenirdans un bistro parisien, quel plaisir ! Il ya un assaisonnement juste, le foie gras estparfait, la figue et le confit d’oignonsapportent un réel plus. Exit la soupemémé pour une soupe prestige en tenue desoirée, encore bravo !

C’est au tour de Jean-Jacques. Ildétaille James à mes côtés. Je le devineassez confiant. C’est vrai qu’il a bienréussi cette épreuve ; il a présenté lebouillon à part dans un petit saucierdesign, laissant au milieu de son assiettequelques éléments crus taillés très

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finement que le bouillon a cuits-minuteune fois versé : ses crevettes, desherbes… Je sens la citronnelle d’ici.

– James, vous nous avez avoué avoircouru… avez-vous pris le temps degoûter vos plats ?

Le ton n’a rien d’agressif, pourtantJames se décompose. Il hésite sur saréponse.

– Oui, j’ai vérifié mon bouillonplusieurs fois… Mais pas les crevettesmarinées. Si c’est un classique de notregastronomie, j’y suis allergique, je lesprépare donc depuis des années sans lesgoûter.

Jean-Jacques secoue la tête, son

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expression un peu gênée et celle de Lindaen disent long.

– Je ne sais pas si le stress vous adéstabilisé, mais cela manquaittotalement d’équilibre. Il y a un fort goûtde sel qui reste sur le palais aprèsdégustation, c’est assez désagréable.

À ces mots, je me fige, tandis queJames se décompose à mes côtés. Moncerveau tourne à toute vitesse : accuserFarah sans preuve me semble énorme, jen’ai qu’une intuition, je ne l’ai même pasvue directement faire…

Innocent jusqu’à preuve du contraire,non ?

Alors que je cherche la manière la

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plus prudente d’intervenir, on nousdemande de quitter le plateau pour fairevenir l’outsider dont on doit maintenantévaluer le plat. La solution à mondilemme apparaît d’elle-même quand jecontemple l’écran de mon portable : Suze!

Je me rends aux toilettes pendant lacourte pause, en profitant pour envoyer unSMS.

Heureusement, j’ai des pouces enmode flash !

J’ai à peine le temps de finir de melaver les mains et de retourner aux abordsdu plateau que déjà mon téléphone vibredans ma poche.

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[Ma belle, je sais que tu veux êtrejuste, mais est-ce bien raisonnable ? Tun’es sûre de rien, tu risques de te faireune sale réputation de dingue !]

J’hésite à l’appeler mais avoir cetteconversation à voix haute ne me semblepas être une bonne idée.

[J’en ai conscience, mais ça seraitinfâme de ne rien dire ! James estvraiment sympa en plus, il ne mérite pasun coup pareil… si c’est vrai !]

Il me faut attendre à peine une minuteavant de voir s’afficher :

[Qui ferait ça sur un plateau avec descaméras ?]

[Il n’y en a pas dix non plus et les

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images vont être montées seulement à lafin, si j’ai bien compris. Imagine queJames soit éjecté et qu’on se rendecompte de l’injustice dans deux mois ?Ça m’étonnerait qu’on retourne toutel’émission, ils étoufferont l’affaire…]

Cette fois-ci, deux minutes passentavant que je reçoive le SMS.

[Vérifie le classement. Si Farah estdernière, problème résolu.]

Effectivement, elle n’a pas tort, mêmesi mon souvenir de la dégustation melaisse penser que ce ne sera pas le cas.

[OK. Mais si je vois que ça tournemal, il me faudra bien en parler àquelqu’un… peut-être à Linda.]

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[Et sinon, les candidats, la surprise duchef, le jury ?]

Je lui fais un rapide résumé et lenombre de smileys que mon amiem’envoie en guise de réponse me faitsourire. Étrangement, ce petit échangem’a reboostée et j’arrive à me convaincreque je saurai gérer cette histoire avecFarah.

Quand je retourne sur le plateau, letournage est déjà prêt à reprendre. Alorsque j’attends les résultats, stressée, jecomprends vite que j’ai raté l’explicationsur le déroulement des scènes à venir, etFarah me regarde de travers.

Désolée d’avoir une vessie !

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Celui que je suppose être leréalisateur, à qui on tend des cafésderrière un moniteur de contrôle et quireste assis quand deux autres font le piedde grue à ses côtés, crie à nouveau « Ontourne dans trois, deux… ». Brett, dès lafin du décompte, enclenche son sourirecomme s’il tentait de séduire la caméraelle-même.

– Nous savons que vous mourezd’impatience de connaître le classementdéfinitif, laissez-nous lever le suspense…

Pour contredire ses paroles, Bretts’arrête et prend son temps.

Continue de sourire à la caméracomme une Miss à son élection, vas-y…

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– L’outsider n’est pas arrivé dernier !Il intègre donc le concours dès àprésent…

On entend à peine un bruit de pas quiapproche. Une tête brune apparaît et jeme dresse sur la pointe des pieds pourvoir par-dessus l’épaule d’Edward.

Merci la génétique de me faciliter lavie !

– Bonjour à tous, annonce une voixgrave que je reconnais aussitôt.

Mon cœur rate plusieurs battements aumoment où je croise un regard familier.

Alessandro !

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5. Surprise !

La surprise que j’ai ressentie doits’apparenter à ce qu’on éprouve engagnant au Loto… ou quand on voit savoiture être défoncée sous ses yeux par unénorme trois tonnes !

Ou les deux, en fait…

Le tournage est en pause pour dixminutes, le temps d’installer le plan detravail d’Alessandro, mais on reçoitl’ordre de ne pas nous éloigner.

Je rêve ou Farah m’a regardée de

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haut quand l’assistant a dit ça ?!

Farah et Edward parlent de leur côtéavec le jury. Je les soupçonne de vouloirfaire un peu ami-ami avec eux.

Où est Brett d’ailleurs ?

La voix de ce dernier m’interpelletandis qu’une main se pose sur monépaule.

– Camélia ! Je souhaitais encore vousféliciter pour votre prestation.

Je me retourne aussitôt et recule sans ypenser, mal à l’aise d’être touchée par uninconnu. Le critique s’arrête à un pas demoi.

– Vous avez beaucoup de talent, jeserais ravi de vous servir de guide dans

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ce concours pas toujours simple àappréhender. J’y suis juré depuis…

Au lieu d’écouter ce discours que jepressens long, je cherche à nouveauAlessandro. Depuis qu’il est apparu, jene cesse de m’assurer de sa présence,comme si je ne pouvais y croire. Mesyeux semblent sans cesse aimantés parlui. Après la surprise initiale, j’aipresque eu envie de danser : je suis justetellement heureuse de le revoir, même siles circonstances sont un peu surréalistes! Je ne suis pas encore tout à fait remiseen fait. Alessandro, ici ? Ça paraîtcomplètement dingue. Mais son job à laboîte est peut-être seulement un emploialimentaire ? Dans ce cas, nouspartageons bien plus qu’une nuit torride,

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nous avons une passion commune !

Quand je vais annoncer ça à Suze !

Je remarque dans ses prunelles unedrôle de lueur quand nos regards secroisent à travers le plateau. Si tout àl’heure il paraissait aussi abasourdi quemoi, mais presque content, là, c’est plutôtl’inverse.

Froid polaire en Italie…

Enfin, je me rappelle que Brett metient la jambe et lui sourit, un peucoupable. Jean-Jacques l’interpelle.

– On parle, on parle ! Mais il esttemps de travailler ! C’est l’heure del’interview des chefs, nous devonsdélivrer nos premières impressions. À

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plus tard, chère Camélia, conclut lecritique.

Je le suis des yeux, ravie de sondépart. Alessandro n’a pas bougé, ilrépond à James qui est bien le seul àavoir fait l’effort de discuter avec «l’amateur ». James a encore les traitstirés, même s’il fait de son mieux pourencaisser ce premier verdict plutôtnégatif.

Je pense qu’il me faut faire le premierpas et aller…

Aller quoi d’ailleurs ? Me présenter,dire « Ravie de te revoir » ? Ou « Lerouge à lèvres n’a pas été trop pénible àenlever du bureau ? »… Assurément pascette dernière remarque !

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Tandis que je m’approche, la voixd’Alessandro me parvient :

– Oui, c’est effectivement ma boîte denuit…

Il se tait quand il m’aperçoit et Jamessuit son regard.

– Ah, notre Française, la jeuneCamélia. Camélia, voici Alessandro,c’est un New-Yorkais. Nous affrontonsdonc deux « Yankees ».

Alessandro me tend la main, presquecérémonieux, et je l’attrape sans réfléchir.À peine nos doigts se touchent que jeressens la même attraction pour lui qu’auBlack Dog. De près, je ne peuxm’empêcher de le dévorer des yeux. Il est

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si…

Beau, sexy, musclé, masculin,affolant… En colère ?!

– Je… Enchantée.

Ma phrase s’est étranglée dans magorge sous la lueur assassine que jedécouvre dans les prunellesd’Alessandro. Il paraît presque dangereuxà cet instant et, alors que je devrais meméfier, j’ai du mal à me concentrer surautre chose que sa bouche !

Misère ! Son effet sur moi n’a paschangé en tout cas.

– Je dois absolument profiter de lapause pour rappeler ma femme, désolé,annonce James en s’éclipsant.

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Nous restons seuls. Alessandro jetteun coup d’œil circulaire, puis serapproche de moi. Je sens immédiatementque ce n’est pas pour me serrer dans sesbras parce qu’il est ravi de nosretrouvailles. Je tente de désamorcer lemalaise entre nous et chuchote :

– Écoute, je n’aurais pas dû partir sansun mot, mais…

– Je me suis fait totalement avoir, tu estrès douée pour tromper ton monde,crache-t-il, avec une lueur assassine dansle regard, brisant net mon magnifique meaculpa. Tu savais parfaitement qui j’étaisquand tu es venue au Black Dog, n’est-cepas ? Laisse-moi deviner, ça ne devraitpas être compliqué de trouver qui t’a

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envoyée…

– Vous êtes parano, ma parole !

Retrouver ma voix m’a pris quelquessecondes, mais c’est bon.

Prête au combat !

Alessandro fronce les sourcils,suspicieux.

– On se vouvoie à nouveau ? relève-t-il. Tu prétends toujours avoir débarquépar hasard dans mon club ?

– Évidemment ! J’avoue que c’esttroublant, mais je n’avais aucune idée dequi vous étiez. Par qui voulez-vous quej’aie été envoyée ? Dans quel but ? Etpuis, c’est plus vous qui m’avez «accostée », si on peut dire.

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– Une simple manœuvre, pendantlaquelle je me suis bêtement fait avoir. Enarriver à de telles extrémités… J’espèreque c’était bien payé.

Il s’approche de moi et je dois faire uneffort pour ne pas lui coller une bellegifle, il l’aurait bien méritée, je crois !

– Vous vous rendez bien compte de cedont vous m’accusez ? Sérieusement ?

Ma voix glaciale semble ledéstabiliser. Je lis dans ses yeux unehésitation.

– Pourquoi tu ne m’as pas parlé del’émission l’autre soir ? Tu m’as dit quetu étais en vacances chez une amie ?rétorque-t-il, persistant à me tutoyer

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comme s’il voulait garder une proximité.

Je lui souris de travers, avant derépliquer, acide :

– Parce que le contrat que j’ai signéavec la prod m’oblige à rester discrète.Tout comme toi je suppose, vu que tu n’aspas évoqué le sujet non plus…

Alessandro paraît un peu perdu. Sonregard erre un instant sur le jury.

– Qui t’a fait rentrer dans le concoursalors ? Depuis que tu t’es enfuie, jecherche à comprendre ; j’ai trouvé çaétrange, j’attendais que tu réapparaisses.

Eh ben, j’en connais un qui ne doutede rien…

Mais son expression troublée me

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calme un peu. Je vois dans ses yeux – ouje crois voir – quelque chose qui réveillema culpabilité. Après ce que nous avonspartagé, comment aurais-je pris ladisparition d’Alessandro sans un mot siles rôles avaient été inversés ? Puis sonaccusation me revient. Il m’a presquetraitée de prostituée… Mon visage sedurcit.

– Tu sais ce qui est bizarre ? Taprésence. Je t’ai entendu parler à James.Le Black Dog est à toi, non ? J’ai penséun moment que tu y travaillais mais tu enes le patron ? Alors pourquoi te trouves-tu ici ? Qu’est-ce que peut bien t’apporterun tel concours ? Je ne suis pas la seule àne pas avoir joué franc-jeu, conclus-je enle plantant sur place pour regagner mon

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plan de travail.

Finalement, quand je me suis enfuie,j’ai peut-être eu la bonne réaction.

Ravaler ma déception me demande uneffort considérable, mais bientôt lesilence se fait à nouveau sur le plateaupour la reprise du tournage, détournantmon attention des pensées que je rumine.

Je fais mon possible pour ne pasregarder Alessandro qui en impose danssa veste grise, sûrement pour ledémarquer de nous. Brett prend la parolesur un signal lancé par le réalisateur.

– À l’issue de cette épreuve, l’und’entre vous sera éliminé. Nous avons lesrésultats de la première épreuve et nous

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allons y ajouter celle-ci pour vousdépartager. Rien n’est joué, tout peutencore s’inverser, annonce Brett d’unevoix forte.

– Alors un conseil, donnez tout ce quevous avez car pour l’un de vousl’aventure de Keep Calm and Cook !s’arrête aujourd’hui, conclut Linda.

J’inspire à fond. Je peux le faire,ignorer les caméras, mon trac,Alessandro…

Ça commence à faire long commeliste !

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6. Moins un !

Quand le chrono repart pour ladeuxième épreuve, je suis moins surpriseque pour la première. Linda nous aannoncé le nouveau thème : « sucré/saléinédit ». Ça reste assez vaste pour trouverune idée sans trop de mal.

Je parcours la réserve en quêted’inspiration. Tout ira très vite, je doisme concentrer et donner le meilleur demoi-même… sans me laisser déstabiliserpar ma conversation avec Alessandro.L’idée qu’il me prenne pour une

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manipulatrice, une femme prête à sevendre, continue de me mettre en rogne.Je ne suis pas comme ça !

Oublie ce type ! Tu vas te planter,sinon !

Plus facile à dire qu’à faire, surtoutquand son corps, svelte et musclé,insolemment souligné par l’étroitesse desa veste de cuisinier grise, se tient àenviron trois mètres de moi. Je finis parme filer une grosse claque mentale et meforce à observer les autres.

Farah est déjà repartie. Comme lapremière fois, elle a dû prendre moins detrois minutes pour remplir son bac. Je l’aivue sélectionner des framboises et desavocats. C’est plutôt malin, l’acidité des

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premières contrebalancera l’aspect grasdes seconds. Edward a choisi desairelles, des poires et un morceau deviande rouge. James semble hésiterdevant les papayes alors qu’un pouletattend dans son bac. Alessandro metourne le dos et je décide de ne pas mepréoccuper de ce qu’il fait, tant pis sinous avons les mêmes ingrédients.

Je tergiverse une seconde : un platfruit et fromage, ou une variation decanard à l’orange, peut-être avec un autreagrume ? Puis l’inspiration arrive quandj’aperçois du céleri à côté de tomatesroses magnifiques. Deux idées meviennent en même temps. Résolue àfrapper l’esprit des jurés, j’accélère : jene vais proposer que des plats froids. Si

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les préparations sont plus courtes, il yaura un long temps de repos à respecterpour que les aliments s’imprègnent desdifférentes saveurs – heureusement quenous avons des super-cellules derefroidissement !

Alors que j’ai regagné mon plan detravail depuis une bonne demi-heure, jedois me rendre à l’évidence, je ne suisqu’à moitié à ce que je fais. Ce qui n’estvraiment pas malin vu l’enjeu du jour.Mon céleri cuit dans le sirop, j’ai émondémes tomates qui refroidissent, le jus decitron parfumé à la vanille qui lesaccompagnera est presque prêt à mijoter.Honnêtement, j’avance bien ; pourtant jesens que j’ai la tête ailleurs.

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Je tire sur la peau de ma dernièretomate avec mon couteau d’office et nepeux m’empêcher de lancer un coup d’œilà Alessandro…

– Aïe !

Bravo ! Voilà que je me mets aucarpaccio !

Comme il fallait s’y attendre, j’airéussi à m’entailler le doigt à force demanquer d’attention. Je m’écarte aussitôtpour ne pas risquer de saigner sur mapréparation. Je rejoins les évierscommuns qui se trouvent en enfiladederrière James. Des yeux j’en cherche unvide, mais de la vaisselle sale traînepartout. Une présence dans mon dos mefait sursauter. Alessandro débarrasse l’un

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des bacs des bols qui l’encombrent.

– C’est profond ? demande-t-il d’unevoix pressante.

Pourquoi s’inquiète-t-il ? Il a étéglacial lors de notre dernier échange !

Je ne desserre pas les dents, habitéepar des sentiments contraires : furieuse deme laisser distraire en cuisine, ce quin’est jamais arrivé, mais aussi perdue carses reproches ne devraient pas me blesserainsi. Bien sûr qu’il est en colère et peutse montrer injuste, je me suis éclipséesans un mot après une étreinte torride, il yavait mieux pour son ego quand même.

– Camélia ? Réponds !

– Pas de problème, c’est superficiel.

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Même ma voix me semble ailleurs. Jeme mords la joue et ferme les yeux uneseconde.

Reprends-toi, nom d’un chien !

Le corps d’Alessandro se tend, dansson regard passe une lueur étrange. Sabouche se durcit, il hausse les épaules etattrape dans le lavabo voisin unecasserole.

– Les femmes en cuisine sont descatastrophes : maladroites, sansprécision, rarement des idéesoriginales… Tu as remarqué le nombrede chefs étoilés femmes ? Je pense que çaveut tout dire. Ce n’est pas ta faute, la

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tambouille n’a juste que peu de rapportavec du « gastro » ; il vous manque unpeu de nerf… surtout pour ce genre decompétition ! Une de moins, ça sera trèsbien.

Et, comme une fleur, il s’éloigne, melaissant ulcérée, trop choquée pour réagir.

Alors là… tu verras celui de nousdeux qui sortira d’ici la tête basse. Pascombative ? Moi ?!

Mon doigt en sang devient aussitôt lecadet de mes soucis. Un assistant merejoint, il évalue l’importance de lablessure du regard.

– Demandez à quelqu’un de

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m’apporter de quoi faire un pansement, etj’ai besoin d’un gant, dépêchez-vous, s’ilvous plaît, je dois terminer mes plats !

En moins de temps qu’il ne faut pourle dire, je retourne à mon plan de travailet rattrape mon retard avec une vitesse etune efficacité dignes d’une machine. Lacolère me porte littéralement, je finisl’épreuve en état de grâce…

Ou de rage, mais c’est pareil, résultat: redoutable.

Mon sorbet au céleri est d’une jolienuance verte grâce au jus que j’ai réaliséavec un extracteur et incorporé à mapréparation. À côté, mes tomates farciesaux gariguettes, entourées des points dessauces vertes et jaunes, sont magnifiques,

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brillantes, rondes… C’est simple : çaclaque ! J’ai même pu faire une tuiletranslucide en sirop de glucose que j’aicolorée avec des jus de céleri, de citronet de fraise, fabriqués avec l’extracteurpour donner un aspect un peu mosaïque àma tuile. Elle repose en équilibre sur unetomate et s’élance gaiement au-dessus demon assiette – c’est plus de l’architectureque de la cuisine.

Tu sais ce qu’elle te dit la « cuisinede bonne femme », Alessandro ?!

Je finis l’épreuve avec cinq minutesd’avance et m’accoude à mon plan detravail parfaitement rangé. Alessandro necourt pas une fois, il est concentré etplutôt impressionnant…

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Pour un amateur, bien sûr… Moi,rancunière ? Du tout !

Les odeurs qui s’élèvent de toutesparts sont alléchantes et je crains uneseconde d’avoir fait une erreurstratégique ; pas sûre que le « tout froid »marque les esprits quand on sent tout ça.

De toute façon, c’est trop tard.

Quand le chrono retentit, j’hésite entrela fierté d’avoir devancé tous les autres etl’inquiétude. C’est peut-être mauvaissigne… Le jury revient et le même rituelrecommence, pendant que l’équipe detournage se réinstalle. Le ballet mesemble déjà moins étrange et je remarquequ’obnubilée par la présenced’Alessandro, puis par ses paroles de

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macho de base, je n’ai pas été dérangéepar les caméras.

À croire que je fais ça depuis desannées !

L’heure est grave. Nos plats sontalignés devant les juges et ils les goûtentà tour de rôle. Je reconnais une fois deplus le coup de fourchette conquérant deJean-Jacques et l’approche plus réservéede Linda, qui mâche lentement, comme sielle réfléchissait à chaque masticationpour extraire le maximum d’informations.Brett, sans pitié, massacre le montage enétage de Farah et détaille, critique,l’audacieux plat italien d’Alessandro –des orzos aux pruneaux et au fenouil,j’aperçois également des tomates

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séchées. Son assiette est aux couleurs del’Italie, vert, blanc, rouge… L’idée estamusante même si la présentation fait unpeu « mamma italienne » : de la quantitémais pas de finesse.

James aussi s’est surpassé, il a réaliséune salade de papaye verte et un platchaud, des aiguillettes de pouletcaramélisées avec une sauce curry-chocolat, dans laquelle je donnerais cherpour plonger une cuillère, accro commeje suis au curry. Brett abandonne sadégustation pour nous détailler, commes’il prenait des notes.

Ou qu’il voulait nous faire peur, auchoix.

Linda, assise cette fois entre les deux

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hommes, parle à Jean-Jacques. Le silences’éternise, Jean-Jacques met des heures,me semble-t-il, à poser ses couverts.Nous avons dû rester à nos places letemps que le jury délibère à voix basseavant d’exclure un candidat. Lors de ladiffusion, une page de pub coupel’émission, mais là je peux voir ce qui sepasse habituellement en direct.

Dommage, j’aurais pu envoyer unmessage à Suze, c’est le moment oujamais pour les bonnes ondes !

Je suis incapable de prier pour monpropre sort, j’ai déjà fort à faire pourempêcher mes genoux de trembler pourde bon. Je joue gros et j’en ai conscience.Si les autres candidats ont tous fait un

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beau chemin dans la cuisine et cherchentjuste à franchir une étape de plus, ceconcours pourrait être pour moi un sacrécoup d’accélérateur.

Ce concours peut me faire gagnercinq ans facile dans ma carrière !Prendre enfin ma revanche sur Slashconnard, me faire connaître, voirereconnaître de mes pairs…

Quand ils nous font signe d’approcher,j’ai les jambes en coton et mon cœur batà mes oreilles. Leurs regards nousbalaient et je me mords la lèvre, stressée.Si je pars la première… surtout face à unamateur, je dois bien l’avouer, mon egoaura du mal à s’en remettre !

– Je ne vous cache pas, il y a eu débat

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et c’est tout à votre honneur. Déjà chaqueépreuve a connu un « raté », mais pas dela même personne. Nous souhaitonsféliciter Edward et Camélia, trèsconstants, commence Jean-Jacques,provoquant un grand sourire que jeréprime difficilement, de peur de semblervantarde, avant de se tourner versAlessandro. Et nous tenons à souligner laqualité de ce que notre amateur a pufournir sur ses deux épreuves. Il reste desdéfauts. Les assaisonnements doivent êtretravaillés, c’est un peu « brut », sansmême parler de la présentation, mais onsent une vraie identité culinaire. Bravo àvous, Alessandro.

Ce dernier penche la tête. Il a l’airassez sombre, presque fermé. Serait-ce

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du stress ? Ce concours lui importerait-ilvraiment ?

Bizarre…

– Là où c’est plus compliqué, c’estpour Farah et James. James, votre saucecurry-chocolat était à tomber. Vraiment,pas un membre jury n’y a vu à redire,mais votre premier plat, par contre, étaitnettement en dessous. Farah, dans cettenouvelle épreuve il vous a manqué un peud’audace. Votre crème avocat-framboiseétait belle, la texture parfaite… maisl’inédit ? L’avocat n’est pas un classiqueen dessert, mais ce n’est pas non plusquelque chose qui peut laisser bouche béedes professionnels : nous connaissionstous déjà cette association. Les tomates

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farcies crues aux fraises et infusion decitron caviar de Camélia, pour le coup,fonctionnaient mieux. Le plat était froid,il n’y a pas des heures de préparation,mais elle a contrebalancé ça par un sorbetde céleri parfaitement exécuté. C’est cequi la fait arriver en tête aujourd’hui,même si Edward la talonne.

Le poids que je sens tomber de mesépaules est tel que j’expulse tout l’aircontenu dans mes poumons. J’ai réussi àme distinguer et, plus que lescompliments, je retiens comme unavertissement la remarque du jury sur letemps de cuisine de ma recette.

– Et pour toutes les raisons évoquées,si nous avons hésité, c’est Farah qui est

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éliminée.

– Madame et messieurs les jurés, jecrois qu’il est de mon devoir de signalerque Camélia a triché, annonce Farahfroidement. Je l’ai vue trafiquer quelquechose du côté du plan de travail de Jameset je pense qu’elle a sciemment sabotéson plat lors de la première épreuve.

Le poids dont j’étais débarrasséesemble d’un coup me revenir en plein surle dos tant je suis abasourdie. Je croiseson regard acéré et son visage ne laissepasser aucune émotion.

– C’est… du délire, finis-je parprononcer presque en bafouillant.

Bravo, super comme réponse,

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vraiment.

Le choc m’anesthésie presque et je nesais comment me défendre. Si je rétorquequ’au contraire, c’est elle qui a fait cedont elle m’accuse, j’aurai l’air d’unemauvaise perdante ou d’une gamineboudeuse.

– Vérifiez leurs bacs de sel et desucre. Ils sont numérotés, insiste Farah.

Un instant de flottement accueille lanouvelle. J’ai effectivement remarqué quesous nos bacs se trouvent des chiffres,sans doute pour que l’installation duplateau par l’équipe soit plus rapide etqu’ils évitent toute erreur. Après uneminute de plus à parlementer, c’est Brettlui-même qui se lève et contourne la table

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du jury. Le réalisateur semble hésiter àcouper l’enregistrement des caméras.Sans réfléchir, je suis Brett jusqu’à matable et le vois soulever les bacs. Tout cequi m’appartient est numéroté 2. Passeulement le sel et le sucre : il en est demême pour tous les ingrédients. Ainsipersonne ne s’approprie toute la crème dela réserve, et je sais ce que je peuxprendre au garde-manger. Ces indicationsse situent sous les produits ; letéléspectateur n’a pas besoin de ce genrede petits détails techniques.

Or, j’ai un bac 2 et un bac 3… Chiffreréservé à James. Je deviens blanche. Jesecoue la tête sans y penser. Brett goûteavec une cuillère le bac 3.

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– Du sucre, confirme-t-il à voix hautepour que Linda et Jean-Jacques puissentl’entendre.

Tout le monde me regarde, lesassistants sur le plateau, les deux camérassont braquées sur moi…

– James, avez-vous utilisé ce que vouscroyiez être du sucre dans l’un de vosplats ?

– Les crevettes. Je mets deux cuillèresà soupe de sucre dans la vinaigretteaigre-douce que je prépare, admet cedernier.

Ce n’est pas possible, Farah aforcément fait cet échange de bacs en plusdu sabotage de la recette de James. Et si

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elle a triché, elle l’a fait à la pause. Maisquelle preuve j’ai ? Aucune !

– J’aimerais donc que Camélia soitdisqualifiée sans attendre et parte deKeep Calm and Cook ! : c’est indigned’un tel concours, intervient Farah d’unevoix tranchante.

À nouveau, je secoue la tête et chercheune manière raisonnable de présenter leschoses, de leur faire savoir que Farah,chef reconnue dans son pays, qui est déjàapparue dans des guides et magazinesspécialisés – elle s’en est vantée dèsnotre rencontre –, peut avoir magouillé untruc pareil. Moi, sinistre inconnue,anciennement chef de partie dans unrestaurant et sans références…

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Je suis mal. Très mal.

Mes yeux croisent ceux d’Alessandro.Son expression indéchiffrable me trouble.

– Coupez !

Quand le réalisateur donne cet ordre,tout semble s’accélérer. On réclame unproducteur, les jurés quittent la table dedégustation où mes magnifiques boules desorbet au céleri finissent de fondre en uneflaque triste.

Elles au moins, elles sont solidaires.

Cette sensation acide qui me brûle lagorge m’en rappelle une autre et enfin jefais le lien, me souvenant de ce qui m’adéjà mise dans cet état : la trahison deSimon. Il m’avait volé l’une de mes

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créations pour la présenter dans unconcours de cuisine.

J’avais réfléchi à ce plat pendant desmois, réalisant divers tests et essais. Jem’y étais investie pour qu’il soit parfait.C’était mon « bébé » en quelque sorte,une grosse masse de travail. Tout ça pour,au détour d’une page de magazineculinaire, le voir étalé format A4, signédu nom de mon patron-amant. Sans qu’uneseconde il pense à me le dire, le lâche.Mais qui aurait cru son employéeméconnue, qui plus est sa petite amie ?Tout le monde aurait interprété ça commede la jalousie, il me l’avait assez répété.

Je recroise le regard d’Alessandro, àquelques pas de moi. Nous restons ainsi

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un long moment, même si je suisincapable de lire quoi que ce soit dansses yeux. Finalement, il me tourne le doset s’éloigne. Et c’est là que je reçois lecoup de grâce, en remarquantl’expression peinée de James. Le visagerieur s’est fermé. Il me dévisage avec unair qui me serre la gorge.

– James, je te jure que je n’y suis pourrien.

Il me laisse sans un mot, quittant leplateau d’un pas vif. Ce second rejetscelle quelque chose en moi et je memure dans le mutisme, tandis que les genss’agitent autour. Je pourrais confronterFarah, mais je doute que ce soit bien utile: personne non plus ne m’a crue dans ma

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propre brigade quand j’ai accusé Simondevant eux…

Mon regard morne balaie le décor etje vois Alessandro en plein conciliabuleavec Jean-Jacques Dorémont, un peu enretrait. Ce dernier se dirige ensuite versles autres membres du jury, qui discutentavec la prod et le réalisateur. Finalement,Linda se tourne vers moi. Son expressionenjouée a disparu. Je me force à lesrejoindre, pour ne pas passer en plus pourune lâche.

– Nous avons une idée qui nouspermettra de juger de votre avenir dansce concours, mademoiselle Chardenne.

Je hoche la tête d’un mouvementautomatique.

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Ironique pour un chef de se demanderà quelle sauce il va être mangé…

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7. Tel est pris qui croyaitprendre !

Au beau milieu de la salle de pause, jefais les cent pas comme une lionne encage, à peine consciente de mes allées etvenues. Depuis que la prod et le jury sesont isolés pour visionner lesenregistrements vidéo et trouver unepreuve de ma supposée tricherie, jeretiens mon souffle. J’ai beau savoir queje n’ai rien fait, je ne suis pas assez naïvepour croire qu’on ne punit que lescoupables, malheureusement.

Quand je me décide à l’affronter, Farah

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s’est éclipsée, comme par hasard. Jamespasse devant moi :

– James !

Il continue, faisant semblant de ne pasm’entendre. Je suis peinée de voir qu’ilgobe si facilement toutes ces accusations.

J’ai l’impression d’avoir la peste !

Passé le choc initial qui m’a presquerendue catatonique, incapable de medéfendre, je cherche maintenant un moyenpour sauver ma place dans ce concours.Le membre du jury que j’ai senti le plus àl’écoute est Linda. Brett aussi s’estmontré assez « ouvert ».

Pour le coup, c’est l’euphémisme dusiècle ! « Gros dragueur » serait plus

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précis.

J’ai l’habitude : en cuisine beaucoupd’hommes tournent paternalistes, oudragueurs tendance gros lourds : « Oh unesi grosse casserole pour ces petites mains! » Et ça, c’était la version édulcorée sansla vanne graveleuse sur la queue de lacasserole…

Je ne peux m’empêcher de faire d’aller etvenir inutilement. Je me décidefinalement à sortir mon portable et envoieun SMS à Suze pour tout lui raconter. J’aibesoin d’un peu de soutien, ladélibération semble se prolonger. À peinecinq minutes plus tard, elle me répond àgrand renfort de smileys.

[C’est pas vrai ?! XD ! La BITCH ! O.O

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Je suis sur le cul ! >.>]

Je tapote rapidement :

[Clair ! Je suis dégoûtée. Soupir (je sous-titre pour que tu l’entendes).]

[Tu dois être méga-combative : genreXena ! Et préparer un argumentaire enbéton armé… Tu veux que je vienne taperun scandale avec toi ?]

Je souris. Suze a toujours pile la bonneremarque pour dédramatiser et meredonner courage.

Quand je serai grande, j’aurai le culot deSuze.

Je réponds, plus déterminée :

[ Ça m’a rappelé l’histoire avec Simon

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mais, ce coup-ci, je ne prendrai pas laporte de sortie, tête basse. PAS DEUXFOIS, QUOI !]

[+1 ! J’ai une visite, désolée. Tum’envoies des news, hein ?!]

[Promis, en attendant, croise les doigtspour moi !]

***

Le temps passe si lentement que j’aienvie de secouer l’horloge qui indique 16heures au mur. Je continue de marchersans but sur le plateau, étrangement calmesans l’équipe technique, puis une voixm’interpelle. C’est un des assistants, lepetit roux aux lunettes carrées. Lescandidats sont enfin appelés dans la salle

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où le huis clos a eu lieu. Nous nousalignons devant la table du jury et je metiens droite, essayant de donner lameilleure image possible. Celle d’unecuisinière sûre d’elle, pas d’unetricheuse.

Je croise le regard impénétrabled’Alessandro. Il semble… circonspect ?Il m’encourage ? Je ne sais plus. Lindaprend la parole, me tirant de mesréflexions.

– Après un examen attentif des bandes,nous n’avons aucune image de l’épreuvequi pourrait incriminer Camélia. À aucunmoment elle n’approche du plan detravail de James…

Je soupire discrètement de soulagement.

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À croire que je craignais presque qu’onm’annonce le contraire.

Je deviens folle ou je gère plus mal lapression que je ne le pensais ?

– Le fait que vous ne trouviez rien n’estpas non plus une preuve qu’elle estinnocente, attaque Farah en me jetant uneœillade assassine.

J’en connais une qui gère bien lemensonge en tout cas…

– Effectivement, mais nous n’en sommespas restés là, précise calmement Linda.Après avoir visionné les enregistrementsdes cameramen, nous avons vérifié surles caméras qui surplombent le plateau etservent aux plans qui donnent une vue de

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l’ensemble du plateau ou à suivre lesdéplacements des candidats. L’angle n’estpas idéal, mais nous vous avons vue,vous, Farah, vous approcher du plan detravail de James. Sans aucun motifvalable.

Elle demeure impassible, une vraiejoueuse de poker.

– J’espère que vous ne comptez pas memettre ça sur le dos ? Je cherchais unesimple spatule, j’avais demandé à Jamesson accord. James ?

Ce dernier fronce les sourcils, il sembleun peu perdu mais finit par acquiescer.

– Elle a raison, j’avais presque oubliédans le rush, mais elle voulait

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m’emprunter une spatule. Je ne m’enservais pas, donc je l’ai autorisée à larécupérer.

Brett arbore un air impénétrable quim’intrigue. Je sens intuitivement queFarah est en train de s’enferrer : à saplace je me méfierais.

– Sauf que nous n’en sommes pas restéslà, Farah. C’est pour ça que ladélibération nous a pris un moment. Nousavons visionné les images filmées endehors des épreuves, sur les conseils denotre ami Jean-Jacques, dit-il avec unléger mouvement de menton à l’adressedu Français.

D’un geste vif ce dernier baisse la tête,contemplant ses cuticules. Je suis la

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direction dans laquelle il regardait etconstate qu’il fixait Alessandro, le mêmequi lui parlait juste avant le huis clos…

Bizarre, ils se connaissent ? C’est peut-être lui qui l’a fait entrer dans le concours?

Je me reconcentre quand Farah réagitd’une voix cassante :

– Je crains de ne pas comprendre…

Brett hésite quelques secondes… ou jouetout simplement avec nos nerfs pourménager un suspense.

– Mais je vous explique, chère Farah :nous laissons tourner les caméras horsprise. Les cameramen qui ont les camérasà l’épaule arrêtent de filmer. Par contre,

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les caméras qui dominent le plateau, toutcomme les micros, sont branchées enpermanence. Tout est enregistréautomatiquement dans des ordinateurs, cequi nous a permis de découvrir une scèneintéressante… souhaitez-vous que jecontinue ?

Je n’ose pas regarder Farah de face,pourtant je perçois de là où je suis lacrispation de ses poings…

– Je vois, se contente-t-elle finalement dedire à voix basse.

James paraît choqué, il dévisage Farahavec l’envie d’en découdre. Farah a l’aird’avoir croqué dans du citron.

– C’est vraiment Farah qui a procédé à

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l’échange ? finit par demander James, quisemble avoir besoin d’une confirmationpour y croire.

Comme la menteuse reste muette, Lindaapprouve à sa place. James secoue latête, visiblement écœuré, et se tourne versmoi.

– Désolée, Camélia, j’aurais dû m’endouter. Je trouvais ça bizarre mais… lesconcours changent les gens, conclut-il.

Le quadra costard-cravate à débutd’embonpoint qui représente laproduction sur l’émission se racle lagorge, attirant tous les regards sur lui.J’essaie de resituer son nom en pureperte. Sam quelque chose ? Nous avonsdéjà eu affaire à lui pourtant, mais à force

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je finis par zapper, avec le nombred’employés liés à l’émission qui gravitenten permanence autour de nous.

– Très honnêtement, c’est la première foisqu’une telle situation arrive. Une choseest sûre, si nous laissons ça dans leprogramme, la réputation de Mme FarahEdou risque d’être aussi entachée parcette histoire que Keep Calm and Cook ! ,ça serait une très mauvaise pub delancement. Le buzz autour du show doitêtre positif, nous mettons l’accent sur lacombativité, le dépassement de soi etl’excellence… En conséquence, il noussemble préférable, dans l’intérêt de tous,de retourner la fin de l’épreuveprécédente et que Mme Edou parte…

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– Proprement ? propose la voixd’Alessandro avec une pointe de cynismequi m’étonne.

Je me tourne vers lui, surprise. Il n’étaitpas concerné directement. Il devrait s’enfiche, un peu comme Edward qui a l’air àdeux doigts de bâiller, pourtant je sens sacolère.

Il a peut-être un sens aigu de la justice ?

– Disons que lancer le programme sur unscandale n’apportera que du préjudice etun buzz dont nous ne voulons pas. MlleChardenne est innocentée. Mme Edou serangera sûrement à notre avis…

– Je suis d’accord pour partir sans fairede vagues, confirme aussitôt Farah, très

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calme.

Je la dévisage, sidérée, et réalise qu’ellene semble absolument pas honteuse. Mamâchoire se contracte et je croise leregard curieux d’Alessandro. Lereprésentant de la prod se racle ànouveau la gorge.

Dans le genre bruit méga-agaçant…

– Mademoiselle Chardenne ?

Farah va s’en tirer car la réputation del’émission prévaut. Elle s’est montréedéloyale et pourra tout de même profiterdes retombées médiatiques de sonpassage dans Keep Calm : pubséventuelles, interviews, voireopportunités professionnelles, qui sait ?

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Un ou deux ans après la diffusion, leclassement importe moins que le faitd’avoir participé à Keep Calm and Cook! ; le public oublie vite. La colère mebrûle la gorge, mais j’acquiesce.

– Parfait ! Nous sommes ravis que toutecette méprise soit réglée.

Dès lors tout s’enchaîne et tant pis pourmoi si j’ai des regrets. Le chef de la proddoit d’ailleurs compter là-dessus, lemalin. Et il a raison, je m’imagine maltaper un scandale malgré le goût amer quej’ai en bouche.

Au moins je n’ai pas été virée ce coup-ci,je m’en sors… « mieux » ?

James s’approche de moi alors que nous

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rejoignons le plateau principal. À sonexpression penaude, je me calme aussitôt.Je lui souris et me force à prendre laparole.

– Je suis désolé…

– Ce n’est rien…

Nous avons parlé en même temps etpartageons un rire gêné. Je lève une mainapaisante.

– Vraiment, ce n’est rien. Tu avais toutesles raisons de te méfier, on ne se connaîtpas après tout.

– Des trois, honnêtement, tu es celle quej’aurais mise hors de cause. Si on m’avaitdemandé, j’aurais accusé Edward :j’aime pas ce type ! Enfin…

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Il semble réaliser qu’il s’est montré unpeu franc devant la femme qui pourraitvouloir se venger, vexée par cettehistoire. Sauf que je ne suis pas ainsi.

– Je pense la même chose, chuchoté-je.Depuis le début, je le soupçonne d’être ungenre de cyborg ; ça expliquerait sarapidité.

Ma blague est un peu nulle, mais ellefonctionne. Les yeux en amande de Jamesse plissent sous un sourire et je devineque nous venons d’échanger des excusesimplicites…

Est-ce que je me suis fait un allié ? Ça neserait pas du luxe vu les manips de laprod, Edward dont je me méfie et…Alessandro.

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Quand je croise le regard de ce dernier,un frisson me parcourt. Il paraît ànouveau plus chaleureux lorsqu’il passe àcôté de nous. Je réalise qu’il était resté enretrait pour parler avec Jean-Jacques,disparu il y a une minute par une autreporte.

– Ça expliquerait tout, dit James avantd’éclater de son rire franc que jecommence à apprécier. Alessandro aussiest une machine à ton avis ?

Une pensée incongrue me fait sourire.

Non, je n’ai pas du tout la chanson SexMachine de James Brown en tête… oh çava !

Nous discutons encore une minute dans le

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couloir puis James s’éclipse sur uneexcuse, il veut appeler sa femme avant deretourner sur le plateau. Alessandro estjustement en train de raccrocher quand jepasse à côté de lui pour rejoindre la sallede repos. Son regard me happe, malgrémoi, je ralentis.

– Qu’est-ce que tu fredonnes ?

Oups ! James Brown : chut ! C’est pas lemoment.

– Rien de spécial, un truc que j’ai en têtedepuis ce matin…

Pourquoi j’ai l’impression de ne pas êtrecrédible une minute ?

Il me détaille longuement avec uneexpression qui me donne le frisson. Sans

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raison, je crève d’envie de le toucher…sans doute parce que je suis dingue.

– Je suis content que tu restes dans le jeu.Tant mieux.

– En parlant de ça, je ne comprendstoujours pas ce que toi, tu fais ici,remarqué-je sans pouvoir m’empêcherd’être toujours un peu sur mes gardesavec lui.

Quand je ne bave pas, quoi !

Il hausse un sourcil. La chaleur aveclaquelle il m’a abordée dénote avec sonattitude depuis le début du concours. Ilsemble plus détendu.

Dire qu’on accuse les femmes d’êtreversatiles !

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– D’abord, tu apparais dans une émissionde cuisine, ce qui n’a aucun sens. Puis, tume soupçonnes de je ne sais quoi au sujetde notre rencontre au Black Dog… Boîtequi t’appartient, j’en suis maintenant sûre.Je me sens bête de ne pas l’avoir devinésur le coup ! Bref, tu es dur à suivre.

Sans réfléchir, je viens d’avouer avoirfait des recherches sur lui pendant malongue attente lors du huis clos, mais tantpis ! Google sert à ça et après tout, c’estde l’ordre du domaine public.

– Effectivement, je suis le propriétaire duBlack Dog. Mais je ne l’ai jamais nié,admet-il, sur la réserve.

– C’est UNE de tes boîtes, précisé-jesans pitié. Je ne comprends pas ce que tu

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as à gagner dans Keep Calm. Tu n’es pasde ce milieu… et tu n’as a priori aucunbesoin d’argent. Donc qu’est-ce que tuveux ?

Je retiens ma respiration. Un instant, ilsemble hésiter, j’espère qu’il va seconfier, puis cette impression vacille,balayée par un sourire un peu suffisantqui ne lui ressemble pas.

– Je suis un homme de challenge. Un pariun peu bête un soir avec un ami… Tu saisce qu’on dit, les Italiens sont de grandesgueules.

Sa sortie nonchalante me hérisse : je sensqu’il me balade. Sans doute le comprend-il, car son expression change. Comme siun masque glissait de son visage, il

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devient plus sérieux :

– Camélia, j’aime beaucoup ton franc-parler et tu m’as convaincu de ta bonnefoi avec Farah. J’ai trouvé ta manière derefuser de te défendre courageuse. Plutôtque de t’empêtrer dans des explications,tu as préféré relever la tête et leur fairefront, sans accuser les autres, franchementc’est tout à ton crédit.

Je plisse les paupières. Essaie-t-il dem’embrouiller ? Un pas nous sépare, çame semble à la fois trop et pas assez, tantje suis troublée.

– Tu le penses vraiment ?

Il secoue la tête avec une expression quifinit de m’affoler.

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– On devinait ta panique, mais j’ai eul’impression que tu étais sûre que lavérité allait éclater… À mon sens, tropidéaliste, mais vraiment adorable. Euh,louable. Je voulais dire…

Il paraît gêné et je me retiens de sourire,son masque impassible réapparaîtaussitôt, comme pour le protéger.

– Le tournage reprend ! nous interpelle unassistant du réalisateur que je reconnais àson look un peu geek. Il faut rejoindre leplateau.

– Nous arrivons, assure Alessandro. Lesprochaines épreuves seront en duo, nousaurons peut-être l’occasion de faire lapaix en cuisinant côte à côte ?

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Sur un dernier regard trop appuyé pourme laisser de marbre, il se dirige vers leplateau. Je le suis sans réfléchir.

Si on doit faire ne serait-ce qu’un œuf auplat ensemble… c’est moi qui serai cuite!

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8. Enterrons le hachoir deguerre

Je retrouve les studios le lendemain avecplus d’énergie. La nuit m’a permis dedigérer l’histoire avec Farah et en parleravec Suze m’a fait un bien fou ! Je lui aitout raconté en essayant de rendre çadrôle, ainsi j’ai pu relativiser. Je lui aidécrit les félicitations du jury à Farah, quiles a reçues avec un infâme souriremodeste.

Si elle renonce à la cuisine, je la voisbien se reconvertir en actrice !

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Une costumière vient me trouver pourm’annoncer que la prod a demandé unerectification de ma tenue. Je la suis etfinis en soutien-gorge et pantalon àattendre qu’elle sorte de sa réserve avecma nouvelle veste. Son local est plein àcraquer et elle ne semble pas vraimentadepte de l’ordre.

Alors qu’elle farfouille à côté, je lève lavoix pour me faire entendre :

– Qu’est-ce qui n’allait pas avecl’ancienne ?

– Euh… on l’a commandée trop grande,en fait, argumente-t-elle, un peuincertaine.

J’attrape la veste sur la chaise pour lire

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l’étiquette.

– Je fais toujours du S, il n’y a pasd’erreur.

Elle revient avec ma nouvelle tenue.

Ah, vu ainsi… le problème réel, c’étaitsurtout de « sous » tailler.

La brunette m’adresse un sourire gêné.Devant mon air circonspect, elle jouefranc jeu :

– La prod a décidé que vous étiez l’atoutcharme de cette année. Ils veulent mettreen valeur votre corps pour vous donnerun aspect fragile, comme vous êtes toutefine… Désolée.

Je soupire. La pauvre n’y est pour rien etc’est le genre de magouille que je

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redoutais en m’inscrivant.

Enfin, c’est toujours mieux que cettecandidate, il y a deux ans, qui avait l’aird’une arriviste finie. Tout le monde l’adétestée, moi la première, jusqu’à ce queje lise une interview où elle dénonçaitune manipulation des images par la prodqui avait allègrement coupé ses répliqueset des bouts de scènes dans ce but.

En enfilant la veste qui épouse de prèsmes formes, je ne peux m’empêcher depenser que c’est bien fait pour moi. J’aila tête sur les épaules, je me doutais quetous ces shows télé étaient trafiqués.

– Le col est déchiré, je vais devoir ledécoudre et en remonter un, remarque lacostumière qui m’observe d’un œil

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critique. Normalement, j’en ai dans uncarton, je peux vous demander depatienter ? Autant choisir un col à labonne taille pour ne pas le recouper.

Je déboutonne la veste et la lui tends.Lorsqu’elle est partie, je réalise que monautre veste aussi a disparu et que je n’airien à me mettre jusqu’à son retour.

C’était le jour pour porter mon soutif auxbalconnets transparents, super-sens dutiming !

Je soupire et décide de prendre mon malen patience quand je vois avec horreur lapoignée se tourner et Alessandro entrer.

Je suis la seule à qui ce genre de gag peutarriver !

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– Hey, lancé-je, mal à l’aise.

– Désolé ! Je pensais que la pièce étaitvide…

Son regard pique vers mon décolleté.J’hésite à me cacher derrière mes mains,mais son expression rêveuse m’endissuade. Où est passé le macho de ladernière fois ? Celui qui en impose etsourit de manière arrogante…

Pas de femmes en cuisine ? Sûrementparce que tu ne pourrais plus teconcentrer, pas vrai, Alessandro ?

Amusée, je me redresse, bombant presquela poitrine, juste pour observer saréaction. Sa bouche s’entrouvre desurprise. Poussant le vice, je franchis la

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distance qui nous sépare.

– Alessandro, qu’est-ce que tu voulais ?

Une douche froide peut-être ?

Il se reprend et ses yeux remontentjusqu’aux miens.

– J’ai taché ma veste. Je venais endemander une nouvelle à Mary.

Je vois sa pomme d’Adam bouger,comme s’il avalait sa salive. Mon largesourire disparaît quand moi-même, jeréalise que nous sommes seuls. J’aiterriblement conscience de sa présence,de l’attraction qu’il exerce sur moi.

Un trouble insidieux s’installe. J’ignorequi réduit la distance entre nous, mais mamain se pose d’elle-même sur son torse.

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Il est en T-shirt et les muscles affleurentsous sa peau. Une chaleur émane de lui,qui m’appelle. Tout le reste s’estompe :le concours, cette histoire de femmes encuisine… Ma tête n’a plus voix auchapitre, mon corps est le seul às’exprimer, surtout quand il me dévoredes yeux ainsi et que son odeur me donneenvie de me blottir contre lui pour toutoublier. Nous nous collons un peu plus etje me dresse sur la pointe des pieds, pourl’inciter à m’embrasser.

– J’ai ce qu’il faut pour votre veste,Camélia ! annonce Mary qui pousse laporte restée entrouverte.

Quand elle entre, nous nous sommes déjàséparés en catastrophe. Nous échangeons

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un regard et j’ai l’impression qu’ilregrette autant que moi l’interruption.Mary, avisée, ne dit rien, elle me montremon nouveau col et Alessandro s’éclipse.

Je prends place sur une chaise enattendant que Mary s’occupe de ma tenueet j’en profite pour envoyer des SMS àSuze pour me porter chance. Je ne peuxm’empêcher d’être à la fois frustréed’avoir raté ce qui allait se passer… etamusée d’avoir réussi à troubler ainsiAlessandro, qui paraît toujours si maîtrede lui. Puis je me rappelle à l’ordre : uneépreuve va bientôt commencer, je n’aipas le temps pour tout ça !

***

Sur le plateau, je retrouve la lumière

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légèrement aveuglante des projecteurs,ainsi que le jury qui nous fait face.

– Une nouvelle épreuve se profile pourvous, commence Jean-Jacques. Elle sejouera en duo ! Vous devrez faire équipeet trouver un compromis pour que votreplat témoigne de vos nationalités, devotre mixité. Vous aurez des alimentsreconnus de votre gastronomie à ajouter àce que vous allez préparer.

Aussitôt il énumère les spécialités quenous devons inclure et j’écope ducamembert. Je me retiens de grimacer, cen’est pas vraiment mon truc.

– À chacun d’apporter ses idées, de lesproposer justement, explique Jean-Jacques Dorémont avec un brin de

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malice, comme s’il rêvait en fait de nousvoir nous entretuer.

Quand la caméra a fait le tour de nosréactions, c’est Linda qui reprend :

– Nous avons décidé de rendre hommageà notre dernière candidate féminine, «honneur aux dames » ! C’est doncCamélia qui pourra choisir son partenairela première, déterminant ainsi lacomposition des équipes.

À la tête d’Edward, je devine qu’il sefiche comme d’une guigne de monhonneur. Mais je ne suis pas dupe ; c’estle genre de fleur qui peut coûter cher.

Le public n’aime pas voir un candidatfavorisé, cette histoire ne joue pas pour

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moi.

Je fais bonne figure et réfléchisrapidement. Mes yeux passent sur mescollègues… sauf Alessandro. La scènedans la loge ne cesse de me revenir àl’esprit. James sourit en coin, comme s’ilétait sûr d’être choisi, et je lui donneraison. C’est en grande partie stratégique: Alessandro me trouble trop, et je nepeux être déstabilisée. Quant à Edward, ila eu comme aliment typique du ketchup etje n’ose imaginer le mélange avec monpauvre camembert.

Sans compter que je supporte de moins enmoins ce bêcheur ! Si je l’entends encoreune fois se vanter, je risque de lui filer uncoup de poêle en mode Raiponce !

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– Je vais choisir James, annoncé-je.

– Parfait ! s’enthousiasme Brett, sur unton qui sonne affreusement faux. Edward,Alessandro, vous l’aurez compris, il vousfaut allier vos forces. C’est parti pour uneheure et demie de cuisine, bonne chance àtous !

Pour l’occasion, le plateau a étéréorganisé et il n’y a que deux grandsplans de travail qui se font face. Nous nenous gênerons pas, tout en communiquantplus facilement.

Au départ, la présence de James medéstabilise : il semble prêt à bondirpartout et je ne peux m’empêcher de mesentir dans la peau de l’intello de notreteam.

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– Ma belle, on va faire un truc dément !Tu as bien fait de me choisir.

Son enthousiasme est tel que j’éclate derire. Nous commençons à réfléchir à notreplat. Je sais que le camembert se mariebien à certains fruits ou au sésame. Lasauce soja, produit imposé de James, estl’un des meilleurs amis du sésame. Àpartir de là, nous cherchons différentestextures, assemblages. Une crème decamembert peut être délicieuse, et pluslégère que de vrais morceaux de fromage.Par petites notes, nous trouvons lesaccords qui composeront notrepréparation.

L’exercice en duo se révèle plus difficileque d’être le seul chef d’orchestre, mais

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pas impossible non plus : l’un commel’autre, nous avons travaillé dans degrandes cuisines et nous avons l’habitudede bosser en équipe. James écoute mespropositions et en fait des excellentes,comme celle de réaliser un trompe-l’œilsalé d’un plat sucré. Nous optons pour lareligieuse, et nous répartissons les tâches: il s’occupe de la pâte à chou pendantque je commence la crème de camembertqui la garnira. Nous ferons ensuiteensemble le glaçage à la sauce sojaparsemé de sésame torréfié, qui donneral’illusion du caramel.

Le temps file à toute vitesse : quand jemets la crème à reposer, quarante minutesse sont écoulées. À peine le glaçage prêt,il nous faut monter la crème au batteur.

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Nous finissons de dresser nos assiettesune minute avant la fin du chrono.

Je relève la tête, en nage. Je comprendsmieux pourquoi James court le marathon àchaque fois ! Il déborde d’idées et on selaisse vite entraîner. J’ai dû le freinerplusieurs fois, sans ça je suis sûre qu’onaurait proposé une pièce montée au jury !

Mes yeux parcourent la salle avecl’impression de sortir d’une transe. C’estsouvent le cas pendant un coup de feu encuisine : on a des dizaines de gens quiattendent d’être servis en même temps,chaque assiette doit être parfaite etarriver chaude, comme un challenge sanscesse renouvelé. Cette épreuve m’a donnéce genre d’adrénaline qui me plaît tant

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quand je cuisine. Les caméras sonttotalement passées au second plan ; lachaleur étouffante du plateau à cause desspots ou même la présence d’Alessandro,plus rien n’a d’importance.

En plus j’avais la chance d’être avecJames, qui est un vrai show-man ! Àchaque fois qu’une caméra est venue nousfilmer, je l’ai laissé gérer la « com » etme contentais de m’occuper descasseroles. Alessandro me regarde et jelui souris sans réfléchir, juste parce quenous avons finalisé une étape de plus etque le millefeuille que j’aperçois chezeux est joli.

L’équipe technique et les candidats sedispersent. La dégustation aura lieu après

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une courte pause ; comme les plats sontfroids, le jury en profite pour finir lesinterviews individuelles qu’il acommencées, même si la magie dumontage donnera l’impression que tout aeu lieu d’une traite.

Quand je m’apprête à quitter le plateau,je tombe nez à nez avec Brett.

– Chère Camélia ! Je voulais savoircomment vous viviez ce concours. Sacréchallenge, non ?

S’ensuit toute une avalanche de conseilsqui va de mon hygiène de vie (biendormir, penser à m’hydrater), mais aussià « m’imprégner » de New York ou desmoyens d’associations d’idées pourtrouver l’inspiration lors des épreuves,

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que je ne comprends même pas… Ausecours.

Il compte réellement me tenir la jambecinq minutes pour m’expliquer où je doismanger un sandwich au pastrami ou lemeilleur cheesecake de la ville ?! Ce typeest fou ou très seul !

Il se rapproche subrepticement, mais jene vois pas comment reculer sans que çase remarque. Il jette un coup d’œil autourde nous et je l’imite. Personne àl’horizon.

– Vous êtes une candidate avec un énormepotentiel, je n’en doute pas, dit-il avantde faire glisser son regard sur moi. Vos…atouts sont nombreux, je serais ravi d’êtrevotre mentor ici.

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Si, au départ, je peux douter du doublesens de son discours, quand il me fixe etpose une main sur mon épaule pour lacaresser, impossible de jouer pluslongtemps l’autruche.

Je me dégage d’un coup sec et recule.

– Je préfère faire mon chemin seule dansce concours. Je vous remercie pour la…proposition, mais je vais y aller aufeeling.

Son expression change brusquement, sabouche se plisse et je pressens qu’il al’ego de la taille de l’Empire StateBuilding, il ne peut que mal le prendre.

– Vous devriez y réfléchir, chère Camélia,vous pourriez le regretter.

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Je continue à le regarder bien en facesans frémir. Il ne me fait pas peur : j’aibossé des années dans des brigadesmasculines où chacun trouvait normal deme pincer les fesses jusqu’à ce que je lesremette à sa place.

– Je ne reviens jamais en arrière,conclus-je fermement.

Ma réplique résonne dans le silenceinhabituel du plateau.

Brett s’en va sans un mot, ravalant sacolère et… un début d’insulte peut-être ?

– Camélia ? m’interpelle une voixinquiète dans mon dos.

Je sursaute et me retourne d’un bloc.Alessandro s’avance vers moi avec une

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drôle d’expression. Pourtant j’aurais juréqu’il n’était pas dans les paragesquelques minutes avant. Bizarre. Ilsemble sans cesse traîner de-ci de-là et jesuis à peine surprise par son apparitionimpromptue. Je ne sais pas s’il en aconscience mais il s’approche toujourstrès près pour me parler, si bien que c’estimpossible de faire abstraction de l’effetqu’il a sur moi. Mes yeux descendent surses lèvres malgré moi…

Misère ! Ne pense pas à ça maintenant outu es foutue !

Comme s’il pouvait lire en moi, il ajoute,ironique :

– Content de voir que la partie estrelancée ainsi, j’avais peur de

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m’ennuyer… heureusement tu es là.

Parle-t-il du fait que je continue leconcours ou de notre dérapage de cematin ? Sa bouche s’étire en un sourire etje ne peux m’empêcher de la fixer avecenvie. Je relève les yeux et la lueurcoquine dans ses yeux me donne soudaintrès chaud. Je m’empresse de changer desujet. Courageuse mais pas téméraire !

– Ça a été avec Edward ? Je lesoupçonne d’être un peu control freak,plaisanté-je, me demandant s’il a puentendre ma conversation avec Brett.

Il secoue la tête et fait un pas de plus versmoi. Son odeur qui me parvient, virile etchaleureuse. Elle me rappellel’Alessandro du premier soir, quand il me

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regardait comme si j’étais la seule àcompter à ses yeux.

– Alors on fait comme si rien ne s’étaitpassé ? Tu préfères parler des jeuxofficiels plutôt que des autres, plus…épicés ?

Le sourire éblouissant qu’il me lance mefauche en plein cœur. Ce dernier batcomme un sourd, et je me sens… paumée.Cet homme est un poison… Ou unedrogue ? Il me court-circuitecomplètement la tête avec seschangements d’attitude incessants.

– Alors ? Tu acceptes ?

De t’embrasser et plus si affinités ?

– Pardon ? demandé-je, réalisant soudain

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que j’ai dû rater une de ses répliques.

J’ai du mal à réfléchir quand il medévisage ainsi, mais il précise :

– Mes excuses, et repartir de zéro…

On se regarde un moment, nos yeux sontaimantés, impossible de me détourner.Repartir de zéro… et oublier notre nuitdont les souvenirs me hantent de plus enplus ? Non, j’en suis incapable. Je finispar répondre, honnête :

J’accepte tes excuses.

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9. Interviews et petitssecrets

Il est déjà 15 heures, nous avonsenregistré la scène où le jury déguste nosplats avant d’avoir droit à un peu derepos bien mérité. Notre plat, à James etmoi, a été complimenté et qualifié demariage avant-gardiste. A priori,l’équilibre était à la limite de basculer –trop grande variété de goûts – mais çafonctionnait quand même. Edward etAlessandro ont reçu une critique plusmitigée, cela manquait d’audace, le

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ketchup ne se sentait pas dans lemillefeuille de pâtes à la sauce roquette.Je suis ravie de notre prestation avecJames, on a apparemment assuré quelquespoints !

Pendant cette « pause », nous nousrestaurons au buffet ; alors que noussommes censés récupérer de cetteépreuve, nous sommes chacun notre tourinterrogés pour les mini-interviews quiponctueront l’émission. Je regarde mamontre : moins d’une heure à attendremaintenant. Nous reprenons le tournage à17 heures, ça sous-entend que la prod nenous lâchera pas avant la soirée.Étrangement, le rythme me fatigue plusque celui tenu dans les cuisines duPalace.

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James est appelé le premier et je serai ladernière. Comme je meurs de faim, jepréfère manger calmement, puis téléphoneà Suze pour tout lui raconter. Je suis seuledans la salle de repos et surveille la portepour baisser la voix si besoin.

– Il a vraiment dit ça ? s’étonne-t-elle,avant de crier, me faisant perdre undixième d’audition. Eh ! Regarde où turoules, crétin de taxi !… Mais tu le crois,il a failli m’écraser et il me fait un doigtd’honneur, sérieusement !

Je me retiens de rire et demande d’unevoix innocente :

– Tu marchais où ?

– Je ne vois pas… oui, bon, en dehors du

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passage clouté, mais ça vient à peine derepasser au vert !

Je pouffe.

Celui qui arrivera à faire admettre à Suzequ’elle a tort n’est pas encore né.

– Pour te répondre, oui, il a dit ça.

– C’était une menace, non ?

Mon sourire s’estompe de lui-même, jevérifie à nouveau si je suis seule.

– Ça y ressemblait, en tout cas. Je ne l’aijamais apprécié à la télé, mais en vrai,c’est pire ! Il y a un truc, je ne sais pas…

– Genre Barbe-Bleue ou Hannibal Lecter,en plus récent ?

J’éclate de rire.

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– Quand même pas… Plutôt un don juanvieillissant qui se sert de sa position pourvoir s’il y a moyen de se servir aupassage. Enfin, c’est une impression.

Edward réapparaît, il se dirige vers lebuffet à l’autre bout de la salle de repos.Alessandro lui succède, il doit donc êtreen interview. L’info clignote soudain dansmon cerveau surmené. Je raccroche etrejoins le plateau où se déroulent lesentretiens. C’est un des derniers décorsvers le fond de l’entrepôt. Il est censéreprésenter un garde-manger bien rempli,tout en étagères chromées. En fait, laplupart des aliments sont factices, mais sibien imités que j’avoue avoir essayé deles renifler.

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Et ils sentent délicieusement bon leplastique !

J’approche en catimini et me cachederrière une des imposantes camérasréservées au plan d’ensemble.Alessandro, dans la lumière des spots, estassis face à la personne qui l’interviewehors champ.

– Comment vous est venue cette passionpour la cuisine ? reprend la femme enface de lui.

Il lui sourit, une émotion indéfinissablepasse sur son visage. Son assurancenaturelle est différente de celle du BlackDog. Alors qu’il émanait de lui unesensualité dangereuse, il me semble plussolaire à cet instant. Il rayonne d’une

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confiance qui me rend rêveuse : je neparviens à être ainsi qu’en plein coup defeu.

Et il est beau à pleurer, c’est parfaitementinjuste !

– C’est grâce à ma mère. Commebeaucoup d’enfants, je traînais dans sespattes quand elle concoctait des platstraditionnels italiens. C’était uneexcellente cuisinière. Dans le restaurantoù elle travaillait, elles n’étaient quedeux à la cuisine et elles sortaient unecinquantaine de couverts par service.Tout ça avec un équipement minimum etdans un espace réduit.

– Que pensiez-vous de votre mère ? Cedevait être un métier exigeant qui lui

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prenait beaucoup de temps ?

Il hésite à peine une seconde avantd’avouer avec une drôle de voix :

– Je crois que j’étais très fier. Elle géraittout, les achats, la préparation, lacuisine… J’ai beaucoup de respect pourles femmes cuisinières, ma mère m’aparlé de l’ambiance qui régnait dans lesrestaurants où elle a eu un poste ; uncertain machisme régit cet univers. Il n’ya qu’à voir le nombre de chefs hommesmédiatisés en comparaison avec leurshomologues féminines…

Ma gorge s’est serrée au fur et à mesurede son discours. Une évidence s’impose àmoi : il s’est bien foutu de moi ! Le grosmacho qui m’a servi cette histoire de «

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cuisine de bonne femme » n’en pensaitpas un mot ! Ce qui me touche par-dessustout, c’est la sincérité que je sens en lui.Je me suis imaginé Alessandro enfant,dans les jambes d’une grande femmebrune, devant une casserole de sauce. J’aiconscience que c’est ridiculementsentimental, que c’est une espèce d’imaged’Épinal irréaliste… pourtant j’en ai leslarmes aux yeux.

– Et qu’est-ce qui a amené unbusinessman comme vous qui possède lesboîtes de nuit les plus huppées de NewYork à participer à un tel concours ? Çadoit représenter un sacré challenge, non ?relance-t-elle.

Aussitôt je dresse une oreille. Je me suis

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moi-même questionnée là-dessus depuisson arrivée sans trouver une réponsesatisfaisante. C’est presqueimperceptible, mais je remarque que lesourire d’Alessandro se crispe, sesépaules se raidissent. Peut-être ne le voit-on pas à la télé, mais je développe uneconscience aiguë de tout ce qui concernecet homme.

– Eh bien, vous savez, j’aime leschallenges. C’est ainsi que j’ai acquis mapremière boîte.

– Racontez-nous ça, l’encourage-t-elle.

– Je suis devenu le gérant d’une boîte etj’aimais bien l’univers de la nuit. J’aidécidé d’avoir ma propre affaire etracheté un établissement qui venait de

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faire faillite pour une bouchée de pain.Cette boîte, c’est le Black Dog, et avecles bénéfices j’ai acheté le Black Storm,puis le Black Rose… J’envisage ceconcours avec le même sérieux. Je vaistoujours au bout de ce que j’entreprends.Une fois un but fixé, je fais tout pourl’atteindre.

– Mais avec toutes vos responsabilités,cela a vraiment dû être un casse-tête, non? À moins que vous ne soyez maintenantqu’un riche oisif ? plaisante la femme, quime semble à deux doigts de minauder.

Ils rient ensemble et une pointe dejalousie me titille.

– Je vous rassure : je travaille comme unforçat ! J’aime tout contrôler. Je fais

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presque une psychothérapie en participantà cette émission et en laissant mescollaborateurs gérer les affairescourantes. Mais je voulais vraiment fairece concours.

– Pourquoi ?

Alessandro ne bouge pas, son sourirereste le même, pourtant je le sens faux.

– Ah, vous savez, c’est un secret, mais…les femmes adorent les cuisiniers ! Unevraie arme de séduction massive !

Un nouveau rire ponctue sa réplique, quime déplaît pour de bon.

Ça y est, je suis vraiment jalouse…

Après quelques banalités, Alessandro selève, il en a fini avec son interview. Je

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fuis aussitôt pour éviter de me fairerepérer. Je dois faire un détour par lemaquillage avant de passer à la casseroleà mon tour.

Vive le jeu de mots pourri de cuisinière !

Encore perdue dans mes réflexions, jeremonte le couloir la tête ailleurs etmanque de peu de rentrer dans une femmequi déboule en sens inverse. Alors que jem’écarte pour lui laisser le passage, ladétaillant sans y penser, elle s’arrête. Elleest belle, typée latino, avec des formespulpeuses et assez jeune.

– Bonjour, vous pouvez sans doutem’aider, je cherche Alessandro Lazio,sauriez-vous où il se trouve ?

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– Il sort d’une interview, il ne devrait pastarder…

Je me tourne pour lui indiquer ladirection du doigt, et elle me remercied’un sourire glacial. Elle vient voirAlessandro, elle est magnifique… Jen’aime pas ça ! En plus, c’est mon parfaitopposé, entre sa crinière brune, sapoitrine généreuse et son teint mat.

– Vous voulez que j’aille lui dire quesa… qui êtes-vous ? Je peux peut-êtrepasser le message.

Un point pour la subtilité !

Je souris, affreusement gênée.

– Alessandro est mon…

Une sonnerie de portable retentit.

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Aussitôt, elle plonge le nez dans sonimmense sac de marque.

Elle y trimballe un labrador ou quoi ?

Après un coup d’œil à l’écran, elledécroche. Impérieuse, elle me fait unsigne de la main pour m’ordonner de metenir tranquille quand elle me voit prête àrepartir.

– Allô ? Oui… Je sais qu’il reste unpapier à signer et je m’en occupe. Je doisjuste en discuter avec mon mari, ça serabon dans la journée.

Mes yeux détaillent les doigts autour dusmartphone dernier cri, effectivement, unealliance…

Euh, minute ?!

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Alessandro est « mon »… quoi ? Et elleparle de son mari ? Il est marié ?! Lastupeur me fige, et j’entends presque moncœur battre à mes oreilles. Je décided’arrêter là les dégâts et m’éclipse aprèsun geste vague pour lui montrer à nouveauoù se trouve Alessandro.

***

Vingt minutes plus tard, je suis fin prête etrejoins le décor réservé aux interviews, àpeine calmée.

– Ah ! Formidable, j’allais demander à cequ’on vienne vous chercher, Camélia !

Celle qui mène l’entretien est la mêmeque pour Alessandro, elle se nomme Lucyet me bombarde de recommandations, tout

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en me conseillant surtout d’être « le plusnaturelle possible ». Elle doit avoir laquarantaine et s’exprime sur un débitultrasonique.

Pire que Suze, qui se défend dans ledomaine…

– Installez-vous ! J’ai tellement hâte d’enapprendre plus sur vous ! J’adore lesFrançaises !

Elle insiste sur le « o » de « adore » demanière un peu agaçante. Toutes sesphrases ont l’air ponctuées de pointsd’exclamation, tant elle parle avecenthousiasme. Je m’assois, sur mesgardes, repérant du coin de l’œil lepositionnement des caméras.

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Nous commençons l’interview par desbanalités : je me présente, dis que je suisfrançaise, fille unique, détaille monparcours… Sans doute pour me mettre àl’aise. En réalité, je préférerais largementque nous nous concentrions sur la cuisine.Une drôle de sensation me vient et jebalaye la pièce du regard. Alessandro estappuyé contre une cloison non loin. Pourle coup, il ne se cache pas comme moi.Désarçonnée, je bafouille une réponsemaladroite.

La femme que j’ai croisée dans le couloirapparaît à ses côtés. Il se redresse et neréagit pas à la main qu’elle pose sur sonbras. Ma mâchoire se serre et je suis sûreque mon explication en cours surl’organisation d’une cuisine avec un chef,

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des chefs de partie, etc., inspirée dusystème militaire, a l’air encore plusrébarbative.

Mais comment ignorer le fait que ce typem’a trahie ? Sans parler de l’effetdésagréable de le voir avec une autre…

J’ai envie de mordre ! Quel sale menteur! Il peut se la garder sa « paix » !

– Camélia, Alessandro nous parlait deson admiration pour les femmes encuisine, que pensez-vous des cuisiniers ?

Je cligne des yeux, surprise. Lucy attendma réponse et la caméra est fixée sur moi.Je devrais dire quelque chose de neutre,louer la bienveillance de mes confrères,mais je suis assaillie par une colère

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froide. J’ai de nouveau été trahie par unhomme, alors que celui-ci me semblaitdroit et sincère. Cela fait sauter tous mesbarrages et me rend dangereusementhonnête.

– Vous savez, ils sont commed’habitude… en pire ! Les vantards lerestent, et assurent pouvoir faire desprouesses dont ils sont incapables. Lesflemmards profitent du collègue efficaceet il n’y a pas plus individualiste etopportuniste qu’un chef qui veut arriver àses fins ! Je ne vois pas un corps demétier aussi exigeant où les femmes n’ontpas à prouver leur valeur, la cuisine enest juste un exemple criant… tout commel’armée, asséné-je.

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Mon humour féroce met mal à l’aise moninterlocutrice. Elle rit, désarçonnée, maisle cœur n’y est pas. Elle préfèreenchaîner :

– Vous avez travaillé pour le PalaceCharles, à Paris, et son célèbre chef,Simon Fréget.

Là, j’ai l’impression que tout mon visagese fige, je me force à garder un sourirequi ne doit pas être moins effrayant quecelui du Joker.

– Il a une certaine réputation, insiste-t-elle les yeux plissés. Un homme àfemmes, est-ce que…

– Vous savez, il y a beaucoup de rumeurs.Je ne m’y attachais pas trop : on a trop de

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boulot en cuisine pour s’occuper de ça. Jeme rappelle par contre d’un collègue,Gus, qui avait juré de demander enmariage son poste de travail tant il ypassait de temps !

Mon changement de sujet n’est pas subtil,je le vois aux sourcils froncés de Lucy,mais j’arrive néanmoins à la faire mordreà l’hameçon.

L’interview se finit sans nouveauxdérapages et je quitte le décor, soulagée.Alessandro a assisté à tout l’entretien,s’éclipsant seulement quand on meremerciait. Je n’ai pu m’empêcher de lessurveiller, lui et la brune.

Enfin, sa femme, je dois m’y habituer.

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Rien qu’à cette pensée, j’ai envie deserrer les poings et de frapper quelquechose. Ce qui est stupide ! Il ne m’a rienpromis, j’en ai bien conscience. Maisl’idée d’être « l’autre », la maîtresse, medonne la nausée. Je ne trouve pas laposition plus appréciable que quandSimon passait son temps à fréquenter desfemmes dans mon dos.

C’est le moment de te jurer quelque choseà toi-même : évite ce type, arrête de lecroire. Il est comme les autres : un grosmenteur et profiteur. Il est juste un peuplus doué pour dissimuler ses intentions.

Forte de cette résolution, je retourne surle plateau pour la prochaine épreuve.

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10. Quand l'Italie épouse laFrance

– Nous voilà de retour pour une nouvelleépreuve ! Camélia, encore à vous dechoisir votre partenaire pour ce duo. Bienévidemment, vous ne pouvez faire équipeune fois de plus avec James, çamanquerait de sel, si vous me passez lejeu de mots culinaire, s’amuse Brett,provoquant un rire de complaisance chezEdward. Vous avez donc l’Italie, etAlessandro, ou l’Amérique, avecEdward.

J’hésite un instant. Fréquenter Edward me

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semble un lourd tribut à payer pour matranquillité, à savoir éviter à tout prix deme rapprocher de ce menteurd’Alessandro. Mais quelle autre optionai-je ?

– Je mets le cap sur l’Amérique, pourfaire honneur à New York, que j’appréciede plus en plus !

Au sourire finaud qui se dessine sur leslèvres du critique, je viens de me tirerune balle dans le pied !

Qu’est-ce qu’ils ont encore inventé…

– Chère Camélia, reprend-il. Vousconnaissez le principe de l’émission ?Nous souhaitons que nos candidats nousprouvent leur sens du challenge et garder

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une certaine « justice ». Nous allonsdonc… inverser votre choix ! Ce n’estque justice après ce premier avantage.Vous serez donc avec Alessandro, qui n’apas eu votre préférence ce soir !

Si seulement…

– Et James et Edward feront équipe deleur côté pour cette heure d’épreuve. Lathématique du jour est sous le signe dumariage, l’union gourmande de vos deuxpays : Camélia et Alessandro aurontcomme seule indication : « Quand l’Italieépouse la France », et vous, James etEdward…

Je n’entends plus la voix de Brett.Pourquoi cette idée me remue-t-elle ainsides pieds à la tête ?! Cela me rappelle

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sûrement un peu trop l’alliancequ’Alessandro devrait porter.

Tout s’enchaîne, je me retrouve derrièreun plan de travail avec lui et le chrono estdéclenché. J’ai l’impression que moncœur a oublié de battre tout ce temps. Enme tournant, j’ai conscience que mapanique doit être perceptible, maisimpossible de me reprendre !

Et évidemment, juste pour aider, il estbeau comme un dieu en veste de cuisinier!

Alessandro semble amusé.

– Bienvenue, partenaire…

Je me force à sourire mais mon cœur quitambourine ne m’aide pas vraiment.

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– Alors, que t’inspire le « mariage del’Italie et la France » ? relance-t-il.

Mon cerveau repart sur des élucubrationsde midinette dont j’ai honte. Franchement,rougir comme une adolescente dès qu’unapollon sort le mot « mariage » : tropcliché !

– Camélia ?

– Je sèche un peu. Pour le moment,personne n’a fait de vrai dessert, ça mesemblait une bonne base… mais je neconnais pas de desserts italiens à part lapanna cotta ou le tiramisu, réponds-jed’une voix automatique. Et je crains queça soit vraiment trop attendu.

Il fronce les sourcils.

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– Et si on prenait le problème à l’envers :quel dessert italien est souvent vu commefrançais ?

Je réfléchis, sans succès.

– Le sabayon, dit-il.

– Vraiment ? m’étonné-je. Je n’ai pasétudié la pâtisserie, mais j’ai toujours cruque c’était français, comme je sais qu’ilétait très apprécié à la cour au XIVesiècle, je crois…

– À l’origine, on appelait ça le zabaione,m’apprend-il avec un accent à tomber parterre. Ce sont des militaires qui l’ontrapporté en France. On pourrait partir là-dessus ? Et mettre des fruits pour avoirquelque chose à croquer. Qu’est-ce que tu

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en penses ?

Nous échangeons un regard complice et jene peux m’empêcher de sourire, sentantl’excitation me gagner comme à chaquefois que je me mets en modebrainstorming.

– C’est une bonne idée. On pourraitprendre… des poires et les rôtirlégèrement pour qu’elles soient fondantes? Peut-être au Marsala, c’est excellent etil n’y a pas plus italien.

Il hoche la tête, et nous élaborons notrerecette à quatre mains avec un naturelconfondant. Il me propose de faire lesabayon, plus technique selon lui, pendantqu’il s’occupe des poires. Bizarrementc’est moi qui rajoute des notes italiennes,

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et lui qui s’inquiète d’équilibrer enutilisant du sauternes pour parfumer lesabayon, quand je décide d’y incorporerdu mascarpone, même si ce n’est pas trèsacadémique. Notre facilité à travaillerensemble m’émerveille.

– Il y aura plus de rondeur en bouche,argumenté-je.

Alessandro approuve et mes yeuxs’attardent à nouveau sur ses lèvres. Idéeque je m’empresse d’oublier !

Tu t’imagines des trucs… et dans le cascontraire : pas le temps !

L’épreuve est courte, mais c’estparfaitement jouable. Pas une foisAlessandro ne se trouve dans mes pattes

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et j’en fais de même pour lui prouver maconfiance. Mine de rien, James regardaitquand même plus ce que je faisais du coinde l’œil jusqu’à ce que, rassuré, ilabandonne au bout d’une demi-heure.

J’avais peur qu’avec notre passif, il secroie tout permis ; après tout, lors denotre unique étreinte, je l’ai laisséprendre l’initiative assez souvent. Etj’étais bien placée pour savoir que Simonvoyait la cuisine comme une extension dela chambre à coucher… Alessandrosemble tailler dans un autre bois.

Mon sabayon prêt, je réalise ce qui meturlupine depuis que je suis bloquée àremuer le fouet dans la crème : notrerecette est trop simple. Perturbée de

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devoir faire équipe avec Alessandro, jeme suis emportée et je n’ai pas assezpoussé ma réflexion dans l’élaboration. Ilme faut trouver une idée à lui soumettre etnous éviter de foncer droit dans le mur. Jem’en veux presque de m’en rendrecompte si tard, quelle idiote !

– Qu’est-ce qui se passe ? Il y aclairement quelque chose qui ne va pas.Ne me ménage pas parce que je suis unamateur, ce n’est pas ainsi qu’on gagnera.

Il se montre franc et direct, je comprendsqu’il attend de moi la même attitude.

– À mon sens, notre concept est tropsimple, on risque de leur servir un platpas assez abouti. Il y a l’idée, mais ellen’est pas menée à terme.

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Alessandro se frotte la mâchoire, il neparaît pas surpris. Plutôt que de se vexer,il commence aussitôt à réfléchir. Je suisagréablement étonnée par sa réaction etl’envie incongrue de l’embrasser mevient.

La folie me guette…

– Tu as une idée ?

Puisqu’il craint que je le ménage et semontre fair-play, ce qui compte pour moià cet instant n’est pas de tenir les rênes,mais bien de finir ce plat en duo.

– J’ai pensé que nous pourrions faire unegelée avec les poires et le Marsala, onles disposerait dedans et visuellement il yaurait une couche au-dessus, ça serait…

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– Translucide ?

– Oui ! Avec seulement la colorationapportée par le vin, s’enthousiasme-t-il.Je ne sais pas doser les gélifiants, je n’aijamais fait ça. Par contre, on pourraitrecouper des poires en lamelles et lesassembler avec une forme pour faire plusnet… en rosace peut-être ?

Sidérée, je le vois proposer derecommencer uniquement sa partie de larecette.

Intéressant ! Il est perfectionniste et n’apas peur de se donner à fond… Un peucomme moi en fait ?

– On peut y arriver ? s’inquiète-t-il enfin.

Il attend mon avis car, visiblement, il me

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fait totalement confiance. Une chaleuragréable envahit ma poitrine, que jeprends garde d’ignorer pour resterefficace.

– En bossant à deux, oui !

À partir de ce moment, nous ne relevonspas une fois la tête, lancés dans notreadaptation. Nous finissons sur la corde etdevons nous servir du congélateur pourque la gelée prenne. Elle est très fine,moins d’un demi-centimètre mais la fin del’épreuve est presque là. L’esprit logiqued’Alessandro nous sauve même : j’allaismettre tout un bac et il me conseille defaire directement dans l’emporte-pièce àla bonne taille, réduisant la quantité etdonc le temps de prise. Je réalise que le

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stress du concours me gagne : ce genre depoint technique aurait dû me sauter auvisage !

Quand le chrono résonne, notre platrepose dans une assiette creuse, laprésentation est élégante. Je suis fière denous !

Si Alessandro, sur le plan personnel, nemérite pas mon respect… en tant quecuisinier, il l’a. C’est un cuisinier àl’écoute… et pas macho pour un sou : ils’est échiné sur des rosaces de fruits sansciller. Je me décide à le taquiner :

– Pas mal, on dirait un truc qu’aurait pufaire… une bonne femme !

Il éclate de rire, son regard accompagné

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d’un sourire franc est si chaleureux que jene peux m’empêcher de l’imiter.

– Je le prends comme un précieuxcompliment !

La complicité palpable entre nous meserre le cœur.

Si seulement…

La dégustation arrive et, comme je m’yattendais, notre dessert est acclamé. Brettdemande qui a monté le sabayon alorsqu’il sait pertinemment que c’est moi,s’étant baladé pendant l’épreuve sur leplateau. Il en déplore la texture quimanque de finesse, et m’interrogelonguement sur l’intérêt du mascarpone.J’argumente de mon mieux tandis que

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Linda et Jean-Jacques froncent lessourcils, comme s’ils doutaient d’avoirdégusté le même plat.

Ça y est, le critique sort la plume acéréequ’on lui connaît. S’il continue à metailler en pièces, je vais bientôt compatiravec les restaurants qu’il assaisonne dansle Times !

Edward et James s’en sont moins biensortis : visiblement, on ne sent pasd’harmonie dans leur plat. Ou, selonBrett, qui a le sens de la formuleaujourd’hui : « L’Asie regardel’Amérique de tout l’océan qui les sépare! » Les deux cuisiniers avouent avoir eudu mal à s’entendre. À l’attitude guindéede James, qui ne lui ressemble pas, je

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devine qu’ils ont rencontré de sérieuxdésaccords en réalité.

Alessandro a dû mettre de l’eau dans sonvin pour réussir à supporter Edward. Çan’a pas l’air évident !

Arrive ensuite le moment que nousredoutons tous, celui où le jury s’isolepour décider du concurrent éliminé. Dederrière mon plan de travail, j’ai le cœurqui bat la chamade. James m’adresse unsigne d’encouragement et je lui renvoieun sourire, croisant les doigts, pour luimontrer que j’espère le voir rester. Jejette un coup d’œil à Edward.

Dommage que ça ne soit pas Koh-Lanta,je n’aurais aucun mal à choisir le sortant.

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Quand on nous demande de nous avancer,j’ai peur de trembler. J’évite de regardermes camarades et me tiens droite. Je necrois pas être celle qui devrait partir auregard des critiques plus positives quej’ai reçues les deux fois. En toute logique,je suis censée continuer le concours,

mais Brett a entrepris de me montrer dequoi il était capable avec ses piques etj’espère qu’il n’a pas influencé lesautres…

Après un moment à faire durer lesuspense, le verdict tombe.

– Et c’est James qui nous quitte, annonceLinda. Il a été à l’origine d’erreurstechniques trop importantes sur cedeuxième plat, il l’a reconnu lui-même.

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Nous ne pouvons laisser passer ça alorsque nous nous dirigeons vers la finale.Edward s’était mieux débrouillé sur lapremière épreuve, il a donc deux pointsde plus et reste pour la suite. Noussommes tristes de voir partir un candidataux allures de marathonien, mais toujoursavec le sourire. Vous êtes un excellentcuisinier, James, dès que je visiteShanghai, il faudra me réserver une tabledans votre restaurant !

On sent la chaleur dans la voix de la juge.Comme moi, elle a adoré la personnalitéde James. Je ne peux m’empêcher d’êtreémue, il s’en aperçoit et me serre contrelui. Je réponds à son étreinte. Le jury selève pour venir le saluer et l’émotion estbien plus réelle qu’au départ de Farah.

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Quelque part, ça n’a pas de sens : nousnous côtoyons depuis si peu de temps,nous n’avons pu échanger plus dequelques conversations lors des pauses…et pourtant, je devine qu’il va memanquer. Je le regarde frapper dans ledos d’Alessandro, presque nostalgique.

Le tournage s’achève enfin et j’en suissoulagée ! J’ai l’impression d’avoirenchaîné les services. Linda reprend laparole.

– J’ai organisé dans le restaurant dont jesuis propriétaire une fête, en toutesimplicité et sans caméra. Je sais quevous êtes fatigués, mais nous ne pouvonspas laisser James partir sans le voir unedernière fois courir autour d’un buffet

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digne de ce nom !

Les rires fusent et tout le monde applauditl’initiative, moi y compris. Elle a raison,il le mérite, même si je suis épuiséecomme une vieille mamie alors qu’iln’est que 21 heures. Je me demande si madéception n’est pas ce qui m’a le plusfatiguée et le constat m’inquiète. Jecherche pourtant du regard Alessandro,une fois de plus. Il discute avec Jean-Jacques.

Je m’éloigne un peu et appelle Suze. Ellerépond immédiatement :

– Allô ? Dis-moi qu’un grand sourireéclaire ta figure ? Je suis morted’inquiétude pour toi depuis plus de deuxheures !

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– Je suis encore dans la course, larassuré-je. Ils ont préparé une fête, maisje ne sais pas si je suis d’humeur.

– Je n’aime pas ta voix, que s’est-il passé?

Alors je déballe tout, vérifiant sans cesseautour de moi si le couloir où je me suisréfugiée est bien désert : la découverte decette brune et son échange téléphonique,son « mari », son alliance.

– Tu es sûre que c’est sa femme ?

– Je ne vois pas comment interpréterautrement la conversation que j’aisurprise.

– OK. Écoute, va à cette fête pour James ;tu l’aimes bien et tu le regretteras sinon.

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Tu te tiens loin de Brett et dès que tu asmangé deux ou trois club sandwichs et buun verre, tu te confrontes à Alessandro.Une certitude vaut mieux que des doutes.Une bonne claque en plus, s’il t’avraiment fait ça, avec les compliments deCamélia, et tu pourras finir ce concours latête haute, ma belle !

Elle a raison. Je ne suis pas du genre àbaisser les bras ou à me cacher ! Pasmême pour un Alessandro infidèle. J’aibien survécu à Simon, ce n’est pas unItalien qui aura raison de mon moral !

Je raccroche dès que Linda vient mechercher pour me conduire jusqu’aurestaurant. J’ai à peine le temps de mechanger avant notre départ.

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Ce soir, James sera ma seulepréoccupation, surtout s’il est partidemain. Il ne sera pas dit que j’ai fui sanslever un verre en son honneur avec lesautres !

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11. Soufflet de critique

La fête bat son plein dans l’établissementun brin cossu de Linda, aux abords deGramercy Park. Le restaurant s’intègreparfaitement dans ce quartier auxbâtiments historiques chics, et j’imagineaisément la clientèle huppée qu’il doitdrainer habituellement.

Enfin, j’ai le temps de discuter un longmoment avec James. Il me montre unephoto de sa femme et sa fille, m’expliqueplus en détail son boulot à Shanghai et lapub que va lui faire l’émission. A priori,il hésite à s’installer aux États-Unis avec

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sa famille et attend de voir si saparticipation amène des propositionssympas. Malgré notre différence d’âge, ila déjà quarante-cinq ans, nouséchangeons sans mal et j’apprécie ça. Àl’inverse de Brett, il ne semble pas dugenre à se considérer plus expérimenté etdonc au-dessus des autres. Il s’intéresse àmes projets et je finis par lui confier unepartie des raisons qui m’ont poussée àtenter Keep Calm and Cook !

– Si tu gagnes et que tu ouvres un resto,appelle-moi et on décrochera une étoileensemble, conclut-il malicieux.

Jean-Jacques vient lui parler à son tour.Sur un dernier sourire, on se quitte et jeme décide à approcher le buffet pris

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d’assaut dès notre arrivée par lesassistants plateau et une partie del’équipe. J’ai préféré me tenir à distancele temps que ça se calme. À peine ai-jefait quelques mètres qu’un oiseau demauvais augure fond sur moi.

Pourquoi j’ai pas des gènes de caméléonpour disparaître là maintenant !?

J’essaie de contourner un massif defleurs, comme si je ne l’avais pas vu,mais il me coupe la route habilement etme coince alors que je tente de fuir endirection des toilettes. Je serre les dents :la fatigue de la journée et ma déceptionvis-à-vis d’Alessandro ne me donnentaucune envie de la jouer diplomate.

– Camélia, comment vous sentez-vous ?

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– Bien, c’est très aimable de vousinquiéter ainsi de vos candidats, dis-je,sans conviction.

Il m’offre un sourire faux et passe unemain dans ses cheveux poivre et sel.

– À vrai dire, je pense que nous sommespartis d’un mauvais pied. Vous êtes unefemme de caractère et j’ai conscience ducôté implacable de la vie de ce milieu,avoir des appuis est capital. J’aiconseillé certains des concurrents qui ontfait de belles carrières et je serai ravi devous voir suivre le même chemin. Je saisque Simon Fréget était votre mentor… ettellement plus. Chef si jeune, c’estimpressionnant, surtout dans unétablissement comme le Palace Charles…

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Le sous-entendu est clair. Dans deuxminutes, cela va devenir très désagréable,j’en ai le pressentiment… Son visage sefige.

– Vous avez su mélanger travail et plaisirdans votre intérêt par le passé, vousdevriez… y songer aujourd’hui encore,chère Camélia.

Alors qu’une de ses mains s’apprête à mecaresser le bras, je lui retourne uneclaque sans réfléchir. Le bruit est discretmais reste réjouissant.

C’est la première fois que je sers à uncritique gastronomique le soufflet endirect ! C’était la pire idée de ma vie…mais qu’est-ce que ça fait du bien.

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– Je n’ai pas couché avec Simon pouravoir ce poste. C’est lui qui m’amanipulée, pas l’inverse. Et croyez-moi,je ne me laisserai plus avoir à l’avenir,affirmé-je d’un ton cassant.

– Vous vous mordrez les doigts d’avoirfait ça ! siffle-t-il, furieux. Vous allezperdre ce concours et vous venez de vousgriller dans tout New York. Aucunétablissement ne voudra jamais de vous, àpart le Burger King du coin !

Je le plante là, bien décidée à quittercette fête dont je remercie la sono tropforte : sans ça, notre petite altercationaurait sans doute constitué le spectacle dela soirée.

J’en ai marre ! J’ai atteint mon point de

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saturation avec les hommes, la cuisine…

Je me force à faire un détour pour saluerJames et remercier Linda pour soninvitation puis je m’éclipse, slalomantentre les tables rondes aux nappesblanches.

La salle de restaurant puis le hall auxappliques ouvragées se succèdent, mestalons claquent sur le parquet et c’estseulement lorsque j’entends quelqu’uncourir derrière moi que je finis par meretourner. Alessandro me regarde, à peineessoufflé. Il s’est changé avant derejoindre la fête et porte une tenue quiressemble à s’y méprendre à celle denotre rencontre au Black Dog. Ce constatest presque douloureux tant je le trouve

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attirant... sans en avoir le droit.

– Écoute, je ne suis pas d’humeur !

Alessandro semble inquiet et il ignore maremarque pour s’approcher de moi.

– J’ai vu ce qui s’est passé avec Brett,dit-il. Ça va ? Le temps que j’arrive, tut’étais déjà envolée. En tout cas, tu sais tedéfendre…

– Alessandro, fais-moi plaisir : retourneauprès de ta femme et oublie-moi !répliqué-je avec morgue.

Alors que je repars, il me retient par lebras d'un geste ferme et j’hésite à luiflanquer une gifle à lui aussi poursoulager mes nerfs. Il a soudain l'airgrave, presque dangereux.

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–Je ne suis pas marié, Camélia. Qu’est-cequi te fait penser ça ?

– Je…

Bouche bée, je le dévisage sans oser ycroire. Essaie-t-il encore de me balader ?Pourtant il semble sincère. Ses yeuxclairs sont braqués sur moi comme deuxlasers, impossible de me dérober.

– Camélia ? Si j’étais marié, la scène auBlack Dog n’aurait jamais eu lieu,reprend-il patiemment. D’autres hommessont peut-être ainsi, pas moi.

Il a le visage sévère, comme s’il étaitpresque peiné d’être soupçonné d’un telcomportement.

– Et la brune qui est passée au studio te

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voir ? insisté-je. Elle te cherchait et aévoqué son mari au téléphone… j’en aidéduit…

Son expression neutre me trouble quand ilm’annonce avec calme mais d’un tondéfinitif :

– Denise est une collaboratrice. Elle meseconde le temps du concours quim’accapare. Elle vient de divorcer maisn’a pas encore le réflexe de le définircomme son « ex-mari ».

Bêtement, j’ouvre la bouche mais netrouve rien à répondre. Il se rapproche demoi. N’ayant plus de raison logique de lerepousser, je le laisse faire. Sa chaleur etle même parfum envoûtant qu'il portait auBlack Dog m’enveloppent, tentateurs. Ses

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yeux accrochent les miens et on diraitqu’il se retient de me toucher, sa mains’arrêtant à quelques millimètres de monbras.

– C’est pour ça que tu étais si distante ?Je n’ai pas compris tes réactions aprèsl’épreuve en duo. Même à ce moment-là,je te sentais sur la défensive.

J’ai encore du mal à réaliser. Alessandroest libre ? Et à deux pas... Et unadversaire dans un concours que je nepeux pas perdre… et où je viens à peinede me mettre sérieusement un desmembres du jury à dos.

Tout va bien… ou pas.

Une lueur malicieuse brille dans ses yeux

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alors que son attitude se fait plusséductrice. À moins que je n'interprèteainsi le moindre de ses gestes, pasimpossible !

– Je parie que tu n’as pas touché aubuffet, je me trompe ? Dîne avec moi, dit-il soudain sur le même ton que ce soir-làau Black Dog, de l’ordre de l’évidence.Faisons vraiment connaissance. Tu terendras compte que je ne suis pasl’homme que tu crois, ou en tout cas, pasle genre à flirter avec une autre si j’étaismarié.

Sa voix est infiniment grave, ellem’enveloppe. Je cherche le courage derefuser et de lutter contre cette attractionqui semble crépiter entre nous depuis le

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début... sans succès. Je respire à peine, enpartie parce que je soupçonne son parfumd'être un concentré de phéromones : oùest mon self-control habituel dèsqu’Alessandro apparaît ?! Je devrais sansdoute me méfier, me montrer raisonnable,mais décidément, il est trop près.

– D’accord, abdiqué-je.

Je profite du trajet en voiture pourenvoyer un SMS à Suze, ce qui me permetde faire abstraction de la présenced’Alessandro à mes côtés.

[Alessandro pas marié ! En pleineinvestigation. STOP. Te tiens au courant.STOP.]

Elle me répond aussitôt :

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[Imiter un message de télégramme, c’esthas been, ma belle ! Danse de la joiepour toi Alessandro is free ! Éclate-toibien !]

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12. « La famiglia »

Il est 22 h 30 quand nous arrivons devantla trattoria La Famiglia, située en pleincœur de Little Italy, dans une impasseprès de Mulberry Street. Alessandro gareson petit coupé noir. Visiblement, malgrétout son argent, il a préféré une voiturefonctionnelle et discrète à un bolide horsde prix.

À peine le seuil franchi, je sens une odeurd’ail et d’origan qui me met l’eau à labouche.

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– C’est cette trattoria dont je parlaispendant l’interview, explique-t-il avantd’éclater de rire devant mon expressionsurprise. Oui, j’ai vu que tu espionnais !Ma mère travaillait il y a longtemps avecSofia Bosco, l’actuelle patronne,m’apprend Alessandro en m’attrapant parla main pour m’entraîner à sa suite.

Avant que j’aie le temps de dire quoi quece soit, un jeune homme qui ne doit pasavoir quinze ans arrive et tombe dans lesbras de « Sandro ». L’atmosphère àl’intérieur du restaurant est chaleureuse…et bruyante ! Encore un peu sonnée, jeréagis à peine quand je suis à mon tourserrée dans une étreinte d’ours parl’adolescent.

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– Ouh ! Bonsoir, merci pour l’accueil.

Alessandro me sourit.

– Giuseppe a l’accolade facile.

– Surtout quand il est question de joliesblondes, confirme une voix basse qui mefait sursauter.

Derrière Alessandro je remarque unhomme brun, légèrement plus petit quelui. Incontestablement, il est vraimentbeau gosse et, surtout, il doit le savoir,son œillade charmeuse en témoigne.Amusée, je m’émerveille d’êtretotalement immunisée. L’effet Alessandro,peut-être ?

– Et voici Nevio, mon meilleur ami.

Avant que j’aie le temps de faire un pas

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de plus, ce dernier m’interpelle :

– Dites-moi que vous n’êtes pas venueavec Sandro, que c’est un hasard, ou moncœur va se briser ! Le destin n’a pas puvous mettre sur sa route et pas sur lamienne, ce serait trop injuste !

Il en fait des caisses. Tellement que je nepeux que lancer un regard abasourdi àAlessandro, qui, les yeux pétillants,secoue la tête. Ce grand brun aux largesépaules porte une main à son front d’ungeste théâtral et j’explose de rire pour debon. Très différent d’Alessandro, ilsemble plus brut, moins policé. Le brastatoué dans un style polynésien que laissevisible son T-shirt m’impressionne unpeu, c’est plutôt le genre de type dont je

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me méfie. Il a une mâchoire forte, dessourcils épais et des iris noirs.

Il y a encore de l’Italie en lui si je nem’abuse. Et il y a assurément une réserveà beaux gosses dans le coin ! Enfin, pasdu niveau d’Alessandro, mais quandmême…

Ce dernier me prévient d’un air entendu :

– Ne l’écoute pas ! C’est un charmeurcomme tu le vois.

Il l’apostrophe en italien, trop vite pourque je puisse comprendre quoi que cesoit. Nevio sourit et s’approche pour meserrer dans ses bras.

– Eh ! Qu’est-ce que j’ai dit ? riposteAlessandro en repoussant son ami et en

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m’attirant résolument contre son torse.

Trop stupéfaite, je me laisse faire, surtoutque la chaleur de son corps est plusqu’agréable.

Pourquoi j’ai l’impression d’êtreprésentée comme sa… ? Non, je me faisdes idées.

– Giuseppe a bien eu le droit ? faitsemblant de s’offusquer Nevio.

– Il a quinze ans !

– On est d’accord : il est forcément pireque moi ! Demande à Nessa, la fille de…

Je perds rapidement le fil, plus intéresséepar l’atmosphère conviviale durestaurant. Dans la pièce, 80 % des gensau moins s’expriment en italien et non en

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anglais, ce qui est bon signe : on sentqu’une communauté forte vient ici, cen’est pas un resto à touristes. Le décoravec les tables couvertes de nappes unisaux couleurs chaudes et le mur en briquesrouges me transportent ailleurs, j’ail’impression d’être en vacances.

Alessandro m’a relâchée mais il conservema main, comme si le geste était naturel.Je ne peux m’empêcher de regarderquelques secondes nos doigts enlacés.Quelque chose d’aussi anodin ne peutprovoquer de tels frissons sur ma peau…et pourtant. Alessandro, en pleinediscussion en italien avec un homme entredeux âges, me garde contre lui, son brasenroulé autour de moi, tout ça devant desgens qu’il connaît et apprécie… Je peine

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à contenir ma surprise et ma joie, oubliantle reste de mes soucis quelques minutes.

On finit dans un coin à l’écart grâce à unparavent de bois, où Giuseppe, le fils dela propriétaire, nous apporte unebouteille d’eau fraîche et les premiersantipasti avec dextérité, filant entre lestables. Alessandro m’explique qu’il al’habitude d’aider les soirs de fin desemaine.

Depuis l’arrière du bar, Nevio interpelleles clients et lance des blagues. Je nepeux m’empêcher de le contempler,fascinée ou intriguée, je ne sais plus.

– Ne te laisse pas impressionner, c’estune grande gueule mais surtout un grandcœur. Il est juste passé maître dans l’art

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de le cacher.

Je souris, tant cette description me faitpenser à Suze.

– J’en connais une aussi…

Affamée, je pique allègrement dans lesgressins à l’ail et origan – maison, d’oùl’odeur qui flotte dans la salle ! Suiventde délicieux arancini, sorte de croquettesde riz – originaires de Sicile comme mel’explique Alessandro avec sérieux – etautres entrées à tomber.

Alessandro en face de moi me regardefixement. Si au départ j’ai essayéd’ignorer ce détail je finis par jouer lacarte de l’humour :

– Qu’est-ce qu’il y a, on dirait que tu me

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surveilles ? J’ai du basilic entre les dents?

Il secoue la tête, avec un petit sourire encoin que je commence à connaître. Et quifait échouer pitoyablement toute matentative pour rendre ce moment moinsaffolant.

Merci, Alessandro, pour t’amuser ainsi àme laisser sur le gril !

– Je me demandais si tu mangeais…Enfin, je craignais que tu ne fasses partiedes filles constamment au régime,précise-t-il devant mon air perplexe.

– Celles qui mangent la feuille de basilicet la tomate sans vinaigrette ni mozza ? Jesuis gourmande mais comme je passe des

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heures debout à m’agiter devant lesfourneaux chaque jour, ça va ! Par contre,j’avoue que je n’aurais pas pu mespécialiser dans le chocolat sans gravesdégâts collatéraux pour mes fesses.

Giuseppe apporte devant nous deuxassiettes fumantes.

– À cette heure, plus de carte, juste lesrestes !

– Peppino ! Si Sofia t’entend parlercomme ça aux clients…

– T’es pas un client, Sandro, rétorquel’adolescent, abrupte, ce que je trouveassez mignon. Donc ce soir, après lesantipasti, on vous propose en primo uneassiette de minestrone et des penne sauce

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trévise.

Mon air gourmand doit me trahir car,aussitôt, « Peppino » intervertit les platset donne d’autorité à Alessandro leminestrone. J’éclate de rire.

– Dragueur ! râle Alessandro, à deuxdoigts d’éclater de rire.

Je déguste ma première bouchée, attentive; je ne connais absolument pas cetterecette. Un goût de noix et une petiteamertume en bouche me surprennent.

– Trévise comme la salade ?

Alessandro hoche la tête, il continue àlorgner mes pâtes. Je souris et poussel’assiette vers lui.

– Je voulais goûter, mais je n’ai rien

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contre l’idée de partager.

Nous picorons donc chacun notre tourdans les plats, échangeant nosimpressions sur le concours. Au départ,je craignais de ne rien avoir à lui dire :sans les bruits du Black Dog autour denous, dans un cadre plus quotidien, nousaurions pu nous retrouver empruntés.Mais pas du tout, assez vite lui parlerdevient naturel. Je réalise au bout d’unmoment que c’est sûrement grâce àAlessandro qui a subtilement changéd’attitude.

Il ne serait pas en train de me manipulerun peu ?

Et mine de rien, ça marche ! Je meretrouve à parler plus librement et à

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répondre à toutes ses questions sur ma vieen France sans y penser. Cette réflexionme rend silencieuse, alors que jeparvenais enfin à faire abstraction de saprésence hypnotisante à mes côtés. Çadevrait être interdit un regard pareil !

Alessandro doit sentir le vent tourner, ilboit une gorgée de son barolo, puis mecontemple un bref moment avant de sepencher vers moi. Ma main tremble et lespâtes sur ma fourchette retombent dans lasauce.

– Tu m’as impressionné aujourd’hui,reprend Alessandro. Une fois dans unecuisine, on réalise à quel point tu es faitepour ça. Tes plats sont élégants,complexes…

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– Féminins ? proposé-je, ironique.

– Aussi… mais ce n’est pas une critiquede ma part. Tu es extrêmement féminine,Camélia, ta cuisine te ressemble.

Je soupire, touchée par le compliment,alors que le sujet est compliqué pour moi; je suis fière d’être une femme et jepense que c’est un plus en cuisine…dommage que peu de mes collèguessoient de mon avis.

– C’est parfois un compliment, tu asraison. Mais malheureusement, biensouvent… on dirait que les gensconsidèrent ça comme un défaut.

Il fronce les sourcils, surpris, et medétaille.

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– Je ne suis pas sûr de comprendre. Si tume disais que j’étais… eh bien, masculin,j’aurais du mal à y voir autre chosequ’une évidence, comme je suis unhomme. Pourquoi devrais-je m’enexcuser ?

Je me racle la gorge.

– Vu ainsi, me contenté-je de répondre.La cuisine est très macho, je suis unpeu… tatillonne sur tout ça, surtoutdepuis quelque temps.

Ses paupières se plissent, son intérêt pourmoi se fait presque palpable.

Je ne suis peut-être pas la seule à êtreintriguée en fin de compte…

Je devine qu’il aimerait me relancer ou

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que j’en dise plus, mais quelque chosedans mon visage doit finalement l’endissuader. Son œil se fait plus sombre etje sens ma bouche s’assécher.

– En tout cas, je suis sûr que tu auraisbeaucoup à m’apprendre… dans bien desdomaines.

Pourquoi y vois-je aussitôt une allusionpour les plus de dix-huit ans ?! On parlecuisine enfin ! Je pique un fard et tente deme rattraper aux branches :

– C’est une histoire d’habitude ! Tu asdes bases dingues pour un amateur. Et unpalais juste, ce qui ne s’invente pas. Il temanque un peu de technique et tu pourraisêtre excellent… C’est ta mère qui t’a touttransmis ?

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Il me sourit, la nostalgie se lit un instantdans ses yeux. Contrairement àl’interview, je ne le sens pas sur ladéfensive, il me regarde bien en face.

– Oui, elle était très douée. J’ai l’airaffreusement partial, mais demande à…tiens, là-bas, dans le coin, c’est Marco, età côté Luca, ils venaient déjà du temps oùelle était en cuisine, on ne fidélise pasdes clients ainsi sans une bonne cuisine,pas vrai ? Certains soirs Sofia ferme aupublic, seuls la famiglia et les habituésont le droit de rester. On fait la fête, onmange : elle prépare une dizaine de platsde pâtes différents, les gens font de lamusique, parlent fort… je n’ai jamaisvécu en Italie mais, selon ma mère, çaressemble à des scènes de son enfance en

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Sicile. Elle disait toujours que ça luirappelait « le bon vieux temps ». Mesparents ont immigré à New York pourouvrir leur restaurant. Ça marchait assezbien, et puis…

Giuseppe revient, interrompant laconfidence d’Alessandro qui se reprend,comme s’il regrettait de s’être épanché.Cet homme complexe possède un secret etje brûle de le connaître. Pas par curiositémalsaine, mais parce que je réalisequ’au-delà de son visage sexy ou seslarges épaules, c’est lui tout entier quim’intéresse.

– Alors, passons aux choses sérieuses !Secondo, ou plat de résistance, pour ladame : poisson et viande, vous pourrez

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choisir ce que vous préférez. Nous avonsune belle part de foie à la vénitienne, etdu calamar farci… ce n’est peut-être pastrès « féminin », en fait. Vous voulez quej’aille vérifier s’il nous reste du risotto ?

À ses mots, Alessandro, redevenu normalet souriant, éclate de rire. Devantl’expression de l’ado, il lance en meregardant avec chaleur :

– Rien ! On vient juste d’évoquer le sujetdu « féminin » en cuisine. Camélia ?

Alors que Giuseppe paraît contrit, lalueur taquine dans les yeux d’Alessandrom’amuse. Je fais glisser vers moil’assiette de foie et attrape ma fourchette.

– Je commence par ça ! Attaque le

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calamar, mais tu m’en laisses, déclaré-je,sans plus m’occuper de sa mine ébahie.

Je crois qu’Alessandro de son côté a trèsbien compris : je suis chef ! Je désossedes poulets, je sais nettoyer n’importequel poisson et je n’ai certes pas peurd’un morceau d’abats, surtout quand il estdivinement préparé comme celui-là.Alessandro saisit enfin son couteau. J’aisurpris un coup d’œil… admiratif ?

On dirait presque que je viens de passerun test.

– Je vais avoir un souci en fait…

– Lequel ?

– Je serai incapable d’avaler une bouchéede dessert et je m’en voudrai demain

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d’avoir raté ça !

Il éclate de rire et me pique un morceaude viande que j’essayais de pousserdiscrètement de mon côté de l’assiette.

***

Un peu plus tard, la trattoria est vide. LesBosco ont fermé et je me retrouve aumilieu d’un joyeux chahut comme si j’yavais ma place. Chacun s’adresse à moiavec naturel, je me lève pour aider àdébarrasser malgré les protestationsd’Alessandro. Quand je veux prêter main-forte pour la vaisselle, je suis aussitôtrefoulée vers la salle.

Une femme surgit de la chambre froide.J’ai presque envie de me mettre au garde-

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à-vous ; pas de doute, elle en impose !Grande brune, bien en chair, elle a unvisage ridé et rond, et doit approcher dela cinquantaine. En m’apercevant, elle melance une phrase en italien et je me sensbête. Une main se pose dans mon dos etAlessandro répond pour moi. Le sourires’élargit et elle vient me serrer sur sagrosse poitrine où je parais minuscule.

– Bonjour, Sofia ! se présente-t-elle. Lameilleure amie de Rosella, et un peu ladeuxième mamma de ce garnement.

– Sofia, j’ai trente ans, râle Alessandropour la forme, tant ses yeux pétillantsdémentent ses paroles.

– J’en ai trop vu avec toi et Nevio ! J’aicouru après vous quand vous voliez dans

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les cuisines ou que je devais surveillervos devoirs… Enfin, surtout ceux deNevio ! Tu peux bien racheter New Yorkbuilding par building, tu restes Sandro legarnement ! rétorque aussitôt Sofia avecune chaleur qui me fait sourire : il estclair qu’elle l’adore et se comporte en «mamma » envahissante.

Il rit et lève les mains comme pourdemander grâce. Nevio arrive à son touravec des fléchettes, menaçant de prendrele bras musclé d’Alessandro commecible.

Ah, si je pouvais faire des photos avecmes yeux… Je ne sais même pas ce que jepréfère, Alessandro avec ou sanschemise. Alessandro en veste de cuisinier

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? Mmmh…

– J’ai mal aux jambes, j’ai envie d’uneGrappa, tu m’accompagnes, petite ?propose Sofia. Si on ne laisse pas Neviodéfier Sandro, il sera intenable.

Je lis une interrogation dans le regardd’Alessandro. D’un hochement de tête, jele rassure. Nous allons nous installer àune table tandis que Nevio et Alessandropassent de l’autre côté du bar où un amide la famille et Giuseppe s’affrontentdéjà.

Sofia change d’expression quand noussommes seules. Elle n’est pas hostile,non, mais elle m’évalue clairement. Jereste impassible et prends l’initiative delui servir de la bouteille ambrée de

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Grappa.

– Et toi ? me relance-t-elle sans façons.

Amusée, je m’adresse à elle sur le mêmeton :

– Non, merci, je ne bois pas beaucoup.

– Surtout avec un gabarit pareil, unegoutte doit te faire chanter, pas vrai ?

Je ris avec elle et me garde bien d’avouerque je ne suis pas fan de cet alcoolitalien. La conversation s’engage sur dessujets légers : Sofia me demande où j’aigrandi, ce que font mes parents, ce quim’a amenée à la cuisine. Petit à petit, jeme détends et lui réponds plus aisément.Je la sens réellement curieuse, comme sielle souhaitait sympathiser. Elle me parle

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de son restaurant. Sofia tient cettetrattoria depuis des années. Je n’ai pas lamoitié de son expérience, mais je connaisles palaces et leurs univers impitoyables,alors malgré tout, on a le même langage,celui des passionnés.

– Tu as la tête bien faite.

J’hésite une seconde, pas sûre decomprendre ce qu’elle entend par là. Sesyeux se plissent alors qu’elle m’examine :

– Tu es jolie, mais surtout, tu es maligne.Je n’en attendais pas moins d’Alessandro.

– Dois-je en conclure que les précédentesétaient stupides ? tenté-je en souriant,pour dissimuler mon trouble.

Son rire secoue sa large poitrine.

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– Non… Car il n’y en a pas eu.

Son sourcil se hausse et je vois qu’ellejauge ma réaction. Or j’ai du mal à resterimpassible tant je suis surprise… et unpeu chamboulée par la révélation.

– Il va falloir être droite et loyale si tu leveux. Ici, dit-elle en englobant la salled’un mouvement circulaire, c’était à unSicilien avant. J’y travaillais commesous-chef sous les ordres de Rosella.Quand j’ai eu assez d’argent et que levieux Angello est parti à la retraite, j’airepris l’affaire avec mon mari. Rosellaest restée et on a cuisiné côte à côte. Ça aduré encore huit ans jusqu’à cequ’Alessandro réussisse à racheter uneboîte qu’il a rendue célèbre. Puis une

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seconde. Il a tout fait pour que sa mèrepuisse enfin se reposer après des annéesà l’élever seule.

Je jette un coup d’œil à Alessandro. Il rit,détendu, et pousse de l’épaule Angelloqui fanfaronne parce qu’il vient deplanter une flèche dans le cœur de lacible. Ces confessions sont sans douteindiscrètes, mais je me sens incapabled’arrêter Sofia, même si ce n’est pas fair-play. Je la relance donc avec une pointede mauvaise conscience :

– C’est vrai que le métier de cuisinier estépuisant.

– Quand Sandro était gosse, ils avaient unresto, il a dû t’en parler. C’était àquelques rues d’ici. Un joli

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établissement, pas si grand… c’est uneboutique de vêtements maintenant. Àl’époque, il y avait déjà trop de restosdans cette rue et le Rosella était lemeilleur. Puis un critique a fait courir desrumeurs dans son fichu journal. Les gensont déserté aussi vite qu’ils étaient venus,croyant ces sornettes. Une réputation, çamet longtemps à se construire et ça seruine, comme ça…

Elle claque dans ses doigts, le visagesombre. Sa moue désabusée parle pourelle. Les sourcils froncés, je réfléchis àses propos. Ça explique la passiond’Alessandro. Je peux même envisager lefait qu’il participe à cette émission poursa mère, en hommage… Mais autant desentimentalisme est-il possible pour un

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homme d’affaires ?

– Comment les parents d’Alessandro ontfait ? Ils ont réussi à s’en sortir ?

Elle secoue la tête, une lueur triste aufond des yeux.

– Ce critique a brisé leur couple. Le pèred’Alessandro a préféré fuir. Il est rentréau pays et a laissé sa femme avec un filsde huit ans et des dettes jusqu’au cou.Elle a bossé comme une esclave. Quandelle est venue ici, avec moi, chez le vieuxAngello, elle a enfin sorti la tête de l’eau.Sandro avait onze ans. Il a juré de l’aideret il l’a fait. Il a quitté l’école très tôt, abossé pour un ami d’Angello qui avaitune boîte dans le Queens. Puis il estdevenu le bras droit du gérant, jusqu’à ce

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qu’on lui en confie une bien située. Un anaprès, Angello a financé le rachat de sapremière affaire avant de repartir pour laSicile. Deux ans plus tard, Sandro leremboursait en triplant les intérêts.

– Pourquoi ce critique a fait ça ? Qu’est-ce qu’il avait à y gagner ?

– À la base, il avait été payé par unconcurrent malveillant. Mais il a surtoutproposé à Rosella de… s’arrangerautrement. Et elle l’a envoyé bouler.Sandro tient ça d’elle : la droiture entoutes circonstances. L’ego de ce type abrisé une famille, crache-t-elle avecforce.

– C’était quel journal ? Ça devait être ungros quotidien pour avoir tant

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d’influence. Une revue spécialisée ?

Sofia renifle avec mépris, prononçant lenom comme une insulte :

– Le Times.

Mes yeux s’écarquillent quand un noms’impose à moi…

– Il s’appelait Brett Lanschtaf, conclut-elle. Sandro a juré de venger sa mère… iln’a jamais renoncé à quoi que ce soitdans la vie. Pas une fois. Je vous dis toutça pour que vous puissiez… lecomprendre, l’entêtement de ce petitpourrait lui coûter cher et vous semblezêtre une fille bien.

Mon cœur bat comme un sourd quand jeréalise que j’ai enfin la réponse à la

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présence d’Alessandro dans ce concours! Je me doutais que le sens du challengen’avait rien à voir là-dedans. Ma propreexpérience donne raison à Sofia et je sensma mâchoire se contracter à la fois dedégoût et de colère. Son regard est fixésur lui et je lis en elle une envie deprotéger toute maternelle que jem’explique mieux. À mon tour je détaillela silhouette d’Alessandro. Il se penche etsourit à Giuseppe qui lui parle avecagitation.

Tout ce qu’elle m’apprend est dangereux :plus j’en sais sur lui, plus j’apprécie ceque je découvre.

La voix des hommes qui s’interpellent ens’approchant me fait relever la tête.

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Alessandro nous rejoint.

– Camélia, je vais te ramener chez toi, ilest tard.

La pendule un peu kitch au-dessus du barindique minuit et demi.

– Madame Bosco, c’était délicieux. Jeregrette juste de ne pas avoir réussi àgarder une place pour le dessert.

Elle me sourit, mais je devine unavertissement dans son regard et hoche latête ; je ne dirai rien de ce que je sais àAlessandro. Nevio commence à me serrerdans ses bras en me renversant à moitiéen arrière, mais Alessandro intervient.Alors que je m’amuse de ces gamineries,je constate à quel point ils ont grandi côte

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à côte comme des frères. Surtout quandNevio tente de ceinturer son ami, tandisque ce dernier le repousse.

Et visiblement, c’est Alessandro l’aîné etNevio le cadet turbulent.

Dans la rue, nous marchons calmement. Ilse tient à peine à quelques pas et je rêvequ’il se rapproche un peu. Je ne sais passi ce sont les révélations de Sofia qui mepoussent à le considérer autrement ou…si je suis irrémédiablement attirée par lui.Le repas en tête à tête était parfait, le voirdans son élément au milieu de lafamigliam’a aidée à le cerner. Au moins un peu.J’ai envie de tout apprendre de lui… àcommencer par le goût de sa langue à cetinstant.

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Je fixe ses lèvres sans y penser.

– Camélia ?

– Pardon ?

Je comprends à retardement que j’ai ratéune question, perdue dans macontemplation. Sans un mot, avec desyeux si doux qu’on dirait de la soie, ilattrape ma main et m’entraîne dans unerue parallèle vers le coupé noir.

Il ne me demande pas mon adresse et jene le réalise qu’une fois arrivée devantchez Suze. Il s’est renseigné sur moi ?!Avant que je n’aie le temps d’y réfléchir,il a déjà effectué un créneau. Il sort de lavoiture et vient m’ouvrir la portièrependant que je me détache.

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En fait, j’ai dû boire de la Grappa sansm’en rendre compte : sa présence megrise comme au Black Dog. Je me sensplus légère et audacieuse, comme si mesinhibitions fondaient d’elles-mêmes.

Serait-ce l’effet « Alessandro » depuis ledébut, pas l’alcool ?

– Je t’accompagne jusqu’à ta porte, je netrouve pas le quartier très sûr, dit-il enjetant un œil autour de lui.

Habituellement, je déteste qu’on semontre protecteur. Je suis une grandefille, je me débrouille depuis que je suismajeure sans l’aide de personne. Là, j’aijuste envie de baisser la garde.

Je le précède. Tout le temps que dure la

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montée de l’escalier, j’ai l’impression depercevoir le poids de son regard sur mesjambes…

Et mes fesses, avouons-le !

Devant la porte, je me retourne, indécise.Une partie de moi crie : propose undernier café ou n’importe quel nom decode équivalent pour finir la soiréeensemble ! J’ai reçu un SMS de Suzedans la voiture, je sais qu’elle passe lanuit chez un sex friend et que j’ai lechamp libre. Une autre partie de moi, plusraisonnable, me rappelle que dès lundinous serons à nouveau concurrents et plusbinôme. Est-ce que je souhaite vraimentcompliquer les choses ?

Lui aussi semble hésiter. Il se tient à un

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pas de moi mais ne fait pas mine de partirnon plus. Alors que je m’apprête enfin àparler – sans avoir la moindre idée de ceque je veux dire –, un bruit se faitentendre. Comme quelque chose qui sefracasserait. Je me tourne vers ma porte,sourcils froncés. Suze n’est pas chez elle.Et aucun doute, ça venait bien de notreappartement. La serrure est intacte,pourtant un cambrioleur l’auraitforcément fracturée, non ?

– Ta coloc est là ? demande Alessandro,intrigué par mon attitude.

Je secoue lentement la tête. Aussitôt, ilme tire en arrière d’une main ferme, puisme prend mes clés. Il déverrouille laporte et chuchote avant d’entrer :

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– Reste ici, d’accord ?

Je n’ai pas le temps de rétorquer que non,je ne suis pas du tout d’accord qu’il seprécipite au-devant d’un cambrioleuréventuel ! Rongée d’angoisse, le cœur quibat à cent à l’heure, je patiente dans lecouloir. Je ne supporte pas l’idée de lesavoir en danger.

Sans réfléchir, je pousse la porte aumoment où un nouveau bruit me parvientdu salon. Mon sang ne fait qu’un tour, jecherche une arme des yeux… et me saisisd’un stiletto de Suze. Une chaussure autalon aiguille acéré en métal de douzecentimètres, meilleur substitut de couteauque j’ai à disposition.

Je me rue au salon pour prêter main-forte

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à Alessandro. Alors que je débarqueversion boulet de canon, je le trouveaccroupi en train de caresser un chat étaléde tout son long sur le tapis multicolorede Suze.

Alessandro me dévisage, avec mon armeimprovisée, avant d’éclater de rire. Lechat se carapate aussitôt, vexé.

– Tu aurais pu me dire que vous étieztrois ici ! remarque-t-il, ironique.

Je lève les yeux au ciel :

– En fait, ce n’était pas le cas jusqu’à cematin.

Je baisse mon bras, me sentant un peustupide, surtout vu la manière dontAlessandro me regarde. Haussant les

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épaules, je balance mon artillerie lourdedans l’entrée et rejoins la cuisine pourm’occuper.

Un mot m’attend sur la table :

« On a un nouveau coloc pour trois jours.C’est pour dépanner une copine. Ils’appelle Jimmy Chat – elle est fan dechaussures, laisse tomber. »

Je devine une présence à mes côtés etAlessandro lit le mot par-dessus monépaule. Son souffle caresse la peau demon cou et je lutte contre l’instinct qui mepousse à reculer pour me lover contre sontorse. Mon cœur devrait se calmer aprèsl’accès d’adrénaline que je viens deressentir, mais au contraire il repart enstaccato de plus belle.

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Plus pour m’éloigner que par envie, jevais ouvrir le frigo : maintenant qu’il estentré, autant lui offrir à boire. Peut-êtrepas du café vu l’heure. Des coupelles detiramisu individuelles trônent sur l’étagedu centre, comme pour me narguer, et jem’apprête à refermer la porte quand unelarge paume m’en empêche.

– C’est du tiramisu ? dit-il.

Je soupire.

– Est-ce que je peux mentir ? Non, çan’en est pas. Je refuse de reconnaître celadevant un Italien ! Surtout si tu as déjàmangé celui de Sofia, qui ne peut qu’êtredélicieux.

– On en partage un ?

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Je me retiens de geindre comme unegamine capricieuse et attrape moi-mêmela verrine avant de chercher une cuillèreet de la lui tendre. Son regard me sembleplus lourd que tout à l’heure, ce que jecomprends sans peine : j’ai forcément lemême. La cuillère se plante en douceurdans la crème, puis jusqu’au fond de lacoupelle pour prendre toutes les strates.Quand il la porte à sa bouche, je me rendscompte que je suis littéralement en apnée!

Est-ce parce qu’il est sexy à en mourir ouparce que j’ai peur de son avis, je nesaurais le dire.

Nos yeux se croisent pour ne plus sequitter et je me demande une minute si je

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ne vais pas finir par me jeter sur lui. Jeme moque de ce concours, je me moquede tout sauf de cet homme.

– C’est délicieux, Camélia.

– Merci, croassé-je.

Je me racle la gorge, j’ai l’impressionqu’elle est obstruée par des dizaines dephrases que j’aimerais formuler sans lepouvoir. Il replonge la cuillère dans laverrine et approche de moi, lentement.Trop. Une vraie tentation incarnée,accompagnée d’un de mes dessertspréférés. Que suis-je censée faire ?

Je fais le dernier pas vers lui et ouvre labouche en le fixant. Les arômes demascarpone, café et cacao envahissent

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mes papilles.

Je remarque son regard rivé sur meslèvres et comprends que j’ai de la crème.

Alessandro se penche avec une retenuequi me laisse largement le temps de lerepousser, mais je me dresse sur la pointedes pieds pour aller à sa rencontre. Salangue passe un instant sur mes lèvres etil soupire. Puis tout se précipite…

Nous nous pressons l’un contre l’autreavec ardeur. Ses lèvres trouvent lesmiennes et nos langues se cherchent,avides. Je m’accroche à lui, affamée d’uncontact qui m’a manqué depuis le BlackDog. En me lovant contre lui, je réalise àquel point je rêve de cet homme chaquejour et chaque seconde depuis notre

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rencontre, sans vouloir l’admettre. J’aibesoin de ça : de sa chaleur contre moi.

Ses doigts parcourent mes épaules, mesbras, mon dos, on dirait qu’il n’a pasassez de ses deux mains pour me serrercontre lui, pour me redécouvrir. Je melaisse aller et l’imite, caressant sa nuqueet ses cheveux bruns. Je penche un peuplus la tête et notre baiser s’approfondit.Il m’embrasse à nouveau comme si c’étaitla dernière chose qu’il faisait sur cetteTerre et je ressens la même chose : lemonde peut s’arrêter de tourner tant queje suis contre lui.

Ses mains pressent mes hanches et jecolle mon bassin contre lui, rivée à sonpectoral bien dessiné. D’un mouvement

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souple, il me soulève et me pose sur leplan de travail, se calant entre mesjambes. Il n’a pas le temps de bouger quedéjà je m’enroule telle une liane à sataille, agrippée à ses épaules : il ne serajamais assez près… pas tant qu’il ne serapas en moi. Je caresse sa mâchoire,fascinée par la virilité qui en émane, qu’ilsoit en train de parler, de sourire ou dem’embrasser.

J’entends un bruit de verre qui glisse surle plan de travail et comprends qu’il arapproché le tiramisu. Il y plonge un doigtet je contemple son index, amusée. D’ungeste délibéré, il le fait traîner sur magorge jusqu’au creux de mes clavicules,provoquant chez moi un frisson. Sa languele remplace bientôt, il me lèche avec une

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lenteur affolante puis reprend son manègede bas en haut, remontant vers monoreille.

– C’est bon ?

Ses yeux pétillent quand il me regarde.

– Sur toi ? Divin, il manquait un quelquechose dans ce dessert, je pense : le goûtde ta peau.

À nouveau, il récupère un peu de crème etla dépose sur le vallon de mon sein quedévoile mon décolleté. Son jeurecommence, il part haut dans mon cou dubout de sa langue puis descend jusqu’à lalisière de dentelle de mon soutien-gorge,me faisant perdre la tête petit à petit.

En feu, je retire moi-même mon T-shirt

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pour lui livrer ma poitrine. Alors que jem’apprête à dégrafer mon soutien-gorge,son pouce et son index s’affairent déjà etle cran saute sans mal. Je faisnégligemment tomber le sous-vêtement ànos pieds. Aussitôt son expressionchange, plus sombre, sa mâchoire esttendue. Poussant l’audace jusqu’au bout,je plante mon doigt dans le dessert etcouronne la pointe de mon sein de crème.Il hausse un sourcil amusé et je lui sourislargement pour le défier.

– Vos désirs sont des ordres, souffle-t-iltout contre ma peau – juste pour metorturer, j’en suis sûre.

Il repart haut dans mon cou, ne sombrantque petit à petit vers là où je l’attends

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désespérément. Quand, enfin, sa languejoue avec mon mamelon, je retiens marespiration. Il me tourmente ainsi unmoment et je me mets à gémir, en feu. Ildessine à nouveau grâce au dessert unelongue ligne qui court jusqu’à la ceinturede mon jean. Mon cœur s’accélèrelorsque je comprends la prochaine étape.

– Je n’aurais rien contre continuer ici…si nous avions la place nécessaire. Jeveux te voir t’abandonner, tomber enarrière et te cambrer, dit-il, presquerêveur. Où est ta chambre ?

Impatiente et bien incapable de le cacher,je saute du plan de travail et récupère aupassage la coupelle de tiramisu,provoquant le rire d’Alessandro. Je ne

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saisis pas sa main, à peu près certainequ’il ne risque pas de s’enfuir.

Dès que nous arrivons dans ma « chambre», je me sens intimidée : le nom estpompeux pour une pièce qui servait plutôtde débarras à Suze avant que je nedébarque. Je réalise qu’il doit trouver çaridicule mais, après un vague coup d’œil,toute son attention est à nouveau focaliséesur moi. Il me prend le dessert des mainset d’un geste doux me fait perdrel’équilibre. Je tombe sur le matelas et leregarde s’accroupir au-dessus de moi.Mon souffle se bloque dans ma poitrine,mon ventre se creuse.

Va-t-il… Oh seigneur…

Sa langue revient sur moi ; elle repart

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cette fois-ci directement taquiner lapointe de mon sein, léchant et mordillantjusqu’à ce que, comme il l’avait prédit, jeme cambre, me soulevant pour le pousserà combler cette attente insoutenable.

J’essaie d’ouvrir le bouton de mon jean,mais déjà ses doigts, plus habiles que lesmiens, tirent sur le tissu. Il me déshabillealors que je me tortille pour lui faciliterla tâche. Je ne porte plus qu’une culottefine. Dressé ainsi au-dessus de moi ilm’intimide presque, mais dès qu’ilapproche, je retrouve la lueur tendre dansses yeux verts, comme s’il n’y avait quelui et moi sur terre. Nous nousembrassons à nouveau, notre baiser estplus passionné que tout à l’heure, ce queje n’aurais jamais cru possible. Ses

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doigts me caressent par-dessus labarrière de dentelle et, quand il se glissefinalement dessous, il me trouve prête àl’accueillir.

Ma culotte rejoint mon pantalon et je suisnue devant lui, offerte alors qu’il estencore tout de noir vêtu, presque strict.Le contraste m’émoustille un peu plus etje me laisse faire quand il me parsème decrème : le cou, les seins, le ventre, toutautour de mon nombril… et le sexe. Jeretiens ma respiration et il commence sonexploration. C’est long, c’est doux, j’aichaud. Très chaud. J’entre en ébullitiondès qu’il encercle mon nombril etdescend jusqu’à mon intimité… toutepensée me quitte à ce contact. La pressions’accentue crescendo, il joue de mon

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clitoris avec maestria. Je me cambre deplus en plus, me tords sur le lit. Pas uneseconde je ne tente de garder pour moimes gémissements ou de cacher l’effetqu’il me fait, car c’est impossible, pasdans l’état de transe dans lequel il memet. L’orgasme arrive à une vitessefoudroyante et je m’accroche au drappour supporter la force de cette vague quibalaye tout sur son passage.

Il remonte jusqu’à se serrer contre moi.Câlin, il pose un baiser sur mon épaule etc’est moi qui cherche à l’embrasser àpleine bouche. Le goût du tiramisu et ducafé se mêle au mien sur sa langue et jene peux m’empêcher d’en être troublée.Malgré ce moment de jouissance, j’aienvie de plus ! Je caresse ses reins, mais

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il recule.

– Attends, je n’ai pas tout le temps dequoi nous protéger sur moi, soupire-t-ilen voyant que je m’apprête à protester.Ma veste est restée dans la voiture.

Je me tortille sous lui pour atteindre matrousse de toilette dont j’extrais monmeilleur ami à l’heure actuelle : unpréservatif. Il éclate de rire. Alors qu’ilva l’attraper, je le repousse et le force às’allonger sur le lit. Je l’enfourche, biendécidée à lui rendre la pareille et le fairedevenir fou.

Je déboutonne sa chemise lentement, pourdévoiler le torse dont j’ai rêvé si souvent.De mes mains, je le caresse puis repenseau dessert qui patiente encore. Je plonge

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dans la coupelle et récupère un peu decrème pour en mettre sur ses pectoraux.Ma langue remplace mes doigts, jem’applique à l’allumer, essayant d’égalersa dextérité en la matière. Je m’aventuredans son cou, le long de ses côtes...Bientôt, son souffle haché merécompense, son ventre se creuse sous lapression, tous ses muscles se contractentsous la douce torture que je lui impose.

Son sexe déjà en érection tend maintenantnettement le tissu du pantalon et il n’enfaut pas plus pour me convaincre, je finisde le déshabiller en un tour de main.

J’hésite entre le préservatif ou le dessert,me disant que les deux ne sont pasincompatibles quand Alessandro m’arrête

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d’un geste.

– J’ai vraiment besoin d’être en toi, si tuvas plus loin, je ne suis pas sûr de lesupporter… prévient-il.

Femme de bon sens, j’opte aussitôt pourun compromis et ouvre l’emballage pourl’en chapeauter et ce sont mes lèvres quile déroulent sur son membre. Alessandroa un râle de plaisir qui me monte à la tête.La force de son désir pour moi me rend àla fois euphorique et fière. J’approche delui avec le tiramisu, récupère la fin de lacrème et la passe sur sa bouche à tomber.N’y tenant plus, il se redresse et dévoremes lèvres.

Je me colle à lui et nos bassins se soudentbientôt d’eux-mêmes, son sexe se cale

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contre le mien et me pénètre enfin. Je nesais pas qui de moi ou de lui pousse unprofond soupir, mais nous suspendons uneseconde notre ballet pour profiter de cemoment magique. Sentir sa chaleur virileme donne envie de pleurer de joie. C’estbon au-delà des mots, bien plus qu’untiramisu, même sur lui.

Petit à petit, nous reprenons nosmouvements. Ses mains sur mes hanchesme guident, mes paumes sur ses épaulesme servent à m’ancrer. Les yeux dans lesyeux, nous bougeons ensemble. Je suisemplie et chaque va-et-vient attise le feuque n’a pas apaisé l’orgasme. Nous noussoudons l’un à l’autre, je ne pourrais plusdire qui impulse le rythme de cetteétreinte, car il va de moi à lui comme si

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nous ne faisions plus qu’un.

Alors il m’embrasse, je ferme lespaupières et toutes mes sensations sedécuplent. J’ai chaud, le plaisirs’épanouit en moi, je suis parfaitement àma place et le bien-être qui en résulte merend sensible comme jamais. J’ai presqueenvie de pleurer tant c’est bon. Jem’accroche un peu plus à lui, puis toutbascule.

Le plaisir qui irradie entre nous gagne enpuissance. Nos mouvements se font plusrapides, plus précipités. Je sensl’orgasme approcher à toute vitesse. Nosgestes se font plus amples, ma tête part enarrière, je halète et mes ongles se plantentdans sa peau.

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Il me renverse légèrement, offrant mapoitrine à ses lèvres. Ses coups de reinsviennent loin en moi, encore et encore,provoquant une vague qui me soulèvelittéralement. J’explose autour de lui, monorgasme est si puissant que je crains uneseconde de fondre en sanglots, ballottéepar une émotion trop forte. Lovée contrelui, je redescends petit à petit,rassemblant mes esprits. Au souffleheurté d’Alessandro, je réalise qu’il m’asuivie de peu. Nous nous regardons unmoment et il m’embrasse, caressant majoue.

Aucun de nous ne parle, je ne suis passûre que nous en soyons capables. Lesilence complice nous unit, alors que nossouffles s’apaisent à peine. Je suis

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infiniment bien, tout contre lui. Épuiséepar cette longue journée au bouquet finaléblouissant, je m’assoupis avec unprofond sentiment de sécurité.

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13. Surprise surprise !

À la suite de cette nuit, je passe tout leweek-end avec Alessandro. Suze apréféré s’éclipser pour nous laisser unpeu d’espace, ce dont je l’ai remerciéemoult fois par SMS. Au cours de ces deuxjours hors du temps, j’apprends à mieuxconnaître celui qui est devenu mon amant.Rien que ce mot me semble encoreétrange et c’est le seul que je m’autorisepour le moment.

Cette coupure de tournage est une aubaineinespérée et nous fait un bien fou.J’oublie presque l’altercation avec Brett,

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c’est plus facile que de ressasser cetépisode et les conséquences qu’il aura.

Nous pouvons aborder des sujets autresque la cuisine ou le concours, nousbalader dans la rue, faire le marchéd’Union Square Greenmarket qui merappelle les marchés français que j’aimetant arpenter. Alessandro me fait visiter laville qui ne dort jamais : l’Empire StateBuilding, Times Square et les grandsclassiques new-yorkais du même style.Plus original, il m’emmène au Eataly, quise trouve entre la 23e et la 24e Rue, unbâtiment où on peut déambuler etdécouvrir un magasin de vins, un marché,des restaurants et déguster de succulentsproduits italiens et l’une des meilleuresglaces de Manhattan. Bref, un petit

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paradis pour les passionnés de cuisinequ’a créé Mario Batali, célèbre chef. J’enavais entendu parler et je suis ravie devoir ça de mes propres yeux.

Alessandro doit régulièrement répondreau téléphone pour son travail, mais ilrefuse de me laisser. J’ai beau lui assurerque ça ne me dérange pas, il préfèrecharger Denise et des gérants de réglerles problèmes, m’affirmant que c’est leurboulot après tout. J’ai conscience dutemps qu’il me consacre, fait assezextraordinaire pour un tel bourreau detravail, Sofia me l’a dit au cours de notretête-à-tête. Cela me touche : j’ai eu desrelations sérieuses, mais je n’ai jamaisété la priorité de personne. Peut-être queje me fais des illusions, que c’est juste un

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type adorable avec n’importe quelle fillequi partage son lit. L’imaginer avec uneautre m’est d’ailleurs douloureux.

Mais Simon pas plus qu’un autre ne m’aaccordé la considération que m’offreAlessandro alors que nous venons denous rencontrer. Ces moments à jouer latouriste, traîner dans un dîner ou fairel’amour me donnent l’impression depasser plusieurs semaines avec lui en unseul week-end.

Quand le lundi matin arrive, nous sommestoujours ensemble. Une heure après notreréveil, le téléphone d’Alessandro sonne.

– Allô ?… Nevio, oui, je sais… Mais…OK ! Je vois avec Camélia et je terappelle.

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Il raccroche presque au nez de sonmeilleur ami et me regarde, légèrementcontrit.

– J’ai refusé de faire mon footingquotidien avec Nevio mais il ne l’entendpas de cette oreille. Ça te dirait de venir? Habituellement, on court dans CentralPark, tu n’as pas encore eu l’occasion d’yaller.

Il m’enlace et m’embrasse dans le cou,manière totalement déloyale de meconvaincre.

– Je n’ai pas envie de te quitter, ajoute-t-il sur mes lèvres.

Mon cœur fait une embardée que jem’efforce d’ignorer.

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– OK, je me change.

Il me sourit comme un gosse et descendchercher dans le coffre de sa voiture lesac de sport qu’il y laisse en permanence.

***

Moins de trente minutes plus tard, je suisà côté d’Alessandro, vêtu d’une tenue desport usée. Cela lui donne un air deboxeur, ou quelque chose de ce genre, etc’est juste hyper sexy.

Après ces heures passées ensemble, jesuis encore plus accro qu’au départ. Monétat s’aggrave !

À l’inverse d’Alessandro, Nevio a unetenue dernier cri. Pour ma part, j’ai enfiléun legging court, une brassière de sport et

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un haut tout simple ; sorte de secondepeau dans des tons un peu flashy pour mescourses nocturnes. Alessandro en profited’ailleurs pour me mater sans vergogne.Portée sur la parité, je lui rendsallègrement la pareille !

Je ne lui ai pas dit mais, malgré le boulot,je jogge régulièrement à Paris pour mevider l’esprit. Souvent au bois deVincennes, qui a l’avantage d’être assezproche duPalace Charles.

Quand je découvre Central Park, je nepeux m’empêcher d’être impressionnéepar ce poumon vert enchâssé au cœur desbuildings ; je trouve ça un peu fou etdémesuré.

– Heureusement que tu es là, Camélia, ce

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flemmard aurait fini par sécher ! Et puisj’œuvre pour toi : il faut qu’il entretiennesa silhouette et ses muscles !

Je souris en coin, parfaitement au clair dela manière dont Alessandro a « entretenuses muscles » tout le week-end en faisanttravailler les miens au passage.

Je développe des courbatures à desendroits où je ne pensais même pas avoirde muscles !

– Si c’est dans mon propre intérêt, raillé-je. Allez, go !

Nevio, qui doit avoir l’esprit decompétition, démarre aussitôt. Je le suisd’une foulée plus raisonnable, sans melaisser distancer pour autant.

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Quoi ? Je n’ai jamais dit que Nevio étaitle seul à avoir l’esprit de compétition…

Une demi-heure plus tard, je suis bienéchauffée et j’accélère progressivementpour atteindre mon rythme. Alessandroajuste sa vitesse tandis que Nevio peineun peu plus – sûrement car il parle trop !

– Je suis impressionné. Je craignaisd’avoir à te traîner tout du long, occupéeà geindre sur ta queue-de-cheval detravers et ton rimmel waterproofinefficace ! remarque Nevio à mes côtés,avec une voix de fausset qui, je l’espère,n’est pas la mienne.

Je lui lance un regard avant de forcer unpeu plus, juste pour le taquiner. Ungrognement me parvient et j’éclate de rire

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avec Alessandro.

– Elle va nous tuer ! Où l’as-tu trouvée ?

– Elle m’est tombée dessus, rétorqueAlessandro dont j’admire le soufflerégulier.

– Littéralement, approuvé-je.

Devant l’expression de son ami,Alessandro entreprend de lui raconterrapidement notre rencontre.

Un gros quart d’heure après, noussommes revenus au début du parcours.Pour le coup, moi aussi, je suis ravie dem’arrêter. La course ne nous a pas permisd’échanger sur de grands sujetsphilosophiques, mais j’en sais un peuplus sur Alessandro grâce à Nevio, qui

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passe son temps à le charrier.

Nous rejoignons un club de sport quiborde Central Park après avoir récupérénos sacs dans la voiture d’Alessandro.Lui et Nevio s’entraînent souvent ici, etnous pouvons nous y changer et nousdoucher. Le décor est ultrachic et je suisintimidée avec mes vêtements bonmarché.

Alessandro m’attire à lui.

– Nous devrions demander s’ils n’ont pasdes douches mixtes, qu’est-ce que tu endis ?

– Sandro ! Arrête de la reluquer commeça ! Tes yeux crient « attentat à la pudeur» ! raille Nevio.

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Il agrippe le col d’Alessandro quiaccepte enfin de le suivre.

– Désolé, Camélia, mais je vais encoreembêter un peu mon pote et le forcer àm’accompagner, même si ça doit décollerun peu votre petit couple.

Alessandro finit par lui emboîter le pas,en me volant un baiser au passage. Je lesregarde s’éloigner, hébétée. Nevio vientvraiment de dire ça ? « Couple » ? Et,plus hallucinant, Alessandro n’a pasréfuté une seconde ?!

Suze, d’urgence !

Une fois dans les vestiaires femmes,décorés dans des tons crème, chocolat etanis – tellement cosy que je songe à

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emménager ici –, je dégaine mon portableet raconte les derniers événements dansun long SMS.

Bon, plusieurs ! Mais la situation l’exigeet si je l’appelle je rejoindrai les garçonsdans dix ans !

Quand je ressors de sous la douche etm’habille avec le change que j’ai prévu,un SMS m’attend.

[Hiiiiii ! Mais ça devient sérieux ! Vousallez adopter un lapin nain et vous lenommerez Rubybunny genre « couple quivoit la vie en rose » !!:p]

[Rubybunny ?! T’es totalement timbrée !]

[Tu crois qu’on peut teindre un lapin enfuchsia ?]

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[Suze !]

[Ça va ! >.> Bon, je pense que c’estsérieux entre toi et « Sandro ». Je veux unselfie avec Nevio s’il est mignon : prouvece que tu dis !]

[Non, tu es juste profondément dérangée.Je dois filer, biz !]

Quand je rejoins la partie bar à jus defruits où les garçons doivent m’attendre,je retrouve Alessandro seul. J’apprendsque Nevio avait un rendez-vous et qu’il adû filer.

– C’est un type adorable, mais tout ce quiest contraintes horaires, c’est compliquéavec lui !

Je me dresse sur la pointe des pieds et

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tire sur le col d’Alessandro pourl’embrasser à pleine bouche malgré lesgens qui traversent le hall constamment.

– Désolée, j’étais en manque !

– Ne t’excuse pas, j’allais le faire.

Il replonge vers mes lèvres et me pressecontre lui de manière un peu trop intimepour un lieu public.

– J’ai fait servir un brunch dans une salleprivative. On doit être à 13 heures sur leplateau, autant bien manger avant letournage.

Le tournage ? Je comprends subitementque notre week-end exceptionnel prendbel et bien fin, retour à la réalité. Unpincement me serre le cœur mais je fais

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mon possible pour l’ignorer.

Effectivement, dans une petite pièce auxvitres fumées, en retrait du bar, une tablepour deux est installée. Il y a un buffetjuste à côté qui contient de quoi ruinertous les efforts que je viens de déployerpour ma ligne ! J’y trouve l’équivalentd’un petit déjeuner à l’américaine, avecdes œufs, du bacon… des smoothies enquantité, mais aussi du vrai pain et desviennoiseries.

– Ça, c’était spécialement pour toi,admet-il.

Sans façon, je me jette sur un pain auchocolat : on n’oublie pas la maison sifacilement ! Alessandro rit et se prépareune assiette plus new-yorkaise. Nous

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brunchons dans ce cadre idyllique avecCentral Park qui se dévoile par unegrande baie vitrée, trois étages plus bas.

Les minutes filent à toute vitesse et je merends compte qu’il me faut aborder dessujets plus sérieux. Après avoir fini monEarl Grey, je me lance.

Enfin, en évitant ses yeux. Courageusemais pas téméraire…

– Je voulais te remercier pour ce week-end. Pour ce matin… pour tout. Je ne saispas où tu en es mais… je serais incapablede faire comme si rien ne s’était passéaprès ces moments partagés. J’aibeaucoup pensé à toi après le Black Doget là... je n’ose même pas imaginer.

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Son expression indéchiffrable mepanique. Au lieu de me taire, je continuede creuser ma tombe comme il se doit.

– Même si ça semble prématuré, je nepeux m’empêcher de me dire que j’ai eude la chance en tombant de cet escalier.L’homme que tu es me plaît… vraiment.Pas uniquement physiquement, j’aime tamanière d’être en cuisine, avec tesamis… Mon ex était quelqu’un de pédant,il se croyait au-dessus des autres et jecraignais que tu sois ainsi, vu ta fortune...Il s’est servi de moi sans vergogne et cequi importe à mes yeux, c’est d’avoir enface de moi quelqu’un d’honnête et dedroit. Quelle que soit… la… durée denotre relation.

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Si le début n’était pas mal, je me ramasselamentablement sur la fin.

Alessandro me regarde avec sérieux. S’ilfuit en courant ou qu’il me rit au nez, jel’aurais bien cherché ! Enfin, il ouvre labouche, je suis suspendue à ses lèvres…et on frappe à la porte.

Nooooon ! Faites disparaître cettepersonne juste une seconde !

Avant qu’il n’ait le temps de dire quoique ce soit, Denise apparaît sur le seuil,l’air pressé. La brune est aussi belle quela dernière fois, dans sa robe cintréerouge sang et ses hauts talons de marque.Je me souviens de justesse que je ne suispas censée la détester et lui souris.

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Mais après tout, ce n’est pas comme sielle avait débarqué pile au pire moment !

– Désolée de vous déranger, mais il y aun problème au Black Rose. Il faut que tuappelles le gérant, je n’ai pas réussi à lerégler seule.

Alessandro hésite une seconde et jel’encourage d’un signe de tête. Il se lèveet s’éloigne en composant le numéro. Sasilhouette passe le long de la pièce enombre chinoise. Denise reporte sonattention sur moi et je sens tout de suiteque j’aurais dû prendre un autre croissant: je ne suis pas prête à affronter cettefemme sans ça.

– Camélia, c’est ça ? lance Denise, froidecomme une couleuvre.

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Je décide que je peux également jouer àce petit jeu. Je cligne plusieurs fois despaupières, telle Bambi, l’innocenceincarnée.

– Oh, il vous a parlé de moi !

Son sourire se transforme en rictus.

Touché !

– Écoutez, nous avons sûrement deuxminutes avant qu’il revienne, guère plus.Honnêtement, il ne s’attachera jamais àvous. Vous allez souffrir, puis le détester.Alors évitez de tirer des plans sur lacomète, vous seriez déçue. C’est unhomme adorable, droit, sexy… nous lesavons toutes les deux. Pourtant, il estincapable de se projeter dans une relation

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sérieuse avec qui que ce soit. Ça n’estpas arrivé depuis que nous travaillonsensemble. Je le considère comme un amiet je pense qu’il a des blessures passéesqui l’empêchent d’évoluer, me prévient-elle avec une commisération qui medonne envie de lui jeter des viennoiseriesà la figure.

Alessandro réapparaît déjà, medispensant de trouver une réponse. Je melève et m’excuse, puis file aux toilettes.Une fois hors de portée, je sors monsmartphone.

Décidément, je devrais payer Suze, elleme sert quasiment de psy !

[Tu te rappelles de Denise Michaud, lapetite peste de notre école primaire ?]

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Je patiente quelques minutes et montéléphone vibre.

[Trop ! Je la détestais. Pourquoi ?]

[J’ai rencontré une autre Denise. Lacollaboratrice d’Alessandro. Uneconclusion s’impose : il faut boycotter lesDenise. Engeance maléfique en vue !]

[OK. Je fais passer ça en séance auprochain conseil pour dominer le monde !XD]

Je pouffe devant cette réponse stupide –autant que ma propre réplique en fait. Jeme lave les mains et me décide àrejoindre Alessandro. Dans le couloir, jene peux m’empêcher de ralentir.Alessandro a eu l’occasion de se confier

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sur le concours et cette histoire avecBrett, mais il n’en a rien fait. Il est peut-être meilleur menteur que les autres et jeme fais avoir sur toute la ligne ?

Je reste persuadée qu’il ne fait pas ceconcours de cuisine pour relever un défi.Depuis que je sais qu’il a un comptepersonnel à régler avec Brett, le hasardne semble plus possible… En tout cas, çaexplique certaines de ses réactions,comme à chaque fois qu’il m’a vue parleravec Brett et devenait blanc de rage.

Mais quel est le but réel d’Alessandrodans tout ça ? À quoi lui sert saparticipation à Keep Calm and Cook ! ? Ilest assez influent, il doit avoir desmanières plus simples pour atteindre

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Brett. Un doute stupide me paralyse :pourrait-il s’être rapproché de moi pourcette raison ? Je lui suis peut-être utile ?Non, c’est ridicule, limite paranoïaque.

J’arrive dans le couloir contigu à la salleoù nous avons brunché et j’entends lavoix d’Alessandro qui claque :

– Arrête ! Tu te trompes sur toute la ligne.Et ne dis pas de mal d’elle. Si tu lacritiques encore ainsi devant moi…

– Tu ne menaces pas de me virer quandmême ?! Alors que je m’inquiète pour toi! s’emporte Denise.

– Le sujet est clos. Plus un mot surCamélia, c’est tout.

Fascinée, je les rejoins, l’air dégagé.

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Alessandro me sourit mais je devine unepointe de gêne, il doit craindre – à raison– que j’aie surpris leur conversation.

– Camélia, on prend un taxi pour lesstudios. Je laisse ma voiture à Denise,elle doit se rendre à la boîte à ma place.

Je salue à peine Denise, dont les beauxyeux chocolat brillent de colère.

***

Dans le taxi, Alessandro est agité. Je sensqu’il a la tête ailleurs ; peut-être à causedes ennuis évoqués par Denise au BlackRose.

Je finis par attraper sa main, timidement,et entrelace mes doigts aux siens.

– Ça va ?

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On échange un regard, l’expressiond’Alessandro s’adoucit et j’ai envie del’embrasser.

– Oui, quelques problèmes… enfin, riende grave. Je préférerais en discuter aprèsle tournage : tu dois demeurer concentrée.

Je devine son hésitation et me demandes’il repense à ma déclaration avant queDenise nous interrompe… ou à Brett ? Jeme décide à essayer une dernière fois :

– Je suis là si tu as besoin de parler, je…suis plus forte que j’en ai l’air, affirmé-jeen bandant mon biceps comme unculturiste, provoquant un petit sourireamusé chez lui. Si je peux aider…

Il hoche la tête, toujours aussi indécis.

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Finalement, il caresse ma joue.

– Je m’inquiète aussi du comportement deBrett sur le plateau à ton égard. Ne t’isolepas trop, surtout quand je ne serai pasdans les parages, d’accord ? Qu’il soitobligé de garder ses distances.

Je me rembrunis. Je ne suis donc pas laseule à penser que cette histoire pourraittourner au vinaigre et que le critique n’enrestera pas là. Je soupire et, encontemplant nos mains enlacées, me forceà lui répondre en serrant sa paume.

– Pour… ça, on devrait se montrerdiscrets jusqu’à la fin du concours, si tues d’accord.

J’ai voulu éviter un fatidique « nous deux

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» ou le mot « couple » mais ça n’est pasbeaucoup plus heureux. Un éclair amusédans ses yeux me fait craindre de m’êtrecomplètement grillée !

Ce n’est pas possible de s’empêtrer à cepoint dès qu’on ouvre la bouche !Dommage qu’une déclaration ne puisse sefaire sous forme d’entremets, je serais autop !

Le chauffeur nous annonce que noussommes arrivés. Nous descendons unedizaine de mètres avant l’entrepôt etmarchons à peine quelques pas avant queje ne ralentisse : les studios sont tropprès, nous devons nous séparer.Alessandro s’apprête à m’embrasser maisil doit deviner ma gêne car il recule, à

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regret. Je lui assure gaiement :

– On se rejoint dedans !

Un peu dépitée malgré tout, je me mets enroute vers l’entrée.

Le concours est presque fini, nous nesommes plus que trois ! Je dois meconcentrer sur mon objectif, Alessandrone doit pas me faire tout oublier !

Perdue dans mes pensées, je sursautequand deux paumes chaudes atterrissentsur mes yeux. Un corps m’attire contre luiet je souris : Alessandro n’a pas purenoncer à ce dernier baiser ! Me donnantraison, des lèvres se posent sur lesmiennes et je réponds instinctivementmalgré les studios tout proches.

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Mais… quelque chose ne va pas !

Je me débats et les mains retombent. Jeme tords le cou pour voir Alessandro, etrencontre le regard de…

– Simon !

J’hallucine ? Qu’est-ce que mon ex-patron Slash connard d’amant infidèlefiche ici ?! Et de quel droit m’embrasse-t-il ?!

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14. Ancienne recette etacrimonie

En plein cœur de Manhattan, ce ne sontpas les bruits de la circulation quej’entends mais mon cœur qui bat à mesoreilles. Tandis que je recule, Simon,mon ex, tente de me retenir. Je lerepousse et réussis à m’écarter.

Sur mes lèvres s’attarde encore le goûtdes siennes, incongru. Le visage soudainfigé, je le contemple presque choquée.

– Simon ? Qu’est-ce que tu fais là ?

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Alors que j’étais avec Alessandroquelques minutes plus tôt, me retrouver enface de Simon me semble totalementirréel. Il m’adresse son sourire king size,celui qu’il réserve exclusivement auxfemmes et pense irrésistible.

Et dire qu’à une époque, ça a marché surmoi !

– Camélia !

La voix d’Alessandro me fait sursauter.Je le vois arriver à grands pas, réalisantqu’il a dû assister à toute la scène. Monex le dévisage avec une drôled’expression, ses traits réguliers sontempreints de froideur, alors que ceuxd’Alessandro irradient d’une colèresourde.

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– Qui c’est ce type ? se contente dedemander Simon avec un dédainpalpable. Je ne peux pas te laisser deuxminutes sans qu’un mec te drague.

Une seconde, je reste abasourdie devantune telle accusation ; surtout venant delui, ceinture noire en infidélité, alors queça ne le concerne plus du tout !

– Camélia, je me pose la même questionque… cet homme, dit Alessandro enprononçant ces mots d’une façon étrange,presque comme une insulte dont noussommes tous conscients.

Je bafouille, dépassée par la situation.

– C’est Simon, mon…

– Petit ami, intervient ce dernier en

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souriant, condescendant au possible.

– Hein ? Bien sûr que non ! m’insurgé-je.

Alessandro me contemple avec tant defroideur que je manque de merecroqueviller sur place.

– Alessandro, ce n’est pas ce que tupenses.

– Alessandro ? Passer d’un chef étoilé aupizzaiolo du coin, c’est tomber de haut,non ? ricane Simon.

J’envisage une seconde de le frapperpour lui rabattre son caquet. Après tout,pourquoi laisser Alessandro, dont je voisles poings se crisper, s’en occuper ? J’aibien envie de régler mes comptes moi-même ! Simon a toujours été snob, à

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cause de l’hôtel de luxe et du restaurantgastronomique très coté de ses parents.Sa propre réussite n’a rien arrangé.Pourtant, comme à chaque fois qu’ilréagit ainsi, j’éprouve le besoin dem’excuser pour lui… Puis je me rappellebrusquement : je ne suis plus avec cethomme pédant et irrespectueux !

Je ne lui dois rien !

– Simon, arrête tes gamineries ! Je ne saispas ce que tu fais ici et ça ne m’intéressepas. Va-t’en, ça vaudra mieux.Alessandro, l’émission nous attend.

Je l’attrape par le bras et l’encourage àavancer, j’évite sa main pour ne pas avoirl’air trop intime avec lui, mais je crainsun instant qu’Alessandro refuse de me

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suivre. Il paraît furieux et à deux doigtsd’en découdre. Finalement, il accepte debouger, nous marchons dans un silenceglacé vers l’ascenseur et j’ai conscienceque ce court tête-à-tête est ma seulefenêtre pour lui expliquer la situation.Jusqu’à ce que la voix de Simon résonneà nouveau :

– Camélia, nous n’en avons pas fini !

– Oh si ! Et ça date, même ! rétorqué-jesans faire l’effort de me retourner.

Alessandro ralentit et je prie pour qu’ilne reparte pas en arrière faire quelquechose de stupide : Simon est tout à fait dugenre à porter plainte, même quand ilprovoque une bagarre. Cet homme n’ajamais tort. La tension me noue le ventre,

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elle ne se dilue qu’une fois à cent mètresde mon ex.

Dès que nous avons franchi le seuil del’entrepôt où se déroule le tournage, jeme sens plus légère. Mais à cet instant,c’est Alessandro ma priorité. Montéléphone vibre dans mon sac et je lemets discrètement sur silencieux pendantqu’Alessandro vide ses poches pourpasser le portillon de sécurité.

Il ne décroche pas un mot jusqu’àl’ascenseur que nous attendons unmoment. Je réalise qu’il est temps de mejeter à l’eau, surtout que ce n’est pas unefois là-haut avec l’équipe et les caméraspartout que je pourrais me confier.

– Tu te rappelles quand je t’ai parlé d’un

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ex manipulateur ? C’était lui. Simon estbien mon ex quoi qu’il dise, j’ai rompu àParis et tout est fini entre nous.Réellement, m’obstiné-je devant unAlessandro toujours aussi fermé.

Je me mords les lèvres et me décide àjouer le tout pour le tout.

– J’ai pensé que notre relation étaitsérieuse, mais j’avais tort. Il est capablede se montrer très persuasif quand il leveut… et charmeur. D’où le fait que jem’étais promis de me méfier, de réfléchiravant d’agir… Enfin, jusqu’à une certainenuit.

Alessandro se détend un peu, mais jepréfère continuer sur ma lancée :

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– Je le soupçonne de m’avoir trompéedès le départ. Mais ce qui m’aprofondément blessée, ce n’est même pasça, c’est la manière dont il m’a trahie : ila volé une recette que je préparais pourun concours et l’a présentée comme lasienne dans un grand magazine de cuisine.Il était bien plus connu que moi et quandje l’ai menacé de le dénoncerpubliquement, il m’a affirmé quepersonne ne prendrait mon parti.

Mon explication est devenue de plus enplus laborieuse et j’essaie de resterimpassible alors que j’ai une furieuseenvie de pleurer. Pour cette injustice quine sera jamais réparée. Pour ma bêtised’avoir été crédule et capable de melaisser manipuler par un tel homme.

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L’expression d’Alessandro a changé dutout au tout, je sens une compréhension enlui qui me touche et, Dieu merci, aucunepitié ni condescendance. Je ne l’auraispas supporté.

– Alessandro, ce qui m’importe, là, cen’est pas Simon ; je dois juste avancer.Par contre, je ne veux plus me retrouverdans ce genre de situation. J’ai besoind’avoir confiance, en cuisine ou… enprivé. Être trompée ou manipulée seraitrédhibitoire pour moi.

L’ascenseur arrive enfin et je le précède.Quand les portes se referment sur nous, jele contemple, anxieuse : je viens de luioffrir sur un plateau la possibilité dem’expliquer toute son histoire avec Brett,

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d’être complètement honnête avec moi.S’il ne dit rien…

Alors tu te seras à nouveau fait baladerpar un homme. Et tu n’auras plus qu’àoublier ce qu’il t’inspire… Si ce n’estpas déjà trop tard.

Mon cœur serré me montre suffisammentque ça ne sera pas si simple. Depuis quenous sommes dans cet ascenseur, je suissuspendue à ses lèvres, j’attends lemoindre signe de sa part. Les portess’ouvrent et un assistant de prod monte.Je dois me forcer à lui rendre son salut.Alessandro s’approche de moi mais sonvisage impassible ne me donne aucuneindication sur ce qu’il pense.

Je ronge mon frein en silence. Peut-être

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qu’Alessandro allait parler… ou pas, jene le saurai jamais. Le bip qui annoncenotre étage résonne. Je croise son regardqui me semble plein de regrets, mais est-ce que je l’imagine pour me sentir mieux?

Dès lors, tout s’enchaîne : le tournage estdans moins d’une heure, ce qui laisse peude temps pour nous changer et passer aumaquillage. Je me dirige vers lesvestiaires qu’on m’a attribués, puis meretrouve devant Jenny, « l’assistantemake-up », comme elle se présente avecun grand sérieux.

– Vous avez les yeux clairs… je pensequ’on devrait essayer une ombre àpaupières un peu plus marquée plutôt que

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de toujours vous faire un nude. Vous endites quoi ?

Je souris, la tête ailleurs et dépitée parles derniers événements.

– Pas grand-chose, je vous fais confiancetant que je n’ai pas l’air déguisée ou prêteà sortir en boîte.

Elle s’éclipse pour aller chercher uneautre palette dans sa voiture et j’attrapemon téléphone, qui affiche plusieursappels en absence. Simon, évidemment.Je préfère joindre Suze et lui débiter toutel’affaire avant que l’assistante neréapparaisse.

– Il est jaloux en tout cas, conclut-elle.

– Oui. Et peut-être en train de me mener

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complètement en bateau… Pourtant jecroyais bien le cerner après ce week-endde rêve en tête à tête, qu’il n’était pas…comme Simon.

– À ce propos, il a vraiment débarqué àNew York ?! Juste pour toi ?

– Je n’en suis pas totalement sûre. Je l’aiplanté sur place, j’avais peur de les voirse battre. Il a essayé de m’appeler deuxfois sur mon portable.

Je l’entends soupirer.

– Les hommes sont à 99,9 % des abrutis,tu connais mon opinion : en trouver unvraiment bien, c’est comme l’histoire destrèfles à quatre feuilles, tu comprendsl’arnaque à force ! Après, si Alessandro a

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réagi ainsi avec Simon, il y a un truc.Quand on se fiche de quelqu’un, on n’apas ce genre d’attitude. Je ne crois pasqu’il joue à ce point la comédie, il doitêtre accroché, qu’il le réalise ou pas.

– Si seulement…

– Et toi ?

Le silence qui lui répond en dit long. Ellefinit par reprendre la parole :

– Allez, ma belle, je suis sûre que c’estréciproque, je le sens bien, d’après toutce que tu m’as dit.

L’assistante revient et on raccroche, je neme vois pas continuer ma conversationalors qu’on me maquille en mode diva, çaserait aussi le meilleur moyen pour que

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toute l’équipe soit au courant pourAlessandro et moi.

Non, je ne soupçonne pas du tout Jennyd’être une commère après qu’elle m’araconté la vie privée de la coiffeuse del’émission…

***

Le tournage reprend sur les chapeaux deroues, Brett semble remonté, Jean-Jacques fait preuve de sa placiditéhabituelle, à croire qu’il est maître zen,pas chef. Linda sourit à la ronde, de façonencourageante. Je suis placée en faced’Alessandro, tandis que le plan detravail d’Edward est entre nous, endirection du jury.

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La tension est palpable ; nous attaquons ladernière ligne droite du concours. Je mesens à la fois déstabilisée par monhistoire avec Alessandro et résolue à nepas me laisser abattre.

– Aujourd’hui, commence Linda, nousentamons les ultimes épreuves qui nousamèneront à la finale. Pour rendre cemoment particulier, nous avons invité unchef de renom. Il s’agit de… SimonFréget !

Il apparaît derrière le jury dans une vesteimmaculée, le sourire aux lèvres.

Non mais je rêve ! C’est un cauchemar !

Son regard passe sur moi rapidementavant de se braquer sur Alessandro. Il a

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une expression que je ne connais que trop: cette œillade assassine est réservée auxgens qu’il va crucifier devant toute sabrigade à cause d’un assaisonnement ratéou d’un plat trop cuit.

– Bienvenue, cher Simon, quel plaisird’accueillir un nouveau Français dansnotre concours ! annonce Brett en luiserrant la main.

Applaudir avec les autres me demande uneffort mais je refuse de me faireremarquer.

– Simon a reçu carte blanche pour lesépreuves et il nous a concocté un beauchallenge, vous pouvez me croire,reprend Linda, avec un sourire un peuforcé, me semble-t-il.

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Ce dernier hoche la tête. Avec sescheveux blonds coupés très court et samâchoire forte, il dégage une froideurpresque rigide : le contraste avecAlessandro, qui incarne pour moi uneénergie puissante, chaleureuse, estd’autant plus frappant.

– J’avais prévu de proposer la réalisationd’un plat français assez connu… Mais àla réflexion, seule la maîtrise compte.J’ai envie que nous revenions un peu auxessentiels. Ça sera donc uniquement desexercices de base de l’apprentissage d’uncuisinier : vous devrez tourner unedizaine d’artichauts, puis me tailler despommes diamants, il m’en faudra aumoins cinq, parfaites. Rien de sorcier,juste de la technique. Attention ; j’attends

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de voir de la rigueur, pasd’approximation, veillez à être réguliers !Bonne chance.

Je visualise mentalement mille torturesque je rêve de lui imposer. Cette épreuveest celle qu’il m’a fait passer lors de monentretien d’embauche avec trois autrescuisiniers. J’avais raté mes taillages endiamant et réussi parfaitement lesartichauts. Cette espèce de rappel mesemble mesquin et j’ai un goût amer enbouche.

Si je lui donne un gros coup dans lesparties, je suis disqualifiée ? Dommage…

Puis je réalise que je ne suis pas la seulevisée, malgré le petit sourire perfide queSimon m’adresse à cet instant. Qui, ici,

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n’a aucune chance de passer une telleépreuve ? Mes yeux se reportent surAlessandro qui reste impassible. Simonveut purement et simplement l’éjecter duconcours ! Fidèle à lui-même, il semontre vindicatif. Je croise le regardd’Alessandro dont l’expression s’adoucit,comme s’il essayait de me rassurer. Jeserre un peu plus les dents : pas cette fois!

– Vous aurez une heure, nous informeJean-Jacques.

Le chrono est lancé et je vais chercher,comme Edward, qui semble d’un calmeolympien, mon bac avec les pommes deterre et les artichauts. Mon collègue s’estforcément rodé à cet exercice au début de

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sa carrière, comme moi. Je suis doncpresque certaine de pouvoir faire aumoins aussi bien que lui. Suite à monfameux entretien, je me suis entraînée desheures durant pour devenir irréprochablesur le sujet.

Quand je reviens à ma place, je réfléchisrapidement. Jean-Jacques discute avecSimon pour la caméra, sans doute pourévaluer l’épreuve avec lui. Bref, il y apas mal d’agitation mais il m’estimpossible de donner discrètement uncours en accéléré à Alessandro. Edwardprépare déjà le bac d’eau et je voisAlessandro hésiter devant les casseroles,sûrement perdu sur la première étape àlancer.

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Comment je peux faire ? Une idée, vite !

D’un coup, je me rappelle où je metrouve : Keep Calm and Cook ! Tout estdans le titre ! On nous demande sanscesse de faire des démonstrations à lacaméra pour les néophytes… eh bien, jen’ai qu’à en faire de même. Alessandroest malin, si je vais lentement et que jeme tiens toujours face à lui, avec un peude chance… Autant dire qu’il seradifficile de finir dans les temps. Sauf que,pour le coup, seul m’importe d’empêcherSimon de commettre une injustice de plus.

J’inspire, puis jette un œil à Alessandro.Je tousse un peu. Du coin de l’œil, jeremarque que j’ai réussi à capter sonattention. Sans hâte, j’attrape une

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casserole et la remplis d’eau, puis j’yajoute le citron. C’est dur de garder lerythme et d’épier en même temps lesréactions d’Alessandro, pour vérifier sitout est clair pour lui. Enfin, il m’imite.

À partir de là, tout va bien. Il reproduit àla perfection chacune de mes actions,consciencieusement, même si tout faire enmiroir nous ralentit considérablement.Tourner un artichaut doit prendre dans lesdeux minutes, en faire vingt est censénous occuper plus de la moitié du tempsimparti. Ensuite, il y a le taillage endiamant, très minutieux, et je m’inquiètequ’Alessandro n’en vienne jamais à bout.

Quand nous en sommes au quatrièmeartichaut, Alessandro accélère

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considérablement, il paraît plus à l’aiseet garde un œil sur moi. Il estopérationnel donc je passe à la suite etattrape une pomme de terre : il doitmaîtriser les deux rapidement pourpouvoir en faire un peu plus en prévisiondes ratages inévitables. Alors que jecherche le moyen de lui montrer latechnique malgré la distance qui noussépare, la chance nous sourit enfin : onme demande de réaliser une pommediamant devant la caméra. Alessandro neverra rien mais entendra toutes mesexplications. Je m’exprime par phrasescourtes et claires, du moins je l’espère !

– Il faut d’abord découper un cube dansune pomme de terre, puis faire destaillages en biseau sur toutes les faces à

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un centimètre du bord. Puis, on enlève lesmorceaux ainsi détachés du cœur, quiprend alors la forme d’un diamant. C’estsimple sur le papier, moins dans laréalité. On coupe souvent tropprofondément et le résultat final est vitegrossier.

La caméra me quitte et je me retrouve ànouveau face à Alessandro, il a eul’intelligence de préparer une bonnedizaine de cubes, et je recommence madémonstration en faisant attention à ceque mes gestes soient bien intelligibles.

L’épreuve s’arrête enfin, et je m’épongele front avec un torchon, épuisée par latension qui m’a serré le ventre. Aussitôt,je vérifie le plan de travail d’Alessandro.

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Les pommes de terre ne sont pasparfaites, il a fait de son mieux mais seulela pratique peut permettre d’obtenir lerésultat qui se trouve devant moi. Sesartichauts sont par contre vraiment pasmal… sauf qu’il lui en manque, j’encompte quinze, et cela ranime ma colèrecontre Simon.

Si je le croise dehors celui-là, c’est luique je taille en morceaux !

Le verdict du jury est sans appel :

– Alessandro, ce n’est pas régulier. C’estla bonne forme, vous n’avez pas commisl’erreur de vouloir cuire la pomme deterre, et on voit que vous avez compris leprincipe… mais peut mieux faire, commeon dit ! lance Brett avec un grand sourire,

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toujours ravi d’être le messager desmauvaises nouvelles.

– Effectivement, on est encore loin ducompte, ajoute Simon, installé à la droitede Brett en sa qualité de chef invité.

Linda tempère aussitôt :

– Il y a quand même un vrai effort, ças’améliore sur ces deux-là, sûrement vosdernières. Pour ça, je vous félicite.C’était la première fois ?

Alessandro prend son air un peu «canaille italienne » que je lui ai déjà vulors des interviews.

– J’avais essayé une fois en suivant untutoriel sur YouTube en fait. Mais je doism’entraîner, personne n’accepterait ce

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genre de rivière de diamants, n’est-ce pas?

Son autodérision fait mouche, et le juryéclate de rire. Mes propres taillages sontsalués, même si Brett affirme que l’und’eux est légèrement de guingois – ce quiest faux ! – et que mes artichauts sontlégèrement noircis – mais bien sûr !Heureusement, il est le seul de cet avis.Vu que je connais Simon et que nousavons travaillé ensemble, on ne le laissepas s’exprimer sur ce que j’ai réalisé. Àla place, on lui demande juste si je suisune bonne collaboratrice. Son sourire estglacé. Il m’envoie du fiel de ses yeuxverts avant de répondre :

– Bien coachée, dans une brigade de

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qualité, elle est un vrai atout dans unecuisine. D’ailleurs ses exercices parlentpour elle : elle a acquis une certainemaîtrise technique…

L’importance qu’il se donne me fait serrerles poings de frustration. J’aperçois unmouvement d’Alessandro à mes côtés. Àpeine, c’est presque indétectable,pourtant ça me rappelle sa présence et jeme contiens. Dieu merci, c’est au tour deJean-Jacques de juger mon travail.

Quand nous quittons le plateau, je suis encolère. Je ne regrette pas mon choix delaisser Edward passer devant, pas uneseconde. Je regrette seulement de n’avoirpas pu me défendre, de subir les attaquessans jamais m’exprimer de peur que cela

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se retourne contre moi. Les larmes memontent aux yeux, mais je les refoulefermement.

Il ne le mérite pas !

Dans ma loge, je prends deux minutespour respirer, yeux fermés. Quelqu’unentre dans mon dos et j’ai à peine letemps de me retourner qu’Alessandro sejette sur moi. Il me soulève dans uneétreinte de fer à laquelle je répondsd’instinct. Mes bras s’enroulent autour deson cou et j’ouvre la bouche pour laissersa langue trouver la mienne. Je ploie,fragile contre lui, rassérénée. Ilm’embrasse à m’en faire perdre la tête etmes ongles s’enfoncent dans sa veste decuisine. Je me détends au point de tout

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oublier, de rêver de me fondre en lui plusintimement. Enfin, il recule et me reposeau sol pour encadrer mon visage de sesmains.

– Je n’aurais jamais espéré que tu fassesça pour moi, dit-il d’une voix étrangementrauque. Tu t’es mise en danger en voulantm’aider ainsi… Camélia, je…

Ses yeux clairs paraissent assombris parla passion que j’y lis. À nouveau, il secolle à moi. Je sens mes fesses butercontre la table à maquillage. Nos bouchesse scellent avec une urgence brute, totale.Nous tanguons, pressés l’un contrel’autre, je m’apprête à déboutonner saveste quand un fracas dans le couloirnous interrompt. Je réalise où nous

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sommes et m’écarte en catastrophe, lesouffle court.

Alessandro fronce les sourcils et fermeun instant les paupières, comme sireprendre le contrôle lui demandait touteson énergie.

Ou qu’il s’apprêtait à sauter à nouveausur moi… et je n’ai pas du tout enviequ’il craque, du tout…

Il me ramène néanmoins à lui et pose sonfront contre le mien avec une tendressequi me bouleverse.

– J’ai rendez-vous pour une mini-interview dans dix minutes… Euh, trois,je serai en retard, je crois. Je souhaitaisjuste te… parler.

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– J’adore cette manière de me « parler »,on recommence quand tu veux, lui assuré-je avec un large sourire.

Je me hausse sur la pointe des pieds etl’embrasse d’un baiser rapide. Uneparfaite complicité nous lie, qui me faitoublier mes doutes de l’ascenseurquelques minutes.

– Tu vas vraiment être à la bourre, luirappelé-je, moqueuse.

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15. Soupçons etconversations

Je remonte d’un pas rapide le couloir quimène à la loge où l’habilleuse stocke nosvêtements. J’ai vraiment peu de tempsavant la reprise du tournage et ma vesteest tachée. Il me faut absolument enchanger ! Dire que je peux cuisiner desheures sans une catastrophe, maisrépondre au téléphone et boire un café,mission impossible !

– Camélia !

La colère qui s’était un peu apaisée

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flambe à nouveau devant Simon qui merattrape avec son air toujours conquérant.Je jette un coup d’œil autour de moi ; iln’y a personne mais je porte encore monfichu micro – que j’ai totalement oubliépendant mon tête-à-tête avec Alessandro,bravo ! Par précaution – et sûrement enpure perte –, je le couvre de ma main.

– Qu’est-ce que tu veux ? Je te jurequ’après ce que tu viens de me faire, jepense sérieusement au meurtre avec lepremier objet de cuisine qui me tombesous la main ! Même une passoire feral’affaire, grogné-je.

Simon me coule un regard surpris, peuhabitué à me voir aussi vindicative. Saufque là, je suis à bout et que ce n’est plus

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mon patron ! Il a trop joué avec moi.

– Écoute, si le concours te met souspression, on discutera quand tu aurasretrouvé ton self-control…

Ses traits sont crispés dans une attitudehautaine ridicule. Jamais Alessandron’aurait réagi ainsi.

– Retrouvé mon self-control ?! C’est lablague du siècle ! Le seul jour où j’aiperdu la tête, c’est quand j’ai accepté desortir avec toi ! Le mec le plus macho,infidèle, pédant… et le plus mauvais chefde la création ! Tu n’es qu’un minable, tun’as pas de talent, juste une famille richeet des ambitions loin au-dessus de tesréelles compétences. Oublie-moi, je neveux plus jamais entendre parler de toi !

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Il fronce les sourcils, je ne sais si c’estde vexation ou de colère. Il cherche uneréplique acerbe, déstabilisé par mamorgue.

– Tu es le pire des choix que j’ai pu faire,enchaîné-je. En même temps, je teremercie. Tu m’as donné l’impulsion quim’a amenée ici et m’a ouvert les yeux surce que je n’accepterai plus jamais desubir.

– Je te trouve bien sûre de toi ! Tu esseulement dans le trio final sur ceconcours, ne prends pas la grosse tête, ladescente pourrait être douloureuse,persifle-t-il.

Cette réplique ne me touche pas le moinsdu monde. Mentalement, je ne cesse de le

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comparer à Alessandro, puis jecomprends pourquoi : ce n’est pas unehistoire de physique. Oui, Alessandrom’attire infiniment plus, au point que jeme demande comment j’ai pu accepter lesavances de Simon. Mais c’est surtout untempérament, une lâcheté, une manière dese montrer mesquin dans la dispute et detenter de faire mal à l’autre qui ledistingue d’Alessandro. Même quand cedernier m’a crue envoyée par la prodpour le séduire, il n’a pas été aussiméprisant que Simon en cet instant : sadéception et sa colère étaient vives etfrontales.

– Tu vas perdre et tu reviendras enrampant ! me relance Simon avant detourner les talons.

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Je sais pourquoi il a agi ainsi : pourm’enlever la possibilité de lui répondre.Sauf qu’en fait, je n’en ai aucune envie.Je lui ai dit ce que je pensais de luiclairement et je réalise qu’aucun de sespropos ne m’a blessée comme une seuledes accusations d’Alessandro… parcequ’il ne compte pas à mes yeux. Je nel’aime pas.

Mes yeux s’écarquillent et mon cœur faitune telle embardée que je porte la main àma poitrine.

Jusqu’à présent j’ai préféré penser à luicomme à un amant redoutablement beau ettentant… mais ça va au-delà de ça. Jetiens à Alessandro, je n’ai pas supportél’idée de le voir rabaissé par Simon, mon

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cœur s’affole dès qu’il me touche… Jesuis irrémédiablement amoureused’Alessandro ! Les indices étaient là,mais je refusais de le reconnaître. J’ail’impression que je vois clair à nouveaumaintenant que j’ai osé affronter la vérité.

Je réalise que je me suis figée au milieud’un couloir désert, le rouge aux joues. Jeme remets en route et rejoins l’un desdécors dont on se servira pour la finale,ils viennent à peine de finir del’assembler. Je m’enfonce entre lescaisses de fournitures.

La semi-obscurité et le calme me font dubien. Le bourdonnement incessantd’activité s’est enfin estompé. Je ferme uninstant les yeux pour me recentrer, que ça

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soit pour Simon ou Alessandro, je nepeux m’occuper de ça maintenant. Ni mesdoutes ni mes nouvelles certitudes nedoivent rien changer, ou je risque de meplanter. Comme un réflexe, je sors montéléphone. Suze répond à la troisièmesonnerie. Elle écoute sans m’interromprele récit de ma confrontation avec Simon.

– Tu crois réellement qu’on ne melaisserait pas entrer ? J’aimerais parler àce pauvre type !

– Ça va aller, lui assuré-je.

– Franchement, quand un truc aussiénorme arrive, pense à moi ! Diffuse çaen direct sur Périscope ou Facebook quoi!

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– Je ne saurais même pas le faire, je nesuis pas très réseaux sociaux, rappelé-jeen riant. Déjà que Skype, c’est juste pourtes beaux yeux…

On papote encore quelques minutes et,grâce à ça, je me sens à nouveau pluscalme, j’ai pris du recul et ça évite ainside me rester sur le cœur.

– Je dois raccrocher, mon clientapproche. Il a l’accent russe, j’adore ! Onse croirait dans Bons baisers de Russieavec James Bond qui débarque poursauver le monde et une playmate !

Je secoue la tête et lui souhaite deconclure la vente de sa maisonparticulière hors de prix. Sans faireattention, je me suis éloignée vers le fond

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du décor.

Un bruit me parvient : une porte quiclaque accompagnée de l’écho d’une voixque je reconnais aussitôt, celled’Alessandro. Je m’apprête à le rejoindrepour signaler ma présence mais je me figeen entendant…

– Camélia ne mérite pas ça, je pense fairemachine arrière… Non, je n’ai pasencore réussi à en parler avec elle,Sofia… Je sais, je dois le faire.

Il se tait à nouveau pour écouter saréponse. Alessandro soupire et jedonnerais cher pour voir son expression,mais je ne peux plus me montrer à cestade.

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– Quoi qu’il se passe, il faut que je trouveun moyen pour qu’on puisse incriminerBrett plus tard… Non, pour l’instantJean-Jacques et moi faisons chou blanc,aucun des enregistrements audio ou vidéoque nous avons ne fait état de magouillespour des sponsorings. Rien d’assezconcret pour une vraie preuve… Oui, çava peut-être arriver sauf que je doute demes motivations, au final : cette histoireest vieille… Je ne peux pas la fairesouffrir juste parce que je me suis fixé unobjectif. Ça serait bien la première foisde ma vie que je renoncerai… Je n’avaispas réfléchi aux conséquences pour legagnant de l’émission si un scandaleéclatait, trop focalisé sur Brett. Je suissûr qu’elle a le potentiel pour battre

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Edward.

Il soupire. Au bout d’une minute ou deux,il finit par conclure d’une voix basse, unpeu étouffée.

– Eh bien… je tiens vraiment à elle, oui,elle s’est confiée aujourd’hui sur cequ’elle avait pu vivre avec son ex. J’aipeur qu’elle ne m’écoute pas si je lui enparle et me quitte sans se retourner… Tuas sans doute raison. J’essaierai.

Ils raccrochent ensuite assez rapidement,et Alessandro ne s’attarde pas. Je restecachée dans mon coin, un peu coupablede l’avoir épié… et en même tempssoulagée, je dois l’avouer. Il tient à moi !Comme me l’avait laissé entendre Sofia,il visait bien Brett, mais je ne pensais pas

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que c’était pour traquer des histoires desponsorings. Je sais que l’émission a uncertain nombre de contrats publicitairesavec des marques qui, moyennantfinances, donnent du matériel et font leurpromo grâce à Keep Calm. Mais quelrapport avec Brett ? Que peut-il «magouiller » ? Autre révélationparfaitement logique au final : Jean-Jacques est bien un allié d’Alessandro.

Puis je réalise que je suis un frein pourAlessandro dans quelque chose qui luitient assez à cœur pour mettre sa vieprofessionnelle entre parenthèses, malgrétoutes ses responsabilités ou lamédiatisation qu’apportera l’émission.

Mes yeux se ferment et je me frotte les

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paupières, tentant de réfléchir calmement.À cet instant, mon propre objectif mesemble futile : il y a mille manièresd’avoir un restaurant à son nom ou defaire son chemin dans ce milieu. Je n’aimême pas vingt-cinq ans après tout, alorsqu’Alessandro se bat pour sa famille,pour sa mère… l’image de ma mamans’impose aussitôt à moi. C’était aussi enpartie pour elle que je participais auconcours, pour la rendre fière, qu’ellecomprenne enfin mon choix de carrière.Suis-je prête à faire passer Alessandro enpremier ?

C’est vrai que ça ne t’a pas vraimentréussi avec Simon, ce genre de calcul…

Perdue, je regarde l’heure sur mon

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portable : il me reste à peine une demi-heure avant la reprise. J’envoierapidement un SMS à Suze sans trop ycroire ; sa visite est forcément encore encours, mais j’ai vraiment besoin deconseils !

Elle va finir par me black-lister ! Saouléed’écouter mes problèmes…

Sauf que Suze est une fille avec unegrande gueule et un cœur encore plusénorme. Elle me rappelle dans laseconde, affirmant que son Russe est lui-même au téléphone avec un client, qu’ellea dix minutes.

Elle écoute tout sans m’interrompre. Pourune fois, je la sens sérieuse quand elle merépond :

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– OK… Je suis contente que tu admettestes sentiments. J’avais peur qu’après ceconnard de Simon tu nies ce que tuéprouvais pour Alessandro.

Pour le concours, je pense que tu ne peuxpas le quitter. Très honnêtement, de ceque tu dis, même Alessandro reconnaîtque tu as tes chances et tu as bossé dur.

– Si l’enjeu concerne sa mère… lafamille, c’est sacré, argumenté-je.

– Et la tienne ? Tu voulais leur prouver ceque tu vaux, remarque-t-elle d’une voixdouce.

Je sais qu’elle ne me juge pas et laissepasser un blanc, le temps de réfléchir à ceque je ressens vraiment.

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– Alessandro compte plus que ça. C’estfou mais…

– Mon Dieu… C’est l’air de New Yorkqui t’a fait te trouver un homme plein auxas en un claquement de doigts ? Je suisjalouse !

– Suze, je m’en fous de ça…

– Le pire : c’est sûrement vrai ! Il fautque vous parliez à cœur ouvert de tout çaavec Alessandro, ça sera le plus simple.Mais tu dois rester, j’ai un argument enbéton pour te convaincre ma belle, exulte-t-elle, je peux presque imaginer sonsourire d’ici.

– Dis voir.

– Tu vas mener l’enquête comme

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Sherlock Holmes, c’est trop cool pourrefuser !

Une fois que j’ai raccroché, je cours mechanger avant de finir en retard.

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16. Dans ses yeux...

– Le concours reprend, vous n’êtes plusque trois en lice, et après cette ultimeépreuve, deux d’entre vous accéderont àla finale ! annonce Brett d’une voixsurexcitée qui m’amuse aussitôt.

J’échange un regard de connivence avecAlessandro qui sourit de l’autre côté dela scène centrale. Derrière mon plan detravail, j’ai retrouvé avec détachementles lumières éclatantes du plateau.

– Après Simon Fréget, nous recevons un

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nouvel invité et restons en Europe… maiscap au sud, ou plus précisément en Italieavec un chef qui nous est cher, ici,surKeep Calm and Cook !, intervint Lindaà son tour, plus mesurée. Il s’agit deMatteo Alestra, notre gagnant de la saisonprécédente !

Je me joins aux applaudissements alorsqu’arrive le Sicilien que je connais pouravoir suivi les rediffusions sur le câbleen France. Matteo a une petitecinquantaine, une jolie bedaine et desmains presque effrayantes tant elles sontlarges.

– Comment allez-vous, Matteo ? demandeJean-Jacques en serrant l’une de sesénormes pognes.

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– À merveille ! dit-il d’une voix bassemais dynamique. Surtout que cette annéeje donne juste des ordres et je me régale ;c’est de ce côté qu’on est le mieux, jepense !

Nous éclatons tous de rire devant sabonhomie. Il ne perd pas de temps pournous expliquer son épreuve :

– Bien, vous le savez sans doute, je suissicilien ! J’ai donc envie de voircomment vous vous débrouillez avec lacuisine populaire de mon pays loin devotre tambouille de palace à laquellevous êtes habitués ! J’ai appris qu’unItalien était parmi les candidats enarrivant ce matin, je seraiparticulièrement exigeant avec lui, c’est

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de bonne guerre !

Le regard de Matteo nous balaye avant des’arrêter sur Alessandro, qui lui souritavec flegme, a priori ravi d’êtrechallengé. La même assurance tranquilleémane toujours de lui, ce que j’ai plutôttendance à admirer.

Nous avons une heure pour cette épreuveet, après une dernière série de conseils,nous voilà lâchés. Je rejoins le garde-manger avec Edward sur mes talons. Ilforce le passage et je me déporte pouréviter d’être piétinée au passage.Alessandro fronce les sourcils et d’unemain, il m’invite à le précéder.

Je cuisine assez peu italien. Je connaisles bases, forcément, mais ce ne sont pas

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des plats que je réalise régulièrement, lesidées ont donc du mal à venir. Le premierplat auquel je pense est l’osso-buco à lamilanaise, c’est très simple, mais j’aitoujours aimé en manger. Peut-être qu’enadaptant un peu la recette, je pourrais medémarquer ? Je réfléchis un moment maisremarque en détaillant le contenu du bacd’Edward qu’il a lui aussi clairementprévu d’en préparer un.

Catastrophe ! Autant flinguer directementmes chances !

Rien de pire que la monotonie pourrendre hyper-critique un jury. Edwardrepart avec ses ingrédients, si l’un denous peut changer d’idée, ça sera moi.Par prudence, je jette un œil à Alessandro

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qui sélectionne des morceaux de veau,alors qu’un paquet de riz arborio souventutilisé pour le risotto patiente déjà dansson bac.

Déstabilisée, je passe quelques minutes àtourner en rond dans le garde-manger,sachant pertinemment que la fin du tempsimparti est proche. Le caméraman quinous filme Alessandro et moi, dans unespace aussi confiné, me rend légèrementclaustrophobe. Ma nervosité grimpetandis que j’examine les dizaines desortes de pâtes disponibles.

Dans mon dos, un bruit me fait sursauter.En se dirigeant vers la sortie, Alessandroa percuté un panier et failli verser parterre des palourdes entassées en

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pyramide. Je fronce les sourcils : si jepeux me montrer maladroite, Alessandromaîtrise chacun de ses gestes, cet incidentne lui ressemble pas. Puis je comprendsle message, il me suggère de m’en servirpour une recette ! Et je n’en vois qu’unequi cadre, les pâtes « alle vongole ».Avec le caméraman à deux pas, il a dûêtre discret.

Quelques minutes plus tard, je suis ànouveau à mon plan de travail et lance lespréparations. L’heure de cuisine file àtoute vitesse. Quand la fin de l’épreuvesonne, je suis assez satisfaite de meslinguine alle vongole. J’ai goûté ma sauceet elle est parfaite, son fumet flotte surtout le plateau. Les pâtes sont « al dente», les coques pas trop cuites :

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franchement, pour un plat que j’ai mangédeux fois dans un resto de Montmartre,petite trattoria traditionnelle, j’ai plutôtassuré !

Je jette un coup d’œil à Alessandro, quiobserve son plat. Pas parce que jem’inquiète pour lui, il a beaucoup dechances de me coiffer au poteau ! Je suisplutôt attirée comme un aimant par sonénergie : il rayonne parce qu’il est dansson élément, on le perçoit immédiatement.Cet Alessandro est fascinant, je ressenstout l’amour qu’il a pour la cuisine et celame touche, car je suis pareille.

La dégustation est filmée dans la foulée,comme Matteo a un planning assezchargé, ils ne peuvent tourner plus tard.

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Alors que j’essaie de ne pas me tortillerd’impatience, Alessandro me rejoint pourle verdict et son calme m’enveloppe.Moins d’une minute plus tard, je me sensrassérénée. Edward a bien proposé unosso-buco. Visiblement, le juryl’apprécie… sans paraître extatique.Alessandro de son côté fait déjà plusforte impression avec son risotto et sessaltimbocca à la romaine. D’un seul coupd’œil, je me doute des remarques quivont suivre. Linda le regarde un moment.

– Alessandro… c’est excellent ! Surtoutce risotto à la truffe blanche, qui estvraiment très fin. Vous avez dû la râperjuste avant la fin de l’épreuve, et dèsqu’on a décloché le plat, j’ai sentil’odeur caractéristique… tout

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simplement, parfait !

Alessandro incline la tête pour laremercier ; ses yeux pétillent, son sourireest lumineux.

– Normalement, pour cette recette jelaisse une truffe dans mon riz, ainsi il…

– Prend le goût ! C’est fabuleux qu’unamateur sache ça, s’enthousiasme Linda.Pour tout vous dire, je le prépare de lamême manière : le goût a plus le temps dese développer. Je le fais plus souventavec de la truffe noire par contre, elle seconserve mieux.

Jean-Jacques acquiesce à tout ça. Brettsourit, pincé, me semble-t-il, avantd’intervenir :

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– Ah ! Nos cuisiniers, quand ils sontpartis à parler boutique, on ne peut plusles arrêter ! On va finir par faire de KeepCalm une émission de conseils si vouscontinuez. Jean-Jacques, mon ami, votreavis ?

Jean-Jacques rejoint Linda dans sescompliments, puis Matteo : triplé gagnant! C’est enfin mon tour et le trac estrevenu.

C’est le moment de savoir si la Françaiserentre chez elle…

Pourtant, Jean-Jacques et Linda merassurent bien vite, ils ont adoré mon plat.

– J’appuie Linda sur un point, uneparfaite justesse dans la cuisson des

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palourdes, approuve à son tour Matteo.Une belle réussite, surtout vu le tempsimparti. J’ai l’habitude de laisser tremperles coques une nuit pour garder de l’eaudans laquelle elles ont reposé avant de lafiltrer pour la sauce ; ainsi, on garde legoût caractéristique des coques trèsfacilement. Et là, sans repos, vous avezun résultat probant et une sauceagréablement iodée, relevée… excellent,vraiment.

Je souris largement, soulagée, et meretiens de danser sur place. Le regardtaquin d’Alessandro braqué sur moi en ditlong.

– J’ai trouvé ça pas mal, Camélia, encoreun petit manque de nuance à mon avis, on

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sent que la cuisine italienne n’est pas « lavôtre » mais vous vous en sortezhonorablement, estime Brett, plus réservéque les autres membres du jury.

Sans blague !

Le jury entame les délibérations, et nousavons dix minutes de pause : trop peupour pouvoir même quitter le plateauavec les maquilleuses qui viennentaussitôt nous donner des coups depinceau frénétiques. Ce qui m’amusebeaucoup quand je vois Alessandroprendre sur lui, pas vraiment à l’aiseavec ce rituel. Il repère mon expression etm’adresse un sourire espiègle.

Tout à mes rêveries, je n’ai pas vu letemps passer et j’ai subi sans broncher le

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plâtrage industriel de Jenny, lamaquilleuse.

Je veux bien croire que les spots fontbriller, OK, mais bientôt un archéologuesera nécessaire pour qu’on retrouve monvisage là-dessous !

– Le moment est venu pour nous de vousrévéler les deux finalistes, commenceJean-Jacques après un petit raclement degorge. Vous avez tous les trois largementmérité nos félicitations : Edward, pour larigueur de votre cuisine, vosconnaissances, votre implication danschaque plat. Camélia, pour la douceurqu’on trouve dans votre plat, il y a uneapproche féminine, tout en finesse, encontraste, vous avez le sens du détail, du

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parfum qui emportera votre plat là où onne l’attend pas.

Sans aucune raison, je me tourne versAlessandro alors qu’il n’a pas bougé d’uncil. Nos regards se croisent et j’ail’impression qu’il s’adresse à moi ensilence, ou qu’il salue le jury et partageleur avis. Ils enchaînent sur Alessandro :

– Et vous, Alessandro, notre outsider dontnous espérions tant, tout en redoutantd’avoir posé le challenge de trop, devous mettre en échec dès le premierplat… Vous nous avez prouvé à quel pointnous nous trompions. Vous êtes appliquéet il y a en vous une passion quicompense un manque de connaissances.Nous admirons une maîtrise grandissante

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dans vos assiettes, dit Linda avecbienveillance, avant de reprendre un tonplus bas, presque comme si elleconspirait. Et même vos dressages… sontbien ! Vous avez arrêté de poser en tasdans l’assiette pour organiser et nousprésenter ce qui constitue votre plat…incroyable !

Alessandro éclate de rire, bon joueur,puis il hausse les épaules.

– L’émulation du concours et de mescamarades en particulier, souligne-t-il enm’adressant une œillade face à laquellej’ai bien du mal à rester de marbre.

Brett prend la parole après un petitsourire en coin à la fois séducteur etamical, comme s’il souhaitait nous mettre

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dans sa poche. Idée qui me déplaîtsouverainement.

– Vous vous êtes tous bien battus, maisaprès décompte des points…

Mon cœur accélère sa course. Ai-je unechance de rester ? Et si oui, contre qui ?Je ne sais plus ce que je veux : une finaleavec Alessandro, m’en aller pour luilaisser la possibilité de réaliser ses plansavec Brett… J’ai l’impression d’êtreécartelée entre la loyauté inspirée parmes sentiments et ma raison : j’aitravaillé dur pour en arriver là.

– … c’est Edward qui nous quitte. Il amanqué un peu d’investissement sur cedernier plat, de surprise. Cet osso-bucosemblait s’ennuyer dans un rayon de

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supermarché italien au lieu de nousinviter en terrasse sous le soleil milanais.Dommage, Edward, vous étiez uncandidat redoutable !

Je cligne des yeux, sous le choc. J’aipresque peur d’avoir mal entendu.Edward incline la tête, je suis curieuse devoir comment il prendra la nouvelle.

– Je tiens à vous remercier pour ceconcours, commence Edward, parlantd’une voix mesurée. J’ai trouvé ça trèsmotivant, cela fait longtemps que jen’avais pas osé me challenger ainsi et jene regrette pas d’être venu. Quand j’aigoûté ton risotto, Alessandro, j’ai su quej’étais foutu ! Excellent, vraiment. Pour tefaire pardonner, tu me donneras la recette.

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Alessandro lui sourit, amusé, tandis quenous éclatons tous de rire. Je me prometsd’aller moi aussi grappiller dans lacasserole d’Alessandro !

À moins de lui demander une séance derattrapage en privé une autre fois, justepour moi ? Pour ça ou d’autres choses…

Le départ d’Edward est rapidement misen boîte, et nous nous retrouvons enpause. Contrairement à celui de James, onne sent pas la même émotion ; lecaractère d’Edward, plus compétiteur, yest sûrement pour beaucoup, mais j’aitout de même apprécié la classe aveclaquelle il a quitté le concours. Aprèstout, peu de professionnels auraient vud’un bon œil d’être évincés par un

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amateur.

Quand je regagne ma loge, je n’en revienstoujours pas. Je suis en finale ! Je dégainemon smartphone et envoie un SMS àSuze, puis à mes parents. Il me faut ledire à mes proches pour que ça devienneplus réel. On frappe à ma porte etAlessandro apparaît sur le seuil.

Ses yeux pétillent, il a l’air aussi excitéque moi. Je me précipite vers lui et il ajuste le temps de me réceptionner aprèsavoir fermé la porte. Je me serre contreson torse, transportée par la joie de vivretout ça avec lui.

– J’étais sûr que tu irais au bout ! mefélicite-t-il avant de me voler un baiserrapide. Tu as impressionné le jury, je

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savais que tu pouvais réussir à laperfection les « vongole ».

– Félicitations à toi aussi, adversaire ! Jene me laisserai pas faire, je te préviens !raillé-je.

Il caresse ma joue et son pouce soulignela courbe de mes lèvres, accélérant monpouls.

– J’y compte bien ! Je veux une Caméliaau sommet pour me battre de toutes mesforces. Les chances sont à mon sens plusde ton côté mais je suis un challenger,méfie-toi…

J’embrasse son pouce, taquine, et sonregard s’assombrit. Bientôt ce sont seslèvres qui remplacent la chaleur de son

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doigt. Nos langues se trouvent et jouent unballet lent, doux. J’ai l’impression depercevoir la fierté d’Alessandro de mevoir en finale, comme si ça lui importaitplus que le fait d’y être. Il me serre contrelui, ses yeux débordent d’une tendressequi me bouleverse.

Sans réfléchir, presque comme si moncœur s’exprimait sans intermédiaire, jem’entends prononcer d’une voix calme :

– Je t’aime.

Je réalise à peine ce que je viens de dire,et n’arrive même pas à le redouter sur lecoup. C’est ce que j’éprouve au fond demoi, c’est si clair, une certitude siparfaite que je ne peux faire semblant.Son regard brille avec une force qui fait

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tout disparaître autour de nous, je ne sensplus que sa chaleur et l’odeur virile deson parfum.

Il fond sur moi en une seconde. Cebaiser-là est total, profond, je ploiecontre lui et m’accroche à sa veste tant jecrains de perdre l’équilibre. Il pressemes hanches, caresse mon dos, l’une deses mains va mettre à mal ma queue-de-cheval. Nous nous serrons l’un contrel’autre. J’ai envie d’enrouler l’une demes jambes autour de lui pour m’arrimerà son corps, mais nous finissons par nousséparer, à bout de souffle : le lieu ne seprête pas vraiment à ce dérapage et il y afort à parier que nous serions surpris vule nombre de gens qui circulent derrièreces portes…

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Dommage…

Sous son regard de feu, je refais macoiffure qui ne ressemble plus à rien. Jene peux m’empêcher d’adorer la façondont il me dévore des yeux.

Quand son téléphone sonne, il cesse deme taquiner pour répondre.

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17. La clé du cœur

Quand Alessandro décroche, jecomprends qu’il a au téléphone l’un deses gérants, un certain James. Assez vite,il se crispe à mes côtés. Je l’observe, à lafois curieuse et impressionnée : il traiteJames avec respect, on sent uneconfiance, de la chaleur dans leurséchanges, à entendre les réponsesfamilières d’Alessandro, qui ne le prendpas de haut. Jamais Simon ne s’adresseainsi à ses collaborateurs, j’en saisquelque chose. Nous étions sans arrêt surla sellette, surveillés ou critiqués. Je me

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promets à mon tour d’avoir ce genre derelation avec mes employés si je suis unjour chef de cuisine.

Alessandro raccroche. Il me détaille,indécis. Je caresse sa joue, ombrée par undébut de barbe qui souligne la forcevirile de son visage.

– James a des problèmes avec des gossesde riches au Black Rose : ils ont essayéde rentrer avec de la drogue. Je les aidéjà blacklistés sur une de mes boîtes,leBlack Storm sur la 10e avenue, mais làils reviennent à la charge ailleurs,visiblement ils n’ont pas bien comprisque je n’acceptais aucune drogue dansmes boîtes, soupire-t-il. À ce stade, jedois prendre le relais, ils ont des parents

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connus dans la jet-set, c’est toujoursdélicat à gérer.

Je lui souris.

– Le tournage est terminé pouraujourd’hui, je rentre et te laisset’occuper de tout ça. Après tout, on nes’est pas quittés du week-end… Ça faitbizarre de se dire qu’on sera rivauxdemain mais…

– Tu m’attendrais chez moi ? propose-t-il.J’en ai pour deux bonnes heures à réglertout ça. Détends-toi jusqu’à ce quej’arrive ! Comment pourrais-je teconvaincre ?… J’ai une baignoire balnéo,du vin, il y a de quoi grignoter… Dès quej’ai fini, je te rejoins. Marché conclu ?

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Je tique, non pas parce que tout ce qu’il adécrit, avec mes jambes lourdes defatigue et mon estomac qui crie famine,me fait presque ronronner, mais parceque… Alessandro ne veut pas me quitter? Il me laisse sa maison en son absence,sans lui ?

Pincez-moi, je rêve !

– Ça ne te… dérange pas que j’y soissans toi ? demandé-je, de plus en pluscurieuse.

Alessandro me dévisage, on diraitpresque que je lui ai posé une colle.

– Du tout, pourquoi ?

Il prend son portable, m’envoie par SMSl’adresse pour être sûr que je ne la perde

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pas et m’annonce que son gardien medonnera les clés. Il a malheureusementassisté ce week-end à une session oudeux de recherches intensives – mes clés,mon smartphone et une carte postale pourmes parents que je n’ai jamais retrouvée !–, il se méfie donc un peu de mon sens del’organisation.

– Ça ira ?

– Bien sûr, je devrais vite y être avec lemétro. Si j’ai un doute, j’appelle Suze,c’est mon GPS perso, affirmé-je avec lesourire.

Alessandro regarde sa montre, sourcilsfroncés.

– Il est tard, je préférerais que tu prennes

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un taxi.

– Le prix d’une course doit êtrerédhibitoire si les taxis new-yorkais sontcomme leurs confrères parisiens…

– S’il te plaît ?

Je plisse les paupières, à la fois amuséeet agacée : Alessandro ne fait pasl’homme des cavernes à m’imposer sansdiscuter un ordre, non, il est du genre plusmalin et retors. Il prend un airirrésistible, me lance un regard de feubon à carboniser ma culotte… et dit « s’ilte plaît ».

– Bien ! Mais c’est juste parce que jecrois que Suze a rencard et que j’aiencore du mal à me repérer dans votre

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subway.

Il me laisse sur un dernier baiser et un «À tout à l’heure ! », qui résonneétonnamment érotique pour une phrase sibanale ! Je m’apprête à quitter les locauxvu l’heure avancée, quand je réalise enfouillant dans mon sac que mon livre depoche n’y est pas. Après une réflexionrapide, je me rappelle enfin l’avoiroublié au maquillage.

Il faut bien s’occuper pendant ces longuesminutes où Jenny me prend pour une tête àcoiffer grandeur nature !

Je rebrousse chemin pour récupérer monJames Patterson, me disant que j’enaurais besoin jusqu’au retourd’Alessandro pour m’occuper. Alors que

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je m’apprête à tourner à l’angle ducouloir, où se situe la loge maquillage,j’entends la voix de Brett et ralentisaussitôt.

Oh non ! Une nouvelle confrontation et jevais l’envoyer à l’hosto : très mauvaiseidée !

Je tends l’oreille pour déterminer s’il estbien dans la loge ou s’il s’éloigne.

– J’ai vérifié encore ce matin, aucunversement n’apparaît sur le compte. Je neparlerai pas de votre marque tant quevous n’aurez pas régularisé ça…Monsieur Maruto, à vous de voir, voussavez ce que j’en…

Un bruit de pas me parvint et Brett se met

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à chuchoter, puis je n’entends plus rien.

– Ah, c’est vous, que voulez-vous ?

Le ton sec de Brett rendrait n’importequel gardien de prison diablementaimable.

– Je vous cherchais, monsieur Lanschtaf,vous aviez oublié de nous donner votremicro et…

C’est la voix de l’assistant de l’ingé son !

– Vous ne pouviez pas venir me le dire àla suite des interviews ? Je vais être enretard ! Dépêchez-vous d’enlever ça, lehouspille aussitôt le critique.

Les voix me semblent proches de la sortieet je préfère m’éloigner. Tant pis pourmon roman, il m’attendra là jusqu’à

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demain. La conversation ne cesse detourner dans ma tête quand, revenue sur letrottoir, je hèle un taxi jaune.

Je sens que j’ai mis le doigt sur quelquechose !

***

Une heure plus tard, je me trouve en pleincœur de Tribeca. Alors que jem’attendais à un de ces gratte-cielmodernes ultra-chics qui pullulent dans lecentre de Manhattan, je découvre unimmeuble en brique rouge assez bas, cequ’on appelle un brownstone. Il doit fairepartie d’un groupe d’anciens bâtimentsqui ont été réhabilités en lofts privatifs.

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À l’entrée, un portier en costumesurveille les allées et venues. Il n’est pasaussi endimanché que ceux que nousavions au palace à Paris, mais pas loin.Avec sa mâchoire carrée assez forte, ilme fait même penser à Marc, le portier deservice du matin avec lequel j’avaissympathisé.

Quand je lui explique pourquoi je suis là,il contourne aussitôt le desk de l’entréepour récupérer un double des clés du loftd’Alessandro. Il propose de fermer laréception le temps de me montrer lechemin, mais je décline poliment ; je medoute qu’il n’en a pas vraiment le droit.

Mon portable bipe. C’est un SMSd’Alessandro :

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[Bien arrivée ?]

[Oui, je suis en train de monter.L’immeuble est joli !]

Bon, j’aurais pu trouver mieux que « joli» !

La réponse ne tarde pas à arriver :

[J’espère que tu aimeras tout autantl’intérieur… N’hésite pas à te mettre àl’aise surtout. Si tu as l’habitude d’êtrenue chez toi, par exemple…]

Je pouffe comme une gamine.

[Alessandro…]

[Quoi ? C’est vraiment pour toi que je disça : c’est un supplice de t’imaginer ainsi,chez moi, alors que je ne suis pas là pour

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voir ça… Et n’hésite pas à fouiller lesplacards pour te faire à manger. Je fais auplus vite.]

[OK, ne t’inquiète pas pour moi, je medébrouille – habillée, ça sera mieux pourtoi…]

Il réplique aussitôt :

[Soupir.]

Une fois la lourde porte déverrouillée, jefais quelques pas timides dans l’entrée.J’allume les lumières et avance enregardant autour de moi, comme si je metrouvais dans un musée.

Je débouche dans un vaste living-roomqui doit faire deux appartements commecelui de Suze. Je me dirige ensuite vers le

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point central le plus important selon moi :la cuisine ! Elle se situe à la gauche duliving-room et communique avec par unbar au plateau large d’un bois que jereconnais immédiatement : de l’olivier !Ma mère possède un meuble qui yressemble rapporté d’un voyage enToscane. Je caresse la surface polie.

Je le contourne pour admirer la cuisine.Tout de suite, le sourire me vient auxlèvres. Les teintes crème contrastent avecquelques éléments gris et noirs : commela cafetière, la hotte contemporaine… Iln’y a pas d’abus de chrome et on retrouvedes plans de travail en olivier, ainsi quela brique rouge apparente dont quelquesmurs parsèment les pièces à vivre. Je mesens aussitôt à l’aise. J’ai envie d’ouvrir

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les placards et de préparer à manger, cequi est toujours bon signe chez moi. Celieu est plein de vie, il a été conçu pourrecevoir du monde. Je ne suis pas dans unappartement-témoin fait pour être regardé; ici, on fait à manger, du bruit et ons’amuse… Ce qui me serre le cœur enréalisant qu’Alessandro est orphelindepuis longtemps maintenant. A-t-il vouluréparer quelque chose ?

Une idée incongrue me vient : j’imaginetrès bien des enfants évoluer entre cesmeubles…

OK, STOP ! C’est comme si je prévoyaisde poser le dessert sur la table d’un clientavant même qu’il ait passé la commande.Calmos !

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J’ignore l’escalier qui mène à l’étagesupérieur du duplex : je préfère ne pasfouiller et me contente de ce que doiventconnaître tous les invités d’Alessandropour me montrer digne de sa confiance.

Mon smartphone vibre : c’est Suze. Je luidis rapidement où je me trouve etpourquoi, en profitant pour la prévenirqu’il y a des chances que je découche.

– À quoi ça ressemble ce petit nid àTribeca ? Tu sais que j’aurais des clientsqui tueraient pour y vivre ?

– Je les comprends, soufflé-je face àl’une des larges baies vitrées qui donneune vue dégagée sur les rues alentour,parfait cliché de New York de nuitcomme on le filme dans les Woody Allen

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ou les Scorsese.

– Alors, fais ton agent immobilier, décris-moi tout ? Un intérieur apprend beaucoupsur son propriétaire… À part quand ilsont tout redécoré selon les dernièrespages de Elle Decor.

Je regarde autour de moi.

– Eh bien… c’est grand, le living-roomdoit faire plus de 80 m2, même sicontrairement à toi je ne sais pas évaluerça à l’œil, c’est peut-être 100 ou plus…Bref ! Nous avons une cuisine ouverte etfonctionnelle avec un piano de cuisineénorme et un frigo de pro. Une table pourmanger à quinze dans un coin du living,un coin télé avec un écran plat qui nesemble pas sorti d’un cinéma, je suis

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agréablement surprise… Tout est assezclair et il y a pas mal de bois. J’aime bienses meubles aussi, on sent qu’on n’est passur de la grande distribution, mais on nepense pas immédiatement à un délire dedesigner mégalo… Le canapé me donneenvie de me rouler dessus, il fait genrecuir vieilli méga-confortable ! Il y a unebibliothèque… Je trouve ça chaleureux.

– Pas style garçonnière de célibatairemilliardaire inaccessible, quoi ? Ça medéçoit un peu, ça manque de cliché ! Maisje me réjouis pour toi…

Je ris.

– Trop aimable.

– « La Suze » prendrait des photos pour

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sa copine ! Et elle fouinerait partout à larecherche d’un squelette et d’un secretinavouable, me contredit-elle.

Un point pour elle ! C’est tout à fait songenre…

– Je ne veux pas me comporter comme ça,je ne suis même pas montée à l’étage.

Une exclamation outrée me répond.

– Il a un duplex ? C’est quelle adresse ?

Je la lui cite en tournant en rond dans lapièce.

– Ah quand même… Tu te fiches du fric,tu ne peux pas me donner Alessandro ?J’en ferais volontiers mon petit mari,raille-t-elle.

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– Nope ! Même pas en rêve.

Son éclat de rire communicatif résonne àmon oreille.

– J’aurais essayé !

Nous raccrochons après ça et je finis parme faire un en-cas rapide. Rassasiée, jem’installe dans le canapé pour faire unepause. Juste quelques minutes…

***

Un bruit de clé dans la serrure me faitsursauter.

Et non, ça ne me réveille pas, c’esttotalement faux… oups, je bave.

Je me redresse et vois apparaître

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Alessandro avant d’avoir pu me relever.Il me sourit. Pendant qu’il me rejoint surle canapé, je tente d’aplatir mes cheveux,pas sûre de la tête que j’ai.

– Tu étais fatiguée ?

– Oui, je me reposais.

Il glisse jusqu’à moi et me serre contrelui, comme s’il avait besoin de réconfort.Je lui rends son étreinte.

– Et toi, ça a été ?

– Oui, même si jouer la police etm’expliquer avec un « fils de » m’a prisplus de temps que prévu. Je ne pensaispas passer trois heures là-bas : il estpresque minuit. Tu as la clé ?

– Elle est sur la console de l’entrée, je la

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redonnerai à ton gardien en partant.

Son sourire chaleureux me trouble, il sepenche en avant et cueille un baiser surmes lèvres, que j’entrouvre. Un longmoment, nos langues se cherchent ; c’esttendre, sexy comme une manière de seretrouver. Quand il recule, sa maincaresse ma joue et je m’appuie contre lui.

– La clé est pour toi. J’en ai fait faire uneautre ce matin pour que tu puisses enavoir une.

La déclaration me fauche au ventre ; sij’avais été debout, il y aurait fort à parierque j’aurais vacillé. Devant mes yeuxécarquillés, Alessandro éclate d’un rirebas.

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– Qu’est-ce que ça a d’incroyable ?s’étonne-t-il avant de reprendre sur un tonplus sérieux. Camélia, il faut que je teparle. À chaque fois que tu te dévoiles unpeu, quelqu’un nous interrompt, çadevient très frustrant ! Je suis à deuxdoigts de couper le téléphone, juste aucas où… Ce que j’essaie de te dire, assezmal, c’est que cette clé, c’est pour terevoir ici et pour… Parce que j’ai envieque tu fasses partie de mon quotidien, cartu y as ta place. Je le sens de plus en plus.

Ces phrases auraient de quoi me donnermatière à réflexion pour des jours et desjours. Je les ai espérées, mais je n’y étaispas préparée. Un frisson d’excitation meremonte le dos.

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– C’est difficile de se mettre à nu,souffle-t-il d’une voix rauque. J’admire lasimplicité avec laquelle tu l’as fait quandtu m’as avoué… Je t’admire chaque jourun peu plus tout court. Je n’ai pasl’habitude d’en parler mais… Mon pèren’était pas un homme bien. Ma mère et luiont eu des problèmes. Au lieu de rester àses côtés pour affronter l’orage, il nous aabandonnés et nous a laissés derrière lui.Depuis, j’étais persuadé d’être commelui, je fuyais comme la peste touterelation sérieuse car je n’en étais pasdigne, forcément…

– Alessandro !

– C’était avant toi, continue-t-il sansm’écouter, ses yeux rivés aux miens. Tu

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es… ma révélation. Tu m’en as apprisplus sur moi-même que je ne l’aurais crupossible. Quand nous avons passé ceweek-end ensemble, j’ai réalisé que sijusqu’à présent je me sentais incapablede m’engager… c’est qu’il me fallaitrencontrer la bonne personne. Je t’aime.

Il a soufflé ces mots si bas que j’aurais pules rater, sauf qu’ils résonnent en moiavec force ; Alessandro a parlé à moncœur et ce dernier l’a entendu. J’en ai laconfirmation : cette chose entre nous,précieuse et rare, c’est bien réciproque.À cet instant, alors que mes yeuxs’embuent, je songe avec une certitudedouce et merveilleuse que les relationsfoireuses et les pauvres types, tout ça estderrière moi. Dorénavant, il y aura

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Alessandro.

Une première larme coule sur ma joue. Ilfronce les sourcils. Je me racle la gorgepour arriver à murmurer :

– Quand tu te dévoiles, tu ne fais passemblant, dis donc…

Il sourit, amusé, mais ses yeux demeurentgraves.

– Ce que tu m’inspires me dépasse, je tepromets de me montrer à la hauteur.

Je me redresse sur mes jambes repliées etme jette contre lui. Mon étreinte estpresque brutale, à l’image de la force demes sentiments. Ses mains caressent mescheveux et l’une d’elles se love sur manuque pour m’inciter à ployer en arrière.

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Nos lèvres se rencontrent. Je me sensparfaitement à ma place, confiante,heureuse…

– J’ai assisté à une conversationtéléphonique entre toi et Sofia sur leplateau ; je savais que tu tenais à moi, jesuis ravie de l’entendre de ta bouche. Eten parlant de ça…

J’entreprends de lui raconter rapidementle coup de fil de Brett que j’ai surpris. Unpeu plus et j’oubliais, avec toutes cesémotions !

– Un assistant est venu chercher sonmicro, il le portait encore et il devait êtredans les 19 h 30. Vérifie cette piste,conseillé-je.

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Ses yeux brillent un instant. Je lui souris.

– Je suis désolé de ne pas avoir su t’enparler moi-même depuis le moment où jet’ai amenée à la trattoria, j’essayais de lefaire. Mais j’avais tellement peur de malm’y prendre. C’est douloureux pour moiet assez compliqué à expliquer. J’étaisperdu, je ne voulais pas que tu croies quetu ne comptais pas à mes yeux… je n’aipas l’habitude d’évoquer le passé, jepréfère avancer et venger ma mère pource qu’elle a enduré. Tu as représenté unsacré imprévu…

– Désolée, chantonné-je.

Il secoue la tête, amusé.

– Pas moi.

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Son expression me fait chaud au cœur…et ailleurs. Il me presse contre lui.

– Merci, Camélia, je m’occupe de cettehistoire avec Brett demain.

– Va au bout pour ta mère et Brett, peuimporte l’émission. Il y a mille manièresd’être chef d’une grande maison à NewYork. La famille passe avant.

Son regard devient indéchiffrable et il secontente finalement d’annoncer d’unevoix basse, qui provoque un drôle detremblement dans mon ventre :

– Ça me touche beaucoup que tu dises ça,je… merci, Camélia. Je… Peut-être queça va te sembler rapide mais j’aimeraisfaire des tests, nous ne serions plus

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séparés par un morceau de plastiquependant l’amour, précise-t-il devant messourcils froncés par l’incompréhension.J’ai terriblement besoin d’enlever toutebarrière entre nous… et qu’il n’y ait quenous deux.

L’enjeu de ce qu’il vient de dire mebouleverse, tout comme sa façon de serévéler tout en pudeur, toujours par lesactes. La clé, la trattoria, me consacrer unweek-end et maintenant ça…

J’acquiesce, pas sûre de pouvoirprononcer la moindre parole. Quand seslèvres trouvent les miennes, je sais déjàque nous sommes plus proches quejamais.

Je glisse une jambe par-dessus les

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siennes pour m’asseoir sur lui. Ses mainspétrissent mes épaules alors que noslangues se redécouvrent. Je me pliecontre lui, m’adapte à ses caresses, à lapression de ses paumes sur moi, commes’il me redessinait.

D’un mouvement souple, il me soulève ducanapé et se dirige vers l’escalier. Si j’yvois un clin d’œil à notre histoire passée,l’escalier droit en bois patiné n’a que peuà voir avec celui du Black Dog. Sansfaire d’efforts apparents, il me portejusqu’à l’étage en ne faisant qu’une pauseà mi-chemin, pour me plaquer contre lemur. Il m’embrasse alors à perdrehaleine. L’air se raréfie, je brûle sous sesmains, m’enflamme pour cet homme quicaresse comme personne.

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Quand nous débouchons dans sa chambre,pas une seconde il ne me quitte du regard.C’est une drôle d’impression, je me sensbelle dans ses yeux. Je me fichetotalement de la pièce aux teinteschocolat. Le monde n’existe plus, seulAlessandro compte.

J’atterris sur le lit en riant, emmêlée aveclui. Nous reprenons nos baisers toujoursplus fougueux tandis que ses mainsdansent sur moi, soulignant mes épaules,ma nuque, mon visage, le plein de meshanches, mon ventre puis descendent lelong de mes cuisses. Je gémislonguement. Mes paumes se faufilent dansson dos et trouvent sa ceinture, je tire surla chemise pour dégager ses reins étroitsauxquels je me raccroche. Sous mes

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doigts, je sens la peau souple et chaude.Les muscles solides m’excitent un peuplus ; n’y tenant plus, je m’attaque auxboutons. Il suspend un instant ses caressessur mon corps et se dresse au-dessus demoi, le temps de se débarrasser de sachemise. Son pantalon a glissé bas sur seshanches, me révélant la forme parfaite deson torse en V. Je me redresse sur lescoudes pour le détailler.

Il se coule contre moi et s’applique à sontour à me dévêtir, ma tunique prune tombesur les draps clairs du lit. C’est luimaintenant qui me dévore du regard ;bonne joueuse, je lui facilite la vie etdégrafe moi-même mon soutien-gorge.

– Ce plaisir me revient, s’interpose-t-il

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aussitôt.

C’est lui qui fait tomber les bretelles surmes épaules avant de me couvrir debaisers, soulignant mes clavicules, lecreux de mon cou et la vallée de magorge, jusqu’à venir sur mes seins menus.Ses lèvres aspirent le mamelon déjàdressé et je me contorsionne sous lui. Lepoids de son corps m’écrasedélicieusement et quand la pression deses dents s’y ajoute, j’ai peur de décollerprématurément vers l’orgasme.

Cet homme m’a toujours fait un effetimpossible, mais dans ma tête sadéclaration se rejoue à l’infini et çachange tout. Chacun de ses gestes mesemble différent des fois précédentes,

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comme si ses caresses touchaientdirectement mon cœur.

Ses doigts pincent mon second mamelonen douceur et je geins pour de bon,j’écarte un peu plus mes cuisses pourl’attirer à moi, mais Alessandro nel’entend pas de cette oreille. Sa langue sepromène sur moi, tentatrice. Après messeins, c’est mon cou qu’il torturelonguement. L’une de ses mains parcourtmes cuisses dans un mouvement de va-et-vient, je souhaite le voir plus haut, un toutpetit peu plus… quand il frôle enfin monsexe, je hoquette. Agilement, ses doigtss’insinuent dans les replis de monintimité, ma respiration devient erratique.

C’est bon, juste incommensurablement

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bon ! Il souligne d’une ronde sensuellemon clitoris jusqu’à ce que mon soufflese fasse court, que mon bassin se soulèvepour aller à sa rencontre. J’ai besoin dele sentir en moi, qu’il m’emplisse de sachaleur. Nos yeux s’accrochent et ne selâchent plus, pendant que ses doigts sanspitié m’entraînent à toute vitesse vers lepoint de non-retour.

Puis il appuie un peu plus, la pression merend littéralement folle, ma poitrine sedresse et il en profite pour attraper unmamelon qu’il mordille. Je décolleaussitôt. L’orgasme me fauche et, quand lavague de plaisir reflue, assez pour que jereprenne conscience de ce qui m’entoure,je remarque qu’Alessandro s’estdébarrassé de son pantalon. Il finit

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d’enfiler un préservatif. Je me redressedifficilement, les muscles encore toustremblants. J’embrasse ses pectoraux,dessine de mes mains le contour parfaitde ses abdos et son ventre plat, jusqu’àsaisir sa verge bandée que je caresselentement de bas en haut. Il inspireprofondément et s’offre à mes doigts. Satête ploie en arrière, je prends le contrôlede son plaisir et le pousse doucement surle matelas. Allongé sur le dos, il medévisage d’un regard si sombre qu’ondirait ses iris devenus noirs.

Ma langue suit les veines le long de sahampe et je le prends en bouche,regrettant un instant de ne pas sentir legrain de sa peau. J’enroule ma main à labase de son sexe, l’enserrant fermement.

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Il ne faut que quelques minutes pour qu’ilcreuse le ventre, ses muscles se tendentsous moi de plus en plus, mais je continueun moment mes caresses. Taquine, jelâche, provoquant un râle de frustration.Je le torture ainsi longtemps, alternantdifférents gestes, variant la pression surlui ou le mouvement de ma langue sur songland, le relâchant dès qu’il est proche deperdre tout contrôle. Je suis déterminée àle pousser plus loin, encore et encore,comme il l’a fait pour moi, lui montrer àquel point j’aime tout de lui.

Le découvrir si réactif à ce que je lui faisme rend immensément fière. Pour lapremière fois, je m’autorise des penséespossessives, sur « mon » homme. Cethomme si beau, si parfait et sexy. Celui

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qui fait passer mon plaisir en premier àchacune de nos étreintes ; cette fois, jecompte bien faire preuve de la mêmedévotion. Surtout quand on voit à quelpoint ce corps souple aux abdos depierre, viril en diable, peut me laisser lediriger sans fausse pudeur. Je ne l’entrouve que plus masculin de se dévoilerainsi, se donner autant qu’il exige.

Je croise son regard et y lis une tendresseinfinie. Sans plus réfléchir, je me mets enéquilibre au-dessus de lui. De ma main,je le guide en moi, ne lâchant pas sesyeux. L’idée qu’il m’observe me rendaudacieuse, j’aime qu’il détaille messeins, mon ventre et plus bas mon sexe. Ilcoulisse en moi avec facilité, je suistoujours aussi excitée et prête à le

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recevoir. Je veux que ce moment dure etje le prends en moi centimètre parcentimètre. Ses paupières se fermentcomme s’il ne pouvait supporter tant deplaisir. Quand enfin il m’emplit toutentière, je me penche et pose mes lèvressur les siennes.

Il rouvre les paupières et caresse majoue, repoussant mes cheveux derrièremon épaule. Pour la première fois de mavie, je me sens le droit de me montrerpleinement féminine, de donner du plaisirà un homme sans arrière-pensée, avec lavolonté assumée de le pousser dans unedouce folie. Si je ne suis pas pluscomplexée que la moyenne, l’idée de memettre en avant, de me « lâcher »totalement pendant l’acte sexuel a

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toujours été compliquée malgré tout…mais c’était avant Alessandro. Je rouledes hanches sur lui, oscille d’avant enarrière, exhibant ma petite poitrine sanshonte, je bouge avec lenteur sur lui. Lahoule s’amplifie petit à petit et je rejoinsfinalement un rythme sauvage, ses mainsprofondément ancrées sur mes hanches,qu’il pétrit pendant que je m’appuie surson torse solide.

Je l’emporte avec moi dans une danse oùnos corps se répondent. Alessandro laissecourir sa paume sur ma tempe, ma nuque,jusqu’à attraper fermement mes seins.L’excitation qui crépitait déjà en moiexplose pour de bon dans un feu d’artificejoyeux. Au creux de mon ventre, unedéflagration immense se répand à toute

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vitesse, lorsque son sexe frotte àl’intérieur de moi un point précis,particulièrement sensible. Je jouis avecune force que je pense n’avoir jamaisatteinte, au point que je m’immobilise etvacille, épuisée. Alessandro bouge sousmoi et finit de me porter tout en hautd’une vague magnifique, d’un orgasmeretentissant. Il me rejoint brusquement, secrispant sous moi. Il est beau dans leplaisir, mon cœur déborde d’amour et jeretombe sur lui, comblée, chavirée par cemoment parfait.

Le souffle court, je regarde un instant ledessin de ses abdos souligné par une finecouche de sueur. Je caresse son torse, meserre contre lui.

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Comme si nous étions parfaitementconnectés, Alessandro me souffle d’unevoix rauque remplie d’émotions :

– Je t’aime, Camélia.

Il le répète en français et cette phraserevêt tout son sens. Je suis sûre que j’ai ànouveau les yeux brillants. Cet homme afait fondre toutes mes défenses avec unefacilité déconcertante. Je hoche la tête,grave.

– Moi aussi, Alessandro.

Il me plaque contre lui et me serre à mebroyer. Jamais l’idée de m’en plaindre neme viendrait à l’esprit. Son étreinte mefait du bien, elle finit d’effacer les douteset les blessures du passé qui

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m’empoisonnent encore sur le fait detrouver le « bon ». Il est juste là, soncœur bat sous ma joue. C’est en écoutantcette mélodie rassurante que je sombrepetit à petit dans le sommeil.

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18. Que le meilleur gagne !

Je longe l’une des rues les plus animéesdu Bronx pour rejoindre le lieu detournage et en profite pour raconter autéléphone les derniers événements à Suze– dont ma nuit magique avec le plus beaumec de New York.

Bien sûr que je suis objective !

– Alors vous en êtes déjà là ?! Je suissidérée, s’exclame Suze.

– Je ne pensais pas qu’il me dirait jet’aime avant… longtemps.

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– Un genre de coup de foudre ? Çaexisterait, dit Suze, songeuse.

Je sais que mon amie est une excellenteactrice : elle paraît très ouverte etaccessible, mais avec son histoire… c’estplus compliqué. On ne l’approche pasfacilement, en réalité.

– Purée, à ce rythme, tu vas finir mariéedans l’année ! s’amuse-t-elle. Je serai tademoiselle d’honneur, rassure-moi ?

Je ris.

– Quand… Si, rectifié-je, on en arrive là,promis.

– Il prendra qui, lui ? Le fameux Nevio ?Si je dois faire des trucs avec le témoincomme le veut la tradition, il a intérêt à

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être sexe ! Chope-moi un selfie, j’exigede juger sur pièce ou j'interdirai àAlessandro de le choisir ; dis-lui bien deme demander ta main d’ailleurs.

Pour calmer le monstre – ma meilleureamie a des tendances psychopathes –,j’admets d’une voix prudente :

– Avec ou sans mariage, vous serezsûrement amenés à vous côtoyer.

Elle pouffe devant le ton que j’aiemployé.

– Eh ! Je te charrie. Je suis contente pourtoi, mais vaguement jalouse, alors je memoque un peu… Alessandro doit être unmec bien s’il se dévoile ainsi. Faudrajuste me laisser avec lui que je lui sorte

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ma scène effrayante à la Corleone…

J’ai le droit à une mauvaise imitation duParrain revu par Suze, et ne retiensqu’une chose de ce délire : je suis « de lafamille » pour elle.

– Il est où ?

– Il est parti après le petit déjeuner pourenquêter sur cette conversation que j’aisurprise entre Brett et je ne sais qui. Ildevait voir Jean-Jacques Dorémont et unprivé qui l’aide à monter un dossiercontre Brett. Il doit me rejoindre pour ladernière épreuve mais ne pourra pasvenir sur le plateau trop tôt, je crois,expliqué-je.

– Et tu es inquiète, je me trompe ?

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– J’ai peur de l’avoir envoyé sur unefausse piste. La perspective de la finaledans à peine deux heures ne m’aide pas àêtre méga-calme.

Elle doit entendre que je ne rigole pas,car elle passe les dix minutes suivantes àtenter de me dérider un peu. J’arrive enfinsur le trottoir en face des studios et jedois raccrocher, même si c’est à regret.Je laisse filer un taxi avant de traverser lachaussée.

Je retrouve Jenny pour ma séancemaquillage – aussi connue sous ladénomination de « plâtrage intensif », carmes courtes nuits à cause d’Alessandrocommencent à se voir ! Je suis à deuxdoigts de me dandiner sur mon siège,

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incapable de lire mon Patterson qui m’aattendu sagement. Pour tromper manervosité, je discute un peu avec ellequand je ne vérifie pas mon portable.

Alessandro, reviens, j’ai une compétitionà gagner… Et tu me manques…

***

Je me retrouve sur le plateau avec un tracimmense. Le pire, c’est que je ne suis pasréellement stressée par cette dernièreépreuve et son issue capitale. Jem’inquiète pour Alessandro.

L’heure du tournage est arrivée etAlessandro n’est toujours pas en vue. Lesjurés semblent surpris par son absence,

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même Jean-Jacques, ce qui ne me rassurepas vraiment – à moins que ça ne soit untrès bon acteur. Brett s’essaie du coup àironiser quand la mine du réalisateurs’allonge.

– Devant cette épreuve, il a dû fairecomme son illustre ancêtre italien, MarcoPolo : prendre le large…

– Brett ! souffle Linda, excédée.

Étonné par l’interruption, il se taitsubitement.

Merci, Linda ! Si c’était moi, je réglaisl’histoire avec une nouvelle gifle !

Alors que l’équipe technique commenceréellement à s’agiter, un assistant plateaudébarque avec Alessandro qui est encore

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en train de boutonner sa chemise. Ils’excuse à la cantonade. Malgré tout, onvoit bien que tout le monde est à cran : lebudget de ce genre de tournage estmillimétré, s’il y a du retard, il n’estguère toléré que cela vienne descandidats.

Profitant de l’activité qui ébranle toutel’équipe, il s’approche rapidement demoi et se contente de me serrer la main.

– Fais de ton mieux !

Si son ton est relativement neutre, je lisautre chose dans ses prunelles, et ilm’adresse un clin d’œil discret. Je mepositionne derrière le plan de travail, unpeu rassérénée… et, même si c’estcontradictoire, prête à en découdre !

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Brett et Linda se tiennent autour de lui.

– Aujourd’hui, pas d’épreuves pièges,pas d’éléments imposés, annonce Jean-Jacques. Nous allons faire simple. Maisquoi de plus dur que d’être parfaitementsobre et efficace ? Nous vous demandonsun plat qui vous représente, qui nousmarquera pour longtemps. Votre signaturede cuisinier doit se retrouver dans cetteassiette. Vous avez une heure et demie,donnez le meilleur !

Il est toujours aussi direct. Alors queBrett prend des détours, que Linda nousencourage et semble à deux doigts delancer des olas, Jean-Jacques se contented’exposer les faits et de nous dire « Auboulot ! » J’apprécie assez cette attitude

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frontale.

Nous filons avec Alessandro vers legarde-manger et je réalise que c’est bienl’ultime épreuve. Maintenant que nous nesommes que deux, nous ne sommes plus àl’étroit dans la petite pièce. Un instant, jeréfléchis à ce qui me motiverait vraiment: qu’ai-je envie de préparer commedernier plat ici qui aurait du sens pourmoi ? Je pense à des plats de mon enfance; une tarte faite par ma grand-mèrematernelle, la bourride à base de poissondu Sud que préparait ma mère… Puis uneidée s’impose à moi.

Il est temps de régler tes comptes !

Le timing va vraiment être serré, doncj’accélère pour prendre tout ce qui est

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nécessaire à la confection de mon plat.Au cours de notre week-end, Alessandrom’a fait de la caponata, une recettequ’adorait Rosella. Je me demande sic’est ce qu’il a l’intention de faire cardans ce cas, elle est juste excellente etj’ai du souci à me faire !

Puis je me recentre et réfléchis devantmon plan de travail. Je suis sûre de monchoix : réaliser le plat que m’a voléSimon en revisitant la forme et le goût, ilmanquait forcément quelque chose, jepeux changer de sauce et rendre çameilleur. Ça sera un joli pied de nez…Oui, je peux le faire.

À mi-épreuve, le jury commence àtourner autour de nous : à la place des

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petites démos de cuisine que nous faisonsdevant les caméras, cette fois-ci c’est euxqui viennent nous parasiter pour corser unpeu le jeu. Je me retrouve donc àexpliquer à Linda pourquoi j’ai préféréles « citrons caviars » pour ma recette, cequ’ils apportent… J’ai presquel’impression d’être interrogée par unprofesseur sévère. Seul le pétillementdans les yeux de Linda dément monressenti.

À peine un quart d’heure plus tard, quandje suis à nouveau concentrée, c’est Brettqui apparaît dans le rôle du trouble-fête.

Et Dieu sait que ça lui va bien !

– Chère Camélia, dites-moi tout…

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– Eh bien, je réalise un millefeuille salé.Pour le moment, je suis plutôt dans lestemps… Il y aura du cru, du croustillant,une crème pour l’onctueux… et une noted’acidité, expliqué-je sans pour autantralentir la cadence alors que j’émince unoignon.

– Et qu’allez-vous mettre dans cettecrème ?

– Une huile et une épice ; ça donnera unevraie saveur en bouche. Peut-être del’argan.

– Vous savez ce que j’ai l’habitude defaire régulièrement le dimanche ? Je merends à Little Italy, il y a cette boutiqueavec une devanture à l’ancienne, trèsannées cinquante, chez Maruto. Ils

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proposent des huiles… on pourrait lesmanger seules, assure Brett avec unechaleur que je ne lui ai jamais vue. Je neme fournis que là, en plus de l’argan, déjàméconnu, ils ont de l’huile de pistache et,très rare, de coton.

Tout en continuant de cuisiner, jecommente, sourcils froncés :

– Non, je n’en ai jamais entendu parler.

– L’huile de coton n’est pas utilisée enEurope, plus en Afrique, elle a un subtilgoût de noisette. Même la pistache sur uncarpaccio… vous ne pouvez imaginer !décrit-il, tout sourires.

Linda, à ses côtés, semble aussi curieuseque moi.

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– Nous irons tous ensemble chez Marutoaprès le concours ! lance-t-il en éclatantde rire.

Polie, je souris en pensant dans ma tête :

Même pas dans une autre vie…

En tout cas, son speech était parfait et jem’en veux une minute de n’avoir pas toutde suite réalisé qu’il me faisait bel etbien un placement de produit. Laconversation téléphonique me revient :c’était bien à un M. Maruto qu’il parlait !

Le stress du concours commence à merendre lente à la réflexion : j’ai trop àpenser !

Je relègue cette information dans un coinde ma tête. J’ai une épreuve à terminer !

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Je fonce donc tête première dans cettedernière ligne droite. Quand le chronosonne, je regarde, fière de moi, lemillefeuille que j’ai totalement mis sensdessus dessous, littéralement. J’ai changéles accompagnements, partant d’unmillefeuille salé au saumon fumé et geléede vodka pour arriver à un plat sucré oùdominent des arômes de fraise-framboisede Framberry et citron caviar.Visuellement, on ne peut que se rappelerde ma première version, même si jemodifie la disposition en le posant sur latranche. Je sais que Simon captera lemessage.

Justement, nous enchaînons sur ladégustation et je suis la première àpasser. Mon cœur accélère comme

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rarement quand ils saisissent lescuillères, je finis par fermer les yeux pouréviter de trop flipper à cause de leursexpressions. Surtout que Brett lève hautles sourcils, mimique que je soupçonnede pure composition pour la galerie.Finalement, Jean-Jacques se lance lepremier :

– Camélia… C’est délicieux. Riche,complexe, il n’y a pas moins de sixtextures différentes, si j’ai bien compté ?s’enquiert-il en se penchant vers sescollègues pour confirmation. Linda merejoint, donc autant se montrer clair : untour de force avec le temps que vousaviez !

Je reste sonnée par le compliment,

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oubliant même de le remercier. Lindam’adresse un sourire malicieux.

– Je suis d’accord, j’irais jusqu’à dire :c’est une tuerie !

J’éclate de rire et sens, embarrassée, deslarmes me monter aux yeux. Je ne peuxm’empêcher d’imaginer Simon devant satélé ou mes parents, qui pourront voir lavalidation de ces professionnels. Oui, jesuis douée pour ça !

– J’ai aussi trouvé ça pas mal, bien quejustement, tant de textures, de goûts… Il ya un manque de discrimination : il n’enfaudrait pas beaucoup pour que çadevienne confus. Le nom de ce plat ?s’enquiert Brett.

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Je passe sur les répliques assassinesauxquelles je finis par m’habituer et meconcentre sur sa question.

– Euh… Je pourrais donner un nomdescriptif, comme souvent. Mais ce plat aune place un peu à part pour moi,commencé-je. C’est la finale… et j’ypense depuis longtemps, on va dire. Jesuis ravie de l’avoir fait ici. Alors si jedevais le nommer… j’appellerais ça « Larevanche du petit chef ».

Je ne peux retenir un demi-sourire un peusarcastique. J’espère que Simon meregardera et verra tout ça à l’écran.

Et avec mes compliments, connard !

Si avec ça et son numéro de portable

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bloqué Simon n’a pas saisi le message, illui manque vraiment une case !

– Drôle de nom, une anecdote à partager? me relance Brett.

Je les regarde à tour de rôle puis finis parhausser les épaules :

– Oui, mais je ne peux en parlermaintenant : top secret !

Les yeux de Linda pétillent ; visiblement,on peut même comprendre sans sous-titres ! Ils passent à la dégustation du platd’Alessandro. Ce dernier n’a pas fait unecaponata, comme je le pensais, mais unpoulet avec des légumes, à la « veneto ».Je ne connais pas la recette, mais elle aincontestablement une touche « grand-

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mère » qui, à mon sens, va faire quitte oudouble auprès du jury. C’est le genre deplat vintage qu’on adore ou qui nepardonne pas !

Effectivement, ils trouvent ça bon… maispas exceptionnel. Je fronce les sourcils,mal à l’aise : si jamais il s’est sabordéseul pour me laisser la place, nousrisquons d’avoir une discussion difficiletous les deux !

– Alessandro, très honnêtement, vousavez fait mieux. Il y a un arrière-goûtspécial, qui vous dessert un peu, même siça ne vient qu’en fin de bouche, conclutJean-Jacques, visiblement porte-parolede ses collègues. Nous devons maintenantnous réunir une dernière fois pour élire le

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gagnant, ça se jouera non seulement survotre prestation sur cette recette, maisaussi d’après l’ensemble de vosréalisations.

Le tournage est suspendu. Je fais signe àAlessandro discrètement que je souhaitelui parler, mais on nous annonce à peineune demi-heure de pause et nous avonsdroit à la traditionnelle séance demaquillage chronophage. Alessandro estlui-même accaparé par une mini-interview. Il me lance un regard désolé,je hausse les épaules.

Si j’ai raison, il ne perd rien pourattendre ! Je lui ferai faire une centaine decaponata en pénitence ! Rien à voir avecle fait que c’est à tomber par terre, bien

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sûr…

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19. La vengeance est unplat qui se mange froid !

Le jury nous a convoqués pour lesrésultats, le concours prend fin et je nesais plus si j’en suis heureuse. J’ail’impression de ne pas avoir assez profitéde l’aventure, que c’est passé trop vite,malgré les caméras voyeuristes ou cecrétin de Brett. Car il y avait aussi James,Linda ou Jean-Jacques, que je suiscontente d’avoir rencontrés. Peut-êtremême Jenny du maquillage, bien que je lasoupçonne d’être payée au litre de fondde teint utilisé ! Et bien sûr Alessandro.

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Le producteur, souvent présent auxmoments clés de l’émission, se tient auxcôtés de deux autres personnes auxallures de croque-mort dans leurscostumes noirs.

Je note aussitôt l’absence de caméras surle plateau. On nous explique que cetteprécaution a été prise suite au pétage deplombs d’une candidate n’ayant passupporté sa défaite. Une caméra briséeplus tard, ils avaient arrêté les directs.J’avais presque oublié cette affaire qui adéjà plus de cinq ans. Nous sommes doncici pour la révélation du résultat final,puis nous rejouerons la scène pour lescaméras, avec nos proches en prime.

Enfin, ceux d’Alessandro, les miens sont

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loin ! Même Suze est coincée dans lesHamptons pour une visite !

– C’est le grand moment, commenceLinda, sérieuse. Nous sommes fiers duparcours que vous avez eu au sein del’émission. Chacun de vous nous aproposé d’excellents plats et nous a faitvoyager. Bravo, à tous deux.

– Je me joins à Linda pour vousremercier de votre participation.Camélia, je donnerais cher pour remangerce millefeuille ! Alessandro, ce risotto…j’en rêve encore ! affirme Jean-Jacquesavec bonhomie.

Brett intervient à son tour, large sourirede séducteur en avant :

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– Vous avez eu un beau parcours. Nousavons vu des réalisations abouties, deuxcuisiniers qui vont au bout de leursidées… Malheureusement, il n’y a qu’ungagnant.

Un petit silence plane.

– C’est vous qui gagnez, Camélia, avecsix points d’avance ! s’exclame Linda.

Des larmes de joie me montent aux yeuxet je fais mon possible pour me contenir,même si j’ai envie de bondir partout. Ellese lève et contourne la table pour venirme dire bravo. Une main me caresse ledos et je réalise que c’est Alessandro.Son sourire lumineux est infiniment fier. Ilne paraît pas du tout démoralisé par sadéfaite, on croirait presque qu’il va

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m’embrasser devant tous ces gens. Jedois moi-même me retenir pour ne pas luisauter au cou.

Quand tout le monde m’a félicitée, leproducteur parle à son tour :

– Camélia, Alessandro, avez-vousquelque chose que vous souhaitez dire ?

– Je suis ravi pour Camélia ; elle leméritait amplement, commenceAlessandro d’une voix mesurée.Félicitations !

– Merci, murmuré-je, attendant la suite lecœur battant.

Son expression durcit et mon cœuraccélère. Il reprend :

– J’aimerais aussi signaler à la

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production que Brett se sert de l’émissionpour encaisser à titre personnel de fortessommes…

– C’est dans la défaite qu’on révèle sonvrai visage, n’est-ce pas, Alessandro ?Vous voilà en train d’essayer de me salir,comme c’est original ! intervient Brettaussitôt.

S’il a conservé une allure décontractée,je repère ses paupières étrécies et sonpoing serré. Alessandro lui jette unregard hautain qui transmet assez bientout ce qu’il pense du critique. Les autresjurés et les producteurs semblent avoir dumal à réaliser, aucun d’eux ne bouge.

– J’ai de quoi prouver ce que j’avance.Vous avez profité du show et de toute la

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visibilité médiatique qu’il vous amènepour vous faire payer par des marques etdes restaurateurs des coups de pub dansles médias où vous étiez interrogés pourKeep Cook. Vous êtes même allé jusqu’àle faire directement au cours del’émission. Ça allait de la petite phraseinnocente sur votre grand amour du curryIndian-Kapoor… ou de l’épicerie fine deMaruto de Little Italy. On appelle ça duplacement de produits et c’est sûrementau mépris des clauses de votre contrat :tous les sponsorings sont censés transiterpar la prod, qui en gère les bénéfices,conclut-il, cassant.

Un silence de mort accueille cettedéclaration. J’observe les producteurs,leur air suspicieux en dit long. Aucun ne

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sait a priori comment réagir : Alessandron’est pas n’importe qui. Tous ici ontparfaitement conscience de son statut etde sa richesse ; pourquoi mentirait-il ?

– J’ai tout à fait le droit de faire la pub debons produits, rétorque le critique, qui aenfin retrouvé sa verve. Vous vousridiculisez, monsieur Lazio.

– Si je n’avais aucune preuve peut-être,monsieur Lanschtaf, le contreditAlessandro, glacial. Mais ce n’est pas lecas. Je suis tout prêt à les partager avecla production. Mais plus que ces pots-de-vin, je suis déterminé à faire ouvrir uneenquête sur vous pour harcèlement sexuel,crime sévèrement puni dans notre pays.

Personne ne réagit, l’air est électrique.

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J’inspire et me lance dans l’arène :

– Brett m’a menacée plusieurs foispendant l’émission lorsque j’ai refusé sesavances. Il m’a notamment expliqué queje ne gagnerais pas si je ne savais pas «voir où se trouvait mon intérêt » et qu’«aucun restaurant digne de ce nom nevoudrait m’embaucher en dehors d’unBurger King », ajouté-je, acide.

Jean-Jacques se garde bien d’intervenirpour le moment. Linda regarde Brett d’unnouvel œil : je suis étonnée qu’ellesemble me croire sur parole alors qu’elletravaille depuis plusieurs saisons avec lecritique. Peut-être que mes accusationsjuste après celles d’Alessandro ont prisune autre résonance…

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– Qu’est-ce que vous espérez, Camélia,faire le buzz ? Trouver plus vite une place? crache Brett, furieux pour de bon.

Linda secoue la tête, très calme ; sonattitude marque un net contraste aveccelle de Brett

– J’ai été la première à signaler que tuétais injuste avec elle, on en a déjà parlédeux fois en réunion d’équipe. Jean-Jacques était d’accord, le contredit-elle.

Le regard d’Alessandro croise le mien etj’y lis le reflet de mes propres certitudes: les choses vont bouger, là, sous nos yeux! Alessandro dévisage Brett, puis finitd’abattre ses cartes :

– Je suis prêt à vous fournir toutes les

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preuves nécessaires… en échange, jeveux que Brett soit renvoyé de l’émission: elle lui permet de continuer sesharcèlements… Mais cela doit se faireaprès la fin du programme, pour ne pasentacher le succès de Camélia. Elle n’arien à voir là-dedans. Sans quoi, je mechargerai moi-même d’alerter les médias.

Son ton est définitif, coupant. Je n’aijamais eu d’aperçu de cet aspect de lapersonnalité d’Alessandro, l’hommed’affaires impitoyable. Son aura presqueglacée me donne un sursautd’appréhension : l’avoir comme ennemidoit être terrible !

– Convoquez les avocats, on fait uneréunion de crise avec les membres du

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jury… en privé, précise le producteur enregardant Alessandro avec méfiance.

Nous les laissons donc aprèsqu’Alessandro est allé chercher l’épaisdossier qu’il a fait imprimer et une cléUSB restée dans sa loge. Je le suisjusqu’à la salle de pause, déserte à cetteheure.

– Alessandro, j’hésite entre te frapper…et t’embrasser.

Il lève un sourcil ironique.

– Tu ne m’avais pas parlé de ce genre depenchant.

– Très drôle…

Il frotte son cou, qui semble crispé. Sansréfléchir, j’avance et mes mains

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entreprennent de se faufiler sous le col desa chemise sombre pour le masser. Ils’immobilise.

– J’aime assez ta façon de me frapper,dit-il tandis que mes doigts délient lesmuscles de sa nuque.

Je retiens un sourire avant de me rappelerque je suis en colère.

Son sourire devrait être interdit ouprécédé d’un avertissement : « provoquedes troubles de la mémoire et del’attention ».

– Arrête, je suis vraiment… déçue oufurax que tu aies baissé les bras.

Alessandro me dévisage.

– Je ne comprends pas, chérie…

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– Chérie ?

Ma surprise semble l’amuser un peu plus.Si le mot est courant, être chérie par cethomme n’aura jamais rien de banal.

– Pourquoi tu n’as pas fait ta caponata ?Je voulais gagner à la loyale. Je ne mesuis pas retenue, si…

Il attrape mon visage et m’attire à luifermement.

– Chérie, dit-il en insistant sur le mot. Tudevras me croire sur parole : je ne t’aipas laissée gagner sans me battre. Il fautdes câpres pour la caponata et je n’en aipas trouvé, j’ai donc fait une autrerecette. Mais j’étais anxieux pour la suiteavec Brett, mes clubs… Cinq minutes

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d’inattention et ma sauce a légèrementaccroché. Et comme tu le sais sûrement…

– Ça a donné une amertume au plat,soufflé-je.

– Je n’avais pas le temps de la refaireréduire, même la crème n’a rien changé.

Il hoche la tête. On se regarde un moment,je détaille sa mâchoire virile, ses lèvrespleines et son nez droit. Trouverai-je unjour ce tableau normal et non miraculeux?

Peu de chance…

– Tu sais ce que ça veut dire ?

– Que tu dois faire plus attention quand tufais la cuisine ?

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Il éclate de rire avant de caresser majoue.

– Déjà… et que j’ai besoin de coursparticuliers… très particuliers.

– Du genre hautement privés ? proposé-je, rentrant dans son jeu.

– Tu lis dans mes pensées !

Je pouffe, puis remarque son expressionsubitement tendue.

– Camélia, m’interrompt-il, en inspirantun grand coup. Je souhaite surtout un chefpour le restaurant que je vais ouvrir.C’était mon deuxième but avec ceconcours : le show sera diffusé à peu prèsau moment de l’inauguration del’établissement et provoquera un bouche-

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à-oreille idéal. Il sera à l’emplacementoù se trouvait le restaurant de mesparents. Cela fait des mois que jetravaille au rachat de l’immeuble… Jesais que ça paraît dingue, mais depuis quej’ai compris que ça ne pouvait quedevenir sérieux entre nous, j’y pense. J’aimême demandé à Denise de réaliser unerapide étude de marché ; on pourraitproposer de la fusion food, entre Franceet Italie. Tu as l’expérience, j’ai besoind’un partenaire : avec mes boîtes, je nepourrai pas toujours être en premièreligne.

Il guette ma réaction, avec une lueuranxieuse dans le regard. Alessandro apeur. Peut-être pour la première fois – jecommence à le connaître, rien ne

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l’effraie. Sa mâchoire est contractée, je lacaresse d’un geste lent. Son front rejointle mien, puis il murmure tout bas :

– Je t’aime. Parie sur nous avec moi… Sil’émission refuse d’incriminer Brett, jetrouverai un autre moyen ou j’attendrai, jene ferai rien pour ternir ton succès.Camélia ? Pitié, dis quelque chose !

J’éclate de rire et m’autorise la folie del’embrasser même si nous sommestoujours dans le studio.

Puis, après tout, le concours est fini, doncpeu importe !

– Je ne t’ai jamais considéré comme untaiseux, mais depuis ta déclaration, tut’améliores !

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– Tu es la seule à me faire ça… tu peuxtout faire ; me rendre nerveux, heureux…Voire très heureux si…

– J’accepte ! À une condition : l’argentque je gagnerai avec le concours serainvesti dans ce restaurant, je serai tapartenaire à part entière.

Son visage s’illumine.

– Ça me convient tout à fait, assure-t-il.

– Monsieur Lazio, mademoiselleChardenne ? Le jury a terminé la réunion,nous prévient l’assistant de prod.

Nous nous retrouvons dans une salleétroite qui sert habituellement auréalisateur et à son équipe. Uneimposante table occupe l’espace et donne

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à la pièce surchauffée un aspect confiné.Le producteur qui a décidé de faire cetteréunion nous accueille en nous désignanttrois stéréotypes d’hommes d’affaires encostumes qui semblent réchappés de WallStreet, puis il prend la parole :

– Avec nos avocats ici présents, nousavons discuté de vos allégations et du faitque Linda a émis des réserves quant àl’impartialité de Brett à votre égard,mademoiselle Chardenne. Jean-Jacquesde son côté nous a aussi rapporté uneconversation suspecte de M. Lanschtaf…

– Sans certitude sur ce que j’avaiscompris, j’avais préféré laisser à Brett lebénéfice du doute, ajoute Jean-Jacques levisage parfaitement impassible.

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Le regard qu’il échange avec Alessandroest furtif, pourtant je le capte, sachantparfaitement à quoi m’en tenir.

– Nous accédons à votre requête : M.Lanschtaf ne fera pas partie du jury dansla prochaine saison, explique leproducteur principal. Il accepte de s’enaller sans faire de vague, pour « raisonspersonnelles ». Il s’exprimera dans lesmédias seulement quatre mois après ladiffusion de l’émission. Cela vousconvient-il ?

Le ton est sec, presque condescendant,mais Alessandro ne cille pas.

– Avons-nous une quelconque preuve quecela aura bien lieu ?

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– Linda et moi nous sommes engagés àpartir de Keep Calm et à faire unedéclaration commune par voie de pressesi cette décision n’était pas respectée,remarque calmement Jean-Jacques. Nouscroyons Camélia sur les menaces subieset c’est inadmissible dans ce type deconcours.

Linda hoche la tête, sombre. Elle secontient, mais à son attitude, je devinequ’elle n’a pas mâché ses mots devant laprod.

– Cette garantie me suffit. Camélia ?

J’ai conscience que tous ici craignent queje porte plainte contre lui ou l’émission,ils ont sûrement beaucoup à perdre dansce genre de procès.

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J’acquiesce et perçois nettement lesépaules qui se décrispent en face de moi.

– Nous prévenons l’équipe pour letournage des résultats, conclut leproducteur en se levant.

Je jette un coup d’œil à Brett qui rongeson frein dans son coin. Je ne suis pasdupe : s’il n’a rien dit, c’est parce qu’onl’a menacé.

***

Moins d’une heure après, nous sommessur le plateau principal qui déborde. Jeretrouve les anciens candidats, toutel’équipe est là, le jury et même MatteoAlestra, venu remettre le trophée à celui

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qui lui succède.

Quand j’aperçois Suze et ma famille, jetombe des nues. Je me jette dans les brasde ma mère puis j’embrasse Suze et lamenace de représailles : elle m’a mentisans aucune hésitation !

– Sale cachottière !

– Ah, tu me connais, j’aime bien torturerles gens ! s’exclame-t-elle.

Ma mère sourit. Nous nous ressemblonsbeaucoup : blonde, petite, des yeux clairset, un jour, j’espère avoir sa classe. Deson côté, mon père semble légèrementdépassé.

– Je n’aurais jamais pensé vous voir ici !

Elle arbore un air malicieux.

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– Nous avons acheté les billets dès quenous avons su que tu participais. Nousvoulions être prêts et te montrer… quenous sommes de ton côté.

Son émotion me gagne.

Alessandro aussi a été assailli par sesproches ; il a une sacrée famiglia.J’aperçois Sofia, Nevio, Giuseppe, mêmeDenise.

Bizarrement, j’en suis moins ravie…

Je vais néanmoins saluer ses proches.Sofia me serre contre sa large poitrine.Dans ses yeux il y a une lueurapprobatrice. Alessandro lui a-t-il ditquelque chose ?

Nous sommes vite rappelés à l’ordre ; le

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temps presse ! Alors que toutes lescaméras font cercle autour d’Alessandro,le jury et moi, le trac monte. Je n’arrivepas à ignorer cette petite pointed’incrédulité qui me reste : j'ai gagné legrand concours Keep Calm and Cook !

Brett semble presque normal en face denous, il sourit et affiche un air nonchalantplus que crédible.

Farah et lui auraient sans doute pu faireun duo !

Chaque membre du jury se fend d’un motgentil, cela ressemble à la premièreannonce faite en huis clos, puis Lindaprolonge un peu le suspense endécachetant lentement l’enveloppe. Unebonne minute de plus lui est nécessaire

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pour en extraire le carton et lire le nominscrit.

– Camélia est notre gagnante !

La petite foule rassemblée sur le plateauapplaudit à tout rompre. Matteo me remetun trophée et les caméras voltigent autourde nous pour filmer des plansd’ensemble. J’essaie vraiment de paraîtresurprise – il ne manquerait plus que j’aiel’air de trouver parfaitement normald’être la gagnante, comme si j’étaisblasée ! – et heureuse. On m’embrasse,me serre dans les bras… j’en ai presquela tête qui tourne.

Puis soudain, je suis face à Alessandro.Alors que je me crée un masque amicalmais neutre, il me prend totalement au

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dépourvu : se servant de ma main tendue,il m’attire à lui et m’embrasse avecpassion. Trop ébahie, je ne pense à riende plus qu’à lui rendre son baiser, jeferme même les paupières pour mieuxprofiter. Quand il me relâche, j’entendsdes rires autour de nous et je crois bienque je rougis illico. Mon regard assassinsemble renforcer son hilarité et je finispar lever les yeux au ciel, trop heureusede tout ce que je suis en train de vivre.

Du champagne circule et un buffet estdressé sur une grande table, enfin lescaméras arrêtent de tourner : fin du show! Je sais qu’il me reste une ou deuxinterviews qui seront intercalées sur lemontage mais nous ne les ferons quedemain.

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Coupe en main, je parle joyeusement avecles gens qui m’entourent, réalisant petit àpetit que c’est bon, j’ai gagné ! Ma mèreprofite du départ des producteurs, qui metenaient la jambe depuis dix minutes, pourse glisser à mes côtés. Elle me serrecontre elle.

– Ma chérie, je suis très fière ! Ceconcours, ce prix… qui aurait cru que lacuisine te mène à un tel parcours.

Je lui souris, même si je suis un peu surmes gardes : mes parents ont toujourspensé ce métier trop contraignant, ilsauraient préféré que je suive un autrechemin. Prudente, je finis seulement parrépondre :

– J’espère que tu regarderas l’émission

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pour me voir dans mon élément. Ça seraun peu comme une fenêtre sur monunivers.

Ma mère caresse ma joue.

– Bien sûr ! Je comptais même lesenregistrer, on les gardera pour…

– N’en fais pas trop quand même ! râlé-jeà l’idée que Keep Calm ressorte à chaqueNoël et réunion de famille.

Elle éclate de rire et s’arrêtebrusquement. Alessandro s’approche denous et mon pouls accélère.

Pas de panique, tu es la reine du KeepCalm, il paraît !

Alessandro sourit à ma mère et la salueen français. Visiblement, il peut échanger

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un peu dans cette langue, même s’il n’estpas bilingue. Si j’adore la manière dontAlessandro dit mon nom – il le rend sexyen diable ! –, je craque tout court quand ilprononce des mots français.

Petit cachottier ! Je vais lui donnern’importe quel magazine et lui faire lirede A à Z !

Sans façon, ma mère lui fait signe de sebaisser et lui claque deux bises sonores,puis il serre la main de mon père. Lesourire d’Alessandro s’accentue.

– Maman, papa, voici Alessandro…

Je pense un instant à essayer de le définir,mais il est plus qu’un petit ami, le terme «amant » ne franchira jamais mes lèvres

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devant mon père, et puis il est plus queça, j’en ai conscience.

– Vous étiez le dernier concurrent face àCamélia ?

– Oui. Enfin, nous nous sommes « tombésdessus » un peu avant le début del’émission, répond Alessandro, ironique.

Alessandro fait connaissance de mesparents et je les observe un moment.Quand ma mère et lui vont ensemblechercher des verres, j’en profite pourtrouver Suze. Elle arrive justement versmoi perchée sur ses hauts talons sans finet vêtue d’une robe corail.

– Alors, Alessandro et tes parents ? Jesuis restée loin pour éviter de vous

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parasiter, attaque-t-elle, un peu agitée.

Je fronce les sourcils.

– Suze ? Qu’est-ce qu’il y a ? m’étonné-je.

– Rien… en fait, j’ai rencontré le fameuxNevio. Il m’a dévisagée des pieds à latête, puis m’a dit que j’avais l’air deporter une tenue de sécurité tant ma robeest fluo. Mais, je cite, « peu importe, ilvoulait bien m’emmener voir les étoiles», avant de me proposer de nous éclipser.Tu imagines ?! Dragueur minable !

Je souris, pas vraiment surprise. De un,mon amie est canon ! De deux, Nevio a unhumour que j’ai eu le temps d’apprivoiseret qui est un peu… rentre dedans, avec

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pas mal de second degré. Mais il estdifficile de le saisir au premier abord, jene l’avais pas compris non plus.

– Tu as remarqué que tu as des étoiles àton bracelet de cheville ?

Elle baisse la tête, interdite. Ses sourcilsbruns se froncent de manière comique.

– Merde ! C’était une allusion salacegenre position sexuelle ?

Là, c’est moi qui tique.

– Euh… pas impossible, en fait. Mais jevoulais juste dire qu’il a dû délirer surton bracelet.

Elle lève les yeux au ciel.

– Être canonissime n’excuse pas tout !

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– Merci, bébé, moi aussi, je te trouvevraiment pas mal, annonce Nevio, quivient d’apparaître derrière Suze.

Mes lèvres se pincent dans une vainetentative pour contenir un fou rire.

– T’es pas sérieux ?

– Bien sûr que non ! Jamais, pourquoi tuas eu peur de ça ? s’étonne-t-il en portantsubitement la main à son cœur. Je tepromets solennellement de ne jamaisl’être. Alors, cette virée ?

Mon amie a presque la bouche qui entombe d’effarement alors que pour ladéstabiliser, en général, il faut se lever tôt! Le sourire faussement innocent de Neviola fait visiblement bouillir… Pourtant, je

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capte autre chose dans ses yeux.

Quand je comprends qu’ils risquent des’entretuer et que, a priori, ils sont àarmes égales, je préfère fuir. Enfin, «armes égales » avec Suze c’estimpossible, mais il peut toujoursessayer…

Je rejoins Alessandro, il parle avecGiuseppe alors que Sofia et ma mère fontconnaissance autour d’un verre. Jean-Jacques s’approche de nous. Ils échangentun regard et Alessandro attrape ma mainpour m’entraîner dans le couloir désertloin des oreilles indiscrètes. Les rumeursde la fête nous parviennent encore.

Je remercie Jean-Jacques d’un sourire,certaine que son aide a été capitale dans

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cette affaire. Il ne perd pas de temps pourannoncer à Alessandro à voix basse :

– Tout n’est pas réglé, mais je pensequ’on a fait un bon pas en avant : sansappuis publics, sa crédibilité et soninfluence vont vite décliner. Les femmesqu’il a agressées oseront enfin semanifester. Camélia, vous…

– Je serai la première à témoigner,confirmé-je sans ciller. Jean-Jacques,comment avez-vous été mis en contactavec Alessandro ?

– En fait, je connaissais Sofia, elle tientselon moi la meilleure trattoria de LittleItaly, affirme-t-il, avec un air gourmandassez drôle. Je mangeais chez elle et c’estAlessandro qui m’a approché comme je

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côtoyais Brett par l’émission. Il m’aapporté des témoignages et cherchait despreuves formelles ; j’ai accepté del’aider…

Je hoche la tête puis jette un coup d’œil àAlessandro. Depuis qu’il m’a embrasséeen public, il reste toujours à quelques pasde moi et je suis surprise de la vitesseavec laquelle je m’y habitue et y prendsgoût.

– Je me demandais comment il avait pu seglisser en tant qu’« outsider »…

– Ah, c’était une de mes idées :l’émission avait besoin d’un nouveauchallenger et il n’a pas été difficile devendre le concept du néophyte à la prod.Bon, je ne vous embête pas plus

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longtemps. On s’appelle, Alessandro.

– Sans faute, merci, Jean-Jacques.

Alors que nous allons regagner la fête,Brett sort de la salle et nous repère. Jeserre les dents, devinant ce qui ne manquepas de se produire : il fonce sur nous.

– Vous pensez avoir gagné, n’est-ce pas ?Votre fric ne réglera pas tout dans cetteaffaire, croyez-moi, Alessandro ! J’ai desrelations, ce boulot n’en était qu’un parmitant d’autres, je rebondirai, crache-t-il,belliqueux. Et vous, Camélia, drôle delogique de préférer vous faire desennemis à peine un pied sur le solaméricain. Vous avez une idée de larapidité à laquelle une réputation…

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Il n’a pas le temps de continuer, déjàAlessandro le plaque contre le mur. Lesyeux de Brett s’écarquillent.

– Ne la menacez plus jamais ! Ni aucuneautre femme d’ailleurs. Je vous jure queje suis sérieux. C’est fini !

– Je ne sais pas ce qu’elle vous a racontémais je ne l’ai jamais harcelée…

À nouveau, Alessandro l’interromptd’une voix tranchante comme un rasoir :

– J’étais parfaitement au point sur legenre d’individu à qui j’ai affaire,croyez-moi, Camélia ne m’a rien apprisdu tout. Vous devriez faire attention : moiaussi, j’ai des relations. Personne n’estinaccessible, et votre job au Times sera

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vite remis en question quand vous aurezun procès au cul pour harcèlement !

– Qu’est-ce qui vous prend ? couine Brettde plus en plus paniqué.

– Après ce que vous avez fait à mesproches…

La fureur d’Alessandro est celle d’unevie entière. Un instant, je crains qu’il sejette sur le critique pour le frapper.

– Je n’ai jamais rencontré de Lazio,Alessandro, tente-t-il de le raisonner.

Quand je vois la contraction qui agite lespoings d’Alessandro, je m’avance, biendécidée à m’interposer. Je ne crois pasqu’un accès de violence règle quoi que cesoit, cela ne ferait que permettre à Brett

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d’attaquer en justice Alessandro et lecrédibiliser dans sa volonté de faireéclater la vérité.

– Et le nom d’Acciaro ? Rosella Acciaro? Je porte le nom de jeune fille de mamère.

Brett devient blanc comme un linge et sefige. Son regard effectue plusieurs allers-retours entre Alessandro et moi. Il avalesa salive avant d’assurer d’une voixchevrotante :

– Je… me suis emporté. Je ne ferai rienqui pourrait nuire à vous ou Camélia,c’est évident. De simples paroles en l’air.Vous n’entendrez plus parler de moi, pasbesoin de vous inquiéter.

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Il recule de quelques pas et, quand il voitqu’Alessandro ne tente pas de le retenir,fait volte-face pour détaler.

Le corps d’Alessandro est contracté à sebriser. Je le serre contre moi. J’essaie delui communiquer tout mon soutien,consciente de l’impact qu’a dû avoir cetterencontre avec Brett. Il a osé aller aubout, se battre pour que justice soit enfinfaite… le critique s’est enfui sans un motd’excuse ou émettre le moindre regret.

Il se retourne.

– Merci, Camélia.

– Je n’ai rien fait, remarqué-je, presquegênée.

– Tu étais là. C’est déjà beaucoup.

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Je prends sa main et l’entraîne vers lafête.

– Viens, on a bien mérité du champagne etdes petits fours… même si je suis sûrequ’on aurait pu faire plus original que cetraiteur à nous deux.

Il éclate de rire et nous regagnons la salleprincipale. Je n’entends le bruit destalons de Denise que quand elle est à noscôtés.

– Félicitations, Camélia. Je peux tel’emprunter ? demande-t-elle àAlessandro.

Avant qu’il n’ait le loisir de réagir, je medresse sur la pointe des pieds etl’embrasse rapidement.

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Oui, c’était un peu gratuit et une manièrede mettre les choses au point pourDenise, et alors ?

Elle m’entraîne à l’écart de la foule versl’entrée par laquelle le jury arrive. Labelle brune s’agite, nerveuse.

– Camélia… Écoutez, je vais être directe: j’ai envisagé une histoire entreAlessandro et moi après mon divorce. Enpartie parce que c’est un ami, et jepensais que ce serait une base solide.Jamais il ne s’est montré intéressé et, s’ilme restait un doute, vous voir ensemble afini de me convaincre. C’est du sérieuxentre vous.

– Effectivement, confirmé-je, un peusurprise.

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– Tout ça pour dire que j’adore monboulot : Alessandro paie bien et c’est unboss correct. Je ne ferai plus rien pourm’interposer… C’est OK pour vous ?

Je la regarde, un peu ébahie.

– Je n’aurai jamais demandé àAlessandro de vous virer. Et j’aiconfiance en lui, donc, oui, pas deproblème de mon côté, surtout si vousarrêtez de me prendre en grippe.

Elle m’adresse un hochement de tête. Sonsourire me semble sincère, je le lui rendssans difficulté.

– Tant mieux, merci de ne pas être dugenre rancunier. Je vous laisse ; j’aicroisé Nevio pour la première fois et il a

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l’air… intéressant !

Je me retiens de rire quand la belle latinoaux courbes incendiaires part en chassesur ses stilettos rouge sang.

***

Un peu plus tard dans la soirée, je reçoisma seconde proposition d’embauche de lajournée :

– Je serais ravie de vous accueillir dansmon restaurant, affirme Linda. J’ai aimévotre cuisine et je suis sûre que vousseriez un atout pour ma maison.

Alessandro, à mes côtés, ne réagit pas.Nos yeux se croisent.

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– Tu es seule juge, chérie.

Rien dans son attitude n’est pressant, ilsemble juste attendre ma décision…

Si nous n’étions pas au milieu d’une fête,c’est simple : je lui sauterais dessus !

Je me glisse contre son torse et son brass’adapte aussitôt pour m’accueillir.

– Merci, mais j’ai déjà accepté unposte…

Linda nous regarde et sourit d’un airentendu.

– OK. Alors je demanderais seulementune chose : un SMS pour être présente àl’ouverture !

– Je n’y manquerai pas, promet

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Alessandro.

Il rayonne contre moi, je ne sais si c’estde fierté ou si l’épisode du couloir avecBrett l’a libéré, mais je ne l’ai jamais vusi heureux.

Je me hisse sur la pointe des pieds etsusurre à son oreille :

– J’ai une folle envie de tiramisu, si tuvois ce que je veux dire…

Seul un baiser me répond. Une série defrissons me remontent délicieusement lacolonne. Ce soir, je suis follementheureuse : tout est parfait dans ma vie !

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20. Épilogue

UN AN PLUS TARD

Accoudée au plan de travail du Rosella,notre petit resto dans la pure traditionbistronomique, je finis de contrôler lescommandes. J’ajoute « gorgonzola » à maliste, puis m’étire. Mon regard erre autourde moi et je suis fière, comme à chaquefois.

Le restaurant a un style simple, presquefamilial et il ne désemplit pas. Les gensdoivent réserver des semaines à l’avance

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et les critiques sont bonnes. Il paraît quenous aurons bientôt une première étoile,ce qui est assez rare en Amériquecomparé à la France ; j’en suis d’autantplus heureuse. Nous avons beaucoup decaractère tous les deux, tout ne va passans discussions – parfois épicées ! –mais, petit à petit, nous apprenons et nousévoluons ensemble.

Une étoile, mon premier restaurant, mais,mieux encore, mon grand amour. Chaquematin, je me lève en ayant envie deremercier le ciel. D’abord parce que jevois les belles fesses d’Alessandro sediriger vers la salle de bains. Ensuiteparce que, si je fais le bilan de cetteannée écoulée, tout me semble positif,même ma fatigue ou les moments de doute

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quand je pensais ne pas être à la hauteur :mon couple m’a aidée à dépasser tout çaet à me surpasser.

Un journal traîne sur le bar à mes côtés ;ironiquement, c’est le Times. À la une ontrouve un article qui relate en détail lamise en accusation de Brett Lanschtaf. Ilaura fallu un an pour que toutes lesfemmes qu’il a harcelées se réunissent etdéposent une plainte commune, mais c’estfait. J’ai dû rencontrer chacune d’ellesavec Alessandro pour les rassurer et leurdonner assez confiance, qu’elles aillentau bout de la démarche, et ça en valait lapeine : certaines candidates ont eu moinsde chance que moi avec cette ordure,elles ont cédé à son chantage.

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J’ai remis hier son trophée au nouveaugagnant de Keep Calm and Cook !, celam’a fait bizarre d’assister à l’émission entant que « membre du jury invité ». Maisj’ai essayé d’être sympa : mon épreuven’était pas trop dure ! M’asseoir del’autre côté de la table, face aux caméras,et observer tout ça d’un œil neuf m’a faitsourire ; presque comme si j’étaisdevenue une vieille sage du haut de mesvingt-cinq ans.

Alessandro arrive de la cuisine avec deuxtasses à café, il en pose une devant moi.

– Des idées pour la suggestion du jour dedemain ?

– Si je demande encore une caponata, tuvas trouver ça louche ?

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– Je pense que je t’ai rendue addict.

– Si c’était uniquement à la caponata,m’amusé-je à voix haute.

Ses yeux pétillent et il se baisse pourm’embrasser. Quand il se redresse,comme par magie, une clé est apparue àcôté de ma tasse. Je la contemple,intriguée.

– Tu te rappelles ce resto à Chelsea quetu avais adoré ?

– Le Barbella ?

Il hoche la tête, avec quelque chose dedoux et tendre dans le regard. Quand il acette expression, j’ai toujours du mal àme concentrer ! Il glisse le long du barpour se positionner devant moi et je

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m’appuie contre son torse solide.

– Le propriétaire fermait, j’ai fait uneoffre pour le rachat, m’explique-t-il. Enfait… J’y pense depuis un moment,maintenant que le Rosella a rouvert, quetu m’as suivie dans cette aventure… Jeme sens apaisé. Je sais que ton rêven’était pas un concept familial, mêmeentre bistro et gastronomie. Le Rosella aatteint son rythme de croisière, onpourrait se lancer dans un nouveau projet,un vrai restaurant gastronomique, commetu le voulais à l’origine…

Je contemple longuement la clé. J’adorece qu’on fait ici, j’en suis réellementfière. Mais après avoir passé des moiscomme second dans un palace, j’avoue

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que la cuisine particulière qu’on peut yproposer, plus avant-gardiste, me manqueun peu.

– On pourrait l’appeler La Bella auxCamélias, qu’en dis-tu, bella ragazza ?

Quand Alessandro sort son accent italiende séducteur, forçant le trait, je ne peuxm’empêcher de rire…

Bon, et de craquer un peu ! Mais il n’estpas obligé de le savoir d’abord !

Alessandro semble un peu agité et jefronce les sourcils, intriguée.

– J’adore l’idée !

Étonnée, je remarque qu’il continue àarborer une expression un peu anxieuse.

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– Alessandro ?

– Ce projet… Ça pourrait être notrenouveau bébé, en attendant… un vrai.

Un cri m’échappe.

– Tu es sérieux ?!

– Seulement si tu acceptes de m’épouser !me relance-t-il.

C’est là que je réalise pourquoi ilparaissait nerveux. Je secoue la tête,amusée. Je prends appui sur le barreau dusiège de bar où je suis assise et me jette àson cou.

– OUI ! Je comprends mieux comment tesaffaires ont pu être si florissantes : tu esun sacré négociateur.

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Il sourit largement et prend son air decanaille en haussant les épaules.

– Content que tu le soulignes, arriver à teconvaincre n’est pas toujours évident, jetravaille énormément ma force depersuasion depuis que nous sommesensemble !

– En parlant de ça, j’ai déjà quelquesidées de prénoms italiens, tu sais pour…Plus de petites filles.

Alessandro a un regard qui en dit longquand il me répond :

– J’ai hâte d’entendre ça…

Et moi, j’ai hâte de le vivre ! Cetteaventure et les suivantes, nos restaurants,les fous rires, même les coups de

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gueule… Il fallait un homme commeAlessandro pour une cuisinière commemoi, il est le sel dans mon quotidien,l’épice qui échaude mes nuits. Voilà quinous promet une vie pleine de saveurs !

FIN

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BONUS

VOTRE CHAPITRE INÉDIT !

La rencontre à travers lesyeux d’Alessandro :

La première nuit !

Les chiffres des recettes du Black Dogdansent sur l’écran de mon ordinateur. Jesuis crevé, mais j’ai encore quelquesdétails à régler. Sans parler des rendez-

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vous avec le détective, et des faussespistes que je suis en parallèle, incapabled’attendre qu’il réunisse toutes lespreuves.

Le concours approche : dans moins d’unesemaine, je serai le candidat outsider deKeep Calm and Cook ! Après que j’aiorchestré ça en coulisse pendant plusd’un an, voir l’échéance arriver me faitbizarre. Sur un soupir, je fermel’ordinateur portable après une dernièrevérification ; a priori, tout concorde, lescomptes sont en ordre et Denise pourraaisément prendre le relais avec moncomptable.

Enfin, heureusement que le tournage estassez court, ils n’auront pas une surcharge

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de travail trop longtemps.

J’ai l’habitude de tout contrôler. J’ai beauavoir cinq boîtes très cotées – et bientôtsix ; les papiers d’acquisition nedevraient pas tarder –, je continue àdiriger chaque aspect, que ça soit la déco,l’organisation de la promo… ce quisignifie pas mal d’heures de sommeil enmoins, mais je préfère éviter de mereposer sur quelqu’un d’autre. Quandquelque chose ne va pas, je suis le seul àblâmer.

Sur une impulsion, je décide de rejoindrela salle ; j’aime voir les gens s’amuser,prendre la température de mes boîtes enobservant les clients sur la piste ou aubar. Surtout au Black Dog, mon club le

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plus fréquenté. C’est aussi le premier quej’ai ouvert, il a donc une placeparticulière pour moi ; le premier que j’airacheté avec l’argent qu’Angello m’aprêté et qui a marché au-delà de touteprévision, comptant maintenant dans lesmeilleures boîtes de New York.

Je quitte la zone réservée au personnel etme balade un moment. Je garde un œil surla barmaid qui fait son premier soircomplet après sa formation. Pourl’instant, elle se débrouille bien et gèreles rushs sans trop de casse, elle a justeun peu tendance à reluquer le patron ; orje ne couche pas avec mes employées,jamais. L’idée qu’elles puissent se sentirobligées ou même la notion de «promotion canapé » me révulse… ce

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qu’elles ne peuvent pas deviner.

Elle m’adresse d’ailleurs un grandsourire, je hoche seulement la tête,préférant ne pas lui rendre et conserverun masque impassible. Une brune assezjolie se tient à côté du bar ; devant elle,une blonde assez petite malgré ses talonsridiculement hauts. Je ne sais pas à quoiressemble le côté face, mais le côté pileest plutôt sexy. Elle porte une robe noireassez courte qui dévoile des jambes biengalbées. Ses cheveux ont une teinte blémûr et un aspect naturel au milieu de cettemarée de blondes peroxydées. Est-ce savraie couleur ?

Et qu’est-ce que ça peut me faire ? Je suisplus fatigué que je ne le croyais !

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Je la suis du regard un moment, commehypnotisé par la ligne parfaite de ce culinsolent. Ça ne fait pas très pro dereluquer les clientes ; à ma décharge,c’est vraiment rarissime que je me rincel’œil ainsi. Alors qu’est-ce qui estdifférent cette fois-ci ? Je ne pourraisl’expliquer, sûrement un truc qu’elledégage même à cette distance.

Quand elle fait mine de monter par lelarge escalier avec la brunette que j’aipresque zappée, je leur emboîte le passans réfléchir.

Elle gravit une volée de marches, puis untype la bouscule, et je réalise aussitôtqu’elle se trouve vraiment au bord del’escalier, dans un équilibre précaire. Je

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fonce avant de la voir basculer, poussépar un instinct qui m’étonne moi-même.Et, effectivement, elle tombe dans le vide.J’ai beau essayer d’amortir la chute, elleatterrit dans mes bras rudement.

Son parfum m’assaille aussitôt, c’estindescriptible mais… gourmand, c’est lemot. Je décèle une odeur de réglisse, defève tonka ? Je la serre un peu plus contremoi.

Bon, au temps pour moi, le côté facesurpasse le côté pile !

Elle a des traits fins, des pommettes biendessinées, une bouche ronde et dessourcils clairs qui donnent du caractère àson regard, ce que finit d’affirmer un nezbusqué. L’ovale de son visage est délicat

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; étrangement, elle a l’air à la fois douceet… piquante. Pas le genre princessefragile. Mon intérêt monte d’un cran : jepréfère nettement les filles qui ont durépondant.

Elle a fermé les yeux et j’attends avec unedrôle d’impatience qu’elle les ouvre pouren voir la couleur.

– Ça va ? J’ai essayé d’amortir votrechute quand j’ai compris que vous allieztomber, mais j’ai peur que vous nefinissiez avec un bleu malgré tout…

Enfin, elle cligne des paupières etdécouvre deux iris bleu clair, je penseaussitôt à San Blas, au Panama et seseaux turquoise…

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Dangereuses. Combien de mecs a-t-ellenoyés là-dedans ?

Son corps lové contre le mien, il m’estdifficile d’ignorer la forme de seshanches pleines ou de ses seins soulevéspar sa respiration saccadée juste sousmon nez. Elle porte un pendentif fin, unesorte d’étoile ouvragée, loin desbreloques voyantes à la mode quej’exècre. Un bijou de famille ? Monimagination galope étrangement aucontact de cette inconnue, ce qui est assezridicule. Ce n’est pas le moment decommencer à réfléchir à ce genre dechoses.

Tu la reposes, tu vérifies qu’elle nerisque pas de t’intenter un procès, quitte à

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lui offrir des consos, puis tu la laissesretourner à son amie.

Sauf que cette dernière s’est volatilisée,visiblement inconsciente de la chute de lablonde. Elle murmure finalement avec unepointe d’accent :

– Ça va, merci beaucoup… Je n’avaispas vu que quelqu’un avait vidé l’eau dubassin.

Aïe, même la voix est sexy. Et la fillefrançaise selon moi, on le reconnaît à ladiction de certains mots. Comment je suiscensé lui dire bonne soirée dans cesconditions ? Mes bras semblent d’ailleursle refuser. Sa blague plate me fait sourire,je la devine déstabilisée.

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J’adore l’idée de la dérouter… Maisqu’est-ce qui me prend ?

Qu’est-ce que j’ai à réagir ainsi, àbatailler depuis deux minutes avec moi-même pour la poser… sans le faire ? !

– Vous êtes sûre que vous vous sentezbien ?

Elle hésite une seconde, ses sourcils sefroncent un peu plus.

À quoi pense-t-elle ?

M’a-t-elle reconnu ? Quand je l’ai vuetomber, c’était si maladroit que j’aipresque cru qu’elle le faisait exprès ;après tout, une rousse au Black Rose abien fait mine de s’étaler presque sousmes pieds pour engager la conversation,

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il y a des précédents. Sauf qu’elle semblegênée et que je trouve ça à la fois drôle etadorable, on est loin d’une manipulatriceaguerrie.

– Bien sûr, juste une belle peur. Jeréfléchis au fait de porter plainte contrele proprio qui a oublié de sécuriser sonescalier design pour me venger, il paraîtque ça se fait aux USA.

Ma théorie se confirme : elle n’est pasaméricaine.

– Alors, je vous offre un verre pour vousprésenter toutes nos excuses.

– Pourquoi ? Vous bossez ici ?

J’avais raison ! Elle ne m’a pas reconnu.Depuis quand n’est-ce pas arrivé ? Je lui

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souris et la repose enfin par terre.

Pas pour la lâcher, non, ça ce n’est pasprévu pour tout de suite… Pendantqu’elle remet sa chaussure, je ne peuxm’empêcher de regretter sa chaleur contremon torse. Sa main s’attarde dessus demanière un peu plus appuyé quenécessaire, voici la confirmation que jene la laisse pas indifférente. Peut-êtresent-elle sous ses doigts mon cœur qui aun peu accéléré.

L’idée de base de lui présenter desexcuses, la rendre à son amie… tout s’esteffacé, jusqu’au stress du concours. Je meconcentre sur elle et oublie le restequelques minutes. Ce qui ne m’est pasarrivé depuis des semaines, car j’étais

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tout entier focalisé sur mon but. Cetteconstatation me perturbe ; sans réfléchir,je lui caresse la joue.

Elle jette un œil autour d’elle, sûrement àla recherche de la brune, avant de mesuivre. J’ai perçu en elle la mêmehésitation que j’ai moi-même éprouvée. Apriori, elle ne venait pas là pour faire desrencontres, aucun de nous n’avait prévuça. Elle m’emboîte le pas malgré tout,peut-être aussi captivée que je le suis.

La barmaid me sourit, je lui adresse àpeine un regard. Si elle veut se tromper etfaire les cocktails n’importe comment :c’est le moment, je ne risque pas de m’enpréoccuper !

J’interroge la blonde – il faut vraiment

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que je lui demande son nom ! – d’unevoix plus rauque que prévue :

– Qu’est-ce que vous souhaitez boire ?

Elle hésite et je fais mon possible pour nepas loucher sur ses seins qui, avec notredifférence de taille, sont dangereusementen contrebas…

Elle me surprend en pleine réflexion.

– Un Cosmo, merci.

J’imagine le citron et la Canneberge surses lèvres, douceur, acidité… commentserait un baiser d’elle ?

Normalement, je prends mon temps,surtout un premier soir.

Mais quand je m’entends avouer :

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– Vous avez une bouche magnifique.

… Je comprends que ça ne la concernepas. J’arrête de lutter, mon instinctdomine quand je m’adresse à elle, je nepense même pas à sourire pourl’amadouer ou sembler moins fasciné. Jela relance, car elle garde un silence quime rend dingue.

Ses yeux bleus ne me livrent rien, je sensune retenue en elle qui intrigueraitn’importe quel homme.

– Et un prénom, peut-être ?

J’ai l’impression que si elle me le dit, jepourrai en apprendre plus sur elle, qu’ilfaut que j’en sache plus. Alors quej’attends cette réponse comme si ma vie

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en dépendait, inconscient des bruits de laboîte et des gens autour de nous, seslèvres s’entrouvrent.

– La vôtre aussi est pas mal.

Ce qui me prend totalement au dépourvu.Je manque d’en rire tant c’est inattendu :et rien dans mon quotidien ne l’est !

Tout est cadré au millimètre, j’ai tant àgérer, un but si compliqué à atteindre, jene peux rien laisser au hasard.

Sauf ce soir. Pour une fois, je vaisécouter mes instincts, juste une minusculeparenthèse…

Cette idée est presque jouissive tant elleest libératrice. Mes yeux piquent vers sabouche, je souris malgré moi.

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– Content de voir que vous avez retrouvévotre… langue.

Vous étiez devenue bien silencieuse tout àcoup.

Je ne peux m’empêcher de glisser uneallusion dans mes propos. La barmaid medonne les verres et je la guide dans lafoule, quasiment sûr qu’elle me suivra.Ce n’est pas de l’arrogance ; dans le casinverse, j’en ferais autant.

Il me faut un espace calme pour pouvoirlui arracher des infos cruciales, genre…son prénom ! Je contourne la piste dedanse et ignore les signes de certainsclients. Sur la passerelle, je sais qu’ilsera possible de s’isoler un peu et lerythme rapide des baffles qui se

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répercutent sur le sol sera moins fort, jen’aurai pas à crier pour lui parler.

Je surveille qu’elle demeure bien dansmon sillage tant la foule est dense et pestequand, Mario, un habitué de chez Sofia,m’accoste. C’est un homme que jeconnais depuis dix ans, un mec bien, je nepeux passer mon chemin sans un mot,mais j’abrège autant que possible ; detoute façon, mon attention est focaliséeailleurs. Je me tourne vers elle et la voisranger son portable en vitesse.

Un vague sentiment de jalousie me titille.Avertit-elle un petit copain d’un retourtardif ? Puis je repense à son amie, c’estplus logique qu’elle ait cherché à laprévenir… ou je préfère croire que des

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yeux aussi clairs ne seraient pastrompeurs. Peut-être car en rester là seraitjuste inacceptable.

Elle me sourit, un peu timide.

– Vous avez l’air très demandé…

Je l’entraîne vers un box en retrait, latable est étroite et, même à cette distance,son parfum de réglisse me parvient.

J’ai envie de me pencher sur elle pour lesentir directement dans son cou. C’estelle qui reprend la parole, comme gênée :

– Tout le monde semble aux petits soins àvotre égard, ne me dites pas que vous êtesune superstar que j’aurais dû reconnaître? Vous travaillez ici ?

L’idée m’amuse. Son accent français ne

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m’a pas trompé ; elle est nouvelle à NewYork ou elle est en visite pour lesvacances ; c’est forcément sa premièrefois au Black Dog. Je commente, un peutaquin :

– En effet. Je suis là pour… rattraper auvol les jolies filles.

– « Tombeur » professionnel en somme ?

J’éclate de rire. Son humour ressemble àses prunelles ou son sourire : piquant. Jeréponds sans réfléchir, plus sérieux :

– J’ai été ravi de jouer ce rôle ce soir. Uninstant… j’ai cru que vous m’aviezrepéré et que votre chute était préméditée.

– Pourquoi aurais-je fait ça ? Je neconnais pas les stars en général. Il paraît

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qu’il y a une Mily au bar et…

Je pense à l’actrice que j’ai aperçue sansy prêter attention ; elle passe presque unsamedi sur deux dans mon club.

– Mila, précisé-je, manquant de peud’éclater de rire à nouveau quand elleécorche sans vergogne son nom, ce quel’ego de la starlette supporterait fort mal.

Mila a une certaine notoriété à New York,et aucune personne qui fréquenteraitassidûment la jet-set ne l’ignorerait.

Pas une fille à papa donc… intéressant.

Elle boit son cocktail, ce qui,inévitablement, attire mes yeux vers seslèvres. Puis je me rappelle de sa question: pourquoi aurait-elle fait ça ?

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– En effet…

Parce que d’autres le font ou que leclassement Forbes des plus grossesfortunes ne m’a pas vraiment simplifié lavie ces derniers temps…

– Pitié, vous n’êtes pas un baseballeurconnu, au moins ?

Son inquiétude semble réelle et c’estvraiment adorable : combien de fillesdans cette boîte me demanderaient çaavec une expression si déçue ? Je préfèrerectifier pour la pousser à parler.

– Le mot « baseballeur » n’existe pas.Pourquoi cela vous contrarie-t-il autant ?Vous froncez les sourcils depuis que vousavez posé la question.

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Ils s’arquent encore sous la surprise.

– Vous êtes réellement connu ? Dites-moique vous n’êtes pas en procès pour untruc genre suspicion de meurtres ensérie…

Ce jeu est amusant, je me sens plus vivantque je ne l’ai été depuis des lustres, je nepeux m’empêcher de continuer de lataquiner.

– Je ne serais pas dans ce bar si j’étaisréellement un danger pour la société.

Par contre, pour toi, je ne jurerais de rience soir…

Une lueur dans son regard, dont peut-êtren’a-t-elle même pas conscience, précipitetout. Elle se penche un peu en avant et je

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dois me retenir de venir rencontrer seslèvres lorsqu’elle souffle :

– Sérieusement, vous me diriez votreprénom ?

– Je n’ai jamais refusé de le faire. Jem’appelle Alessandro.

Et vous êtes ?

– Alessandro ? Un Italien ?

Je la vois détailler mes cheveux, lacouleur de ma peau ; pour le coup, je nepeux nier mon patrimoine sicilien, entremon prénom, ma peau mate et mescheveux bruns ! J’ajoute quand même,espérant qu’elle va m’imiter :

– D’origine italienne, mais new-yorkaispur et dur ! J’ai grandi ici et je pense que

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c’est la ville que je préfère au monde,même si Little Italy reste un de mes coinsfavoris de Manhattan…

Devant son mutisme, j’ai envie del’embrasser pour la forcer à parler, ce quiau fond n’a pas de sens.

Si ce n’est que tu crèves de l’embrasserde plus en plus, quelle qu’en soit laraison !

— Mais Paris a aussi son charme, j’avaisbeaucoup aimé, précisé-je, après uninstant à la dévisager. Vous êtes bienfrançaise, non ?

Si je dois en arriver aux questionsdirectes, tant pis ! Je veux son nom,

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qu’elle se livre… de bien des manières,d’ailleurs. Ses yeux s’écarquillent.

– Comment avez-vous deviné ?

– Votre accent, léger, mais identifiable.C’est la seule raison pour laquelle jeveux bien croire que vous n’êtes pastombée sciemment de cet escalier… Jevous imaginais bien parisienne, unecertaine classe, le chic « à la française ».

Je le prononce dans sa langue et jeperçois sans mal le frisson qui la secoue.Il me faut son nom, ça tourne à l’idée fixe,un besoin irrépressible.

– Je vais essayer à nouveau : vous êtes ?

Comme tout à l’heure son volte-face mesurprend quand elle rétorque du tac au tac

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:

– Très tentée par vous… Désolée. Jevous ai prévenu que l’alcool me rendaitaffreusement honnête ?

J’hésite à prendre une rasade d’alcool ouà me noyer sur ses lèvres, l’un pourraitm’aider à retrouver une contenance, lesecond à me faire perdre pied… laquestion reste entière, ai-je envie d’êtreraisonnable ? Après avoir avalé unegorgée, je répète lentement, sinon jerisque de devenir entreprenant, là tout desuite au milieu de mon club ! Surtoutaprès une telle invitation, il semblepresque criminel de ne pas l’allonger surla table pour… non, pas ici.

– Votre prénom, jolie Française.

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Je me penche en avant brusquement pourréduire l’espace entre nous. Ma mainvient entourer sa nuque ; j’ai trop besoinde la toucher. C’est ça ou je fonds sur seslèvres.

– Réponds-moi, je dois savoir le prénomde la fille qui me regarde comme tu lefais en ce moment.

Cette nuit, je vais la passer contre elle, çasera une parenthèse merveilleuse dans lacourse de ma vie. Un écart interdit certes,mais un jeu dangereux n’en vaut-il pas lapeine quand il s’incarne de manière aussiparfaite ?

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