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« Guinée : Les victimes de Koulé, N’Zérékoré et Beylademandent que justice soit faite, après les violences intercommunautaires de juillet 2013 », Rapport d’enquêtes de la Ligue Guinéenne des Droits de l’Homme, mai 2014$

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« Guinée : Les victimes de Koulé, N’Zérékoré et Beyla demandent que justice soit

faite, après les violences intercommunautaires de juillet 2013 », Remerciements…………………………………………………………………………………………………………..4

I. Introduction……………………………………………………………………………………………………………5

II. Contexte………………………………………………………………………………………………………………..7

III. Résumé…………………………………………………………………………………………………………………8

IV. Méthodologie……………………………………………………………………………………………………....11

V. Cadre juridique et institutionnel ..…………………..……………………………………………………..12

VI. Aperçu général sur les violences de juillet 2013……………………………………………………14

VII. Quelques causes du conflit intercommunautaire de juillet 2013……………………….…..16

a)Des raisons historiques, socio-économiques et religieuses…………………………………..…16

b) Discours politique de feu Général Général CONTÉ en 1991……………………………………18

c)L’impunité……………………………………………………………………………………………………………18

d) La présence d’éléments incontrôlés dans certaines villes de la Forêt………………………19

e)- Lajustice privée………………………………………………………………………………………………..…20

f) L’usage d’armes de guerre, d’armes légères, fusil de chasse, machettes et autres armes

blanches……………………………………………………………………………………………...…………...………20

g) L’indifférence ou la négligence notoire des autorités……………………………………………...21

h) La connotation ethnique ou communautariste conférée aux incidents entre deux individus………………………………………………………………………………………………………………….22

i) Nombre insuffisant d’agents de sécurité…………………………………………………………………23

j) Une politique anarchique d’urbanisation………………………………………………………………..23

VIII. Les conséquences des violences intercommunautaires de juillet 2013…………………25

a) Dégâts humains ……………………………………………………………………………..……………………25

- Cas de décès, blessés et personnes portées disparues……………………………………………....25

- Cas de déplacements forcés…………………………………………………………………………………….26

b) Sur le plan social et éducatif………………………………………………………………………………….26

- Tissus social de plus en plus fragilisé……………………………………………………………………….26

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- L’éducation affectée……………………………………………………………………………………………….27

c) Sur le plan matériel et économique……………………………………………………………………….28

- Édifices privés détruits ou incendiés………………………………………………………………………28

- Dommages aux animaux et dévastation de récoltes…………………………………………………28

- Des unités industrielles détruites ou incendiées………………………………………………………29

- Pillages, destruction et incendies de commerces……………………………………………………...29

- Destruction et incendie d’engins roulants………………………………………………………………..30

d) Sur le plan religieux: lieux de culte détruits ou incendiés……………………………….……….31

IX. La situation des droits de l’Homme pendant le conflit……………………………………………33

a)Violations des droits de l’homme par omission…………………………………………………….…33

b) Violations des droits de l’homme par action………………………………………………………..…33

X. Quelques actions menées après le conflit………………………………………………………………34

a) Envoi de délégations gouvernementales et présidentielles……………………………………..34

b) Enterrement de corps dans une fosse commune…………………………………………………….35

c) Organisation de « séances de réconciliation »…………………………………………………………35

- À Koulé………………………………………………………………………………………………………………..…35

- À Beyla…………………………………………………………………………………………………………………..36

- ÀN’Zérékoré : Signature d’un pacte de non agression pour toute la région forestière..37

d)-Organisation de séances de formation et de sensibilisation……………………………………38

XI. Besoins d’acccès au droit et à la justice exprimés par les victimes…………………………39

a)-Besoins d’accès à la justice exprimée par les victimes……………………………………………39

b)-Besoin d’assistance juridique des victimes…………………………………………….………………39

XII. L’état actuel de la procédure judiciaire relative aux violences de juillet 2013……….41

XIII. La responsabilité civile de l’État dans les violences intercommunautaires de juillet 2013………………………………………………………………………………………………………………………...43

XIV. L’anecdote ayant particulièrement retenu l’attention de la Ligue Guinéenne des Droits de l’Homme …………………………………………………………………………………………………...44

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XVI. Recommandations……………………………………………………………………………………………..45

a) À l’endroit du gouvernement guinéen et du Président de la République…………..……...45

b) À l’endroit du nouveau parlement guinéen…………………………………………………………..46

c) À l’endroit de la communauté internationale notamment la France, l’Allemagne, l’Union européenne, les Etats-Unis d’Amérique, le Haut Commissariat des Nations Unies

aux Droits de l’Homme, etc.………………………………………………………………………………………..46

d) À l’endroit des organisations de défense des droits de l’homme……………………………46

e) À l’endroit des magistrats chargés du dossier de juillet 2013…………………………………46

XVII. CONCLUSION……………………………………………………………………………………………………47

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RemerciementsRemerciementsRemerciementsRemerciements

Ce rapport d’enquêtes ne saurait être élaboré sans le concours financier d’Open Society Initiative for West Africa (OSIWA) à laquelle la Ligue Guinéenne des Droits de l’Homme (LIGUIDHO) aimerait adresser ses sincères remerciements et plus particulièrement au personnel de sa représentation en Guinée dont les appuis techniques quotidiens n’ont pas manqué pour réaliser ce travail.

Que tous les témoins, victimes, autorités et organisations de la société civile rencontrés lors de la mission d’enquêtes et qui ne sauraient être cités pour des raisons de sécurité, trouvent ici l’expression de la profonde gratitude de la Ligue Guinéenne des Droits de l’Homme pour les informations capitales qu’ils ont fournies à travers des sources documentaires et des témoignages.

Ce rapport est aussi le résultat de précieux concours des membres de l’Association des Victimes de Koulé, N’Zérékoré et Beyla de juillet 2013 (AVIKNB). La Ligue Guinéenne des Droits de l’Homme éprouve un sentiment de profonde gratitude envers eux. Il s’agit en particulier de : Monsieur Cécé Patrice HABA, Président, Monsieur Kerfalla KÉITA, Vice-président, Madame Madeleine KOIVOGUI, chargée de la formation et de la communication, Monsieur Isaac BRÉHÉMOU, chargé des relations extérieures, Madame Agnès Aimée THÉA, Trésorière et Monsieur Alain KOULÉMOU, chargé de la lutte contre l’impunité de ladite association.

En fin, la Ligue Guinéenne des Droits de l’Homme voudrait sincèrement remercier l’Organisation Catholique pour la Promotion Humaine (OCPH) ainsi que toutes celles et tous ceux qui ont souhaité l’anonymat, mais qui, de près ou de loin, lui ont apporté un appui dans l’élaboration de ce rapport.

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I. IntroductionI. IntroductionI. IntroductionI. Introduction

Sur appui financier d’Open Society Initiative for West Africa (OSIWA), la Ligue Guinéenne des Droits de l’Homme (LIGUIDHO) a effectué une mission d’enquête du 1er au 10 décembre 2013 en Guinée forestière sur les violences intercommunautaires de juillet 2013 survenues à Koulé, N’Zérékoré et Beyla.

La Guinée forestière est l’une des quatre régions naturelles de la Guinée. Elle est située au Sud-est du pays et comprend sept préfectures à savoir : Beyla, Guéckédou, Kissidougou, Lola, Macenta, N’Zérékoré et Yomou.

Koulé, d’où est parti le conflit intercommunautaire qui fait l’objet du présent rapport, est le chef-lieu de la Sous-préfecture qui porte son nom. Il est situé à 43 km de N’Zérékoré, capitale de la région administrative.

La Guinée forestière, appelée parfois la Forêt, fait frontière avec des pays qui viennent de sortir de la guerre comme la Côte d’ivoire à l’est, le Liberia au sud et la Sierra Leone à l’ouest. On y rencontre plusieurs ethnies dont les principales sont : Guerzé (appelé parfois Kpèlè), Toma, Kissi, Manon, Konon, Konianké (appelé parfois Konia) et Malinké.

La région forestière dispose d’un potentiel économique et minier important, avec des terres très fertiles et des chaînes montagneuses comme les Monts Nimba, dans la préfecture de Lola et le Mont Simandou, dans la préfecture de Beyla. Cette potentialité est aussi favorisée par une pluviométrie atteignant 1900 mm répartie sur 8 à 9 mois, avec un réseau hydrographique dense qui présente des possibilités à la fois hydro agricoles et énergétiques. Sa superficie est de 37 653Km2 avec unepopulation estimée à 2 424 685 d’habitants en 20111.

Malgré ces atouts, la Guinée forestière est une zone de conflits intercommunautaires récurrents opposant généralement les guerzés, à dominante chrétienne ou animiste aux koniankés, à dominante musulmane. À titre d’exemples de conflit intercommunautaire ayant opposé ou tenté d’opposer les guerzés aux koniankés, on peut retenir qu’en :

- 1991, le premier conflit du genre est né à N’Zérékoré à l’occasion d’une élection municipale et a opposé à l’époque les militants du Parti de l’Unité et du Progrès (PUP), parti au pouvoir à ceux du Rassemblement du Peuple de Guinée (RPG), parti d’opposition. Cette crise à caractère purement politique, s’était transformé en un conflit intercommunautaire opposant guerzé aux koniankés (malinkés) et avait fait plus de cent morts et des dégâts matériels importants.

- mars 1997, dans la sous-préfecture de Koulé, une fille guerzé est violée par un jeune konianké. À la gendarmerie les jeunes koniankés se seraient opposés à son placement en garde à vue pendant que les guerzés l’exigeaient. Le soir, les discussions ont dégénéré en bagarre interethnique. Deux morts selon la version officielle (tous les deux étaient hommes et guerzés). 1Nombre d’habitant selon le Pacte de non agression et de cohabitation pacifique entre les groupes sociaux vivant en

Guinée forestière signé à N’Zérékoré, le19 novembre 2013, page 2

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- 2004, un incident malheureux éclate à N’Zérékoré dans le quartier Horoya entre un Imam konianké et un jeune cycliste guerzé puis se transforme en un conflit opposant les kpèlès aux koniankés. Le bilan fait deux morts et des dégâts matériels importants.

- 2005, l’usage d’un haut parleur lors d’une cérémonie de baptême dans une famille Kpèlè située à proximité d’une mosquée à N’Zérékoré provoque un conflit entre les deux communautés guerzé et konianké.

- 2008, dans le quartier de Sokoura I (N’Zérékoré), un jeune kpèlè, dont le passage dérange des fidèles musulmans en prière lors d’un carême, est arrêté, ligoté et séquestré jusqu'à la fin de la prière. Cet incident a failli dégénérer en un conflit pouvant opposer les kpèlès aux koniankés, mais, il a été évité grâce à l’intervention rapide des autorités et des membres de la société civile.

- 2010, une altercation entre une femme commerçante kpèlè et un jeune assurant la sécurité de fidèles musulmans pendant la prière de vendredi, dans un quartier de N’Zérékoré, entraîne des affrontements intercommunautaires dont le bilan fait 6 morts et des dizaines de blessés.

- 2011, à Galapaye (Préfecture de Yomou), une pratique animiste qui consistait à dénicher des malfaiteurs sorciers, dégénère en affrontements intercommunautaires dont le bilan fait état d’au moins 28 morts, des dizaines de personnes grièvement blessées et des dégâts matériels importants.

- juillet 2013, le conflit intercommunautaire, objet du présent rapport, éclate à Koulé dans la nuit du 15 juillet vers 6 heures du matin, puis se propage très rapidement dans les villes de N’Zérékoré et de Beyla tout en faisant 217 morts, 473 blessés et 263 personnes portées disparues2ainsi que des dégâts matériels très importants.

Depuis plus de deux ans, une adversité conflictuelle oppose deux syndicats de transports routiers, également dans un contexte de tensions intercommunautaires. Par exemple, le 18 mars 2013, les locaux censés abriter le siège social du SYNATRAMGUI ont été saccagés, pillés et incendiés par un groupe d’hommes présumés appartenir au syndicat UNTRG.3

Malgré les bilans macabres des différents conflits cités plus haut aucun procès juste et équitable n’a jamais été organisé pour traduire les auteurs en justice et rétablir les victimes dans leurs droits à travers leur indemnisation.

2D’après les témoignages et le Rapport d’évaluation conjointe sur la situation humanitaire suite aux violences

intercommunautaire dans la région administrative de N’Zérékoré, publié par l’État guinéen, le système des Nations unies, avec la participation de Plan et du Conseil Danois pour les refugiés, page 13

3D’après les témoignages et le Rapport d’évaluation conjointe sur la situation humanitaire suite aux violences

intercommunautaire dans la région administrative de N’Zérékoré, publié par l’État guinéen, le système des Nations unies, avec la participation de Plan et du Conseil Danois pour les refugiés, page 6

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II. Contexte II. Contexte II. Contexte II. Contexte

Le contexte dans lequel les violences intercommunautaires de juillet 2013 se sont déroulées, a été marqué par une impunité totale en dépit de l’ampleur des dégâts humains et matériels causés par les récurrents conflits interethniques qu’a connus la Guinée forestière.

On peut noter des facteurs comme :

- la présence d’éléments incontrôlés tels que: les ex-combattants venant de la Côte d’ivoire, du Liberia et de la Sierra Leone, les éléments formés, puis abandonnés de Kissidougou, de Kaléa, les jeunes volontaires qui ont combattu aux cotés de l’armée guinéenne lors des attaques rebelles de 2000, les éléments d’United LiberationMovement of Liberia for Democracy (ULIMO); et la circulation illicite d’armes légères et armes de guerre

- le non respect des conditions d’acquisition des armes à feu qui pullulent dans cette partie de la Guinée

- la présence des donzos qui sont des guérisseurs traditionnels et des chasseurs. Il semble que ces donzos n’hésitent pas, à certains moments, de faire des démonstrations, en pleine ville, par l’usage de leurs fusils de chasse, en tirant des coups de canon en l’air, sans être inquiétés par les autorités4

- la pauvreté et le chômage des jeunes

-la faiblesse de l’autorité de l’État et l’insuffisance des agents des forces de sécurité qui sont en plus sous équipes et mal équipés.

Il est à noter que l’absence d’une véritable enquête indépendante sur les différents conflits intercommunautaires n’a pas permis d’identifier leurs causes et leurs circonstances en vue d’y mettre définitivement un terme.

L’objectif de la présente démarche est donc de tenter de proposer quelques solutions pour une résolution durable des conflits intercommunautaires récurrents en Guinée forestière.

4Entretien de la Ligue Guinéenne des Droits de l’Homme avec des témoins, N’Zérékoré, le 8 décembre 2013

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III. RésuméIII. RésuméIII. RésuméIII. Résumé

Un conflit intercommunautaire sanglant a opposé les guerzés aux koniankés pendant trois jours, soit du 15 au 17 juillet 2013. Ces violences ont entraîné des pertes en vies humaines, des dégâts matériels très importants dont la destruction et l’incendie de plusieurs églises et mosquées.

En effet, dans la nuit du 15 juillet 2013 vers 4 heures du matin, le sieur Ibrahima Kalil KÉITA est tué, à l’aide de coups de machette, par Jean SOUMAORO, gardien d’une Station services à Koulé appartenant à Monsieur Moriba DELAMOU dit ZaoroLèlè qui signifie en français Zaoro le bon.

Deux versions contradictoires ont été rapportées à la Ligue Guinéenne des Droits de l’Homme, en ce qui concerne la cause de la mort d’Ibrahima Kalil KÉITA.

Selon, Monsieur Jean SOUMAORO , gardien de la Station services, interrogé en détention à la Maison centrale de N’Zérékoré, c’est vers 3 heures du matin du lundi 15 juillet 2013 que pendant qu’il assurait le gardiennage de la Station, il a reçu trois messieurs qui poussaient une moto vers lui tout en demandant de les aider à garder ladite moto qui serait en panne pour qu’ils viennent la chercher le matin. Pendant qu’il les aidait à bien garer la moto à un endroit de la cour de la Station, il fut saisi au cou par deux des trois éléments, tandis que le troisième cherchait à bander sa bouche et ses narines à l’aide d’un morceau de tissus afin de l’empêcher de crier. D’après lui, il s’est bien débattu, en possession de son arme à feu que ses agresseurs ont réussi à casser en deux, puis l’un d’eux lui a donné un coup sur sa tête à l’aide d’une barre de fer qui l’avait grièvement blessé. Aussitôt, les assaillants ont pris la fuite parce qu’ils avaient aperçu le passage sur la route des véhicules qui les ont éclaboussés de la lumière de leurs phares.

Immédiatement, pendant que le sang coulait jusqu'à son coup, il a accouru pour aller alerter la gendarmerie non loin de là. Arrivée, le seul gendarme de garde qui serait Balla BÉAVOGUI, dont il ignore le grade, a refusé de lui porter secours tout en lui demandant de revenir le matin avec une plainte contre les agresseurs. De là, il est allé se faire soigner chez l’infirmier de la place, Monsieur Alphonse DOPAVOGUI, qui a mis une bande sur la plaie au niveau de sa tête, avant de revenir à la Station et continuer à assurer son service de gardiennage.

Aussitôt qu’il revenait, les assaillants sont aussi revenus l’attaquer avec un de ses frères prénommé Hiwolo auquel il avait fait appel pour assurer désormais le gardiennage ensemble jusqu’au matin. Comme les assaillants étaient revenus pour les attaquer à la Station services, Jean SOUMAORO a réussi à tuer un des trois assaillants à l’aide de coups de machette. Aidé par Hiwolo, il a réussi à ligoter un autre avant que le troisième ne prenne la fuite.

Monsieur Jean SOUMAORO a ajouté que les trois assaillants venaient à la Station services pour y commettre un acte de vol puisqu’ils étaient munis de matériels appropriés à cet effet notamment une barre de fer - qui allait servir à défoncer la porte du bureau où se trouverait la recette journalière - et un sac dans lequel ils devraient mettre leur butin5.

5Entretien de la Ligue Guinéenne des Droits de l’Homme avec Jean SOUMAORO à N’Zérékoré, le 8 décembre 2013

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La Ligue Guinéenne des Droits de l’Homme a voulu rencontrer l’infirmier Alphonse DOPAVOGUI pour confirmer ou non la version des graves blessures que le gardien Jean SOUMAORO aurait subies et que ledit infirmier aurait soignées, mais ce dernier était absent ce jour de Koulé.

C’est ainsi que le Sous-préfet de Koulé, Monsieur Faounda CAMARA, interrogé par la Ligue Guinéenne des Droits de l’Homme, a rapporté que dès qu’il a été informé de l’incident, il s’est rendu de toute urgence sur les lieux où il a retrouvé le corps d’Ibrahima Kalil KÉITA à la Station services. D’après Monsieur le sous-préfet, il avait effectivement constaté que la tête de Jean SOUMAORO était bandée a la suite de soins médicaux et avait bien vu le morceau du fusil cassé ainsi que le sac qui servirait probablement à transporter le butin après avoir commis un vol de numéraires.6

Un autre témoin, Monsieur Gome CHÉRIF, interrogé par la Ligue Guinéenne des Droits de l’Homme a également confirmé avoir effectivement vu la tête de Jean SOUMAORO bandée, ainsi que le sac et la partie cassée du fusil à la Station services de Koulé, le matin du lundi 15 juillet 2013.7

Monsieur le Sous-préfet a aussi ajouté que Monsieur Daouda CONDÉ, propriétaire du camion remorque immatriculé RC-4919-L lui aurait déclaré que les sieurs Moussa, Mamady et Ibrahima Kalil KÉITA (la victime mortelle) étaient ses trois apprentis qui auraient passé la nuit dans le camion remorque qui était garé non loin de la Station services. Le sieur Daouda CONDÉ aurait appelé au téléphone ses apprentis vers 4 heures du matin pour aller prendre leur petit déjeuner à son domicile de Koulé en ce mois de carême musulman. C’est quand ses trois apprentis étaient de passage sur la route au bord de laquelle la Station services estsituée qu’ils ont été agressés par le gardien de la Station sous prétexte que les apprentis venaient y commettre un acte de vol.

D’après Monsieur Faounda CAMARA, Sous-préfet de Koulé, c’est pendant qu’ils cherchaient à circonscrire l’incident qu’un groupe de fidèles musulmans venus de la prière de 5 heures du matin s’est dirigé à la Station services où ils auraient eu du mal à maîtriser des jeunes koniankés très en colère suite à la découverte du corps de Kalil. Ces jeunes auraient même tenté de mettre le feu à la Station services, mais, ils en avaient été empêchés. C’est dans cette circonstance que certains d’entre eux sont partis mettre le feu au magasin puis au domicile du propriétaire de la Station services, Moriba DELAMOU, et dont le contenu a été complètement calciné. C’est ainsi que la communauté guerzé aussi s’est levée pour riposter en mettant eux aussi le feu aux domiciles de certains koniankés ainsi que la mosquée de Koulé.8

La Ligue Guinéenne des Droits de l’Homme a voulu rencontrer le sieur Daouda CONDÉ, propriétaire du camion remorque et dont les «apprentis » sont mis en cause pour recueillir son témoignage ainsi que celui de Balla BÉAVOGUI, le gendarme qui serait de garde dans la nuit du 14 au 15 juillet 2013 au poste de gendarmerie de Koulé. Mais, les deux n’étaient pas présents à Koulé lors des enquêtes.

6Entretien de la Ligue Guinéenne des Droits de l’Homme avec Faounda CAMARA àKoulé, le 3 décembre 2013

7Entretien de la Ligue Guinéenne des Droits de l’Homme avec Gome CHÉRIF àKoulé, le 3 décembre 2013

8Entretien de la Ligue Guinéenne des Droits de l’Homme avec Faounda CAMARA à Koulé, le 3 décembre 2013

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Les témoins rencontrés à Koulé ont confié à la Ligue Guinéenne des Droits de l’Homme que, quelques jours après les violences, Balla BÉAVOGUI a été muté dans des conditions peu obscures dans une autre sous-préfecture appelée Samoé.9

La plupart des témoins interrogés à Koulé, pour savoir pourquoi les violences se sont rapidement propagées sur N’Zérékoré et Beyla, ont accusé les coups de téléphone de certains koniankés de Koulé vers ceux de Beyla et de N’Zérékoré, incitant ces derniers à la violence. Ces témoins ont précisé que les trois « apprentis » cités ci-dessus, qui sont tous de la communauté konianké, résident au quartier Dorota à N’Zérékoré d’où les violences auraient commencé par l’attaque du domicile du patriarche guerzéMolouHolomoHazalyZogbélémou. Ce dernier n’aurait eu la vie sauve que grâce au secours d’un jeune konianké appelé Abou DRAMÉ, Président de la chambre préfectorale de commerce de N’Zérékoré, qui aurait arraché le patriarche des mains de ses agresseurs avant de le transporter de toute urgence à l’hôpital. Selon ces témoins, les trois « apprentis » seraient originaires de la Sous-préfecture de Sinkhô, préfecture de Beyla.10Monsieur Moriba DELAMOU dit ZaoroLèlè, interrogé dans son village appelé Kérézaghaye, situé à 6 km de Koulé, sur la destination du morceau de fusil, du sac et du morceau de bande qui servirait à bander la bouche et les narines de Jean SOUMAORO, a confié qu’ils sont actuellement au Tribunal de première instance de N’Zérékoré, comme pièces à conviction.11

Au regard de tout ce qui précède, on peut donc retenir que les deux versions contradictoires se résument comme suit :

1- D’après Jean SOUMAORO, le gardien de la Station services de Koulé, les trois jeunes (Mamadi, Moussa et Ibrahima Kalil KÉITA) l’avaient agressé par deux fois dans l’intention de commettre un vol à la Station services. Mais, il a réussi, à donner la mort à l’un de ses agresseurs qui est Ibrahima Kalil KÉITA.

2- D’après les témoins qui ont rapporté la version des faits de Monsieur Daouda CONDÉ, ce dernier leur aurait raconté que les trois messieurs en cause sont ses apprentis qu’il avait appelés au téléphone pour leur demander d’aller prendre le petit déjeuner à son domicile de Koulé. C’est quand les jeunes étaient de passage devant la Station services que le gardien les a agressés en tuant Ibrahima Kalil KÉITA, au motif qu’ils venaient voler à la Station services.

Tel est le résumé de la cause des violences de juillet 2013 qui ont pris naissance à Koulé.

9Entretien de la Ligue Guinéenne des Droits de l’Homme avec un groupe de témoinsà Koulé, le 3 décembre 2013

10Idem

11Entretien de la Ligue Guinéenne des Droits de l’Homme avec des témoins à Koulé, N’Zérékoré et Beyla, décembre 2013

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IV. MéthodologieIV. MéthodologieIV. MéthodologieIV. Méthodologie

L’élaboration de ce rapport d’enquêtes a obéi à une méthodologie. Une équipe composée de trois (3) enquêteurs formés aux techniques d’enquêtes (entretien de victimes, des autorités, des organisations de la société civile, etc.) a été déployée sur le terrain à Koulé, N’Zérékoré et Beyla par la Ligue Guinéenne des Droits de l’Homme.

Les enquêteurs ont conduit des interviews auprès des victimes, des autorités locales, préfectorales et régionales ainsi que des organisations de la société civile et des organisations internationales présentes dans ces localités. Des sources documentaires dignes de foi ont été exploitées pour élaborer ce rapport. Des fiches de recensement des victimes ont été utilisées pour l’interview et l’enregistrement des victimes.

Pour avoir ses propres chiffres obtenus sur la base d’un recensement des victimes, la Ligue Guinéenne des Droits de l’Homme a mis en place une équipe de recenseurs à Koulé, N’Zérékoré et Beyla sous la coordination de l’Association des Victimes de Koulé, N’Zérékoré et Beyla de juillet 2013 (AVIKNB), une organisation créée à N’Zérékoré, le 6 décembre 2013, sur conseils juridiques de la Ligue Guinéenne des Droits de l’Homme.

Les opérations de recensement et d’enregistrement des victimes sont encore en cours au moment de la rédaction de ce rapport, leurs chiffres ne seront pas mentionnés ici. Les chiffres mentionnés dans ce rapport sont donc ceux recueillis auprès des témoins et sources documentaires consultés lors des enquêtes sur le terrain.

Quelques images des dégâts causés sont insérées dans ce rapport à titre d’illustration.

Compte tenu du caractère confidentiel à ce stade de la procédure judiciaire en cours et pour éviter qu’ils organisent leur fuite, la Ligue Guinéenne des Droits de l’Homme a volontairement omis de mentionner dans ce rapport, le nom des auteurs ou commanditaires présumés qui ont été cités par certaines victimes au moment des enquêtes.

En fin, la rédaction de ce rapport a été effectuée sur la base d’un travail d’équipe des enquêteurs qui ont procédé à des lectures, corrections et amendements en vue d’améliorer sa qualité.

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V. Cadre juridique et institutionnelV. Cadre juridique et institutionnelV. Cadre juridique et institutionnelV. Cadre juridique et institutionnel

La République de Guinée dispose d’un cadre juridique et institutionnel assez fourni qui réprime les infractions et violations des droits de l’Homme commises pendant le conflit intercommunautaire de juillet 2013.

Sur le plan national, de la Constitution du 7 mai 2010 au Code civil en passant par le Code pénal et le Code de procédure pénale, tous ces instruments juridiques nationaux favorisent la lutte contre l’impunité.

Par exemple, le Code pénal érige en crimes, les cas de meurtre, d’assassinat et d’incendie volontaire enregistrés lors du conflit intercommunautaire de juillet 2013 entre guerzés et koniankés. Les faits qualifiés de crimes sont punis par exemple d’une peine de réclusion criminelle à temps de 10 à 20 ans ou de réclusion criminelle à perpétuité ou parfois de peine de mort, même si cette dernière peine demeure contraire au droit à la vie qui demeure l’un des droits fondamentaux de la personne.

Aussi, d’après le Code de procédure pénale, les faits qualifiés de crimes et les délits (infractions punies d’un emprisonnement de 16 jours à 5 ans de prison ou de 10 ans de prison s’il s’agit d’un délit commis avec deux au moins des circonstances aggravantes comme, la réunion, la nuit) qui leur sont connexes, relèvent de la compétence de la Cour d’assises. C’est alors la Cour d’assises de Kankan, dont le ressort judiciaire s’étend sur la Haute Guinée et sur la Guinée Forestière, lieu de commission des infractions, qui reste compétente pour connaître des faits de juillet 2013.

Quant au Code civil guinéen, ses dispositions prévues par exemple aux articles 1098 et 1099 sont relatives à l’indemnisation d’un individu victime d’un préjudice causé par le fait d’un tiers.

Sur le plan régional ou international, des instruments juridiques internationaux auxquels la Guinée est partie favorisent aussi la lutte contre l’impunité et débouchent sur un postulat que tout individu a le droit à ce que sa cause soit entendue publiquement par un tribunal indépendant et impartial et que toute personne accusée d’un fait délictuel devra être jugée dans un délai raisonnable ou libérée.12

Parmi les instruments juridiques internationaux et régionaux pertinents en la matière, on peut citer la Déclaration Universelle des Droits de l’Homme (DUDH), le Pacte International relatif aux Droits Civils et Politiques (PIDCP), la Charte africaine des droits de l’Homme et des peuples (CADHP), etc.

C’est ainsi dire, qu’il soit sur le plan national, régional ou sur le plan international, la République de Guinée dispose d’un cadre juridique et institutionnel qui lui permet de remplir ses obligations vis-à-vis de la communauté nationale et de la communauté

12

L’article 9 du Pacte international relatifauxdroitscivils et politiques du 16 décembre 1966 dispose que : «…. Tout

individu arrêté ou détenu du chef d’une infraction pénale sera traduit dans le plus court délai devant un juge ou une autre autorité habilitée par la loi à exercer des fonctions judiciaire, et devra être jugé dans un délai raisonnable ou libéré…. »

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internationale par l’organisation d’un procès juste et équitable, pour toutes les parties, dans un délai raisonnable, en vue de rompre avec la culture de l’impunité qui s’est institutionnalisée dans le pays depuis plusieurs décennies.

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VI. Aperçu général VI. Aperçu général VI. Aperçu général VI. Aperçu général sur lsur lsur lsur les violences de juillet 2013es violences de juillet 2013es violences de juillet 2013es violences de juillet 2013

La mort par coups de machette d’Ibrahima Kalil KÉITA (issue de la communauté konianké) du fait de Jean SOUMAORO, à la station services de Koulé, le lundi 15 juillet 2013 vers 4 heures du matin, a provoqué des représailles de la part des koniankés à Koulé tout comme à N’Zérékoré et Beyla.

D’après des témoins, quand des coups de téléphone des koniankés de Koulé ont été reçus par ceux de Dorota (N’Zérékoré) pour les informer de l’incident et de se lever pour se venger contre les guerzés, ils ont tenté de s’embarquer dans des camions pour aller effectivement se venger à Koulé.

Mais, certains koniankés auraient conseillé de rester à N’Zérékoré et de se venger parce qu’aller à Koulé était inutile étant donné que la même communauté guerzé contre laquelle ils devraient lutter se trouve aussi à N’Zérékoré. C’est ainsi qu’ils auraient tous renoncé à partir à Koulé en commençant par ériger des barricades au quartier de Dorota à N’Zérékoré.13

Entre temps, le corps ensanglanté de la victime aurait été transporté à N’Zérékoré, dans des conditions peu orthodoxes, pour prouver aux koniankés de N’Zérékoré que des guerzés ont tué un des leurs.14

C’est ainsi que du lundi 15 au mardi 16 juillet 2013, les koniankés auraient pris la ville en otage en dépit d’un apparent couvre-feu décidé par les autorités locales le soir du lundi. Ce couvre-feu n’aurait pas été respecté par les koniankés qui auraient continué à commettre des exactions, même tard la nuit, jusqu’au mardi 16 juillet.

C’est ce qui aurait irrité les guerzés à riposter toute la journée du mercredi 17 juillet 2013 en commettant eux aussi des exactions au préjudice de tout konianké qu’ils trouvaient sur leur passage et en s’attaquant eux aussi aux domiciles des koniankés.15

D’après un autre témoin, les premiers agents des forces de sécurité déployés sur le terrain, auraient assuré de manière partisane le maintien d’ordre en faveur surtout des koniankés. Ces agents auraient tiré à balles réelles sur des guerzés.16 À Dorota (un quartier de N’Zérékoré majoritairement peuplé de koniankés), une mosquée aurait servi de propagande anti-guerzés à travers le sermon de son Imam et aurait servi de cache d’armes qui auraient été utilisées à l’occasion des violences de juillet 2013. Un militaire en service à N’Zérékoré dont le nom a été communiqué à la Ligue Guinéenne des Droits de l’Homme aurait contribué à ravitailler cette mosquée en armes de guerre.17Cependant, il n’a pas été possible pour la Ligue Guinéenne des Droits de l’Homme de vérifier la véracité ou non de ce témoignage auprès de la mosquée et de l’Imam incriminés, pour des raisons de calendrier.

13Entretien de la Ligue Guinéenne des Droits de l’Homme avec un groupe de témoins à N’Zérékoré, le 8 décembre 2013 14Entretien de la Ligue Guinéenne des Droits de l’Homme avec des témoins à Koulé, le 3 décembre 2013 15Entretien de la Ligue Guinéenne des Droits de l’Homme avec un témoin à N’Zérékoré, le 4 décembre 2013 16 Idem 17Entretien de la Ligue Guinéenne des Droits de l’Homme avec un témoin à N’Zérékoré, le 5 décembre 2013

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Des témoins ont aussi raconté que, dans certains quartiers de N’Zérékoré, guerzés et koniankés ont fait preuve de solidarité en repoussant des assaillants comme à Belle-vue Sapin. Dans d’autres quartiers aussi, des koniankés auraient sauvé la vie à des guerzés et vice-versa. La ville de N’Zérékoré, étant le plus grand centre, aurait enregistré le plus grand nombre de victimes matérielles et corporelles (décès, blessures, disparitions forcées et dommages aux biens)18.

Dans la préfecture de Beyla (localité d’origine des koniankés), par contre, aucun konianké n’a été victime. Seuls des guerzés ont subi des pertes dont un mort (Tolon LOUA, médecin en service à l’hôpital préfectoral de Beyla) y compris l’incendie de trois églises (catholique, protestante et néo-apostolique). À Beyla centre, des commerces, domiciles (de prêtres et simples citoyens) ont été vandalisés et incendiés.

Dans certains villages de la préfecture de Beyla comme Sinkhô, Samana, Gbakedou, Komodou, Moribadou, Diassodou, Boola (un cas de mort a été signalé à la Ligue Guinéenne des Droits de l’Homme dans chacun de ces deux derniers villages), etc, des guerzés auraient enregistré d’énormes pertes dont l’incendie ou la destruction ou le pillage de leurs domiciles et commerces ainsi que la dévastation de leurs champs de haricot et de maïs.

À Koulé, le sous-préfet, Faounda CAMARA, a signalé à la Ligue Guinéenne des Droits de l’Homme le cas de 222 bâtiments calcinés avec leur contenu ainsi qu’une école coranique saccagée et une mosquée incendiée. 19

Les témoins ont rapporté que les violences étaient d’une extrême cruauté par l’usage des machettes, gourdins, fusil de chasses, flèches, haches, armes de guerre. Les deux communautés auraient également utilisé de l’essence pour commettre leurs crimes lors du conflit intercommunautaire de juillet 2013.20

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Entretien de la Ligue Guinéenne des Droits de l’Homme avec des témoinsà N’Zérékoré, les 4 et 5 décembre 2013 19

Entretien de la Ligue Guinéenne des Droits de l’Homme avec Faounda CAMARAà Koulé, le 3 décembre 2013 20

Entretien de la Ligue Guinéenne des Droits de l’Homme avec des témoins à Koulé, N’Zérékoré et Beyla, décembre 2013

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VII. Quelques causes du conflit VII. Quelques causes du conflit VII. Quelques causes du conflit VII. Quelques causes du conflit de de de de juillet 2013juillet 2013juillet 2013juillet 2013

a)- Des raisons historiques, socio-économiques et religieuses

Des témoins ont confié à la Ligue Guinéenne des Droits de l’Homme que sur le plan historique, les guerzés et les manons sont les premiers à s’installer à N’Zérékoré. Ce n’est que plus tard, faute de date exacte fournie par les témoins, que les koniankés sont arrivés dans la région de N’Zérékoré en provenance de la Haute Guinée.21

Mais, d’après la Lance, un journal hebdomadaire guinéen, les guerzés et les manons sont arrivés respectivement à N’Zérékoré le XVIèet le XVIIè siècles. Tandis que les koniankés, venus de la Haute Guinée, sont arrivés dans la région forestière vers les années 1700.22

Sur le plan social, des témoins ont rapporté que les guerzés qui se considèrent comme des autochtones, ne manquent pas de considérer dans leurs actes quotidiens les koniankés comme des étrangers en les traitant comme tels.

D’après les interlocuteurs de la Ligue Guinéenne des Droits de l’Homme, même s’il est évident que les guerzés sont les autochtones et font partie des fondateurs de N’Zérékoré tout comme les manons, ce prétexte ne devrait pas être utilisé par eux pour avoir un complexe de supériorité vis-à-vis des koniankés. Or, c’est ce que feraient les guerzés à l’égard des koniankés qui ne veulent pas se laisser faire face à ces agissements discriminatoires.

Sur le plan économique, le témoignage des personnes interrogées par la Ligue Guinéenne des Droits de l’Homme, a précisé qu’à l’origine, les koniankés étaient des commerçants et avaient plus de pouvoir économique qui leur avait permis d’acheter à la communauté guerzé une propriété immobilière importante au centre ville de N’Zérékoré. Ainsi, à la date d’aujourd’hui, les guerzés auraient presque fini de vendre aux koniankés leurs parcelles situées au centre ville et se retrouveraient, en majorité, en banlieue de la ville de N’Zérékoré.

Les témoins ont raconté qu’à l’époque de ces ventes de terres à vil prix, parfois sur présentation de simples noix de colas, selon une pratique traditionnelle, les guerzés ne mesuraient pas les conséquences de leurs actes. Mais, aujourd’hui la communauté guerzé qui en aurait tardivement pris conscience n’est plus admise dans certaines localités de la ville N’Zérékoré de passer sur ces genres de parcelles avec sa ‘’gourde de vin blanc’’ au risque de se faire humilier par le désormais propriétaire konianké.

Aussi, la création de buvettes à certains endroits de la ville par les guerzés pose des problèmes et reste formellement interdite par le nouvel acquéreur konianké.

Aujourd’hui, d’après les témoins, la donne aurait changé en Guinée forestière où les guerzés aussi auraient commencé à prospérer grâce au commerce, mais, ne peuvent plus accéder aux terres que leurs arrières-parents ont vendu il y a plusieurs décennies aux koniankés.23

21Entretien de la Ligue Guinéenne des Droits de l’Homme avec des témoins à N’Zérékoré, le 8 décembre 2013 22La Lance n°858 du 24 juillet 2013, page 5. Site web: www. lalance.com

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Selon les témoignages recueillis par la Ligue Guinéenne des Droits de l’Homme, il semble que cette situation de conflit domanial permanent qui rend la cohabitation difficile entre konianké et guerzé, aux cultures différentes et opposées, est l’une des causes profondes des violences récurrentes entre ces deux communautés.24

Sur le plan religieux, des témoins ont signalé à la Ligue Guinéenne des Droits de l’Homme que les koniankés de confession musulmane considèrent les autres religions (chrétienne et animiste) comme barbares. Or, les guerzés sont en majorité de confession chrétienne ou animiste. Selon eux, sur ce plan, les koniankés ne seraient pas les seuls adeptes musulmans à considérer les autres confessions religieuses de barbares.

Par ailleurs, les koniankés seraient appuyés dans ce sens par leurs coreligionnaires de la région forestière où les mosquées pulluleraient comme des champignons même sur des places publiques.

Pour illustrer ces propos, un témoin a affirmé qu’à la gare routière de N’Zérékoré dans le quartier dit Onah, des fidèles musulmans avait tenté d’y construire sur cette place publique une mosquée, ce à quoi des fidèles chrétiens et membres de la société civile se seraient opposés au motif qu’il s’agit d’un domaine public.25

D’après ce témoin, ce conflit qui allait encore embraser la ville de N’Zérékoré avait été tranché par les autorités en faveur des fidèles chrétiens et membres de la société civile avant d’ajouter que d’ailleurs, un autre conflit entre deux groupes de syndicats des transporteurs routiers perdure encore à N’Zérékoré entre koniankés et guerzés et que les autorités doivent le régler définitivement dans les meilleurs délais.26

Un autre témoin qui connait bien la Capitale Conakry, a même cité l’exemple de l’aéroport international de Gbessia où se trouve sur une partie de cette place publique une mosquée en construction.27

C’est ainsi dire que la construction, à n’importe quel endroit, des mosquées sur les places publiques qui sont pourtant une propriété de l’État - alors surtout que nous sommes dans une République laïque- et la considération supposée des autres religions par les musulmans de la localité - feraient partie des causes profondes des conflits récurrents entre guerzés et koniankés en Guinée forestière.

Il convient néanmoins de préciser qu’en ce qui concerne les violences de juillet 2013, un autre témoin a raconté à la Ligue Guinéenne des Droits de l’Homme que les koniankés ont voulu transformer ce conflit en une guerre de religion, en faisant appel à tous les musulmans de la

23

Entretien de la Ligue Guinéenne des Droits de l’Homme avec des témoins à N’Zérékoré, les 4 et décembre 2013 24

Entretien de la Ligue Guinéenne des Droits de l’Homme avec un groupe de témoins à N’Zérékoré, les 6 et 8 décembre 2013 25

Entretien de la Ligue Guinéenne des Droits de l’Homme avec un témoin à N’Zérékoré, les 4 et 5 décembre 2013 26

Entretien de la Ligue Guinéenne des Droits de l’Homme avec un témoin à N’Zérékoré, le 4 décembre 2013 27

Idem

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localité de se lever et de se battre de leur côté. Mais, les autres ethnies de confession musulmane auraient refusé de répondre à cet appel des koniankés.28

b)- Discours politique de feu Général Lansana CONTÉ en 1991

En 1991, l’ancien Président, feu Général Lansana CONTÉ avait tenu un discours politique à N’Zérékoré qui était de nature à opposer les guerzés aux koniankés et malinkés en déclarant que si les koniankés ou malinkés veulent accéder à des postes électifs : député ou maire, ils n’ont qu’à aller faire acte de candidature en Haute Guinée qui est leur région d’origine et non en Guinée forestière.

Ce discours avait été tenu à l’occasion de campagnes pour les élections municipales à N’Zérékoré où Monsieur Michel GUELY (guerzé), candidat du Parti de l’Unité et du Progrès (PUP) de Lansana CONTÉ était opposé au sieur Ibrahima Kalilou KEITA (malinké, proche des koniankés), candidat du Rassemblement du Peuple de Guinée (RPG) d’Alpha CONDÉ.

À Koulé, N’Zérékoré et Beyla, plusieurs témoins interrogés par la Ligue Guinéenne des Droits de l’Homme ont indiqué que depuis que ce discours non rassembleur de feu Lansana CONTÉ a été tenu, les guerzés auraient toujours considéré les koniankés comme des étrangers dans la région forestière.

Or, selon eux, on ne saurait être considéré comme étranger dans un pays donton a la nationalité. C’est pourquoi, chaque guinéen doit être considéré comme étant chez lui par tout où il se trouveen Guinée.29

Un autre témoin a aussi relevé que ces genres de discours se tiennent même actuellement en Guinée par certains leaders de partis politiques sans réaction de la part des autorités.30

c)-L’impunité

Tous les témoins et victimes interrogés par la Ligue Guinéenne des Droits de l’Homme ont affirmé que l’impunité est l’une des causes principales des affrontements récurrents en Guinée forestière.31

En dépit des violences récurrentes entre les guerzés et les koniankés, l’impunité a été entretenue par l’État à telle enseigne qu’à l’occasion des violences, chaque communauté pense que quelque soit le tort qu’elle aura à causer à l’autre, elle ne sera jamais inquiétée, autrement dit, elle bénéficiera d’une impunité totale.

Par exemple, à titre de rappel, en 1991, malgré les crimes odieux commis à l’époque, aucune enquête n’avait été menée pour déboucher sur un procès pouvant condamner les auteurs

28

Entretien de la Ligue Guinéenne des Droits de l’Homme avec des témoins à N’Zérékoré, les 4 et 5 décembre 2013 29

Entretien de la Ligue Guinéenne des Droits de l’Homme avec des témoins à Koulé, N’Zérékoré et Beyla, décembre 2013 30

Entretien de la Ligue Guinéenne des Droits de l’Homme avec un témoin, à Koulé, le 3 décembre 2013 31

Entretien de la Ligue Guinéenne des Droits de l’Homme avec des témoins, autorités et victimes à Koulé, N’Zérékoré et Beyla, décembre 2013

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présumés de ces violences. Il semble que la majorité des victimes de 1991 étaient des koniankéset que ces derniers attendaient depuis longtemps une occasion pour rendre la monnaie aux guerzés.32

En 2011, dans l’affaire de Galapaye, le procès tenu dans ce dossier a été qualifié de parodie de justice par certaines victimes de ces événements et des organisations de défense des droits de l’homme. D’une certaine manière, l’impunité a sévi dans le dossier de Galapaye, parce que d’après les témoignages recueillis par la Ligue Guinéenne des Droits de l’Homme lors des enquêtes, les vrais auteurs des violences de Galapaye n’avaient pas été traduits en justice.33

C’est ainsi dire que si l’État veut mettre fin aux cycles de violences entre les communautés en Guinée forestière, il doit nécessairement combattre l’impunité dans l’affaire de juillet 2013 par l’organisation d’un procès juste et équitable dans les meilleurs délais.

d)- La présence d’éléments incontrôlés dans certaines villes de la Forêt

La lecture des sources documentaires et les témoignages recueillis par la Ligue Guinéenne des Droits de l’Homme ont confirmé la présence à N’Zérékoré et même à Beyla, d’éléments issus de l’Ulimo ainsi que des volontaires qui ont appuyé l’armée guinéenne lors des attaques rebelles du pays en 2000. Il a été également fait allusion à la présence des éléments issus des jeunes formés à Kaléa et à Kissidougou qui n’ont pas été intégrés dans l’armée alors qu’ils ont appris le maniement des armes pendant leur formation.

Aussi, il existerait à N’Zérékoré des ex-rebelles qui ont combattu au Liberia et en Sierra Leone, qui sont issus de la communauté konianké, et qui se retrouveraient sans emploi, passant la plupart de leur temps dans les cafés dans l’attente d’une éventuelle occasion de trouble pour en profiter et nuire à la population.

Les interlocuteurs que la Ligue Guinéenne des Droits de l’Homme a rencontrés sur le terrain ont aussi rapporté que pendant les violences de juillet 2013, certains belligérants seraient venus d’autres localités, soit des villages voisins de N’Zérékoré, soit de la Sierra Leone, en renfort à la communauté qui leur a fait appel.34

Mais, d’après les sources documentaires de la Ligue Guinéenne des Droits de l’Homme, le HCR n’a pas enregistré au moment des violences de juillet 2013, des rentrées suspectes d’étrangers en Guinée en provenance de la Sierra Leone.35

Un autre témoin a confié que pendant les atrocités de juillet 2013, les ex-rebelles et les éléments de l’Ulimo ont combattu du côté des koniankés et que ce sont eux qui auraient été particulièrement cruels dans la commission de crimes odieux à l’aide d’armes de guerre.36

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Entretien de la Ligue Guinéenne des Droits de l’Homme avec des témoinsà Koulé, N’Zérékoré et Beyla, décembre 2013 33

Entretien de la Ligue Guinéenne des Droits de l’Homme avec des témoins à Koulé, N’Zérékoré et Beyla, décembre 2013 34

Entretien de la Ligue Guinéenne des Droits de l’Homme avec des témoins à N’Zérékoré, les 5 et 6 décembre 2013 35

www.jeuneafrique.com/Article/ARTJAWEB20130723091307 36

Entretien de la Ligue Guinéenne des Droits de l’Homme avec des témoins à N’Zérékoré, le 8 décembre 2013

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e)- La justice privée

La justice privée a été indexée par les témoins comme étant à la base des violences intercommunautaires de juillet 2013. Pour preuve, d’après un témoin, après la mort d’Ibrahima Kalil KÉITA, la communauté konianké dont est issue la victime n’avait qu’une seule voie de recours : saisir les autorités judiciaires et réclamer que justice soit faite.

Mais, la communauté konianké, au lieu d’user des voies de droit, parce que nous sommes dans un État de droit, malgré les faiblesses de ce dernier, a préféré se rendre justice en étant la première à s’attaquer aux guerzés et à leurs biens à Koulé puis à N’Zérékoré et Beyla.37

D’après des témoins interrogés à Koulé, N’Zérékoré et Beyla, la justice privée qui est devenue un mode privilégié de règlement de certains conflits dans la région est due au laxisme des autorités et au manque de confiance des justiciables en la justice guinéenne depuis l’enquête préliminaire jusqu'à la juridiction suprême.

Selon eux, certaines victimes ont souvent pensé que les auteurs d’actes répréhensibles ne seront jamais inquiétés par les autorités ni administratives ni judiciaires. Pour eux, chaque fois que des auteurs présumés de crimes crapuleux sont appréhendés, c’est à peine qu’ils sont traduits en justice et s’ils le sont, la probabilité de les retrouver en liberté le lendemain est très grande. C’est pourquoi, les citoyens préfèrent se rendre justice au lieu de s’adresser aux autorités (police, gendarmerie ou justice).38

f)- L’usage d’armes de guerre, d’armes légères, fusils de chasse,

machettes et autres armes blanches L’usage d’armes de guerre, d’armes légères, fusil de chasse, machettes et autres armes blanches ont contribué, d’après des témoins, à alourdir le bilan des atrocités commises en juillet 2013 dans le conflit ayant opposé les guerzés aux koniankés.

Par exemple, parmi les chiffres fournis par le Directeur de l’hôpital régional de N’Zérékoré, il existait 150 cas de blessures par arme à feu, 62 cas de blessures à l’aide de machette à N’Zérékoré, 25 cas de blessures par arme à feu et 4 cas de blessure à l’aide de machette à Koulé.39

D’après les témoins, ce sont les koniankés qui auraient fait usage des armes de guerre, fusil de chasse et autres armes légères. Tandis que les guerzés n’auraient fait usage que des flèches, machettes et fusil de chasse aussi.40

g)- L’indifférence ou la négligence notoire des autorités

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Entretien de la Ligue Guinéenne des Droits de l’Homme avec des témoins à Koulé, le 3 décembre 2013 38

Entretien de la Ligue Guinéenne des Droits de l’Homme avec des témoins à Koulé N’Zérékoré et Beyla, décembre 2013 39

Entretien de la Ligue Guinéenne des Droits de l’Homme avec Dr Yamoussa YOULA, Directeur général de l’hôpital de N’Zérékoré, le 8 décembre 2013 40

Entretien de la Ligue Guinéenne des Droits de l’Homme avec des témoins à N’Zérékoré, le 4 décembre 2013

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« Guinée : Les victimes de Koulé, N’Zérékoré et Beylademandent que justice soit faite, après les violences intercommunautaires de juillet 2013 », Rapport d’enquêtes de la Ligue Guinéenne des Droits de l’Homme, mai 2014$

Des témoins ont confié à la Ligue Guinéenne des Droits de l’Homme que l’indifférence ou la négligence des autorités administratives et/ou judiciaires des zones du conflit est l’une des causes des violences de juillet 2013.

Par exemple, selon Monsieur Jean SOUMAORO, auteur présumé du meurtre de la première victime mortelle à Koulé, lorsqu’il a été l’objet d’une attaque pour une première fois par les assaillants à la Station services, il a réussi à repousser ses agresseurs qui l’ont néanmoins blessé sur sa tête. Après cet incident, il s’est précipité pour aller en informer le poste de gendarmerie non loin des lieux, mais d’après lui, le seul gendarme de garde cette nuit, Monsieur Balla BÉAVOGUI, dont il ignore le grade, lui aurait demandé de saisir son unité le lendemain matin d’une plainte manuscrite contre ces assaillants.

D’après Monsieur Jean SOUMAORO, le gendarme Balla BÉAVOGUI, lui aurait rétorqué qu’il est le seul de garde et qu’il ne pouvait abandonner son poste pour rechercher les agresseurs, refusant ainsi de provoquer une aide et une assistance nécessaires à un citoyen en danger, ce qui constitue, un manquement de la part d’un agent des forces de sécurité dont la mission première est d’assurer la sécurité des populations et celle de leurs biens.

D’autres témoins ont raconté à la Ligue Guinéenne des Droits de l’Homme que c’est depuis Koulé que des éléments de la communauté konianké ont téléphoné à N’Zérékoré et à Beyla pour appeler à la vengeance. C’est suite à ces coups de téléphone que des éléments issusde la communauté konianké ont commencé par ériger des barricades sur les grands axes dans le quartier de Dorota, avant d’attaquer le domicile du Vieux MolouHolomoHazalyZogbélémou (première victime à N’Zérékoré issue de la communauté guerzé) et de s’en prendre aux enfants de ce dernier puis à sa propre personne.41

Le vieux Hazaly n’étant pas à N’Zérékoré, au moment des enquêtes, la Ligue Guinéenne des Droits de l’Homme n’a pas pu le rencontrer pour recueillir sa version des faits. C’est ainsi que des témoins interrogés, ont rapporté que dès le début des violences par les koniankés à N’Zérékoré, le Vieux Hazaly aurait joint au téléphone certaines autorités administratives et judiciaires (préfet, gouverneur et procureur de la République) pour leur demander de prendre des dispositions afin de contrer ces violences, mais en vain. Ces autorités auraient répondu diversement au téléphone au Vieux Hazaly, ‘’qu’il peut demander à ses enfants d’assurer sa sécurité’’ ou ‘’nous ne pouvons pas envoyer des agents de sécurité parce que nous n’avons pas été réquisitionnées à cet effet’’.42

D’autres témoins ont aussi justifié le laxisme des autorités administratives et judiciaires pour avoir minimisé ou banalisé le début des violences intercommunautaires de juillet 2013 qui n’ont pas pu prendre des dispositions pour les empêcher ou limiter leurs conséquences.

D’après plusieurs victimes interrogées aussi bien à Koulé, N’Zérékoré et Beyla, les autorités auraient failli à leur mission d’assurer leur sécurité et celle des biens leur appartenant.

41

Entretien de la Ligue Guinéenne des Droits de l’Homme avec des témoins à Koulé et N’Zérékoré, les 3 et 4 décembre 2013 42

Entretien de la Ligue Guinéenne des Droits de l’Homme avec des témoins à N’Zérékoré, le 4 décembre 2013

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En conséquence, d’après ces victimes, toutes les autorités des localités concernées par le conflit intercommunautaire de juillet 2013 devraient être traduites en justice pour non assistance à personne en danger, fait prévus et punis par les dispositions du Code pénal guinéen.43

Certaines autorités rencontrées par la Ligue Guinéenne des Droits de l’Homme pour recueillir leurs avis sur les accusations portées contre elles par les victimes, ont témoigné de leur regret face à ces violences qui ont éclaté de manière spontanée et se sont défendues que d’après les règlements qui régissent actuellement le maintien d’ordre, il faut nécessairement attendre les réquisitions du Chef de l’État avant de déployer des agents de sécurité dans le cadre d’un maintien d’ordre. C’est pourquoi, un contingent de militaires est venu d’autres régions, sur réquisition de la plus haute hiérarchie, pour assurer le maintien d’ordre. D’après ces autorités, n’eut été cette action, les violences allaient se poursuivre au-delà du 17 juillet et faire plus de victimes avant d’ajouter que les agents de sécurité disponibles à leur niveau ne possédaient d’ailleurs que des matraques tandis que les membres des communautés belligérantes étaient armés de gourdins, machettes, fusils de chasse et parfois d’armes de guerre.44

h)-La connotation ethnique ou communautariste conférée aux incidents entre

deux individus

Certains témoins interrogés par la Ligue Guinéenne des Droits de l’Homme ont expliqué que le fait de conférer un caractère communautariste ou ethnique à des incidents anodins qui opposent deux individus est l’une des causes des affrontements réguliers entre guerzés et koniankés.

Selon ces témoins, quand un guerzé et un konianké sont opposés par un conflit qui leur est personnel, chacun d’eux fait appel à sa communauté pour l’aider et aussitôt, ce conflit qui ne concerne que ces deux individus prend vite une allure de conflit intercommunautaire.

Pour eux, du moment où par exemple la responsabilité pénale est personnelle, on ne saurait s’en prendre à toute une communauté parce qu’un de ses membres a commis une infraction à la loi pénale au préjudice de l’autre communauté. Ces témoins pensent que c’est ce qui s’est passé à pendant le conflit de juillet 2013. Car, d’après eux, les koniankés ne devraient pas s’attaquer aux guerzés et à leurs biens alors que c’est un seul guerzé qui avait engagé sa responsabilité pénale individuelle en donnant la mort à un konianké.45

i)-Nombre insuffisant d’agents de sécurité

43

Entretien de la Ligue Guinéenne des Droits de l’Homme avec des témoins à Koulé, N’Zérékoré et Beyla, décembre 2013 44

Entretien de la Ligue Guinéenne des Droits de l’Homme avec des autorités à Koulé N’Zérékoré et Beyla, décembre 2013 45

Entretien de la Ligue Guinéenne des Droits de l’Homme avec des témoins à Koulé N’Zérékoré et Beyla, décembre 2013

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Les autorités rencontrées ont accusé l’État du fait du nombre insuffisant des agents de sécurité dans leurs zones respectives qui sont d’ailleurs mal équipés pour assurer le maintien de l’ordre. D’après ces autorités, elles ont toujours attiré l’attention de l’État sur la question, mais en vain.

Par exemple, le préfet de Beyla a indiqué à laLigue Guinéenne des Droits de l’Homme qu’il n’y a pas plus de dix gendarmes dans la commune urbaine de Beyla.46

Quant au Sous-préfet de Koulé, il y a moins de dix agents de sécurité dans sa sous-préfecture avant d’ajouter que cette situation est à la base de l’insécurité et des violences récurrentes dans laquelle vit la région forestière47

En fin, des sources d’information de la Ligue Guinéenne des Droits de l’homme ont indiqué que pour beaucoup, si les violences ont pris une telle ampleur, c’est en raison de la faiblesse du nombre des forces de l’ordre au moment des faits. « Au camp militaire, jusqu’à mardi 16 juillet 2013, le soir, seul un soldat sur deux avait une arme en état de marche», affirme un habitant. « Il a fallu attendre mercredi 17 juillet avant qu’un contingent n’arrive de la capitale », s’insurge un responsable religieux. « Et comme les rares militaires présents dans la région se sont rendus à Koulé lundi matin, il n’y avait alors plus personne à N’Zérékoré, au moment où les violences démarraient là-bas », a détaillé un expatrié.48

j)- Une politique anarchique d’urbanisation

La Ligue Guinéenne des Droits de l’Homme s’inquiète de la politique actuelle d’urbanisation en Guinée où l’occupation des parcelles dans les centres urbains se fait sur une base ethnique.

Des témoins interrogés dans le cadre de ce rapport à N’Zérékoré n’ont pas manqué d’indexer cette politique comme faisant partie des causes des conflits récurrents en Guinée forestière. Selon ces témoins, certains quartiers de N’Zérékoré sont occupés uniquement ou en majorité par une ethnie, et généralement, la minorité appartenant à une autre ethnie dans ces localités paie les frais en cas de crise.

Par exemple, le quartier Dorota serait occupé en majorité par des koniankés où il y a eu d’importants dégâts au préjudice des guerzés. Dans les autres quartiers où les guerzés sont majoritaires, la minorité konianké qui y vit a aussi subi d’énormes pertes.

Par contre, dans d’autres quartiers où les deux communautés sont à peu près en nombre égal, elles ont fait cause commune pour repousser des assaillants comme dans le quartier Belle-vue sapin à N’Zérékoré où il n’y a pas eu le moindre dégât.

46

Entretien de la Ligue Guinéenne des Droits de l’Homme avec Damoun KANTÉ, Préfet de Beyla, le 7 décembre 2013

47Entretien de la Ligue Guinéenne des Droits de l’Homme ces autorités, décembre 2013

48www.jeuneafrique.com/Article/ARTJAWEB20130723091307

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Un autre témoin qui connaît bien Conakry, a indiqué le cas de la commune de Ratoma où l’une des plus grandes communautés du pays y serait majoritaire et où à l’occasion des crises à Conakry, cette communauté ferait la loi sur la route Le Prince, notamment sur l’axe Hamdalaye-Bambeto-Cosa.49

Pour ces témoins, l’État devrait revoir sa politique d’urbanisation sur toute l’étendue du territoire national pour empêcher l’occupation des parcelles sur une base communautariste ou ethnique.50

Telles sont quelques causes fondamentales du conflit intercommunautaire de juillet 2013.

49

Entretien de la Ligue Guinéenne des Droits de l’Homme avec un témoin à N’Zérékoré, le 8 décembre 2013 50

Entretien de la Ligue Guinéenne des Droits de l’Homme avec des témoins à N’Zérékoré, les 6 et 8 décembre 2013

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VIII. Les conséquences du conflit de juillet 2013VIII. Les conséquences du conflit de juillet 2013VIII. Les conséquences du conflit de juillet 2013VIII. Les conséquences du conflit de juillet 2013

Les violences intercommunautaires de juillet 2013 ont entrainé d’importants dégâts humains et matériels comme il va être démontré ci-dessous :

a)- Dégâts humains

Sous ce registre, on compte des cas de morts, de blessés, des portés disparus et des déplacements forcés de personnes.

- Cas de décès, blessés et personnes portées disparues

Les témoignages et sources documentaires de la Ligue Guinéenne des Droits de l’Homme ont identifié :

- 217 morts dont 73 femmes et 48 enfants

- 473 blessés dont 142 femmes et 104 enfants

- 12 personnes handicapées dont les membres ont été coupés à l’aide de machette

- 267 personnes portées disparues.51

Selon les témoins interrogés, aucun organisme ne saurait donner un chiffre exact sur ces violences. Car, des corps non comptabilisés ont été retrouvés dans des puits à N’Zérékoré, et en brousse.52

51

D’après les témoignages et leRapport d’évaluation conjointe sur la situation humanitaire suite aux violences intercommunautaire dans la région administrative de N’Zérékoré, publié par l’État guinéen, le système des Nations unies, avec la participation de Plan et du Conseil Danois pour les refugiés, page 13 52

Entretien de la Ligue Guinéenne des Droits de l’Homme avec des témoins à N’Zérékoré, décembre 2013

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En fin, il convient de préciser que les sources documentaires de la Ligue Guinéenne des Droits de l’Homme ont relevé que les femmes et les enfants ont été particulièrement victimes de blessures et d’amputation.53

Les femmes et les enfants ont particulièrement payé le lourd tribut du conflit intercommunautaire de juillet 2013

- Cas de déplacements forcés

D’après nos sources documentaires, des personnes ont été forcées de se refugier dans d’autres villages ou villes de la région forestière dont le nombre se chiffre à 16 711 personnes et 212 personnes qui se sont refugiées au Liberia pour sauver leur vie.54

b)- Sur le plan social et éducatif

- Tissus social de plus en plus fragilisé

D’après les constats de la Ligue Guinéenne des Droits de l’Homme sur le terrain, le tissu social entre guerzé et konianké a été de plus en plus fragilisé à la suite du conflit qui les a opposés en juillet 2013. Dans certains milieux, certains éléments de ces communautés se regardent en chien de faïence comme pour dire qu’on attend une nouvelle occasion pour payer ce qu’on a subi comme préjudices matériels, humains, moraux. C’est ainsi dire que les étincelles d’une nouvelle violence existent encore dans la région et il suffit qu’il y ait une

53

D’après les témoignages et leRapport d’évaluation conjointe sur la situation humanitaire suite aux violences intercommunautaire dans la région administrative de N’Zérékoré, publié par l’État guinéen, le système des Nations unies, avec la participation de Plan et du Conseil Danois pour lesrefugiéspage 13 54

D’après les témoignages et leRapport d’évaluation conjointe sur la situation humanitaire suite aux violences

intercommunautaire dans la région administrative de N’Zérékoré, publié par l’État guinéen, le système des Nations unies, avec la participation de Plan et du Conseil Danois pour les refugiés,page 8

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moindre occasion de trouble pour que reprenne le cycle des violences. Le gouvernement et ses partenaires doivent donc veiller au grain.

- L’éducation affectée

Le système éducatif a été affecté à la suite des violences de juillet 2013 notamment dans la préfecture de Beyla.

D’après les témoignages recueillis auprès des autorités du gouvernorat de N’Zérékoré et de la préfecture de Beyla, la majorité des enseignants dans cette préfecture était composée de guerzés qui ont fuit pendant le conflit.

Aujourd’hui, certains, sinon la totalité de ces enseignants guerzés n’entendent plus revenir à leur poste soit pour défaut de logement parce que celui-ci a été détruit ou incendié lors des affrontements soit pour des raisons de sécurité et demandent d’ailleurs leur mutation dans une autre localité de la région de N’Zérékoré.55

Or, d’après les autorités chargées de l’éducation, un nombre important d’élèves sans enseignants doivent passer des examens nationaux cette année. Et si ces enseignants ne retournent pas à leurs postes, c’est fort probable que leurs élèves ne passeront pas en classe supérieure.56

En effet, d’après le Préfet de Beyla, des campagnes de sensibilisation ont été menées à l’endroit des enseignants concernés par cette situation tout en garantissant leur sécurité en cas de retour à leurs postes respectifs.57

Mais, selon un des enseignants qui se trouvent dans cette situation et que la Ligue Guinéenne des Droits de l’Homme a rencontré à N’Zérékoré, il ne faut plus faire confiance en ces autorités qui n’ont fourni aucun effort pour assurer leur sécurité, celles de leur logement et de leurs biens.58

D’après un autre enseignant rencontré à N’Zérékoré, après les campagnes de sensibilisation par les autorités pour le retour à leurs postes respectifs, certains enseignants qui ont tenté de retourner ont été menacés par certains membres de la communauté konianké dans la Préfecture de Beyla, ce qui les auraient amenés à demander leur mutation ailleurs.59

Le Préfet de Beyla interrogé sur la question a démenti cette information.60

55

Entretien de la Ligue Guinéenne des Droits de l’Homme avec Damoun KANTÉ, Préfet de Beyla, le 7 décembre 2013 56

Entretien de la Ligue Guinéenne des Droits de l’Homme avec Siba KONÉ, Chef de cabinet du Gouvernorat de N’Zérékoré, le 4 décembre 2013 57

Entretien de la Ligue Guinéenne des Droits de l’Homme avec Damoun KANTÉ, Préfet de Beyla, le 7 décembre 2013

58Entretien de la Ligue Guinéenne des Droits de l’Homme avec un témoinà N’Zérékoré, le 4 décembre 2013

59Entretien de la Ligue Guinéenne des Droits de l’Homme avec un témoinà N’Zérékoré, le 6 décembre 2013

60Entretien de la Ligue Guinéenne des Droits de l’Homme avec Damoun KANTÉ, Préfet de Beyla, le 7 décembre 2013

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c)- Sur le plan matériel et économique

- Edifices privés détruits ou incendiés

Plusieurs édifices privés ont été systématiquement détruits ou incendiés lors des affrontements intercommunautaires de juillet 2013. On peut retenir :

- 206 maisons et concessions détruites

- 777 maisons et concessions incendiées

- 857 maisons et concessions pillées.61

Face à cette situation, des difficultés de logement se posent aujourd’hui à certaines victimes qui n’ont pas de familles d’accueil où elles peuvent être logées dans des conditions dignes. D’autres victimes rencontrées par exemple à Koulé, qui étaient sans abri, tentaient de reconstruire leur maison avec des moyens matériels et financiers très limités.

Edifices privés saccagés et incendiés

- Dommages aux animaux et dévastation de récoltes

Les animaux domestiques ou d’élevage ont été tués et emportés, des fermes avicoles saccagées, le cheptel décimé et les stocks d’alimentation des troupeaux ont été incendiés comme en témoignent les chiffres ci-dessous :

- 248 bovins

- 639 caprins

- 364 ovins

- 1313 porcins

61

D’après les témoignages et leRapport d’évaluation conjointe sur la situation humanitaire suite aux violences intercommunautaire dans la région administrative de N’Zérékoré, publié par l’État guinéen, le système des Nations unies, avec la participation de Plan et du Conseil Danois pour les refugiés, page 14

28

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- 23 260 volailles.62

Aussi, des champs de maïs ou de haricot ont été dévastés lors du conflit dans certaines localités notamment à Beyla, d’après les victimes rencontrées par la Ligue Guinéenne des Droits de l’Homme.63

Les animaux domestiques aussi n’ont pas été épargnés

- Des unités industrielles détruites ou incendiées

D’après le Sous-préfet de Koulé, sa Sous-préfecture commençait à connaître une prospérité relative grâce à l’achat d’unités industrielles spécialisées en matière d’extraction d’huile de palme ou de palmiste.

Mais, la plupart, sinon la totalité de ces unités industrielles ont été incendiées ou vandalisées pendant le conflit. Cette situation a appauvri et continue d’appauvrir les propriétaires qui n’ont plus d’autres sources de revenus.64

- Pillage, destruction et incendie de commerces

Des commerces n’ont pas été épargnés. C’est ainsi que des boutiques et dépôt de boisson ont été pillés, détruits ou incendiés. D’après nos sources documentaires, on peut noter ce qui suit : 13 services commerciaux détruits, 16 services commerciaux incendiés et 99 services commerciaux incendiés.

Commerces ou débits de boisson pillés et saccagés

62

D’après les témoignages et le Rapport d’évaluation conjointe sur la situation humanitaire suite aux violences intercommunautaire dans la région administrative de N’Zérékoré, publié par l’État guinéen, le système des Nations unies, avec la participation de Plan et du Conseil Danois pour les refugiés, page 15 63

Entretien de la Ligue Guinéenne des Droits de l’Homme avec un témoinà Beyla, le 7 décembre 2013 64

Entretien de la Ligue Guinéenne des Droits de l’Homme avec Faounda CAMARA, sous-préfet de Koulé,le 8 décembre 2013

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- Destruction et incendie d’engins roulants :

Des personnes interrogées à Koulé, N’Zérékoré et Beyla, ont raconté avoir été victimes de destruction et/ou d’incendie de leur moto, voiture et camion.

La Ligue Guinéenne des Droits de l’Homme a pu enregistrer:

- 13 motos saccagées

- 258 motos incendiées

- 367 motos volées

- 7 bicyclettes saccagées

- 106 bicyclettes incendiées

- 124 bicyclettes volées

- 15 voitures détruites

- 65 voitures incendiées

- 9 voitures volées

- 2 camions détruits

- 21 camions incendiés et 3 camions volés.65

À cette liste de biens matériels, il faut ajouter le fait que des chaînes musicales, des appareils audio-visuels ainsi que des appareils électroménagers ont été aussi détruits, incendiés ou volés sans compter des pertes en numéraires.

Camions et véhicules incendiés

65

D’après les témoignages et le Rapport d’évaluation conjointe sur la situation humanitaire suite aux violences

intercommunautaire dans la région administrative de N’Zérékoré, publié par l’État guinéen, le système des Nations unies, avec la participation de Plan et du Conseil Danois pour les refugiés, page 14

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d)- Sur le plan religieux : lieux de culte détruits ou incendiés

Des églises et mosquées ont fait l’objet de destruction et d’incendie de la part des membres des deux communautés guerzés et koniankés.

D’après des témoins guerzés interrogés sur la question, les koniankés seraient les premiers à attaquer une église à Dorota (N’Zérékoré). Mais, d’autres témoins issus de la communauté konianké ont démenti en affirmant que c’est plutôt les guerzés qui ont été les premiers à attaquer une Mosquée à Koulé.66

Les autorités rencontrées par la Ligue Guinéenne des Droits de l’Homme, en vue d’avoir leur opinion sur ce sujet, sont restées dubitatives ; leurs témoignages étant en faveur de la communauté dont elles sont issues ou celle dont elles partagent la religion.

En tout état de cause, des témoignages recueillis par la Ligue Guinéenne des Droits de l’Homme ont confirmé que pendant la profanation des lieux de culte, les auteurs utilisaient les termes « Alléluia » pour s’attaquer aux mosquées et «Allahou Akbar » pour s’attaquer aux églises.67

Des témoins ont rapporté que les assaillants pillaient puis aspergeaient d’essence les lieux de culte avant d’y mettre le feu.

D’après les chiffres obtenus auprès des témoins ou des sources documentaires, la situation des lieux de culte détruits ou incendiés se présente comme suit :

- 3 églises détruites

- 10 églises incendiées

- 2 mosquées détruites

- 9 mosquées incendiées68

À cela, il faut ajouter que le centre éducatif à régime d’internat de l’Agence Musulmane d’Afrique (AMA) à N’Zérékoré, une école coranique à Koulé ainsi qu’une école primaire catholique, 3 blocs administratifs de l’église catholique, le jardin d’enfant à régime d’internat et 5 logements de religieux et religieuses à Beyla ont été détruits ou incendiés.

66

Entretien de la Ligue Guinéenne des Droits de l’Homme avec des témoinsà N’Zérékoré, le 8 décembre 2013 67

Idem 68

D’après les témoignages et le Rapport d’évaluation conjointe sur la situation humanitaire suite aux violences

intercommunautaire dans la région administrative de N’Zérékoré, publié par l’État guinéen, le système des Nations unies, avec la participation de Plan et du Conseil Danois pour les refugiés, pages 18 et 28

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Les constats de la Ligue Guinéenne des Droits de l’Homme sur le terrain ont confirmé des témoignages selon lesquels des fidèles chrétiens et musulmans n’ont plus de maison de Dieu où ils peuvent s’acquitter de leurs devoirs religieux, ce qui constitue un obstacle à la pleine jouissance de leur droit à la liberté de culte et de religion.

Église et mosquée saccagées et/ ou incendiées

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IX. La situation des droits de l’Homme pendant le conflitIX. La situation des droits de l’Homme pendant le conflitIX. La situation des droits de l’Homme pendant le conflitIX. La situation des droits de l’Homme pendant le conflit

a)- Violations des droits de l’homme par omission

Le fait pour des agents de l’État comme le gouverneur, préfet, responsables des forces de défense et de sécurité des zones du conflit, de n’avoir pas porté secours aux citoyens en danger de mort (violation du droit à la vie et a l’intégrité physique par exemple) ou à leurs biens (violation du droit à la propriété), constitue non seulement une violation des droits de l’homme par omission mais aussi une infraction qualifiée de non assistance à personne en danger au regard des dispositions de l’article 57 du Code pénal guinéen.69

b)- Violations des droits de l’homme par action

D’après les témoignages recueillis sur le terrain, le seul cas de violation des droits de l’homme par action qui a été rapporté à la Ligue Guinéenne des Droits de l’Homme a été le fait du Ministre de la communication, Togba Césaire KPOGOMOU, qui avait ordonné verbalement la fermeture de la Radio privée Zaly FM Liberté, basée dans la ville de N’Zérékoré.

Selon Monsieur Alpha Saliou DIALLO, Directeur Général de Zaly FM Liberté, sa radio a été fermée sans motif suffisant sur ordre verbal du Ministre de la communication du 18 au 23 juillet 2013, en violation de toutes les règles de procédure prévues en la matière.70Cette fermeture de radio par le Ministre constitue une violation des droits de l’homme relative à la liberté d’expression et au droit à l’information dont les auditeurs ont été privés durant la période de fermeture.

Par ailleurs, Monsieur Alpha Saliou DIALLO a témoigné qu’avant le conflit intercommunautaire de juillet 2013, sa radio a été fermée deux fois dans des conditions similaires que celles du Ministre de la communication. D’après lui, les deux fermetures d’avant 2013 ont été l’œuvre des autorités de la ville de N’Zérékoré notamment le Procureur de la République près le Tribunal de première instance et le Maire.71L’autre cas de violation des droits de l’homme rapporté par des témoins a été celui de certains agents des forces de sécurité qui auraient commis des cas de mort par l’usage de leurs armes. Mais, la Ligue Guinéenne des Droits de l’Homme n’a pas obtenu d’éléments pouvant confirmer ces propos.

69L’article 57 du Code pénaldispose que : « Sera puni des mêmes peines, quiconque s'abstient volontairement

de porter à une personne en péril l'assistance que, sans risque actuel et sérieux pour lui ou pour les tiers il

pouvait lui prêter, soit par son action personnelle, soit en provoquant un secours.

Sera puni des mêmes peines quiconque pouvant empêcher par son action immédiate sans risque actuel et

sérieux pour lui ou pour des tiers, soit un fait qualifié crime, soit un délit entraînant un préjudice corporel s'abstient volontairement de le faire. »

70Entretien de la Ligue Guinéenne des Droits de l’Homme avec Alpha Saliou DIALLOà N’Zérékoré, le 8 décembre 2013

71Idem

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« Guinée : Les victimes de Koulé, N’Zérékoré et Beylademandent que justice soit faite, après les violences intercommunautaires de juillet 2013 », Rapport d’enquêtes de la Ligue Guinéenne des Droits de l’Homme, mai 2014$

X. Quelques actions menées après le conflitX. Quelques actions menées après le conflitX. Quelques actions menées après le conflitX. Quelques actions menées après le conflit

a)- Envoi de délégations gouvernementales et présidentielles

Les violences intercommunautaires, objet du présent rapport, se sont déroulées, pour rappel, du 15 au 18 juillet 2013. Après ces dates, la tension était encore visible à Koulé, N’Zérékoré et Beyla. Pour calmer les ardeurs, le gouvernement guinéen a dû envoyer plusieurs délégations ministérielles pour sensibiliser les populations à abandonner la culture de la violence et à promouvoir la coexistence pacifique.

Aussi, d’après les sources d’informations de la Ligue Guinéenne des Droits de l’Homme, c’est aux environs de 13 heures du dimanche 4 août 2013 que le Président Alpha CONDÉ et sa suite sont arrivés à N’zérékoré. Le Président CONDÉ a rencontré successivement les sages de la localité pour transmettre des messages de paix et de réconciliation. Puis, il a rendu visite aux blessés alités à l’hôpital régional de N’Zérékoré.

Le Président guinéen a terminé son court séjour dans la région forestière par un meeting qu’il a animé à la Maison des jeunes de N’Zérékoré où il a transmis les mêmes messages de paix aux nombreux jeunes qui ont effectué le déplacement en ces termes : « Je suis le Président de tous les Guinéens, je ne suis pas le Président d’une ethnie ». Selon le Président CONDÉ, si toutes ces violences sont arrivées, c’est parce que l’État a été absent. Il a promis désormais que l’État sera aux côtés de la population de N’zérékoré.72

Plusieurs témoins interrogés par la Ligue Guinéenne des Droits de l’Homme ont fait remarquer que le gouvernement avait apporté une assistance humanitaire aux victimes, en vivres et en produits pharmaceutiques avant d’ajouter que ce geste du gouvernement était en deçà des besoins des victimes et que des individus auraient profité pour détourner certains dons qui ne seraient pas parvenus aux victimes.73

Dans le souci de faire totalement tomber la tension qui régnait, le gouvernement guinéen a envoyé les Colonels Claude PIVI Alias Coplan et Moussa Tiegboro CAMARA, respectivement Ministre de la sécurité présidentielle et Directeur de l’Agence chargée de la lutte contre la drogue et le grand banditisme qui sont des ressortissants de la Guinée forestière et appartenant respectivement à la communauté Toma (proche des guerzés dont il serait le neveu selon la tradition) et à la communauté konianké. Ces deux personnalités ont été maintenues en Guinée forestière jusqu'à la signature d’un pacte de non agression le 19 novembre 2013 entre les deux communautés. Leur présence un peu prolongée (environ 5 mois) dans la région aurait également contribué à apaiser le climat et à dénicher des caches d’armes de guerre dans la ville de N’Zérékoré. La Ligue Guinéenne des Droits de l’Homme a voulu les rencontrer à N’Zérékoré pour recueillir leurs versions des faits, mais, d’après les témoins, ils étaient rentrés à Conakry, aussitôt après la signature du pacte.74

72http://www.afrik.com/guinee-visite-eclaire-d-alpha-conde-a-n-zerekore 73

Entretien de la Ligue Guinéenne des Droits de l’Homme avec un témoin à Kérézagaye, le 3 décembre 2013

74Entretien de la Ligue Guinéenne des Droits de l’Homme avec des témoinsà N’Zérékoré, les 4, 5 et 6 décembre 2013

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En fin, il a été aussi rapporté à la Ligue Guinéenne des Droits de l’Homme que les événements de juillet 2013, n’eût été l’intervention de l’armée, allaient se propager dans plusieurs préfectures de la région. Mais, la gravité de la situation a poussé le gouvernement à dépêcher un contingent impressionnant de militaires qui a réussi à ramener le calme dans la cité. Et que face à la faiblesse des moyens dont disposaient les éléments des forces de l’ordre (policiers et gendarmes), l’intervention des militaires pour maintenir l’ordre républicain aurait donc sauvé le pays d’une guerre aux conséquences lourdes.75

b)- Enterrement de corps dans une fosse commune

Des corps calcinés difficiles à identifier ont fait l’objet d’un enterrement dans une fosse commune après des prières funèbres par les deux communautés ex-belligérantes. D’après des témoins qui ont assisté à cet enterrement dans un endroit de la forêt classée du quartier Horoya Jérusalem, à N’Zérékoré, on pouvait au moins dénombrer une cinquantaine de corps qui ont été enterrés dans une fosse commune.76

Fosse commune où sont enterrés au moins 56 corps dans le quartier Horoya Jérusalem, à N’Zérékoré

c)- Organisation de « séances de réconciliation »

À Koulé

Après que le calme soit revenu à Koulé, un comité de réconciliation de trente deux membres - dont seize guerzés et seize koniankés - a été mis en place pour une réconciliation entre ces deux communautés.77

Lors des enquêtes à Koulé, quelques membres du comité de réconciliation dont l’appui inestimable a permis à la Ligue Guinéenne des Droits de l’Homme de collecter des informations, ont témoigné que les deux communautés vivent désormais ensemble et que la hache de guerre était définitivement enterrée. Cela a été constaté dans leur volonté commune

75

Entretien de la Ligue Guinéenne des Droits de l’Homme avec des témoinsà N’Zérékoré, le 8 décembre 2013 76

Idem 77

Entretien de la Ligue Guinéenne des Droits de l’Homme avec Vacé KONATÉ à Koulé, le 3 décembre 2013

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d’accompagner les enquêteurs de la Ligue Guinéenne des Droits de l’Homme lors de leurs opérations d’enquête à Koulé.

En effet, d’après ces mêmes témoins, des séances de réconciliation à la manière africaine ont été organisées à Koulé, même si des raisons politiques ont failli compromettre la paix retrouvée quelques mois plus tard. En effet, la communauté guerzé aurait demandé de remplacer le Maire de la Commune rurale de Koulé, le sieur Ouo-Ouo KOUROUMA pour ses agissements antirépublicains présumés en faveur des koniankés lors des violences de juillet 2013.Monsieur Ouo-Ouo KOUROUMA aurait d’ailleurs démissionné de son poste le 15 novembre 2013 en laissant assumer l’intérim par le secrétaire général.78

La Ligue Guinéenne des Droits de l’Homme n’a pu rencontrer Monsieur Ouo-Ouo KOUROUMA pour recueillir sa version des faits sur les accusations portées contre lui. Les interlocuteurs de la Ligue Guinéenne des Droits de l’Homme ont témoigné que le sieur KOUROUMA était à Conakry au moment de notre passage à Koulé79.

Une partie de la cérémonie de réconciliation à Koulé : des femmes font la cuisine dont le repas servira de serment entre les deux communautés guerzés s et koniankés

À Beyla

Quand les coups de téléphone sont partis de Koulé et de N’Zérékoré incitant les Koniankés aux représailles suite à la mort d’un des leurs à Koulé, les Koniankés de Beyla, enfants, femmes, jeunes et quelques adultes se seraient munis de gourdin, machettes et armes à feu pour s’attaquer aux guerzés.

Mais, avant de s’attaquer à leurs victimes, les agresseurs ont commencé par incendier la Paroisse de l’Eglise Catholique de la ville de Beyla, après la prière de 14 heures tout en scandant en chœur « Alla ha Koubarou, Alla ha koubarou ». C’est quand la communauté guerzé a aperçu la fumée dans l’Eglise en pleine journée du mardi 16 juillet 2013 qu’ils ont tous couru pour trouver refuge au camp militaire de Beyla.

Quelques victimes interrogées à Beyla ont affirmé qu’une délégation composée de vieux konainkés s’est rendue au camp militaire pour demander une délégation des refugiés guerzés en vue de se rendre à la résidence du Préfet de Beyla, où la délégation

78

Entretien de la Ligue Guinéenne des Droits de l’Homme avec Siba Alain KOULEMOU et Gome CHÉRIF à Koulé, le 3 décembre 2013

79Entretien de la Ligue Guinéenne des Droits de l’Homme avec des témoins à Koulé, le 3 décembre 2013

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koniankéaurait demandé pardon aux guerzés tout en les priant de retourner dans leurs domiciles respectifs.

Mais, d’après ces victimes, les guerzés auraient refusé d’accepter le « pardon » de la délégation des koniankés au motif qu’ils sont dans un État de droit et qu’ils préfèrent laisser les autorités décider de la suite des événements.80

Depuis lors, aucune séance de réconciliation ou de pardon n’a eu lieu et la communauté guerzé rencontrée à Beyla par la Ligue Guinéenne des Droits de l’Homme est inquiète pour sa sécurité.

En définitive, un besoin de réconciliation se pose encore avec acuité à Beyla pour permettre aux koniankés et aux guerzés de vivre ensemble dans la paix et dans la cohésion sociale.

À N’Zérékoré : Signature d’un pacte de non agression pour toute la région forestière

Le 19 novembre 2013, après cinq mois environ de présence dans la région forestière, les colonels Claude PIVI et Moussa Tiegboro CAMARA ont « réussi » à faire signer un ‘’Pacte de non agression et de cohabitation pacifique entre les groupes sociaux vivant en Guinée forestière’’ avant de regagner Conakry. Ce document de huit pages et de vingt et cinq articles a été signé par le représentant de chaque ethnie de la Guinée forestière, des autorités régionales, préfectorales et municipales de N’Zérékoré ainsi que par les Colonels Pivi et Tiegboro.

Ce pacte est le résultat d’un travail réalisé par un comité de réflexion et de rédaction composé de 25 membres dont la liste y est annexée.

Le pacte exprime la volonté de toutes les ethnies de la Guinée forestière de vivre ensemble et de régler désormais leurs différends par des moyens pacifiques notamment la saisine des autorités compétentes en la matière, qu’elles soient des autorités coutumières ou étatiques.

Cependant, le pacte n’exclut pas l’application des textes en vigueur pour réprimer les crimes perpétrés en juillet 2013 lorsqu’il prévoit à l’alinéa 3 de son article 1er que « Ce pacte loin d’être un contrepoids du droit guinéen, a pour but de compléter et rendre effectif tous les textes réglementaires et lois en vigueur en République de Guinée. »81

Par ailleurs, des témoins ont signalé à la Ligue Guinéenne des Droits de l’Homme que la signature de ce pacte n’a pas été précédée d’une véritable réconciliation entre les guerzés et les koniankés. Pour preuve, d’après eux, la communauté konianké aurait reconnu publiquement son tort, mais, n’aurait décidé que de présenter seulement ses excuses au patriarche MolouHolomoHazalyZogbèlèmou. D’après ces témoins, la communauté guerzé avait exigé que les excuses des koniankés soient présentées à l’ensemble des guerzés et non au patriarche seulement, faute de quoi, ce dernier devrait refuser de signer le pacte au nom

80

Entretien de la Ligue Guinéenne des Droits de l’Homme avec des témoins à Beyla, le 7 décembre 2013

81Pacte de non agression et de cohabitation pacifique entre les groupes sociaux vivant en Guinée forestière signé à

N’Zérékoré, le 19 novembre 2013, page 4

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de la communauté guerzé. Mais, pour des soucis de quiétude sociale, le patriarche aurait signé le pacte sans que cette exigence de sa communauté ne soit satisfaite.82

d)- Organisation de séances de formation et de sensibilisation

D’après un membre de l’Organisation catholique pour la promotion humaine (OCPH) basé à N’Zérékoré, sur appui financier de Catholic Relief Services (CRS), l’OCPH a formé 20 jeunes de Koulé, 30 jeunes de Beyla et 50 jeunes de N’Zérékoré pour faire d’eux des ambassadeurs de la paix.

Après leur formation, ces jeunes ont été déployés dans leurs localités respectives pour sensibiliser leurs concitoyens à la cohabitation pacifique entre guerzés et koniankés. Ce témoin a ajouté que ces tournées des ambassadeurs de la paix ont favorisé un climat de paix à la place des tensions qui régnaient dans certains milieux des zones qu’ils ont traversées lors de leur sensibilisation.83

82

Entretien de la Ligue Guinéenne des Droits de l’Homme avec des témoinsà N’Zérékoré, le 4 décembre 2013 83

Entretien de la Ligue Guinéenne des Droits de l’Homme avec Robert Paquilé SAOUROMOUà N’Zérékoré, le 4 décembre

2013

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XI. Besoins d’accès au droit et à la XI. Besoins d’accès au droit et à la XI. Besoins d’accès au droit et à la XI. Besoins d’accès au droit et à la justice des victimesjustice des victimesjustice des victimesjustice des victimes

Toutes les victimes interrogées par la Ligue Guinéenne des Droits de l’Homme ont exprimé leurs besoins liés à l’accès au droit et à la justice à savoir les besoins d’assistance juridique et d’assistance judiciaire.84

a)- Besoin d’accès au droit des victimes

D’après les victimes, elles souhaitent ester en justice pour faire valoir leurs droits, mais elles ne connaissent pas la procédure prévue en la matière. Or, elles ne disposent pas de moyens financiers pour couvrir les frais de conseils juridiques. C’est pourquoi, elles ont souhaité l’appui des personnes physiques ou morales de bonne volonté pour assurer ces frais en vue de bénéficier des conseils juridiques de la part d’avocats et juristes compétents.

Il est donc important d’apporter une assistance juridique aux victimes grâce au soutien de partenaires financiers. L’accès au droit consistera donc à donner des conseils juridiques aux victimes notamment sur les conduites à tenir pour préserver leurs droits.

b)- Besoin d’accès à la justice et d’assistance judiciaire des victimes

Les victimes ont également exprimé le besoin d’accès a la justice et d’être assistées par des avocats pendant la procédure judiciaire qu’elles ont engagée à travers leur association afin de pouvoir bénéficier d’un procès juste et équitable qui fait partie des droits fondamentaux de l’homme.

En effet, d’après les victimes interrogées, si l’assistance judiciaire n’est pas assurée par la présence dans la procédure d’avocats compétents et indépendants, il est possible que l’État entretienne encore l’impunité ou une parodie de justice au cours de laquelle on pourrait condamner des innocents et libérer des coupables.

En République de Guinée, la gratuité des services d’assistance judiciaire est consacrée par la loi pour les indigents.85 Mais, dans la pratique, cette loi n’est pas appliquée faute de moyens financiers pour l’État lui-même de couvrir les frais de ses propres besoins indispensables.

Pour répondre en partie aux besoins d’accès au droit et à la justice exprimés par les victimes, la Ligue Guinéenne des Droits de l’Homme les a regroupées en association appelée ‘’Association des Victimes de Koulé, N’Zérékoré et Beyla de juillet 2013 (AVIKNB). Cette association dont l’agrément a été délivré par les autorités régionales, est enregistrée au

84 Entretien de la Ligue Guinéenne des Droits de l’Homme avec des témoins à Koulé, N’Zérékoré et Beyla, décembre 2013 85 L’article 549 du Code de procédure civile, économique et administrative dispose que : « Les personnes physiques indigentes peuvent bénéficier d’une assistance judiciaire pour faire valoir leurs droits en Justice. Est qualifiée indigente toute personne qui faute de pouvoir subvenir par ses propres moyens, pour elle-même et les membres de sa famille à charge, aux besoins de première nécessité que sont la nourriture, le logement et les vêtements, est contrainte de faire appel soit à la générosité publique, soit à l’aide d’un parent ou ami . Les Maires, les Présidents des Communes Rurales de Développement, les Chefs de Quartier et de District ont qualité pour délivrer un Certificat d’indigence. »

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gouvernorat de N’Zérékoré sous les références suivantes : ANF 99999 (S 2013) en date du 27 décembre 2013.

La Ligue Guinéenne des Droits de l’Homme apporte actuellement un appui juridique ponctuel à distance (par téléphone ou par e-mail) à l’AVIKNB pour orienter ses membres sur les dispositions juridiques à prendre en faveur des victimes, ce qui ne suffit pas pour assurer la garantie d’un procès juste et équitable aux victimes. Mais, l’efficacité d’un tel appui dépendrait de sa régularité qui devrait se réaliser à travers des missions régulières des avocats et juristes sur le terrain pour assister les victimes pendant leur interrogatoire devant le pool des juges d’instruction au Tribunal de première instance de N’Zérékoré.

En définitive, les besoins d’accès au droit et à la justice que les victimes ont exprimés méritent une attention soutenue de la part des partenaires en vue de rompre avec la culture de l’impunité qui s’est institutionnalisée en Guinée depuis plusieurs années.

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XII. L’état actuel de la procédure judiciaire relative aux XII. L’état actuel de la procédure judiciaire relative aux XII. L’état actuel de la procédure judiciaire relative aux XII. L’état actuel de la procédure judiciaire relative aux

violences de juillet 2013violences de juillet 2013violences de juillet 2013violences de juillet 2013

Depuis le 20 août 2013, le parquet général de Kankan - dont le ressort judiciaire s’étend sur la Haute Guinée et la Guinée forestière - a ouvert une information judiciaire contre X tout en mettant en place un pool de juges d’instruction composés de trois magistrats sur le fondement des dispositions de l’article 32 du Code de procédure pénale guinéen.86

La procédure judiciaire dans cette affaire est donc actuellement pendante devant le cabinet d’instruction au tribunal de première instance de N’Zérékoré où les trois juges d’instruction procèdent à l’instruction dans ce dossier.

Un membre du pool a témoigné à la Ligue Guinéenne des Droits de l’Homme que 127 victimes (parties civiles) ont été interrogées. Ce magistrat a aussi confirmé la mise en détention de certains auteurs présumés tout en ajoutant que d’autres ont été placés sous contrôle judiciaire mais, ne respectent pas leurs obligations de se présenter à la justice ou n’informent pas le pool des juges de leur déplacement hors de la ville de N’Zérékoré.87

Les visites de la Ligue Guinéenne des Droits de l’Homme à la Maison centrale de N’Zérékoré, la plus grande prison de la région, ont permis d’enregistrer 21 accusés en détention qui ont signalé être des boucs émissaires dans ce dossier parce que d’après eux, les vrais commanditaires etauteurs des violences intercommunautaires de juillet 2013 sont en liberté et n’ont jamais été inquiétés.88

Aussi, les recherches de la Ligue Guinéenne des Droits de l’Homme auprès du cabinet du pool des juges d’instruction du tribunal de première instance de N’Zérékoré, ont confirmé le placement sous contrôle judiciaire de 21 accusés.89

Le 6 décembre 2013, à N’Zérékoré, la Ligue Guinéenne des Droits de l’Homme après avoir regroupé les victimes en association dénommée : ‘’Association des Victimes de Koulé, N’Zérékoré et Beyla de juillet 2013 (AVIKNB), a conseillé cette organisation de déposer une plainte au nom de toutes les victimes. Ladite plainte formulée contre X et qui contient une 86L’article 32 du Code de procédure pénale dispose que «… Le Procureur Général a, dans l’exercice de ses

fonctions, le droit de requérir directement la force publique.

Il peut charger, par voie de réquisition, tout Juge d’Instruction d’informer sur tout crime ou délit qui lui aura été dénoncé, même si ce crime ou délit a été commis hors du ressort de la compétence de ce Magistrat; il peut

également requérir tout Juge d’Instruction de continuer une information commencée par un autre Magistrat qu’il dessaisit à cet effet.

Cette décision est prise après avis conforme de la Cour d’Appel.

Le Juge d’Instruction désigné dans les conditions prévues à l’alinéa précédent a compétence pour

instrumenter sur tout le Territoire national… »

87Entretien de la Ligue Guinéenne des Droits de l’Homme avec un membre du pool des juges d’instructionà N’Zérékoré, le

8 décembre 2013 88

Idem 89

Idem

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liste d’infractions qualifiées de crimes comme assassinat, meurtre, incendie volontaire et quelques délits connexes, a été adressée, puis reçue et enregistrée le même jour au parquet du Procureur de la République près le Tribunal de première instance de N’Zérékoré. Dans cette plainte les victimes se sont réservé le droit de se constituer ultérieurement partie civile pour l’allocation de dommages-intérêts à leur profit.

Par ailleurs, un des juges d’instruction a regretté qu’un nombre important de personnes interpellées en vue des enquêtes préliminaires aient été relâchées par la gendarmerie au motif que les charges qui pesaient contre ces éléments n’étaient pas suffisantes pour les traduire en justice.90Des témoins interrogés par la Ligue Guinéenne des Droits de l’Homme ont signalé que ces libérations à l’enquête préliminaire par les officiers de police judiciaire (OPJ) l’ont été sur fond de corruption.91

Faute de temps, la Ligue Guinéenne des Droits de l’Homme n’a pu rencontrer la gendarmerie mise en cause pour recueillir sa version des faits sur les accusations portées contre elle.

En tout état de cause, cette procédure judiciaire mérite d’être suivie pour apporter un appui juridique et judiciaire gratuit aux victimes en vue d’éviter que celles qui n’ont pas les moyens de louer les services d’un juriste ou d’un avocat soient laissées pour compte et voir leur besoin d’accès à la justice non satisfait. L’autre intérêt qui reste attaché au suivi de cette procédure dès maintenant par des avocats et juristes compétents est que la justice pourrait être rendue aux victimes en évitant un simulacre de procès.

Le constat de la Ligue Guinéenne des Droits de l’Homme face à cette procédure est que les juges d’instruction se préoccupent plutôt de l’audition des victimes que de celle des accusés. Pour justifier cet état de fait, les juges d’instruction ont soutenu qu’ils ont des difficultés pour faire comparaître les accusés devant eux pour leur interrogatoire à cause des moyens très limités dont ils disposent pour faire correctement leur travail.

Quelques accusés de l’affaire de juillet 2013 trouvés en détention à la Maison centrale de N’Zérékoré en image avec l’équipe de la LIGUIDHO

90

Entretien de la Ligue Guinéenne des Droits de l’Homme avec un membre du pool des juges d’instructionà N’Zérékoré, le 4 décembre 2013 91

Entretien de la Ligue Guinéenne des Droits de l’Homme avec un membre du pool des juges d’instructionà N’Zérékoré, le

8 décembre 2013

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XIII. La responsabilité civile de l’État dans les violences XIII. La responsabilité civile de l’État dans les violences XIII. La responsabilité civile de l’État dans les violences XIII. La responsabilité civile de l’État dans les violences

intercommunautaires de juillet 2013intercommunautaires de juillet 2013intercommunautaires de juillet 2013intercommunautaires de juillet 2013

Au regard de tout ce qui précède et de l’avis des victimes et témoins, la responsabilité civile de l’État guinéen doit être engagée pour garantir l’indemnisation des victimes.

En effet, la Commission africaine des droits de l’homme et des peuples a décidé dans une Communication que ‘’même si les violations ne sont pas perpétrées par les agents de l’État, le seul fait de négliger d’assurer le respect des droits contenus dans la Charte africaine constitue une violation coupable de ladite Charte, « même si cet État ou ses agents ne sont pas les auteurs directs de cette violation. »’’92 Il convient de rappeler que d’après les témoins et victimes rencontrés, les agents de l’État : autorités civiles et militaires, qui devraient apporter aide et assistance pour éviter ou empêcher les assassinats, meurtre, incendie, destruction d’édifices, etc. n’ont rien fait ou ont agit tardivement pour s’acquitter de cette obligation.93

Or, tout État dans lequel les institutions fonctionnent normalement doit agir en toutes circonstances avec promptitude, par l’organe de ses représentants, pour sécuriser ses populations ou leurs biens en cas de menaces imminentes de violation de leurs droits.

Mais, les autorités de Koulé, N’Zérékoré et Beyla ont manqué à cette obligation fondamentale qui découle des instruments juridiques nationaux, régionaux et internationaux de protection des droits de la personne.

En conséquence, la responsabilité civile de l’État guinéen est inévitable dans l’affaire de juillet 2013 pour l’indemnisation des victimes.

Ainsi, il appartiendra à l’État guinéen d’engager, si possible, une action récursoire contre les autorités en service à N’Zérékoré au moment des violences intercommunautaires de juillet 2013 pour se faire rembourser les indemnités qu’il aura payées aux victimes.

C’est pourquoi, l’État doit, dès à présent, penser à la mise en place d’un fonds d’indemnisation des victimes qui sera réparti entre elles au prorata des préjudices subis.

Toutefois, la responsabilité pénale individuelle des agents cités ci-dessus n’est pas à exclure.

92Communication 74/92, § 35 de la Commission africaine des droits de l’homme et des peuples, citée in‘’L’attractivité du système africain de protection des droits de l’homme’’ de Jean Didier BOUKONGOU, Professeur à l’Université catholique d’Afrique centrale

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Entretien de la Ligue Guinéenne des Droits de l’Homme avec des victimesà N’Zérékoré, les 5, 6 et 8 décembre 2013

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« Guinée : Les victimes de Koulé, N’Zérékoré et Beylademandent que justice soit faite, après les violences intercommunautaires de juillet 2013 », Rapport d’enquêtes de la Ligue Guinéenne des Droits de l’Homme, mai 2014$

XIV. L’anecdote ayant particulièrement retenu l’attention XIV. L’anecdote ayant particulièrement retenu l’attention XIV. L’anecdote ayant particulièrement retenu l’attention XIV. L’anecdote ayant particulièrement retenu l’attention

de la Ligue Guinéenne des Droits de l’Hommede la Ligue Guinéenne des Droits de l’Hommede la Ligue Guinéenne des Droits de l’Hommede la Ligue Guinéenne des Droits de l’Homme

Pendant la mission d’enquête, un témoignage a particulièrement retenu l’attention de la Ligue Guinéenne des Droits de l’Homme. Il s’agit du témoignage de Monsieur Vassima CAMARA, ex-Vice maire de la Commune urbaine de N’Zérékoré, actuellement en service auGouvernorat de N’Zérékoré. D’après ce témoin, pendant qu’il était Vice maire de la ville de N’Zérékoré de 2002 à 2010, un énergumène s’est présenté à lui dans son bureau pour lui demander qu’il souhaiterait lui raconter une chose importante. Quand ce dernier a pris place, il aurait témoigné qu’un ange lui a parlé en rêve pour dire que le malheur ou le bonheur de la République de Guinée pourrait partir de la Guinée forestière. Pour éviter le malheur, un sacrifice de béliers à immoler reste nécessaire. Après, l’homme est sorti de son bureau. D’après Monsieur Vassima CAMARA dès que leur entretien a pris fin, il en a fait le compte rendu à ses supérieurs hiérarchiques qui, après consultations, ont décidé de faire ce sacrifice de bélier. Le jour du sacrifice, le sang de l’un des béliers immolés aurait fait curieusement la carte de la Guinée sur le sol, ce qui avait surpris tous les spectateurs présents à l’époque. Depuis lors, Monsieur Vassima CAMARA croit en ce que l’énergumène lui avait raconté il y a près de dix ans. Pour preuve, selon lui, le soulèvement populaire qui a embrasé la Guinée en 2007 a débuté en octobre 2006 à N’Zérékoré quand des manifestants ont scandé à l’époque le départ de certaines autorités, ce qui serait le premier mot d’ordre des manifestants en Guinée. C’est pourquoi, il recommande que l’État prenne ses dispositions en renforçant son autorité pour assurer la sécurité dans la région de N’Zérékoré qui fait frontière avec des pays qui viennent de sortir de la guerre, et où les armes légères circulent avec des éléments incontrôlés.94

94Entretien de la Ligue Guinéenne des Droits de l’Homme avec Vassima CAMARAà N’Zérékoré, le 8 décembre 2013

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XVI. RecommandationsXVI. RecommandationsXVI. RecommandationsXVI. Recommandations

a)- À l’endroit du gouvernement guinéen et du Président de la République

- Faire tenir un procès juste et équitable, dans un délai raisonnable, pour toutes les parties dans l’affaire des violences de juillet 2013;

- Prendre ou faire prendre des mesures sécuritaires idoines pour les magistrats chargés de ce dossier ainsi que les victimes et les défenseurs des droits de l’homme qui apportent un appui juridique aux victimes ;

- Mener des opérations de ratissage et de désarmement en région forestière notamment à Koulé, N’Zérékoré et Beyla ;

- Favoriser la création d’emplois pour lutter contre le chômage dans la région ;

- Renforcer l’autorité de l’État par le recrutement de nouveaux agents de sécurité et les équiper puis les déployer en Guinée forestière tout en leur dispensant des cours sur les droits humains ;

- Mettre en place des polices de proximité puis les équiper de moyens modernes de travail et les former aux concepts des droits de l’Homme ;

- Reconstruire, aux frais de l’État, les lieux de culte incendiés ou détruits, indépendamment de l’issue de la procédure judiciaire en cours, et ce, dans les meilleurs délais ;

- Continuer à apporter une aide humanitaire aux victimes qui se trouvent actuellement sans abri digne et en manque de nourriture et de médicament pour poursuivre leurs traitements médicaux ;

- Prendre des dispositions particulières en rapport avec les textes en vigueur pour interdire l’interférence dans la procédure judiciaire en cours de toute personne non habilitée par la loi ;

- Apporter un appui logistique, matériel et financier à l’Association des Victimes de Koulé, N’Zérékoré et Beyla de juillet 2013 (AVIKNB) pour lui permettre d’atteindre ses objectifs notamment la création d’activités génératrices de revenus en faveur des victimes et pour satisfaire leurs besoins d’accès au droit et à la justice ;

- Constituer un fonds d’indemnisation des victimes pour garantir leur dédommagement ;

- Réglementer le mode de fonctionnement et les attributions des organisations appelées Coordinations en vue d’interdire leur immixtion dans les affaires qui ne relèvent pas de leurs compétences ;

- Revoir la politique d’urbanisation pour empêcher l’occupation des parcelles dans les centres urbains sur une base ethnique ou communautariste ;

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- Eriger un monument à la place de la fosse commune de N’Zérékoré en hommage aux victimes qui y sont enterrées ;

- Mettre des moyens matériels et financiers adéquats à la disposition des juges d’instruction chargés de l’’affaire de juillet 2013 pour leur permettre de s’acquitter efficacement de leurs tâches.

b)- À l’endroit du nouveau parlement guinéen

- Contrôler l’action du gouvernement tout en lui demandant des comptes quant à l’évolution de la procédure dans l’affaire du conflit intercommunautaire de juillet 2013 ;

- Faire voter une loi relative à la sanction de toute personne qui s’interférerait dans une affaire judiciaire à travers des actes comme téléphoner, écrire ou demander verbalement à un magistrat de prendre une décision en faveur ou au détriment de tel ou tel justiciable. c)- À l’endroit de la France, l’Allemagne, les États-Unis d’Amérique, l’Union européenne, le Haut Commissariat des Nations Unies aux Droits de l’Homme, etc.

- Demander aux autorités guinéennes, publiquement, en privé et dans leurs rapports diplomatiques avec la République de Guinée, l’évolution de la procédure judiciaire dans l’affaire du conflit intercommunautaire de juillet 2013 jusqu'à l’organisation d’un procès juste et équitable ;

- Apporter un appui matériel, logistique et financier à l’Association des Victimes de Koulé, N’Zérékoré et Beyla de juillet 2013 (AVIKNB) pour lui permettre de faire face aux coûts qu’entrainent l’accès au droit et à la justice et les campagnes de sensibilisation pour la consolidation de la paix en Guinée forestière ;

d)-À l’endroit des organisations de défense des droits de l’homme

- Apporter un appui juridique et judiciaire à l’Association des Victimes de Koulé, N’Zérékoré et Beyla de juillet 2013 (AVIKNB) jusqu'à ce que les victimes soient rétablies dans leurs droits par une indemnisation définitive ;

- Faire du lobbying sur le gouvernement guinéen jusqu'à la tenue d’un procès juste et équitable, dans les meilleurs délais, afin de rompre avec la culture de l’impunité qui s’est institutionnalisée en Guinée.

e)-À l’endroit des magistrats chargés du dossier de juillet 2013

- Faire preuve de courage et d’indépendance en rapport avec les textes en vigueur qui garantissent leur indépendance et leur impartialité et résister puis dénoncer toute interférence indue dans la procédure dont ils ont la charge ;

- Favoriser le traitement équitable des accusés qui sont issus des deux communautés guerzés et koniankés

- Révoquer les Ordonnances de placement sous contrôle judiciaire en mettant en détention les accusés qui ne respectent plus leurs obligations contenues dans ces Ordonnances.

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XVII. CONCLUSIONXVII. CONCLUSIONXVII. CONCLUSIONXVII. CONCLUSION

Faire la lumière sur les crimes et violations des droits de l’homme examinés dans ce rapport notamment les atteintes à la vie et aux biens, la non assistance à personne en danger, la violation du droit à la liberté d’expression et au droit à l’information, constitue un des fondements importants de l’État de droit.

Ce souhait a été vivement exprimé par l’ensemble des victimes interrogées par la Ligue Guinéenne des Droits de l’Homme lors des enquêtes dans le cadre de ce rapport.

Il part du constat que des affrontements réguliers et sanglants se sont produits en Guinée forestière, depuis plusieurs décennies, sans que leurs auteurs ne soient traduits en justice et que les victimes ne soient rétablies dans leurs droits à travers une indemnisation.

Afin de mettre définitivement un terme à ces cycles de violences qui ont toujours endeuillé cette région, il faudrait que les autorités guinéennes prennent des mesures immédiates pour en finir avec l’impunité, étant surtout entendu que les victimes potentielles du conflit de juillet 2013 sont constituées de couches vulnérables notamment les femmes et les enfants.

Pour ce faire, le gouvernement guinéen doit montrer qu’il se soucie de la protection des droits de ses citoyens en faisant conduire, de manière impartiale et efficace, l’information judiciaire actuellement en cours, et veiller à ce que tous les responsables des crimes perpétrés en juillet 2013 répondent de leurs actes.

Parallèlement, afin d’encourager l’instauration d’un climat de paix et de cohésion sociale entre les ethnies de la Guinée forestière, les acteurs clés qui investissent dans l’avenir du pays, notamment les principaux bailleurs de fonds bilatéraux et multilatéraux, à savoir : la France, les États-Unis d’Amérique (USA), l’Allemagne et l’Union européenne (UE), …, devraient apporter leur expertise au gouvernement guinéen dans le cadre d’opérations de désarmement et de ratissage dans la région.

Au même moment, ces partenaires au développement devraient apporter leur soutien aux organisations locales, nationales et internationales qui accompagnent les victimes de juillet 2013 dans le but de satisfaire leurs besoins de création d’activités génératrices de revenus et d’accès au droit et à la justice.

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