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17 À LA DÉCOUVERTE DE COLOMBES Colombes sous le regard des voyageurs septembre 2011

À LA DÉCOUVERTE DE - Site de la Ville de Colombes...plaquette guide colombes 18:3091940 decouverte 12/09/11 18:42 Page6 de vente de 1698, lorsque le duc d’Orléans s’en sépare

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Colombes sous le regarddes voyageurs

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« Quand on marche seul avec

sa pensée autour de cette ville

[Paris], on s’étonne en

découvrant tout ce que la nature

et l’art, l’histoire et la poésie ont

jeté de richesses merveilleuses

sur cette terre privilégiée qui

s’appelle les Environs de Paris. »

Charles Nodier, Les environs de Paris, 1800

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I - La villégiature au XVIIe

et au XVIIIe siècle : les maisons des champs et leurs hôtes

Le premier voyage est celui des citadinsqui viennent goûter plusieurs mois de l’an-née la tranquillité d’un séjour champêtre.À quelques lieues de Paris, des retraitescampagnardes faisaient les délices des fa-milles de la noblesse ou de la haute bour-geoisie  : établis en bordure des bourgsruraux, ces domaines, le plus souvent en-tourés de murs, déroulaient de vastesparcs et des prairies. Les plus ancienne-ment connus dans notre ville sont attestésau début du XVIIe siècle, comme celui dusieur Barbot.

C’est précisément ici, dans la maisonBarbot, que s’installe vers 1657 Henriettede France, au terme d’un exil douloureux :chassée d’Angleterre en 1644 par la guerrecivile et la victoire de Cromwell, elle se réfugie d’abord au Louvre, où elle vit dansun dénuement extrême, dans l’attented’une pension, puis au Palais Royal. À l’exception des hivers qu’elle passait àParis et de longs séjours à l’abbaye desVisitandines de Chaillot, elle quittait rare-ment le château de Colombes, dont elle

   

Le château de ColombesPlusieurs auteurs, et à leur suite Léon

Quénéhen, vantent la vie « simple et reti-rée », passée « au milieu d’un petit nom-bre de personnes choisies qu’elle recevaitavec affabilité, mais sans les astreindre aurigorisme de l’étiquette ». La reine, qui nequittait plus le costume de deuil, avaitabandonné le luxe et s’entourait d’une courde dévots, prêtres et religieuses. Cette résidence lui tenait vraisemblablementtrès à cœur : à son retour d’Angleterre enjuin 1665 où elle était allée préparer le ma-riage de sa fille, elle se rend immédiate-ment à Colombes où sont venus l’attendreLouis XIV et la reine Marie-Thérèse.

Que pouvait donc bien être ce « château »,que ne dédaignait pas de visiter le roi sonneveu ? Il est brièvement décrit dans l’acte

« Portrait de la reineHenrietteMarie », d’après Van Dick ,carte postale,(sans date)

4 A la découverte de Colombes

Plan de Colombes, 1780, détail du château © Archives nationales, CP-N-II Seine-88

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I - La villégiature au XVIIe

et au XVIIIe siècle : les maisons des champs et leurs hôtes

Le premier voyage est celui des citadinsqui viennent goûter plusieurs mois de l’an-née la tranquillité d’un séjour champêtre.À quelques lieues de Paris, des retraitescampagnardes faisaient les délices des fa-milles de la noblesse ou de la haute bour-geoisie  : établis en bordure des bourgsruraux, ces domaines, le plus souvent en-tourés de murs, déroulaient de vastesparcs et des prairies. Les plus ancienne-ment connus dans notre ville sont attestésau début du XVIIe siècle, comme celui dusieur Barbot.

C’est précisément ici, dans la maisonBarbot, que s’installe vers 1657 Henriettede France, au terme d’un exil douloureux :chassée d’Angleterre en 1644 par la guerrecivile et la victoire de Cromwell, elle se réfugie d’abord au Louvre, où elle vit dansun dénuement extrême, dans l’attented’une pension, puis au Palais Royal. À l’exception des hivers qu’elle passait àParis et de longs séjours à l’abbaye desVisitandines de Chaillot, elle quittait rare-ment le château de Colombes, dont elle

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avait fait jusqu’à sa mort soudaine le 10septembre 1669 sa « demeure ordinaire »,comme l’écrivait en 1735 l’abbé Lebeuf.

Le château de ColombesPlusieurs auteurs, et à leur suite Léon

Quénéhen, vantent la vie « simple et reti-rée », passée « au milieu d’un petit nom-bre de personnes choisies qu’elle recevaitavec affabilité, mais sans les astreindre aurigorisme de l’étiquette ». La reine, qui nequittait plus le costume de deuil, avaitabandonné le luxe et s’entourait d’une courde dévots, prêtres et religieuses. Cette résidence lui tenait vraisemblablementtrès à cœur : à son retour d’Angleterre enjuin 1665 où elle était allée préparer le ma-riage de sa fille, elle se rend immédiate-ment à Colombes où sont venus l’attendreLouis XIV et la reine Marie-Thérèse.

Que pouvait donc bien être ce « château »,que ne dédaignait pas de visiter le roi sonneveu ? Il est brièvement décrit dans l’acte

Plan de Colombes, 1780, détail du château © Archives nationales, CP-N-II Seine-88

A la découverte de Colombes

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de vente de 1698, lorsque le duc d’Orléanss’en sépare : «  une grande maison sise àColombes, consistant en plusieurs corps de logis, bâtiments, cours et basse cour, colombier, pressoir, orangerie, écurie, cel-lier, grand jardin... »

L’austérité relative de l’existenced’Henriette donne à penser qu’elle n’a pasfait réaliser de grands travaux dans sa de-meure, d’autant que la décoration en étaitrécente. Les peintures de Simon Vouet et deson gendre Michel Dorigny avait été exécu-tées probablement pour M. le Camus vers1648. Avant la Révolution, elles étaient tou-jours en place puisque la portraitiste LouiseElisabeth Vigée-Lebrun  a admiré au coursde ses fréquents séjours chez son amieMadame de Verdun « les murs des salons etdes galeries  », «  presque tous peints parSimon Vouet ». Hormis la mention des dé-cors peints, nous ne savons rien de l’archi-tecture. Seul le plan de 1780 donne une idéedes dispositions du château. Dans l’axe de larue Royale, un portail flanqué de murs declôture donne accès à une vaste cour inté-rieure. Le corps de logis principal se trouveau fond, agrémenté d’une avancée en arc decercle. Cette construction ouvre à l’arrièresur une terrasse ornée d’un bassin circulai-re. Des annexes flanquent le bâtiment cen-tral, celle du sud suggérant par son plan unefonction d’habitation, sans doute d’un carac-tère luxueux.

Après la reine Henriette, plusieurs pro-priétaires ont marqué le domaine de leurprésence et donné lieu à de nouveaux té-moignages, comme la famille d’Asfeld etMonsieur et Madame de Verdun, proprié-taires du château avant la Révolution.Louise Vigée-Lebrun évoque dans sesSouvenirs la « société la plus aimable,composée d’artistes, de gens de lettres etd’hommes spirituels » que ces derniers yréunissaient. L’amitié est le maître-mot

des cénacles spirituels et joyeux qui setiennent aux environs de Paris.

Le séjour érudit La retraite à la campagne fournit aussi le

calme et le recueillement propices à degrandes œuvres. L’historien Charles Rollin,mort en 1741, rend hommage dans la préfa-ce du premier des 31 volumes de sa monu-mentale Histoire ancienne à l’hospitalité dela famille d’Asfeld, qui le reçoit pour de longsséjours au château, en ces termes  :  «  J’ail’avantage de passer près de quatre mois desuite au voisinage de Paris, dans une agréa-ble campagne, qui me fournit tout ce que jepuis désirer et pour le travail et pour le dé-lassement, la bonne compagnie, la conver-sation, le bon air, la promenade, des prairiesenchantées, un bord de rivière toujoursamusant, une vue douce qui se présentetoujours avec un nouveau plaisir ; et ce quifait l’assaisonnement de tout le reste, unepleine et entière liberté. » Il remercie lesdeux frères, qui par leurs relectures lui«  sont d’un secours infini pour son ouvra-ge  », le maréchal d’Asfeld pour sa sciencemilitaire, et l’abbé son frère pour sa connais-sance des historiens grecs et latins. « Qu’onjuge, après cela, si Colombe ne doit pas êtrepour moi un séjour agréable et utile enmême temps. Je voudrais que ce fût encorela coutume, comme autrefois, d’inscrire sesouvrages du lieu où on les a composés. Jemettrais à la tête des miens DE MA MAISONDE COLOMBE car le maître de celle-ci veutque je la regarde comme mienne. Je lui dé-sire, pour récompense, moins la graisse dela terre que la rosée du ciel… »

Vers 1900 : un surprenant hommageLa demeure située à l’emplacement de

l’actuel 34, rue de la Reine-Henriette avaitfière allure. On la devine déjà sur le cadas-tre de 1853, isolée à l’ouest des bâtimentsdu château d’en bas, mais elle offre en-core un plan rectangulaire sobre. Grâce aux

6 A la découverte de Colombes

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Page 6: À LA DÉCOUVERTE DE - Site de la Ville de Colombes...plaquette guide colombes 18:3091940 decouverte 12/09/11 18:42 Page6 de vente de 1698, lorsque le duc d’Orléans s’en sépare

de vente de 1698, lorsque le duc d’Orléanss’en sépare : «  une grande maison sise àColombes, consistant en plusieurs corps de logis, bâtiments, cours et basse cour, colombier, pressoir, orangerie, écurie, cel-lier, grand jardin... »

L’austérité relative de l’existenced’Henriette donne à penser qu’elle n’a pasfait réaliser de grands travaux dans sa de-meure, d’autant que la décoration en étaitrécente. Les peintures de Simon Vouet et deson gendre Michel Dorigny avait été exécu-tées probablement pour M. le Camus vers1648. Avant la Révolution, elles étaient tou-jours en place puisque la portraitiste LouiseElisabeth Vigée-Lebrun  a admiré au coursde ses fréquents séjours chez son amieMadame de Verdun « les murs des salons etdes galeries  », «  presque tous peints parSimon Vouet ». Hormis la mention des dé-cors peints, nous ne savons rien de l’archi-tecture. Seul le plan de 1780 donne une idéedes dispositions du château. Dans l’axe de larue Royale, un portail flanqué de murs declôture donne accès à une vaste cour inté-rieure. Le corps de logis principal se trouveau fond, agrémenté d’une avancée en arc decercle. Cette construction ouvre à l’arrièresur une terrasse ornée d’un bassin circulai-re. Des annexes flanquent le bâtiment cen-tral, celle du sud suggérant par son plan unefonction d’habitation, sans doute d’un carac-tère luxueux.

Après la reine Henriette, plusieurs pro-priétaires ont marqué le domaine de leurprésence et donné lieu à de nouveaux té-moignages, comme la famille d’Asfeld etMonsieur et Madame de Verdun, proprié-taires du château avant la Révolution.Louise Vigée-Lebrun évoque dans sesSouvenirs la « société la plus aimable,composée d’artistes, de gens de lettres etd’hommes spirituels » que ces derniers yréunissaient. L’amitié est le maître-mot

des cénacles spirituels et joyeux qui setiennent aux environs de Paris.

Le séjour érudit La retraite à la campagne fournit aussi le

calme et le recueillement propices à degrandes œuvres. L’historien Charles Rollin,mort en 1741, rend hommage dans la préfa-ce du premier des 31 volumes de sa monu-mentale Histoire ancienne à l’hospitalité dela famille d’Asfeld, qui le reçoit pour de longsséjours au château, en ces termes  :  «  J’ail’avantage de passer près de quatre mois desuite au voisinage de Paris, dans une agréa-ble campagne, qui me fournit tout ce que jepuis désirer et pour le travail et pour le dé-lassement, la bonne compagnie, la conver-sation, le bon air, la promenade, des prairiesenchantées, un bord de rivière toujoursamusant, une vue douce qui se présentetoujours avec un nouveau plaisir ; et ce quifait l’assaisonnement de tout le reste, unepleine et entière liberté. » Il remercie lesdeux frères, qui par leurs relectures lui«  sont d’un secours infini pour son ouvra-ge  », le maréchal d’Asfeld pour sa sciencemilitaire, et l’abbé son frère pour sa connais-sance des historiens grecs et latins. « Qu’onjuge, après cela, si Colombe ne doit pas êtrepour moi un séjour agréable et utile enmême temps. Je voudrais que ce fût encorela coutume, comme autrefois, d’inscrire sesouvrages du lieu où on les a composés. Jemettrais à la tête des miens DE MA MAISONDE COLOMBE car le maître de celle-ci veutque je la regarde comme mienne. Je lui dé-sire, pour récompense, moins la graisse dela terre que la rosée du ciel… »

Vers 1900 : un surprenant hommageLa demeure située à l’emplacement de

l’actuel 34, rue de la Reine-Henriette avaitfière allure. On la devine déjà sur le cadas-tre de 1853, isolée à l’ouest des bâtimentsdu château d’en bas, mais elle offre en-core un plan rectangulaire sobre. Grâce aux

7A la découverte de Colombes

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recherches d’Edith Eccher, de l’associationdes Amis du Musée, on sait qu’elle est àcette époque la propriété de Charles-Edouard Kreisser, «  marchand de curiosi-tés » parisien, qui vient d’acheter la partieoccidentale du domaine du baron Le Roy.C’est sans doute Kreisser qui a fait cons-truire ou remodeler la maison, que de nom-breux Colombiens ont pu admirer jusqu’audébut des années 1960. En 1898, la demeu-re passe entre les mains d’un certainCharpital de Rainville, lui aussi antiquaire.

Hommage à la reine …La clôture ajourée sur toute la longueur

laisse libre cours à la contemplation de l’harmonie de la façade, dans le style clas-sique de la première moitié du XVIIe siècle.À une date inconnue, la maison prend lenom de «  Castel Reine Henriette Marie  ».Cet hommage tient peut-être à la situationsur les terrains de l’ancien « Petit Châteaud’en bas », que la reine avait acquis en 1662.

… ou activité publicitaire ?Est-ce Charles Kreisser qui a eu l’idée de

mettre en scène dans une dépendance si-tuée en bordure de son terrain différentsobjets provenant sans doute de son fondsd’antiquités, censés recréer le cadre de vie

de l’illustre souveraine  ? Vers 1910, c’estM. de Rainville qui fait éditer des cartespostales du lieu. En dépit de tous ses ef-forts, il reste impossible de confondre l’an-cien château et ce que l’on connaît de sesravissants décors avec cette reconstitutionencore marquée de l’esprit du XIXe siècle,dans un bâtiment moderne.

Un précieux récitUn doute subsiste sur le lieu qu’aurait

occupé le lieutenant anglais AlexandreCavalié Mercer en 1815. Cet officier destroupes anglaises d’occupation a en effetdécrit dans son Journal de la campagne deWaterloo une demeure de Colombes danslaquelle il a passé quelques jours, avec sescanons sur le parterre. Il est d’usage, de-puis l’ouvrage Histoire de Colombes à tra-vers les âges de Léon Quénéhen, deconsidérer que Monsieur L’Eguillon, l’hôtemalgré lui de Mercer, possédait le châteaudepuis 1811. Cependant, dès 1816, on trou-ve dans le Dictionnaire historique, topo-graphique et militaire de tous les environsde Paris, de P. Saint-Aubin, la mention dela démolition du « grand château » en 1793par la commune, « les matériaux [étant]vendus pour payer à la nation les frais d’ac-quisition. » Par ailleurs, la comparaison du

8 A la découverte de Colombes

Le castel Reine-Henriette-Marie vers 1905-1910, carte postale

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recherches d’Edith Eccher, de l’associationdes Amis du Musée, on sait qu’elle est àcette époque la propriété de Charles-Edouard Kreisser, «  marchand de curiosi-tés » parisien, qui vient d’acheter la partieoccidentale du domaine du baron Le Roy.C’est sans doute Kreisser qui a fait cons-truire ou remodeler la maison, que de nom-breux Colombiens ont pu admirer jusqu’audébut des années 1960. En 1898, la demeu-re passe entre les mains d’un certainCharpital de Rainville, lui aussi antiquaire.

Hommage à la reine …La clôture ajourée sur toute la longueur

laisse libre cours à la contemplation de l’harmonie de la façade, dans le style clas-sique de la première moitié du XVIIe siècle.À une date inconnue, la maison prend lenom de «  Castel Reine Henriette Marie  ».Cet hommage tient peut-être à la situationsur les terrains de l’ancien « Petit Châteaud’en bas », que la reine avait acquis en 1662.

… ou activité publicitaire ?Est-ce Charles Kreisser qui a eu l’idée de

mettre en scène dans une dépendance si-tuée en bordure de son terrain différentsobjets provenant sans doute de son fondsd’antiquités, censés recréer le cadre de vie

de l’illustre souveraine  ? Vers 1910, c’estM. de Rainville qui fait éditer des cartespostales du lieu. En dépit de tous ses ef-forts, il reste impossible de confondre l’an-cien château et ce que l’on connaît de sesravissants décors avec cette reconstitutionencore marquée de l’esprit du XIXe siècle,dans un bâtiment moderne.

Un précieux récitUn doute subsiste sur le lieu qu’aurait

occupé le lieutenant anglais AlexandreCavalié Mercer en 1815. Cet officier destroupes anglaises d’occupation a en effetdécrit dans son Journal de la campagne deWaterloo une demeure de Colombes danslaquelle il a passé quelques jours, avec sescanons sur le parterre. Il est d’usage, de-puis l’ouvrage Histoire de Colombes à tra-vers les âges de Léon Quénéhen, deconsidérer que Monsieur L’Eguillon, l’hôtemalgré lui de Mercer, possédait le châteaudepuis 1811. Cependant, dès 1816, on trou-ve dans le Dictionnaire historique, topo-graphique et militaire de tous les environsde Paris, de P. Saint-Aubin, la mention dela démolition du « grand château » en 1793par la commune, « les matériaux [étant]vendus pour payer à la nation les frais d’ac-quisition. » Par ailleurs, la comparaison du

9A la découverte de Colombes

« Pavillon de chasse où est morte la reine Henriette en 1669 »et « Colombes, Cheminée de la chambre où est morte la reine

Henriette Marie en 1669 », cartes postales, (v. 1910)

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plan de 1780 avec le cadastre de 1808-1811montre un vide à l’emplacement du châ-teau, et situerait le cantonnement du lieu-tenant dans un bâtiment voisin. Unerecherche complémentaire sur la propriétéde Monsieur L’Eguillon pourra peut-êtrepréciser le lieu.

Le témoignage de Mercer, le plus dé-taillé qui nous soit parvenu sur une de cesmaisons de villégiature, nous restitue sesagréments. Il souligne d’abord l’absencede prétention architecturale de l’extérieur :

« C’est une habitation simple à deuxétages, avec des chambres à coucher hau-tes de plafond, à la mode française (…) Envenant du village, on entre par une grandeporte cochère dans une cour bien sablée. Lamaison est en face, l’office est à gauche, unerangée d’excellentes écuries bien aérées etdeux hangars à voitures à droite. Le rez-de-chaussée du corps de logis se composed’une suite de salons élégamment meublés,dont l’un avec billard. La chambre du fond aune grande porte-fenêtre s’ouvrant surquelques marches qui conduisent à une jolieterrasse ornée de plusieurs bonnes statues.Les pièces correspondantes au-dessus sonttoutes installées en chambre à coucher. »Sur la décoration intérieure, il souligne queles murs sont « presque entièrement cou-verts du sol au plafond par de grands mi-roirs dans des cadres dorés ».

Sur l’appartement qu’il s’est choisi, au-dessus du grand salon, il écrit : « c’est unbijou installé avec un goût et une splendeurqui révèlent un habitat voluptueux et raffiné.Séparé des autres pièces par une anticham-bre, il occupe toute l’extrémité de la maisondonnant sur la Seine. Là, une porte-fenêtres’ouvrant sur un balcon de fer commandeun paysage délicieux. » Il évoque le riche jar-din en contrebas et plus loin les sommetsdes grands arbres du parc, puis les prairiesbordées par les eaux de la Seine.

Près de quarante ans plus tard, sur lecadastre de 1853, le bâtiment au sud del’ancien château a laissé la place à uncorps de logis sur jardin cantonné côté ruede deux pavillons d’angle. En 1856, le ban-quier Jean-Joseph Henrotte acquiert pourla villégiature une demeure (détruite après1913) en ces mêmes lieux. Sur une excep-tionnelle photographie de cette maison, ondistingue deux portes fenêtres flanquéesde colonnes ou de pilastres, qui coïncide-raient avec le dessin sur le plan de 1853des quelques marches du perron donnantaccès aux jardins et à la terrasse.

A la découverte de Colombes10

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plan de 1780 avec le cadastre de 1808-1811montre un vide à l’emplacement du châ-teau, et situerait le cantonnement du lieu-tenant dans un bâtiment voisin. Unerecherche complémentaire sur la propriétéde Monsieur L’Eguillon pourra peut-êtrepréciser le lieu.

Le témoignage de Mercer, le plus dé-taillé qui nous soit parvenu sur une de cesmaisons de villégiature, nous restitue sesagréments. Il souligne d’abord l’absencede prétention architecturale de l’extérieur :

« C’est une habitation simple à deuxétages, avec des chambres à coucher hau-tes de plafond, à la mode française (…) Envenant du village, on entre par une grandeporte cochère dans une cour bien sablée. Lamaison est en face, l’office est à gauche, unerangée d’excellentes écuries bien aérées etdeux hangars à voitures à droite. Le rez-de-chaussée du corps de logis se composed’une suite de salons élégamment meublés,dont l’un avec billard. La chambre du fond aune grande porte-fenêtre s’ouvrant surquelques marches qui conduisent à une jolieterrasse ornée de plusieurs bonnes statues.Les pièces correspondantes au-dessus sonttoutes installées en chambre à coucher. »Sur la décoration intérieure, il souligne queles murs sont « presque entièrement cou-verts du sol au plafond par de grands mi-roirs dans des cadres dorés ».

Sur l’appartement qu’il s’est choisi, au-dessus du grand salon, il écrit : « c’est unbijou installé avec un goût et une splendeurqui révèlent un habitat voluptueux et raffiné.Séparé des autres pièces par une anticham-bre, il occupe toute l’extrémité de la maisondonnant sur la Seine. Là, une porte-fenêtres’ouvrant sur un balcon de fer commandeun paysage délicieux. » Il évoque le riche jar-din en contrebas et plus loin les sommetsdes grands arbres du parc, puis les prairiesbordées par les eaux de la Seine.

Près de quarante ans plus tard, sur lecadastre de 1853, le bâtiment au sud del’ancien château a laissé la place à uncorps de logis sur jardin cantonné côté ruede deux pavillons d’angle. En 1856, le ban-quier Jean-Joseph Henrotte acquiert pourla villégiature une demeure (détruite après1913) en ces mêmes lieux. Sur une excep-tionnelle photographie de cette maison, ondistingue deux portes fenêtres flanquéesde colonnes ou de pilastres, qui coïncide-raient avec le dessin sur le plan de 1853des quelques marches du perron donnantaccès aux jardins et à la terrasse.

A la découverte de Colombes 11

Maison Henrotte, façade sur jardin, fonds Fermé (sans date)La maison remplacerait un corps de logis annexe de l’ancien

château

Plan cadastral, détail des constructions sur ledomaine, AJ le Village, 2e feuille, 1853

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II – Les monuments de la banlieue : le voyage savant

Au lendemain de la création de l’adminis-tration des Monuments historiques, on re-prend l’idée, restée sans suite à laRévolution et sous l’Empire, de dresser desinventaires afin d’organiser la sauvegardedes « monuments » du passé. Selon l’éty-mologie latine monere (« avertir », « rappe-ler à la mémoire »), le monument est unemémoire vivante qui enracine la commu-nauté et doit lui parler. La notion recouvreune grande variété de formes, que ce soit letombeau, l’inscription ou le bâtiment.

Le voyage en banlieue de François de Guilhermy

Pour le département de la Seine, c’est l’érudit François de Guilhermy qui s’attelle àla tâche immense de recenser les richesseshistoriques du territoire, regroupant Paris etsa proche banlieue. Ses notes sont conser-vées à la Bibliothèque nationale, et elles ontfait l’objet d’une mise au net - manuscrite –dans des recueils des Archives nationales,sous le titre de Statistique monumentale -Département de la Seine. Ses pages surColombes sont datées de juin 1840.

Le savant visiteur ne consacre que deuxlignes au village, évoquant son ancienneté,l’appartenance au domaine de l’abbaye deSaint-Denis, le mur d’enceinte et les portesdont il impute la disparition au XVIIIe siècle.Il ne retient pas les deux tours qui attirerontl’attention des membres de la Commissiondu Vieux Paris presque 90 ans plus tard. Ilmet en lumière les personnalités qui ontmarqué le château de leur présence,Henriette de France et plus tard la familled’Asfeld. Pour le château (le petit Châteaud'en bas, la maison L'Eguillon ?), il a unephrase sans appel : « il n’offre aucun inté-rêt sous le rapport de l’architecture ».

L’église Saint-Pierre Saint-PaulL’église accapare l’attention de l’érudit.

Sa description offre un intérêt majeur,puisque la visite prend place avant lesgrands bouleversements – démolitionpartielle et restaurations – du milieu et dela fin du XIXe siècle. Déjà, l’édifice n’a plus de façade occidentale et on y entre pardeux portes latérales. En archéologue,Guilhermy s’intéresse d’abord à la tour età la chapelle placée au-dessous, qu’ildate toutes deux du XIIe siècle, et danslesquelles il voit l’église primitive :

« La tour s’élève au nord, vers l’extré-mité du collatéral, et se confond avec lecorps de l’édifice jusqu’à la hauteur descombles. À partir de là, elle se composed’un premier étage quadrangulaire, percésur chaque face de deux ouvertures àplein cintre, à plusieurs retraits, avectours arrondis et colonnettes. Les chapi-teaux sont feuillagés et très simples. Defortes colonnes isolées (…) ont beaucoupsouffert dans leurs parties supérieures  ;l’entablement n’existe plus. Une flècheoctogone, couverte en ardoises, surmontela partie carrée de la tour (…) Les portesappartiennent à une époque toute moder-ne. Un petit Ecce Homo en pierre couron-ne celle du nord. »

On trouve dans ce passage toute l’exigen-ce de l’érudition moderne : notre enquêteurdonne de l’objet qu’il observe une descrip-tion précise et parlante, ainsi qu’une esti-mation de l’état de conservation (indicationessentielle à l’époque où l’administrationdes Monuments historiques se met enplace). En digne spécialiste du Moyen Âge,par ailleurs contemporain de Viollet-le-Duc, Guilhermy néglige la croisée clas-sique, pourtant d’une belle facture.

Il mentionne également «  une poutre,qui traverse la nef en avant du chœur, sou-tient un crucifix accompagné de deux figu-res gothiques de la Vierge et de Saint-Jean

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II – Les monuments de la banlieue : le voyage savant

Au lendemain de la création de l’adminis-tration des Monuments historiques, on re-prend l’idée, restée sans suite à laRévolution et sous l’Empire, de dresser desinventaires afin d’organiser la sauvegardedes « monuments » du passé. Selon l’éty-mologie latine monere (« avertir », « rappe-ler à la mémoire »), le monument est unemémoire vivante qui enracine la commu-nauté et doit lui parler. La notion recouvreune grande variété de formes, que ce soit letombeau, l’inscription ou le bâtiment.

Le voyage en banlieue de François de Guilhermy

Pour le département de la Seine, c’est l’érudit François de Guilhermy qui s’attelle àla tâche immense de recenser les richesseshistoriques du territoire, regroupant Paris etsa proche banlieue. Ses notes sont conser-vées à la Bibliothèque nationale, et elles ontfait l’objet d’une mise au net - manuscrite –dans des recueils des Archives nationales,sous le titre de Statistique monumentale -Département de la Seine. Ses pages surColombes sont datées de juin 1840.

Le savant visiteur ne consacre que deuxlignes au village, évoquant son ancienneté,l’appartenance au domaine de l’abbaye deSaint-Denis, le mur d’enceinte et les portesdont il impute la disparition au XVIIIe siècle.Il ne retient pas les deux tours qui attirerontl’attention des membres de la Commissiondu Vieux Paris presque 90 ans plus tard. Ilmet en lumière les personnalités qui ontmarqué le château de leur présence,Henriette de France et plus tard la familled’Asfeld. Pour le château (le petit Châteaud'en bas, la maison L'Eguillon ?), il a unephrase sans appel : « il n’offre aucun inté-rêt sous le rapport de l’architecture ».

L’église Saint-Pierre Saint-PaulL’église accapare l’attention de l’érudit.

Sa description offre un intérêt majeur,puisque la visite prend place avant lesgrands bouleversements – démolitionpartielle et restaurations – du milieu et dela fin du XIXe siècle. Déjà, l’édifice n’a plus de façade occidentale et on y entre pardeux portes latérales. En archéologue,Guilhermy s’intéresse d’abord à la tour età la chapelle placée au-dessous, qu’ildate toutes deux du XIIe siècle, et danslesquelles il voit l’église primitive :

« La tour s’élève au nord, vers l’extré-mité du collatéral, et se confond avec lecorps de l’édifice jusqu’à la hauteur descombles. À partir de là, elle se composed’un premier étage quadrangulaire, percésur chaque face de deux ouvertures àplein cintre, à plusieurs retraits, avectours arrondis et colonnettes. Les chapi-teaux sont feuillagés et très simples. Defortes colonnes isolées (…) ont beaucoupsouffert dans leurs parties supérieures  ;l’entablement n’existe plus. Une flècheoctogone, couverte en ardoises, surmontela partie carrée de la tour (…) Les portesappartiennent à une époque toute moder-ne. Un petit Ecce Homo en pierre couron-ne celle du nord. »

On trouve dans ce passage toute l’exigen-ce de l’érudition moderne : notre enquêteurdonne de l’objet qu’il observe une descrip-tion précise et parlante, ainsi qu’une esti-mation de l’état de conservation (indicationessentielle à l’époque où l’administrationdes Monuments historiques se met enplace). En digne spécialiste du Moyen Âge,par ailleurs contemporain de Viollet-le-Duc, Guilhermy néglige la croisée clas-sique, pourtant d’une belle facture.

Il mentionne également «  une poutre,qui traverse la nef en avant du chœur, sou-tient un crucifix accompagné de deux figu-res gothiques de la Vierge et de Saint-Jean

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l’Evangéliste », disposition qui se rap-porte aux poutres de gloire qui marquenttriomphalement l’entrée du chœur decertaines églises médiévales. Près d’unsiècle après la visite de Guilhermy, ondevine sur les photographies de Desprezde 1927 le crucifix, alors que les sculptu-res de part et d’autre ont hélas déjàdisparu, montrant que l’on s’est attachédurant les restaurations du XIXe siècle àconserver cet élément ailleurs rarementpréservé.

Enfin il décrit les dispositions ancien-nes  : « La voûte du chœur construite enpierre est sillonnée de nervures qui des-cendent sur des piliers prismatiques dé-pourvus de chapiteaux. Un hémicycle,terminé par une fenêtre, termine l’édifice àl’Orient.  » Il souligne l’intérêt des deuxdernières travées du collatéral Nord, qui«  aboutissent à un demi-cercle exact,voûté en cul de four sans nervures, etformé de très épaisses murailles. De peti-tes fenêtres cintrées lui donnent la lumiè-re ». Il donne d’intéressantes précisionssur la sculpture :  « À l’extérieur de cetteportion semi-circulaire, la corniche pose

sur une suite de modillons à billettes, têtesde chats, marmousets grimaçants et figu-res sataniques ». « Les colonnes engagéesprésentent des bases aplaties et des cha-piteaux à entrelacs grossiers avec têteshumaines saillantes sur les angles. On ydistingue aussi des têtes d’anges, desfeuilles mutilées et un ange qui sembletenir un écusson très fruste. »

Même si les restaurations du XIXe sièclen’ont pas laissé subsister les pierres d’ori-gine, il est intéressant de retrouver aujour-d’hui les mêmes motifs que ceux cités en1840.

Guilhermy évoque le maître-autel et sesboiseries sculptées rehaussées de peintu-res et de dorures, ainsi que des vitraux au-jourd’hui disparus : dans le bas-côté nordune figure de saint et une femme qui tientun livre et dans deux fenêtres du collatéralsud, deux verrières du XVIIe siècle repré-sentant des figures en buste, l’une d’unsaint archevêque tenant une double croix,l’autre de Saint-Denis, sous lequel se lisaitl’inscription Sancte Dionisi, ainsi que ladate de 1614, maquillée en 1416 par ceuxque notre auteur appelle des « antiquairesde village ». Puis c’est au tour des tableauxdu XVIe peints sur bois de Sainte Anne pré-sidant à l’éducation de Marie, de la Viergeet du Christ, dont il vante la qualité d’exé-cution.

… que de pertes inestimables à déploreren moins de deux siècles !

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Église de Colombes, vue intérieure, 1927 © E. Desprez, Villede ParisOn aperçoit le crucifix sur le deuxième montant vertical quirelie la poutre à la voûte.

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l’Evangéliste », disposition qui se rap-porte aux poutres de gloire qui marquenttriomphalement l’entrée du chœur decertaines églises médiévales. Près d’unsiècle après la visite de Guilhermy, ondevine sur les photographies de Desprezde 1927 le crucifix, alors que les sculptu-res de part et d’autre ont hélas déjàdisparu, montrant que l’on s’est attachédurant les restaurations du XIXe siècle àconserver cet élément ailleurs rarementpréservé.

Enfin il décrit les dispositions ancien-nes  : « La voûte du chœur construite enpierre est sillonnée de nervures qui des-cendent sur des piliers prismatiques dé-pourvus de chapiteaux. Un hémicycle,terminé par une fenêtre, termine l’édifice àl’Orient.  » Il souligne l’intérêt des deuxdernières travées du collatéral Nord, qui«  aboutissent à un demi-cercle exact,voûté en cul de four sans nervures, etformé de très épaisses murailles. De peti-tes fenêtres cintrées lui donnent la lumiè-re ». Il donne d’intéressantes précisionssur la sculpture :  « À l’extérieur de cetteportion semi-circulaire, la corniche pose

sur une suite de modillons à billettes, têtesde chats, marmousets grimaçants et figu-res sataniques ». « Les colonnes engagéesprésentent des bases aplaties et des cha-piteaux à entrelacs grossiers avec têteshumaines saillantes sur les angles. On ydistingue aussi des têtes d’anges, desfeuilles mutilées et un ange qui sembletenir un écusson très fruste. »

Même si les restaurations du XIXe sièclen’ont pas laissé subsister les pierres d’ori-gine, il est intéressant de retrouver aujour-d’hui les mêmes motifs que ceux cités en1840.

Guilhermy évoque le maître-autel et sesboiseries sculptées rehaussées de peintu-res et de dorures, ainsi que des vitraux au-jourd’hui disparus : dans le bas-côté nordune figure de saint et une femme qui tientun livre et dans deux fenêtres du collatéralsud, deux verrières du XVIIe siècle repré-sentant des figures en buste, l’une d’unsaint archevêque tenant une double croix,l’autre de Saint-Denis, sous lequel se lisaitl’inscription Sancte Dionisi, ainsi que ladate de 1614, maquillée en 1416 par ceuxque notre auteur appelle des « antiquairesde village ». Puis c’est au tour des tableauxdu XVIe peints sur bois de Sainte Anne pré-sidant à l’éducation de Marie, de la Viergeet du Christ, dont il vante la qualité d’exé-cution.

… que de pertes inestimables à déploreren moins de deux siècles !

A la découverte de Colombes 15

Église Saint-PierreSaint-Paul de Colombes,détail, 2010

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Les épitaphes et les inscriptions sont laspécialité de Guilhermy, qui travaille déjà àson immense corpus des Inscriptions de laFrance du Ve au XVIIIe siècle, qu’il publieraà partir de 1874. Il vérifie sur place les ob-servations de ses prédécesseurs, et c’esten cherchant dans l’église de Colombes lespierres tombales et plaques de fondationspieuses qu’y avait relevé un siècle plus tôtl’abbé Jean Lebeuf qu’il constate leurdisparition. Il cite les pièces manquantes.Il mentionne la plaque commémorant lesréparations et embellissements de l’égliseen 1819 par le Maire avec l’assistance duCuré et des Marguilliers, notant que lepavé a été à cette occasion renouvelé en-tièrement, ce qui a dû provoquer la des-truction des épitaphes du XVIIe et du XVIIIe

siècle : « Il ne reste des monuments funè-bres qu’une dalle effacée en avant desmarches de l’autel, et une petite figure defemme en marbre, qui pleure sur une têtede mort. »

A la découverte de Colombes16

Le voyage des objets, de l’église aumusée

La vigilance de Colombiens indignés parla démolition de l’église Saint-PierreSaint-Paul en 1968, au premier rang des-quels M. Jean Lefebvre, à qui nous devonsle sauvetage du clocher, a permis de sau-vegarder quelques précieux témoins del’ancien édifice paroissial. Une clef devoûte gothique est présentée au Musée,tandis qu’un autre exemplaire moins bienconservé et un beau chapiteau à la cor-beille ornée de délicats motifs végétauxdorment encore dans une réserve.

M. Lefebvre a observé la nécropole quientourait l’église et pu en dégager un sar-cophage qui a lui aussi rejoint les collec-tions du Musée ouvert en 1988. D’autreséléments ont été sauvés et sont venus en-richir les fonds de l’établissement, commeune partie de vitrail du premier quart duXXe siècle, qui offre la particularité de re-présenter l’église elle-même.

Les Inscriptions de la France du V e au XVIII e

siècleCette œuvre immense, ordonnée en 1834 par

Guizot, prend forme en 1848, sous la direction deProsper Mérimée pour l’épigraphie romaine, et deFrançois de Guilhermy pour les inscriptions posté-rieures. Guilhermy avait déjà donné de nombreusescommunications au Comité historique des arts et mo-numents de 1840 à sa mort en 1877. Enfin, il avait lui-même parcouru à pied plus de 450 paroisses desenvirons de Paris. Ne se fiant pas à ses premièrestranscriptions, pas toujours intégrales, il s’était ad-joint un dessinateur, Ch. Fichot, pour deux grandestournées, en 1856 et 1862. Les deux hommes rappor-taient de leurs visites des estampages et des relevés.Cinq volumes paraissent de 1874 à 1883. François deGuilhermy travaillait au moment de sa mort à la cor-rection du IVe et avant-dernier d’entre eux.

Source : Notice bibliographique de l’école des chartes, 1883

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Les épitaphes et les inscriptions sont laspécialité de Guilhermy, qui travaille déjà àson immense corpus des Inscriptions de laFrance du Ve au XVIIIe siècle, qu’il publieraà partir de 1874. Il vérifie sur place les ob-servations de ses prédécesseurs, et c’esten cherchant dans l’église de Colombes lespierres tombales et plaques de fondationspieuses qu’y avait relevé un siècle plus tôtl’abbé Jean Lebeuf qu’il constate leurdisparition. Il cite les pièces manquantes.Il mentionne la plaque commémorant lesréparations et embellissements de l’égliseen 1819 par le Maire avec l’assistance duCuré et des Marguilliers, notant que lepavé a été à cette occasion renouvelé en-tièrement, ce qui a dû provoquer la des-truction des épitaphes du XVIIe et du XVIIIe

siècle : « Il ne reste des monuments funè-bres qu’une dalle effacée en avant desmarches de l’autel, et une petite figure defemme en marbre, qui pleure sur une têtede mort. »

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Le voyage des objets, de l’église aumusée

La vigilance de Colombiens indignés parla démolition de l’église Saint-PierreSaint-Paul en 1968, au premier rang des-quels M. Jean Lefebvre, à qui nous devonsle sauvetage du clocher, a permis de sau-vegarder quelques précieux témoins del’ancien édifice paroissial. Une clef devoûte gothique est présentée au Musée,tandis qu’un autre exemplaire moins bienconservé et un beau chapiteau à la cor-beille ornée de délicats motifs végétauxdorment encore dans une réserve.

M. Lefebvre a observé la nécropole quientourait l’église et pu en dégager un sar-cophage qui a lui aussi rejoint les collec-tions du Musée ouvert en 1988. D’autreséléments ont été sauvés et sont venus en-richir les fonds de l’établissement, commeune partie de vitrail du premier quart duXXe siècle, qui offre la particularité de re-présenter l’église elle-même.

Clef de voûte et chapiteau de l’ancienne église Saint-PierreSaint-Paul de Colombes, 2011 – Musée municipal d’art et

d’histoire de Colombes

Sarcophage mérovingien,Musée municipal d’art etd’histoire, 2011

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Selon M. Lefebvre, cette verrière, placéeau-dessus de la porte nord de l’église, re-présentait dans sa partie basse un jeunePoilu de la guerre de 1914-1918  : il s’agitd’un objet votif offert par sa famille pourqu’il soit sauvé.

La Commission du Vieux Paris Constatant que les efforts des

Monuments historiques tendaient vers laprovince au détriment de Paris, unconseiller municipal de Paris, AlfredLamouroux, milite pour la création d’uneinstance municipale chargée d’enrayer lesdestructions massives qui sévissaient en-core, dans la lignée de la politiqued’Haussmann. À partir de 1898, laCommission répertorie les vestiges duVieux Paris et veille à leur conservation,pratique des fouilles et surveille les tra-vaux d’aménagement qui pourraient me-nacer les monuments – notamment lesprojets d’alignement. Une mission photo-graphique voit le jour pour « conserver lesaspects (…) et assurer le souvenir des par-ties de la ville appelées forcément à dispa-raître. » Plus tard, la Commission reçoitles attributions du Comité des inscriptionsparisiennes.

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Le casier archéologique et artistique En 1916, la Commission systématise l’in-

ventaire du patrimoine, qui est désormaisconduit rue par rue, et qui aboutit à lacréation du casier archéologique, artis-tique et pittoresque de Paris. Ce recen-sement, illustré dès l’origine par la photo-graphie, repose sur l’élaboration de fichesreprenant toutes les informations re-cueillies pour chaque monument ou mai-son intéressante.

Rapidement, l’institution parisienneétend son champ d’investigation à l’ensem-ble du département de la Seine, c’est-à-dire à la proche banlieue, menacée par uneurbanisation rapide. Elle est aussi consul-tée sur les transformations du paysage.

La visite du 26 janvier 1927à Colombes

Le mercredi 26 janvier 1927, le rendez-vous est fixé à 14h30 à la station de cheminde fer de Colombes en provenance de lagare Saint-Lazare. L’itinéraire manuscritconservé dans les archives de laCommission du Vieux Paris indique l’hôtel

Vitrail, début du XXe siècle, don de M. Dropsit auMusée municipal d’art et d’histoire de Colombes

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Selon M. Lefebvre, cette verrière, placéeau-dessus de la porte nord de l’église, re-présentait dans sa partie basse un jeunePoilu de la guerre de 1914-1918  : il s’agitd’un objet votif offert par sa famille pourqu’il soit sauvé.

La Commission du Vieux Paris Constatant que les efforts des

Monuments historiques tendaient vers laprovince au détriment de Paris, unconseiller municipal de Paris, AlfredLamouroux, milite pour la création d’uneinstance municipale chargée d’enrayer lesdestructions massives qui sévissaient en-core, dans la lignée de la politiqued’Haussmann. À partir de 1898, laCommission répertorie les vestiges duVieux Paris et veille à leur conservation,pratique des fouilles et surveille les tra-vaux d’aménagement qui pourraient me-nacer les monuments – notamment lesprojets d’alignement. Une mission photo-graphique voit le jour pour « conserver lesaspects (…) et assurer le souvenir des par-ties de la ville appelées forcément à dispa-raître. » Plus tard, la Commission reçoitles attributions du Comité des inscriptionsparisiennes.

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Le casier archéologique et artistique En 1916, la Commission systématise l’in-

ventaire du patrimoine, qui est désormaisconduit rue par rue, et qui aboutit à lacréation du casier archéologique, artis-tique et pittoresque de Paris. Ce recen-sement, illustré dès l’origine par la photo-graphie, repose sur l’élaboration de fichesreprenant toutes les informations re-cueillies pour chaque monument ou mai-son intéressante.

Rapidement, l’institution parisienneétend son champ d’investigation à l’ensem-ble du département de la Seine, c’est-à-dire à la proche banlieue, menacée par uneurbanisation rapide. Elle est aussi consul-tée sur les transformations du paysage.

La visite du 26 janvier 1927à Colombes

Le mercredi 26 janvier 1927, le rendez-vous est fixé à 14h30 à la station de cheminde fer de Colombes en provenance de lagare Saint-Lazare. L’itinéraire manuscritconservé dans les archives de laCommission du Vieux Paris indique l’hôtel

Colombes, Panorama pris du 146, rue de Nanterre, 1927 © E. Desprez, Ville de Paris

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de Courtanvaux (alors au 22, rue Saint-Denis), les vestiges d’une ancienne tourd’enceinte, sise passage Deneschiens, unemaison du XVIIIe siècle au 33, rue de Paris[avenue Henri Barbusse], disparue, unemaison au 8, rue de Paris [elle aussi dispa-rue], le passage Galilée et la rue du Fourvers l’église, qui fait l’objet d’une visite, lecimetière, un vieux moulin, 146, rue deNanterre [Gabriel Péri] qui garde des tracesdes combats de la guerre de 1870-1871, larue de la reine Henriette et le 8, rue Thomasd’Orléans (le « Petit château »), l’InstitutionJeanne d’Arc, les rues Saint-Denis et duBournard, la mairie et pour finir la visite dela deuxième tour boulevard Gambetta.

A la découverte de Colombes20

Des fiches manuscrites portent les nomset adresses des propriétaires ainsi que desmentions particulières, telles  « titres depropriété chez Me Sainte-Beuve  », «  an-cienne pension de nobles » ou simplement«  beaux vieux meubles  » pour la maison33, rue de Paris. Le dossier comporte aussiun dessin de l’itinéraire et des croquis desdeux tours et de points de vue sur l’église.Le photographe E. Desprez réalise unesérie de photographies.

Le correspondant local est l’architecteen chef du gouvernement A. Janty, pro-priétaire de l’hôtel particulier de la rue

Eglise de Colombes, vue de la rue du Four , 1927 © E. Desprez,Ville de Paris

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de Courtanvaux (alors au 22, rue Saint-Denis), les vestiges d’une ancienne tourd’enceinte, sise passage Deneschiens, unemaison du XVIIIe siècle au 33, rue de Paris[avenue Henri Barbusse], disparue, unemaison au 8, rue de Paris [elle aussi dispa-rue], le passage Galilée et la rue du Fourvers l’église, qui fait l’objet d’une visite, lecimetière, un vieux moulin, 146, rue deNanterre [Gabriel Péri] qui garde des tracesdes combats de la guerre de 1870-1871, larue de la reine Henriette et le 8, rue Thomasd’Orléans (le « Petit château »), l’InstitutionJeanne d’Arc, les rues Saint-Denis et duBournard, la mairie et pour finir la visite dela deuxième tour boulevard Gambetta.

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Des fiches manuscrites portent les nomset adresses des propriétaires ainsi que desmentions particulières, telles  « titres depropriété chez Me Sainte-Beuve  », «  an-cienne pension de nobles » ou simplement«  beaux vieux meubles  » pour la maison33, rue de Paris. Le dossier comporte aussiun dessin de l’itinéraire et des croquis desdeux tours et de points de vue sur l’église.Le photographe E. Desprez réalise unesérie de photographies.

Le correspondant local est l’architecteen chef du gouvernement A. Janty, pro-priétaire de l’hôtel particulier de la rue

Colombes, 33, rue de Paris, cour, 1927 © E. Desprez, Ville de Paris

Boiseries d’un salon de la maison Janty (ancienhôtel de Courtanvaux), 1ère moitié du XXe siècle

© D.R.

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Saint-Denis. Absent le 26 janvier, il rap-pelle dans un courrier à la Commission lesboiseries d’un salon de son hôtel particu-lier qu’il avait signalées, indiquant qu’ellesvenaient on ne sait d’où et avaient étéadaptées à la pièce, ce qui leur enlevaittout intérêt historique. D’ailleurs MadameJanty, sa mère, pensait à les vendre.

L’hôtel de Courtanvaux

L’usage conserve à l’hôtel, aujourd’hui aun° 26 de la rue Saint-Denis, le nom deCourtanvaux. L’édifice garde les traits de l’hôtel particulier classique, avec ailes en retour et tourelle d’angle. Endommagé par lebombardement du 30 mai 1942, il est trans-formé en 1948, accueillant alors trois bou-tiques en rez-de-chaussée et des logements.La propriétaire, madame Faconnet, et sonarchitecte défendent un projet de suréléva-tion du seul bâtiment sur rue, invoquant leurvolonté de ménager l’intérêt architectural decette construction du XVIIe siècle. Le réamé-nagement intérieur et la division des espacesont néanmoins porté atteinte aux escaliersd’origine et aux ouvertures.

Un touche-à-tout à l’Académie des sciencesDans une lettre à Malesherbes en 1782, Condorcet,

secrétaire perpétuel de l’Académie des Sciences,avoue son embarras à faire l’éloge de François CésarLe Tellier, marquis de Courtanvaux, dont il ne trouverien à dire sinon qu’il était mort l’année précédente.Descendant du marquis de Louvois, ministre de LouisXIV, Le Tellier avait entamé une brillante carrière mili-taire, que sa santé l’empêcha de poursuivre. Son édu-cation avait été très négligée, nous apprend Condorcet,mais son goût naturel pour les sciences le sauva.«  Elles devinrent sa seule occupation. Il s’appliquasuccessivement à l’histoire naturelle, à la chimie, à lagéographie, à la physique, aux mécaniques, à l’astro-nomie, s’y livrant avec trop peu de suite et de constan-ce pour mériter le titre d’homme vraiment profond. »Il avait eu très jeune un fils, M. de Montmirail, auquel ilavait fait donner une éducation très soignée, et quiétait entré à l’Académie des Sciences. À la mort pré-maturée du jeune homme, l’Académie lui choisit sonpère pour successeur.

Le marquis de Courtanvaux expérimenta dans sonlaboratoire de Colombes la fabrication de l’éther marinet du vinaigre radical. En 1767, il essaya pendant troismois et demi des montres marines le long des côtes deFrance et de Hollande. Pour son observatoire, où ilobserva l’éclipse de soleil du 16 août 1765, il fit réali-ser de nombreux instruments et parfois les construi-sait lui-même. Son penchant pour l’étude, sasimplicité et sa bonhomie le rapprochent de CharlesRollin. À la mode de la villégiature, il oppose un goûtexclusif pour sa retraite de Colombes.

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A la découverte de Colombes 23

Saint-Denis. Absent le 26 janvier, il rap-pelle dans un courrier à la Commission lesboiseries d’un salon de son hôtel particu-lier qu’il avait signalées, indiquant qu’ellesvenaient on ne sait d’où et avaient étéadaptées à la pièce, ce qui leur enlevaittout intérêt historique. D’ailleurs MadameJanty, sa mère, pensait à les vendre.

L’hôtel de Courtanvaux

L’usage conserve à l’hôtel, aujourd’hui aun° 26 de la rue Saint-Denis, le nom deCourtanvaux. L’édifice garde les traits de l’hôtel particulier classique, avec ailes en retour et tourelle d’angle. Endommagé par lebombardement du 30 mai 1942, il est trans-formé en 1948, accueillant alors trois bou-tiques en rez-de-chaussée et des logements.La propriétaire, madame Faconnet, et sonarchitecte défendent un projet de suréléva-tion du seul bâtiment sur rue, invoquant leurvolonté de ménager l’intérêt architectural decette construction du XVIIe siècle. Le réamé-nagement intérieur et la division des espacesont néanmoins porté atteinte aux escaliersd’origine et aux ouvertures.

L’hôtel de Courtanvaux, 1ère moitié du XXe sièclecoll. part. / © D.R.

L’hôtel de Courtanvaux aujourd’hui, 2011

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Une action en faveur de la sauvegardedu patrimoine historique

Les excursions étaient suivies d’une pré-sentation en séance, au cours de laquelledes propositions de protection au titre desMonuments historiques étaient discutées,et d’une publication dans la revue de laCommission.

Ce rôle dans la sauvegarde des édificesanciens apparaît dans des documents plustardifs du dossier de Colombes. C’est lecas d’une étude de 1942 pour conserver latour du passage Deneschiens dans le pro-jet d’aménagement du marché. La mêmeannée, Elie Debidour, inspecteur généraldes services de Protection historique etesthétique de Paris, se prononce en faveurdu maintien de l’église et de la rue duFour. Au sujet de la décision irrévocable depercement de voie, il évoque la «  pertetrès regrettable d’intérêt pour la commu-ne de Colombes qui aurait pu et dû êtremise en balance avec les intérêts de lacirculation. »

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III - Le voyage pittoresque horsde Paris

Dès le XVIIIe siècle, des auteurs se pré-occupent de signaler aux amateurs avertisles lieux à visiter. En préambule de son ou-vrage Voyage pittoresque des environs deParis, ou Description des maisons royales,châteaux et autres lieux de plaisance, si-tués à quinze lieues environ de cette ville,paru en 1779, Dézallier d’Argenville imagi-ne «  un étranger qui met les environs deParis dans ses voyages  [auquel] quatrevoyages de plusieurs jours chacun suffi-ront pour parcourir les régions fortunéesqui embellissent les environs de cetteville  ». C’est l’itinéraire au départ de laporte Saint-Honoré qui le conduit àColombes, où l’auteur recommande la visi-te du Moulin Joly dont il décrit les aména-gements en soulignant, compliment ultimeà cette époque, que «  l’art semble y avoirfait peu de chose ». Pour Colombes même,il conseille le plafond peint de Vouet dansles appartements du château. On voit à ceschoix que le voyage «  pittoresque  » resteréservé à l’élite intellectuelle et sociale del’Europe des Lumières.

Au XIXe siècle, l’esprit des publicationschange  : l’heure est aux statistiques et àl’information d’un large public. Dans sonDictionnaire historique, topographique etmilitaire de tous les environs de Paris, pu-blié en 1816, P. Saint-Aubin met en avantcomme tous ses prédécesseurs l’intérêtdes châteaux et des parcs autour de la ca-pitale, mais il insiste aussi sur les objets decuriosité que recèle le moindre hameau.Colombes ne figure pas dans la liste dessites les plus dignes de l’attention desvoyageurs. Saint-Aubin évoque le village, lechâteau, démoli en 1793, et le petit châ-teau, dont M. d’Etchegoyen venait de refai-re le parc. Il mentionne d’autres maisonsde campagne, dont celle de M. Carondelet

Colombes, tour del’ancienne enceinte,1927 © E. Desprez,Ville de Paris

Plan de l’avant-projetd’un marché, 1942

© Ville de Paris

A la découverte de Colombes

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Une action en faveur de la sauvegardedu patrimoine historique

Les excursions étaient suivies d’une pré-sentation en séance, au cours de laquelledes propositions de protection au titre desMonuments historiques étaient discutées,et d’une publication dans la revue de laCommission.

Ce rôle dans la sauvegarde des édificesanciens apparaît dans des documents plustardifs du dossier de Colombes. C’est lecas d’une étude de 1942 pour conserver latour du passage Deneschiens dans le pro-jet d’aménagement du marché. La mêmeannée, Elie Debidour, inspecteur généraldes services de Protection historique etesthétique de Paris, se prononce en faveurdu maintien de l’église et de la rue duFour. Au sujet de la décision irrévocable depercement de voie, il évoque la «  pertetrès regrettable d’intérêt pour la commu-ne de Colombes qui aurait pu et dû êtremise en balance avec les intérêts de lacirculation. »

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III - Le voyage pittoresque horsde Paris

Dès le XVIIIe siècle, des auteurs se pré-occupent de signaler aux amateurs avertisles lieux à visiter. En préambule de son ou-vrage Voyage pittoresque des environs deParis, ou Description des maisons royales,châteaux et autres lieux de plaisance, si-tués à quinze lieues environ de cette ville,paru en 1779, Dézallier d’Argenville imagi-ne «  un étranger qui met les environs deParis dans ses voyages  [auquel] quatrevoyages de plusieurs jours chacun suffi-ront pour parcourir les régions fortunéesqui embellissent les environs de cetteville  ». C’est l’itinéraire au départ de laporte Saint-Honoré qui le conduit àColombes, où l’auteur recommande la visi-te du Moulin Joly dont il décrit les aména-gements en soulignant, compliment ultimeà cette époque, que «  l’art semble y avoirfait peu de chose ». Pour Colombes même,il conseille le plafond peint de Vouet dansles appartements du château. On voit à ceschoix que le voyage «  pittoresque  » resteréservé à l’élite intellectuelle et sociale del’Europe des Lumières.

Au XIXe siècle, l’esprit des publicationschange  : l’heure est aux statistiques et àl’information d’un large public. Dans sonDictionnaire historique, topographique etmilitaire de tous les environs de Paris, pu-blié en 1816, P. Saint-Aubin met en avantcomme tous ses prédécesseurs l’intérêtdes châteaux et des parcs autour de la ca-pitale, mais il insiste aussi sur les objets decuriosité que recèle le moindre hameau.Colombes ne figure pas dans la liste dessites les plus dignes de l’attention desvoyageurs. Saint-Aubin évoque le village, lechâteau, démoli en 1793, et le petit châ-teau, dont M. d’Etchegoyen venait de refai-re le parc. Il mentionne d’autres maisonsde campagne, dont celle de M. Carondelet

A la découverte de Colombes

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Page 25: À LA DÉCOUVERTE DE - Site de la Ville de Colombes...plaquette guide colombes 18:3091940 decouverte 12/09/11 18:42 Page6 de vente de 1698, lorsque le duc d’Orléans s’en sépare

(l’hôtel de Courtanvaux) et celle de laGarenne, et l’existence d’un moulin quiporte le même nom que le village. Commeles autres auteurs avant lui, il consacre unvibrant hommage au Moulin Joly et à soncréateur Watelet. En 1816, le domaine avaitété dévasté, mais il restait encore une par-tie des bâtiments d’habitation.

Le développement des transports etl’essor du tourisme

À peine vingt ans plus tard, dans un styleplus sec, on retrouve dans l’Itinéraire desbateaux à vapeur de Paris à Rouen, desemprunts à l’abbé Lebeuf, notamment surla seigneurie de Colombes et l’exorcismecontre les vers dans les vignes. L’auteurreprend textuellement les choix et la ré-daction de Saint-Aubin, en actualisant sim-plement les noms des propriétaires,comme la maréchale Ney au petit châteauou le baron Corvisart à la Garenne. On yretrouve cité un beau moulin, à l’extrémitéorientale du village, proche de l’église.

Très vite, dès le milieu du siècle, lesvoyageurs empruntent le chemin de fer eton assiste à la floraison de guides qui indi-quent les itinéraires pour se rendre dansles différentes communes, les éléments ày voir et les tarifs pour s’y rendre. Le séjourà la campagne s’ouvre à tous et le loisir re-couvre désormais culture et détente.

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Photo 4e de couverture.Carte postale « Souvenir de Colombes », détail, début du XXe siècle.

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(l’hôtel de Courtanvaux) et celle de laGarenne, et l’existence d’un moulin quiporte le même nom que le village. Commeles autres auteurs avant lui, il consacre unvibrant hommage au Moulin Joly et à soncréateur Watelet. En 1816, le domaine avaitété dévasté, mais il restait encore une par-tie des bâtiments d’habitation.

Le développement des transports etl’essor du tourisme

À peine vingt ans plus tard, dans un styleplus sec, on retrouve dans l’Itinéraire desbateaux à vapeur de Paris à Rouen, desemprunts à l’abbé Lebeuf, notamment surla seigneurie de Colombes et l’exorcismecontre les vers dans les vignes. L’auteurreprend textuellement les choix et la ré-daction de Saint-Aubin, en actualisant sim-plement les noms des propriétaires,comme la maréchale Ney au petit châteauou le baron Corvisart à la Garenne. On yretrouve cité un beau moulin, à l’extrémitéorientale du village, proche de l’église.

Très vite, dès le milieu du siècle, lesvoyageurs empruntent le chemin de fer eton assiste à la floraison de guides qui indi-quent les itinéraires pour se rendre dansles différentes communes, les éléments ày voir et les tarifs pour s’y rendre. Le séjourà la campagne s’ouvre à tous et le loisir re-couvre désormais culture et détente.

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Cet itinéraire a été conçu et réalisé par Marie-Pascale Etchart, responsable du service Valorisation du Patrimoine

Sources et illustrations :� Archives communales de Colombes,

Séries 2 Fi (plans)� Musée municipal d’art et d’histoire de

Colombes� Commission du Vieux Paris� Archives nationales� Bibliothèque nationale - Gallica

Autres parutions :1 Les traces du passé rural (réédité)2 Au cœur du Petit-Colombes (épuisé)3 L’ancien cimetière (épuisé)4 Une architecture publique5 Quartier Europe, un patrimoine révélé

(réédité)6 Leseine frères, architectes à Colombes

(1859-1930) (réédité)7 Yves-du-Manoir, un stade en devenir8 Renouveau urbain autour du stade9 Les voies de chemin de fer10 Au fil de la Seine11 Les coulisses de la culture à Colombes12 Autour du Clos Gallé13 Au carrefour du Petit-Colombes à l’aube

du XXIe siècle14 L’écrin de la Petite-Garenne15 Hoche-Hugo, les fastes de l’architecture

190016 Empreintes illustres dans l’espace public

Photo 4e de couverture.Carte postale « Souvenir de Colombes », détail, début du XXe siècle.

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