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Revue départementale d’Histoire Sociale Automne 20 Numéro 4 - 7e Le fil rouge Histoire des luttes des constructeurs de ponts de la CFEM à Rouen Retour sur « Un homme marche dans la ville » Marcel Daragon Une vie marquée par la disparition du père pendant la guerre 39/45 Elément de plateforme de forage pétrolier en mer du Nord, réalisé par les travailleurs de la CFEM à Rouen (photo IHS CGT 76) p 4 à 12 p 13 à 15 p 16 à 18

« Le fil rouge » page Le fil rouge Revue départementale d ... · « Le fil rouge » n° 41, Automne 2011, page 4 Histoire & luttes des constructeurs de ponts de la CFEM à Rouen

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« Le fil rouge » n° 41, Automne 2011, page �

Revue départementaled’Histoire Sociale

Automne 20��Numéro 4� - 7e

Le fil rouge

Histoire des luttes

des constructeurs de ponts de la CFEM

à Rouen

Retour sur « Un homme marche dans

la ville »

Marcel Daragon

Une vie marquée par la disparition du père pendant la guerre 39/45

Elément de plateforme de forage pétrolier en mer du Nord,réalisé par les travailleurs de la CFEM à Rouen (photo IHS CGT 76)

p 4 à 12 p 13 à 15 p 16 à 18

Nous avons reçu le n° 118 des

A noter à son sommaire

1. Le billet de l’IHS2. La vie des IHS3. Dossier : La CGT, l’action syndicale,

le changement (1978-1984)4. Images : Halte à la vie chère5. Actualité : « L’Internationale », un chant, des luttes6. En débat : le temps de travail, un

enjeu de classes7. Société : Jules Bonnot, apache ou

révolutionnaire ?8. Livres

Soutenez votre institut et

Le fil rougeVoici plus de neuf mois que l’année est commencée ; retardataires, n’oubliez pas de renouveler votre adhésion !Notre Institut CGT d’Histoire Sociale de Seine-Maritime, association loi 1901, vit pour l’essentiel des moyens provenant des cotisations annuelles de ses adhérents, et du dévouement de ses historiens bénévoles.Vous appréciez notre travail ? Aidez-nous à faire connaître « Le fil rouge », faites adhérer vos amis, votre syndicat, votre association, votre Comité d’Entreprise, votre municipalité, votre bibliothèque, etc.

Merci de régler rapidement votre cotisation !

(voir tarifs page 21).

Préfacé par Pierre Truche et Stéphane Hessel ( Il faut du courage pour affron-ter la lecture de ce livre »), cet ouvrage veut effacer l’oubli dans lequel ce camp de concentration et ses Kommandos avaient été tenus. Il reçut pourtant �06 000 hommes et femmes de toutes nationalités (�� 500 Français), dont les deux tiers ne sont pas revenus. Janine Grassin l’explique : « Pour ceux qui sont revenus, le choc de la déportation a été si violent qu’ils n’ont jamais pu parler. » En outre, des déportés survivants avaient été évacués, le camp nettoyé par les SS avant que les Britanniques le libèrent, le 5 mai �945. L’Amicale de Neuengamme a réuni des écrits, des récits ; dans ce recueil, où des centaines de photos, ta-bleaux, cartes et plans informent le lec-teur, tout est authentique. C’est un livre d’histoire, en ce sens qu’il débute par un préambule scandant l’entre-deux-guer-res de l’Allemagne : �9�9, �933, �939. Par la main-mise de la SS (Schutzstaffel, « échelon de protection ») sur les camps de concentration, Neuengamme près de Hambourg, dans une boucle de l’Elbe, s’étend sur plus de cinquante hectares. Quatre-vingt Kommandos en dépendent. Les détenus sont occupés à extraire la glaise pour une briqueterie, combler les marais, décharger les péniches et travailler dans les usines d’armement et de constructions navales. Une partie

est consacrée à la SS comme centre de pouvoir, organe d’assujettissement de la nation allemande, puissance militaire et source d’enrichissement puisqu’elle gère des dizaines d’entreprises dont dépen-dent plus de cinquante usines.

Les premiers arrivants sont des Alle-mands : des condamnés de droit commun et, volontairement mêlés à eux, des mili-tants des partis et syndicats, des croyants qui dénoncent l’inhumanité du nazisme.

Un chapitre est consacré à la démogra-phie des détenus (sexe, nationalité), à la cohabitation conflictuelle des nationali-tés et comprend, pour les Français, une étude par régions. Cette partie est ponc-tuée par les témoignages des prisonniers : l’arrivée, l’« installation », la journée de travail forcé, la faim, le Revier (infir-merie), les méthodes de répression, de déshumanisation et d’extermination. Des faits d’expérience médicale (injection du bacille de la tuberculose) sont rapportés. Mais également la solidarité, la prise de conscience collective, la résistance, les sabotages. Un index des noms de person-nes et de lieux complète ce chapitre. La dernière partie est consacrée aux tragiques événements qui, à partir de mars �945, entraînent la fin dramatique des Kommandos extérieurs et du camp central, marquée par des tueries dans les convois, l’embarquement le 2� avril des rescapés sur des navires dont le naufrage avait été programmé par les SS - navi-res qui sont bombardés le 3 mai par les Alliés, ignorant la présence de déportés, et coulés dans la mer Baltique2. C’est une tragédie mondiale méconnue qui fit 7 000 morts. On ne sort pas indemne de la lecture de cet ouvrage décrivant le quotidien des déportés et donnant une idée effrayante du système mis en place par l’extrême droite nazie.

2011

�. NEUENGAMME, CAMP DE CONCENTRATION NAZI ; LES FRANÇAIS A NEUENGAMME sous la direction de Jean-Pierre Brossard. Editions Tirésias, 20�0, 600 pages , 33 e

2. André Duroméa qui nous a quittés le �6 mars dernier, dont nous faisons la nécrologie page �5, était de ceux-là.

Les tragédies du camp oublié de Neuengamme 1

par Pierre Largesse

« Le fil rouge » n° 41, Automne 2011, page 3

Sommaire

Page 2 : Lestragédiesducampoubliéde

NeuengammePar P. Largesse

Page 3 : Editorial Par G. Wurcker

Pages 4 à �2 : Histoires&luttesdes

constructeursdespontsàRouenPar J.-P. Pique, D. Vallet, S. Laloyer

Pages �3 à �5 : Retoursur«L’hommemarche

danslaville» Par M.-P. Dhaille-Hervieu

Page �5 : AndréDuroméa,undesnôtres

Par J. Defortescu

Pages �6 à �8 : Portraitdemilitantssyndicaux:

MarcelDaragonPar J. Defortescu

Pages �9 et 20 : DeClécyàDives,petitehistoirede

lacoordinationdesC.E.

Page 2� : Bulletind’abonnement

etd’adhésion

Pages 22 et 23 : Compterendudel’Assemblée Généraledel’IHSCGT76.

Par R. Privat

Page 24 : PartenariatTLC

Le fil rougeN° 41 - 14ème année, édité par l’IHS-CGT 76Tél. 02 35 58 88 60Courriel : [email protected]

Ont participé à la rédaction : J.-P. PIque, D. Valet, S. Laloyer, M.-P. Dhaille-Hervieu, J. Defortescu, Pierre Largesse, R. Privat.

Mise en page : SNEIP.Numéro d’émetteur : 522992.

Imprimerie SNEIP29, rue de la Grande Epine76808 Saint-Etienne du Rouvray CedexTél. 02 32 91 71 41 - Fax 02 35 66 52 [email protected] - www.sneip.fr

Editorial

LacriseàbondosPar Guy Wurcker

Au nom magique de la crise, les peuples européens subissent un formidable pillage des Etats.Les organismes financiers accaparent des ressources financières par l’intérêt des emprunts contractés, par la privatisation des services publics et des biens nationaux comme les biens culturels en Grèce au profit des actionnaires des multinationales et des banques.La responsable de cette situation, selon les gouvernants et les médias à leur service, serait « la crise ! ».Cette crise qui justifierait le renflouement de ces banques qui participent au pillage, mettent en cessation de paiement l’Irlande, la Grèce, le Portugal, l’Espagne, l’Italie et d’autres pays à venir.Cette crise qui serait la cause du manque de croissance, de la montée du chômage et de la remise en cause des acquis sociaux et des libertés collectives.La réalité est plus simple, la cause de ces maux dont souffrent les peuples et leurs finances publiques c’est justement l’insuffisance de pouvoir d’achat des rémunérations, les 80 millions d’européens contraints de vivre en dessous du seuil de pauvreté. C’est la réduction des effectifs dans les services publics, la délocalisation des industries de main d’œuvre vers des pays où la force de travail est moins bien rémunérée.Ce sont les cadeaux fiscaux faits au patronat et qui n’ont cessé de se multiplier ces trente dernières années en France comme dans d’autres pays.C’est la main-mise des instances européennes sur des prérogatives nationales, qui captent les pouvoirs des citoyens et des parlements et qui favorise la concurrence entre producteurs au profit des multinationales comme dans l’agriculture et la pêche.Ce sont ces politiques qui amputent les budgets des Etats de nombreuses ressources.La Haute-Normandie, comme toutes les autres régions, n’échappe pas aux conséquences de cette politique. Depuis plus d’un siècle, elle a tiré sa richesse de son industrie, du commerce maritime et de son agriculture comme nous l’avons montré dans plusieurs numéros du « Fil Rouge ».La recherche du profit immédiat, de la rentabilité financière au détriment de l’investissement productif a privé notre région d’une partie de ses atouts comme la construction navale, les constructions mécaniques, le textile, avec pour conséquences plus de �00 000 personnes à la recherche d’un emploi et un nombre croissant de la population ayant recours à l’aide humanitaire.En Europe, en France, en Haute-Normandie les motifs d’indignation ne manquent pas et donnent des raisons de se révolter.Si les luttes populaires ne font pas obstacles à cette politique, les peuples subiront un système invivable où tout (emploi, santé, éducation, vie civique) sera devenu sans garantie.Sinon ne survivront que les choix qu’imposent les stratégies de recherche du profit financier.

« Le fil rouge » n° 41, Automne 2011, page 4

Histoire & luttes des constructeurs de ponts

de la CFEM à RouenPar Jean-Pierre Pique, Daniel Valet

et Serge Laloyer

LaMETRO…LaCFE…LaCFEM

Issue d’une entreprise fondée à Nantes en �855 et re-prise en �898 par Dubois Père, les anciens Etablisse-ments Léon Dubois créèrent la société anonyme « En-treprises Métropolitaines et Coloniales » d’où le nom que beaucoup d’ouvriers de Rouen et sa région appe-laient communément « la Métro ». La CFE (Compag-nie Française d’Entreprises) fut, elle, créée en �925, toujours dirigée par Léon Dubois, ��, quai de France à Rouen. La Métro perdure dans le langage, même de nos jours, alors que l’entreprise est en partie rasée !

Plusieurs entreprises de constructions métalliques sur le territoire français contribuèrent à former la Com-pagnie Française d’Entreprises Métalliques (CFEM) en �966. Parmi les plus connues : les anciens établisse-ments Eiffel, Eiffel Baudet Donon Roussel Construc-tions Métalliques.

CFEM devient EIFFEL CONSTRUCTION METAL-LIQUE en �989. Elle a pris l’appellation EIFFAGE. Il est symbolique de voir, à portée de l’autoroute du Massif Central et à une heure d’intervalle, le viaduc de Garabit, œuvre de la société Eiffel livrée en �884, et le viaduc de Millau ouvert en 2004, œuvre de la société Eiffage, un des plus imposants ouvrages d’art au début du XXIème siècle.

Il est anecdotique, également, que pour accéder au pont Flaubert à Rouen, les ateliers de la CFEM (fermés depuis �980) furent rasés en partie ! La CFEM était spécialisée aussi bien dans la chaudronnerie lourde, la charpente légère et lourde, la construction de ponts, de constructions industrielles, matériel off-shore, élé-ments de centrales nucléaires, aéroréfrigérants.

La CFEM était répartie sur 8 usines dans la France, d’où un effectif total en �975 de 3 800 salariés. A Rouen, nous étions 492 sans compter, dans les effec-tifs, près d’une centaine d’emplois intérimaires. Le siège social se situait à Paris (�6ème).

Dans les ateliers, différents métiers comme les chaudronniers, les soudeurs, les forgerons, les dé-

coupeurs, les riveteurs, les chanfreineurs, les élec-triciens, tourneurs, ajusteurs, les pontonniers, les monteurs en charpente métallique, les échafaudeurs, travaillaient dans un bruit assourdissant des marteaux, des chalumeaux, des meuleuses, des engins pneuma-tiques et dans les fumées dégagées par les assemblages par soudure électrique, même si celles-ci furent assez efficacement aspirées par ventilateurs électriques.

Des travailleurs qualifiés de toutes nationalités fréquentaient les ateliers. Du Maghreb, des Algériens, Tunisiens et Marocains ; de l’Afrique, des Maliens et des Sénégalais ; de l’Europe, des Allemands, des Yougoslaves, des Russes, des Turcs, des Italiens, des Tchèques, des Portugais et aussi des Espagnols dont plusieurs s’étaient engagés dans les Brigades Inter-nationales, en �936, pour combattre le franquisme, puis dans la résistance française face aux nazis. L’un d’entre eux fut déporté à Buchenwald. Jamais, il n’y eut d’actes de racisme ou de xénophobie envers ces travailleurs par leurs collègues ou par la direction.

Dans les bureaux, les ingénieurs, dessinateurs, tra-ceurs, comptables, secrétaires et directeurs vaquaient à leurs occupations respectives.

Dans les ateliers de Rouen, Lauterbourg (Bas-Rhin) et Fos-sur-Mer (Bouches du Rhône) se fabriquaient les grosses pièces de chaudronnerie lourde ; à Blanc-Misseron (Nord) et Maizières-lès-Metz (Moselle) la charpente métallique ; à Nantes-Couëron (Loire- Atlantique), la menuiserie métallique ; Dunkerque, le chantier COMENORD où furent assemblés les ou-vrages de plates-formes pétrolières. Des grands chan-tiers d’assemblage furent répartis sur l’ensemble du territoire français et même à l’étranger comme en Tur-quie et en URSS.

Parmi les nombreuses réalisations de la CFEM de Rouen, les plus connues sont tous les ponts de Rouen (sauf le pont Boieldieu et le pont Flaubert), le pont de Tancarville, le pont de St-Nazaire ; à Paris, les ponts de l’Alma et de Grenelle, la tour Montparnasse, les Halles, la Pyramide du Louvre ; l’Ecluse François �er au Havre, tous les autoponts en France ; pour l’étranger, des plates-formes d’exploitation de pétrole pour Elf, Total, Mobil, Shell ; une usine de déssalement d’eau de mer pour le Koweït ; des aéroréfrigérants pour les raffineries de pétrole ; une commande importante de grues pour l’URSS ; le renforcement de la flèche de la cathédrale de Rouen, etc.

Les travailleurs de cette usine ont été de toutes les luttes de la métallurgie :

- en �964, pour la suppression du travail au boni, - en �967, pour la défense de la Sécurité Sociale con-tre les ordonnances du gouvernement gaulliste suppri-

LesluttessyndicalesenSeine-Maritime

« Le fil rouge » n° 41, Automne 2011, page 5

mant les élections des conseils d’administration des caisses- en �968, l’usine sera en grève et occupée dès le �7 mai.

Laquestiondessalairesestposée.

Le �8 mars �974, au cours d’une réunion avec les dé-légués du personnel, la direction de l’usine précise ses intentions. Elle rappelle qu’en �973, des hausses de salaire ont été possibles ainsi qu’un programme de ré-duction du temps de travail sans perte de salaire.

La situation est différente pour �974, une incertitude existe, concernant l’évolution du coût de la vie, « nous pouvons garantir une augmentation des salaires de 2% pour l’année, l’indemnité de vie chère, de 200 francs réclamée par le syndicat, est rejetée ».

Il est nécessaire de rappeler l’importance de cette prime que les délégués du personnel justifient du fait d’une inflation de �3%.

Dans l’année �973, les bénéfices nets déclarés par la CFEM étaient de �,5 milliard de francs, ce qui mon-trait les possibilités financières de satisfaire cette re-vendication.

Les délégués se verront refuser le retour à la semaine de 40 heures hebdomadaires pour l’ensemble du per-sonnel, mais une avancée est faite pour les ouvriers de plus de 60 ans, les femmes, les anciens déportés, in-ternés, résistants âgés de plus de 55 ans car ils auront un horaire de 40 heures par semaine.

C’est une revendication qui n’avait pas abouti dans les commissions paritaires de la convention collective de la métallurgie régionale.

Le retour aux 40 heures pour tous était rejeté par le patronat de la métallurgie qui évoquait l’impossibilité pour les entreprises d’assurer les commandes en tra-vaillant sur cette base horaire hebdomadaire pour les ouvriers.

Les statistiques officielles démontraient que, depuis �960, le taux de croissance annuel de la productivité était de 3,5% toutes industries confondues.

A la CFEM, comme dans toutes les entreprises, le pa-tronat ne désespérait pas de reprendre ce qui avait été acquis en mai et juin �968, mais il savait qu’il devait composer avec la combativité des travailleurs.

Les multiples débrayages contraignaient la direction à accepter la satisfaction de revendications, telles les revalorisations de primes et indemnités liées aux con-ditions de travail, de départ en retraite, d’ancienneté.

17avril1974:journéedeluttedanslamétallurgie.

La journée est marquée par les arrêts de travail répon-dant ainsi à un appel de l’Union Syndicale CGT des Métallurgistes de Seine-Maritime.

L’objectif est d’obtenir de véritables négociations au niveau des entreprises et de la Chambre Patronale de la métallurgie régionale.

A Rouen, un millier de métallos manifestent et se ren-dent à la Chambre Patronale, il en est de même au Havre.

A la CFEM, depuis le 26 mars, les travailleurs multi-plient les formes de lutte : pétitions, débrayages afin de gagner une augmentation des salaires correspon-dant à la perte de leur pouvoir d’achat et diverses re-vendications restées en suspens depuis un an.

Forts de leur participation à la journée de lutte du �7 avril et sans réponse de la Direction, les ouvriers, avec leur syndicat CGT, décident de se mettre en grève et de bloquer les issues de l’usine ; ce qui a pour con-séquence de bloquer la livraison, par un navire, d’une pièce de �90 tonnes destinée à une plateforme de for-age pétrolier acheminée à Dunkerque où elle serait as-semblée à d’autres éléments.

Le �8 avril �974, la journée d’action va se pour-suivre dans plusieurs entreprises de la métallurgie. Les travailleurs des Chantiers de Normandie à Grand-Quevilly sont en grève ; vers �5h30 ce jour-là une dé-légation viendra assurer de son soutien, les grévistes de la CFEM.

Le syndicat CGT de la CFEM rappelle dans un com-muniqué les raisons qui justifient cette grève et le re-fus de la Direction de négocier.Ils exigent :- l’augmentation du pouvoir d’achat de 4% basée sur l’indice des prix calculé par la CGT,

Septembre1979-Rouen:occupationdelamairie(collectionG.Gauthier)

« Le fil rouge » n° 41, Automne 2011, page 6

- un réel �3ème mois,- une prime de vacances de 900 francs pour tous,- la 5ème semaine de congés payés,- le retour aux 40 heures de travail hebdomadaire sans perte de salaire,- l’aménagement de la grille des salaires.

Devant le refus d’ouvrir des négociations, le person-nel effectue chaque jour des débrayages de deux fois une demi-heure et manifeste dans l’usine.

Plutôt que négocier, la Direction de la CFEM va durcir la situation.

Larépressionprendlepassurlanégociation.

Le 23 avril, la Direction Générale de la CFEM, qui est confrontée à des arrêts de travail sur les autres sites en France, déclare : « Les négociations sont rompues de votre fait. Rentrez d’abord dans la légalité ». Les délégués CGT font remarquer que les négociations ne peuvent pas être rompues vu qu’elles n’ont jamais été engagées.

Le même jour, dix militants CGT sont cités devant le tribunal de grande instance de Rouen par la CFEM pour entrave à la liberté du travail et à l’enlèvement du matériel. Le tribunal a jugé « qu’il y avait atteinte au droit du travail et au droit de la propriété » et que, dans un délai de 24h, il serait possible de faire appel à la force publique.

Informés de cette condamnation, les travailleurs dé-cident de renforcer le blocage des portes de l’usine. Pour soutenir la lutte, l’Union Syndicale de la Métal-lurgie CGT (USTM) appelle à un meeting de soutien le 24 avril devant l’usine.

Les 400 salariés de la CFEM de Rouen ne sont pas seuls dans ce bras de fer : des débrayages se produ-isent quotidiennement à la CFEM de Fos-sur-Mer et de Saint-Nazaire.

Ce mercredi 23 avril, à l’heure de la convocation des militants devant le tribunal, un rassemblement de mil-itants et de syndiqués CGT d’autre usines de la métal-lurgie est organisé pour assurer de leur solidarité les délégués de la CFEM.

Dès le jeudi 24 avril, l’usine est entièrement occupée par les travailleurs.

Un meeting est organisé à l’appel de l’Union Locale CGT de Rouen et rassemblera un millier de salariés ; la CFDT s’y est associée. Le syndicat CGT annonce qu’il a demandé audience à �5h à Jean Lecanuet, maire de Rouen et Ministre de la Justice.

Le dimanche sera consacré à une visite des ateliers par les familles des salariés. Le �er mai sera marqué par la présence des métallos en tête de la manifestation.

L’après-midi les grévistes ont envoyé une équipe de football à la fête organisée par la CGT au stade de Ma-romme. Ensuite, 300 personnes dansent dans un bal organisé dans l’usine.

L’objectif de toutes ces manifestations est de rendre la grève populaire dans la ville, la rendre active dans l’usine et solidaire parmi les travailleurs d’autres cor-porations.

Lasituationesttoujoursbloquée

Voilà cinq semaines que les travailleurs occupent l’usine ! Jeudi 29 avril, la CGT organise un meeting à 6h30 du matin devant les portes de la CFEM pour les salariés des entreprises de l’agglomération. Huit cents participants écoutent le secrétaire de l’USTM, Jean-Jacques Heude, qui demande « Où veut en venir la Direction ? Le coût de la grève est plusieurs fois supérieur au coût des revendications exprimées par le personnel ».

Les syndicats CGT du Port de Rouen ont précisé dans un communiqué reproduit par la presse qu’ils étaient intervenus auprès du Préfet pour lui demander de fa-voriser l’ouverture des négociations et qu’ils apport-eront leur soutien aux travailleurs de la CFEM.

L’opposition à la grève se manifeste par la voix de la CGC qui dénonce la grève, les soutiens des autres en-treprises et appelle le personnel désirant « reprendre le travail » à se réunir devant l’usine.

La Fédération des syndicats patronaux rappelle qu’elle n’a pas qualité pour négocier dans un conflit interne à une entreprise, mais approuve la condamnation des grévistes.

Il y a là rien d’étonnant. Après la grève de mai-juin �968, la Fédération Régionale du Patronat (CNPF) avait transmis aux directions d’entreprise un docu-ment analysant la grève de �968 et leur avait donné quelques consignes dans lesquelles, à propos des oc-cupations d’entreprises, elle propose :

« Si la majorité veut reprendre le travail et que la minorité s’y oppose, l’intervention de policiers en uniforme risque de faire passer aux côtés des grév-istes un certain nombre de non grévistes, de faire bas-culer la majorité et de conduire à une impasse. Par contre, l’intervention personnelle d’un Commissaire de Police en civil peut permettre la réouverture de l’établissement ».

La CGC n’ignorait pas cette position patronale, mais elle n’a pas réussi à convaincre les non grévistes à forcer le piquet de grève. Alors elle décide le 29 mai d’ouvrir le dialogue avec la CGT pour aboutir à un rè-glement du conflit en demandant à la Direction qu’une discussion soit rapidement ouverte avec les élus CGT et CGC.

« Le fil rouge » n° 41, Automne 2011, page 7

Les ouvriers sont toujours en grève, et l’usine toujours occupée. Vers la fin du mois de mai un cargo est amar-ré face à l’usine pour prendre possession de la pièce.

Mais toujours pas de négociation avec les patrons. La pièce de �90 tonnes (« le trésor de guerre ») est toujours retenue à l’intérieur, dans le grand hall de l’usine.

LaDirectionprendl’initiatived’uneconsultation.

Le 3 juin, à l’initiative de la Direction, un vote à bul-letin secret « pour ou contre » la reprise du travail est organisé dans les locaux de la Société Industrielle, place de la Cathédrale. Seulement 255 salariés ont participé et se sont prononcés pour la reprise du tra-vail. Le Directeur de l’usine considère que la majorité du personnel est pour reprendre le travail. Ce n’est pas une majorité déclare la CGT.

Le 4 juin, la CGT tient meeting suivi d’une manifesta-tion jusqu’à la Direction Départementale du Travail ; elle est reçue par le Directeur et elle réaffirme sa volo-nté de négocier. Le Directeur répond que selon une affirmation de la Direction de la CFEM, le coût du conflit serait de 8 à 9 millions de francs.

La CGT estime que cette somme permettrait de satis-faire plusieurs fois les revendications du personnel.

Au cours de la journée, les travailleurs ont pris con-naissance des discussions avec la Direction Générale de la CFEM qui se traduit par un refus catégorique à tout compromis acceptable.

Devant ce refus, le syndicat CGT appelle à renforcer la cohésion du personnel, à s’opposer aux manœuvres de division de la Direction. Il rappelle que les revendi-cations concernent les OS, les ouvriers professionnels, les employés et les agents de maîtrise et déclare que le patron multiplie les provocations depuis deux mois :

- �0 militants CGT traduits en justice,- lettres de menace adressées aux femmes des ouvri-ers,- refus de régler les salaires d’avril,- refus de payer leur allocation aux préretraités.

Lapolicefaitévacuerl’usine.Le �0 juin, les forces de police interviennent pour chasser les travailleurs de l’usine.

La réaction ne se fait pas attendre : des débrayages se produisent dans les entreprises de la zone portuaire et le port est pratiquement paralysé toute la journée.

Une manifestation de 2 000 participants se déroulera, quelques heures après l’intervention policière, exi-geant le retrait de la police. De leur côté, les élus com-munistes et socialistes,

l’UR CFDT et l’UD-CGT interviennent auprès du

10juin1975-Rouen:lesforcesdepoliceoccupentl’usine(photoG.Bloncourt).

« Le fil rouge » n° 41, Automne 2011, page 8

Préfet pour exiger le retrait de ses troupes qui, depuis le matin sont face à face avec les manifestants.

L’objectif de la Direction est de faire partir la pièce de �90 tonnes dans la nuit.

Les grutiers du port amènent sur le lieu d’embarquement deux grues disposées, de façon à gêner le charge-ment.

Sous la protection des forces de police, la pièce est amenée au quai de chargement où un « commando » venu de Hollande, prépare le levage. Toute la nuit, il sera retardé dans sa manœuvre par les militants CGT et les travailleurs de l’usine.

Le matin du �� juin à 7 heures, les dockers, les per-sonnels du Port de Rouen se mettent en grève et vien-nent donner main forte aux travailleurs de la CFEM et empêcher le chargement. Ils sont plus de 2 000 à exiger le départ des forces de l’ordre et du « com-mando ». Celui-ci quittera les quais. La Direction Gé-nérale ouvrira en fin de matinée les négociations, la pièce de �90 T et le cargo resteront sur place jusqu’à la fin des négociations.

Lesacquisdelagrève

En fin de journée, les négociateurs de la CGT annon-cent le résultat des discussions : - Les salaires seront augmentés de 4% au �er avril, �% au �er mai ce qui fait 8,5% depuis le �/�/75.- une prime de 200 F est accordée,- le paiement des 3 jours fériés de mai,- le paiement du pont de l’Ascension du 9 mai, bien que l’usine fût en grève,- le paiement de 4 heures d’information syndicale,- une avance de � 200 francs remboursable en 6 fois à partir du mois de septembre,- la grille des salaires est modifiée : suppression de la catégorie OS2, 2ème échelon coefficient �48,- une prime de fin d’année correspondant à un �3ème

mois sera versée,- la prime de vacances passera de 550 F à 700 F,- les primes et indemnités diverses seront majorées de �8%,- la programmation du retour aux 40 heures hebdoma-daires sans perte de salaire est établie de la façon sui-vante : �er avril : 4�h50, �er novembre : 4�h, �er juillet �976 : 40h50, �er janvier �977 : 40h ,- pour les jeunes de retour du service militaire, la prime de 500 F est revalorisée à 600 F,- le prêt fait aux jeunes ménages est porté à 3 500 F au lieu de 2 000 F et remboursable sans intérêt en 2 ans,- les congés d’ancienneté sont de � jour/an pour �0 ans et à 5 jours/an pour 30 ans d’ancienneté à l’entreprise,- les travailleurs immigrés bénéficieront d’un congé sans solde de � an s’ils le souhaitent.

Avec le soutien de l’ensemble des organisations de la CGT de l’agglomération rouennaise, des élus et des municipalités d’Union de la Gauche, des métallos, des cheminots, d’EDF-GDF, des dockers et des person-nels du Port Autonome de Rouen, d’autres corpora-tions, les travailleurs de la CFEM ont gagné sur leurs revendications et ont contraint le Patron à retirer les plaintes contre les �0 militants CGT.

Leprétextedeladétériorationdumarchédel’offshore

Le �0 août �976, le Président Directeur Général de la CFEM, Monsieur Henri Deschênes, annonce au Comité Central d’Entreprise l’éventualité du licencie-ment de 204 salariés et la réduction, à compter du �6 août, de la durée hebdomadaire du travail de 40h30 à 32 heures.

Les raisons évoquées sont que les Ateliers de Rouen sont spécialisés dans la construction de plateformes de recherche pétrolière utilisées en Mer du Nord. Or, les compagnies pétrolières ont arrêté leurs commandes de nouvelles plateformes.

Les gouvernements britannique et norvégien ont dé-cidé que dorénavant le matériel sera construit par leurs entreprises nationales. Des entreprises françaises (ETPM, Seatanks) se sont associées à des entrepris-es de ces pays, mais pas la CFEM selon le quotidien « Les Echos » du �0 août �976.

Ce même journal explique que la construction des ponts métalliques (une spécialité de l’usine de Rouen) est battue en brèche par la construction de ponts en béton précontraint.

Le20août,lessyndicatsorganisentlariposte

Un meeting avec arrêt de travail est organisé. Jacky Frémont, de la CGT, rappelle que les délégués ont rencontré une nouvelle fois la Direction pour la faire revenir sur sa décision, mais sans succès et la prévenir qu’une délégation se rendra chez le Premier Ministre pour demander le déblocage des crédits nécessaires à la construction du cinquième pont de Rouen dont la réalisation devrait être confiée à la CFEM qui a déjà construit trois des quatre ponts de la ville.

Cette construction permettrait de maintenir les effec-tifs et d’éviter les licenciements.

De son côté M. Jérôme, délégué CGC, favorable pour une rencontre avec les élus politiques, déclare : « Nous ne voulons laisser échapper aucune chance, si minime soit-elle, de faire annuler ou réduire les licenciements et retrouver un horaire normal ».

Le 2� août les délégués syndicaux sont reçus au Con-

« Le fil rouge » n° 41, Automne 2011, page 9

seil Général par Félix Jauneau, adjoint de Jean Lecan-uet, maire de Rouen, qui se contentera de dire : « Nous ne voulons pas que sur la place de Rouen se produise le moins possible de coups durs tel celui qui s’abat sur vous » ???Roland Leroy, député communiste de Rouen, vient rendre compte de son intervention auprès du Préfet et des Ministère du Travail et de l’Industrie et fait part des propositions qu’il a formulées: - la mise en place d’une concertation entre les syndi-cats de la CFEM, les représentants du gouvernement et lui-même, dans le but d’examiner les possibilités de relance de l’activité ,- l’augmentation des crédits accordés à la recherche pétrolière,- le déblocage des crédits pour le 5ème pont de Rouen,- une action pour que le marché de la construction de plateformes offshore pour la société Elf France soit attribuée à la CFEM.

De son côté, la Direction de la CFEM se déclare « vic-time de la crise et cherche à diversifier sa production par des travaux de chaudronnerie mais, vu les salaires élevés et l’importance des charges para sociales, ce n’est pas facile ».

La réalité est tout autre : le prix de l’heure de travail à l’usine de Fos est de �34 F alors qu’à Rouen elle est de 93 F.

Pour la CGT, on brade l’économieLes élus CGT rappellent que depuis �974, ils ont attiré l’attention de la Direction sur les orientations prises. En jouant uniquement la carte de l’offshore au détri-ment du marché du nucléaire, dans le but de réaliser rapidement des profits importants, la CFEM a vendu des licences de fabrication de matériel pour la recher-che pétrolière à la Grande Bretagne et à la Norvège.

Aujourd’hui ce sont des entreprises de ces pays qui remportent les marchés.

La Direction Générale se défausse sur le gouvernement en déclarant que celui-ci a fait son choix et retenu un autre groupe pour la centrale thermo nucléaire de Tri-castin ; la CFEM a quand même obtenu au niveau na-tional, la partie chaudronnerie mais ce sont les usines de Fos et de Lauterbourg qui feront ce travail.

Concernant la vente de licences de fabrication, elle avoue avoir récupéré de l’argent et que ces pays au-raient acheté ces licences ailleurs et déclare prospecter en URSS, mais sans succès.

Cette déclaration amène la CGT à montrer que les di-rigeants et le gouvernement font peu de cas des tra-vailleurs et de leurs familles qui ont pourtant fait la richesse de l’entreprise.

Le bilan de �969 laissait apparaître un profit de � 45� F par salarié, en �975 il passe à �� 950 F par salarié.

La bataille des déclarations va se poursuivre. Le Pré-sident de la CFEM, Mr Deschênes, déclare le 5 août �976, au journal Paris-Normandie, que le carnet de commande ne permet d’alimenter qu’à 50% de sa ca-pacité de production l’usine de Rouen et qu’aucune amélioration ne se profile pour �977.

La construction du 5ème pont de Rouen par la CFEM est acquise auprès du gouvernement, ce qui est à mettre au crédit des salariés, des élus communistes, des or-ganisations syndicales et non de la Direction nationale de la CFEM.

Mais les milliers d’heures de travail nécessaires à la construction du pont ne suffiront pas à assurer l’emploi de l’ensemble du personnel.

Pour les syndicats, il y a nécessité de poursuivre le combat pour obliger la Direction à trouver de nou-veaux travaux.

Rouen:InaugurationduPontMathilde(CollectionG.Gauthier).

Degaucheàdroite:SergeLaloyer,JeanMalvasio,MarcelLamy,ColettePrivat,RolandLeroy.

« Le fil rouge » n° 41, Automne 2011, page �0

Laripostedestravailleurs

Sans attendre, les syndicats CGT – CGC – CFTC or-ganisent la riposte par des démarches auprès des pou-voirs publics. De son côté, la CGT organise des ac-tions à l’extérieur de l’usine pour faire connaître la situation de l’emploi et populariser la lutte.

Une partie des travailleurs est au chômage partiel. En �978, la Direction confirme sa décision de ne plus as-surer plus de 30 000 heures de travail par mois.

Après un an de sursis par l’application d’un régime de chômage pour 204 salariés et d’un régime de chômage partiel pour 285 autres, la Direction envisage �26 li-cenciements et 20 heures de travail hebdomadaire. Elle fait la proposition d’une réduction de 27% de tous les salaires.

La Direction s’acharne à vouloir fermer l’usine de Rouen plutôt que de chercher des commandes.

La CGT rejette la proposition patronale, la CGC déclare « Qu’au-delà de l’aspect social, en aucun cas il ne faut fermer cet établissement qui est aussi rent-able que les autres de la CFEM ».

L’annoncedelafermeturedel’usine.

Août �979, la Direction Générale annonce la ferme-ture de l’usine de Rouen, le licenciement du personnel et le transfert des travaux exécutés vers d’autres sites. Les aéroréfrigérants à l’usine de Blanc-Misseron, les ensembles chaudronnés de moins de 240 tonnes à l’usine de Lauterbourg ou à Fos-sur-Mer. Le coût de l’opération s’élève à �2,5 millions de francs.

Sans attendre, la CGT organise l’action, les travail-leurs au chômage sont invités à venir à l’usine pour protéger l’outil de travail.

Le �4 septembre, une délégation se rend au Ministère de l’Industrie, accompagnée de Roland Leroy, dépu-té communiste. Le �7, elle se rend au auprès de l’Inspection du travail, le �9, des ouvriers occupent la Chambre de commerce, une soixantaine d’ouvriers paralysent le trafic ferroviaire pendant plus d’une heure. Le 28, se tient une réunion de la Commission Régionale de l’emploi.

En soutien à ces démarches, les travailleurs vont mul-tiplier les manifestations dans Rouen, soutenues par

les organisations de la CGT.

C’est l’Union Locale CGT de Rouen qui, dans un tract, appelle les salariés des autres professions à soutenir la CFEM et à arrêter le bras destructeur du patronat et du gouvernement.

Laprovocationpolicièredu2octobre1979

Pour populariser leurs luttes, les militants CGT dis-tribuent des tracts devant la Préfecture, ils sont une quarantaine (selon la Police) et tracent à la peinture sur les trottoirs, des inscriptions contre les licencie-ments.

La Police intervient à 9h30 et interpelle Marcel Lamy, délégué CGT et adjoint au Maire communiste de Bar-douville.

A �2h30, deux cents militants CGT ainsi que des élus communistes sont rassemblés devant le Commissariat Central. Une délégation d’élus est reçue par M. Bérail, contrôleur général de la Police, pour exiger la libéra-tion de Marcel Lamy, sans succès. Celui-ci est déféré au Parquet et inculpé de coups et blessures volontaires à agent de police, et incarcéré à la prison Bonne Nou-velle avec comparution le lendemain à l’audience des flagrants délits.

A la demande des avocats, un délai est demandé pour préparer la défense de M. Lamy. Le procès est repoussé au 9 octobre �979 à �3h30. L’Attendu précise que « la comparution de Lamy a entraîné des manifestations, qu’il y a donc lieu de craindre que sa mise en liberté puisse échauffer les esprits. En raison de risque de trouble à l’ordre public, il convient de le maintenir en détention ».

Armand Salacrou, dramaturge, écrivain, auteur de la pièce « Boulevard Durand » relatant la condamna-tion à mort de Jules Durand, syndicaliste havrais en �9�0, ayant pris connaissance des Attendus du tri-bunal, déclare : « Je prends connaissance, avec ef-farement, du jugement maintenant Marcel Lamy en prison pour ne pas échauffer les esprits. Voilà bien la première fois que je vois un tel argument tenter de justifier l’incarcération d’un syndicaliste qui n’a pas été jugé. Comment accepter avec calme un pareil déni de justice ? ».

Le 3 octobre à �9 heures, l’Union Départementale CGT titre un tract « C’est un jugement odieux contre un ouvrier innocent ». En effet, cette décision judici-aire vise à porter atteinte au droit de manifestation, aux droits d’expression. La CGT appelle à participer à un rassemblement le lendemain devant la prison. Ce rassemblement prévu à �6h30 se poursuivra à la nuit tombée par une manifestation autour de la prison.

La CGC exige la libération de M. Lamy, la CFDT déclare scandaleux le maintien en détention.

Le 9 octobre, le procès doit débuter à �3h30, voilà huit jours que Lamy est en prison.

Toutes les organisations de la CGT, la Fédération du PCF, appellent les salariés à se rassembler devant

« Le fil rouge » n° 41, Automne 2011, page ��

9octobre1979-Rouen:pourlalibérationdeMarcelLamy,devantlePalaisdeJustice(PhotoG.Gauthier).

le Palais de Justice. Des milliers de travailleurs (5 à 6 000) ont répondu à l’appel notamment les métal-los, les ouvriers du Port, de la Construction, les élec-triciens, tous les élus communistes etc. Ce rassemble-ment durera quatre heures au bout desquelles Bernard Isaac, Secrétaire Général de l’UD-CGT, sortira du Palais de Justice pour annoncer la libération de Mar-cel Lamy. Celui-ci est reconduit sous la protection de centaines de CRS qui prendront position autour de la prison après avoir fermé tout l’après-midi l’accès au Palais de Justice.

Les manifestants ont décidé d’aller accueillir Marcel Lamy à la sortie de la prison. Le bras de fer ouvriers -justice se termine, mais la lutte va continuer pour sau-ver les emplois.

Le 8 octobre, le quotidien Paris-Normandie écrit en titre « CFEM : la CGT veut inaugurer à sa manière le pont Mathilde » (c’est le nom qui sera attribué au 5ème pont) .

Cette inauguration aura lieu en présence des ouvriers qui l’ont construit, des dirigeants de la CGT, de R. Le-roy, député communiste, de Conseillers Généraux et maires communistes. Ce jour-là, le pont sera baptisé « Pont des Libertés ou de l’Indépendance ».

RéunionextraordinaireduComitéd’Etablissement

Le �7 décembre �979 la Direction convoque le CE avec l’ordre du jour suivant : - avis du CE sur le projet de fermeture de l’Etablissement par licenciement collectif.

Les élus CGT s’y opposent et montrent qu’il y a des commandes, par exemple : plateforme, poursuite du programme des centrales nucléaires, autoponts, char-pente, chaudronnerie, etc.

Une commande prévue à Rouen (piscine de centrale nucléaire) a été sous-traitée à la Société Mécanique de Normandie (plus de �00 000 heures de travail), pour la centrale EDF du Havre sous-traitée en Lor-raine (450 000 heures de travail, soit l’emploi de 200 salariés).

Les élus CGC constatent que seule l’usine de Rouen est touchée alors que c’est la meilleure du groupe. Ils constatent que les licenciements vont coûter � 250 millions de centimes à la CFEM et on ne sait combien à l’Etat. Ainsi le gouvernement préfère indéfiniment augmenter le nombre de chômeurs plutôt que de fi-nancer des commandes, comme le font d’autres pays. Des commandes pour Fos-sur-Mer sont destinées à

« Le fil rouge » n° 41, Automne 2011, page �2

Paluel ce qui coûte environ 50 F de plus de l’heure.

Rien n’y fait. La décision de fermer l’usine est main-tenue : c’est une décision politique, c’est le point de vue des élus CGT et CGC.

Des travailleurs partiront en préretraites ; peu (�7) se-ront mutés vers les autres usines, d’autres feront des stages de reconversion ou seront au chômage.

Une fois de plus, le capitalisme a choisi ses profits au détriment de l’intérêt économique et social de la ré-gion. Il n’a pas accepté que les travailleurs combattent ses orientations et revendiquent de meilleures condi-

tions de vie.

Le 6ème pont Flaubert de Rouen qui est conçu de deux tabliers levants de � 500 tonnes, a été construit en 2005 à l’usine de Lauterbourg (Alsace) dans une usine de la CFEM devenue Eiffage. Ces deux éléments du pont ont été acheminés par le Rhin, la Mer du Nord, la Manche puis la Seine sur 80 km pour être instal-lés dans le Port de Rouen à 200 mètres de l’ancienne usine CFEM.

Bel exemple de la gestion capitaliste de l’économie.

9septembre1979:OccupationduPontdeTancarville(PhotoG.Gauthier).

Comitéd’établissement&Activitéssociales.

Pour la gestion du C.E par les représentants du personnel, le pourcentage accordé s’élevait à 3,6% de la masse salariale. Diverses commissions furent créées.Pour les retraités.l Un colis pour la fête du travail et de Noël ; pour les plus éloignés, un chèque équivalant à la valeur du colis

leur était adressé.l Un voyage agrémenté d’un repas gastronomique.l Possibilité de participer à une sortie « spectacle » avec les salariés « actifs ».

Pour les actifs.Des infrastructures comme la bibliothèqueetladiscothèque où les livres et les disques furent prêtés ; des talents furent également dévoilés au sein dulaboratoirephoto.l Des sorties«spectacles»à Paris notamment avec Tourisme & Travail, organisées.l Des sortiesdeplein-air, sur la journée, permettaient aux salariés de s’évader.l Côté sportif, l’équipedefootball«corpo» sévissait dans le championnat ainsi que l’équipedebowling ;

une fois par semaine, la piscine était ouverte pour les futurs nageurs ainsi que les confirmés ; un clubdepêche organisait des concours en Seine, rivières, ballastières ou étangs ; des cyclotouristes roulaient, au sein du club, sur les routes haut-normandes ; une section de boulistes«àlaLyonnaise» s’affrontait sur les terrains en concours ou championnat.

l ArbredeNoël:séance de cinéma ; tombola parmi les présents dans la salle ; distribution des jouets et friandises aux enfants par le Père Noël, et des fleurs aux mamans et grands-mamans, par les élus.

l Coloniesdevacances UFOVAL, UFCV (environ 70 enfants et ados). Pour des raisons pratiques, le C.E ne subventionnait pas les colonies. Elles étaient prises en charge par l’employeur pour deux tiers du prix du séjour. Pour certains colons, la CAF complétait la dépense.

l Restaurationméridienne ; la direction de l’entreprise payait l’entretien des locaux (réfectoire et cuisine) et le C.E gérait les frais de fonctionnement et les denrées pour les rationnaires.

l Servicemilitaire: le militaire appelé recevait chaque mois un mandat correspondant au dixième de son salaire mensuel.

« Le fil rouge » n° 41, Automne 2011, page �3

Retour sur « Un homme marche

dans la ville »FilmdeMarcelloPagliero

Par Marie-Paule Dhaille –Hervieu 1

Jeudi 3 février dernier, Marie-Paule Dhaille-Hervieu, présentait à la Bibliothèque universitaire du Havre, une conférence autour du film de Marcello Pagliero « Un homme marche dans la ville ». Nous publions ci-dessous l’essentiel du texte de cette conférence.

« Un homme marche dans la ville » est un film tourné au Havre, en �948-�949, par Marcello Pagliero, réali-sateur italien.

Paradoxalement, alors que le film est produit en pleine guerre froide, il s’inscrit dans l’ombre portée du Front populaire, de la guerre et de la Résistance. D’abord parce que Pagliero a joué le rôle d’un ingénieur com-muniste résistant, Manfredi, dans le film de R. Ros-sellini « Rome ville ouverte »(�945), qu’il a été son assistant, comme celui-ci l’avait été de Jean Renoir.

D’autre part parce qu’« Un homme marche dans la ville » est le titre d’un livre de Jean Jausion, écrivain-journaliste, qui a failli épouser Annette Zelman, une jeune fille juive, étudiante aux Beaux-arts, et qu’à la suite de ce projet, elle a été arrêtée et déportée en �942, ayant été dénoncée comme ayant le désir de se ma-rier avec un « aryen ». Elle est morte à Auschwitz, et J. Jausion s’est engagé dans la Résistance, il a été tué dans les combats de la Libération. Enfin le metteur en scène a filmé un Havre en partie détruit par les bom-bardements, les quartiers portuaires de l’Eure (place Léon Carlier) et St François. Le film donne à voir une famille de trois personnes, les Laurent, qui mangent et dorment dans une pièce unique et sont lourdement en-dettés. Le refus d’embaucher le père, ouvrier-docker, est vécu comme une catastrophe. C’est donc la longue crise du logement et la pauvreté d’une famille dont la femme reste chez elle qui sont aussi montrées.

Cependant, et c’est essentiel, le film est diffusé sur fond de guerre froide et de guerre coloniale d’Indo-chine (�946-�954), c’est-à-dire que les dockers, per-sonnages principaux du film, sont un enjeu des luttes sociales, tant au Havre qu’à Marseille, mais aussi de la bataille idéologique et politique que se livrent les auto-rités politiques et militaires, mais aussi économiques, et les communistes, le parti communiste et les syndi-cats CGT. Il se trouve qu’au Havre, le syndicat CGT des ouvriers du port, comme la direction de l’UL, sont

majoritairement de tendance anarcho-syndicaliste. Cela explique qu’à la première projection publique du film, le �� octobre �949, à l’Eden, cinéma populaire du quartier du Rond-Point, à deux pas de Franklin, les très nombreux spectateurs présents se reconnaissent dans cette fiction qui témoigne de leur vie et de leur ville, dans ses lieux et instruments de travail, la cale sèche, le croc, comme dans ses quartiers, mêlant cafés et habitations. Pagliero a d’ailleurs joué, l’année pré-cédente, un marin dans « Dédée d’Anvers », le film noir d’Yves Allégret, et le film qui témoigne de la so-lidarité agissante des ouvriers du port est projeté au profit de la caisse d’aide aux vieux dockers.

Par contre la réaction publique des communistes est immédiatement négative, que ce soit dans l’expres-sion politique de la section locale ou dans le journal « L’Avenir du Havre », déclarant par la voix de doc-kers communistes, Albert Duquesnoy et Jean Ferrand, que ce film est « dégradant, outrageant » parce qu’il montre l’alcoolisme ouvrier, une femme infidèle, un docker assassin, et aussi des trafics clandestins (ci-garettes, alcools), un racisme ordinaire contre le chef d’équipe, Ambilarès, « une saloperie de grec », « un salaud de métèque » mais l’on pourrait ajouter qu’il montre aussi un contremaître courageux, Jean, qui choisit de défendre la cause des ouvriers et organise la solidarité, un personnage de femme émancipée, qui choisit son amant mais refuse les avances de son pa-tron, et dénonce la violence d’un ouvrier humilié, plus victime que coupable, qui se venge sur sa femme et son petit garçon. Ces réactions de rejet sont relayées au niveau national, de « l’Humanité » et de « l’Ecran français », revue cinématographique communiste, en mars �950, jusqu’à Roland Leroy, premier secrétaire fédéral, au Congrès de Gennevilliers(2-6 avril �950), le tout sur fond de grèves de dockers (mars-avril �950), mouvement à caractère social et politique, parce que refusant de charger du matériel militaire, à direction de l’Indochine.

Ces condamnations 2 aboutissent à la demande conjoin-te de la section communiste (Albert Duquesnoy, an-cien secrétaire de Havre-port), et de la direction de l’UL-CGT, pourtant anarcho-syndicaliste, représentée par Louis Jochem, ouvrier voilier, d’un retrait du film, censure obtenue d’un adjoint de droite (Indépendant) de la municipalité Pierre Courant, le �� avril �950. Ce

�. Marie-Paule Dhaille Hervieu est agrégée d’histoire, docteur en histoire contemporaine de l’Institut d’études politiques de Paris.2. Pour plus de détails, se reporter au chapitre 8 des « Communis-tes au Havre, histoire sociale, culturelle et politique » : La logique de guerre froide : enfermement et violences - Censures artistiques et théories esthétiques.Livre édité par les Publications des universités de Rouen et du Havre en 2009. 33 e.Voir à ce sujet le « Fil rouge » n° 38 - Automne 20�0, page 20.

« Le fil rouge » n° 41, Automne 2011, page �4

qui est remarquable, c’est qu’à la censure politique et idéologique s’est ajoutée une censure esthétique qui fait abstraction des qualités artistiques du film. Les positions théoriques des communistes français sont, à cette date, alignées sur les thèses de Jdanov et défendent le réalisme socialiste dont le film ne re-prend aucun des canons : il n’y a pas de sujet collectif (comme dans le film « Vivent les dockers » de Robert Menegoz sorti en �950) mais une histoire d’amour et de mort entre trois personnages, il n’y a pas essentiel-lement des images positives mais l’adultère, l’alcoo-lisme, le meurtre, il n’y a pas de grèves démontrant le caractère offensif des luttes sociales, mais des référen-ces courtes au syndicat, des actes de solidarité : l’aide matérielle à la veuve et à l’ouvrier noir, la prise en charge collective des frais d’enterrement, un monde ouvrier en demi-teinte qui vit mal dans une ville en partie détruite. La volonté de contrôler les images de la classe ouvrière est très explicite, et elle est partagée par les anarcho-syndicalistes et les communistes, on la retrouvera jusque dans les années post-68 avec les difficultés qu’aura Christian Zarifian pour tourner et diffuser ses films 3.

D’autres longs métrages avaient déjà été interdits pour des raisons politiques, comme « Mitchourine, la vie en fleurs » du cinéaste soviétique, A. Dovjenko, en �948, ou « Les statues meurent aussi » d’Alain Resnais, en �953. « Le rendez vous des quais » de Paul Carpita, tourné en �953-�954, avec le soutien de l’UD-CGT et de la fédération communiste des Bouches du Rhô-ne, avait même été considéré comme détruit par son réalisateur. Mais la censure esthétique démontre que personne, y compris à gauche, sauf peut être les Exis-tentialistes, ne semble comprendre ou s’intéresser à la place de ce film dans l’histoire du cinéma français et à une comparaison avec la cinématographie italienne. « Un homme marche dans la ville » est pourtant quel-que part l’héritier des films tournés par Jean Renoir, « La vie est à nous » commandité par le parti commu-niste, en �936, et plus encore « La bête humaine » sorti en �938 : Ginette Leclerc en personnage de « garce » ,dans le film de Pagliero, n’est pas sans rappeler Si-mone Simon, la femme infidèle de Fernand Ledoux, le mari brutal et jaloux peut-être chef de gare ou ouvrier docker, le personnage sympathique, à la personnalité attachante malgré ses ambiguités, est Jean Gabin ou Jean-Pierre Kerien, acteur venu du Havre, qui inter-prète le rôle de Jean. Ce film est aussi dans la lignée du néo-réalisme italien, avec des personnages inscrits

dans une double vérité sociale et géographique, en phase avec leur temps.

Dans le scénario tiré du livre de Zola, comme dans le film de Pagliero, il y a les éléments d’une tragédie moderne : des sujets qui ne maîtrisent pas leur des-tin et sont entrainés dans un engrenage fatal. Mais ces personnages de fiction sont aussi des ouvriers en si-tuation, dans la vérité de leur vie et de leur métier, comme de leur morale et de leurs engagements. Dans les années de guerre froide, ce film n’a pas trouvé de défenseurs, et il s’est retrouvé coincé entre deux filmographies antagonistes : celle du cinéma de diver-tissement dominante sur les écrans et celle du cinéma militant, très engagé, comme a pu l’être Louis Daquin. Il n’y a pas eu de place pour un néo-réalisme à la fran-çaise, comme celui soutenu par le parti communiste italien. Louis Aragon s’en est peut être souvenu, dans l’affaire du portrait du « jeune Staline », dessiné par Picasso pour les Lettres Françaises, en �953, puis dans le rejet du peintre André Fougeron, représentatif des peintres « réalistes-socialistes », en �953-�954 4 les communistes commencèrent alors à tirer les leçons de leurs errements passés, impensables aujourd’hui.3. Voir chapitre �� : des « Communistes au Havre, histoire sociale, cultu-relle et politique ». Changements politiques et réorientations stratégiques. Les adversaires d’extrême-gauche. Livre déjà cité.4. Voir le livre d’Annette Wieviorka « Maurice et Jeannette » - biographie du couple Thorez, chapitre XVI : Les Thorez et les peintres.

NE PRENEZ PAS LE RISQUE DE PERDRE VOS ARCHIVESPour que votre mémoire ne disparaisse pas définitivement : Préserver les archives des syndicats et de leurs militants.

Confiez-nous vos archives, nous les déposerons en 2012 aux Archives Départementales, mais vous en resterez propriétaires !

« Le fil rouge » n° 41, Automne 2011, page �5

André Duroméa,un des nôtres

Par -J.Defortescu

En même temps qu’André Duroméa adhère au Parti-Communiste à l’Electro-mécanique en �936, alors qu’il est ouvrier ajusteur, c’est à cette époque qu’il adhère à la CGT à laquelle il restera adhérent toute sa vie. An-dré a alors �9 ans. Très vite, il participe aux luttes de la classe ouvrière qui ont apporté les quarante heures, les congés payés, l’augmentation des salaires, le Front Populaire.

Militant antifasciste, c’est tout naturellement qu’il entra dans la Résistance. Au Havre, il coordonne et recons-truit le PCF, dès le dernier trimestre �940 dans la clan-destinité. En �943, il est nommé responsable de la Ré-sistance pour tout l’ouest de la France. Arrêté en �944, il sera libéré du camp de concentration de Neuengamme en mai �945, il sera rescapé des navires coulés dans la mer Baltique (voir à ce sujet l’article de Pierre Largesse sur « les tragédies du camp oublié de Neuengamme » , page 2).

De cette période, il gardera toute sa vie, une détermination sans faille contre le nazisme et pour la paix.

En �947 André Duroméa sera élu Conseiller Municipal du Havre, mandat qu’il exercera jusqu’en �995.

En �97�, il sera élu Maire du Havre, à la suite de René Cance. Il fut de tous les combats de la classe ouvrière hav-raise, il fut le transformateur de la ville et l’organisateur de ce qui participe, encore aujourd’hui à son rayonne-ment : Espace Niemeyer, Université du Havre, Parc de Rouelles, aménagement de la plage. La politique sociale de la ville de l’époque est marquée par la construction de nombreux établissements scolaires, d’établissements d’accueil pour personnes âgées, pour la petite enfance, la création des Centre d’Echanges et de Loisirs Culturels : les CLEC, les salles de sports dans les quartiers.

Il défendit l’emploi industriel de la ville, contre les licenciements chez Mazeline dès le début des années 60, contre la fermeture des Tréfileries, d’Alsthom, des ACH, contre la casse de la marine marchande (faut-il rappeler qu’il fut rapporteur du budget de la mer à l’Assemblée Nationale) de la réparation et construction na-vale. Il prit une part importante à la défense du France. Il était « chez lui » à Franklin, dans la maison des syndicats qu’il fit rénover en �974. André était un des nôtres et tout ceux qui ont milité à ces côtés ont été marqués par sa modestie, mais aussi sa grande expérience.

Après avoir été fait Chevalier de la légion d’honneur en �949, il fut élevé au grade de Commandeur en 2006 par Jacques Chirac, alors Pré-sident de la République.

André Duroméa était un bâtisseur, un rassembleur et un animateur pour sa ville, pour son pays. Il nous a quittés le �6 mars dernier.

« Le Fil rouge » numéro 42 sera consacré aux affrontements sociaux et aux émeutes dans

le département de la Seine-Inférieure, en 1847-1848.

« Le fil rouge » n° 41, Automne 2011, page �6

Portrait de militants syndicaux de

Seine-Maritime :

Marcel DaragonPar Jacques Defortescu

Notre Institut CGT d’Histoire Sociale de Seine-Maritime, fort de son expérience à travers le livre « Haute-Normandie, Pages d’Histoire Sociale » paru en coopération avec la CGT de Normandie, conscient que de nombreux militants syn-dicaux auraient pu figurer dans ce livre, a décidé de pour-suivre cette publication en reprenant dans les parutions de notre revue d’autres portraits de ceux qui ont participé à la construction et au développement de la CGT en Seine-Mar-itime. Aujourd’hui nous avons rencontré Marcel Daragon.

Uneviemarquéeparladisparitiondesonpère,résistant,mortendéportation

Sans aucun doute, ce qui a marqué Marcel Daragon, dès sa plus tendre enfance, c’est l’arrestation de son père en avril �944 sur le quai du Tréport. Engagé dans le mouvement syndical, communiste, membre d’un réseau de résistance, déporté, il ne reviendra pas des mines de sel de Flossenburg en Allemagne. Il est décé-dé le �4 janvier �945. Marcel avait 9 ans. Soixante-sept ans après, aujourd’hui retraité, il garde le souvenir d’un père avec lequel il aurait aimé faire un petit bout de chemin.

Orphelindeguerreà9ans

Marcel Daragon était orphelin de sa mère. C’est sa grand-mère et son père qu’ils l’élèvent jusqu’à l’arrestation de ce dernier. Puis il sera confié à sa tante à la Libération. A �6 ans, il passe ses examens au cours complémentaire commercial du Tréport, puis entre à l’EDF et décide de se syndiquer à la CGT. Son père ayant travaillé à la verrerie Desjonquères à Mers-les-Bains, il ne reste pas longtemps à l’EDF et quelques mois plus tard, il est embauché dans la grande entre-prise du flaconnage où il fera toute sa carrière.

Lalonguehistoiredel’industrieduverredanslavalléedelaBresle

Depuis le XVème siècle, la région a vu s’installer, vivre et disparaître de nombreuses verreries. Leur exploitation et leur durée de vie dépendaient de l’exploitation du bois. En �665 se crée la Manufacture Royale des Glaces sous le règne de Louis XIV. Avec l’arrivée du charbon, de vieilles verreries ont disparu, d’autres se sont installées près de voies ferrées où les trains déversaient le charbon en provenance des mines Anglaises et du Pas-de-Calais ainsi que tous les ingré-dients indispensables à la fabrication du verre, notam-ment le sable et la potasse.La société Henri Desjonquères, société familiale, est créée en �77�. Elle devient en �858 l’un des princi-paux groupes verriers dans le monde. Les générations de militants qui ont travaillé dans cette entreprise ont marqué durablement l’histoire sociale et syndicale de la vallée de la Bresle et de la région. Aujourd’hui en-core, numéro un mondial du flaconnage de luxe, elle emploie � �00 salariés, qui produisent avec un savoir faire exceptionnel �,� milliard de flacons. Chaque an-née, 300 flacons divers et variés sortent de ses ateliers. De nombreuses entreprises de sous-traitance dépen-dent de son activité. Cédé par le groupe Saint-Gobain en 2007 à un groupe financier prédateur, ce fleuron de l’industrie verrière revient de loin. Les actions et les propositions du syndicat CGT de l’entreprise soutenu par un comité de défense et de développement de l’industrie verrière ont permis, récemment, d’éviter le pire.

Lesyndiquédevientdélégué

En �95�, Marcel Daragon quitte l’EDF, et comme son père il entre dans la verrerie où il est affecté à la comptabilité. La différence de salaire est sensible : il passe de �8 000 francs par mois à 28 000 chez Des-jonquères. Après quelques mois passés à la comptabil-ité, il est muté au service de la fabrication. Bien que

« Le fil rouge » n° 41, Automne 2011, page �7

n’étant pas titulaire de son poste, il participe à sa pre-mière grève en �952. Syndiqué CGT, il devient vite « collecteur » et noue ainsi des relations quotidiennes et humaines avec les syndiqués du service dans lequel il travaille.En �96�, André Dolique, secrétaire du syndicat CGT de l’entreprise, lui propose de figurer sur la liste des candidats aux élections professionnelles. Il a 26 ans, il est « en queue de liste » mais malgré cela, il est élu. Conjointement à son mandat, il va assurer durant 33 ans le rôle de trésorier du syndicat. Cette vie militante, faite de contacts permanents, pour la défense de meilleures conditions de vie et de travail, dans une industrie caractérisée par une activité contin-ue, dans un bruit assourdissant, devant où à proximité de fours qui dégagent une forte chaleur, nécessite une vigilance de tous les instants face aux velléités des directions toujours tentées, au nom de la sacro sainte rentabilité, de rogner sur les acquis sociaux. Marcel Daragon va vivre et participer à quatre conflits impor-tants durant toutes ces années.

1966,1968,1971,1984,quatreconflitsquirestentdanstouteslesmémoires

En 1966, le syndicat compte ���� syndiqués ! Les « quatre as » disent les militants syndicaux. C’est doute cette période qui impressionnera le plus la vie militante de Marcel Daragon. Un conflit très « dur » va donner lieu à des manifestions de solidarité dans toute la région. Le lock-out décidé par la direction contre les grévistes provoque une épreuve de force en-

tre Desjonquères et la CGT. Les gardes mobiles sont appelés à la rescousse. L’intervention énergique du maire de Mers de l’époque, « M. Henoque, pharmacien très respecté » fait reculer la direction. Mais deux dirigeants syndicaux sont li-cenciés. La reprise du travail s’effectue dans la dou-leur. Les ouvriers vivent mal le licenciement de deux animateurs syndicaux et non des moindres. Pirez et Lemaire sont en effet très appréciés par l’ensemble des salariés. En 1968, l’Union Locale des syndicats CGT augmente considérablement son influence. De nouvelles bases organisées sont créées. Les salariés et les militants de la verrerie participent activement au mouvement. Dans certaines entreprises de la région, à l’exemple de Maillard à Incheville, les salaires à l’issue du conflit vont être multipliés par deux. Marcel Daragon, com-me tous les militants est aux portes des entreprises de la région. Chez Desjonquères les revendications ont été satisfaites dès le début du conflit, la grève est né-anmoins reconduite en solidarité avec les autres sala-riés. En 1971, la grève d’une cinquantaine d’ouvriers qui travaillent dans des ateliers stratégiques de la produc-tion bloque toute l’usine. La grève « bouchon », à l’époque, n’est pas un cas isolé et circonscrit à l’usine de Mers. Elle provoque une réaction violente du CNPF, le syndicat patronal, et de Desjonquères en particulier. Ce dernier brandit une nouvelle fois l’arme du lock-out. La grève générale va durer trois semaines. En 1984, une réunion de la commission paritaire sur les salaires n’apporte pas de réponse aux reven-dications du personnel. La grève générale est déci-

31ème congrès confédéral à Ivry. En bas, à droite: André DOLIQUE; aucentre: Lucien Jean Perrin, secrétaire fédéral, et à sa gauche: LucienAlison,trésorierfédéral.

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dée. Des barrières sont érigées, elles bloquent toutes les entrées de l’usine. Le conflit s’installe dans la durée avec, contrairement au passé, un regard bien-veillant d’une partie non négligeable d’une partie de l’encadrement. M Bastien, le PDG de l’époque, an-cien soixante-huitard, envoyé à Mers pour négocier, arrive les poches vides. Il est retenu dans les bureaux de la direction locale jusqu’à minuit. Il est libéré par une compagnie de CRS qui avait l’ordre de déblayer le terrain. M. Terrier, le commissaire de police du Tré-port, les maires de Mers et du Tréport, interviennent et évitent la charge des CRS contre les grévistes. Les militants de la CGT font pour leur part l’objet de nom-breuses plaintes auprès du procureur. A chaque tenta-tive des militants syndicaux d’ouvrir une porte pour parvenir à une médiation, la direction manœuvre pour en fermer une autre. Ce conflit mené d’une manière démocratique avec la participation active des syndi-qués va déboucher sur un renforcement de l’audience de la CGT. Elle va progresser lors des élections pro-fessionnelles dans toutes les catégories du personnel.

Carmen,àl’opéraGarnier

Outre André Dolique, déjà cité, Marcel Daragon se réjouit d’avoir milité avec des militants syndicaux d’envergure à l’exemple d’Alain Longuent qui sera secrétaire du syndicat ou de Raymond Deloison. Ce-lui-ci, ajoute-t-il, avait toujours une question à poser, une revendication à formuler au nom de ses cama-rades. Marcel Daragon, va devenir trésorier du comité d’établissement puis du comité central d’entreprise avant de passer la main à Michel Malot. D’autres militants laisseront leur empreinte sur Mar-cel. Il se souvient de sa participation au congrès con-fédéral en �963, où il a découvert un « orateur hors pair ». Il s’agissait de Benoit Frachon. Du congrès, il garde également le souvenir ébloui du spectacle donné à l’attention des congressistes à l’initiative de la com-mission culturelle de la CGT : l’opéra de Bizet, Car-men à l’opéra Garnier.

Militerpourêtreutile

Du souvenir qu’il garde de son père, Marcel Daragon suit son exemple en faisant en sorte d’être utile aux autres. Administrateur de l’UIRIC, la complémentaire santé des verriers, il n’hésite pas à défendre un dos-sier quant il est sollicité. Responsable de la FNDIRP, il cultive le « Devoir de mémoire » auprès des jeunes générations. Cette activité militante lui permet de relativiser les « sales coups de la vie », comme ce cancer contracté il y a deux ans. « Cela pourrait être pire » affirme-t-il avec optimisme. Désormais responsable de la section des retraités de SGD, sa préoccupation principale est la continuité syndicale : « On perd trop de retraités entre la fin de leur activité professionnelle et le début de leur re-traite ». Avec plus de 80 syndiqués, il estime être loin du compte, même s’il s’enorgueillit d’avoir eu dans ses rangs André Picaud, le plus âgé retraité verrier. Ce dernier est décédé dans sa �0�ème année. Marcel Dara-gon observe l’activité du Front National avec inquié-tude. « Le FN c’est Pétain » dit-il, quittant sa bonne humeur un instant, condamnant la politique de Sar-kozy qui, selon lui, contribue à « développer le cancer du racisme ». Il reste persuadé qu’il n’y a aucune fa-talité au malheur.

Scènes de vie �935 Naissance à Abbeville (Somme) le 7 février. �944 Arrestation de son père sur le quai au Tré-

port, il ne le reverra plus. �949 – �95� Cours complémentaire commercial au Tré-

port. Brevet élémentaire professionnel 2ème degré de comptabilité.

�95� Entre à EDF au Tréport. Adhésion à la CGT. En décembre, entre à Desjonquères au ser-vice comptabilité.

�952 Passe des bureaux à la fabrication. �ère grève en février. Devient collecteur syndical.

�957 Naissance de son fils Philippe le �er février (actuellement délégué syndical CGT chez Bentonite).

�96� Est élu délégué titulaire et délégué supplé-ant au comité d’établissement, il devient le trésorier du syndicat jusqu’en �994.

�994 Devient membre du Bureau de l’Union lo-cale CGT d’Eu Le Tréport, devient membre de la commission exécutive de l’Union Fé-dérale des Retraités « Verre et Céramique ».

�995 Elu secrétaire de la section des retraités CGT de SGD.

2003 Président de la FNDIRP, section des trois villes sœurs et inter-cantonale.

1971.Congrèsde laFédérationduverreàMers-lès-Bains.

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De Clécy à Dives :

Petite histoire de la coordination des CE

De Clécy, dans l’Orne, à Dives-sur-Mer dans le Cal-vados, il n’y a que �35 km. Pourtant dans l’histoire sociale et la mutualisation des Comités d’Entreprises, il y a beaucoup plus.En �968, les Comités d’Entreprises de la région havraise décident de s’unir en créant la première SCI �

de leur histoire pour permettre la construction d’un terrain de camping, dans un premier temps, puis d’une maison familiale. Les CE décident alors d’en confier la gestion à Tourisme et Travail qui en sera également coréalisateur et copropriétaire 2. En �973, fort de cette expérience, les dirigeants de Tourisme et Travail au Havre, pour mieux répondre aux loisirs des salariés, décident de créer à Valmont, près de Fécamp, un parc de loisirs et pour cela, fond-er une nouvelle SCI, forte cette fois de 45 Comités d’Entreprises & organismes équivalents. Au passage on notera le fort engagement pris par les villes du Havre et de l’agglomération havraise, pour permettre cette réalisation.

La casse industri-elle, les attaques contre le tourisme social, les gouver-nements qui assimi-lent depuis les an-nées 80 le tourisme social au tourisme marchand, abrè-gent la vie du parc de Valmont. C’est cruellement qu’est mis un terme à cette expérience qui a mobilisé des cen-taines de militants syndicaux et d’élus de CE, permettant

à des milliers de travailleurs avec leurs familles, de vivre en toute convivialité des moments de fête, de détente, d’épanouissement et de rencontres exception-nelles avec des artistes et des créateurs.Aujourd’hui, avec la création à Dives-sur-Mer d’un Village-Vacances au service des salariés, une nouvelle étape est franchie. Ce nouvel outil a été inauguré le 25 juillet dernier.Nous avons demandé, pour le « Fil rouge », à Alain Bozec, Secrétaire Général de Tourisme Loisirs Culture Vacances (TLC vacances ex. Tourisme & Travail), et

Marc Brière, gérant de la S.C.I. du Village -Vacances « Le Conquérant » de Dives-sur-Mer, ce qui les a mo-tivé pour cette création et comment celle-ci a t-elle été possible.

Le Fil Rouge : Qu’est-cequidifférencie,pourTLC,lagestionduVillage-Vacances«LeConquérant»deDivesquevousvenezd’inaugurer,desinitiativesprécédentes:Clécy,Valmont,Yport?AlainBozec:Il est vrai que créer, dans les conditions d’aujourd’hui, un Village-Vacances, quand les pouvoirs publics ne font aucune politique sociale d’aide à la pierre, notam-ment depuis 2002, cela peut paraître un challenge au-dacieux. Et pourtant nous avons relevé le défi compte-tenu des besoins sociaux qui sont de plus en plus nombreux et pour lesquels les réponses manquent cruellement. Des structures familiales comme « Le Conquérant » font défaut. Que devions nous faire ? Attendre ou créer des conditions pour répondre aux besoins sociaux ?Tout d’abord, il faut rendre à César ce qui lui appar-tient. En 2002, la CCAS cherchait des terrains nus ou amé-nagés, pour offrir un nouveau lieu de vacances aux ayants droit de l’EDF. D’une discussion avec le maire de Dives-sur-Mer, à l’époque Francis Giffard, il fut proposé le terrain de camping municipal. Dans le cadre de sa politique d’ouverture, la CCAS souhaitait réaliser un projet de Village de Vacances en partenariat avec d’autres comités d’entreprise. Nous avons donc créé une SCI et renforcé celle-ci avec l’entrée du CRE de la RATP et du CER Cheminots clientèles. Les exigences fondées sur l’intérêt de la population, le social, la solidarité, sont des valeurs que les Comités d’Entreprises, le CRE de la RATP, la CCAS, le CER Cheminots Clientèles, TLC Vacances, l’ANCAV TT 4 et les Organisations syndicales CGT portent et défen-dent au quotidien dans leurs actions.A la différence avec Clécy ou Valmont, là notre col-laboration est nationale, avec des structures nationales et plus importantes. Notre réflexion dépasse les lim-ites de la Normandie.

AlainBozec.

�. SCI : Société Civile Immobilière, forme juridique qui regroupe les CE, chacun prenant ses parts dans la société. Cette �ère SCI était composée des CE de Dresser, Multiplex, Hispano, Armosyg, CFR, Municipaux de Gon-freville l’ Orcher, Renault Sandouville.2. Voir le « Fil Rouge » n° 35 (été 2009) consacré à l’histoire du tourisme social dans la région havraise.3. CCAS : Caisse Centrale des Activités Sociales (Comité d’Entreprise des salariés de l’EDF).4. ANCAV TT Association Nationale de Coordination des Activités Va-cances Tourisme et Travail.

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Le Fil Rouge : Marc, tu es lemaître d’œuvrebénévole de cenouvel équi-pement, peuxtu nous en ex-pliquer les en-jeux?MarcBrière:Bien sûr. Ce Vil-l age-Vacances accueillera les fa-milles de chemi-nots, de la RATP,

des électriciens et gaziers mais il sera également ou-vert à d’autres Comités d’entreprises et, nous y tenons particulièrement, il sera ouvert également aux 50% de salariés qui malheureusement n’ont pas de CE.Nous avons aussi intégré la demande des vacanciers qui, tous les ans, viennent au camping de Dives-sur-Mer. Des emplacements campeurs sont prévus à cet effet, pour la saison prochaine.En confiant la gestion du Village-Vacances à TLC Va-cances, nous avons pu accéder à ces demandes. Situé à 2h de la région parisienne, ce site présente de nombreux atouts : proximité de la mer, patrimoine culturel, historique, économique et industriel, etc. Le village dispose d’une capacité d’hébergement de 380 lits (90 chalets) et de services généraux divers, club ados, club enfants, bibliothèque, salle d’activités, piscines de plein-air et couverte, salle de restaurant. Ouvert 6 mois de l’année, nous pouvons accueillir des séjours vacances, week-end, séminaires, congrès etc. En 20�2 nous proposerons la �/2 pension et la pension complète.Avec TLC Vacances et les CE, le Secours Populaire,

nous avons pris, dès cette année, des dispositions pour pouvoir accueillir des familles aux revenus modestes. Cet effort, nous le poursuivrons avec encore plus de détermination en 20�2.Oui, nous avons cette volonté politique d’inscrire ce village comme un fleuron du Tourisme Social., Celui du partage, de la solidarité, un village de vacances ou il fait bon vivre, bruissant du rire des enfants, apport-ant ce « petit goût de bonheur » si nécessaire à notre existence dans une période ou le repli sur soi est trop souvent vécu comme seule solution à une société déshumanisée par le pouvoir des spéculateurs et de l’argent roi. Puisque l’occasion m’en est donnée, je tenais, ici à re-mercier chaleureusement tous nos partenaires, et tous les salariés (ées) qui, par leurs compétences et leur es-prit d’équipe, ont contribué à la réussite de ce village dès son ouverture cette année.Sans cet engagement collectif basé sur des valeurs sociales, sans ce partenariat, ce Village -Vacances de Dives sur Mer n’aurait jamais vu le jour.

L’inaugurationenfanfareduVillagedeVacancesle25juilletdernier.

Vued’ensembleduVillage-Vacances«LeConquérant»deDives-sur-Mer.

MarcBrière,lorsdel’inaugurationduVillage.

« Le fil rouge » n° 41, Automne 2011, page 2�

L’assembléegénéralede l’IHSCGT76s’est tenueàRouen, le19mai2011Elle a élu le C.A. composé de :Président Serge LaloyerVice-président Pierre LargesseVice-président Robert PrivatViec-président Albert PerrotSecrétaire Jacques DefortescuSecrétaire adjoint François AuvrayArchiviste Guy DécampsTrésorier Jean-Jacques LefebvreTrésorier adjoint Pascal LamotteFont aussi partie du Conseil d’administration : Marius Bastide, Bernard Berthelot, Jacques Durand, Luc Bourlé Michel Croquennec, Régis Gasse, David Lottin, Jacky Maussion, René Olleville, Daniel Verger, Guy Würker, Germain Narzis.L’Institut CGT d’Histoire Sociale publie « Le Fil rouge » 3 à 4 fois par an.

L’InstitutCGTd’HistoireSocialedeSeine-Maritimea été créé à l’initiative de l’Union Départementale CGT et des Unions Locales du département.Il s’agit d’une association régie par la loi �90�. Les statuts ont été déposés le �3 décembre �996, et un avis a été publié au Journal Officiel le 25 décembre de la même année. L’Institut fonctionne comme toutes les associations loi �90�.Extrait des statuts :« Article 3 : l’Institut se fixe comme missions :- le collectage, la sauvegarde et le traitement d’informations et de documents de nature, se rattachant à l’histoire sociale de la Seine-Maritime, et plus particulièrement à l’histoire du syndicalisme et à leur exploitation à des fins de formation et de recherche historique,- la mise en œuvre d’études, de recherches et de larges confrontations dans le domaine de son champ d’investigation.- La contribution à l’information et à la formation des militants syndicaux, des travailleurs, des étudiants et de toutes organisations intéressées à l’hstoire sociale ».

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�. La présence d’ Elyane BRESSOL, présidente de l’Institut CGT National d’Histoire Sociale, est saluée par Serge LALOYER qui préside cette assemblée et présente le compte-rendu d’activité et les projets pour 20��. Il débute ainsi son exposé : « Notre institut continue de tracer son chemin dans la vie de notre dé-partement et il rencontre un public toujours plus large de passionnés d’histoire sociale ou d’histoire de notre département. Il continue son travail au service de la mémoire des luttes et des succès que nos anciens, dont certains d’entre nous, ont contribué dans leur engage-ment syndical à engranger au bénéfice des salariés. Il poursuit son travail au service de la formation des mi-litants syndicaux qui ont besoin de connaître le passé pour construire le présent.

Benoît Frachon, ancien secrétaire général de la CGT, qui a participé aux négociations de 1936 et de 1968, disait que : « le passé n’a d’intérêt que par rapport aux enseignements qu’il recèle pour le présent et pour l’avenir ». C’est ce qui motive notre activité et nos en-gagements.

C’est une évidence ! Travailler à l’histoire n’est ab-solument pas un truc d’anciens combattants. Cela ne s’apparente absolument pas à un échange d’anecdo-tes. Pour les militants syndicaux, cela fait partie de la formation, et c’est utile au présent dans la mêlée sociale ».

Puis, il détaille et commente les activités de 20�0, une année particulièrement active pour notre Institut, avec : • La poursuite de l’édition régulière du « Fil Rouge », dont il cite les articles les plus remarqués, et annonce les grands thèmes qui feront l’objet des prochains nu-méros,• La diffusion du livre « Haute-Normandie, pages d’histoire sociale, témoignages de syndicalistes » publié à l’automne 2009 et dont nous avons encore vendu plus de 900 exemplaires au cours de l’année 20�0 ; le succès de cet ouvrage nous a incités à lui donner des prolongements par la publication d’autres témoignages de militants (tes) dans chaque numéro du « Fil rouge ».• La série de conférences « Pour Saluer Jaurès », conçues par notre vice-président Pierre Largesse, à la suite de longs mois d’études et recherches, pour cé-lébrer le �50ème anniversaire de sa naissance. Initia-tive ambitieuse, associant à l’exposé oral des projec-

tions de documents d’époque et la lecture des textes de Jaurès par plusieurs troupes de comédiens. En de multiples lieux du département, ce sont près de 500 auditeurs qui y participèrent. Serge félicite Pierre pour ce précieux travail. Il suggère une réflexion, afin de renouveler cette expérience sur d’autres sujets.

Ensuite, Serge présente les Projets de l’Institut pour 20�� :• Dans le cadre de la préparation du centenaire de la création de l’UD-CGT en �9�3, au Havre, pour lequel a été retenue l’idée de réaliser, avec la direction de l’UD, un ouvrage composé de textes d’analyse histo-rique, agrémentés de photos et dessins.• Comme en 2009, organisation d’un stage d’initiation au classement d’archives, avec la participation des Ar-chives départementales �.• Tenue, avec les syndicats et les U.L., en coopération avec l’U.D., à l’occasion de colloques, expositions, congrès, etc., de débats sur l’utilisation dans l’histoire, de l’extrême-droite par le patronat.• Poursuite de la présence de notre Institut dans les congrès de syndicats, des U.L., de l’UD, et dans les manifestations publiques, Fête de l’ Huma au Parc des Expo de Rouen, Forum des associations de Rouen, Festival du Livre de Jeunesse ; notre présence à contri-bué au renforcement de notre association, passée de ��5 à 263 adhérents en 6 ans.

Serge note : « Pour des raisons qui leur sont propres, au cours du mois de mars, Gilles Pichavant et Jean-Paul Nicolas ont décidé de quitter leurs responsabili-tés au sein du Conseil d’Administration. Malgré nos demandes insistantes, ils n’ont pas cru devoir revenir sur leur décision. Nous le regrettons vraiment. Gilles Pichavant, outre ses remarquables travaux de recher-che historique, a, pendant 14 ans, assuré la mise en pages des textes et de l’iconographie du « Fil Rou-ge ». Au cours des années, il a ainsi grandement parti-cipé au rayonnement de notre Institut. Nombre de nos adhérents actifs ou retraités, qui participent ou ont participé à l’animation des luttes sociales, pourraient contribuer aux travaux de l’Institut. Il y a nécessité de renforcer le Conseil d’Administration et notamment par une ou des femmes.

Il n’est pas nécessaire d’être membre du Conseil d’Ad-ministration pour participer à la rédaction du « Fil

Assemblée générale ordinaire de l’iHS-Cgt 76

Le19mai2011àRouenPar Robert PRIVAT

�. Ce stage aura lieu les 2, 3 et 4 novembre 20��. Inscriptions et renseigne-ments à l’UD-CGT 76.

« Le fil rouge » n° 41, Automne 2011, page 23

Composition du CA de l’ IHS cgt 76 réunis le 22 septembre au TréportDe gauche à droite : Pascal Lamotte, François Auvray, Guy Wurcker, Serge Laloyer, Guy Decamps,

Germain Narzis, Marius Bastide, Daniel Verger (au fond), Pierre Largesse, Jacques Defortescu, Jean Jacques Lefevbre (à moitié caché) Jacky Maussion, René Olleville, Bernard Berthelot.

Manquent sur la photo : Albert Perrot, Robert Privat, Jacques Durand, Luc Bourlé, Michel Croguennec, Régis Gasse,David Lottin,

Rouge ». Les adhérents qui ont l’opportunité d’écri-re l’histoire de leur entreprise ou de leur profession peuvent le faire, ainsi qu’aider à la présence de l’IHS dans les manifestations que nous avons citées. »

Serge insiste pour la poursuite de la mise à jour du site Web de notre Institut. Il signale le soutien que nous ap-porte l’U.D. par une subvention et le local mis à notre disposition, ce qui nous permet de travailler dans de bonnes conditions et d’assurer une permanence tous les jeudis après-midi. Puis il conclut : « Notre travail est une œuvre collective : chacun y apporte son expé-rience, son savoir. C’est ce qui a permis de faire vivre et grandir notre Institut depuis 15 ans. Il est souhaita-ble que cela continue ».

Après discussion où interviennent 7 participants, ainsi qu’Elyane BRESSOL, le rapport d’activité est adopté à l’unanimité.

2. Jacques DEFORTESCU, trésorier, présente le rap-port financier et le projet de Budget pour 20��. Après avoir exposé les chiffres des recettes de diffusion du livre « HNPS », ainsi que la vente des livres émis par l’Institut CGT National, il détaille l’évolution positive du nombre de nos adhérents individuels et collectifs, tout en notant les possibilités d’un renouvellement annuel plus rapide des adhésions et en soulignant les potentialités pour de nouvelles adhésions de Sections

et Syndicats CGT. Il insiste pour promouvoir les ad-hésions/abonnements par prélèvements automatiques, et signale que nous ne recevons que deux subventions annuelles (Conseil Général et Ville de St Etienne du Rouvray) Il expose les chiffres des coûts de l’édition du « Fil Rouge » et rappelle l’aide précieuse que nous apporte, à ce sujet, la convention de coopération passée entre notre Institut et nos amis de TLC. En conclusion, Jacques souligne que nos finances illustrent bien notre activité de 20�0,qu’elles sont saines et nous permet-tront de poursuivre et développer nos activités de la meilleure manière possible en 20��. Il remercie Pas-cal Lamotte et Jean-Jacques Lefebvre qui l’ont aidé dans les tâches de trésorerie. Après lecture de l’avis du Commissaire aux Comptes et réponses apportées aux questions posées, le rapport financier et le projet de Budget 20�� sont adoptés à l’unanimité.

3. L’Assemblée Générale procède à l’élection du Conseil d’Administration. Pierre Largesse, vice-prési-dent, présente les candidatures, dont quatre nouvelles. Une courte discussion s’engage alors, où de nombreux participants regrettent l’absence persistante de fem-mes au C.A. Les 2� candidats sont élus à l’unanimité. Est également approuvée, unanimement, la répartition des responsabilités entre les membres du Bureau. Le nouveau C.A. élu est présidé par Serge Laloyer.