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www.hommenouveau.fr • N° 1606 • Samedi 16 janvier 2016 • LXX e année • Bimensuel • France : 4 € Débat avec Pierre Manent : quelle place pour les catholiques dans la société ? p.10 L’ESSENTIEL DE THIBAUD COLLIN : François Mitterrand l’apostat. p. 24 Le mercredi 20 janvier sur hommenouveau.fr : Témoignage d’une expérience africaine sur le mariage chrétien. AU SOMMAIRE DÉCRYPTAGE > Corse : toujours plus dans l’impasse. p.6 > Face à l’islamisme et au communisme. p.8 > Proche-Orient : la faute politique saoudienne. p.9 LES R.-V. DE LA QUINZAINE > L’éditorial de Philippe Maxence. p.3 > L’humeur de Pasquin. p.4 > Le billet de François Foucart. p.7 > Carte blanche à Jean de Viguerie. p.16 CULTURE > François d’Assise, héros de la littérature française. p.17 > Les ingrédients pour l’éducation d’un garçon. p.21 FIGURE SPIRITUELLE > Bienheureux Joseph Samsó, prêtre victime de la Révolution espagnole de 1936. p.22 MAGISTÈRE > Homélie du 1 er janvier : Salve, Mater misericordiæ. p.23 Entretien avec R. Secher : Après le génocide, le mémoricide ! p.7 Jacques Fesch ou le retour du bon larron p.18 Anne Bernet L’actualité éditoriale remet sur le devant de la scène Jacques Fesch guillotiné à 27 ans, le 1 er octobre 1957, pour avoir tiré sur un policier. Cependant cet assassin involontaire découvrit le Christ en trois ans d’emprisonnement. Déchéance de la nationalité : du vent ? p.4 Philippe Pichot-Bravard Pour répondre à la menace terroriste, le Chef de l’État entend inscrire dans la Constitution la possibilité pour le gouvernement de déclarer la déchéance de nationalité pour les Français impliqués dans des attentats. Qu’en est-il ? @

† N° 1606 † Samedi 16 janvier …cathomerignac.fr/parametrage/fichiers/hn1606.pdf · et qu’il doit être compris et expliqué dans le cadre de la responsabilit ... aux ordres

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www.hommenouveau.fr • N° 1606 • Samedi 16 janvier 2016 • LXXe année • Bimensuel • France : 4 €

Débat avec Pierre Manent : quelle place pour les catholiques dans la société ? p.10

L’ESSENTIEL DE THIBAUD COLLIN : François Mitterrand l’apostat. p. 24

Le mercredi 20 janvier sur hommenouveau.fr : Témoignage d’une expérience africaine sur le mariage chrétien.

AU SOMMAIRE◗ DÉCRYPTAGE> Corse : toujours plus dans l’impasse. p.6

> Face à l’islamisme et au communisme. p.8> Proche-Orient : la faute politique saoudienne. p.9

◗ LES R.-V. DE LA QUINZAINE> L’éditorial de Philippe Maxence. p.3> L’humeur de Pasquin. p.4> Le billet de François Foucart. p.7> Carte blanche à Jean de Viguerie. p.16

◗ CULTURE > François d’Assise, héros de la littérature française. p.17

> Les ingrédients pour l’éducation d’un garçon. p.21

◗ FIGURE SPIRITUELLE> Bienheureux Joseph Samsó, prêtre victime de la Révolution espagnole de 1936. p.22

◗ MAGISTÈRE> Homélie du 1er janvier : Salve, Mater misericordiæ. p.23

◗ Entretien avec R. Secher : Après le génocide, le mémoricide ! p.7

Jacques Fesch ou le retour du bon larron p.18Anne BernetL’actualité éditoriale remet sur le devant de la scène Jacques Fesch guillotinéà 27 ans, le 1er octobre 1957, pour avoir tiré sur un policier. Cependant cetassassin involontaire découvrit le Christ en trois ans d’emprisonnement.

Déchéance de la nationalité : du vent ? p.4Philippe Pichot-BravardPour répondre à la menace terroriste, le Chef de l’État entend inscrire dans laConstitution la possibilité pour le gouvernement de déclarer la déchéance denationalité pour les Français impliqués dans des attentats. Qu’en est-il ?

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L’Homme NouveauN° 1606 du 16 janvier 20162 | ENTRE NOUS

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■ Les manuscrits non insérés ne sont pas rendus. Pourune réponse personnelle, prière de joindre une enveloppetimbrée. ■ L’Homme Nouveau est publié par les Éditionsde L’Homme Nouveau, société coopérative anonyme aucapital minimum de 306 748,31 euros. RCS Paris B 692026 347. ■ Siège social : 10, rue Rosenwald, 75015Paris. ■ Im pres sion : Roto Champagne, 2 rue des FrèresGar nier, ZI de la Dame Huguenotte, 52000 Chaumont. ■Dépôt légal à parution. N° CPPAP : 1120 D 80110 ISSN0018 4322. ■ Crédits photos : Une : © Claire Manent ;p. 4 : © Reda Kerbouche ; p. 12 : © Warren Pot ; p. 18 :© Quentin Toury-Fesch ; autres photos : Droits réservés.

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❚ Continuez !Continuez à aller à contre-courant deces informations envahissantes et men-songères et qui rendent les gens nerveux.Le mensonge est dévoilé peu à peumais il en reste un bon « stock ».L’espérance est ce que l’on peut donnerde mieux. J.-F. de B. (75) ◆

Mes meilleurs vœux à toute l’équipepour tout ce que vous nous transmettezet votre jugement positif bien souventsur les faits, en particulier sur l’Égliseà laquelle je suis très attachée. Avec tous mes remerciements, au plaisirde lire votre revue qui me sert de pointd’appui dans certaines conversations.C.P. (07) ◆

❚ Contrôle des naissances…Suite à l’article sur les mots du cardinalTurkson (cf. L’HN n° 1605), je crois qu’ilfaut pour nous comprendre entrechrétiens, choisir d’employer les mêmesexpressions ! À savoir : Maîtrise de la fécondité, pour ce quiest de ce qui est admis par l’Église etl’Évangile, parce que le mot maîtrisedonne une note de volonté responsable,et qu’il doit être compris et expliquédans le cadre de la responsabilitécommune de la continence périodiquedans les périodes fertiles.Cette expression avait été choisie dansnotre AFC quand nous cherchions àéclairer nos adhérents et nos enfants…Par contre nous avions clairement excluet condamné les expressions suivantes :–contrôle des naissances, mots utiliséspar les promoteurs des méthodes chi-miques (pas assez nettement condamnéesà mon avis par la hiérarchie), et présentés

sans preuve par les malthusiens commele moyen d’enrichissement des na-tions.Mais utilisés de concert par les médiasaux ordres comme les mots :– maîtrise de la population, sous-entendu plus d’enfants est un malcomme disent les écolos, – égalité des genres, poussée jusqu’aumariage pour tous, GPA, PMA… eu-thanasie… utilisés comme arme dedestruction contre la religion catholiquedans sa morale, et dans sa foi en lavaleur de la vie, comprise en lien avecla priorité due à la personne humaine,du fait de sa destinée eschatologiqueindividuelle. G.N. (par courrier élec-tronique) ◆

❚ Face à l’islamSi les musulmans du département deSeine-Saint-Denis travaillent dans lescoins pour que les gens qui ont desarmes les déposent à la mairie, la gen-darmerie, devant une caserne, chezles pompiers,… cela augmentera leniveau psychologique de sécurité dansce département (…). Et cela renverserale plan consistant à utiliser l’islamismecomme instrument pour ficher tousles citoyens car les musulmans ouvertsauront démontré leur participationvolontaire pour désarmer leurs extrémistes.L’islam se présente comme un ennemipour la France mais c’est à cause despolitiques conciliantes de nos partispolitiques qui n’ont jamais posé defrein. Par exemple : tribunal obligatoirepour un musulman qui se moque d’unFrançais musulman qui mange dujambon, qui boit de la bière. La Républiquen’a jamais protégé le musulman qui

mange un jambon-beurre ; ce qui afait le lit des radicaux. C’est tout ce qu’ilfaut faire pour briser les stratégies d’in-fluences de l’islamisme contre les mu-sulmans libres. Il y a aussi des souratesqui ordonnent de tuer après le ramadan.Le Pape François et les leaders protestantsjouent les colombes en déclarant saintun Coran qui contient ces textes. Érigeren préceptes religieux le droit au meurtreest une exonération exorbitante audroit commun qu’aucun groupe, partipolitique, ne peut avoir sans être châtiés.Il y a une démission des juristes car leschefs religieux chrétiens disent queces sourates de la mort sont saintes.Ils ont la connaissance mais ne dénoncentpas le mal. Si les musulmans viennentdéposer des armes détenues illégalementdevant le parvis de la Basilique Saint-Denis, cela renversera tous les plansmédiatiques truqués. M.P. (par courrierélectronique) ◆

ANNONCES

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ENTRE NOUS | 3L’Homme NouveauN° 1606 du 16 janvier 2016

À LA LUMIÈRE DE LA VÉRITÉ

N ous sommes entrés depuis le8 décembre dernier dans l’Année

de la Miséricorde comme l’a voulule Pape François. Cette année jubilaire,année de grâce, de joie et de pénitence,donne le vrai « ton » à 2016 et savéritable orientation. Il n’est doncpas trop tard pour souhaiter à tous

nos lecteurs une sainte annéejubilaire, dans ce pèlerinage

vers le port du salut,cette éternité que nousavons trop tendanceà oublier aujourd’hui.

L’Homme Nouveau a consacré ennovembre dernier un numéro horssérie aux jubilés, qui aborde dans sapremière partie ce qu’est la miséricordeet son rôle dans l’économie du Salut (1).Aussi, ne devrais-je pas revenir plusavant sur ce sujet, pourtant par natureinépuisable tant il invite à plongerdans les mystères de Dieu lui-mêmeet à les méditer.Il faut cependant parfois constaterchez certains catholiques un doublemouvement étonnant vis-à-vis de lamiséricorde. Certains s’en méfient,la réduisant à une notion vague etfloue, propre au sentimentalisme,une sorte d’irénisme moderne,

dissolvant de la force et du jugement.Parallèlement, d’autres chrétiens,certainement les plus nombreux,évacuent sous prétexte de miséricordetout l’ordre moral, toute notiond’efforts, de réparation et jusqu’àl’idée même de justice divine.Les deux erreurs sont évidemmentsymétriques et pèchent en raisond’un fondement identique : un dé-voiement de ce qu’est réellement lamiséricorde. Dans la Catena Aurea,merveilleux recueil de commentairesdes évangiles par les Pères et diversauteurs spirituels, saint Thomasd’Aquin rapporte cette sentence dansles pages consacrées aux Béatitudes :« La justice sans la miséricorde n’estque cruauté, et la miséricorde sansjustice n’est que faiblesse. » (2)C’est une indication assez claire decet équilibre que nous avons perdu,oscillant sans cesse d’une erreur àl’autre, rejetant la miséricorde auquelnous appelle pourtant le Christ (cf.les œuvres de miséricorde corporelleset spirituelles), dans une dénaturationde cette vertu morale (du côté del’homme) qui finit par atteindre dansnotre perception la miséricorde divineelle-même. Saint Augustin nousavertit pourtant à propos de la séparationradicale que notre époque veutintroduire entre la miséricorde et lajustice divine : « Toutefois, mes frères,gardez-vous de croire que ces deuxattributs puissent être séparés enDieu. Il semble, en effet, qu’ils soientcontradictoires, et que la miséricordene devrait point se réserver le jugement,comme le jugement devrait se faire

sans miséricorde. Dieu est tout-puissant, et dans sa miséricorde Ilexerce la justice, comme dans sesjugements il n’oublie point la misé-ricorde. » (3)

QUEL HONNEUR ?

L e déséquilibre est permanentaujourd’hui, la plupart du temps

lié à un jugement faussé, sous l’emprisede l’émotion, de l’idéologie ou desmodes du moment. Récemment, lePrésident de la République a cru bond’attribuer la Légion d’honneur àtitre posthume aux morts de CharlieHebdo. Il ne s’agit pas ici de se lancerdans une défense de cet ordre en lui-même, hors de propos ici. Reste quele code de cette institution prévoitqu’elle est attribuée en « récompensedes mérites éminents acquis au servicede la nation soit à titre civil, soitsous les armes ». Le fait de mourirsous les coups d’une attaque terroriste,après avoir passé son existence àattaquer et à dénigrer les plus hautscorps constitués (L’Église, l’État,l’armée), suffit-il à élever cette actionde subversion permanente au rangde « service de la nation » ?

FORCE ET VIOLENCE

U n an après les attentats enquestion, et quelques mois après

ceux de novembre 2015, ce n’est passeulement la confusion qui règnedans les esprits, mais c’est conti-nuellement un renversement idéologiquequi est institué par les détenteurs dupouvoir dans une dénégation permanentedu bien commun. À ce sujet, que

l’on me permette de conseiller lalecture de notre petit livre consacréà l’affaire Charlie Hebdo. Il vientde connaître son deuxième tirage (4).Un an après, la récente décision deFrançois Hollande comme le matra -quage médiatique permanent sur cesujet, il vaut encore la peine deprendre le temps de réfléchir sur levéritable sens de cet évènement etsur sa portée réelle. En complément,on lira également avec profit le dossierdu dernier numéro de la revue SedesSapientiæ (5), sur les distinctionsdoctrinales à opérer entre force etviolence (juste et injuste).Un des premiers actes de résistanceà poser contre la violence injustetransportée par l’idéologie révolutionnairene se trouve-t-il pas justement danscet effort de formation nécessairepour y voir clair en ces temps difficiles ?À cette tâche, impérative et urgente,nous entendons, ici, œuvrer plus quejamais. ◆

1. H.-S. n° 21, Jubilés. De1300 à 2015, 66 p., 7 €.2. Chaîne d’or sur l’évangileselon saint Matthieu, chap.5, verset 7, traduction deJ.-M. Peronne, Louis Vivèséditeur, 1868.

3. « Deuxième discours sur lePsaume 32 », Œuvres complètesde saint Augustin, traduction

sous la direction de M. l’abbé Raulx,tome VI, Bar-le-Duc, 1866.4. Sous la dir. de Philippe Maxence, Faceà la fièvre Charlie, Éd. de L’HommeNouveau, 126 p., 9 €.5. www.chemere.org

NOTRE QUINZAINE :Dans la perspective de la miséricorde

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L’ÉDITORIAL

DE PHILIPPE MAXENCE

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PHILIPPE PICHOT-BRAVARD

Docteur en droit et maître de confé-rences en histoire du droit public

D epuis 1973, la déchéan-ce de la nationalité est ré-

gie par l’article 25 du Code ci-vil : « L’individu qui a acquisla qualité de Français peut,par décret pris après avis duConseil d’État, être déchu dela nationalité française » (loidu 9 janvier 1973), « sauf si ladéchéance a pour résultat dele rendre apatride » (loi du 16mars 1998). Quatre cas peu-vent conduire le gouvernementà déclarer cette déchéance d’unindividu, notamment : « s’il estcondamné pour un acte quali-fié de crime ou délit consti-tuant une atteinte aux intérêtsfondamentaux de la Nation oupour un crime ou un délit consti-tuant un acte de terrorisme ».

Une sanction restreinteL’article 25, alinéa 1 préciseque les actes sanctionnés doi-vent avoir été accomplis « an-térieurement à l’acquisition dela nationalité française ou dansle délai de dix ans à compterde la date de cette acquisi-tion », délai porté à quinze ansdans le cas précité. Cette pro-cédure n’a été mise en œuvreque vingt-six fois au cours desquarante dernières années. Laréforme vise non seulement àconstitutionnaliser cette sanc-tion mais aussi à l’étendre àdes personnes plurinationales,jouissant de la nationalité fran-çaise depuis leur naissance, envertu du droit du sol qui, de-puis 1889, régit, pour partie, notredroit de la nationalité. Cette restriction, d’ailleurs trèslimitée, du dogme du droit dusol suscite l’opposition d’unepartie de la gauche, qui préfé-rerait que le gouvernement re-coure à la peine de l’indigniténationale, laquelle ne retranchepas l’individu condamné de lacommunauté nationale mais lemarque d’infamie, lui interdi-

sant l’exercice des droits ci-viques et de nombreuses res-ponsabilités professionnelles.L’indignité nationale fut ins-taurée par l’ordonnance du26 août 1944 ; elle fut pro-noncée, à la fin de la SecondeGuerre mondiale, par les tribunauxde l’Épuration à l’encontred’environ cent mille Français,auxquels était reprochée « uneactivité antinationale caracté-risée » par laquelle ils se se-raient « déclassés ». Le Maré-chal Pétain en fut frappé. Cepassé n’est pas pour déplaire àgauche. Pourtant, cette sanctionfut créée postérieurement auxfaits qu’elle condamnait, ré-troactivité qui est contraire àtoute la tradition juridique oc-cidentale, et notamment à l’ar-ticle 8 de la Déclaration desdroits de l’homme et du ci-toyen. Elle fut, en outre, appliquéede manière sélective, partisa-ne, frappant ceux qui avaientservi le régime de Vichy, maisépargnant Maurice Thorez quiavait, en pleine guerre, déser-té son régiment pour fuir enURSS, à l’époque alliée del’Allemagne hitlérienne. Le débat actuel sur la déchéancede la nationalité réveille lavieille querelle du droit de la

nationalité. Les personnes quijouissent d’une double natio-nalité sont, par définition, sou-mis aux mêmes devoirs à l’égarddes deux nations auxquelleselles appartiennent.

Quand les pays entrent en conflit…Lorsque ces deux nations en-tretiennent entre elles de bonnesrelations, ce statut ne soulèvepas de véritable difficulté. Lors-qu’elles entretiennent des re-lations conflictuelles, les bi-nationaux se retrouvent déchi-rés entre deux devoirs, entredeux loyautés incompatibles ;ils sont exposés à la suspicionde chacun des deux États dontils relèvent et ces États peu-vent, à bon droit, pour assurerleur sécurité, exiger d’eux ungage supplémentaire de loyau-té, ou choisir d’écarter de lacommunauté nationale ceuxqui ne seraient pas loyaux àson égard. Ainsi, lors de la Pre-mière Guerre mondiale, la Ré-publique a prononcé la dé-chéance de la nationalité deplusieurs centaines de binatio-naux ressortissants d’Étatscontre lesquels la France étaiten guerre. L’Allemagne est surcette question plus stricte, et plus

prudente, puisqu’elle exige quel’individu qu’elle naturalise re-nonce à sa nationalité anté-rieure, et que l’enfant né en Al-lemagne de parents étrangersinstallés en Allemagne depuisau moins huit ans choisisse àsa majorité entre la nationali-té de ses parents et la nationa-lité allemande. Cependant, le débat actuel estaussi le symptôme de la crisepolitique qui mine en profon-deur nos institutions. Lorsqu’unpays est en guerre, la prioritéest de protéger la population dece pays contre ses ennemis. Ornotre pays est en guerre, me-nacé par des terroristes dontcertains ont la nationalité fran-çaise et trahissent par leursactes la communauté nationa-le. Par cette trahison, ils ont

choisi de quitter notre com-munauté. La déchéance dontils sont menacés n’est que laconséquence logique de leurchoix et une mesure de pru-dence élémentaire éloignantdes individus très dangereux.À nouveau, nous constatons icila toxicité d’un système poli-tique dans lequel des politi-ciens, pour exister, combattentdes mesures nécessaires à ladéfense du pays attaqué au nomde conceptions idéologiquesérigées en absolu. Le sens despriorités, le sens des réalités,est oublié. Il est grand tempsde le retrouver et de secouer lespesanteurs idéologiques quinous empêchent de prendre lesdécisions de bon sens, les dé-cisions saines que réclame lebien objectif de la France. ◆

L’Homme NouveauN° 1606 du 16 janvier 2016

Déchéance de lanationalité : du vent ?◗ Pour répondre à la menace terroriste, le Chef de l’État entend inscriredans la Constitution la possibilité pour le gouvernement de déclarer la déchéance de nationalité pour les Français impliqués dans des attentats. ◗ Une proposition qui suscite beaucoup de bruits au regard de sa portée réelle, limitée et insuffisante.

4 | DÉCRYPTAGE | France

Le cumul des nationalités n’est pas compatible avec une situa-tion de guerre entre deux États.

Aux urgences gynécologiques, dans le pays mi-nier, une gamine et sa mère… le quart-monde,genre pauvres qui vote Le Pen, en jogging. Ba-

baches de pauvres, qu’il est de bon ton de mépriserquand on a fait des études, et qu’on jouit du pouvoirdu savoir, comme ce jeune interne. Aux urgencesdonc, la gamine a 15 ans. « Elle a mal au ventre » dit la mère, « on sait pas quoi ! ». La sage-femme qui, elle,garde plutôt ses jugements sévères pour les préten-tieux, prend soin de la fille, la questionne et l’examine.« Il est plus que probable que tu sois enceinte… le sais-tu ? ». « Bah non ! »… Arrivée de l’interne, échographie,diagnostic de la sage-femme confirmé : « Tu es encein-te de 6 mois. » L’interne, sentencieux devant ce déni degrossesse : « C’est trop tard, mais si tu avais fait attentionet réagi à temps, on aurait pu pratiquer une IVG. » « Unequoi ? » dit la fille. « Un avortement » reprend l’interne.« Ah ben non ! Avorter c’est quand même tuer son bébé ety a pas de raison de faire ça, faut pas faire ça, moi je suiscontre ! » répond d’une traite la jeune fille, femme, mère. Alors que l’interne, décontenancé et les certitu -des en déroute, quitte la salle, la sage-femme pose samain sur le ventre de la gamine et lui dit : « C’est toi quias raison ». Mais oui, c’est toi qui as raison la ch’tiote, au-delà de ta négligence initiale, tu donnes une leçon debon sens, de simplicité, de sagesse, de maturité et desens des responsabilités. T’as raison, la ch’tiote, faut pasfaire ça. Ta résistance simple et efficace écroule le Plan-ning familial, le bourrage de crâne scolaire et périscolai-re, les subventions et tout le tintouin budgétisé depuistrente ans pour faire oublier cette vérité toute simpleque tu rappelles à contretemps : « Avorter c’est quandmême tuer son bébé ! ». La connivence qui s’est tissée, là,entre la gamine et la sage-femme, est une révolution.Ceux qui pensaient avoir gagné la partie n’en mesurentpas la portée : ils ont déjà perdu. Les pau vres aiment lesenfants et ils sont plus nombreux que les bobos. Et il yaura toujours une sage-femme pour préférer, à les fairedisparaître, les faire naître. Elle commence bien cettenouvelle Année, elle va nous plaire ! ◆

Selon une tradition populaire de Rome, Pasquin était un tailleur de la courpontificale au XVe siècle qui avait son franc-parler. Sous son nom, de courtslibelles satiriques et des épigrammes (pasquinades) fustigeant les travers de lasociété étaient placardés sur le socle d’une statue antique mutilée censée lereprésenter avec son compère Marforio à un angle de la Place Navona etcontre le Palais Braschi.

L’HUMEUR DE PASQUINLa ch’tiote !

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Publicité | DÉCRYPTAGE | 5 L’Homme NouveauN° 1606 du 16 janvier 2016

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L’Homme NouveauN° 1606 du 16 janvier 2016

Corse : toujours plus dans l’impasse

6 | DÉCRYPTAGE | France

◗ Deux indépendantistes corses ont été élus lors des élections régionales de décembre dernier, tandis que dans la nuit du 24 au 25 décembre de jeunes immigrés blessaient deux pompiers. ◗ Ce climat de violence et la dépendance économique vis-à-vis du continent permettent-ils une avancée vers l’indépendance ?

YVES CHIRON

L a Corse, qui a été inté-grée à la France en 1768,

un siècle avant la Savoie et Ni-ce, a conservé une forte iden-tité, historique,géographique etcultu relle. LesCorses sont de-venus françaispar le sang ver-sé (12 000 soldatsoriginaires deCorse morts en1914-1918) etaussi par le «sangmêlé ». Aujour-d’hui si l’îlecompte quelque300 000 habi-tants, 600 000originaires de l’îlevivent sur le conti-nent et, commel’a souligné legénéral MichelFranceschi, surcet ensemble,« environ 70 %sont issus de ma-riages corses-continentaux ».Si la langue corse existe toujours,parlée plus ou moins bien parbeaucoup, elle n’est pas d’usa-ge commun. Bien peu de Corsessavent lire et écrire le corse. Iln’y a pas de journal quotidienen langue corse.

Il y a 40 ans, en 1976, naissaitle FLNC (Front de libérationnationale corse), mouvementindépendantiste qui a multipliédepuis attentats et assassinats.Cette même année, Giscard

d’Estaing étant Président de laRépublique, la Corse était di-visée en deux entités adminis-tratives : Corse-du-Sud et Haute-Corse. Puis les réformes statutai -res se sont succédé à un ryth-me régulier, tous les dix ans

ou presque : 1982, 1991, 2002.Avec un désengagement tou-jours plus grand de l’État quia abouti à la mise en place d’uneinstitution spécifique (la Col-lectivité Territoriale de Corse)

et d’une sorte de gouvernementrégional (le Conseil exécutifde Corse).

Une révolution ?Aujourd’hui, suite aux der-nières élections régionales,deux « nationalistes » dirigentles instances régionales : Jean-Guy Talamoni préside l’As-semblée de Corse et Gilles Si-meoni préside le Conseil exé-cutif. Tous deux sont avocats,jadis défenseurs de terroristesindépendantistes. Gilles Si-meoni, dans son discours d’in-vestiture, a interpellé le gou-vernement et l’État : « Prenezla mesure de la révolution dé-mocratique que la Corse vientde vivre ».Cette arrivée des nationalistesà la tête du pouvoir régional cor-se n’est pas pour autant le signed’un choix majoritaire pourl’autonomie ou l’indépendan-

ce de l’île. Ce sont les divisionsdes partis classiques de gaucheet de droite qui ont permis l’al-liance et la victoire des auto-nomistes et des indépendan-tistes. Ils ne disposent à l’As-semblée que d’une majorité re-lative : 24 sièges sur 51. La prochaine étape aura lieuen 2018 lorsque la Collectivi-té Territoriale de Corse (CTC)fusionnera avec les conseilsdépartementaux de Haute- Corseet de Corse-du-Sud. Les na-tionalistes espèrent bien ga-gner les élections qui aurontlieu alors et en faire une nou-velle étape de ce que Gilles Si-meoni appelle « l’émancipa-tion » de la Corse, avec no-tamment l’exercice d’un véri-table pouvoir législatif.Mais la perspective d’une Cor-se indépendante est illusoire.La Corse serait bien incapablede financer les retraites, les al-locations familiales, le RMI etautres aides dont bénéficie au-jourd’hui sa population. Outred’importantes subventions agri-

coles venues de l’Union euro-péenne, elle bénéficie aussi desubventions du FEDER (Fondseuropéen de développementrégional) et du FSE (Fonds so-cial européen), soit 268 mil-lions d’euros au titre du pro-gramme 2014-2020.

Des violences croissantesDepuis quarante ans, les indé-pendantistes crient « France-si fora » (Les Français dehors).Le 24 décembre dernier, on avu, dans un quartier d’Ajac-cio, des jeunes d’origine immigréeagresser des pompiers en criant :« Sales Corses ». Puis descontre-manifestants sont ve-nus les jours suivants clamerleur colère au cri d’« Arabi fo-ra » (Les Arabes dehors) et ensaccageant une salle de prièremusulmane. Trois cris qui montrent com-bien l’État jacobin est inca-pable d’unifier, tout en res-pectant les diversités, et a dumal à pacifier. ◆

Des drapeaux corses ont été brandis lors de la contre-manifestation à Ajaccio le 25 décembre dernier en réaction aux agressions contre les pompiers.

QUAND L’AMÉRIQUE SE REBIFFE

Le point rouge

Des vagues de Moyen-Orientaux déferlent surles rivages de l’Europe et, dans une moindremesure, sur ceux de l’Amérique. À partir de

cette vision, deux réactions peuvent surgir : la com-passion globaliste ou le réflexe national. On s’indignedu manque d’hospitalité et du repli sécuritaire témoi-gnés par de larges couches de l’opinion occidentale.Ou l’on condamne le cynisme politique et la subver-sion insidieuse d’élites qui refusent d’imaginer un che-val de Troie. Et qui rejettent comme intolérante, et intolérable, l’idée que certains de ces réfugiés puissentse transformer un jour en bombes à retardement.Deux Américains, Alex et Kathleen Kingsbury, ont vou-lu montrer que derrière chaque Syrien ne se cache pasforcément un terroriste. Et que l’argument qui consisteà voir des « taupes » un peu partout, prêtes à déclen-cher un carnage le moment venu, manque de consis-tance. Nos deux gaucho-libéraux ont donc parsemédeux pleines pages du Boston Globe – l’un des princi-paux quotidiens de la côte Est – de myriades de pointsnoirs minuscules. Il y en a exactement 681 713. Ils re-présentent le nombre de Syriens qui ont demandé asile aux pays européens depuis 2011. Dans cette hal-lucinante grisaille vouée au pointillisme, on a glissé unpoint de la même taille que tous les autres – sauf quelui est rouge. Au milieu de l’uniformité vertigineuse, il symbolise un « potentiel terroriste ». En bas de page,la ritournelle culpabilisatrice : refuser l’asile à près de700 000 personnes pour un seul hypothétique kami-kaze s’assimile à un scandale humanitaire. Mais il y aurait eu une autre façon de présenter cesdeux pages. On aurait pu proposer au lecteur de cher-cher ce fameux point rouge – allusion à l’aiguille dansla botte de foin – et de calculer le temps qu’il lui a fallupour le trouver. Allusion terrible au suspense qui s’en-gage dès maintenant entre les services de renseigne-ment occidentaux et les cellules opérationnelles de l’État Islamique. Henry LOBSTER

L’ŒIL DE MIÈGE

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France | DÉCRYPTAGE | 7L’Homme NouveauN° 1606 du 16 janvier 2016

Après le génocide le mémoricide !

Propos recueillis par Olivier Figueras

Vous avez lancé uneprocédure judiciaire à l’encontre de votremaire et de l’État.Pourquoi ?

>>Reynald Secher : LaChapelle Basse-Mer, mon vil-lage natal, a fusionné avec lacommune de Barbechat. Arbi-trairement, les deux maires ontappelé cette nouvelle entité« Divatte-sur-Loire ». En clair,on définit le nouveau territoi-re par des éléments liquidespériphériques, ce qui est tota-lement insensé. Pire : ce nomest totalement mortifère. La Di-vatte est une petite rivière as-séchée six mois sur douze.Quant à la Loire, « la baignoirenationale » comme l’appelaitCarrier, elle a servi durant laRévolution pour noyer les ha-bitants, et de base à une flotilleen charge de leur extermination.Ce nom est donc particulière-ment atroce puisqu’il fait ré-férence à l’arme du bourreau.C’est comme si on donnait àun fils le prénom de l’assassinde son père. Vous imaginez letollé. J’ai entendu des habi-tants hurler de douleur. Ce nou-veau nom est donc inaccep-table d’où ma démarche, me-née d’ailleurs avec une dizai-ne d’habitants.

Pour vous, il s’agitd’un mémoricide,comparable à celuique vous avez dénon-cé pour la Vendée ?

>>Absolument. C’est unmémoricide total car non seu-lement on nie la victime, maison la remplace par le bourreau.Ceux qui ont fait cela nient, re-lativisent, justifient totalementl’acte premier de l’extermina-tion et de l’anéantissement deshabitants en 1793 et 1794.

Qu’attendez-vous de ce procès ?

>>Au niveau national uneprise de conscience de ce quiest en train de se produire. Jus-qu’à une période récente, leschangements de nom étaientdu ressort exclusif de l’État,pour des raisons évidentes, ladénomination des communes,villes et villages de France ap-partenant au patrimoine com-mun de la nation, comme au pa-trimoine culturel immatérielde l’humanité.

Au niveau local, que l’onredonne le nom de La ChapelleBasse-Mer aux deux communesqui ont fusionné, d’autant queces deux entités n’en formaientqu’une sous ce vocable depuisleur création, vers l’an mil, Bar-bechat ne s’étant séparé qu’en1868.

Vous n’êtes pas contreles fusions. Que dénoncez-vous donc ?

>>Ce n’est pas la fusionque j’attaque, mais les nou-veaux noms donnés dans cecadre. Je vous donne quelques

exemples stupéfiants. En Ven-dée, Saint- Michel-Mont-Mercure,La Flocellière, Les Châtelliers-Châteaumur, La Pommeraie-sur-Sèvre deviennent Sèvre-mont. En Anjou, Bouzillé,Champtoceaux, Drain, Lande-mont, Liré, Saint-Christophe-la-Couperie, Saint-Laurent-des-Autels, Saint- Sauveur-de-Landemont deviennent Oréed’Anjou. En Ille-et-Vilaine, LaChapelle-Caro, Le Roc Saint-André et Quily deviennent Vald’Oust. En raison du caractèresystématique et général de cet-te politique, on est en train defaire un véritable remembre-ment toponymique très lourdde conséquences.

On perd en effet d’un seulcoup les repères géographiques,historiques, culturels, anthro-pologiques. On met en place unedésorganisation générale qui,au-delà du coût financier, va avoirun coût humain considérable.À moyen et long termes, lesracines et identités locales vontêtre fracassées partout et enmême temps. C’est catastro-

phique. Ceux qui ont conçucette réforme ont fait n’importequoi, sans aucune précaution,ou, peut-être, ce qui serait gra-vissime, l’ont fait en conscien-ce, faisant leur le principe at-talien de création de l’hommenouveau, déraciné. En rompantavec le passé, on projette dansle futur l’homme sans cordonombilical. Je tiens d’ailleurs àfaire remarquer que quasi sys-tématiquement les référenceschrétiennes sont supprimées.

Quelle serait pourvous la solution toponymique ?

>>Elle est très simple. Ilsuffit de prendre le nom d’unedes communes comme on l’afait au XIXe siècle pour les can-tons, les autres entités conser-vant leur nom comme com-munes déléguées. Regardez lecas de Paris qui a absorbé toutesles communes périphériques, de-venues des quartiers (Mont-martre, Belleville, etc.). Cha-cune a conservé son nom et sonidentité. Autre solution : unirles noms comme l’ont fait lescommunes de Mouilleron-en-Pareds et de Saint-Germainl’Aiguiller. Ce qui a donnéMouilleron-Saint Germain. ◆

◗ Ce 1er janvier, nombre de communes nouvelles sont nées par regroupements et fusions.◗ L’historien Reynald Secher dénonce un véritable mémoricide et a lancé une procédure judiciaire à l’encontre de son maire et de l’État.

LE BILLET DE FRANÇOIS FOUCART

Donnez-nous des prêtres !

On constate depuis maintenant des années la fameuse crise des vocations. De moins enmoins d’ordinations et un clergé vieillissant.

Les chiffres sont implacables. À Saint-Claude dans leJura, petit diocèse certes, il ne reste que 39 prêtres actifs. À Besançon, il n’y a plus que 67 paroisses pourtout le diocèse. À Bourges, le plus grand diocèse deFrance, il ne reste plus que 50 prêtres en activité. Etpartout, la moyenne d’âge est de plus de 70 ans ! Au total, il reste en France en 2015 environ 12 000prêtres diocésains et 3 400 religieux, soit 15 400prêtres. Ordinations ? En baisse chaque année : 142 en 2000 (diocésains), 68 en 2015… Schématique-ment, le clergé a diminué de moitié en vingt ans…Que faire ? Une église sans prêtres ? Impensable, ensoi stupide. Faire appel à des prêtres étrangers ? C’est déjà le cas, ils sont 1 570 chez nous, dontquelques Polonais et surtout 940 Africains. À Châlons-sur-Marne, où il y avait 288 prêtres en 1954,il n’y en a plus aujourd’hui que 32 dont 7 Africains.Mais ce système a ses limites : c’est accepter la décon-fiture, et l’activité de prêtres qui ne sont pas toujourstrès à l’aise dans nos paroisses, et c’est leur enleverleur vraie mission : l’Afrique.Alors, le recours aux laïcs et d’abord l’idée d’ordonnerdes hommes mariés ? Dans l’immédiat, il n’en est pasquestion et on ne voit pas du tout une décision sem-blable intervenir à moyen terme. On dira alors que leslaïcs doivent prendre nombre de responsabilités poursoulager les prêtres. Certes, mais en dehors de la ges-tion et de l’animation un laïc ne remplacera jamais unprêtre pour l’essentiel : l’Eucharistie, la confession. Déjà, il est anormal de voir par exemple dans un hôpi-tal une dame, si bien, si croyante et bonne soit-elle,prendre le titre d’aumônier. Et puis il y a la tentationdes fameux « commandos liturgiques » (de femmesnotamment) qui veulent inconsciemment le pouvoirplus que le service. Il y a des offres, touchantes de naïveté et d’utopisme. Par exemple dans cette régionde l’Ouest où l’on propose l’EAP : E comme équipe, A comme animation, P comme paroissiale. C’est duverbiage, on habille le vide, on tourne en rond. En fait,je ne vois qu’une solution : des sociétés de prêtres(Saint-Martin, Saint-Jean, Saint-Pierre, Christ-Roi, etd’autres) qui offrent aux évêques demandeurs dejeunes prêtres, certes plutôt « soutane-latin » mais très pieux et bien formés, de petites équipes solides, à la demande. Mais encore faut-il qu’ils le demandentcar je crains que certains préfèrent « rien » plutôt que cette solution… ◆

« On met en place une désorganisationgénérale qui va avoir un coût humain

considérable. » (Reynald Secher)

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Face à l’islamisme et au communisme

JEAN-MICHEL BEAUSSANT

I ndignation inadéquate surune bonne question de légi-

time défense (même si sa ré-ponse n’est pas flagrante), carce n’est pas Donald Trump quiest contre le respect de la li-berté de la religion mais le Co-ran qui fait obligation du jihadà tous ses croyants. En l’occurrencece ne sont pas des personnesni des populations qu’il s’agitde stigmatiser mais une idéo-logie (totalitaire), non parcequ’elle est religieuse mais par-ce qu’elle est malfaisante com-me le communisme et provoqueles mêmes connivences.Sous l’espèce d’une (fausse)religion prosélyte et non plusde l’athéisme militant, l’isla-misme, par sa volonté de puis-sance, est bien le communis-me du XXIe siècle. Cette ana-logie proposée par Henry de Les-quen (en inversant celle du so-ciologue Jules Monnerot : « lecommunisme est l’islamismedu XXe siècle ») devrait nousfaire réfléchir davantage aux so-phismes proférés au sujet de cet-te hégémonie à prétention re-ligieuse, analogues à ceux pro-clamés hier sur l’idéologiemarxiste à prétention scienti-fique.

La praxis de la taqyaLe mode opératoire est à peuprès le même, sous l’effet d’unepraxis selon laquelle la fin jus-tifie les moyens (taqya, dés-information, lavage de cer-veau…). L’intérêt du Parti oude l’Ouma devient le critère demoralité, captant les nationa-lismes au profit d’un interna-tionalisme de conquête mani-chéen, discriminant les « bien-pensants » des autres (enne-mis du peuple ou infidèles) àéradiquer. L’agir ne suit plusl’être mais le fait ! Si l’onconsidère que, par un condi-tionnement requis, cette praxisengendre par légions des com-battants prêts à tuer et à mou-rir pour elle (comme martyrsdévoyés d’une cause erronée

et trompeuse), il n’est pas in-juste de lui attribuer les motsde Pie XI : « intrinsèquementperverse » et d’en deviner lemême inspirateur démoniaque.Comme les communistes, lesmahométans militant en paysnon conquis cachent leurs mu-nitions, se muent en combat-tants clandestins, deviennentpropagandistes, agitateurs se-crets, entretenant la dialectiqueet au besoin la peur par le ter-rorisme, selon l’une de leurs ar -mes les plus efficaces. Car sile ressort du communisme étaitla lutte des classes, celui del’islam est le choc de civilisa-tions, la lutte des religions : lasienne contre toutes les autresà des degrés divers. Si, pris àpart, il existe évidemment et heu-reusement quantité de com-munistes et de musulmans quin’ont pas fait disparaître la loi(morale) naturelle de leur cœur(en particulier la vertu de fran-chise et de religion) et aveclesquels il est possible, sou-haitable et nécessaire de dia-loguer et de cohabiter, on sai-sit le danger qu’il y a de col-laborer avec leurs représen-tants et leurs « coreligionnaires »convaincus en tant que com-munistes ou musulmans, c’est-à-dire manipulés par un re-doutable système de penséeunique, si bien mis en reliefpar Orwell.

Sans tomber dans les pièges ducompagnon de route, de l’alliéobjectif ou de l’idiot utile, cer-tains proposent cependant delutter contre l’islamisme parles armes de la non-violence etdu dialogue inconditionnel qu’ilsassimilent à l’amour évangé-lique. Ainsi le frère Adrien Can-diard, o.p., : la sainteté qu’ildemande est celle des vrais mar-tyrs, témoins missionnaires.Mais elle n’est pas exclusive d’unejuste guerre qui ne se place ja-mais sur le terrain de l’ennemiet n’empêche pas l’amour de l’en-nemi ni la sainteté du combat-tant, à l’exemple de saint Louis,de sainte Jeanne d’Arc ou dubienheureux José Luis Sánchezdel Rio (Cristeros). Le sophis-me du dominicain consiste àconfon dre juste réplique (légi-time défense) et haine. Oui,bien sûr, il convient d’aimermalgré tout et de dépasser le malcommis. « Aime, et fais ce quetu veux », dit saint Augustin. Quiajoute : « Si tu gardes le silen-ce, que ce soit par amour. Si tuélèves la voix, parle par amour.Si tu corriges, corriges paramour... ». Que de victimes ducommunisme et de l’islamis-me auraient pu être épargnéessi l’on avait su appliquer à bonescient envers leurs bourreauxce qui constitue le principe mê-me de l’éducation : corriger paramour. ◆

◗ Donald Trump a posé la question de fermer provisoirement les États-Unis aux musulmans après les attentats islamistes. ◗ La Maison-Blanche et des évêques américains ont réagi à l’opposé, au motif que l’on doit respecter la liberté religieuse.

REVUE DE PRESSE◗ Une FEMEN repentie

Sara Giromin était la fondatrice des FEMEN auBrésil. En octobre, elle « a totalement rompu avecle féminisme, qu’elle dénonce comme une“secte” qui utilise les femmes comme des objets,

fait la promotiondu lesbianismeet couvre mêmela pédophilieparmi ses

rangs. » Elle vient également de publier un livredans lequel elle « explique qu’elle a été poussée àconsommer des drogues et à avoir des rapportssexuels avec des inconnus : elle a même étémolestée par une lesbienne, tout cela dans unmilieu de féministes qui prétendaient se battrepour le droit des femmes. » Prostituée dans sonadolescence, ce n’est qu’auprès d’une femme« réputée “conservatrice”, “antiféministe”, qu’elle atrouvé une oreille compatissante : cette femmel’avait traitée comme si elle avait été sa proprefille. » En France, des faits similaires avaient étéreprochés aux FEMEN par une infiltrée qui avait prisle pseudonyme d’Iseul.

29 décembre 2015

◗ Le Zimbabwe adopte le yuanDépourvu de monnaie nationale depuis six ans, leZimbabwe a décidé d’adopter le yuan, la monnaiechinoise, comme devise nationale. Philippe Hugon,

directeur de recherche àl’Institut des RelationsInternationales etStratégiques (IRIS), répond àAtlantico : « Cela corres-

pond donc à une manière de faire un pied denez aux monnaies occidentales : le pays n’a ainsipas besoin du dollar. C’est un effet symbolique etcela constitue un signal. En même temps, sur leplan économique, cette décision n’est pas aber-rante. Les liens commerciaux et financiers entrela Chine et le Zimbabwe sont importants. » Alorsque l’Afrique s’éloigne peu à peu de l’Occident,« cela va montrer que l’Afrique est de plus enplus liée à la Chine. On a observé en 2015 un trèsfort ralentissement des relations commerciales etfinancières de la Chine avec l’Afrique pour desquestions de restructuration de l’économie chi-noise. Cette décision montre donc qu’il existe deforts liens entre l’Afrique et la Chine. En dehorsde ce signal, je pense que cette décision ne varien changer d’important. »

26 décembre 2015

◗ Noël interditDans trois pays musulmans, Noël est interdit offi-ciellement : « En Somalie, les autorités ont offi-ciellement interdit Noël. Le 23 décembre, le gou-vernement de cet État africain à majorité sunnite

a fait comprendre que les fêtes chré-tiennes étaient inacceptables voiredangereuses. (…) Au Brunei, le gouver-nement a interdit Noël mais aussiintroduit une responsabilité pénale etdes amendes pour violation du décret

d’interdiction. Les “malfaiteurs” pourraient faireface à une amende de 20 000 dollars et/ou cinqans d’emprisonnement. Il est officiellement inter-dit de décorer les maisons et les arbres de Noël,de porter des bonnets et de souhaiter joyeuxNoël. (…) Le 21 décembre, le Tadjikistan a rejointle groupe des pays “anti-Noël”. Il y est désormaisillégal d’utiliser des feux d’artifice, de préparer

L’Homme NouveauN° 1606 du 16 janvier 20168 | DÉCRYPTAGE | Société

>>> Suite page 9

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International | DÉCRYPTAGE | 9 L’Homme NouveauN° 1606 du 16 janvier 2016

ALAIN CHEVALÉRIAS

D ans notre article du der-nier Homme Nouveau,

nous dénoncions le manqued’unité dans la lutte contre lesjihadistes, les gouvernementsprivilégiant leurs intérêts par-ticuliers et cultivant leurs dis-putes.Le 2 janvier, en exécutant le cheikhNimr Baqr Al-Nimr avec 46autres condamnés, les Saou-diens ont parfaitement illustrénotre propos. Dans cette affai-re, ils en sont désespérants denaïveté quand, à la face de l’opi-nion internationale, ils ont réus-si à passer pour de méchantsassassins, l’Iran parvenant à sedraper dans la toge de la vic-time.Tout le monde oublie un peuvite que l’Iran pratique à dosesbien plus massives la peine demort. Sur les dix premiers moisde 2015, on compte chez les aya-tollahs 830 exécutions capi-tales, contre 158 environ, pourla même année, en Arabie Saou-dite.

Des condamnés peu recommandablesMieux, la plupart des 47 sup-pliciés du 2 janvier sont desmembres d’Al-Qaïda, des genspas plus sympathiques que ceuxde Daech. Des gens, même,pour lesquels nombre de Fran-çais remettraient bien la guillo-tine en usage. Quant au cheikhAl-Nimr, l’homme avait aussison côté sombre. Certes, il étaitun défenseur de l’importantecommunauté chiite saoudien-ne, mise à l’écart par le pou-voir sunnite. Mais, chez lui, lahaine prennait souvent le passur la simple contestation po-litique, déjà difficilement ac-ceptée chez les Saoud. Ainsi,en juin 2012, on a pu le voirsur une vidéo se réjouissant dela mort du prince héritier, NayefBen Abdelaziz. On l’entendaitdire sur Nayef : « Que les versle mangent ».Une quinzaine de jours plus tardil était arrêté, sa saillie tom-

bant mal. On était à la deuxiè-me année desdits « Printempsarabes », ces mouvements depopulations qui ont provoquéla chute de plusieurs gouver-nements, de la Libye au Yé-men en passant par l’Égypte.L’instabilité avait même pous-sé les Saoudiens à intervenirmilitairement au Bahreïn enmars 2011, pour soutenir lamonarchie sunnite qui y règnesur une population en majori-té chiite. Or, Nimr ne faisaitpas dans la dentelle. De lamosquée de son village d’Awa-miya, il appelait à la séces-sion de l’est, à forte compo-sante chiite, du reste de l’Ara-bie Saoudite. Que Nimr aitlongtemps séjourné en Iranpour étudier ne faisait queconforter la conviction saou-dienne d’un complot de Té-héran, pas complètement ima-ginaire, pour faire tomber lespouvoirs sunnites de la régionaux mains des chiites.Pour tout arranger, c’est juste-ment dans l’est de l’ArabieSaoudite que se concentrent

les richessespétrolières dupays. La sé-cession de cet-te région re-viendrait pourles autoritésde Riyad àperdre la ren-te qui les faitvivre. Nimrjouait avec lefeu.Les Iraniens,pour leur part,ont saisi la bal-le au bond. Cesthéocrates, bienplus au fait desstratégies decommunica-tion que leursadversairessaoudiens, ontpropagé la nou-velle de l’exé-cution de Nimravec des ac-cents pathé-

tiques. En même temps, ils ontactionné leurs réseaux de pro-pagande à travers les commu-nautés chiites pour provoquerdes manifestations, allant jus-qu’à favoriser des attaquescontre les locaux diplomatiquessaoudiens en Iran... tout en ré-primant de l’autre main les ma-nifestants sur leur sol. De l’artbien persan du double jeu.

Une réaction en chaîneSans attendre, faisant front der-rière l’Arabie Saoudite, plu-sieurs pays sunnites coupaient,en même temps qu’elle, leursrelations diplomatiques avecTéhéran. Alors qu’un front ara-be combat la rébellion chiite sou-tenue par l’Iran au Yémen, lemême front, en Syrie, financel’opposition armée au régimedes Assad, favorable lui à Té-héran. On comprend que c’estune véritable guerre qui se meten place entre l’Iran et l’Ara-bie Saoudite.On en oublierait presque Daech. ◆

Nimr Baqr Al-Nimr, exécuté le 2 janvier, un homme violent lui aussi !

Proche-Orient : la fautepolitique saoudienne◗ L’exécution en Arabie Saoudite du cheikh Nimr Baqr Al-Nimr accentueles tensions entre les pays sunnites et les États à majorité chiite. ◗ Une intensification des affrontements entre Téhéran et Riyad est à craindre.

REVUE DE PRESSE

des plats de Noël, d’offrir des cadeaux ou de recueillir des fonds pour la fête. Il est également défendu de décorer des arbres artificiels ou vivants dans les écoles et les universités. »

29 décembre 2015

◗ Déchéance de nationalité : un peu d’histoire

« C’est une idée de gauche et qui remonte beaucoup plus loin qu’on ne le pense. Une idée de gauche parce que la notion de“nation”, avant d’être assumée et défendue par la droite, est issue de la philosophie dite des Lumières qui a défini le principe des natio-

nalités encoreappelé “causedes peuples”.Le corollaire du principe des nationali-

tés fut un intense débat sur la définition de la nation qui prospérera tout au long du XIXe siècle. (…)La première étape de la déchéance de nationali-té date de 1848, liée à l’abolition de l’esclavage.La loi disait que tout Français qui continuerait de pratiquer l'esclavage pourrait être déchu de sa nationalité. Ensuite, lors de la guerre 14-18,la législation a permis de déchoir des Français en cas de trahison au profit de pays avec lesquels la France est en guerre (or, noussommes en guerre avec l’État islamique, dixit le Chef de l’État.) Puis, c’est Léon Blum qui,en 1936, prévoit la déchéance de la nationalitépour les Français naturalisés depuis moins de dix ans, ayant été condamnés à au moins un an de prison (décret-loi du 12 novembre1938 article 22).À la Libération, De Gaulle décide que cettedéchéance peut intervenir contre celui qui a commis, dans les dix ans suivant l’acquisitionde la nationalité française, un acte criminel ayant entraîné une condamnation à une peined’au moins cinq années d’emprisonnement ou pour toute une série de faits comme les atteintes aux intérêts fondamentaux de la Nation. »

Du 4 au 10 janvier 2016

◗ Une bonne idée dévoyée« Le 31 décembre, François Hollande a annoncéque, pour inverser la courbe du chômage (dont il a fait le baromètre qui lui dira s’il peut

ou non se représenteren 2017), il allaitdemander à son gou-vernement de menerune “grande politique”de l’apprentissage.(…) Encore faut-il –c’est le principe

même de l’apprentissage – qu’une entrepriseveuille bien accueillir l’apprenti. Pour l’y inciter,on la subventionnera donc… La France croulesous les subventions, et les réglementationsqu’elles impliquent. On va donc les augmenter…Le défaut de formation d’une partie importantede la jeunesse française résulte de l’impéritie de l’Éducation nationale, on ne va donc pas y toucher… »

5 janvier 2016

>>> Suite de la page 8

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10 | DOSSIER |Table rondeL’Homme Nouveau

N° 1606 du 16 janvier 2016

DÉBAT AVEC PIERRE MANENT : QUELLE PLACEPOUR LES CATHOLIQUES DANS NOTRE SOCIÉTÉ ?

Dans son livre Situation de la France,publié récemment, le philosophe PierreManent a été amené à évoquer le rôleactuel des catholiques dans la vie poli-tique et sociale de la France. Il nous a faitl’honneur de bien vouloir approfondir ce thème avec Thibaud Collin, MaxenceHecquard et Guilhem Golfin qui tous troisétaient déjà intervenus à ce sujet dans nos colonnes. Cet échange s’est déroulé en décembre dernier dans nos bureaux. Le débat était animé par PhilippeMaxence avec l’assistance technique de Blandine Fabre. Nous remercions vivement chacun des intervenants, et particulièrement Pierre Manent, pourleur participation et leur disponibilité.

Philippe Maxence : PierreManent, votre livre, Situa-tion de la France (1), a ététrès discuté ces dernièressemaines, principalementpour vos propositionsconcernant la place de l’is-lam dans notre pays. Thi-baud Collin a relevé dansL’Homme Nouveau qu’unepartie de ce livre s’adres-sait plus directement auxcatholiques. Et c’est cetteplace et ce rôle des catho-liques dans la société au-jourd’hui que j’aimeraisque nous abordions. Maisauparavant, pourriez-vousrappeler les grandes lignesde votre livre ?

>>Pierre Manent : Bien vo-lontiers. Je préciserai au préalableque Situation de la France compor-te aussi une partie, brève mais pourmoi importante, qui concerne le ju-daïsme et qui a été très peu discutée.Pour répondre à votre question, di-sons d’abord que je souligne les li-mites de la laïcité telle qu’elle est com-prise aujourd’hui, c’est-à-dire com-me un dispositif politique et socialqui permettrait de mettre la religionentre parenthèses, de la réduire à uneopinion individuelle, à quelque cho-se de privé, pour ainsi dire à une bi-

zarrerie qui n’intéresse pas la chosepolitique ni même la chose sociale.Ce projet abstrait et intempérant seheurte à une réalité élémentaire : lesreligions sont aussi des faits sociaux,qui réclament donc une certaine re-connaissance sociale.

Nous ne pouvons donc pas nousen tenir à la laïcité ainsi conçue. Ilnous faut reconnaître la réalité socialede la religion et donc définir sa pla-ce dans la société et le corps poli-tique. Maintenant, quelle est cetteplace, compte tenu des transforma-tions considérables que les sociétéscomme les religions ont connues ?Nous ne sommes plus dans la situa-tion « classique » de la laïcité à lafrançaise, caractérisée par un face-à-face entre le projet laïc et la Fran-ce catholique, entre les Républicains(ou les anticléricaux) et les cléricaux.L’étrange situation du catholicismedans notre pays, à partir de la loi de1905, découle de cette histoire trèsparticulière de la France : il est à lafois omniprésent et d’une discrétionqui confine à l’invisibilité politique.Les étrangers, particulièrement les Amé-ricains, ont beaucoup de peine à com-prendre cela !

Aujourd’hui, compte tenu deschangements de la composition reli-gieuse de notre pays, on ne peut passimplement rééditer cet arrangemententre une nation politique très sûre

d’elle-même et la religion qui avaitaccompagné cette nation depuis lesorigines et était profondément mêléeà elle. La nation n’est plus la mêmeet d’autres religions sont concernées.La question que nous avons à ré-soudre aujourd’hui est donc de dé-terminer quelle place nous entendonsdonner aux religions dans l’espace pu-blic, puisque cet espace ne sauraitêtre religieusement vide.

Quant à l’islam, celui-ci ne s’in -stalle pas dans ce que j’appelle laplaine des droits de l’homme, qui se-rait vide de masses spirituelles. Ildoit s’insérer dans un paysage so-cial et religieux dense et complexequi est préalablement constitué. Ildoit donc trouver sa place, s’inscri-re dans ce que j’appelle un pays demarque chrétienne et, plus spécifi-quement, de marque catholique.

C’est une thèse qui, pour les uns,paraît outrageusement cléricale et,pour d’autres, outrageusement défai-tiste devant l’islam. Elle n’est ni l’unni l’autre. Nous avons une opérationdifficile à conduire qui consiste à ac-cueillir l’islam, ou du moins à ac-cueillir les Français qui sont musul-mans, dans l’amitié civique d’un corpspolitique, qui reconnaît et préserve samarque spécifiquement catholique.

>>Thibaud Collin : La métho-de que vous utilisez dans votre livre

reconnaît l’importance de la média-tion politique, à rebours de ce quebeaucoup de nos concitoyens pensent,à savoir que nous vivons dans unesociété post- politique et post- nationale.Vous remettez au centre de votre ré-flexion cette causalité propre du po-litique.

>>Pierre Manent : Et là, je ren-contre toutes les difficultés, à la foisspirituelles et politiques, liées à la ques-tion du rapport de l’Église catholiqueet de la politique. Si j’ai une pointecritique très visible contre une cer-taine laïcité, il y a aussi dans montexte une pointe, émoussée mais sen-sible, en direction de ce qui me pa-raît une certaine incompétence poli-tique des catholiques : ceux-ci ontde la peine à prendre au sérieux lamédiation politique et en général lachose politique. Je demande aux ca-tholiques d’intervenir davantage dansla chose politique, de prendre la me-sure du bien commun, dont la re-cherche réclame un effort spécifiqueet qui ne peut être simplement dé-duit des principes catholiques. Ils’agit de nourrir la recherche com-mune du bien commun, en soulignantéventuellement la marque catholiquede ce bien commun, mais en mesu-rant que l’idée d’un gouvernementde la cité par la religion n’est paspraticable aujourd’hui, et n’a d’ailleurs

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jamais été pratiquée de manière satis-faisante ni pour l’ordre politique, nipour l’ordre religieux. Il serait mal-avisé de donner l’impression d’allerdans cette direction.

>>Thibaud Collin : Le traduiriez-vous en disant : retour à Aristote ?

>>Pierre Manent : Oui, sauf qu’Aris-tote n’avait pas à s’occuper de l’autremonde !

>>Maxence Hecquard : Je voustrouve sévère avec les hommes politiquescatholiques des XIXe et XXe siècles. Ilsont fait beaucoup d’efforts pour parti-ciper à la chose publique, visiblementen vain puisqu’ils ont échoué à main-tenir le christianisme comme compo-sante politique. Il faut reconnaître cetéchec et l’analyser. Je pense que cettequestion est au cœur de votre travail.Mais dire qu’ils étaient incompétentsme semble dur. Aurions-nous fait mieux ?

>>Pierre Manent : Je ne visaispas spécifiquement les hommes poli-tiques catholiques des XIXe et XXe siècles.Je prenais une vue plus longue. J’aiétudié l’Histoire de la philosophie po-litique moderne. Le thème le plus constantde cette philosophie, de Machiavel àNietzsche si on veut aller jusqu’à lui,ou au moins jusqu’à Rousseau, consis-te à dire : on ne peut rien faire politi-quement avec la religion chrétienne,elle empêche le bon gouvernement.Donc il faut construire un ordre poli-tique radicalement indépendant de la re-ligion chrétienne. C’est là un fait qu’ilfaut prendre au sérieux. On ne peut pasdire simplement, comme on le dit tropfacilement dans une certaine traditionthomiste ou néo-thomiste, que ces phi-losophes-là étaient, soit immoraux com-me Machiavel, soit s’éloignaient de labonne doctrine et tombaient dans une

conception subjectiviste de l’être hu-main. Ces propositions en elles-mêmesne sont pas nécessairement inexactes,mais on ne peut ramener la politiquemoderne à l’erreur intellectuelle dequelques philosophes ! Il faut affron-ter le fait majeur que la politique mo-derne dans son projet fondateur est uneffort pour rendre l’ordre politique in-dépendant de la perspective chrétien-ne. On comprend que les chrétiens aientété, et soient encore tentés d’être « an-timodernes », mais la réalité moderneest moins désespérante pour eux que lathéorie.

Les nations européennes et cellesd’Amérique du Nord et du Sud ontgardé des formes de vie chrétiennes.Dans ces cadres destinés à rendrel’ordre politique indépendant de l’Égli -se, celle-ci a trouvé des modes d’ac-tion nouveaux. Bref, la vie chrétien-ne a continué dans les siècles mo-dernes. L’Action catholique constitueune innovation positive, comme aus-si la démocratie chrétienne ainsi qu’onl’a vu en Allemagne et en Italie, aumoins pendant une certaine période.Je suis prêt à un inventaire équilibréde l’Histoire moderne. Simplementl’action des catholiques ne doit pas êtreaimantée par un rêve de commande-ment. L’Église règle la vie spirituel-le des croyants, et pour autant leurcommande, elle ne saurait comman-der au corps politique.

>>Guilhem Golfin : Mais en Fran-ce, la démocratie chrétienne a été unréel échec…

>>Pierre Manent : Raison de pluspour que les chrétiens agissent en po-litique. Il y a, me semble-t-il, place pourune reviviscence sinon de la démocra-tie chrétienne du moins d’une politiquequi trouve énergie et direction dans laperspective chrétienne.

>>Guilhem Golfin : En France, nevit-on pas sur une illusion propre au XXe

siècle, notamment à cause de ce qui s’estpassé il y a cent ans lors de la PremièreGuerre mondiale, qui a conduit à ce

qu’on a appelé l’Union sacrée ? Celle-ci a, de fait, réintroduit les catholiquesdans la vie politique, sur un certain planen tout cas. Mais après la guerre, on voitquand même Poincaré et Herriot discu-ter pour savoir s’il faut expulser à nou-veau les religieux qui sont revenus enFrance. L’Union sacrée a réintroduit lecatholicisme dans la vie politique, maissans revenir sur le principe du régimequi repose sur l’exclusion du catholicisme.

Tout le débat porte donc sur l’in-terprétation de la laïcité et de l’enga-gement des catholiques. Il semble de-puis deux ou trois ans que les catho-liques veulent se réengager dans la cho-se politique. Mais n’est-ce pas voué àl’échec puisque le cadre juridique res-te le même ? N’y a-t-il pas un mur pourempêcher les catholiques d’avoir uneinfluence politique réelle ?

Comme vous le dites, il faut trèscertainement renoncer à la prétentionde gouvernement, dans l’état où nousen sommes aujourd’hui. Mais l’enga-gement politique des catholiques im-plique des conditions. Le catholicismeest une foi qui comprend une concep-tion du rôle politique. Si on en fait abs-traction, on perd l’âme catholique.

>>> Suite page 12

« La question que nous avons à résoudre aujourd’hui est donc de déterminer quelle

place nous entendons donner aux religions dans l’espace public, puisque cet espace

ne saurait être religieusement vide. »(Pierre Manent)

Philosophe politiquefrançais, directeurd’études au Centre derecherches politiquesRaymond-Aron (dontil fut l’assistant au Col-lège de France), spé-

cialiste de l’histoire de la pensée li-bérale, membre de l’Académie ca-tholique de France, Pierre Manent estnotamment l’auteur de La Cité de l’hom-me (Flammarion), La Raison des na-tions (Gallimard) ou Les métamorphosesde la cité (Flammarion) ainsi que d’unlivre d’entretiens avec Bénédicte Delorme-Montini paru sous le titre LeRegard politique. Pour mieux connaîtresa pensée et son œuvre, on pourraconsulter La politique et l’âme (CNRSéditions, 542 p., 25 €), ouvrage col-lectif publié sous la direction de Giu-

lio De Ligio, Jean-Vincent Holeindreet Daniel J. Mahoney.

Philosophe, écrivain,éditorialiste à L’Hom-me Nouveau, ThibaudCollin enseigne enclasse Préparatoire auCollège Stanislas (Pa-ris) et à la Faculté libre

de philosophie comparée (IPC). Ilcol labore également à de nombreusespublications. Auteur de plusieursouvrages, il intervient particulière-ment dans le domaine de la philo-sophie morale et politique, notam-ment sur la révolution anthropolo-gique actuellement à l’œu vre. Dernier ouvrage paru : Divorcés-remariés : l’Église va-t-elle (enfin) évo-luer ? (DDB).

Professeur de philosophie,directeur du Comité scien-tifique de l’Institut Éthiqueet politique Montalembert,Guilhem Golfin a soutenu une thèsede doctorat en mathématiques et ap-plications aux sciences de l’homme etcollabore à plusieurs publications.

Diplômé d’une maîtri-se de droit (Assas), d’unDEA de philosophie(Sorbonne) et de l’ES-SEC, Maxence Hecquardtravaille dans le secteurprivé. Il est l’auteur d’un

essai remarqué : Les Fondements philo-sophiques de la démocratie modernedont la troisième édition va prochai-nement paraître aux éditions Pierre-Guillaume de Roux. ◆

◗ AUTOUR DE PIERRE MANENT

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L’Église est là pour le salut desâmes. Elle prêche la vérité, une mora-le, le salut, pour aider les personnes àse comporter de façon à se sauver. Com-me le dit saint Thomas d’Aquin, le po-litique est là pour aider les gens à agirde telle sorte qu’ils se sauvent. C’estla loi naturelle. Or le principe de la laï-cité implique l’exclusion de la loi na-turelle. L’État est maître du bien et dumal. Pour un catholique, ce n’est pasacceptable.

L’autre aspect concerne la laïcitécomprise comme religion civile. Nousen parlons comme d’un principe sim-plement juridique ou politique, mais àla source, si on reprend Rousseau, il estimpossible de bâtir une cité politiqueavec le catholicisme. Les Républicainsdu XIXe siècle n’ont pas affirmé autrechose.

Je ne vois pas comment les catho-liques pourraient avoir un rôle réelle-ment positif, sauf à passer pour les« idiots utiles » qui cautionnent mora-lement le système et qui lui permettentde continuer à fonctionner. Fonda-mentalement, nous maintiendrions ain-si un système qui est contre nous. Il ya un nœud gordien à aborder, à tran-cher, à dénouer.

>>Pierre Manent : Je suis d’ac-cord avec une bonne partie de ce quevous venez de dire mais je n’en tirerais

pas les mêmes conclusions. La victoi-re temporelle ne nous a jamais été pro-mise. En revanche, nous pouvons ré-clamer de jouir des mêmes droits queles autres citoyens, en ayant la possi-bilité d’exprimer dans l’espace publicles positions inséparables de la concep-tion chrétienne de la vie humaine et quipeuvent en effet se résumer sous la no-tion de loi naturelle.

Une des tâches majeures pour l’in-telligence catholique aujourd’hui estde rendre sa plausibilité à la notion deloi naturelle. La première objection quel’on rencontre est que la nature ne sau-rait être le principe de la loi. Ce qui dé-finit l’homme moderne, c’est qu’il en-tend se donner à lui-même la loi, être« autonome ». La loi naturelle est vuecomme une notion archaïque, dépen-dante d’une anthropologie qui n’a pasdégagé l’humanité dans sa spécificité.C’est sur ce point qu’il faut faire por-ter notre effort. Il s’agit d’un effort deréflexion qui n’est pas simple à condui-re parce qu’il engage toutes les grandesquestions de la philosophie et de lathéologie.

La tradition néo-thomiste sous- estime la difficulté. Ses raisonnementssont impeccables, mais ils ne « mordent »pas. Il faut rendre la loi naturelle plau-sible « phénoménologiquement ». Cen’est pas désespéré. Les circonstancesobligent tous nos concitoyens à ren-contrer des problèmes qui ne se posaientpas avec la même acuité il y a quaran-

te ans. Elles nous obligent aujourd’huià poser la question du droit que nousavons de faire ce que nous faisons. Qu’ils’agisse de la bioéthique, de la fin devie, une réflexion tâtonnante mais sou-vent rigoureuse se développe, et nousne sommes pas les seuls à redouter quel’État soit le maître du mal et du bien.Les catholiques ont contribué à un chan-gement du climat de la réflexion sur uncertain nombre de questions urgentes etengageant précisément la loi naturelle.L’idée de « mourir dans la dignité », ausens de « mourir quand on le décide »,n’a pas conquis l’opinion autant quel’on aurait pu le craindre. Les soins pal-liatifs, qui sont en France largement lerésultat des efforts des catholiques, sontdevenus constitutifs de la perspectivecommune.

Il ne faut pas penser que noussommes destinés à être gouvernés parles autres, que nous ne pouvons pasmettre notre marque et contribuer aubien commun. La contribution catho-lique est à la fois visible, positive et re-connue par le reste du corps civique,comme dans le domaine du handicap(je pense notamment à l’Arche de JeanVanier). Les possibilités d’action nour-ries par le regard catholique sont nom-breuses et importantes.

Le débat sur le « mariage pour tous »a été très révélateur. Le parti ennemide la loi naturelle, le parti pour qui lelégislateur est le maître du bien et dumal, s’est heurté à une résistance à la-quelle il ne s’attendait pas. Les catho-liques eux-mêmes ont été surpris parl’ampleur d’une mobilisation qui a éga-lement concerné beaucoup de juifs, demusulmans et de personnes sans reli-gion. A été posée la question de ce quepeut le législateur et s’il a le droit deredéfinir à sa guise la plus vieille ins-titution humaine. Le parti du législa-

teur a voulu disqualifier par principe lediscours catholique comme un discoursconfessionnel, donc sans légitimité dansl’espace public. Ce n’est pas défen-dable. La parole issue de l’expérienceséculaire judéo-chrétienne, cette paro-le portant non pas sur le Dieu invisiblemais sur l’homme visible, ne doit pascommander, mais elle a le droit d’êtreentendue. Le législateur n’a pas à l’écar-ter au nom de la laïcité.

>>Maxence Hecquard : Mais laloi en faveur de la reconnaissance desunions homosexuelles est bien passée !…

>>Pierre Manent : Elle est passée,mais elle reste contestée, comme d’autreslois. La question reste posée. Il fautnourrir la discussion sur ce qu’est la condi-tion humaine, qu’il s’agisse de la fa-mille, de la naissance, de la mort. Lesparoles sur l’homme issues de l’expé-rience chrétienne, qui sur bien des pointsprolonge l’expérience juive, doiventêtre entendues dans un régime laïc, dansune société française qui est censée êtreouverte à toutes ses composantes.

>>Thibaud Collin : De son côté,Hans Jonas, par exemple, retrouve pard’autres médiations le sens de la natu-re et l’importance de la responsabilitévis-à-vis de la nature. Ce que vous di-siez fait écho à la fameuse Note doc-trinale du cardinal Ratzinger sur l’en-gagement des chrétiens dans la vie po-litique (2002). Il invite clairement lescatholiques à refuser la confessionna-lisation de notre discours qui est au ser-vice de la justice, du droit naturel, dela formation de la conscience. Il pré-vient qu’à vouloir trop rapidement agiren catholique, vue la structure menta-le de nos contemporains, la critique etl’échec sont assurés. L’argument est, en

« Il me semble que nous sommes face d’un côté, à l’interprétation constructiviste des droits de l’homme et, de l’autre, à l’interprétation

disons traditionnelle du droit naturel. »(Thibaud Collin)

>>> Suite de la page 11

Jean Vanier, fondateur de l’Arche, est reconnu pour son apport fondamentaldans la relation aux personnes handicapées.

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effet, tout trouvé. On nous rétorqueraque notre opposition à l’avortementtient à notre catholicisme alors que cesquestions dépassent très largement lecadre confessionnel.

>>Pierre Manent : À quoi faitécho Habermas qui, au terme d’une viede réflexion qui avait écarté ces ques-tions, déclare aujourd’hui que pournourrir la réflexion éthique de la sociétéau stade où elle est parvenue, nousavons besoin d’apprendre quelque cho-se – de façon non confessionnelle – desexpériences religieuses.

>>Maxence Hecquard : Il existeentre nous un consensus sur la réhabi-litation du concept de « loi naturelle ».Je souscris à ce que dit Thibaud Collinquand il affirme que nous ne sommespas obligés de « confessionnaliser »chacun de nos propos à ce titre. Il n’enreste pas moins qu’il y a incompatibi-lité entre le concept de « loi naturelle »et la philosophie des Lumières. Cela po-se les limites de l’action des catholiquesdans la cité. Lorsqu’ils veulent défendrel’ordre de la nature, très vite la discus-sion se porte sur la question : cet ordreexiste-il vraiment ? Ne peut-il chan-ger ? On nous oppose une vision évo-lutionniste du monde et de la société.De là surgit très vite la question du pre-mier moteur d’Aristote, c’est-à-dire del’existence de Dieu, et le dialogue sebloque.

>>Pierre Manent : À mon avis, ilfaut s’attacher à l’expérience partagée.Si vous dites à nos contemporains qu’ilexiste un ordre objectif des choses hu-maines, ils se crispent. Mais si vousparlez un peu judicieusement des condi-tions effectives de la famille, du ma-riage, des relations entre l’homme et lafemme, des rapports entre les généra-tions, vous pouvez être écouté. Parexemple, le féminisme français est sou-vent très critique vis-à-vis de son ho-mologue américain. Il tient à préserverl’idée d’une distinction entre les sexesconstitutive de leurs relations. Sur cepoint-là, la France laïque me semble beau-coup plus ouverte à la conception ca-tholique que les États-Unis, qui sont sup-posément une nation chrétienne. Il fautéviter d’absolutiser nos propositions. Sion absolutise, on dira qu’il y a incom-patibilité entre une philosophie desdroits de l’homme et une philosophiede la loi naturelle. Mais si on examineles choses plus concrètement, on ver-ra que la conception chrétienne du ma-riage comporte un aspect de loi natu-relle et un aspect de droits humains. Ilexiste des possibilités de dialogue entreces deux perspectives.

>>Maxence Hecquard : Certes ledialogue est possible mais il reste bienlimité. Dans la perspective des droitsde l’homme, l’idée de la différenceentre les hommes et les femmes, de lanécessité pour les enfants d’avoir desparents, confortera le mariage hétéro-

sexuel au titre des « droits de l’enfant »,mais il n’interdira pas le « mariage »au titre du « droit des homosexuels ».

>>Thibaud Collin : Il me sembleque nous sommes face d’un côté, à l’in-terprétation constructiviste des droitsde l’homme et, de l’autre, à l’interpré-tation disons traditionnelle du droit na-turel. Toute une masse de citoyens està la fois influencée par le discours am-biant et en même temps par un certainretour d’expérience de l’existence d’unejustice immanente. Et là, une sorte deconcurrence des discours s’effectue,d’où le terme plausibilité, employé ily a un instant par Pierre Manent. Com-ment arriver à produire un discours quientre suffisamment en résonance avecl’expérience de nos concitoyens quin’ont pas tout l’arrière-plan doctrinalet qui se disent en effet : on ne peut pasfaire n’importe quoi, le législateur nepeut pas décréter n’importe quoi !Chaque fois qu’il y a une occasion, ilfaut ouvrir ce questionnement à despersonnes pour lesquelles le problèmene se posait pas auparavant. La loi Tau-bira doit contribuer à des prises deconscience plus larges.

Le vrai clivage aujourd’hui n’est pastant entre la philosophie des Lumièresd’un côté et l’ordre naturel catholiquede l’autre, mais entre un modèle construc-tiviste qui me semble plus proche d’unerelecture « nietzschéenne » de la tra-dition des droits de l’homme et une

réin terprétation des droits de l’hommeà la lumière d’une conception objecti-ve du juste.

>>Maxence Hecquard : Est-il réa-liste d’imaginer que l’on va pouvoirréin terpréter l’idéologie des droits del’homme ?

>>Thibaud Collin : Nous pouvonsdonner une interprétation du concept dedroit naturel à partir de l’expérience,reposer la question de ce qui est justeou pas. Ce n’est pas subjectif. Il ne fautpas christianiser contre son gré la phi-losophie des droits de l’homme, maistravailler sur le sens des mots pour mon-trer en quoi une certaine manière de com-prendre les termes dans le réel éclairel’expérience des personnes.

>>Maxence Hecquard : Travaillersur les mots… N’était-ce pas déjà la dé-marche de Léon XIII lorsqu’il a vouluamener les catholiques à adopter leconcept de République pour y déve-lopper leur action politique ? Il avaitsoin de rappeler que la société civiledevait être fondée sur la religion.Léon XIII n’est pas parvenu à changerle sens des mots. Cent ans après sonencyclique Au milieu des sollicitudes,que reste-t-il de sa démarche ? Per-sonne n’est maître du sens des mots.Même pas le pape ! Il est très difficileaujourd’hui de rendre compatible les droitsde l’homme avec la loi naturelle.

>>Pierre Manent : Vous sous- estimez les réserves d’une grande par-tie de l’opinion à l’égard de la philo-sophie des droits de l’homme, de l’in-terprétation individualiste qui en estdonnée, du constructivisme. Ainsi, aumoment des débats sur le « mariagepour tous », beaucoup de psychana-lystes se montrèrent très réservés surla nouvelle loi.

Le paysage est extrêmement com-plexe. Les lignes ne sont pas définiti-vement fixées. Sous les déclarationsassurées, la perplexité se devine sou-vent. Qui omet de parler de la « pertedes repères » ? Des paroles non agres-sives, attentives à l’expérience com-mune et qui traduisent un effort de per-suasion ont de bonnes chances d’êtreentendues.

>>Thibaud Collin : Comme le ditMichel Houellebecq, n’existerait-ilpas aujourd’hui une attente d’un prin-cipe de commandement qui pourraitréapparaître par le biais de l’islam ?Quand vous parlez, Pierre Manent, duprincipe de commandement, est-cesimplement l’objet d’un constat his-torique ou est-ce une mutation « an-thropologique » très profonde ? Com-ment peut-on l’évaluer ? C’est im-portant par rapport au devenir de l’is-lam dans notre société.

>>Pierre Manent : C’est diffici-le à évaluer. Sur l’islam vous avez rai-son, pour les jeunes hommes perdusdans nos cités, ce commandement à lafois divin et humain qui leur tombe des-sus, est éprouvé comme libérateur.Nous, les vieux citoyens des démo-craties, sommes prodigieusement do-ciles mais nous ne supportons pas l’idéedu commandement. Nous nous laissonscommander, mais à condition que ce-la ne se voie pas ! À d’autres périodes,le commandement du régime républi-cain était plus visible et plus explici-te. Je ne crois pas du tout à cette mu-tation anthropologique dont on nousparle. On peut rêver à ce que pourraitproduire, dans notre situation, le sur-gissement d’un commandement poli-tique effectif…

>>Maxence Hecquard : D’où lapopularité de Poutine…

>>Guilhem Golfin : Par rapport àl’urgence que vous décrivez et le rôlenécessaire que doivent jouer les ca-tholiques, nous sommes loin du comp-te. Entre lever la tête et dire nous pou-vons peut-être faire quelque chose, etavoir du poids sur la chose politique,il y a un fossé.

>>Pierre Manent : Oui, la passi-vité est générale. Nous sommes confron-tés à une véritable apathie du corps so-cial. Les catholiques ne sont pas frin-gants, mais le reste du corps civique nonplus. Il est affaissé. Dans un paysage

>>> Suite page 14

« L’engagement politique des catholiquesimplique des conditions. Le catholicisme est une foi qui comprend une conception du rôle politique. Si on en fait abstraction,

on perd l’âme catholique. »(Guilhem Golfin)

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aussi désolé et désolant, les catholiquesont le droit d’intervenir comme tels. Ilsvont rencontrer une vive oppositiondans la classe politique et médiatique,mais je ne crois pas que l’opinion gé-nérale leur soit hostile. En tout cas, unepartie de l’opinion est désireuse de lesentendre.

>>Guilhem Golfin : Mais dès quedes catholiques surgissent, une agressi-vité anticatholique refait également sur-face. Certes, dans une classe très res-treinte en nombre, mais qui possède lepouvoir.

>>Pierre Manent : On approchedu moment où il va falloir contester pu-bliquement, effectivement et efficace-ment, une certaine interprétation de lalaïcité, comme celle qui a été proposéerécemment par le Président de l’Asso-ciation des maires de France qui semblefort troublé par la présence de crèchesdans des lieux publics. La laïcité n’estplus alors la loi de laïcité, mais, expli-citement, une religion civique qui s’in -stalle en expulsant de l’espace publicles autres religions, et d’abord le chris-tianisme. Il ne faut pas laisser passerces intempérances d’une classe poli-tique qui veut faire preuve d’autorité enrabrouant les chrétiens dont elle es-compte la passivité. Il est urgent de ladétromper.

>>Guilhem Golfin : Mais mêmesi nous admettons que nous pouvons pe-ser de façon efficace sur la vie politique,reste la question de la laïcité. En logiqueinterne, si on arrive à peser efficace-ment, tout le dispositif est à revoir. Si,par exemple, il y avait un monarque of-ficiellement chrétien, cela serait plus sé-curisant par rapport à l’avenir d’une so-ciété opposée à l’islam. Cela garantirait

une identité chrétienne qui perdureraitmalgré les évolutions religieuses.

>>Thibaud Collin : Mais qu’enest-il si ce monarque se convertit à l’is-lam ?

>>Guilhem Golfin : Il faudrait quesoit inscrite dans les lois l’obligation pourle monarque d’être chrétien…

>>Pierre Manent : Voyez le Royau-me Uni où le monarque doit être membrede l’Église anglicane. Il en est mêmehistoriquement le chef ! Or voyez l’étatreligieux de l’Angleterre. La religion meparaît sensiblement plus vivante en Fran-ce que chez nos voisins.

Il y a longtemps que l’avenir n’avaitpas été aussi indéterminé et ouvert.Notre régime est dans l’impuissancegénérale depuis trente ans. Il n’y a pasun seul problème, non seulement qui aitété résolu, mais qui ne se soit pas ag-gravé. Qu’il s’agisse de l’immigration,du chômage, de l’éducation, notre ré-gime échoue sur tous les grands enjeuxde la vie commune. Cela ne peut pasdurer indéfiniment. Il doit se refonder.

>>Maxence Hecquard : : La cri-se que nous vivons aujourd’hui avecl’islam montre les limites du systèmerépublicain, c’est-à-dire de la démo-cratie. Celle-ci ne fait qu’aggraver lesproblèmes et échoue à un processusd’intégration véritable. C’est ce qui mefait contester certains propos de votreouvrage. Vous avez un fond d’optimis-me tout à fait estimable. Selon vous, ilest possible d’intégrer l’islam. Avecbeaucoup de générosité, vous dites :« On peut faciliter l’intégration de cespopulations et donc faciliter le vivreensemble ». Mais peut-on vraiment yarriver ? Est-ce bien réaliste ? Faut-ilprendre le risque de le tenter ? Dans cecontexte que doit être notre réaction depetits catholiques, réduits à une mino-

rité, après deux siècles de République ?Vous avez écrit que l’on peut mourir d’unefausse idée. Je crois que c’est vrai. Lesidées sont structurantes et les États mul-ticonfessionnels ont généralement dé-bouché sur un échec et des guerres ci-viles. La guerre civile ne nous attend-elle pas demain ? Il faut poser un dia-gnostic juste et lucide sur ce que peutêtre l’avenir de nos enfants.

>>Pierre Manent : Je suis d’ac-cord avec vous, il faut poser un dia-gnostic lucide. Mais il faut aussi agir,et donc dessiner une perspective d’ac-tion. Alors, que fait-on ? J’ai pensé quedans notre situation, une possibilitéd’action était encore ouverte. J’ai es-sayé de dessiner un chemin possible, pouréviter la progressive immobilisation etfragmentation des nations européennesqui résulterait nécessairement d’unecompénétration de plus en plus paraly-sante de l’Europe et du monde arabo-musulman.

Je mesure la difficulté de la tâche,surtout après trente ans d’incompéten-ce politique. Il ne s’agit pas de parierpour une issue heureuse. Il s’agit demesurer ce qu’a de décourageant le ju-gement qu’on entend de plus en plus –pas seulement chez les catholiques, etpeut-être même moins chez les catho-liques que chez d’autres – et qui consis-te à dire : de toute façon, avec l’islam,

il n’y a rien à faire. On peut tenir ce dis-cours, mais il faut quand même répondreà la question : que faire ?

On manque de l’espérance de l’hom-me agissant. Nous pouvons encoreprendre des décisions et agir. Nombrede musulmans n’ont pas envie d’être re-tenus dans le monde arabo-musulman.Ils ont déjà fait le premier mouvementpour en sortir en venant chez nous. Jepropose que nous les encouragions vi-vement à rompre leur dépendance parrapport à leur sphère d’origine.

Vivre comme des musulmans dansun pays européen de marque chrétien-ne peut être une perspective plus heu-reuse pour eux que de vivre comme desmusulmans dans un pays musulman.Il faut souligner que la dépendance desFrançais musulmans vis-à-vis des as-sociations et pays étrangers a été per-mise, sinon encouragée, par l’État fran-çais depuis le début. Celui-ci n’a rienfait pour installer cet islam de Francedont il parle tant. Il a préféré sous- traiter l’organisation de l’islam de Fran-ce aux pays dont sont majoritairementoriginaires les musulmans français. Etil n’a rien fait pour arrêter la propa-gande wahhabite appuyée par les res-sources illimitées de l’Arabie Saoudi-te.

>>Maxence Hecquard : Peut-onvraiment imaginer couper les commu-

14 | DOSSIER |Table rondeL’Homme Nouveau

N° 1606 du 16 janvier 2016

« La crise que nous vivons aujourd’hui avec l’islam montre les limites du système républicain,

c’est-à-dire de la démocratie. Celle-ci ne fait qu’aggraver les problèmes et échoue

à un processus d’intégration véritable. »(Maxence Hecquard)

La réponse du collectif « Touche pas à ma crèche » devant la Mairie de La Roche-sur-Yon à l’interdiction de l’Association des maires de France.

>>> Suite de la page 13

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Table ronde | DOSSIER | 15L’Homme NouveauN° 1606 du 16 janvier 2016

nautés musulmanes françaises de l’Oum-ma ? Cela semble très difficile.

>>Pierre Manent : C’est certai-nement difficile. Mais on pourrait prendredes mesures simples comme, par exemple,imposer les prêches en français dansles mosquées. La langue de la Républiqueest le français. La question de la langueest essentielle. Or une réforme consti-tutionnelle est en préparation visant àbrouiller et affaiblir ce rôle politique émi-nent de la langue française !

>>Philippe Maxence : Permettez-moi de revenir sur l’apathie du corpssocial que vous évoquiez tout à l’heu-re comme un mal partagé. Est-il arrivépar hasard ou n’est-il pas, au contraire,issu d’une philosophie qui a fragmen-té la société et qui a fait disparaître jus-qu’à l’idée même de bien commun ?

>>Pierre Manent : Nous sommesconfrontés à une sorte de mystère. Il ya peu, la société était obsédée par lesclasses sociales, par la lutte des classes.Aujourd’hui, Jean-Luc Mélenchoncherche le peuple et ne le trouve plus !La classe sociale a disparu comme ré-férence collective. Des phénomènes quiavaient orienté la vie commune pen-dant au moins deux siècles se sont ef-fondrés brusquement. Quand on m’op-pose que le catholicisme est un vestigedu passé, je demande dans quel état sontles concurrents du catholicisme. L’al-ternative communiste s’est évaporéed’une façon qu’on a peine à comprendremais que nous constatons. Les réfé-rences politiques et sociales des deuxderniers siècles sont confrontées à unaffaiblissement général qui donne unepertinence inattendue à des référencesantérieures et en particulier à la réfé-rence religieuse. En ce sens, nous sommesamenés à poser la question du bien com-mun, de ce qui peut nous rassembler,de façon plus ouverte qu’aux époquesoù l’on croyait savoir ce qui allait suc-céder à la religion, que ce soit la nationrépublicaine, le mouvement prolétarienou le peuple. Mais le prolétariat a dis-paru, le peuple est introuvable, la na-tion est affaiblie, et si la religion chré-tienne n’est pas si brillante ou influen-te qu’elle le fut à d’autres époques, elleest toujours là, elle est toujours vivan-te, chaque jour des jeunes ou moinsjeunes se convertissent au christianis-me, y compris au catholicisme.

>>Philippe Maxence : Oui, ef-fectivement, nous observons un renou-veau religieux. Encore qu’il ne s’agis-se pas de la vitalité de n’importe quel-le religion. La réponse religieuse qui ap-paraît la plus active semble être l’islam.

>>Pierre Manent : Peut-être ! L’is-lam est une religion plus simple que lechristianisme. Il a un appel plus im-médiat. Il peut susciter des conversionsplus nombreuses. Mais l’état d’une re-ligion dans un pays reste difficile à cer-ner. Par exemple, il me semble que les

États-Unis sont un paysmoins religieux qu’onne le dit, et j’ai la fai-blesse de croire que laFrance est un pays plusattaché au christianis-me qu’on ne le pense.Pourquoi postuler quel’islam soit destiné àl’emporter ? Il possèdeun principe de force enraison de mœurs trèsliantes. Il est compara-tivement peu exigeant.Il est indulgent aux pas-sions. Il promet l’inclu-sion dans un immense en-semble humain. Mais ila aussi de nombreusesfaiblesses intérieures quisont le revers de sesforces.

>>Thibaud Collin :Pour vous finalement lesursaut viendra de la for-ce du diagnostic confron-té aux circonstances.Nous assistons depuisles attentats du 13 no-vembre dernier à unesorte de retour du réelpolitique. Quel serait levecteur de ce sursaut ?La nation est faiblardemais en même temps,c’est une communauténaturelle. Le déclic sera-t-il engendré par les cir -con stances et donc liéà la capacité d’avoir unegrille de lecture permettant de faire undiagnostic qui cristallise les énergies ?

>>Pierre Manent : La nation estfaible, oui, mais la paralysie de la po-litique européenne réinstalle la nationcomme communauté indépassable deréférence. On voit comment les autori-tés politiques qui ridiculisaient et presqueinsultaient ceux qui réclamaient le re-tour aux frontières nationales, rétablis-sent celles-ci et se vantent d’avoir ain-si empêché l’entrée dans le pays de mil-le personnes en quinze jours !

À l’évidence, la nation apparaîtcomme indispensable et indépassable.Nous sommes destinés à revenir à elle.La question est : sur quelle base ? Unrisque sérieux serait que ce retour se fas-se sur un fondement purement défensifet réac tif. Ce ne serait pas suffisant etce serait dangereux. La nation aujour-d’hui ne peut plus avoir cette confian-ce en elle qu’elle avait avant les grandescatastrophes du XXe siècle. Elle ne peutplus se voir naïvement comme la mé-diation de l’Humanité. Mais alors, si lavieille nation européenne se prive de cet-te référence universelle ou se tournecontre elle, elle risque de devenir quelquechose de très étroit, crispé, étouffant.La référence chrétienne devient indis-pensable à la nation si celle-ci ne veutpas être simplement défensive et réac-tive.

Le christianisme est un universalismeconcret, qui possède une vie propre etélargit immensément les perspectives.Il nous interdit de nous renfermer.

>>Maxence Hecquard : Je seraitrès heureux que vous ayez raison etque la nation ait de l’avenir. Mais je nevous rejoins pas du tout. Le retour tem-poraire aux frontières à la suite des at-tentats du 13 novembre dernier ne re-présente pas un véritable retour à la na-tion. On ne reviendra pas en arrière desitôt. Tous les centres de décision de notrepays sont aux mains d’instances inter-nationales. Le grand courant de la dis-parition des nations n’est pas inversé.L’hégémonie de la démocratie planétaire,même si affleure quelque désamour,n’est pas remise en cause. Au-delà del’individualisme dans lequel ils sontplongés depuis les Lumières et d’uncertain totalitarisme démocratique chaquejour plus pesant, nos contemporainssont apathiques parce qu’ils constatentque la société se dissout. Les commu-nautés naturelles disparaissent. Alorsils se « mettent en boule » comme deshérissons.

Dans cet avenir sombre, l’essen-tiel pour un chrétien est de garder sonidentité, rester ce qu’il est et se don-ner les moyens de le transmettre. Ce-la ne veut pas dire que l’action poli-tique est impossible, mais elle est for-

cément limitée et avec des perspectivesincertaines.

>>Guilhem Golfin : La géopolitiquejoue aussi. Depuis 1945, nous sommessous l’emprise de l’Amérique. Si nousparvenions à nous dégager de cette in-fluence, nous arriverions davantage àretrouver notre culture propre et uneautonomie naturelle plus grande. Or lesévènements du Proche-Orient, parexemple, laissent envisager des signesd’essoufflement, en tout cas de nou-velles faiblesses. De nouvelles alliancespeuvent donner un peu d’air. Il existeencore des leviers, mais il faut persua-der les personnes adéquates de prendreles bonnes décisions.

>>Pierre Manent : L’avenir mêmele plus proche est devenu imprévisible.Les menaces s’accumulent. Les Euro-péens devront de plus en plus puiserdans leurs ressources profondes, à sa-voir les vieilles et toujours vivantes na-

tions et notre an-cienne et toujoursvivante religion. Cesont des raisons d’es-pérer, si du moinsnous ne sommes pastrop paresseux. ◆

1. DDB, 178 p.,15,90 €.

« À l’évidence, la nation apparaît comme indispensable et indépassable. Nous sommes destinés à revenir à elle.

La question est : sur quelle base ? »(Pierre Manent)

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n appelle « Histoire sainte » l’histoire du peuple juif racontée

d’après la Bible. Nous l’apprenions à l’école. Après Bossuet dans l’Histoire

universelle, Daniel-Rops (1901-1965) estson meilleur historien en langue française.

On a célébré le cinquantenaire de sa mort. Honoronsici sa mémoire.Romancier, historien, membre de l’Académie françaiseoù il est reçu en 1955, Daniel-Rops est l’un des écri-vains les plus féconds de son temps. La liste de ses livres établie en 1964 par Fayard, une année avant sa mort, recense 39 titres. L’Histoire religieuse prédomine. Il est aussi, du moins de son vivant, le pluslu des auteurs français. Les tirages sont impression-nants : 500 000 exemplaires par exemple pour Jésus en son temps. Deux évènements ont marqué sa vie : un accidentgrave à l’âge de 14 ans qui a laissé des séquelles et la foi catholique retrouvée. Cet historien de la religion est un homme religieux. Son « Peuple de la Bible » est celui du Dieu unique. Son Jésus, hommeet Dieu, son Église dont il écrit l’histoire en sept volumes à la fin de sa vie, celle du Christ. Sa revue Ecclesia, sorte de Reader Digest chrétien, fait connaître la vie de l’Église dans le monde. Elle est lue dans les familles et par la jeunesse. Elle continue de paraître après sa mort et, détail curieux qu’il faudrait éclaircir, le mentionne toujoursdirecteur fondateur. Des signatures nouvelles, celle de Jacques Duquesne, par exemple, et d’autres parti-sans du changement radical de l’Église, apparaissent.Les aurait-il agréées ? On peut se poser la question. En effet, son chef-d’œuvre, Histoire sainte, le Peuplede la Bible, s’inspire de la vraie tradition et principale-ment de l’Histoire universelle de Bossuet, dont il ditqu’elle est « son œuvre sans doute la plus fondamen-tale ». Dans le dernier chapitre ses trois observationssur le destin du peuple juif – l’indestructibilité, l’enri-chissement spirituel progressif et le caractère inachevéde son témoignage – vont, il le dit lui-même, dans le sens de Bossuet. On relira donc Daniel-Rops et ce sera un bonheur. Il raconte à merveille et possède à un haut degré l’artdes commencements. Voici à titre d’exemple les quatrepremière lignes d’Histoire sainte : « À Our, en Sinéar,capitale locale du bas Euphrate, il y a environ quatremille ans, un homme nommé Abram reçut la visite deDieu et sans hésiter crut en la Parole : Je ferai de toiune grande nation, je te bénirai ; je rendrai grand ton nom. » ◆

L’Homme NouveauN° 1606 du 16 janvier 201616 | CULTURE | Votre quinzaine

Daniel-Rops,chantre de l’Histoire sainte

CARTE BLANCHE

À JEAN DE VIGUERIE

L’essai

Témoins dechrétienté

Il n’y a peut-être pasmeilleure manière decommencer l’année que

de replonger dans la viede grandes figures qui ontmarqué leur temps et leurépoque. Avec un talent deconteur et une fougue ja-mais éteinte, Hugues Ké-raly a dressé le portrait detrente-six personnalitésqu’il a directement ren-contrées ou qui l’ont mar-qué d’une empreinte dura-ble. On y trouve aussi bienSoljénitsyne que Charlesde Foucauld, Marcel Clé-ment que Vaclav Havel,Dom Gérard, fondateur de l’abbaye Sainte-Madeleine du Barroux queJoseph Ratzinger ou la militante pro-vie, EuniceKennedy. Comme le si-gnale l’auteur, ces person-nalités ne se ressemblentpas forcément. Certainessont entrées dans la vieéternelle pendant qued’autres sont encore biensur terre. « Un seul fil lesunit, dans le mystère de lacommunion des saints : àtravers leurs destins, leurscharismes, leurs vocationspropres, aucun d’entre euxn’a mesuré ses risques,sacrifié à l’image mon-daine ou aux sécurités duportefeuille : ils sont allésau bout ». Un livre pourtous, mais à offrir en prio-rité aux jeunes. Les textessont courts, percutants. Ils présentent des témoinsplutôt que des théoriestout en illustrant des viesconsacrées à défendre la vérité et la justice.STÉPHEN VALLET

Hugues Kéraly, Mes 36 fous de Chrétienté,DMM, 192 p., 19,50 €.

Le CDL’orgue à traversles âges

L e style d’orgue« polyphonique »du XVIIe siècle

domine l’histoire de cetinstrument. Il lui donnesa noblesse, son identité :l’orgue n’imite pas. Il est lui-même chœur et orchestre idéal pourfugues à plusieurs voix et instruments. L’Allemagne et la Hol-lande ont porté à la per-fection cette facture instrumentale et le stylede composition appro-prié. Aussi sa figure tutélaire, Jean-SébastienBach, est-il l’aboutisse-ment de deux siècles derecherches et d’œuvresdéjà parfaites, créées par des Sweelinck,Scheidt, Buxtehude, et autres Bruhns ouWeckmann. C’est ce parcours quenous propose ce disqueoù l’on retrouve le meil-leur d’une lignée ininter-rompue, depuis les ver-sets de chorals ornés ou en échos, jusqu’auxsommets polyphoniques à cinq et six voix deBach. Michel Bouvard,professeur au Conserva-toire de Paris, fait jaillirla polyphonie des tuyauxde l’orgue de Ciboure en Pays basque, inspirédes orgues anciennes de Hollande. Une première en France où l’orgue de la mêmeépoque était doté « de couleurs et d’effets »destinés à d’autres répertoires. BENOÎT SÉNÉCHAL

L’Art de l’orgue polypho-nique, Hortus, 19 € env.

Le cinémaLe 13e jour

L ucie et ses cousinsJacinthe et Françoisgardent les moutons

dans la campagne, prèsde Fatima quand unefemme lumineuse, quisemble descendue du cielleur apparaît. ��� Pour raconterl’histoire des apparitionsde Fatima, le treizièmejour de chaque mois pen-dant six mois, Ian et Do-minic Higgins, des direc-teurs de la photographie,ont choisi une approcheesthétique, avec un noiret blanc superbe, illu-miné, ça et là, de touchesde couleur, au momentdes apparitions, et desplans composés commedes tableaux. Mais ils ontsurtout braqué leur ca-méra sur ces enfantsplongés dans une histoirequi les dépasse, et sur lecourage dont ils ont sufaire preuve face auxréactions de haine qu’ilsont suscitées. Malgréquelques défauts (mu-sique envahissante, dia-logues en anglais au lieudu portugais, effets sty-listiques appuyés, etc.),on est pris par l’intensitéde ces scènes qui racon-tent l’indicible. ��� Dès les premièresimages, le spectateur estsaisi par l’émotion de-vant ces enfants submer-gés par une douce lu-mière. « J’ai senti sonamour déferler sur moicomme une vague », ditLucie. Ce film est unemagnifique invitation à laprière. GABRIELLE FONVAL

Comédie dramatique ennoir et blanc (2009) [T] deIan et Dominic Higgins,avec Filipa Fernandez (Lu-cie dos Santos), Ana-SofiaVilas Boas (JacintheMarto), Vitor Machado(François Marto) [1 h 25].

O

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Patrimoine | CULTURE | 17L’Homme NouveauN° 1606 du 16 janvier 2016

DIDIER RANCE

Chaque époque se doted’icônes, indiscutables, in-

touchables – tels l’abbé Pierreou le Dalaï-Lama pour la nô-tre –, mais combien franchissentles barrières de leur siècle, deleur culture, de leur continent ?Saint François d’Assise en faitindéniablement partie, avecSocrate et le Bouddha (Jésusde Nazareth étant bien sûr hors

course). Un des lieux les plusféconds pour cueillir une brasséede visages de ce saint tel qu’enicône les siècles le changentest la littérature. Damien Vorreux(1922-1998), qui a joué un rôleprimordial dans la redécouvertedu vrai visage du fondateur desFrères mineurs, l’a fait pour lalittérature française en 1988dans son délicieux Françoisd’Assise dans les Lettres fran-çaises (1), qui va des légendesen vers du Moyen Âge à Bernanosou Simone Weil.

Le Tiers Ordre des écrivainsOn y trouve, comme l’écritJulien Green dans la préfacede l’ouvrage, « le Tiers Ordredes écrivains » – car ils sontnombreux à avoir écrit sur Fran-

çois : poètes, romanciers, dra-maturges, historiens, essayistesou philosophes, ou encore pré-dicateurs et auteurs spirituels.Peu échappent à la recherchesagace du Père Vorreux (si cen’est le Rabelais franciscainjadis mis en lumière par Gilsonpour la Renaissance et le capitalSagesse d’un Pauvre d’ÉloiLeclerc [1959] pour l’époquecontemporaine). Des inconnus,tels ces nombreux capucins ou

autres franciscains versifiantou bataillant sur leur saintfondateur y côtoient les auteursdu Lagarde et Michard, de Ru-tebeuf à Mauriac ou Malraux,en passant par Corneille, Racine,Bourdaloue, Chateaubriand,Michelet, Huysmans, France,Claudel, Bloy ou Bernanos. Plus de cent soixante auteurssont ainsi présentés dans cetteanthologie, classés, siècle aprèssiècle, en catégories telles selonleur genre. Une mine à explorer,que l’on peut aussi creuser enfonction du contenu des textes(traductions françaises des textesfranciscains, en particulier duCantique des créatures ; récits,réflexions). Cette navigationau fil des siècles montre aussicomment des évènements oudimensions de la vie de saint

François frappent une époqueou sont au contraire ignorés parelle (par exemple les stigmates).On trouve dans les 500 pagesde cette anthologie le sublimecomme le boursouflé, le génialcomme le cliché. Bien évidem-ment, la plupart des Françoisd’Assise de la littérature françaisesont à l’image des écrivainsqui le présentent ou l’évoquent.Celui de saint François de Salesest un maître de vertus et celui

du pamphlet huguenot L’Alcorandes Cordeliers (traduit de l’al-lemand) un ruffian libidineuxparti tout droit en enfer. Celuide saint Vincent de Paul est unmodèle à imiter, celui de Cha-teaubriand un chrétien par lesentiment. Plus proche de nous,le François d’Assise de Massignonest un maître en mystique desubstitution et de dialogue avecl’islam, celui de Romain Rollandun frère de Gandhi, celui d’Ed-mond Rostand l’apôtre des fau-vettes, celui de Francis Jammesun poète pour qui la beauté estla forme que l’amour donneaux choses et celui de PaulGuth un naïf. Les historiens nereflètent pas moins l’esprit deleur époque, ainsi l’orgueildébile de Renan (« J’ai pu, seulde mon siècle, comprendre Jésus

et François d’Assise »), quiinvente un François sans l’Église,sans surnaturel, ignorant toutde la Bible ; ou encore SalomonReinach et son François quasicathare, typique de la fin duXIXe siècle.

François vu par VoltaireL’auteur le plus surprenant estpeut-être Voltaire : pour luiFrançois est un illuminé fanatiqueet le sultan (baptisé Mélédin)un souverain philosophe quidécèle en lui un personnage fa-natique mais inoffensif, le ren-voyant comme un adulte le faitavec un enfant exalté, et ill’accuse aussi de paresse ; maisqui sait que François Arouet,Père temporel du couvent capucinde Gex, fut affilié au premierordre franciscain ? Qui chercherait à connaître saintFrançois seulement à traversces textes de la littérature française,qu’ils soient du XVIe ou du XXe

siècle s’égarerait. D’ailleurs,comme l’écrit dans sa préfaceJulien Green, lui-même auteurd’une remarquable biographiedu saint d’Assise, celui-ci « a

suscité des milliers de livres etils ont essayé de l’enfermerdans leurs pages, mais le Poverelloa traversé bien des ouvragessans y laisser même la traced’un lièvre dans les blés ». Tou-tefois, à la différence de JohnTolan qui s’est livré à un travailen quelque sorte similaire maisà la fois élargi à plusieurs payset limité à un seul épisode, larencontre de François et duSultan, le Père Vorreux ne conclutpas son anthologie par une pro-fession d’agnosticisme quantau véritable saint François : s’ilremarque qu’à travers tous cesvisages le saint d’Assise « estpresque devenu un mythe »,c’est pour ajouter que « leFrançois de chacun de nous setrouve enrichi de tous cesapports » et que « de cette fa-miliarité procurée par la lecture,notre ferveur a pu aussi bénéficier»car « c’est toujours un plaisirde parler d’un ami avec un amicommun ». ◆

1. Damien Vorreux, François d’As -sise dans les Lettres françaises,DDB/Éd. franciscaines, 540 p., 12€.

Le Poverello d’Assise est non seulement un des saints les plus universels mais il a réuni autour de lui un véritable « Tiers Ordre des écrivains » comme en témoigne l’anthologie du Père Damien Vorreux qui nous permet de redécouvrir la place de François d’Assise dans les Lettres françaises.

François d’Assise, hérosde la littérature française Horizontale-

ment1. Expression ap-propriée pources premiers joursde l’année… (5mots). 2. Boîtesà surprise – Orien-tée. 3. Ne fait pasbeaucoup debien – Possessif– Pas ordinaire.4.Moins que peu(3 mots). 5.Chan-ger d’atmosphère– Son affluentest la Neisse. 6.Le SE-UNSA l’aremplacé – Dé-monstratif – Ainsi.7. Heureux pour les petits – Note. 8. A subi, dans un sens, uneintervention – Précède la manière. 9. Partie du lustre – Dans unsens comme dans l’autre, c’est une rivière en Républiquedémocratique du Congo – Abrège le polyéthylène – Possessif.10. Fait de l’esprit. 11. Font des histoires. 12. Des chiffres et desêtres.

VerticalementA. Montée religieuse – Clément mais audacieux… B. Jette del’huile sur le feu. C. A l’air martial – Prises dans la sarbacane. D.En Chaldée – En prière – Ne se mouille pas. E. Saisie arrêt. F.David au cinéma – Sont frais. G. Difficile à battre – À ne pasdépasser – Fond de bouteille. H. Point cardinal – Matière àbombe. I. Vieux batelier – Une lettre à réécrire. J. Part de cheznous – À moitié Malien. K. Prises chez le quêteur – Pour ledocteur mais pas pour le médecin – Forme d’être. L. Amendent.Daniel Hamiche(La solution au prochain numéro)

Solution du n° 1605 daté du 2 janvier 2016Horizontalement : 1. Espagnolette. 2. S.-O. – III – Éveil. 3.Chansonnette. 4. A.O.F. – Sus – Arc. 5. Asa – Anet. 6. Porcelainier.7. Os – ER – TS. 8. Lilliputiens. 9. EE – UI – Rée. 10. Triomphateur.11. NS – Ethan. 12. Évangélistes.Verticalement : A. Escarpolette. B. Soho – Osier. C. Afar – INA.D. Ain – Scel – OSN. E. GIs – Aérium. F. Nios – Pipée. G. Numazu– HTL. H. Lens – Trahi. I. Ève – Anti – Tas. J. Tétanisèrent. K. Titrée– Neu. L. Électriseras.

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A B C D E F G H I J

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K

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Mots croisés

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L’Homme NouveauN° 1606 du 16 janvier 2016

ANNE BERNET

L a parution des Œuvres complètesde Jacques Fesch (1), celle d’un

bref essai de spiritualité consacré à sonétonnant parcours, Mystique public n° 1de Mireille Cassin (2), invitent, bientôtsoixante ans après sa mort sur l’échafaud,le 1er octobre 1957, à revenir sur la vie,la personnalité, la conversion de ce filsde famille « dévoyé », braqueur parfacilité, meurtrier par malchance, quela grâce de Dieu porta à des sommetsmystiques et dont la cause de béatificationest toujours ouverte.

Le drameTout commence, lamentablement, l’après-midi du 25 février 1954, 39, rue Vivienneà Paris. Là se trouve un changeur, M. Sil-berstein, avec lequel le père de Jacques,banquier bien connu, est en affaires.C’est d’ailleurs le prétexte que le jeunehomme a avancé pour passer à la boutiqueen compagnie d’un ami. Celui-ci n’imaginepas une seconde qu’en fait de « serviceà rendre à son père », Jacques, 23 ans,criblé de dettes et qui a besoin d’argentpour s’acheter un bateau et naviguervers les mers du Sud, a décidé de dévaliserle commerçant… Dans ce but, Feschs’est muni d’un marteau, de corde etd’un revolver, dérobé dans le tiroirpaternel, dont il ne sait pas se servir.Cet attirail n’est là, dans son idée, quepour faire peur et obtenir ce qu’il veut.Seulement, Silberstein n’est pas im-pressionnable. Et, surtout, il n’a pas lagrosse somme que son voleur improviséprétend lui arracher. Jacques l’avouera,dans le récit des faits rédigé à la demandede son avocat : « On rentre, les traitshagards et l’air mauvais. Tout ce qu’ona prémédité s’envole de la pensée, onagit comme un automate. J’ai commiscette agression pour rien ! Aurait-elleréussi que je n’en aurais pas été plusavancé puisque l’argent n’y était pas.J’ai frappé, j’ai pris les quelques billetsqui étaient là ».Dans son affolement, Jacques ne voitpas que son ami, dont la justice voudrafaire son « complice », paniqué, s’estrué dehors, en quête d’un agent depolice ! En manipulant le revolver,Jacques se tire une balle dans la main,ne ressent même pas la douleur, pasplus qu’il ne prend conscience d’avoirenlevé le cran de sûreté. À la sortie de

la boutique, les passants, attroupés,hurlent : « Je cours, passe devant mavoiture que je ne pense pas à prendre.Je fuis, on me traque, on me frappe, oncrie. (…) Qu’ai-je fait ? ».Derrière le piteux auteur du braquagemanqué, une foule s’est mise en chasse.Fesch, acculé, se réfugie dans unimmeuble. On l’a vu. Arrive un agentde police, Jean Vergne, 35 ans, veuf quiélève seul sa fillette. Et c’est le drame,horrible, absurde, irréparable. Pours’échapper, Fesch tire sans viser surcette silhouette que ce grand myope,ayant perdu ses lunettes dans sa fuite,distingue à peine. Vergne est tué sur lecoup par cette unique balle tirée auhasard. Désormais, Fesch est un tueurde flic, on ne lui fera pas de cadeau.Tout juste arrêté, son compte est déjàbon. Il est le seul à ne pas le compren-dre.

Enfant de son époqueNous sommes tous les enfants de notreépoque. Fesch, pour son malheur, aussi.Il est l’archétype achevé d’une jeunessedes années cinquante en rupture avecla morale « bourgeoise » des générationsprécédentes, pénétrée d’existentialisme,matérialiste jusqu’au désespoir, sesaoulant de « sensations » pour oublierl’intolérable réalité de la conditionhumaine vouée à la mort. Récusant lesrègles sociales, vivant avant sonofficialisation la libération des mœurs,se grisant de vitesse au volant dans unesurenchère parfois suicidaire, ces garçonset ces filles à peine sortis de l’adolescence,occasionnellement capables de crimessordides propres à effarer les lecteursles plus blasés de faits divers, scandalisentet font peur. Dans un monde infinimentmoins permissif que le nôtre, contrelequel, précisément, ces jeunes genss’insurgent, la répression semble l’ultimeargument à opposer à ce qui s’avère,en fait, une détresse spirituelle immenseet laissée sans secours.Jacques Fesch tentera de l’expliquer àses juges, à la presse, à l’opinion ; il nesera pas entendu. Et comment le serait-il ? Fils de banquier, élevé dans unsuperbe et glacial hôtel particulier deSaint-Germain-en-Laye, éduqué dansles meilleurs collèges et lycées d’où sadésespérante nonchalance le fait systé-matiquement renvoyer, il n’a jamaismanqué de rien. Sur le plan matériel

s’entend. Sur leplan spirituel,c’est une autreaffaire.Préfacier de sesécrits, son petit-fils, QuentinToury-Fesch, etMireille Cassins’interrogent surle rôle tenu parGeorges Fesch,père de Jacques,dans sa vie. Jac -ques aura éprouvéenvers cet hommebrillant, dur, cy-nique et mépri-sant, « athée aupossible », fas-cination, crainte,rancune, pitié et enfin, assezd’amour pour es-pérer le convertiret l’arracher à savision noire etpessimiste del’existence. Faut-il, ligne de défen -se adoptée au pro-cès, peut-être àla demande deM. Fesch, prêt às’accabler de tousles péchés poursauver son fils, enfaire un monstrequasi sataniquequi aurait pris plaisirà détruire les sienset jeté une sorte de malédiction sur safamille, révélée par les effrayantes cir-constances de la mort de la sœur aînéede Jacques, décédée avant la naissancede celui-ci ? Non… Georges Fesch, arrière-neveu du cardinal Fesch, onclematernel de Napoléon, ne fut sûrementpas un homme agréable mais, entre lesmots de son fils, que de détresse intimese révèle ! Mal marié à une femme qu’iln’aime ni ne comprend, mécontent d’uneexistence qui, en dépit de sa réussiteapparente, n’est pas celle qu’il espérait,incapable de manifester sa tendresse àses enfants, Georges Fesch rend sesproches malheureux en proportion deses propres frustrations. Surtout, etJacques, garçon impressionnable, en

restera marqué, il leur impose commeune évidence son nihilisme qui inciteà jouir, tout de suite, parce qu’il n’y arien d’autre, à prendre ce que l’on désire,maintenant, sans se soucier des conséquen -ces de ces choix égoïstes sur un prochainque l’on ne considère pas. Pénétré decette amoralité foncière, Jacques prendra« la voie large qui conduit à l’abîme »,comme si un implacable déterminismecontre lequel il est incapable de lutterle poussait à sa perte.Pourtant, est-il aussi dépravé, mauvais,vicieux que le décriront juges et journalistes,et même des biographes désireuxd’accentuer le contraste entre celui qu’ilétait avant sa conversion et ce qu’il de-viendra ? Non, un fait l’atteste. À 20 ans,

18 | CULTURE | Patrimoine

Jacques Fesch ou le retour du bon larronL’actualité éditoriale remet sur le devant de la scène Jacques Fesch guillotiné à 27 ans, le 1er octobre 1957, pour avoir tiré sur un policier veuf de surcroît et qui laissait une orphelinede 4 ans. Cependant cet assassin involontaire découvrit en trois ans d’emprisonnement Jésus qu’il était sûr de voir après sa mort vécue comme une expiation et une offrande.

« Que chaque goutte de mon sangserve à expier un péché mortel ! »

(Jacques Fesch)

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Patrimoine | CULTURE | 19L’Homme NouveauN° 1606 du 16 janvier 2016

dans une recherche éperdue d’une « pré-sence » qu’il ne sait pas nommer, Jacquesdevient l’amant d’une ancienne camaradede lycée, Pierrette Polack, profitant dela séduction que son incontestable beautéet son charme exercent sur cette jeunefille romantique, « intriguée » par cegarçon « pas comme les autres ». Liaisonen principe sans lendemain, ne serait-ce qu’en raison des origines juives dePierrette, que les parents de Jacques ac-cepteraient mal. Survient une grossesseindésirable.

Assoiffé d’amourContre toute attente, Fesch, sans enparler à sa famille, va assumer cettepaternité et « réparer » en épousant lamère de son enfant. Union pour l’heuresans amour, – cela changera quand lesdeux jeunes gens, en pleine tragédie,se retrouveront dans la lumière deDieu –, que Jacques regardera bientôtcomme une chaîne intolérable. La briseren prenant la fuite est l’un des mobilesde sa tentative de braquage. Pourtant,c’est de son plein gré, par amour poursa fille, Véronique, qu’il a accepté des’en charger. Car, chez cet égoïstejouisseur, il y a un profond besoin d’aimeret d’être aimé ; il faudra l’implacabledéroulement de la tragi-comédie judiciairepour mettre au jour toutes les capacitésintellectuelles, affectives, morales etspirituelles de Fesch.Pour le déroulement de ce procès, c’estprobablement Gilbert Collard, auteurd’un remarquable et offensif Assassaint (3),qu’il faut lire. En grand avocat, il livrelà une plaidoirie vibrante qui, aujourd’hui,sauverait certainement son client et luivaudrait une peine légère. Il n’en allapas de même en 1957. Tout joua contreFesch, à commencer par ses originessociales qui constituèrent aux yeux desjurés une circonstance aggravante. La

presse était enragée, transformant enassassinat prémédité un meurtre accidentel ;la police, pour l’exemple, réclamait latête du coupable, menaçant de se mettreen grève à la veille du voyage officielde la reine d’Angleterre à Paris. Faceà cela, l’admirable argumentation deMaître Baudet, avocat de Fesch, quis’éleva à des sommets inhabituels dansune cour d’assises, compta pour rien.Le 6 avril 1957, jour de son vingt-septième anniversaire, Jacques futcondamné à mort, sentence démesuréeeu égard aux circonstances et à lapersonnalité du criminel. Car, et c’estlà que l’histoire devient étonnante, legarçon que l’on expédia à la guillotinen’avait plus guère en commun aveccelui qui, trois ans plus tôt, tira sur legardien de la paix Vergne.Certains des biographes de Fesch, etCollard en particulier, ont remarquablementconté et analysé ce parcours de conversionqui transforma un personnage sansgrande envergure en pénitent puis enmystique. Travaux d’autant plus utiles

qu’ils éclairent un contexte dont Fesch,pour cause, ne parlait guère. Rien,cependant, ne vaut, pour comprendrece qui lui arriva, la lecture de ses propresécrits.

Pécheur repentiLeur édition, en Italie d’abord, puis enFrance, dans les années soixante-dix,eut un impact considérable, d’autantqu’elle apportait des arguments auxpartisans de l’abolition de la peine demort. Cet arrière-fond politique a peséplus lourd qu’on l’imagine, expliqué,partiellement, la violence, choquante,des réactions à l’annonce, en 1987, dela décision de Mgr Lustiger d’ouvrir lacause de béatification de Fesch. Le tollé,pour ne pas dire le scandale, fut immédiat,au point peut-être de freiner encore au-jourd’hui l’avancée de la cause. En fait,ceux qui prétendaient s’opposer à laprocédure, et plus encore à une éventuellebéatification du jeune supplicié, sousprétexte que l’Église ne pouvait portersur les autels « un tueur de flic », emportéspar leurs passions, perdaient de vuel’essentiel. Pas plus que l’Église n’honoraitla prostitution en vénérant Marie-Madeleine, ou le banditisme avec Dismasle bon larron, l’archevêque de Parisn’offrait en exemple et à la vénérationdes fidèles un assassin. Il se souvenaitsimplement de l’adage : « Tout saint aun passé, tout pécheur un avenir. » C’esttout le miracle de l’histoire de Fesch.Que tant de gens ne l’aient pas comprisdémontre une déperdition tragique dusens du mystère du salut et de la grâce.Les écrits de Fesch, doué d’une jolieplume et d’une remarquable capacitéd’analyse, sont l’histoire d’une Révélation,et d’abord révélation de la gravité deses fautes, non celles, Jacques le comprend,pour lesquelles on le punit mais crimescachés, plus intimes, et, partant, plusgraves. Quand il a pris conscience dumal qu’il a fait, de son incapacité à leréparer ou l’expier, ne lui reste qu’à sejeter à cœur perdu dans les abysses dela Miséricorde divine. Harcelé, et celui-ci s’étonnera plus tard d’avoir, sousl’inspiration divine, manqué ainsi dediscrétion, par son avocat qui veut leconvertir, Fesch, en quelques mois, sousl’effet d’une souffrance personnelle

gardée secrète, passera de l’orgueil àl’humilité totale. C’est parce qu’il atouché le fond de la détresse, qu’il estdans les abîmes dont parle le psalmiste,que Jacques se convertit et crie de touteson âme vers ce Dieu auquel il s’imaginaitne pas croire. De cette nuit absoluejailliront la lumière et la conversion.Injustement condamné car ses actes neméritaient pas la peine capitale, Feschse soumettra à la sentence des hommesparce qu’elle lui accorde un moyen sûrnon seulement de payer ses fautes maisaussi d’expier pour les autres. Il le diradans ses ultimes propos : « Que chaquegoutte de mon sang serve à expier unpéché mortel ! ».

Le chemin du rachatChemin de rachat illuminé par la Rencontreavec le Christ, la découverte du Sacré-Cœur, l’exemple de Thérèse de Lisieuxmais souvent d’une aridité, d’une cruautéglaçante qui rappellent combien leparcours mystique est terrible et lapurification radicale. L’inexpérience deFesch en ces matières, qui ignore toutd’une telle expérience et s’affole quandil traverse sécheresses et nuits de l’âmeà vitesse accélérée, s’imaginant reperdrela foi, celle de ses directeurs de conscience,à commencer par l’aumônier de la Santé,qui n’arrivent pas à le suivre vers lessommets où Dieu l’expédie, ne faciliterontpas le chemin. Nombre de pages deFesch, surtout les dernières, quand lecouperet étend sur lui son ombre, sontdéchirantes, parce qu’elles rappellentque même les saints ne sont pas délivrésdes angoisses communes. Mais, dansleur dureté, leurs apparents retours enarrière, leurs chutes et leur fulgurance,elles découvrent, comme bien peu demystiques l’ont dit, la démesure de laMiséricorde divine offerte au pécheurrepentant, « pour qu’il se convertisse

et qu’il vive ». ◆ANNE BERNET

1. Jacques Fesch, Œuvres com-plètes, Cerf, 588 p., 34 €.2. Mireille Cassin, Mystiquepublic n° 1, Cerf, 210 p., 19 €.3. Gilbert Collard, Assassaint,

Presses de la Renaissance, coll.« Petite Renaissance », 226 p.,épuisé.

UNE CAUSE MAL COMPRISELorsqu’il y a vingt-cinq ans, Mgr Lustiger chargea unecommission historique d’instruire le dossier diocésainouvrant la voie à une éventuelle béatification de JacquesFesch, la levée de boucliers fut unanime, furibonde, et, àtout dire choquante.De quoi s’agissait-il ? De se pencher sur l’extraordinaireparcours spirituel d’un garçon de bonne famille, égoïste,vain, lâche et veule, que la grâce divine avait transfiguré,le conduisant à une mort édifiante à 27 ans. Hélas, Feschétait aussi l’auteur d’un braquage lamentable et raté auterme duquel, en pleine panique, il avait abattu un jeuneagent de police, veuf et père d’une fillette de 4 ans… Sanslui accorder aucune circonstance atténuante, et il en avaitpourtant, le jury, cédant à l’opinion publique, l’avait envoyéà l’échafaud, le 1er octobre 1957, fête de sainte Thérèse

de Lisieux, cette avocate inlassable des crapules, à laquelleFesch estimait devoir pour partie sa conversion.Reconnaître les fruits de la grâce dans l’âme d’un meurtrierpitoyable n’équivalait pas à absoudre les tueurs de flics,comme certains ont osé le prétendre, pas plus que lapromesse du paradis au bon larron ne justifie le brigandagede grands chemins, ou le pardon accordé à Madeleine laprostitution…Dans son livre Assassaint, l’avocat maître Collard reprendle dossier Fesch et livre un plaidoyer vibrant qui, à l’heureactuelle, sauverait certainement la tête de son client. Pourtant,paradoxalement, et même si, comme lui, je n’approuve pasla peine de mort, une question se pose, essentielle : sansla guillotine, Jacques Fesch aurait-il songé au salut de sonâme et parcouru le chemin, magnifique, qui fut le sien ?

Comme le bon larron qui confesse ses péchés et sa foi sur la croix, JacquesFesch, condamné, rencontre Jésus.

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L’Homme NouveauN° 1606 du 16 janvier 201620 | CULTURE | Jeunesse

UNE PROVINCIALE À PARIS1865. Fille d’un canut de Lyon, Juliette vit une existence faitede joies familiales simples mais vraies, où la satisfaction dutravail bien accompli vaut autant que les plaisirs d’unepromenade au parc de la Tête d’or. Habituée à la chaleur dufoyer paternel et à l’affection de ses petits frères et sœurs,quel drame pour Juliette de devoirquitter son univers modeste pouréchapper à la terrible tuberculose quila ronge. Surtout qu’elle part pour lelointain Paris où son oncle lui a trouvéune place de vendeuse dans un grandmagasin. La petite provinciale honnêteet courageuse va devoir trouver sa placeparmi ses collègues toujours prêtes àvoir dans une nouvelle venue, une rivale.Mais remarquée pour ses conseils debon goût, Juliette se voit proposer dedevenir la styliste attitrée d’une jeune fille riche. Saisira-t-elle l’occasion qui lui est offerte de développer ses talents ?Beaucoup d’atouts sont réunis dans ce roman pour jeunesfilles à partir de 10 ans : la valorisation des talents, de larigueur, du travail bien fait, de la famille, de la fidélité. Dansun bon esprit, Juliette vit dans ce monde turbulent du Parisde la fin du XIXe siècle, sans être du monde. Et malgré seserreurs, elle demeure une jeune fille sérieuse et droite, gardantla tête froide au milieu des tourbillons de plaisirs de la société,conservant son idéal de vie. Une bonne lecture qui ressuscite remarquablement l’époquedu Second Empire, par une très belle écriture vivante etriche, et fera immanquablement rêver nos filles. MARIE LACROIX

Gwenaële Barussaud, Juliette, la mode au bout desdoigts, Fleurus, coll. « Les Lumières de Paris », 314 p.,13,90 €.

BANDE DESSINÉE

Le secret du pèlerinOlivier Manaud, dessins deGaëtan Evrard, Téqui, 32 p.,10 €.

Un jour queClémenceet Valentinentre dansl’église deRédené, enBretagne,ils s’arrêtentdevant legrand bé-

nitier, étonnés. La responsabledes fleurs de l’église leur enapprend l’origine et l’utilité, leurconfiant ensuite un messagelaissé par un pèlerin. Une énigmeà résoudre qui les conduit enun autre lieu. Ainsi, de messageen message, d’église en église,les deux enfants vont découvrirle secret d’un grand trésor.Voilà une manière très originalede visiter les églises en mettanten relief certains aspects archi-tecturaux de ces bâtiments saints.En lisant ces lignes, en regardantces belles illustrations, nul douteque les enfants, à partir de 8 ou9 ans, verront d’un œil neuf lesvieilles pierres imprégnées de

prières et de significations pro-fondes que ce jeu de piste leuraura fait découvrir.M.L.

RELIGION

Mon cahier d’éveil à la foiSabine du Mesnil, Mame,160 p., 12,90 €.

Particulière-ment ludi -que et visuelavec ses jeuxde coloriage,de bricolage,ses autocol-lants, ses des-sins, etc., ce

cahier peut représenter unsupport intéressant pour accueillirJésus dans la vie de l’enfantjusque dans ses jeux. Les dessins, d’inégale valeur,plairont plus ou moins, mais ilsapportent tous une touche defraîcheur et ce cahier recèle depetites trouvailles pour s’unir àJésus qui ne manqueront pasde marquer les petits. À noterles caractères résolument «formeordinaire » du Notre Père et decertains dessins. À partir de5 ans. M.L.

JEU

Embarquement immédiat ! Sophie de Mullenheim, des-sins d’Étienne Jung, Mame,80 cartes, 1 sablier, 13,90 €.

Voici un jeu pour toute la famillequi pourrait même réconcilierles mauvais perdants avec lesjeux de société. Car on gagnetous ensemble. Le but du jeu ?Réunir 25 couples d’animauxavant le début du déluge. Letemps est compté, mais aussila coopération de chacun pourla réussite de la mission. Coursecontre la montre avec le sablierqui détermine la durée de lapartie et aussi jeu de mémoirepour retrouver les animaux encouple. On peut jouer la partieavec toutes les cartes ou bienpour les plus jeunes, entre 4 et7 ans, utiliser les cartes animauxcomme un jeu de mémoire clas-sique. Un excellent jeu trèsjoliment illustré de dessinsréalistes et colorés. M.L.

Joëlle d’Abbadie

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| 21L’Homme NouveauN° 1606 du 16 janvier 2016 Fondement de la cité |VIE CHRÉTIENNE | 21

Admirons la lucidité de nos di-rigeants politiques. Cela faitquelques années que nostroupes participent à des « opé-rations extérieures », certainesliées au plan mondialisteconcocté aux USA de reconfi-guration du monde nord-africainet proche-oriental, certainesliées à nos liens avec nos an-ciennes colonies d’Afrique. Lesunes et les autres rencontraientune opposition armée de troupesse présentant comme des fidè -les musulmans.Cette dénomination était niéepar nos dirigeants, athées etdonc incompétents en matièrereligieuse, ainsi que par desmusulmans vivant en France,qui affirmaient que l’islam estune religion de paix et que lesviolents jihadistes n’en repré-sentent qu’une déviance per-verse. Quoi qu’il en soit de cette dis-tinction, il est clair que la France

était depuis des années enguerre contre les jihadistes,que ceux-ci s’étaient dotésd’une base en Irak, qu’ils étaientimplantés ici et là en Afrique,qu’ils disposaient de ressourcesfinancières importantes, qu’ilsrecrutaient des combattantsdans notre pays, aidés par desimams locaux et sécurisés parl’existence de centaines de« zones de non-droit ». Ce qu’avaient compris beau -coup de nos compatriotes, nosdiri geants politiques viennentde le comprendre et ils l’ontdit fermement ! Je ne suis passûr que cette tardive luciditéait beau coup rassuré lesditscompatrio tes : le Front Nationala, lui aussi, recruté de nouveaux

électeurs ! En tout cas, pour unpays réellement en guerredepuis des années, nous avonsvu diminuer sans cesse lesmoyens nécessaires à la sécuritéintérieure et extérieure desFrançais, partie essentielle durôle régalien de l’État, et celane se reconstituera pas facile -ment compte tenu de la situa -tion désastreuse de nos fi-nances.

Plus aucun budgetIl serait injuste de fustiger l’in-compétence des dirigeants ac-tuels, même si elle est bienréelle, en oubliant que la dé-magogie galopante a commen -cé avec la disparition prématuréede Georges Pompidou. RaymondBarre a été le dernier premierministre à remettre le budgeten équilibre et depuis lors laFrance a dépensé un argentqu’elle n’avait pas. Il était iné-luctable qu’un jour le paysn’aurait plus les moyens d’affron -ter une guerre qui lui serait im-posée. Nous y sommes, les en-nemis le savent, la CinquièmeRépublique est moribonde etle pire, question terrorisme, està venir. Reste que la France, n’en déplaiseau mondialisme financierluciférien et à ses compliceslocaux, est toujours la Fille aînéede l’Église, que sa patronne estrien moins que la Mère de Dieu,et que son passé plaide pourson renouveau : au temps deJeanne d’Arc, cela n’allait pasfort et le petit roi de Bourgesne pesait pas lourd face auxAnglais. La France actuelle va continuerà dégringoler, je serai prêt àparier que l’élection prési-dentielle de 2017 n’aura paslieu, comme le prévoit laConstitution.La douloureuse purificationcharnelle a commencé, la pu-rification économique se profile,le rêve insensé du métissageculturel s’évanouit, le commu-nautarisme s’installe dans lescours de récréation et la fractureau sein du corps professoralde l’Éducation nationale estconsommée. Mais, comme disaitun de mes patrons de l’industriechimique : « Heureusement il ya la Sainte Vierge ! ».

◆PÈRE YANNIK BONNET

Question au Père BonnetOnt-ils compris que

l’on était en guerre ?

MARCET MARYVONNE PIERRE

Depuis plusieurs décennies,l’on entend dire que les

garçons s’engagent difficilement.La distinction des rôles entrel’homme et la femme, leur com-plémentarité, sont nécessairesà la bonne harmonie et au biencommun de la société.L’Église avait su faire du barbarebagarreur, prédateur, intempérant,coureur, violent, un chevaliercourtois défenseur de la veuveet de l’orphelin et de l’artisan,un amoureux du travail bien fait.Cette opération ne s’est pas faiteen un clin d’œil. L’idéal masculin,jamais complètement atteint, estle fruit d’une éducation : il fautcultiver la nature pour obtenirles meilleurs fruits possibles.Les ingrédients nécessaires, aufil du temps, pour permettre dedévelopper toutes les qualitéset les vertus, ne sont pas le fruitdu hasard. C’est le rôle desparents et des éducateurs deconnaître les facteurs qui permet -tent cela. Il ne s’agit pas d’abordde réussite scolaire, même sicelle-ci est importante, mais dela capacité future du garçon àtenir son rôle dans la société :comme époux, comme père,comme chef… c’est-à-dire : unpilier, un socle sur lequel il estpossible de s’appuyer.Il y a quelques années, lorsd’un rassemblement d’été dejeunes catholiques, nous avionsété frappés de constater, et d’en-tendre les jeunes filles se désolerdu manque de capacité à l’en-gagement de la gente masculine.Nous leur avions parlé des dif-férences homme-femme etavions expliqué les rôles différentset complémentaires. Quelquesmois plus tard l’un d’entre eux,

tenant fièrement une jeune fillepar la main, nous a dit : «Regardez,nous avons fait ce que vousnous aviez dit ! ».On ne naît pas homme, on ledevient. Le premier ingrédientnécessaire, nous semble-t-il,c’est la compréhension de sonrôle. Chez un homme tout passepar la tête, il a besoin de com-prendre les choses. C’est lepremier pas.Un garçon d’une trentaine d’an-nées, hésitant sur sa décision,m’appelle au téléphone à proposde ses fréquentations. Je lui de-mande s’il sait ce que c’estqu’aimer. Il ne répond rien. Jelui donne cette définition :« Aimer c’est consacrer touteson énergie au bien de l’autre ».Il me répond : « Ha, mais çachange tout ! ».Comprendre son rôle futur estessentiel pour un garçon, il nepeut pas le découvrir seul, c’estla tâche de l’éducation. Il fautensuite qu’il puisse l’expérimenter.C’est pourquoi il est indispensablequ’il puisse vivre des situationsoù le don de soi, la générosité,le dévouement sont possibles.

Ce n’est quetrès rarementl’école qui ledonne, maisplu tôt les campsde jeu nes, lescoutisme… Ilest bon d’ail-leurs que lesani mateurs veil-lent à ce queles filles tou-jours pluspromptes nerelèguent pasinconsciem-ment les gar-çons aux rôlesseconds.

(L’avance de maturité des fillesjusqu’à la fin de la grande ado-lescence est de deux à quatreans). Dominé par les filles, legarçon peut réagir de deux ma-nières : soit en s’effaçant, soiten jouant le « macho ». Dansles deux cas l’éducation échoue.L’expérimentation de son rôlefutur d’homme est une phaseessentielle de l’éducation d’ungarçon.

Se connaîtreLe garçon a besoin de se confronterà ses pairs, sans la présence defilles. Les garçons se jaugent,s’interclassent et se rassurent.Deux mères de famille, avecplusieurs garçons entre 8 et 12ans, et ne se connaissant passont invitées pour la journée.Toute la matinée et le début del’après-midi se passent en disputeet en chipotage entre garçons.Puis l’interclassement fait, lesmérites et faiblesses de chacunétant connus et reconnus im-plicitement, ils jouent ensembleet quand leur maman respectiveleur demande de dire au revoir,ils ne veulent plus se séparer.L’éducation du jeune garçondoit le préparer à son rôle : luiexpliquer la spécificité de safonction sociale de plus tard.Il faut lui montrer la noblessede ces tâches qui demandentsouvent abnégation et humilité.Il n’y a pas de garçon qui soitinsensible à l’honneur.Comprendre, expérimenter eten jouir ou être valorisé pource rôle voilà les premiers in-grédients dans l’éducation d’ungarçon. ◆

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Les ingrédients pourl’éducation d’un garçon

Spiritualité - Formation• Au Sanctuaire Notre-Damede Montligeon : W.-E. récon-fort deuil du 5 au 7 fév. pourles personnes vivant un deuil,sur le thème : « Accueillir laconsolation du Seigneur »,avec les chapelains du sanctuaire et les sœurs de la Nouvelle Alliance.Rens. et insc. : Sanctuaire Notre-Dame de Montligeon, 26, rue Principale CS40011,61400 La Chapelle-Montligeon.Tél : 02 33 85 17 00 – sanctuaire

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Le garçon doit vivre des situations où le don de soi, la générosité sont possibles.

« Reste que laFrance est

toujours la Filleaînée de l’Église,que sa patronne

est rien moinsque la Mère

de Dieu. »

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L’Homme NouveauN° 1606 du 16 janvier 201622| VIE CHRÉTIENNE |Figure spirituelle

UN MOINE BÉNÉDICTIN

J oseph Samsó est né le 17 janvier1887, dans la ville catalane de Cas-

tellbisbal (province de Barcelone), etil a été baptisé le 22 du même mois. Le20 octobre suivant, selon la coutumede l’époque, il reçoit le sacrement deconfirmation. Mais, le 12 novembre1894, son père quitte ce monde pourl’éternité. Laissée sans ressources, laveuve se rapproche de sa sœur qui habiteune ville voisine et qui n’a pas d’enfant ;avec son mari, ils aideront les petitsorphelins. Joseph est scolarisé chez lesmaristes. Dès l’âge de raison, l’enfantmanifeste son désir d’être prêtre ; servirla messe est pour lui une véritablepassion. Très doué pour les études, ilexcelle surtout en mathématiques. En1900, la famille s’installe à Barcelone,et Joseph entre au petit séminaire commeexterne.

Étudiant brillantEntré au grand séminaire, Joseph donnedes cours particuliers pour gagner unpeu d’argent et ménager le budget desa mère. Étudiant brillant, il est parfoissollicité pour une suppléance du professeur.Le 25 juin 1909, il obtient la licence enthéologie, ce qui lui donne droit au titrede docteur. Désormais, on l’appellera«Docteur Samsó». L’évêque de Barcelonel’appelle alors à son service comme se-crétaire. Au cours de cette même année,il est ordonné diacre. Il reçoit le sacerdocele 12 mars 1910 avec dispense car iln’a pas encore 24 ans. Le 19 mars, fêtede saint Joseph, il célèbre sa premièremesse dans l’humble paroisse barcelonaisedu Centre ouvrier, rue Calabria. Persuadéque l’abbé Samsó a une véritable vocationde curé, son directeur spirituel intervientauprès de l’évêque pour lui demanderde ne pas le retenir comme secrétaire.Bientôt, l’abbé est nommé vicaire àSant Julià d’Argentona, petite ville dela région. Son curé, l’abbé FrancescBotey est un bon prêtre qui ploie sousle fardeau de l’âge. Joseph Samsó prenden mains le catéchisme paroissial, alorsun peu délaissé. Il possède un vrai talentpour l’enseigner, au point que les adulteseux-mêmes s’y intéressent. Un nouvel évêque nommé à Barceloneorganise, selon la coutume d’alors, unconcours pour l’obtention de la cured’une petite paroisse rurale : Sant Joande Mediona. L’abbé Samsó passe bril-lamment l’épreuve ; mais lors de son

entrevue avec l’évêque, celui-ci luireproche d’être un esprit indépendantqui a refusé de rester au service de sonprédécesseur. Heureusement, le prélatne tarde pas à se rendre compte que lespropos malveillants qu’il a entendus etqui fondaient ses accusations ne sontpas justes et, le 11 janvier 1917, l’abbéprend possession de la cure. L’accueildes paroissiens, restés attachés au prêtrequi a administré la paroisse en l’absencede curé, est glacial. Toutefois, à forcede prières et de larmes, l’abbé parvientà gagner la confiance de ses paroissiens.Dans les moments difficiles, il répète :« Dieu avant tout. »En août 1919, le curé de la ville côtièrede Mataró décède, laissant une énormeparoisse divisée en deux factions auxaffinités politiques bien tranchées,soutenue chacune par un groupe d’unedizaine de prêtres. L’archevêque deBarcelone désire y envoyer l’abbé Samsócomme administrateur : ce prêtre de32ans lui semble être l’homme providentielpour la pacification de la paroisse. L’abbédemande un temps de réflexion. Sondirecteur spirituel lui conseille d’accepter :« Mon enfant, ce n’est pas toi qui ascherché cela. C’est Dieu qui te le proposeà travers ton supérieur. Accepte la chargeavec humilité et aie confiance, tout ensachant que là où tu ne pourras pasarriver, Dieu y arrivera. »

L’abbé Samsó veut être le prêtre detous. Son premier souci à Mataró estd’ouvrir plus largement aux famillesmoins favorisées la participation auxcélébrations liturgiques. Avec lui, parexemple, les ouvriers sont aussi admisà porter le dais durant la procession duTrès Saint Sacrement. Dans la mêmeperspective, il provoque un grand émoilorsqu’il demande aux fidèles de simplifierles parures coûteuses confectionnéespour les enfants lors de leur premièrecommunion. En revanche, il insiste pourque tous bénéficient d’une préparationcatéchétique très soignée, indispensablepour avoir la bonne disposition du cœur.

Les persécutionsL’évêque de Ségovie témoignera quel’abbé Samsó avait établi à Mataró lecatéchisme le mieux organisé de toutel’Espagne. Cependant une haine anti-religieuse se développe dans le pays,agité par de puissantes factions révo-lutionnaires. Le 6 octobre 1934, desindividus armés font irruption dans labasilique de Mataró. Ils menacent demort l’abbé Samsó, qui se trouve làavec un confrère et deux laïcs. Lespistolets braqués, ils leur enjoignent demettre sur le champ le feu à l’église.Imperturbables, l’abbé et ses amismontrent qu’ils préfèrent la mort. Lesagresseurs n’osent tirer ; ils mettent

eux-mêmes le feu et prennent la fuite.Les voisins, alertés, accourent et, tantbien que mal, on éteint l’incendie. Bientôt, le gouvernement républicainest débordé par les éléments extrémistes.Conscient du danger, l’abbé Samsócherche refuge dans une maison amie.Le 30 juillet 1936, déguisé en hommed’affaires, il quitte ses protecteurs afinde ne pas les compromettre. Il s’empressede rejoindre la gare. En arrivant, ildemande à une femme l’heure de départdu train. Mais cette femme reconnaîtla voix de ce prêtre qu’elle a tant defois entendu, et elle avertit les miliciensqui rôdent dans les parages. Interpellépar eux, l’abbé leur répond sans fard :« Celui que vous cherchez, c’est moi ! ».Ils l’emmènent à la mairie pour êtrejugé par le comité antifasciste.

En prisonEnfermé dans une pièce avec 10 autrespersonnes, puis bientôt 35, il y resteratrente-trois jours. Aussitôt, il organiseses journées : méditation, bréviaire,rosaire avec les détenus. Il confesse sescodétenus et les soutient par ses encou-ragements. Le 15 août 1936, il reçoitla sainte communion, apportée par unefamille amie. Cette grâce lui serarenouvelée deux fois par semaine jusqu’au1er septembre. Le 29 août, un autreprêtre rejoint les détenus. Les deuxprêtres se donnent mutuellement lesacrement de Pénitence. « L’abbé Samsómourut comme un saint, tel qu’il avaitvécu », affirmera ce prêtre qui, lui,échappera à la mort.Le 1er septembre 1936, on vient lechercher pour son exécution. Arrivé surle lieu de l’exécution, il pardonne à sesbourreaux avec un tel accent de cordialitéque le trouble s’empare d’eux. Il s’approchepour les embrasser. Sur les trois hommes,un seul refuse de se laisser toucher, etlui seul décharge son arme sur le prêtre.Plus tard, il dira : « Si je l’avais touché,je n’aurais pas pu tirer. » Apprenantson exécution, un des chefs révolutionnaires,qui l’avait bien connu, s’écria : « Voleurs !Assassins ! Vous me l’avez volé, il étaitsous ma protection ! Ce n’est pas ainsique triomphera notre cause... ».Joseph Samsó a été béatifié le 23 janvier2010 à Mataró, dans la basilique Sainte-Marie dont il fut l’archiprêtre. Demandons-lui de nous faire partager son zèle pourla transmission de la foi par la catéchèse.Qu’il nous aide à être des témoins duChrist dans le monde d’aujourd’hui ! ◆

Prêtre victime de la Révolution espagnole de 1936

Bienheureux Joseph Samsó

« La devise du martyr était : “Dieu avant tout.” »

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Homélie du 1er janvier |PAROLE DU PAPE | 23L’Homme NouveauN° 1606 du 16 janvier 2016

Salve, Mater misericordiæ

C’est avec ce salut que nous voulonsnous tourner vers la Vierge Marie

dans la Basilique romaine qui lui estdédiée avec le titre de Mère de Dieu.C’est le début d’une hymne antique,que nous chanterons à la fin de cetteEucharistie, remontant à un auteurinconnu et arrivé jusqu’à nous commeune prière qui jaillit spontanément ducœur des croyants : « Salut, Mère demiséricorde, Mère de Dieu et Mère dupardon, Mère de l’espérance et Mèrede la grâce, Mère remplie d’une saintejoie ». Dans ces quelques paroles setrouve la synthèse de la foi de générationsde personnes qui, gardant leurs yeuxfixés sur l’icône de la Vierge, luidemandent l’intercession et la conso-lation.

Mère de la miséricordeIl est plus que jamais approprié qu’ence jour nous invoquions la Vierge Marie,par-dessus tout comme « Mère de lamiséricorde ». La Porte Sainte que nousavons ouverte est de fait une Porte dela Miséricorde. Quiconque passe ceseuil est appelé à s’immerger dansl’amour miséricordieux du Père, avecune pleine confiance et sans aucunecrainte ; et il peut repartir de cetteBasilique avec la certitude – avec lacertitude – qu’il aura à ses côtés lacompagnie de Marie. Elle est Mère dela miséricorde, parce qu’elle a engendrédans son sein le Visage même de ladivine Miséricorde, Jésus, l’Emmanuel,Celui qui est attendu par tous les peuples,le « Prince de la paix » (Is 9, 5). LeFils de Dieu fait chair pour notre salut,nous a donné sa Mère qui, avec nous,se fait pèlerine pour que nous ne soyonsjamais seuls sur le chemin de notre vie,surtout dans les moments d’incertitudeet de souffrance.Marie est Mère de Dieu, elle est Mèrede Dieu qui pardonne, qui donne lepardon, et pour cela nous pouvons direqu’elle est Mère du pardon. Cette parole– « pardon » – bien incomprise de lamentalité mondaine, indique par contre

le fruit propre, original de la foi chrétienne.Celui qui ne sait pas pardonner n’a pasencore connu la plénitude de l’amour.Et seul celui qui aime vraiment est enmesure d’arriver jusqu’au pardon, enoubliant l’offense reçue. Au pied de laCroix, Marie voit son Fils qui s’offretotalement et témoigne ainsi ce quesignifie aimer comme Dieu aime. Ence moment elle entend prononcer parJésus des paroles qui viennent probablement

de ce qu’elle-même lui avait enseignédès qu’Il était enfant : « Père, pardonne-leur : ils ne savent pas ce qu’ils font »(Lc 23, 34). En ce moment, Marie estdevenue pour nous tous Mère du pardon.Elle-même, à l’exemple de Jésus etavec sa grâce, a été capable de pardonnerà tous ceux qui étaient en train de fairemourir son Fils innocent. Pour nous, Marie devient une icône dela manière dont l’Église doit étendre le

pardon à tous ceux qui le demandent.La Mère du pardon enseigne à l’Égliseque le pardon offert sur le Golgotha neconnaît pas de limites. La loi avec sessubtilités ne peut l’arrêter, ni la sagessede ce monde avec ses distinctions. Lepardon de l’Église doit avoir la mêmeextension que celui de Jésus sur la Croix,et de Marie à ses pieds. Il n’y a pasd’alternative. C’est pourquoi l’EspritSaint a rendu les Apôtres instrumentsefficaces du pardon, afin que tout cequi a été obtenu par la mort de Jésuspuisse rejoindre tout homme en toutlieu et en tout temps (cf. Jn 20, 19-23).

Espérance, grâce et joie : trois sœursL’hymne marial, enfin, continue endisant : « Mère de l’espérance et Mèrede la grâce, Mère remplie d’une saintejoie ». L’espérance, la grâce et la saintejoie sont sœurs : toutes sont du Christ,et même, elles sont d’autres de sesnoms, écrits, pour ainsi dire, dans sachair. Le cadeau que Marie nous donneen nous donnant Jésus-Christ est celuidu pardon qui renouvelle la vie, quivous permet d’accomplir de nouveaula volonté de Dieu, et qui remplit la vied’un vrai bonheur. Cette grâce ouvrele cœur pour regarder l’avenir avec lajoie de celui qui espère. C’est l’enseignementqui provient aussi du Psaume : « Créeen moi un cœur pur, ô mon Dieu,renouvelle et raffermis au fond de moimon esprit. (…) Rends-moi la joie d’êtresauvé » (50, 12 ; 14). La force du pardonest le véritable antidote à la tristesseprovoquée par la rancune et la vengeance.Le pardon ouvre à la joie et à la sérénitéparce qu’il libère l’âme des pensées demort, tandis que la rancune et la vengeancepoussent l’esprit à la révolte et déchirentle cœur, lui ôtant le repos et la paix. Larancune et la vengeance sont de vilaineschoses.Franchissons donc la Porte Sainte dela Miséricorde avec la certitude de lacompagnie de la Vierge Mère, la SainteMère de Dieu, qui intercède pour nous.Laissons-nous accompagner par ellepour redécouvrir la beauté de la rencontreavec son Fils Jésus. Ouvrons tout grandnotre cœur à la joie du pardon, conscientsde l’espérance confiante qui nous estrendue, pour faire de notre existencequotidienne un humble instrument del’amour de Dieu.Et avec l’amour des enfants acclamons-la avec les paroles mêmes du peupled’Éphèse, au temps du Concile historique :« Sainte Mère de Dieu ! ». Et je vousinvite, tous ensemble, à faire cette ac-clamation trois fois, avec force, de toutcœur et avec amour. Tous ensemble :« Sainte Mère de Dieu ! Sainte Mèrede Dieu ! Sainte Mère de Dieu ! ».

« Salut, Mère de miséricorde, Mère de Dieu et Mère du pardon,

Mère de l’espérance et Mère de la grâce, Mère remplie d’une sainte joie. »

Retraites - Spiritualité• Avec les pères de Saint-Joseph deClairval : exercices spirituels pourhommes (à p. de 17 ans) du 23 au 28 fév., du 16 au 21 mars et du 19 au 24 avril à Flavigny, du 2 au 7 fév. enSuisse, du 3 au 8 avril en Alsace et du 5 au 10 avril en Vendée.Rens. : Abbaye Saint-Joseph de Clairval,Exercices spirituels, 21150 Flavigny-sur-Ozerain. Tél. : 03 80 96 22 31 – fax : 03 8096 25 29 – [email protected] –www.clairval.com

• Retraites avec la Fraternité Saint-Pierre : pour jnes hommes (16-23 ans)du 25 au 27 fév. à Sées (Normandie) ;

pour dames et jnes filles (à p. de 17 ans)du 11 au 16 avril à La Bergerie (74) et du29 fév. au 5 mars dans le Sud-Ouest.Rens. et insc. : [email protected] – http://fsspfondation.wix.com/fondation

• Retraite salésiennedu 26 au 29 avril enSuisse avec les chanoines de l’Institutdu Christ Roi Souverain prêtre. Partici-pation : 195 €.Rens. et insc. : ICRSP-Retraites, MaisonSaint-François de Sales, 47ter, av. del’Abreuvoir, 78160 Marly-le-Roi. Courriel : [email protected] – www.retraites.icrsp.org

• Journée des Familles le samedi 30 janvier (de 9 h 30 à 16 h 30) avec l’Institut du Christ Roi SouverainPrêtre, sur le thème : « Aux sources de la joie avec Saint François de Sales ».Déjeuner tiré du sac. Lieu : Villa Sainte Christine, Maison Mgr Bessieux,334, rue du Pioch de Boutonnet, 34090 Montpellier.Rens. et insc. : Chanoine Thibaut de Ternay : 06 72 77 15 06 – [email protected]

Retrouver vos autres rendez-vous dansla rubrique Agenda du site de L’HommeNouveau : www.hommenouveau.fr

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A lors que certains lui rendenthommage à l’occasion du ving-

tième anniversaire de sa mort, enquoi François Mitterrand peut-il êtreun sujet de réflexion en ce débutd’année ? Né il y a précisément centans, l’année de Verdun, dans unefamille catholique et patriotique, ilappartient à la génération qui a vécula Seconde Guerre et a participé à laformation du nouveau monde qui enest issu. On peut dès lors considérersa vie et sa personne comme unefigure de la destinée de la France auXXe siècle. De nombreux biographes ou journalistesse plaisent à pointer du doigt lacomplexité de François Mitterrandpour ne pas dire son opacité. Lalongévité et la sinuosité de sa viepolitique (il a été ministre à 30 ans)en ont fait l’incarnation de l’équivoque,voire même du mystère.

Soucieux de son imageLui-même avec un soin constant s’estattaché à brouiller les pistes et à sesculpter un personnage historique.Or comme le dit avec sévérité maisje crois justesse Paul Yonnet dans leprobablement meilleur livre qui luiait été consacré (1) : « Mitterrandn’est ni un créatif ni un croyant niun visionnaire ; il épouse son siècle,s’y glisse comme une anguille ou s’yaccroche et le parasite. Il ne le devanceni ne lui imprime une forte marque. »Ainsi il fut maréchaliste au début dela guerre, puis résistant à partir de1943 tout en gardant des liens avecVichy. Élu député par les voix de ladroite en 1946, il siège au centregauche. Onze fois ministre sous laIVe République, il est comme beaucouppour le maintien de l’Algérie dansl’Union française et s’y emploiecomme ministre de l’Intérieur et dela Justice. Son antigaullisme, peut-être la seule constante de sa viepublique, nourrit son refus desinstitutions de la Ve République, dontil usera avec délectation plus tardquitte à en changer l’esprit. Plusieursfois donné pour mort politiquement(après le faux attentat de l’Observatoireet Mai 68), il rebondit pour finir par

se faire élire chef d’un parti dont iln’était pas membre ! Enfin, élu grâceau soutien des communistes sur unprogramme de rupture avec le capitalisme,il est l’artisan majeur de la libéralisationéconomique des années quatre-vingtet des transferts de souveraineté auprofit de l’Europe. En quoi Mitterrand est-il révélateurde la crise de civilisation que notrepays traverse et en quoi peut-il nouséclairer a posteriori sur les moyenspersonnels et collectifs pour latraverser ? Jean-Pierre Chevènementa reçu cette confidence de Mitterranden avril 1979 : « La France ne peutplus, hélas, à notre époque que passerà travers les gouttes ». Ce que laFrance avait réalisé en 14-18 représentaitl’ultime mobilisation de ses énergiesmais la réalité de son déclassementdémographique (2) et de son épuisementmoral ne pouvait être plus longtempsoccultée. Voilà ce que les annéestrente et le désastre de 1940 signifient.Cette conscience que la France n’estplus une grande puissance est le filconducteur de l’attitude politiquede Mitterrand. Il s’agit dès lors decomposer, de s’adapter, de « sauverles meubles » en effectuant cette« transsubstantiation » des nationsdans l’Union européenne. C’est ceque son ancien ministre appelle son« pari pascalien » : « À côté de lamisère des nations telle que les deuxguerres mondiales l’avaient révélée,l’Europe apparaissait comme Dieuchez Pascal, “une infinité de vie in-finiment humaine à gagner”. Ilconforta la téléologie de l’Europe :une finalité supérieure dispense des’interroger sur les maux qu’ellefait endurer pour y parvenir. L’Europeest aux nations ce que l’infini est aufini. » (3) Il y a bien sûr une raisonpoliticienne à cette conversion tardivede Mitterrand à l’Europe supranationale :trouver un substitut à l’échec du so-cialisme. Il y a aussi en réponse àla peur de la réunification de l’Al-lemagne, la tentative de l’arrimer etde la contenir dans une union euro-péenne.Mais ce deuil de la destinée singulièrede la France est surtout la manifestation

d’une perte du sens de sa vocation.Alors que Mitterrand connaissaitparfaitement Michelet, Péguy, Barrès,alors qu’il avait un sens indéniablede la « France racinée », il n’a pasété fidèle à ce que cette traditionindiquait. Or comme le disait De Gaulleà Philippe Barrès (fils du précédent,ayant rallié Londres en 1940) : « Pourun peuple, la plus sûre étoile dansla tempête, c’est la fidélité à sa vo-cation. » (4)

Oublieux de l’âme de la FrancePour regarder la France ainsi, il fautêtre doué de réalisme spirituel voiresurnaturel. Or Mitterrand tout attachéà la construction de sa stature individuelle,toute à son ambition politicienne,capable pour ce faire des mensongesles plus éhontés, a perdu ce qui danssa formation initiale aurait pu luipermettre de considérer l’âme de laFrance. Homme de grande culturefrançaise, il avait cependant perduce qui permet d’en saisir le cœur, lafoi catholique. Il ne m’appartient pasd’entrer dans l’intimité de son itinérairespirituel mais il convient de constaterque Mitterrand est le symbole de

l’apostasie d’une frange importantedes classes moyennes françaises. Sonamoralisme et son cynisme légendairessont le signe du refus agnostique derecevoir le réel et sa propre vie commeun don de Dieu auquel il faudrarépondre. Pour éviter que la Francene devienne toujours davantage unegrande « paroisse morte » décrite parBernanos dans Monsieur Ouine, ilest urgent de retrouver le chemin duCœur divin où sa vocation est in -scrite. ◆

1. François Mitterrand le Phénix, Éd. deFallois, 2003, p. 42.2. Il ne faut pas oublier que l’effondrementdémographique (dû au malthusianisme)de la France au XIXe siècle est une descauses majeures de son déclassement.Ainsi en 1750 la France, « Chine del’Europe » comptait 24 millions d’habitantsalors que le Royaume-Uni n’en comptaitque 10 et la Russie 18. Voir sur ce sujetcentral Jean-Pierre Bardet et JacquesDupâquier (sous la direction de), Histoiredes populations de l’Europe. II, LaRévolution démographique, 1750-1914,Fayard, 648 p., 35 €.3. Jean-Pierre Chevènement, La Franceest-elle finie ?, p. 52, Fayard, 320 p.,19,30 €.4. Charles de Gaulle, Plon, 1944, p. 232.

François Mitterrand l’apostat

Les sinuosités du parcours tant existentiel que politique de François Mitterrand(1916-1996) sont telles qu’elles lui ont valu le surnom de Florentin. Faute de croireencore à la destinée de la France et pour lui avoir substitué l’Europe de Bruxelles, il n’a pas su rester fidèle à sa propre vocation. Cent ans après sa naissance et vingtans après sa mort, retour sur l’influence décisive de l’ancien Président.

François Mitterrand, ici avec Ronald Reagan en 1984, apparaît comme une anguille, tout à son ambition politicienne.

THIBAUD COLLIN

24| L’ESSENTIEL | ÉgliseL’Homme Nouveau

N° 1606 du 16 janvier 2016