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Date : 07 NOV 16 Pays : France Périodicité : Bimensuel Page de l'article : p.1,83,84,85,...,8 Journaliste : Pierre Magnetto Page 1/8 HERNE 1156269400507 Tous droits réservés à l'éditeur SUR COURS CE QU'EST LA LAÏCITE ^^^H LES 20 ANS REFLEXIONS & partages î autour de l'école cv

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SUR COURS

CE QU'EST LA LAÏCITE

^^^HLES 20 ANS

REFLEXIONS& partagesî autour de l'école

cv

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Tutti** GRAND ENTRETIEN

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FRANCOIS JULLIENFrançois Juillet!, philosophe, helléniste et sinologue est professeurde l'université Paris Diderot, titulaire de la chaire sur l'attente ato Fondation Maison des sciences de l'homme Traduite a traversle monde, son œuvre se déploie au carrefour de la sinologie etde la philosophie generale Fondée sur une etude de la pensée de laChine antique, du neoconfucianisme et des conceptions littérairesde la Chine classique, elle questionne l'histoire et les catégories dela raison europeenne en instaurant un vis-a vis entre les culturesFrancois Jullien vient de publier « ll n'y a pas d'identité culturelle »

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« ll n'y a pas d'identité culturelle »« ll n'y a pas d'identité culturelle », tel est le titre dudernier essai du philosophe François Juillet!. Sinologueet helléniste, il s'insurge contre les thèmes qui se sontimposés dans l'espace public en France et qui semblentdevoir dominer la future campagne presidentielle,ceux de l'identité identitaire et de l'identité culturelle.Il estime que l'on se trompe de débat. Les notionsde différence entre cultures, de culture universelle,sont pour lui inopérantes et périmées dans le contextede la mondialisation. Le philosophe propose denouveaux outils conceptuels, celui d'écart et celuide ressources, qui permettent non pas de figerles différences entre les cultures, d'isoler les culturesentre elles, mais de les mettre en regard pour endégager des ressources communes et les activer.

Ne faut-il pas défendrel'identité culturellede la France contre lamenace des commu-nautansmes ? Où pla-

cer le curseur entre la toléranceet l'intégration, l'acceptation desdifférences identitaires ~> Ce débatne concerne pas uniquement laFrance. Il traverse l'Europe avec desmouvements nationalistes qui sesont imposés en Hongrie et enPologne ou qui voient leur influencegrandir dans les autres pays.Francois Jullien ne défend doncpas une identité culturelle pour luiimpossible à identifier, mais desressources n'appartenant à per-sonne et donc à tout le monde

parce que le propre d'une cultureest de muter, de se nourrir ausside la culture des autres. L'auteurappelle à « défendre » ce qu'ilappelle donc les ressources cultu-relles françaises qui sont diverses,non exclusives, défendre ne signi-fiant pas pour lui protéger maisactiver, déployer. Lin déploiementdont au fond, chaque individudans sa singularité est respon-sable. Un changement de conceptqui appelle aussi à repenser ledialogue entre les cultures, ens'inspirant de son étymologiegrecque qui évoque l'idée del'écart et du cheminement (dia),du commun et de l'intelligible(logos).

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« Avec Harry Potier nous avons un phénomèned'uniformisation mondiale, le même livre, aumême moment dans toutes les langues quiuniformise l'univers imaginaire des jeunes maîsqui n 'est pas pour autant universel »

Les thèmes de l'identiténationale, de l'identitéculturelle, se sont imposésdans le débat public depuisles attentats de 2015. Vouspubliez ll n'y a pas d'identitéculturelle, votre intentionest-elle d'éclairer le débatpublic?FJ. C est en effet une façon de rn in-troduire dans ce débat qui n est pasun de"bat ou en tout cas un debatmal pose En effet on ne peut pasparler d identité culturelle d unepart parce que le propre d uneculture est de muter et d autre partparce que I identité fait couple avecdifference Orje ne croîs pas que cesoit intéressant ni même pertinentque d aborder les cultures enteimes de diffeiences En réalité ily a un divers des cultures et la ques-tion est de savoir sous quel conceptaborder ce divers La difference elleidentifie elle range elle laisseI autre de côte Moi je prefère parlerd écart parce que I écart maintientI autre en regard et fait figure nonpas de rangement maîs de déran-gement Donc je propose de chan-ger de concept pour parler non pasde difference maîs d écart ce quipermet de comprendre la differenceentre deux cultures et a ce moment-la de ne plus parler d identité maîsde ce quej appelle des ressources

Pour mieux expliquer vouscommencez par distinguertrois notions, l'universel,l'uniforme et le commun.En quoi cela aide-t-il acomprendre comment seconstitue une culture ?FJ. J ai aborde ces trois notionsparce qu on tend a les confondieet que le propre du philosophe estd essayer de faire en sorte que lesnotions deviennent des conceptset des outils pour penser de façontres rigoureuse L universel a a lafois un sens faible qui est celui duconstat du fait qu on estime queles choses ont toujours ete ainsiet un sens fort qui est celui denécessite e est a-dire que leschoses ne peuvent pas être autrement La culture europeenne s estdéployée dans cette pensée deI universel au sens fort Cettenotion est performante des lorsqu il s agit des lois universelles dela nature de la physique desmathématiques Maîs est-ce queles lois comme celles des droits deI homme sont de cet ordre-la 'Est-ce que ce qui a si bien marchedans la constitution de la scienceeuropeenne a partir des mathematiques qui a donne I universelde nécessite a priori et en dehorsde toute experience peut setransférer d emblée dans le

domaine ethique etpolitique ' PourKant la réponse estoui e est / impératifcatégorique maîs auige siecle d autrescomme Nietzsche

. ou K i e i k e g a a r dparce que le propre d une revendiquent ie

droit du singulierde I individu qui ne

« Cest un débat qui n'estpas un débat, ou en toutcas un débat mal posé

culture est de muter »

se range pas sous cet universelLa seconde notion est celle deI uniforme On pourrait croire queI uniforme est la réalisation deI universel son resultat or a monsens ça en est totalement distinctL universel est un concept de laraison tandis que I uniforme estun concept de la productionAujourd hui avec la mondialisa-tion I uniforme sature le paysageet on est tente de le prendre pourde I universel alors que ce n estqu une commodité de productionde rentabilité economique AvecHarry Petter ou Millenium parexemple nous avons un phéno-mène d uniformisation mondialele même livre au même momentdans toutes les langues II unifor-mise I univers imaginaire desjeunes maîs ce n est pas pouiautant universelEnfin je définis le commun qui estce qui se partage Ce commun ilest donne pour partie et il est choisipour une autre un commun poli-tique un engagement Maîs lecommun qui est un partage des-sine aussi un dedans et la frontièrede ce dedans peut se retourner enfrontière excluant un dehors çadonne le communautarisme

Pour rester sur la question del'universel, l'Europe s'estvoulue porteuse de valeursuniverselles et dans lecontexte qui était celui dumonde jusqu'au milieu du XXe

siècle ça pouvait fonctionner.Qu'est-ce qui amène le faitqu'on puisse mettre en doutel'universel aujourd'hui ?FJ D abord il faut comprendrepourquoi I Europe est si attachéea I universel et n a cesse de deve-

lopper cette notion En fait laculture europeenne est essentiel-lement diverse le point de departde la notion d universel en Europese situe sur des plans hétéro-gènes ] en évoque quèlques unsle concept grec penser selon letout e est tout autre chose que ledroit romain sur la citoyenneteuniverselle la civitas universasqui est encore tout autre choseque le salut chretien avec ce dieuqui est de tout homme depuis ledébut du monde jusqu a la fin dumonde L Europe a eu d autantplus besoin d universel que saculture est hétérogène Elle a eubesoin d une sorte de clef de voûtequi fasse tenir cet hétérogène etcette clef de \oute e est I univer-sel C est au nom de cette conceplion que les valeurs européennesont pu être promues au rang devaleurs universelles La culturedominante europeenne devenueoccidentale par la suite s estimposée parce que I Europe avaitla puissance et la force Or depuisla Seconde Guerre mondiale I Eu-rope est en retrait elle doit doncreconnaître le divers des culturesD ou la nécessite aujourd hui dedialoguer culturellement Avant iln y avait pas de dialogue il y avaitI homme civilise et celui qui neI était pas ou qui était en routevers la civilisation on ne peut pluspenser comme ça aujourd hui

Cela signifie-t-il qu'il n'y a riend'universel aujourd'hui ?FJ Non il y a deux notions deI universel L universel au sensd univeisahsme est perime e estcelui en vertu duquel quand jecroîs avoir tout Je n ai pas lesoupçon de ce qui manque a ce

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« La culture dominante européenne,devenue occidentale par la suite,s'est i rn posé e parce que l'Europeavait la puissance et la force. »

tout donc je ferme l'universelPrenons I exemple du suffrage dituniversel on a l'a nommé ainsialors que les femmes n'avaientpas le droit de voteEn revanche, il y a un universelqui pour moi reste pertinent, etpour lequel je suis militant, e estl'universel jamais satisfait, necessant de chercher davantage,qui lui, maintient ouvert l'horizonau lieu de le replier en frontierescommunautaires identitaires Cetuniversel-là, régulateur, rebelle,est celui qui empêche le communde se refermer en communauta-risme, qui permet de prendreconscience de ce qui manque autout Cet universel, jamais satis-fait donc, ne cesse de déployer ducommun, de faire reculer l'hori-zon et empêche que la limite ducommun ne se replie en frontièredu communautansme

S'il y a un universel il reposedonc sur cette notion dècommun. Que recouvre-t-ellepour vous?FJ. La première chose que je dirais,le commun n est pas semblable,ce n'est pas avec du semblablequ'on fait du commun Si oncherche a faire du commun avecdu semblable, c'est du standard,du stéréotype, du clonage Doncqu'est-ce qui fait la richesse ducommun c'est ce que j'appellel'écart Un commun est riche auregard des écarts qu'il met enjeuPrenez un couple c'est parce qu'ily a de l'écart entre les deux per-sonnes qu il y a du commun pos-sible, actif, intéressant, intensif,si l'homme et la femme sontpareil il ne se passe rien Pourqu'il y ait du commun actif, il fautqu il y ait de l'enjeu, c'est l'écartqui fait le désir Prenez une

famille, il y a du commun familialparce qu'il y a des parents et desenfants, une différence de géné-rations, d'expériences etc Lecommun n'est actif que s'il y a dudivers Quel est le commun enFrance aujourd'hui ' Nous ne por-tons pas tous les mêmes vête-ments moi je ne m'habille pascomme un banquier certainsportent des casquettes ou des jog-gings, maîs c'estjustement l'écartentre tout ça qui fait societé Sitout le monde était en veston cia-vate ce serait uniforme et pas tresriche Pour qu il y ait du communil faut qu il y ait des écarts Laquestion c'est comment les écartspeuvent produite du commun >

Alors justement,qu'appelez-vous écart etcomment le distinguer dedifférence?FJ. Le concept de différence trouveson usage dans la connaissance,pour connaître on fait des diffé-rences Les différences opèrentpar des caractéristiques qui abou-tissent à des definitions C'est parla difference queje définis, que jedistingue une chose d'une autreEt puis je laisse tomber l'autrechose etje garde la chose quej'aien tête Comme dit Anstote dedifférences en différences vous

arrivez a l'essence de la choseDonc la difference laisse tomberl'autre, elle range, elle fait destableaux, des typologies, des clas-sements La notion de différencen est pas pertinente parce qu'il n ya pas de difference culturelle,parce que la culture ne s'identifiepas, ne possède pas de caractéris-tiques qui aboutissent à des defi-nitions puisqu'encore une fois sacaractéristique est de muterJe préfère parler d écart parce que,si écart dit un peu la même choseque difference il le dit d'une autrefaçon, d'un autre point de vueDifférence et écart, tous les deuxséparent l'une en établissant unedistinction, l'autre une distanceL'écart est une figure non pas derangement maîs de dérangement,c'est une figure exploratoireJusqu'où va l'écart ' On dit enfrançais il a fait un écart, un écartde conduite, de langage c'estsortir de la norme, de I attendu,du convenu Ouvrir un écart c'estouvrir un autre possible et c'est encela qu'il est fécond C'est pourcela que je ne parle pas d identitéculturelle maîs d'écart culturel quimaintient l'autre en regard, entension, en vis-à-vis plutôt que del'exclure L écart fait apparaître undivers de ressources, de possiblesLes cultures sont des ressourcesEt donc le commun se développe

« Ouvrir un écart c'est ouvrirun autre possible et c'est encela qu'il est fécond. »

au travers de l'exploration et del'exploitation des ressourcesapparues par écart

Dans ce cas, commentdéfinissez-vous ce qu'est uneressource?FJ. Ressource s'oppose a identité,l'identité repond a une definitionspécifique Je ne vois pas d'iden-tite culturelle française Qu'est-cequi fait identité La Fontaine ouRimbaud ' Moi je dis autant l'unque l'autre, c'est l'écart des deux,la culture française s'est dévelop-pée a la fois grâce à I un et grâceà l'autre et c'est la tension entreeux qui fait sa richesse Parlonsd'identité culturelle europeenne,un exemple politiquement trèslourd Quand on a voulu écrire lepréambule de la constitutioneuropéenne, on a voulu defimil'Europe et on n'y est pas arriveC'était impossible Les unsdisaient qu'elle est religieuse,chrétienne, d'autres ont dit non,elle est laïque, les Lumieres L'Eu-rope est les deux, l'écart des deux,la tension entre les deuxLa notion de ressources rn im-porte pai ce qu'elle est l'exploita-tion du divers et en même temps,les ressources n'appartiennentpas Que signifie défendre l'iden-tité culturelle ' II y a un defendrequi est detensif parce qu'on a peurqu'elle disparaisse Pour moidefendre signifie developper lesressources, les activer, undéfendre qui est actif, non pasdetensif, peureux, maîs au sensde déploiement, de la promotionDefendre la culture française e estpromouvoir des ressourcesdiverses

Alors, quelles sont cesressources ?FJ. La première lessouice c'est lalangue Nos enfants a l'écoledoivent apprendre le français,c'est-à-dire apprendre a dévelop-pei les lessources de la languefrancaise, les ressources de modepar exemple, le subjonctif, l'indi-catif Ils doivent apprendre adéployer ces ressources en lisantles auteurs qui les ont déployées,Molière Proust, etc Developperles ressources culturelles de façonactive, rend incompatible, exclut

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d emblée toute sorte de conversion mystico-terronste que nousavons tous en tête Je mets doncau depart de I ecole la ressourcecommune qui est la langue Etpuis je n abandonnerais pas leHtm et le grec qui sont une res-source essentielle tres economique en temps depense et tresriche en acquis

Pourquoi cet attachement ausubjonctif, au latin et au grec ?FJ. La distinction entre I indicatif etle subjonctif n est pas une obliga-tion de la grammaire e est uneressource de la pensée En conju-guant soit a I indicatif soit au subjonctif je distingue un mode depensée Dans « tt faut que] aille »pourquoi faut-il le subjonctif cen est pas gratuit il y a une raisonqui est une lessource qui peimetde distinguer dans mon esprit mon

« Nous ne portons pas tous les mêmesvêtements, moi /e ne m'habille pascomme un banquier, certains portentdes casquettes ou des joggings, c'est çaqui fa it société »

rapport dans mon action dans maconduite entre le factuel et lepotentiel Je ne défends pas le subjonctif sur un mode punitif denorme grammaticale je le défendscomme une ressource de la languefrançaise Si on n emploie plus lesubjonctif on appauvrit la langueles ressources d expression et decompréhension de soi-même et desa conduite Pour ce qui est du

latin et du grec je comprendsqu ils aient ete mal vus parce quefaisant partie de I enseignementbourgeo s parce qu étant sélectifscomme ils I ont ete au XIXe et unepaine du XXe siecle Maîs ce n estplus le cas aujourd hui Je militepour qu on défende la ressourcedu latin et du grec parce que dansun apprentissage tres court ellesouvrent des ressources énormes

« La distinctionentre l'indicatifet le subjonctif n'estpas une obligationde la grammaire,c'est une ressourcede la pensée »

de compréhension de la languefrançaise maîs aussi d une diversite culturelle On dit qu on vientdes grecs des romains maîs quesignifie « venir » si on n a pas tou-che d un peu plus pres ce que e est

Partager les ressourcesimplique gué les culturespuissent d'abord échanger,dialoguer, comment peuts'organiser ce dialogue ?FJ. Que signifie dialogue ' On parlede dialogue pour eviter le clashpour trouver un compromis unpis aller II s agit d un terme mouqui tend a dissimuler les rapportsde forces Or je pense que lanécessite aujourd hui en Francea I ecole est de redonner un sensfort au mot dialogue aux deuxcomposantes du terme grec« dia » et « logos » « Dia » signifie deux choses en giec I écart etle cheminement Pour qu il y aitdialogue il faut qu il y ait deI écart sinon e est un monologueun dialogue est d autant plus inté-ressant qu il y a de I écart enjeusinon e est de la tautologie on ditla même chose Pour qu il y aitdialogue il faut qu il v ait un chenullement parce que le dialoguece n est pas immédiat il nécessitede cheminer I un vers I autre pourou\nr a partir de positions res-pectives un commun possible Ledialogue pense en ces termes est

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« Developper lesressources culturellesde facon active, rendincompatible, exclutd'emblée toute sortede conversionmystico terroriste »

essentiel si on veut d un communintelligible (logos) ouvert qui ne sereplie pas en communautansmeL humain se caractérise non paspar une difference de peau maîspar son intelligence sa facultéqui n est pas achevée d ouvertureet de progres Plus I intelligencetraverse d intelligibilités du ersesplus elle se déploie et produit duun commun intelligiblePour ma part je ne comprendspas tout des cultures des autresbien sul même la culture chinoise

sur laquelle j ai passe tant detemps et de travail maîs je saisque e est intelligible Si je vaisvisiter le musee des arts premiersau Quai Branlv je comprends trespeu de choses maisje sais qu il ya un commun de I intelligiblequ on peut comprendre cette possibilite d ouverture Un dialoguee est ça un cheminement au tra-veis des écarts pour déployer uncommun de I intelligible

Vous estimez que le communaujourd'hui en france estmenacé, pourquoi ?FJ Je le constate il y a un communqui se replie en comrnunautarisme le partage au lieu d etred om eiture est de cloture dessi-nant une frontière excluant undehors Alors que faut-il faire ' Amon sens il faut ouvrir le débat endisant quelles sont les ressourcesculturelles que nous voulonsdefendre au sens actif Cessons denous chipoter sur nos ancêtres lesGaulois sur les racines chrebennes de la France parce que cefaisant on remet dans les lois de

la nature ce qui est culturel Si onfait naître la France avec Clo\ isou sont les Gaulois ' Ils n étaientpas tres chrétiens Je ne pense pasqu il y ait des racines chrétiennesen France maîs des ressources Jene suis pas chretien je suis philosophe maîs un philosophereconnaissant explorant les ressources de la pensée chi etienneQu est-ce que e est que cet autiehorizon qu est la raison desGrecs En quoi la folie de la croixface a la sofia des Grecs met entension la pensée Je défends ausens actif des ressources chré-tiennes maîs pas des racinesCe qui menace le communaujourd hui e est la façon de poserle débat Les politiques parlent denos ancêtres les Gaulois d iden-tité identitaire d identité heu-reuse e estjuste une maniere dedéplacer un curseur de cherchera renverser la pensée précédenteOr on ne se sort pas d une diffi-culté en renversant une penséeprécédente Le renversementI identité heureuse ou malheureuse e est la même chose maîsa I envers Je pense qu il faut lais-

sei la question de I identité decote elle ne sert pas pour laculture et qu il faut ouvrir ledebat sur ce que sont les ressources culturelles françaises quenous voulons activer

Qu'en est-il pour vousde la laïcité?FJ La laïcité est une ressouice cen est pas une valeur Si on en faitune \ aleur on la place dans un rap-

« Défendrela culturefrancaise c'estpromouvoirses ressourcesdiverses. »

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« Un dialogue c'est un cheminement au travers des écartspou r dé ployé r un commun de l'intelligible, »

port de forces qui lui fait perdre sadimension de ressource Jedéfends la laïcité comme ressourceculturelle qui a ete acquise a tra-vers les siècles etje ne suis pas prêtde lâcher Maîs comment je l'ac-tive ~> En la pratiquant, et siquelqu'un m'en empêche, je hurle

Oui mais la pratiquer ne suffitpas, il faut aussi l'enseigner,notamment a l'école.Qu'en pensez-vous ?Tl. Oui, il faut l'enseigner, maîs pascomme une valeur, en montrant enquoi elle est une ressource II fautmontrer comment elle est unacquis historique d'une commu-naute qui est française, maîs qui aune exigence universelle au sensjamais satisfait comment cetteressource de la laïcité a ete undéploiement de l'humain On ytient pour ça, on n'y tient pas aunom d'une valeur qui serait inscrite

dans les genes, j'ai horreur de cetteexpression qui s'applique a ce quiest dans la nature II faut faire com-prendre en quoi c'est une ressourcedu commun, qu'elle permet a cha-cun d'avoir sa liberte de penser Lefait que la croyance ne s'affiche pasa l'école, en quoi est-ce une res-source ' L'enseigner sur un aspectnormatif, parce qu'il y a eu les eve-nements que l'on connaît, c'est luidonner un aspect punitif quiappelle sa transgression commetoute norme imposée La questionest de creer de l'intelligence

Vous êtes sinologue,en quoi vos travaux ont-ilsnourri cette réflexion ?FJ. J'ai passé ma vie a voyager entrepensée chinoise et pensée euro-peenne On dit que nous sommesles héritiers des Grecs, maîs quesait-on de cet heritage si on n'enest pas sorti ' Moi, j'ai voulu en

sortir pour le regarder du dehorsprendre du recul dans mon espritet j'ai choisi la Chine comme ail-leurs, la Chine dont je ne savaisrien a l'époque Donc je me suismis dans cette situation inconfor-table d'avoir un pied en Europe etun pied en Chine, je ne me suispas converti à la culture chinoise,je ne suis pas devenu zen, je n'aipas verse dans le mysticismepseudo-tao Pas de conversiondonc, maîs de la tension, del'écart, et donc de la production decommun Quandje traduis je suisdans l'entre, entre la culturechinoise et la culture europeenneet j'essaye de produire du com-mun Traduire c'est promouvoirdans l'entre des deux langues, lecommun de l'intelligible Traduirec'est ça J'ai traduit du chinois enfrançais, du grec en Français parcequ'il y a de l'écart Mon experiencem'a conduit a penser cette ques-tion de la diversite culturelle, des

diverses cultures comme res-sources et voyant ce thème poh-t ique au jourd 'hu i devenirdominant, et donnant lieu à unfaux debat, j'ai cru bon de devoirm'engager par un manifeste*disant on se trompe de notion,laissons de côté identité et diffe-rence pour parler d'écart et deressources Je pense que l'écoleaussi est dans cette question etque les enseignants se sententparfois perdus ou sont dans unmalaise et que la classe politique,dans son pataugeage, au lieu deles aider, les maintient dans unenon-distinction tres domma-geable Lutter pour l'identitéculturelle est sans issue Lutterpour activer les ressources cultu-relles grâce auxquelles plus per-sonne ne fera le djihad me paraîtl'exigence du jourPROPOS RECUEILLIS PAR PIERRE MAGNETTO

'François Jullien tl ny a pas d identité culturelleEditions de i Herne 93 pages 75€