64
À propos de la régionalisation en éducation et du développement social : étude exploratoire Nicole Moreau Études et recherches - décembre 1997 Conseil supérieur de l’éducation Publication : mars 1998 (# 50-2089)

À propos de la régionalisation en éducation et du

  • Upload
    others

  • View
    3

  • Download
    0

Embed Size (px)

Citation preview

Page 1: À propos de la régionalisation en éducation et du

À propos de la régionalisation en éducation

et du développement social :

étude exploratoire

Nicole Moreau Études et recherches - décembre 1997

Conseil supérieur de l’éducation Publication : mars 1998 (# 50-2089)

Page 2: À propos de la régionalisation en éducation et du
Page 3: À propos de la régionalisation en éducation et du

AVERTISSEMENT

Le Conseil supérieur de l’éducation met cette étude exploratoire sur la régionalisation en éducation et ledéveloppement social à la disposition des personnes intéressées à la réflexion sur ces questions.

Ce document n’engage cependant. pas le Conseil comme organisme consultatif.

Page 4: À propos de la régionalisation en éducation et du
Page 5: À propos de la régionalisation en éducation et du

Avant-propos

En 1989, le Conseil supérieur de l’éducationpubliait un avis intitulé « Le développementsocio-économique régional: un choix à raffermir enéducation »‘. ]ly soulignait que « l’engagement dansle développement socio-économique régional faitpartie de la mission éducative des établissements etdu ministère de l’Education » et il recommandait auMinistre de l’époque « de reconnaître explicitementl’Éducation comme agent de développement socioéconomique des collectivités locales et régionales ».

Précisant les responsabilités de chaque ordre d’enseignement et insistant notamment sur le rôle desétablissements, le Conseil recommandait plus particulièrement que « les commissions scolaires développent au moment de la formation initiale, le sensde l’appartenance régionale, l’esprit d’entrepreneurship et les capacités de se prendre en charge etqu’elles accordent toute l’importance nécessaire àl’éducation civique, sociale et économique. » LeConseil appuyait les efforts des cégeps « dans ledéveloppement de la formation sur mesure, dans lamise en place de services techniques aux eiitreprises,dans la formation de créateurs d’entreprises et dansleur engagement avec d’autres agents socioéconomiques, dans la solution de problèmes dumilieu. «Il en allait de même des universités qu’ilencourageait à poursuivre leur engagement dans ledéveloppement socio-économique régional et qu’ilinvitait « à agir davantage comme ressource auprèsdes régions, notamment par la « formation à lacarte ‘visant à répondre aux besoins particuliers desorganismes, des associations et des entreprises. »

Cet avis du Conseil demeure toujours d’actualitéd’autant plus que vient de se créer le ministère desRégions et que tout récemment le ministère del’Emploi et de la Solidarité s’est engagé à mettre enoeuvre la politique active du marché du travail dontl’opérationnalisation repose sur de nouvelles structures locales, régionales et nationales. Quelle sera laplace de l’éducation et de ses instances dans cettenouvelle configuration et comment se redéploiera larégionalisation en éducation? Par ailleurs, le Conseil

de la santé et du bien-être ayant entrepris en 1997-1998 une démarche de réflexion sur le développement social et la participation en organisànt desforums régionaux et un forum national qui se tiendra en avril 1998 et auquel la Présidente du Conseilest associée, il y a, là aussi, une autre raison quidevrait inciter le Conseil à éventuellement pousserplus loin sa réflexion afin de réactualiser son Avisde 1989.

C’est pour soutenir cette réflexion qu’il a été jugéutile de préparer un document bref qu’il faut considérer comme un outil de travail permettant:

I) de faire le point sur certaines problématiques théoriques récentes sur la régionalisation, la décentralisation et le développement;

2) d’exposer les nouvelles structures régionales et leurjuridiction respectives ainsi que certains changements dans les politiques concernant le marché dutravail et le régime de sécurité du revenu en autantqu’ils interpellent la contribution de l’éducation;

3) enfm, d’aborder quelques-unes des dimensions actuelles de la régionalisation en éducation, de fairepart de certaines perceptions d’acteurs-clés et desoumettre quelques pistes de réflexion qui pourraient être fructueuses si le Conseil considérait opportun de mieux définir sa position sur cette question.

Car, plus que jamais, l’éducation figure comme outilde développement des sociétés fondées sur le savoirmais aussi comme outil nécessaire à la mise enoeuvre d’une véritable démocratie reposant sur laparticipation de tout individu désireux d’apporter sacontribution aux instances locales, régionales etnationales. L’éducatÎon comme système doté d’instances nationales, régionales et locales doit aussimieux définir son rôle et assumer ses responsabilités dans ce processus de régionalisation et au seind’organismes tels que les CLD et les CRI). Ces nouvelles structures devront favoriser une participationaccrue des acteurs du milieu et éviter les lourdeurs•bureaucratiques et les petites guerres de pouvoir,loin des citoyens et des citoyennes.

1. Conseil supérieur de l’éducation, Le développementsocio-économique régional: un choix, à raffermiren éducation, Avis au ministre de l’Education etministre de l’Enseignement supérieur et de laScience, Québec, 1989.

Céline Saint-PierrePrésidente

Page 6: À propos de la régionalisation en éducation et du
Page 7: À propos de la régionalisation en éducation et du

Table des matières

CONCLUSION 50

ANNEXE I Les caractéristiques du systèmebureaucratique 53

ANNEXE II Listes des personnes contactées . 54

INTRODUCTION 12.2 La création du ministère de l’Emploi et de la

Solidarité, la politique active du marché dutravail et les services de sécurité du revenu 29

• Lepalierlocal 30• Le palier régional 30• Le palier national 31

2.3 La proposition de réforme du régimede sécurité du revenu 32

I La contribution attendue dusystème d’éducation 33

• Certaines questions sur larégionalisation en éducation . . .. 34

• Des questions quant auxorientations gouvernementalesen matière de régionalisation. . . . 34

I. LA RÉGIONALISATION:PROPOSITION DE CADRETHÉORIQUE 4

1.1 Quelques indications sur la société civile . 6

1.2 Certains enjeux liés à la décentralisation . 7

1.3 À propos de certaines conditions d’untransfert vers la société civile 8

1.4 La décentralisation et le râle des acteurssociaux 10

1.4.1 Lerâledel’État 101.4.2 Les organisations publiques

décentralisées 121.4.3 Les entreprises 121.4.4 Et les citoyens et les

citoyennes I 13

1.5 La décentralisation et la question dudéveloppement 13

1.5.1 Lanotionderégion 141.5.2 A propos du développement 15

• A propos de l’approche-projet 17• Quelques précisions sur les

méthodes de planification 18• Enbref 21REgalement 23

III. LA RÉGIONALISATIONEN ÉDUCATION 36

• Des exemples antérieurs derégionalisation en éducation 36

3.1 La question de la planification triennalerégionale de la carte des enseignements enfonnation professionnelle et technique.... 37

3.1.1 Le contexte de l’opération 37• Enbref 38

3.1.2 Le point de vue d’informateurs clés 39• Enbref 42

3.1.3 A propos de certaines conditions àune régionalisation en éducation . 43• Enbref 45

• À propos de conditions àl’instauration d’une nouvelledynamique en éducation 45• Des changements dans les

pratiques de gestion 45• Une organisation du travail

différente et des pratiquesenseignantes en évolution 46

• Des changements dans lespratiques syndicales 47

II. LE DÉVELOPPEMENTDES RÉGIONS 24

2.1 La politique de soutien au développementlocal et régional 24

• Le palier local 24• Le palier régional 26• Les acteurs gouvernementaux

enrégion 28• Enbref 28• Le palier national 29

Page 8: À propos de la régionalisation en éducation et du
Page 9: À propos de la régionalisation en éducation et du

Introduction

L es changements rapides affectant toutes lesdimensions de la vie de la société ou despersonnes et l’accent mis sur l’importance presqueexclusive de l’économie posent à plusieurs laquestidû du développement social. Le Conseil de lasanté et du bien-être circonscrit le développementsocial de la manière suivante: «Le développementsocial fait référence à la mise en place et aurenforcement au sein des communautés, dans lesrégions et à l’échelle de la collectivité, des conditions requises pour permettre, d’une part, àchaque individu de développer pleinement sespotentiels, de pouvoir participer activement à lavie saciale et de pouvoir tirer sa juste part del’enrichissement collectif et, d’autre part, à lacollectivité de progresser, socialement, culturellement et économiquement, dans un contexte où ledéveloppement économique et le développementculturel, sont des dimensions interdépendantes etcomplémentaires d’un projet de société”.

La notion de développement social, telle qu’elle estici définie, paraît étroitement liée à un élargissemeûtet à un approfondissement du régime démocratiquedans lequel nous vivons à l’heure actuelle, c’estdonc dire que le développement social suppose l’intégration et la mise en oeuvre des trois dimensionsde la citoyenneté2, la civile (droits nécessaires à laliberté individuelle), la politique (droits nécessairesà la participation à l’exercice du pouvoir politique)et la sociale (droits nécessaires à une existencedécente minimale sur le plan économique).

Le développement social pourrait sans doute seconcrétiser plus facilement dans le cadre d’unedécentralisation de certaines compétences de l’Etatcentral, soit selon le Petit Robert, l’attribution depouvoir de décision dans la gestion administrative

locale à des collectivités tén-itori ales,à des personnespubliques éluesparles administrés— du point devuede J-P.Bélanger3, développement socialet capital socialsont deux concepts étroitementreliés l’un à l’autrede même qu’audéveloppementéconomique, laparticipation despersonnes aux différentes formes devie sociale influantsur l’accroissement du capitalsocial. La décentralisation est souhaitée, depuis uncertain temps déjà,par les élites régionales et localestraditionnelles —

Le Forum national demunicipalités régionales de comté sur la décentralisation, précédé de colloques régionaux ayantregroupé plus de 4 500 intervenants en est uneillustration marquante4.

Le gouvernement du Québec s’oriente, pour sa part,dans la direction d’une plus grande régionalisation,

3. J. -P. BÉLANGER, « Capital social et développement social. Une brève réflexion », Documentélaboré dans le cadre de la préparation du Forum surle développement social, Montréal, octobre 1997, p.9-10.

4. UNION DES MUNICIPALITÉS RÉGJONALESDE COMTE ET DES MUNICIPALITES LOCALES DU QUÉBEC, Vers un partenariat entre legouvernement, les inunicipâlités et les MRC, SainteFoy, 26 août 1994.

Des précisions sur la notionde « développement »

« Le développement impliqueaccroissement du bien-être etchangement dans la structureéconomique et sociale. Il engage la société sous tous sesaspects ».

La notion de « croissance »

« La croissance est une notionplus simple. Elle signjfie I ‘accroissement des activités deproduction de biens et services mais n ‘implique pasnécessairement de changement dans la structure, nin ‘engage une société soustous ses aspects

Le « développement »

et la « croissance”

Le concept de développement contiendrait donc l’idéede croissance”.

P. PRÉVOST, Les nouveauxparadigmes du développementrégional, Institut d’entrepreneuriat, Université de Sherbrooke, novembre 1995, p. 3.

1992 organisé par l’Union des

1. CONSEIL DE LA SANTÉ ET DU BIEN-ÊTRE,Bulletin d ‘infonnation, volume 4, numéro 1, p. 2.

2. R. PETRELLA, Le bien commun. Éloge de la soudârité, Collection Quartier libre, Labor, Bruxelles,1996, p.18-19.

Page 10: À propos de la régionalisation en éducation et du

2 Introduction

vu comme un premier pas vers une réelle décentralisation, avec sa récente politique de soutien audéveloppement local et régional ainsi qu’aveccertaines politiques sectorielles comportant un voletrégional — à titre d’exemple, on peut songer à lapolitique active du marché du travail ou à la réformedu régime de sécurité du revenu.

Le système d’éducation qui doit instruire, socialiseret qualifier5, qui doit, en conséquence, faire acquériret développer les compétences nécessaires àl’exercice des râles sociaux — qu’il s’agisse decelui d~ travailleur ou travailleuse, celui de parent oucelui de citoyen responsable, la responsabilité, selonEtchegoycn, ne se développant, soulignons-le, qu’àpartir d’un sentiment d’appartenance6 — et à laparticipation aux délibérations concernant lesgrands enjeux de société, devrait constituer un outilindispènsable pour assurer le développement social.Considérant sa mission particulière, on pourrait êtretenté dc croire que le système d’éducation seraitplus que d’autres, ouvert à une pluralité de points devue et favoriser un large participation organisationnelle et individuelle en vue de s’adapter adéquatement à un contexte social, économique et culturelen profonde transformation.

Le récent Plan d’action ministériel pour la réformeen édubation, Prendre le virage du succès (février1997), comporte une orientation vers la régionalisatioti quand il annonce la mise en place prochaine d’une instance de concertation intcrordrcsrassemblant des représentants ou représentantes del’enseMble du système d’éducation de la petiteenfance jusqu’à l’université, ou encore quand ilindique que la planification ministérielle de l’offrede setvices en formation professionnelle ettechnique sera fondée sur des planifications régionales triennales. Les acteurs du système d’éducation

5. LES ÉTATS GÉNÉRAUX SUR L’ÉDUCATION1995-1996, Rénover notre système d’éducationdix chantiers prigritaires. Rapport final de laCommission des Etats généraux sur l’éducation,Québec, 1996, p. 5.

6. A. ETCHEGOYEN, Le temps des responsables,Paris, Julliard, 1993.

semblent appelés, par là,. à une plus grande ouverture à la communauté dans laquelle ils exercent leurfonction, à une plus grande sensibilité aux besoinsde formation de tous les types de clientèles potentielles, à un meilleur accueil de la pluralité despoints de vue existants dans leur environnement, àla compréhension de la nécessaire complémentaritéentre établissements de formation d’une mêmerégion en vue d’assurer, en synergie avec l’ensembledes autres partenaires sociaux, un développementrégional intégré.

L’objectif du présent document est de se pencher surles modalités en fonction desquelles le systèmed’éducation s’oriente vers la régionalisation et,ainsi, être en mesure de mieux préciser la dynamique qui le caractérise à cet égard.

Pour ce faire, il a paru opportun, dans un premiertemps, de distinguer ce qu’implique la régionalisation en termes de transfert de responsabilitésvers la société civile et de râles différents pour lesacteurs sociaux.

Dans un deuxième temps, le nouveau cadre danslequel la régionalisation se situe sera évoqué considérant que la régionalisation en éducation ne peutqu’en être influencée.

Enfin, en dernier lieu, les modalités de la régionalisation en éducation seront examinés de plus près,certains des obstacles seront identifiés et seraétudiée une piste de solution vers laquelle devraientse diriger les établissements du système d’éducationafin d’apporter une plus grande contribution audéveloppement social des cohimunautés. II s’agit dcla démarche d’élaboration d’un projet d’établissement ouvert aux part~nafres de l’intérieur et à lacommunauté environnante, qui fonde la complémentarité des établissements les uns par rapport auxautres et qui inscrive ceux-ci dans des réseauxd’acteurs qui constituent un appui essentiel à desprojets de développement dc tous ordres.

Page 11: À propos de la régionalisation en éducation et du

3

En conclusion, nous verrons que la décentralisation des clientèles diversifiées dont les besoins de for-accompagne, au plan de la société, une meilleure mation se différencient fortement les uns des autres.reconnaissance de la diversité des groupes et de lamultiplicité des allégeances possibles et, au plan dusystème d’éducation, une plus grande adaptation à

Page 12: À propos de la régionalisation en éducation et du

Chapitre 1La régionalisation•: prôposition~ de cadre théarique

Avant de se pencher sur ce qu’implique larégionalisation’ en termes de transfert deresponsabilités vers la société civile et d’évolutiondans les rôles des acteurs sociaux, il convient derappeler que la conjoncture actuelle interpellefortement le modèle centralisé qui domine ençore lagestion publique2. Ainsi, selon Proulx il faudraitconsidérer les éléments suivants les États sontconfrontés à une crise financière sérieuse, ayantcumulé déficits sur déficits; la crise économiquestructurelle persistante malgré la reprise de laproduction questionne la capacité de régulation del’Etat; le type de développement à base d’impulsions exogènes massives comme les investissementsde 1’Etat ou de la grande entreprise considérécomnie désuet ou n’apportant pas les résultatsescomptés; la démobilisation générale face audofflaine public qui résulte en des citoyens-clientsplutôt qu’acteurs; la nécessité de créer des milieuxde vie plus intéressants pour les individus, lestravailleurs et les entreprises. Ce modèle centraliséest appelé par certains « développement par enhaut »; les tenants de ce modèle considèrent que ledév~lbl5pement ne peut qu’être le fruit de l’actiond’un pétit nombre d’individus et d’organisations,que le i~ste de la populaticin éprouve des difficultéscertaines à prendre des initiatives; les différentescatégories sociales et les régions moins privilégiéessont amenées à entrer en compétition avec d’autres

1. Il est rappelé dans la Politique de soutien au ddveloppefizent local et régional qu’il « est djfflcile, sinoniinjiossible, de parler de régiontilisation sans se reporterà la participation des milieux locaux et régionaux auprocessus décisionnel. » (p. 8), cette participation pouvanttoutefois prendre des fonues très variables allant de laconsultation sur des programmes jusqu’à la gestionproprement dite de budgets confiés par les ministères etorganismes, 11 est égélement précisé que « la régionalisation de l’action gouvernementale est un processussuÈceptible d’aller, à court terme, bien au-delà de laseulê déconcentration des services publics et de préparer,à moyen terme, le terrain à une éventuelle décentralisation majeure des pouvoirs. » (p. 8)

2. Pour des informations additionnelles, il faudrait consulterM.-U. PROULX, Décentralisation gouvernementale auQuébec. Principes, portrait de la situation et enjeux,Département des sciences économiques et administratives,Université du Québec â Chicoutimi, septembre 1995.

catégories soéiales et des régions plus favorisées.Un tel typé de développement génère l’exclusion3.

C’est sans douteen raison de cettesituation qu’uncertain nombre depays4 s’oriententprésentement versla décentralisationet la déconcentration de l’appareil de gestion etde contrôle desressources par lacontractualisation,l’accroissement dela capacité d’action des responsables et la répartition du pouvoirde décision, lesstratégies nationales s’organisentautour du conceptde responsabilisation (à l’exceptiondu Japon, où la responsabilisation fait partie dumodèle de gestion de la société) — il s’agit làd’cc une démarche qui cherche àfaire une partplusgrande à une logique d’objectifs, par opposition àune logique de contrôle des moyens employés. Elle

3. C. DEMAZIÈRE, « Du ~lobal au local, du local au global.Origine, diversité et enjeux des initiatives locales pour ledéveloppement économique en ~urope et en Amérique »,dans (sous la dir.) C. DEMAZIERE, Du local au globaLLes initiatives locales pour le développement économiqueen Europe et en .Amérique, Bd. L’Harmattan, Paris, 1996,p. 11-53.

4. F. KELLY sous la supervision de L. Côté, La modernisation des admin istrations publiques: analyse comparée (France, Grande-Bretagne, Canada, Australie,Etats-Unis,ct Japon), Document Annexe 4 du rapportintitulé L ‘Enap au service des gestionnaires publics.Rapport de la commission concernant les besoins de larelève des gestionnaires pour la fonction publiquequébécoise, Ste-Foy,juin 1993.

L’exclusion et la pauvreté

Certaines associations communautaires, sensibilisées à laquestion de l’exclusion sociale,ont fait valoir, lors du Sommetsocioéconomique de l’automne1996, l’importance de l’adoption d’une clause d’appauvrissement zéro pour les personnes démunies de notre société.Une proposition de projet de loisur l’élimination de la pauvreté* est en circulation àl’heure actuelle. Il est demandédans ce projet de loi que legouvernement reconnaisse ledroit de chacun et chacune àdisposer d’un revenu suffisantpour répondre à ses besoins,exercer un emploi et des activités et à influencer la sociétépar l’exercice de la citàyenneté.

* Carrefour de pastorale enmonde ouvrier, Québec.

Page 13: À propos de la régionalisation en éducation et du

5

reconnaît une certaine autonomie aux agents àl’intérieur de paramètres définis par l’administra-don centrale5 «.

L’Union des municipalités régionales de comté etdes municipalités locales du Québec pose aussi undiagnostic sévère sur ce modèle quand elles soulignent que « Le manque de souplesse, l’isolementdu centte de décision, la mcuvaise perception desbesoins, la hiérarchie excessive et la lenteur desservices rendus sont autant d’irritants reliés à lacentralisation auxquels il faut remédier afind’accroître le développement régional et d ‘optimiser la productivité n. (p. 2-3)

Le modèle centralisé semble donc ne laisser qu’unefaible marge de manoeuvre, voire une marge demanoeUvre nulle afm d’adapter les interventions enfonction des spécificités régionales étant donné que,selon Thériault, « L ‘Etat-providence tend effectivement à se confondre avec ses membres, à abolirla distance entre gouvernants et gouvernés6».Thériault y précise un peu plus loin que cc ledéploiement de la providence-bureaucratiquecorrespond à un couplage entre les instancesétatiques détentrices du pouvoir et la pluralité desintérêts au sein de la société civile «Q~. 144). Labureaucratie qui s’est développée à la faveur du

5. F. KELLY sous la supervision de L. Côté, Op. cit., p. 6. Àtitre d’information, la stratégie de responsabilisationcomprend cinq éléments importants, à savoir:

- définir les objectifs de l’organisation et des unitésopérationnelles;

- déconcentrer les responsabilités opérationnelles;- assouplir les règles de gestion et les contrôles à priori;- renforcer les contrôles à postériori, l’évaluation des

résultats et le systèm~ de sanctions positives etnégatives;

- stabiliser la relation négociée entre le centre et lapériphérie par la contractualisation. p. 6.

6. 3.-Y. THÉRTAULT, « A : De la critique de l’État-providence à la reviviscence de la société civile: le point devue démocratique n dans e La fin du collectif ou le colle,ctifautrement? » dans S. PAQUEROT (sous la dir.), L ‘Etataux orties? Mondialisation de l’économie et rôle del’Etat, Les édifions Ecosociété, Montréal, 1996, p. 144.

modèle centralisé favorise ulie action qui va dans cesens7.

Il convient également de rappeler que l’appareilpublic infranational se caractérise, au Québec, parun haut degré de fragmentation dans l’exercice desfonctions8, fragmentation verticale à trois échelonsterritoriaux (1 400 municipalités, 95 régions MRCet 17 régions administratives) et fragmentationhorizontale dans plus d’une quarantaine de secteursd’activités.

C’est dans le cadre d’une remise en question dumodèle centralisé de gestion publique et d’unemobilisation des acteurs sociaux territorialisés pourdéfendre ou améliorer leurs conditions d’existenceque la décentralisation entretient un lien avec laquestion régionale9, question liée également auxluttes et aux conflits qui prennent place entre lesacteurs autour des orientations des appareils d’Etaten région ou autour de la capacité de représenter lesrégions auprès des détenteurs des pouvoirs centraux.

7. Mabileau aune position qui va dans le,même sens quandil évoque l’e impérialisme sdcial » des Et4s, celui-ci étantfondé sur l’identfflcafiol) des individus à l’Etat et sur le faitd’une loyauté envers l’Etat qUi excluerait la persistancp deloyautés concurrentes. Tiré de A. MABILEAU, « L’Etat,la société civile et les minorités en France » dansP. GUILLAUME, 3.-M. LAC13OTX, J. ZYLBERBERG,R. PELLETIER, Minorités et Etat, Presses universitairesde Bordeaux, Presses de l’Université LavaI, 1986, p. 25.

8. M-U. PROULX, « La décenttalisatiqn c,omme politiquerégionale » dans (sous la dir.) S. COTE, 3.-L. KLEJN,M.-U. PROULX, Action collective et décentralisation,Tendances et débats en développement régional, Actes ducolloque de la section dévelôppetnent régional de I’ACFAS1996 tenu à l’Université McGill du 14-16 mai 1996,publié par le GRIDEQ et le GRIR, p. 4 1-65

9. S. CÔTÉ, e La question régionple, une question de pouvoirs ? n dans (sous la dir.) S. COTE, 3.-L. KLEIN, M-U.PROULX, Action collective et décentralisation, Tendances et débats en développement régional, Actes ducolloque de la section développement régional de I’ACFAS1996 tenu à l’Université McGill du 14-16 mat 1996,publié par le GRIDEQ etle GRIR, p. 21-32.

Page 14: À propos de la régionalisation en éducation et du

6 Chapitre 1: La régionalisation : proposition de cadre théorique

La décentralisation suppose un transfert de responsabilités vers la société civile. Il conviendrait depréciser d’abord ce qu’est la société civile, puisquelques uns des enjeux liés à ce transfert et, aussi,certaines des éonditions dans lesquelles un teltransfert devrait se réaliser en vue de contribuer àaméliorer le fonctionnement de notre société, II vasans dire que cela devrait modifier substantiellementle rôle des acteurs sociaux dont celui de l’Etat. Cesdifférents points seront étudiés à tour de rôle.

1.1 Quelques indications sur lasociété civile

Rappelons d’abord que la société civile est, selonThériault, « nécessairementplurielle’0”; il souligneaussi que celle-ci est « le lieu d’expression du multiple, de la variété des formes de vie engendréesdans et par la convivialité « (p. 129). Fossaert,pour sa part, évoque, au regard de ce concept, unetendance de notre société, celle de l’atomisation deplus en plus marquante des individus, ceux-cipouvént même constituer « la nouvelle toile de fondde la société civile qui se trouvera ainsi investied’un rôle médiateur considérablement élargi etcomplexifié entre un État immense et un individualisme galopant11».

Thériault fait également le lien entre la société civileet la démocratie vue comme l’affirmation de lapluralité inhérente à la société civile.

Pour certains, tels que Klein et Morneau12, la sociétécivile serait en recomposition suite à l’affaiblissement de l’Etat comme cadre de gestion des rapportssociaux et économiques. Cela se réaliserait àtravers l’émergence du local dans des actionscollectives réunissant aussi bien les problématiquesliées au milieu du travail que celles liées au milieude vie. Ce ne serait pas sans recréer le lien social àla base. De telles actions se situeraient davantagedans une perspective de développement local, trèsdifférente de la perspective qui prévaut encore, soitcelle de la croissance fondée sur des impulsionsexogènes. C’est dire, dans le même sens queBeaudiy et Dionne13, qu’il doit y avoir « affirmationidentitaire de solidarités de base[...] au nom delieux concrets à développer (territoire) et de lienssociaux à consolider (communauté) ». (p. 267) Ilssoulignent aussi que « La régulation sociale d’unmilieu passe d’abord par l’affirmation d’uneidentité territoriale au-delà même des impératifséconomiques classiques ». (p. 267) Certainespratiques de résistance, notamment celles de la ruralité contemporaine, telles celles mises de l’avantpar un mouvement comme Solidarités rurales parexemple, font clairement ressortir l’importance d’undéveloppement enraciné sur un territoire et solidairedans la communauté, ce qui s’oppose aux processussegmentés et individualistes de la société contemporaine.

10. 3.-Y. THÉRTAULT, La société civile ou la chimèreinsaisissable, Essai de sociologie politique, QuébecAinérique, Montréal, 1985, p. 129.

11. RYOSSAERT, « La société civile: mode d’emploi «dans(sous In dir.) L. MAHEU, A. SALES, La recompositiondupolitique,L’Harmattan, Les Presses de l’Université deMontréal, 1991, p. 40.

12. 3.-L. KE]N, A. MORNEAU, « Émergence du local etmouvements sociaux: pistes pour l’analyse de l~ de,mandede décentralisation » dans (sous la dir.) S. COTE, 3.-L.KLEIN, M-U. PRQTJLX, Action collective et décentralisation, Tendances et débats en développement régional,p. 33-40.

13. R. BEATJDRY, H. DIONNE, La permanence descommunautés contre la mpbilité des réseaux» dans (sousla dirj 3.-L. KLEIN, B. LEVESQUE, Contre l’exclusionrepenser l’économie, Presses de l’Université du Québec,Ste-Foy, 1995, p. 267-286.

Page 15: À propos de la régionalisation en éducation et du

7

Du point de vue de Mormont et Mougenot’4, cettepriorité accordée au local placerait l’économique« en dépendance d’un univers complexe fait decontraintes naturelles, de solidarités immédiates,et de prejèrences culturelles, surtout, elle tend àsubordonner l’économique à la vie locale ». (p. 28)

La décentralisation et le transfert de responsabilitésvers la société civile paraissent en conséquence,étroitement liés â une reprise en main par les collectivités locales de leur développement. Le local favoriserait davantage l’expression du point de vue d’intervenants provenant de tous les horizons ainsiqu’une meilleure identification des besoins de lacommunauté comme nous le verrons dans une section subséquente traitant de ce sujet. L’économielocale est vue par Mormont et Mougenot « commeune forme de vie sociale à laquelle on participepersonnellement alors que la grande entreprise,comme la grande école ou l’administration centrale, est dépersonnalisée, anonyme, subie commearbitraire ». (p. 28)

Peut-on conclure avec Godbout que la solidarité•nécessaire au développement social’5 est d’abordterritoriale’6 ? Ce dernier précise ainsi sa penséequand il avance « Qu ‘ils prennent la forme de latribu, du clan, de lafamille, d ‘Etats ou de nations,les lieiis que tisse entre les humains l’occupationd ‘un territoire et qui les oppose aux autres sociétés, aUx autres groupes, sont plus fondamentauxque l’opposition entre les membres d’une mêmesociété quelle que soit la façon dont on la déJini4saufdans des circonstances historiques exceptionnelles. Depuis que les humains sont sédentaires, lasolidarité apris la forme de l’appropriation territoriale ». (p. 101)

14. M: MORMONT, C. MOUGENOT, e Le retour au local etles classes moyennes », Revue internationale d’actioncommunauta ire, 13/53, printemps 1985, p. 19-35.

15. R PETRELLA, Le bien commun. Éloge de la solidarité,Collection Quartier libre, Labor, Bruxelles, 1996, p. 25.

16. 3. T. GODBOUT, La démocratie des usagers, Boréal,Môhtréal, 1987, p. 101.

1.2 Certains des enjeux liés à ladécentralisation

Est-il utile de dire à nouveau que la décentralisationreprésente une alternative de gouverne publique qui,selon M.-U. Proulx, «fait appel au respect de ladiversité culturelle, à la liberté d’action, à lacréativité, aux mobilisations nouvelles, à la solidarité communautaire, à l’efficacité de gestion, aurespect des besoins, des particularités, des goûtset des préférences des citoyens, ainsi qu ‘à la responsabilisation des décideurs17».

La décentralisation soulève un enjeu de démocratie18 .— il s’agit là d’un système qui, selonRochlitz’9, « ne peut être conçu[eJ sans la participation de tous à la légitimation du pouvoir etdonc à une démocratisation continue «—, le système centralisé actuel favorisant davantage les élites,les bureaucrates et les technocrates qui disposentdes moyens et de l’expertise de s’assurer unereprésentation effective et d’exercer une influenceréelle dans les lieux de pouvoir. La décentralisationne peut donc éviter la critique de la raison technocratique qui, selon Englehard20, finit par confisquer!e pouvoir politique en demandant â l’expertise dese prononcer sur des problèmes qui sont en fait des

17. M-U. PROIJLX, ~ Gouvernement du Québec etgouvernance territoriale» dans « La fin du collectif ou lecollectif autrement? » dans (sous la dir.) S. PAQIJEROT,L ‘Eta,t aux orties? Mqndialisation de l’économie et rôlede l’Etat, Les éditions Ecosociété, Montréal, 1996, p. 157.

18. CEQ, La décentralisation, la déconcentration et larégionalisation Des enjeux démocratiques pour leQuébec, Document de référence et de réflexion reçu par leConseil général de la CEQ en février 1995. 0. THOMASconsidère pour sa part, l’importance de privilégier unesociété de l’inclusion —il évoque le concept d”inclusivesociety” qu’il associe à un système politique libéral et àune culture pluraliste. Dans « Inclusive schools for aninclusive society », British Journal ofSpecial Education,vol. 24, No 3 (September 1997).

19. R ROCHL,ITZ, « Les bases normatives de la démocratie”,dans (sous la dir.) 3. B]DET, Les paradigmes de la démocratie, Paris, P.U.F., 1994, p. 21.

20. P. ENGLEHARD, L ‘homme mondial. Les sociétéshumaines peuvent-elles survivre?, Arléa, 1996, p. 373 etss.

Page 16: À propos de la régionalisation en éducation et du

8 Chapitre 1: La régionalisation proposition de cadre théorique

problèmes de société et en présumant que celle-ciest en mesure, seule, de remédier à la question;Leleux2’ va dans un sens similaire quand elle décritle modèle technocratique, celui-ci ôtant toute véritéou toute rationalité au politique pour n’en doter quela science. Godbout va plus loin dans un même sensquand il estime que projeter le paradigme scientifique sur l’ensemble du champ politique favoriseraitla construction de l”c incompétence du citoyen22».

Peut-on en déduire que la technocratie inhérente ausystème centralisé viserait à une professionnalisation du politique qui amènerait le citoyen â uneposition d’usager seulement? Cela reste à voir.

La décentralisation soulève également un enjeud’efficience, fi semble, en effet, impossible d’éviterde remettre en question, dans le débat sur larépartition des pouvoirs, services et ressources, leschevauchements de compétence, les conflits dejuridiction, les dédoublements de services de mêmeque le gaspillage de ressources de toutes sortesinduit par la structuration et le partage actuel despouvoirs, services et ressources.

Enfin, la décentralisation fait émerger un enjeud’équité dans la mes*e où celle-ci doit contribuerà réduire les inégalités et à combattre l’exclusion enassurant une meilleure redistribution de la richesseet un développement plus démocratique. Aussi, ladécentralisation doit être accompagnée de l’adoption d’une stratégie de développement endogène.

21. C. LELETJX,Démopédie et démocratie, Bd. Entre-vues,Bruxelles, 1995.

22. 3. T. GODBQUT, La démocratie des usagers, Boréal,Montréal, 1987, P, 132. Godbout compare la professionnalisation de la politique au taylorisme en matièred’organisation du travail vu comme un processus dedéqualification (p. 134).

1.3 À propos de certaines conditionsd’un transfert vers la société civile

Le transfert vers la société civile de compétences del’Etat central doit être accompagné de la revalorisatiôn de la société civile comme espace public, cequi est loin d’être le cas présentement, si l’on se fieà Thériault~qui estime que l’on assiste, â l’heureactuelle, à une homogénéïsation accentuée de lapresse parlée et écrite, outil essentiel au développement de la démocratie et du développement social.Pour les personnes, cela supposerait « de passer decitoyens-récepteurs-consommateurs-passifs à descitoyens actifs, capables d’émettre eux-mêmesleurspropres informations utiles et de constituer,entre eux, des réseaux interactifs24».

Le Québec ne serait pas seul â vivre une telle situation si l’on se réfère à Khan qui décrit ainsi le casfrançais où les médias agiraient « moins aujourd’hui comme supports d’unepluralité que commechamp de convergences profe.ssionnalisées enmarge de cette pluralité. Loin de souligner ladiversité qui structure un espace, ils dessinent leurpropre espace, de plus en plus homogène, au-delàdes différences formelles qui les caractérisentencore~». Khan précise encore sa pensée quand ilinsiste sur les points suivants : « Etroitesse de lapluralité médiatique, concentration des espaces de

23. 3.-Y. THÉRIAULT, • A : De la critique de, l’État-providence â la reviviscence de la société civile: le point devue démocratique » ‘p. 141-150. 0. BOURQUE, Citoyenneté et communauté politique », De! ‘interculturel âla citoyenneté: u.ne plus grande cohésion sociale?, Actesdu colloque de I Association pour l’éducation inter-culturelle du Québec, Colloque tenu le 9 mai 1997 âMontréal, p. 33-40.Bourque estime, lui aussi, que • laplace et l’importance de l’espace public â titre de lieucentral de la discussion du pouvoir et de la constructiondes compromis sociaux paraissent de plus en plusmenacées au sein des démocraties occidentales ». (p. 34)11 attribue la responsabilité de la situation â l’importancecroissante du judiciaire qui privilégie une conceptionparticulariste de la citoyenneté.

24. 0. GONTCIIAROFE «La démocratie locale en question»Revue internationale d’action communautaire, 13/53,pnntemps 1985.

25. 3.-F. KHAN,Lapensée unique, Fayaid, Paris, 1995, p. 42.

Page 17: À propos de la régionalisation en éducation et du

9

diffusion sonore, centralisation des lieux de pouvoir, homogénéisation du milieu qui catalyse lacréativité intellectuelle tout se conjugue. Et tendà l’unique». (p. 89-90)

L’absence de lieux de délibérations tendrait doncd’une certaine façon, à retirer du débat politique lesquestions de responsabilité régionale ou locale. Cequi n’est pas sans impact étant donné qu’.’ Endémocratie, il n ‘est de citoyen que par l’aptitudeà placer des évènements dans un cohtexte26».

La régionalisation annoncée représenterait uneavancée démocratique en autant que les régionsdeviennent des lieux effectifs où sont publiquementdiscutées les orientations d’une société, débats danslesquels pourraient s’engager les citoyens et lescitoyennes; pour Mougniotte, un citoyen, « c’estcelui qui, se sentant membres de diverses collectivités, souhaite participer à leur vie non seulement pour en profiter égoistement mais pour lesfaire bénéficier de ses propres capacités en vued ‘objectifs qui lui paraissent mérités d’êtrepoursuivis27»: -

Le transfert de compétences vers la société civiledoit donc se réaliser à travers une logique de citoyenneté. C’est donc dire que non seulement lesregroupements d’intérêts (groupes populaires,communautés de quartiers, rassemblements municipaux, etc.) doivent être considérés par les décideurs mais aussi des lieux politiques hors Etat dedéploiement d’une parole libre. Quant à la communauté qui fonctionne davantage selon une logiqueconviviale, elle pourrait contenir certaines lourdeursdangereuses — ainsi, il pourrait être plus facile pour

un leader d’y confisquer le pouvoir~—; l’équilibredes pouvoirs devrait y être une préoccupationconstante. C’est dans cette lignée que Thériaultpropose la revalorisation, voire la création d’institutions démocratiques locales et régionales de mêmeque la création de lieux publics ou de forumsrequérant une collaboration active des médias, desuniversités ancrées dans le milieu.

La politisation de la société civile en résultantdevrait se réaliser en fonction d’une nàtion de biencommun~, c’est-à-dire en tenant compte que, danschaque région, dans chaque milieu, il existe unintérêt qui transcende Paggrégation des préférencesindividuelles; que, dans le monde réel, il y a plus deraisons de croire aux bienfaits de la coopération quede ne pas y croire — la coopération impliquant que,pour des raisons morales ou politiques, certainespersonnes adoptent un comportement qui n’est passtrictement conforme à leurs intérêts immédiatsmais plutôt à ceux de la collectivité —; que l’altruisme est sans aucun doute nécessaire à larégulation des sociétés, une telle attitude ne pouvantrésulter que d’une prise de conscience du biencommun.

Être en mesure d’agir en fonction du bien communsuppose que l’oh ait acquis certaines connaissancessur le fonctionnement du système dans lequel nousvivons, que l’on ait développé une certaine sensibilité et un accueil des différences entre les groupeset entre les individus et que l’on soit en mesured’identifier ce qui peut rassembler et être profitableà la collectivité dans son ensemble, que l’on prenneconscience que, généralement, l’on ne peut survivreseul, en dehors de la communauté. Tout cela représente une des dimensions essentielles de la formation des personnes et des citoyens, et, par voie de

26. F. DTJMONT, « Nation ou communauté politique ?Supposons que survienne la souveraineté du Québec:Comment allons-nous définir la collectivité que nousformons désormais ?«, Le Devoir, 7-8 novembre 1997,p. A7.

27. A. MOUGNIOTTE, Éduquer à la démocratie, Cer~Paris, 1994, p. 50.

28. G. OONTCHAROFF, « La démocratie locale en question »Revue internationale d’action communautaire, 13/53,printemps 1985.

29. P. ENGLEHARD, L ‘homme mondiaL Les sociétéshuma in espeuvent-elles survivre?, Arléa, 1996. p. 456 etss.

Page 18: À propos de la régionalisation en éducation et du

10 Chapitre 1: La régionalisation proposition de cadre théorique

conséquence, un défi important pour un systèmed3éducation appelé à se renouveler.

fi existerait, toutefois, un moyen d’éviter la questiondu bien conmiun. Englehard voit la privatisationcomme une manière de réduire à néant le problèmedu bien commun. Cependant, sans être guidé parune perspective de bien commun, est-il véritablement possible de maintenir nos diverses formes desolidarités, base de notre société3° et moteur dudéveloppement social 7 En dehors du bien commun,qu’existe-t-il sinon des intérêts catégoriels défenduspar certains groupes bien défmis 7 Des intérêts quipeuveht être diamétralement opposés à ceux d’autres groupes — songeons, à titre d’exemple, aupoint de vue des groupes écologiques, à propos deprojets mis de l’avant par des entrepreneurs; cesderniers pouvant, dans une conjoncture économiquedifficile, avoir certains alliés tels que des travailleursen éhômage. Quand les décisions sont prises enfonction d’intérêts catégoriels de certains groupes,il y aurait un risque que certains se perçoiventcomme des « gagnants « et d’autres’ comme des« perdants »; ce qui ne peut manquer d’affectersérieusement les liens de solidarités entre lespersonnes et entre les groupes sociaux.

La décentralisation suppose une transformationprofonde du modèle de société dans laquelle nousvivons. Elle est susceptible.de s’avérer fort exigeante pour l’ensemble des acteurs sociaux dont les rôleset responsabilités devraient évoluer considérablement, devenant davantage proactif, favorisant l’innovation en vue de réponses plus adaptées à lacommunauté. Nous en donnerons un aperçu dans laprochaine sous-section.

1.4 La décentralisation et le rôledes acteurs sociaux

1.4.1 Le rôle de l’État

Il convient dans un premier temps, de spécifier quel’Etat actuel, en raison des nombreuses pressionsprovenant d’intérêts catégoriels et des multiples lignes de fragmentation de son appareil organisationnel voit son aptitude à dominer la société se rétréciret s’estomper ses capacités d’établir un consensuspar les mécanismes classiques de même que cellesde maintenir sa propreautorité”. Le contexte actuel questionnesérieusement le rôlede l’État.

Un État qui se décentraliserait réellement,conserverait ou devrait conserver, selonplusieurs dont M.-U.Proulx’2, une bonnecapacité d’intervention afin d’être en mesure de réduire les disparités sur le territoirenational et ce, enfonction d’objectifsd’équité et de justicesociale.

L’État devrait consacrer de l’énergie et desressources à l’émer

Charles Taylor, Revue Noire-Dame,16-28.

31. L. JALBERT, L’État ancré ou les frontières de ladémocratie » dans (sous la dir.) G. BOISMENU, P.HAMEL, G. LABICA, Les formes modernes de ladémocratie, Tendances actuelles, L’Harmattan, LesPresses de l’Université de Montréal, 1992, p. 83-117.

32. M.-U. PROULX, Décentralisation gouvernementale auQuébec. Principes, portrait de la situation et enjeux,Département des sciences économiques et administratives,Cahier de recherche, Université du Québec â Chicoutimi,septembre 1995.

Les sept commandementsdu visionnaire

1. La vision n’est ni purerhétorique, ni platitude.

2. Une vision doit servirde guide.

3. Une vision impliquedes responsabilités.

4. Une vision se construit, notamment enfaisant appel à la créativité des uns et desautres.

5. Une vision n’est pasla perfection.

6. Une vision demandedu courage.

7. La vision n’est pasl’apanage des dirigeants.

N. THQRNBERRY,« L’art d’être visionnaire », ExpansionManagement Review,juin 1997, p.16-22.

30. Entrevue avecoctobre 1997, p.

Page 19: À propos de la régionalisation en éducation et du

gence d’une vision qui guiderait ses interventions,celle-ci devant s’appuyer sur certains principes afmde tenir davantage compte de la spécificité de notresociété.

Cette capacité d’intervention de l’État devrait seconcrétiser non seulement dans une perspective dedécentrnlisation mais également en vue du développeffient régional, ans un rôle de coordinationdes politiques — nationales, sectorielles, régionales, locales...—, dans un rôle d’arbitrage en vue,notamment, d’assurer l’équité interrégionale et dansun rôle de redistribution, les mécanismes depéréquation devant alors intervenir pour favoriserdes rééquilibrages33. C’est aussi à l’Etat qu’ilappartient d’édicter certaines normes nationales34susceptibles de fonder la solidarité sociale et ce, touten laissant la plus grande souplesse possible pour lagestioù ‘aux niveaux local et régional.

L’État ne devrait-il pas aussi assumer un rôle demédiateur35, celui-ci s’interposant entre les parties,ne prenant pas de hauteur par rapport à, elles,s’employant à maintenir les liens?

Égalefr’~nt, I ‘État devrait se préoccuper de définircertain~s règles àfin que le pÈtenariat vers lequels’orientent un nombre de plus en plus élevé d’acteurs sociaux ne mène pas â un néo-corporatisme

11

des régions ou de certains groupes d’intervenants.

Il convient de noter qu’en tenne régional au Québec,1 ‘Etat-providence serait en train de devenir, selonKlein, accompagnateur36, partenaire du développement, c’est-à-dire membre d’une « associationd’acteurs publics et privés au sein d’entreprises dedéveloppement élargies socialement mais limitéeslocalement, dans lesquelles la participation desacteurs est volontaire et négociée, et dont les coûtssont partagées ».

(p. 494)

Le partenariatlocal — pouvantregrouper, entreautres, les gouvernements, les entreprises, les syndicats, les pouvoirslocaux et les mouvements sociaux —

pourrait être considéré comme unélément favorisantun mouvementvers la définitiond’un nouveau contrat social entreles divers acteurssociaux.

La notion de « contrat social »

Pour B. Lévesque et L. Mager,« la notion de con frai socialrenvoie moins à la dimensionorganisationnelle (et à uneconception volontariste del’action sociale) qu’à la dimension institutionnelle etdonc à la négociation desrègles dujeu et aux compromisinstitutionnalisés. »

Le contrat social est cimenté parun paradigme social qui redouble sur le plan des idées etdes, comportements, le modèlede développemen4 une sorte devision relativement partagéequi imprègne une époque etqui d4flnit l’accord sur uncertain mode de vie en société,présupposant une certaine conception du moral, du normal,du désirable ».

« Vers un nouveau contratsocial? Éléments. de problématique pour l’étude du régional et du local » dans (sous ladir.) C. GAGNON, 3.-L.KLEIN, Les partenaires dudéveloppementface au de]? dulocal, Groupe de recherche etd’interventions régionales, Université du Québec à Chicoutimi,1992, p. 30.

33. FÉDÉRATION DES, TRAVAILLEURS ET TRAVAILLEUSES DUQTJEBEC,Développer ensemble tousles coins du pays. Colloque sur le développement socioéconomique régional, Ionquière, 25-26 octobre 1994.

34. V. VAN SCI~lENDEL, « La conjoncture. Le développement économique communautaire, à l’heure de ladualisation économique et sociale » dans Lespratiques dedéveloppement économique communautaire (DEC) auQ uébec. Conjoncture et convergences, Les Actes ducolloque, Université de Montréal, 14-15 juin 1996, p. 45-54. Ainsi, selon le Rapport Réaffirmer l’école sur lecurriculum du primaire et du secondaire (1997), ilappartient à l’Etat de décider de ce que les élèves devrontconnaître au sortir de leur scolarisation obligatoire, Jly estprécisé que I” ‘in ne peut laisser la détermination de “cequi doit être enseigné “aux seuls experts». (p. 15)

35. 3. DONZELOT voit dans le médiateur une personne dontl’objectif est d’éviter que le conflit aille â son terme, del’enrayer «pour rétablir le lien social » dans « L’avenir dusocial “Esprit, mars, 1996, p. 76.

36. 3.-L. }ŒEII4, e Partenariat et planification flexible dudéveloppement local », Revue canadienne des sciencesrégionales, Vol. XV: 3, automne 1992, p. 491-505.

Page 20: À propos de la régionalisation en éducation et du

12 Chapitre 1: La régionalisation: proposition de cadre théorique

1.4.2 Les organisations publiquesdécentralisées

Il èst essentiel de rappeler, d’entrée de jeu, qu’unevéritable décentralisation existe lorsque le pouvoirdécisionnel est transféré des fonctionnaires vers despersonnes élues et lorsque les organisations possèdent un bon degré d’autonomie fmancière et ce, envue d’une autonomie décisionnelle réelle.

Les ôrganisations décentralisées devraient toutefoisse coordonner entre elles sur un même territoire. Cequi suppose une évolution sehsible de la cultureorganisationnelle — celle-ci étant constituée deshabitudes de coopération, des processus identitairesprésents, des traditions de solidarité communautaire,de la solidité des consensus collectifs et des alliances prôfessionnelles, du leadership et du dynamismecollêctif, de l’état réel de la prise en main de ladestinée communautaire, du taux de renouvellementde l’élite décisionnelle, de la force de la partisaneriepolitique, etc.

1.4.3 Les entreprises

Les ehtreprises devraient être vues comme des partenaires du développement social selon la Fondationpour l’entrepreneurship qui privilégie, à cette fin, lanotion d’entreprise citoyenne fondée sur le conceptd’organisation citoyenne37. Pour ce faire, on s’appuie sur cinq constats principaux, à savoir que:

«1. L ‘engagement de l’entreprise ne .~e fonde pasque sur des valeurs humanitaires ou sur unemôrale: elle s ‘appuie largement sur la strictelogique financière de l’entreprise. [C’est dire

qu’une entreprise doit d’abord créer de la richesse si elle veut vivre, se développer etassumer des responsabilités d’organisationcitoyenne.]

Z Pour se développer, l’entreprise a besoin d’unenvironnement sain et équilibré. Des phénomènes tels que le chômage et l’exclusion entravent et sclérosent le développement del’entreprise.

3. L ‘État n ‘aplus les moyens d’assumer seul lecontrat social et le développement socioéconomique qu ‘ilsous-tend...et qui dit contratditpartenariat!

4. Création de la collectivité dont elle est issue etqu’elle contribue à faire vivre, l’entrepriseconnaît les besoins et les dynamiques descollectivités. Son engagement s ‘inscrit dans lalogique du développement d’une économie deproximité (décentralisation, régionalisation,développement local, etc.)

5. L ‘entreprise est elle-même un milieu de vie oùse reproduisent souvent les problématiques dela collectivité environnante. Lafaçon de gérerdes entreprises en matière de gestion de ressources humaines constitue une pratique quipermet de la situerpar rapport à son engage-ment social «. (p. 4-5)

Le développement d’une telle culture est toutefoisfonction d’une volonté explicite des dirigeantes etdes dirigeants d’entreprise, conscients de l’importance d’ancrer leur organisation dans un territoireparticulier, solidaire de leur communauté et acteur responsable, au même titre que d’autres 9rga-nisations. Cela représenterait toutefois une évolutionmajeure pour les entreprises appelées ainsi àtranscender une logique de recherche de profit àcourt terme et à s’inscrire dans une dynamique dedéveloppement plutôt que de croissance.

37. FONDATIQNDEL’ENTREPRENEURS1~P,Poser desgestes de citoyenneté. Réflexions sur I ‘entrepreneurshllpet le développement social, septembre 1997, p. 4. Ladéflnition d’une organisation citoyenne est la suivante:

Une organisation citoyenne, c’est une entreprise (petite,moyenne, grande ou publique) ou une organisation,s&vice public, administration ou organisme culturel ouédùca4f qui, au-delà de ses activités directes, désireprotéger son environnement social et physique et sesolidariser de l’équilibre et du destin de la communautédans laquelle elle vit et dont elle vit

Le Conseil québécois du développement socialinsiste, lui aussi, sur l’importance pour les entreprises d’agir comme un “citoyen responsable” et des’engager activement dans un processus de développement social, économique, culturel, durable etpolitique. Le Conseil précise ainsi sa pensée quand

Page 21: À propos de la régionalisation en éducation et du

13

il spécifie que le mode de production des entreprisesdevrait s’orienter vers le développement et qu’ilfavorise la participation des employées et employésde l’entreprise elle-même dans un processus de développement, quand il souligne qu’une entrepriseresponsable « se préoccupe des impacts de sa production sur ses employé-e-s et sur son milieu38».

1.4.4 Et les citoyens et les citoyennes

La décentralisation devrait être plus exigeante àl’égard des citoyennes et des citoyens appelés àparticiper pleinement au devenir de leur comniunauté et, par conséquènt, à dépasser le rapport producteur-usager caractérisant les relations entre lesindividus considérés isolément et les appareils professionnels.

Il est difficile d’apporter un nombre élevé d’informations sur le rôle réel qui pourrait être celui descitoyens et des citoyennes dans un Québec plusdécentralisé, plus démocratique. Toutefois, descitoyens plus engagés dans le fçnctionnement d’unesociété qui s’inscrit dans un développement globalsupppose des compétences proches de celles généralement reconnues aux leaders de collaboration(celles-ci seront énumérées un peu plus loin dans letexte). Cela suppose également des personnes plusresponsables, capables de répondre de leurs actes,étant entendu, selon Etchegoyen, que « la responsabilité ne se développe qu ‘à partir d’un sentimentd’appartenance à une collectivité ~‘,

À titre d’indication sur la position d’une catégoriesociale qui aune importance stratégique puisqu’ellereprésente l’avenir, les jeunes, il apparaît, si l’on seréf’ere.aux Résultats de la consultation auprès desjeunes etpropositions du Comité d ‘orientation du

Forum4° (septembre 1997), que ceux-ci valorisentdes valeurs qui vont dans le sens de celles déjàexplicitées, c’est-à-dire la solidarité et le partage.Les jeunes ont envie de se rassembler autour deprojets collectifs à leur ressemblance et ne sont pasen “cassure” avec la société. Ils veulent prendre leurplace. Les jeunes favorisent l’entraide entre les gens,ce qui réduit le poids de la solitude et améliore lesconditions de vie des personnes. Dans une telleperspective, il est possible de voir les jeunes commeune catégorie de personnes dont le capital social estrelativement élevé.

En matière d’éducation, ils recommandent de « lierl’enseignement aux réalités de la vie sociale,culturelle, du marché et de l’environnementpourstimuler le développement du sens civique etl’appartenance à la communauté 41,,•

1.5 La décentralisation et la questiondu développement

À première vue, il semble raisonnable de croire quela décentralisation, en accordant plus de pouvoirsaux collectivités locales, est susceptible d’être favorable à un développement davantage ancré dans unterritoire et faisant appel à la communauté et, parconséquent, à un développement plus intégré.

II apparaît, en conséquence, opportun de se penchersur la question du développement local, ce qui linplique d’en cerner les conditions d’opérationnalisation. Mais, tout d’abord, il convient de préciserdavantage le concept de région — que d’autresnomment territoire — considérant que le développement doit s’y concrétiser.

38. CONSEIL QUÉBÉCOIS DE DÉVELOPPEMENTSOCJAL, Le développement social. Quel rôle pourl’entreprise?, Commentaires soumis dans le cadre duForum sur 1e développement social, Octobre 1997, p. 4.

39. A. ETCHEGOYEN, Le temps des responsables, Paris,Julliard, 1993, p. 116.

40. 11 s’agit d’un document de travail réalisé en préparation duForum régional de Québec tenu au début de novembre1997, en préparation au Forum national sur ledéveloppement social qui doit se tenir en janvier 1998.

41. Forum régional de Québec sur le développement social,Créer un avenir: le défi d’une génération. Résultats dela consultation auprès des jeunes et propositions duComité d’orientation du Forum, octobre 1997, p. 38.

Page 22: À propos de la régionalisation en éducation et du

14 Chapitre 1: La régionalisation : proposition de cadre théorique

1.5.1 La notion de région

Pour Manzagol et Sénécal, la région représente« une entité socialement construite42», le produit dutravail de création culturelle de générations d’acteuts sociaux de tous ordres. Cela rejoint le point devue de Lacour pour qui, « les territoires serventd’intermédiation, de révélation, de concrétisationà des comportements, à des processus d’acteur~~~».La région est, dans cette perspective,une construction sociale toujours inachevée, en reconstruction,

42. C. MANZAGOL, G. SÉNÉCAL,. La région géogra:phique » dans (sous la dir.) M-11. PROULX, Lephénomène régional au Québec, Presses de l’Universitédu Québec, Ste-Foy, 1996, p. 111. Voir aussi B. JEAN, «La région sous le regard sociologique : la constructionsociale du fait régional « dans (sous la directon) M.-U.PROULX, Qp. cil., p. 133-156.Il convient également de noter que pour Lionel Robert, «les régions commencent à exister vraiment quand ellescessent d’être pensées depuis le centre, à titre d’effet dequacb’illage de la société civile recherché par un pouvoirconstamment auxprises avec un doute sur sa capacité detout gouverner. Elles naissent sur le plan politiquequand, enfin, le centre politique et technocratiqueaccepte de transiger avec ceux d’en bas~dans un face-à-face politique, c est-à-dire dans une reconnaissance dela représentativité des leaders régionaux et de leurcapacité décisionnelle. » dans « La question régionale auQuébec : une question périphérique pour un centreincertain » dans (sous la dir.) 1.-T. Godbout, Laparticipation politique, Institut québécois de recherche surla culture, Québec, 1991, p. 141.

43. C. LACOUR, « La tectonique des territoires d’unen~étaphore à une théorisation » dans (sous In dir.) B.PECQUBUR, Dynamiques territoriales et mutationséconomiques, Bd. L’Harmattan, Paris, 1996, p. 34-35.Pour Bernard Vachon, le développement local comporteune dimension territoriale, c’est-â-dire que cc l’espaceauquel il s’applique est déterminé par une histoire, uneculture et des ressources particulières; l’ensemble desmembres de la collectivité est uni par un sentimentd’appartenance et les liens de solidarité que crée lamaîtrise collective de l’espace. » dans B. VACHON,Méthode pour l’application d’une stratégie globale dedéveloppement locaL Guide pratique, Colloque Vision-région, cégeps et commissions scolaires, “Réapprendre àcréer ensemble pour développer sa région “, Québec, 13novembre 1997, p. 7. De plus, pour A. Lamanthe et E.Verdier, c’est le territoire qui cc est le lieu de constructionet d’organisation de lote deformation. Il s’agit làd’une position particulière à la région de Franche-Comté.Dans «Décentralisation etcohérence de l’action publique:le cas de la formation profes~ionnelle des jeunes »,communication au Colloque Education et Formationprofessionnelle — Décentralisation et Coordination,organisé par l’Institut d’Économie publique et le Centred’Etudes et de Recherches sur les Qualification, Mnrseille,17-18 octobre 1997, p. 7.

où s’entremêlent aussi bien un environnement et sesdéterminismes que les aménagements volontaristesdes collectivités. La région serait moins un lieudéfinitivement circonscrit, qu’une rencontre sur unsite d’une multiplicité de conjonctures possibles auxhorizons et aux temporalités non fmies, non écrites.Le territoire, selon Lacour, se nourrirait « de multiples gènes qui permettront ou non une certainedynamique, une cohésion, une prise de conscienceet de pouvoir». (p. 35)

La région peutégalement être vuecomme une référence identitaireplus ou moins forte et qui donne uncadre aux projetsdes communautésqui entendent aménager leur avenir, le dynamismelocal reposant surl’identité culturelle et sur le sentiment d’appartenance à la communauté, ce qui, àson tour, se fondesur la vitalité culturelle et la vitalitécommunautaire.Quant au territoire, il peut être considéré comme uneinstitution; il conviendrait alors de «substituer auconcept de réceptacle des trajectoires du mouvement auquel il était cantonné, le concept de création collective liée à un projet d’aménagement del’espace en vue de la maximisation d’un critèred’avantage collectif44». Cette position est partagée

44. L. ARDELMALKI, D. DUFOUR, T. Kllt~T,D. REQUIER-DESJARDINS, « Technologie, institutionset territoires : le territoire comme création collective etressource institutionnelle ,, dans (sous la direction)B. PECQUEUR, Qp. ciL, p. 183.

L’identité régionale

Elle cc repose alors sur uneconscience collective partagéepar les diverses couchesd’acteurs sociaux. Elles ‘exprime dans des modesparticuliers d’agir, de penser,donc dans une culturerégionale qui, en retour,influence les comportementssociaux et les pratiqueséconomiques. » (p. 137-138)

B. JEAN, « La région sous leregard sociologique : laconstruction sociale du faitrégional », dans (sous la dir.)M.-U. PROULX, Lephénomène régional auQuébec, Presses del’Université du Québec, 1996.

Page 23: À propos de la régionalisation en éducation et du

15

par Lemieux ervachon pour qui le teffitoire estdavantage qu’un contenant où fonctionneraient lesmécanismes économiques mais plutôt un «facteurparticipant à leur mode d’organisation et à leurdynamique45».

Le développement ne peut se concrétiser qu’à certaines conditions dont la mobilisation des acteurssociaux et le sentiment d’appartenance lié àl’identité régionale qui, elle-même, est inséparablede la culture régional&6 et du modi de vie particulier; la capacité à se situer ou à se distinguer dansun ensemble cohérent étant susceptible d’exercerune influence sur le « réflexe » de mobilisation47.

Faut-il en déduire que le développement a bien deschances de se réaliser très différemment d’unerégion à l’autre étant donné la diversité des populafions résidantes, de contextes économiques et culturels très différents, d’habitudes de coopération plusou moins bien développées?

C’est, sans aucun doute possible, le cas, considérantla grande diversitétant culturelle qu’économique ousociale des régions québécoises.

Cela ne peut qu’interpeller le système d’éducationqui devrait s’adapter â la diversité régionale et à ladiversité des cultures régionales afin que les personnes réalisent les apprentissages nécessaires pourdévelopper non seulement un «savoir-vivre ensemble» mais aussi les compétences requises pourfaciliter leur participation à la vie sociale, économique et culturelle de leur région.

Il existe différentes façons de promouvoir ledéveloppement. Il conviendrait d’en examiner cer-.taines davantage susceptibles que d’autres defavoriser le développement social, c’est ce qui seraréalisé dans la prochaine sous-section.

1.5.2 À propos du développement

Il convient de rappeler d’abord que les objectifsgénéralement poursuivis par le développementlocal~ sont l’amélioration des emplois; des revenuset de l’environnement socio-culturel, les projets sontconçus par et pour la population; il y a là une plusgrande intégration des dimensions sociale, culturelleet environnementale, II s’agit de caractéristiques qui

45. B. VACHON, A. LBMIETJX, « Les régions intermédiaireset périphériques de nouvelles possibilités de développement? “,Recherches sociographiques, XXXVII, 3, 1996,p. 477. Les auteurs y soulignent qu’il existe des dynamiques territoriales qui fonctionnent de manière « ledéveloppement d’une région n ‘estpas subordonné à saseule capacité d’attirer les établissements ou lesfilialesde grandes entreprises, mais qu ‘il dépend aussi de sonhabileté à susciter des initiatives locales, à monter latrame de nouvelles entreprises et à mettre en oeuvre unedynamique territoriale d’innovation ». p. 486-487. Cequi pose le défi du développement local.

46. Pour G. Gonteharoff, le territoire et l’identité régionalesont des facteurs importants pour l’exercice de ladémocratie. E affirmait à cet effet que : « l’espace quiconvient à l’exercice de la démocratie est celui danslequel les citoyens se reconnaissent une identité deproblèmes et un commun désir de les résoudre ensemble.

dans « La démocratie locale en action », Revueinternationale d’action communautaire, 13/53, printemps1985, p. 120. 3.-T. Godbout estime, dans cette veine, que

c ‘est une conscience de l’appartenance qui; loin denierl’individu, en est une extension indefinie dans desréseaux incommensurables. dans L ‘esprit du don, Paris,Ed. La Découverte, 1992, p. 288. L’appartenancen’amènerait pas au repli sur - soi mais au contraire,fonderait une ouverture plus grande sur d’autres.

47. P. BÉRUBÉ, L ‘organisation territoriale du Québec.Dislocation ou restructuration?, Québec, Les publicationsduQuébec, 1993.

48. Il semble pertinent, dans cette perspective, de prendreconnaissance du point de vue de Sacques Proulx pour quil’avenir passe avant tout par le développement descommunautés locales qui « doivent redevenirpropriétaires de leu?’ milieu et apprendre à s ‘affianchirdu modèle économique dominant, qui neprop ose qu’uneseule solution aux problèmes actuels et exclut lespauvres. » dans S. BERGERON, « L’avenir passe par laprise en main des communautés locales », La Tribune,Sherbrooke, 22 octobre, p. C9. Pour M. Proulx, cette priseen main de leur développement par les communautéslocales n’exclut pas l’ouverture aux autres considérant que« le développement d’ici est intimement lié audéveloppement d’ailleurs. ». M. Proulx explicite un peuplus tard sa position dans les termes suivants : « On pourrachanger les structures tant qu’on voudra, mais ça nedonne,’a rien s’il n ‘ya pas uneparticipation du milieu etune réappropriation par les personnes de leur milieu.E s’interroge toutefois sur les véritables changementsquant à l’approche et la gestion favorisée par les nouvellesstructures de développement régional que sont les Centreslocaux de développement dans les termes suivants: « Sic’est pour rendre plus facile la concentration desdjfférentspouvoirs, moi; je ne suispas d’accord. Mais sic’est considéré comme une étape vers une véritabledécentralisation des lieux de pouvoir, c’est une autreaffaire. A mon avis, c’est en ce sens là qu’on devraitaller, et très rapidement! » dans 3. Lachapelle, « Unministère peut-il sauver les régions? Plutôt pessimiste,Sacques Proulx attend néanmoins beaucoup des CLD n, LeDevoir, 20 novembre 1997, p. BI.

Page 24: À propos de la régionalisation en éducation et du

16 Chapitre 1: La régionalisation proposition de cadre théorique

se rapprochent de celles attribuées au développement régional par la Fédération des travailleurs etdes travailleuses du Québec qui y voit un processuspar le4uel un milieu se prend en charge, se mobiliseet améliore sa qualité de vie49.

Il est alors possible de voir l’espace économiquecomme étroitement enchevêtréau système social,les actions appliquées aux seulsfacteurs dc production ne concerneraient, par voiede conséquence, _______________________

qu’un volet de ladynamique territoriale capable de supporter le développement.

Du point de vue de plusieurs auteurs dont Tremblayet Vachon, le développement local repose sur laprémisse de la participation et de la responsabilisation de tous les acteurs dont les citoyens et lescitoyeïu~es. n devrait donc y avoir un dialogue entreles différents groupes de la communauté en vue d’enarriveï’ à la production de compromis autour desenjeux de la revitalisation, de l’équité, de la démocratisation et de la viabilité du développement.

intégration d’objectifs sociaux et d’objectifs éconoiniques en vue de la reyitalisation d’une collectivitémarginalisée; cette stratégie fondée sur la valorisation des ressources locales et le recours à de nouvelles solidarités peut amener la création d’organisations contrôlées démocratiquement par des représentants ou des représentantes de la communauté.

Quant au développement territorial, il s’agit làd’une stratégie qui vise, selon Wilson5’ à satisfaireles besoins fondamentaux et, dans ce but, développel’action communautaire réfléchie, favorise la décentralisation des décisions, l’élaboration de projets àpetite ou moyenne échelle, des modes de productionà plus forte intensité de main-d’oeuvre, l’utilisationd’une technologie adaptée, l’autogestion et la misesur pied de petites entreprises locales appelées àrépondre aux besoins de la communauté. Dans untel cadre, c’est la société civile qui devient leprincipal acteur. Cela suppose cependant la capacitéd’établir des consensus sur les besoins de la communauté et des compromis sur les moyens à mettreen place en vue de leur apporter une réponse pertinente.

À l’heure actuelle, la société civile n’aurait pas étéen mesure, au Québee, d’établir des modalités degestion du social et produire les consensusnécessaires à la mobilisation des acteurs sociaux etéconomiques; elle n’aurait pu, non plus, assurer les

Le développement économique communautairereprésente une stratégie favorable au développementsocial dans la mesure où, selon Tremblay50, il y a

49. Développer ensemble tous les coins du pays. Colloquesur le développement socio-économique régional,Jonquière, 25-26 octobre 1994.

50. D-G. TREMBLAY, « Stratégies de développementéconomique local l’expérience de Montréal et du Québec

dans (sous la dir.) C. DEMAZIÈRE, Du local au global.Les initiatives localespour le développement économiqueen Europe etenAmérique, Ed. L’Harmattan, Paris, 1996,p. 273-294. 11 s’agit là d’une conception partagée parplusieurs dont J. P. dos Reis Velloso pour qui e ils ‘agitplut&d’incoiporer dans le modèle économique une série

de mesures améliorant la capacité des citôyens.pauvresà créer des revenus, notamment par un meilleur accès àl’emploi, à la constitution de capital humain et à d ‘autresformes de capitaux. L ‘object(f consiste à donner aucitoyen pauvre les moyens defonctionner comme unité deproduction, de revenu et de consommation. » Il y a donclà association entre développement local, prise en chargepar les collectivités locales et modernité, l’objectif étantl’amélioration de la qualité de vie pour tous. DansTransition vers la modernité: la société civile et le contextepolitiço-admi~istratif» dans (sous la dii-.) C. L Bradford, Jr,Redéfinir I ‘Etat en Amérique latine, Paris, Organisationde coopération et de développement économiques, 1994,p. 139.

51. P. A. WILSON, e De nouvelles pistes pour le développement écono~nique local » dans (sous la directopm)C. DEMAZIERE, op.cit., p. 363-373.

Le développementéconomique communautaire

C’est « l’amélioration desperspectives d’emploi, desrevenus et des autres aspectsde l’économie non seulementpour nos populations, tna~par ces mêmes populations. n

cité par D.-G. TREMBLAY,p. 274, tiré d’uit document duConseil économique duCanada, 1990.

Page 25: À propos de la régionalisation en éducation et du

17

compatibilités et les convergences en vue d’éviterl’accentuation des disparités régionales52.

Il est essentiel de préciser un des risques amenés parle développement local, soit celui d’un localismeétroit53, les initiatives de développement local doivent pouvoir tisser des liens avec d’autres, dansd’autres lieux, au-delà de la lahgue et de la culture.C’est dans cette lignée que certains évoquentl’importance d’établir des relais — tels que VanSchendel — aux niveaux régional et national, voireselon Englehard au niveau de l’ensemble du monde,ce qui suppose une coordination entre les instanceset les institutions et, par voie de conséquence, unevision globale et une politique d’ensemble. D’autresestiment qu’il estessentiel de constituer des réseauxqui seraient en ne-sure de constituerdes « garde-fous »

contre le localisme54. -

Une telle façon deconcevoir le développement, oùl’individu est vucomme un être humain complet etnon seulementcomme un con-

sommateur ou un travailleur, interpelle vivement lesystème d’éducation. La formation acquise âl’école doit alors favoriser davantage le développement de certaines compétences telles celles liéesâ l’épanouissement d’un sentiment d’appartenance, préalable essentiel à la mobilisation desacteurs sociaux, â la négociation entre acteurssociaux, dans une perspective de bien commun afinde favoriser la mise en place de partenariatslocaux à travers lesquels devrait se concrétiser ledéveloppement des communautés, à la coopérationentre partenaires organisationnels et individuelsdifférents ce qui suppose le sens de l’écoute et lerespect des autres.

Le développement devrait se concrétiser plusfacilement dans le cadre de projets spécifiques.Certains évoquent, dans cette perspective, l’importance de « micro-initiatives » de développement. Ildevrait s’avérer opportun de se pencher sur lescaractéristiques inhérentes à l’approche-projet afind’en préciser, autant que faire se peut, les avantages.

Vachon, pour sa part, entend souligner un desrisques inhérents à l’adoption d’une stratégie fondéesur l’approche-projet, c’est-à-dire celui de la démobilisation rapide d’une population, d’un groupe oud’individus quand les actions n’aboutissent pas àdes projets précis à court tenue ou encore, lorsqueces personnes perçoivent qu’elles n’ont pas uneinfluence significative sur le déroulement des événements dans lesquels elles sont engagées55.

• À propos de l’approche-projet52. Voir i-L. KLEIN, De l’État-providence à l’État

accompagnateur dans la gestion du social le cas dudéveloppement régional au Québec », Lien social etPohtiques-RL4C, 33 printemps 1995, p. 133-14 1.

53. W. NINACS, « Conférence d’ouverture. Le développement économique communautaire au Québec: élémentsde bilan » dans Les pratiques de développement économique communautaire (DEC) au Québec. Conjoncture etconver,gences, Les Actes du colique, Université deMontreal, 14-15 juin 1996, p. 9-23.

54. F. MOULAERT, C. DEMAZIÈRE, « Le développementéconomique local dans une Europe post-fordiste. Inventaire et réflexions stratégiques » dans (sous la dir.)C. DEMAZIÉRE,Qp. cil., p. 53-77.

L’approche-projet, que certains tels que Donzelot etEstèbe56 nomment approche globale, fait reposerl’élaboration du projet sur un agent dépourvu de

55. B. VACHON, Méthode pour l’application d’une sfratégte globale de développement locaL Guide pratique,p. 15.

Le retour au local et lanotion de réseau

« Par réseau, ilfaut entendreun ensemble de relations quine sont pas définies ni par uncadre organisationnel précis[...J ni par un réseau territorial stable (comme dansl’organisation administrative),donc de relations sociales nonstabilisées et non univoques. »

M. Mormont, C. Mougenot,« Le retour au local et lesclasses moyennes », Revueinternationale d’action communautaire, 13/53, printemps1985, p. 31.

56. 1. DONZELOT, P. ESTÊBE,L ‘État animateur. Essai surla politique de la ville, Ed. Esprit, Paris, 1994.

Page 26: À propos de la régionalisation en éducation et du

18 Chapitre 1: La régionalisation proposition de cadre théorique

pouvôir sur les administrations, et par voie deconsécjuence, capable d’éviter le déploiement deleuit ‘résistances, tout en assemblant leurs compétences. La légitimité du chef de projet proviendraitdu prôblème, de la question à l’étude, et de sacapacité à le présenter devant tous, et non d’uneautorité supérieure. II se situerait au sein d’un réseau et son efficacité tiendrait à sa capacité à leverles défefises corporatistes. Pour Donzelot et Estèbe,le lien social serait constitué de plus en plus à partirde la ôapaeité des individus à s’inscrire dans unelogique de projet.

L’approche-projet repose sur la participation desacteurs sociaux, quels qu’ils soient. Cela supposedes capacités de négociation entre les acteurssociaux et régionaux d’un nouveau modèle de’gestioh du social en vue d’en arriver à une identification des besoins, des priorités et des projets57.Ce qui implique une planification basée sur desméthodes complémentaires les unes par rapport auxautres afin de favoriser non seulement l’évolutiondans les structures existantes mais également, lechangement de celles-ci afm de s’&dapter à unesociété en profonds bouleversements.

L’approche-projet reconnait l’autonomie des acteurs et fait de l’élaboration du projet le principe deleur coordination alors que la concertation lesplacerait, selon Donzelot et Estèbe, sous le signe dela subordination pour qu’ils établissent un projet.

Sérieyx et Orgogozo favorisent également l’approche-projet quant ils avancent: que « les macro-approches sont condamnées, elles déraillent surl’effet de taille; seuls les microchangements,transmis de proche en proche, peuventpeu àpeususciter, des transformations d ‘attitudes, decomportements, de climats, de relations entre les

57. P. VALARIÉ, « La décentralisati on du social ou le social«négocié»,Revue internationale d’action communautaire,20/60, automne I988, p. 131-137.

groupes et entre les personnes.58 « Ces auteursprécisent certaines des caractéristiques des personnes qui ont dû « changer le changement» (p. 37 etss.), à savoir un esprit de projet, un esprit de vigie,un esprit de qualité, un esprit de technologie, unesprit de flexibilité et un effort pour reconnaître lesmérites de ceux qui apportent plus que d’autres.

Les projets représentent des situations favorables« où les individus ont des raisons personnellesd’avoir des rapports: de coopération, d’entraide,de collaboration parce que l’atteinte des butsqu ‘ils visent chacun requiert la mise en communde tous les efforts59». La participation amèneraità transcender les différences entre les groupes decitoyens par la coopération pour un objectifcommun. Toutefois, elle comporte également uninconvénient, à savoir que cette logique de projetsrisque de favoriser le développement « des morceaux d’action sociale, ponctuelle et sectorielle60 », d’où l’importance d’une instance assumant la coordination en vue d’une cohérence globale; ce rôle devant, en partie, être assumé par l’Etatet également par des instances régionales ou locales.

• Quelques précisions sur lesméthodes de planification

On a déjà vu que la décentralisation soulève unenjeu de démocratie et qu’elle doit être accompagnée d’une stratégie de développement endogène.

La décentralisation suppose, en conséquence, laparticipation et la responsabilisation de tous lesacteurs sociaux dont les citoyens et les citoyennes.

58. 1 OR0000ZO, H. SÉR.WYX, changer le changementOn peut abolir les bureaucraties, Paris, Seuil, 1989, p.15.

59. M. PAGÉ,’ Interculturel et citoyenneté: une complémentarité nécessaire », De I ‘interculturel â la citoyenneté: unplus pour la cohésion sociale?, Actes du colloque del’Association pour l’éducation interculturelle du Québec,colloque tenu le 9mai1997 âMontréal, p.é.

60. E. MAUREL, « Où va l’action sociale? »,Revue internationale d’action communautaire, 19159, printemps 1988,p. 79.

Page 27: À propos de la régionalisation en éducation et du

19

fly aurait donc intérêt à associer ceux-ci à la planification du développement.

Rappelons qu’ilexiste plusieursméthodes de planification auxquellesun Etat, une régionou une collectivitélocale peut faireappel, à partir dela planificationrationnelle globale, de la planification par petitspas éclatés, de lapI an i fi cati o nstratégiquejusqu’à la planification interactive. Les premières méthodes,plus réactives queproactives, ont étédavantage utiliséesau Québec. Ellessont, le plus souvent, le fait de latechnocratie liéeau modèle centralisé dont il a étéquestion au début de la section.

La participation et la responsabilisation de plusieursacteurs sociaux à la planification du développementde leur communauté pourrait mieux se concrétisergrâce à la planification interactive dont il s’avèreintéressant de prendre davantage connaissance..

Cette méthode de planifibation vise, selon Proulx61,

à animer, en région, la coordination entre les multiples acteurs et ce, au moyen de mécanismesagissant sur la culture organisationnelle territoriale,elle semble un outil pertinent dans le cadre dudéveloppement local. Cette procédure fait appel àdes principes de base que Proulx rappelle de lamanière suivante:

«1) L ‘intelligence collective estpar essence dispersée et éclatée; ainsi toute planificationrégionale doit être basée sur laplan(/lcationsociale élargie.

2) Les objectifs doivent être induits des problèmes vécus et de la criilque de la réalitéplutôt que déduite d’un ensemble de valeurs etde finalités.

3) La planification régionale doit engendrer unprocessus de prise en main collective grâce audialogué et à] ‘échange entre les acteurs de lacommunauté.

4) .11faut garder les acteurs en équilibre entre lastructure et l’évolution, entre l’ordre et ledésordre, entre le statique et le dynamique.

5) L ‘interaction représente la seule possibilité demarier connaissances et action ». (p278)

Cette procédure permettrait de lier la rationalitéglobale et les actions par petits pas par le biais d’unprocessus d’apprentissage continu basé sur l’interaction. Ce modèle complèterait les procédures plusformelles de planification en insufflant de l’innovation62 en favorisant la participation la plus largedes acteurs sociaux.

61. M.-U. PROULX, e Trois décennies de planificationrégionale », dans (sous la dir.) M-U. PROTJLX, Lephénomène régional au Québec, Presses de l’Universitédu Québec, Ste-Foy, 1996, p. 269-292.

62. Selon P. LACERTE, l’innovation est inséparable aussibien de la créativité que de I’entrepreneurship, del’autonomie et du risque, 11 précise aussi que: e Seule laconfrontation avec des problèmes peut mener à unapprentissage. » dans e Apprendre de ses erreurs »,Affaires plus, octobre 1997, p. 58-64.

La planification par petitspas éclatés

« Sur un territoire régional,les décisions sur les actionsconcrètes s ‘effectuent d ‘unemanière éclatée ou disjointe(mulsip les décideurs) et sebnun processus “incrémentiel”d’améliorations marginalessuccessives (petits pas) paressais-erreurs-corrections. »

La planification stratégique

« Cette procédure P5 considère la planification commeun processus continu de ré-actualisation des prioritésplutôt qu’un schéma indicateur à très long terme. Lesstratégies servent à guider lesdécisions vers l’atteinte desobjecnfs fixés au départ. »

M.-U. PROULX, « Trois décennies de planification régionale » dans (sous la dis.)M.U. PROULX, Le phénomène régional au Québec,Presses de l’Université duQuébec, Sainte-Foy, 1996,p. 269-292.

Page 28: À propos de la régionalisation en éducation et du

20 Chapitre 1: La régionalisation: proposition de cadre théorique

Ce modèle suppose toutefois que les acteurs sociauxdisposent de certaines compétences relationnellés —

telles que le sens de I’écoute~, une volonté de coopération, une capacité de négociation sur un modegagnant-gagnant, des compétences en résolution deconflit, etc. — un sens de l’histoire qui permette deconïprendre les choix réalisés jusqu’à maintenantdans la communauté, un sens développé de l’éthiquequi considère une perspective de « bien commun»dans le développement envisagé.

Il s’agit là de compétences que le système d’éducation devrait concourir à faire acquérir et développer. Mais lefait-il 7 On peutd’autant pluss’interroger là-dessus que tantCrozier queVachon~ soulignent, tous deux,que l’école force àune écoute passiveet hiérarchique,que l’école est organisée autour del’enseignement oùl’on écoute lemaître, que l’écolevalorisé un certainconformisme, quel’école représenteun lieu où l’onapprend pas

63. Selon G. ROLLQSED et H. SÉRIRYX, I écoute exigéedans la résolution des problèmes humains est une écouteacti’?e quipose des questions, qui cherche à débattre, quidéveloppe la tolérance. » dans Colère à deux voix., Quandlesorganisations laminent les talents, Paris, JnterEditions,1995, p. 55.

64. M. CROZIER. La crise de l’intelligence. E~sai surl’impuissance des élites à se reformer, Inter Editions,Paris, 1995. B. VACHON, Méthode pour l’applicationd ‘une stratégie globale de développement locaL Guidepratique, Colloque Vision-Région, Cégeps et Commissions scolaires « Réapprendre â créer ensemble pourdévelopper sa région s, Québec, 13 novembre 1997.

vraiment à s’écouter les uns les autres et, parconséquent, à débattre avec tolérance. Vachoninsiste sur ce point quand il avance que noussommes formés pour vivre dans le statu quo, ce quine nécessiterait pas d’engagement de notre part.

Les projets sélectionnés au terme des démarches deplanification réalisés devraient donner lieu à un“contrat” entre l’Etat et les collectivités locales.Toutefois, il convient d’insister sur le fait que, selonDonzelot et Estèbe, « le projet doit non seulementprécéder le contrat, mais lui survivre. «(p. 203).

nocratiques65».

En bref, cetteapproche-projetdevrait transformer le mode d’action publique enfournissant lemoyen d’une mobilisation de la société civile quiprenne appui surl’État, ce qui restaure l’idée d’unagent collectif fondé politiquement.D’autant que,conmie l’affirmeHamel, « l’actioncollective participe alors à unereconstruption dusocial en dehorsde schèmes tech

Il faudrait donc viser à « combiner l’esprit stratégique dans la conduite de l’économie sur unchamp de manoeuvre aux dimensions mondiales,

65. P. HANEL, Action.collective et démocratie locale, Lesmouvements urbains montréalais, Les Presses del’université de Mon~éal, Politique et économie, Montréal,1991, p’ 147.

Le sens de l’écoute

L’écoute représente un préalable nécessaire à toute communication; c’est également lepremier acte du respect et dela tolérance qui rend possiblele débat démocratique. Également, on peut affirmer avecCrozier, que « Seul celui quisait écouter pourra faire desa parole un acte de communication. »

M. Crozier, La crise del’intelligence. Essai surl’impuissance des élitesà se réformer, Inter-Éditions, Paris, 1995,

p. 42.

La négociation raisonnée

Quatre principes doivent êtrerespectés pour ce faire. Ilconvient donc de

1. Distinguer la personnedu différend;

2. Se concentrer sur lesintérêts et non sur lespositions;

3. Chercher des solutionsmutuellement bénéfiques;

4. Etablir des critbres objectifs sur lesquels lesdeux parties peuvent sebaser pour vérifier quela solution est mutuellement bénéfique,

D. BÉRARD, « Les clésd’une négociationréussie s, PME-septembre 1997, p. 40-45.

Page 29: À propos de la régionalisation en éducation et du

21

avec une animation de la société qui puisseproduire et entretenir sa cohésion66 ».

En dernier lieu, il apparaît important de signalerque, selon Julien67, les régions dynamiques sontcelles qui sont capables de fournir un soutien informatioiinel, ce qui passe par la formation mais également par la création d’antennes de veille et le courtage en information — il s’ agit là de mécanismesd’échange d’information, d’« intermédiaires capables de comprendre autant les créateurs que lesdemândeurs d’information, de traduire les offreset les demandes des uns et des autres et, graduellement, de les habituer à travailler ensemble “.

(Julierg p. 233) —‘ la formation étant vue comme unpréalable nécessaire à l’utilisation de l’informationet à l’apprentissage.

• En bref

La question du développement social et de la participation des personnes comme stratégie favorablesuppose un modèle de société qui fonctionneraitdifféremment du modèle actuel.

Le développementsocial apparaît liéà une prise enmain des collectivités locales parelles-mêmes et,par conséquent, àune décentralisation des pouvoirset responsabilitéset ce, en vue de lamise en oeuvre deprojets intégrantles dimensions sociales et économiques et répondantà des besoins de lacommunauté.

Il est alors question de l’adoption d’une perspective de développement endogène ou de développement local. Danscette foulée, le rôle de chacun des acteurs sociauxest appelé à se transformer profondément, nônseulement celui de l’État mais également ceux desinstances décentralisées, celui de la société civile quiprend de plus en plus d’importance et, fmalement,celui des citoyens et des citoyennes. Rolland etSérieyx vont dans ce sens quand ils avancent que« nous ne relèverons le défi de la transformationqu’à condition de multiplier le nombre d’acteursen présence; de les responsabiliser, de décentraliser les décisions, C’est un pari de confiance etd’intégration68».

À propos du développementendogène

« Ii’ s ‘agit de construire desprojets de développement quirépondent à des besoins descommunautés locales, à leursattentes et qui s ‘inscriventharmonieusement dans leurréalité socio-historique profonde ».

B. JEAN, c~La régionsous le regard sociologique: la constructionsociale du fait régional»dans (sous la dir.) M-U.PROULX, Le phénomène régional au Québec, Presses de l’Université du Québec, SteFoy, 1996, p.150.

66. L DONZELOT, P. ESTÈBE, op. cit,, p. 238.

67. P.-A. JULIEN, « Entrepreneuriat, développement régionalet appropriation de l’information », dans (sous la dit.) M.U. PROULX,Lephénomène régional au Québec, Pressesde l’Université du Québec, Ste-Foy, 1996, p. 2 15-244. J.C. - Ducatte évoque la pertinence, dans le cas desentreprises, de mettre sur pied un système de veille sociale,la mission du “veilleur” consistant successivement « àsélectionner, à traiter l’information puis à la mettre enperspective e4 enfin, à la transformer en tendancesopérationnelles sur lesquelles la direction de l’entreprisepourra s’appuyer pour prendre ses décisions d’actions.»dans « Comment mettre en place un système de veillesociale performant?», Humanisme et entreprise, 3021,p. 38-53. Le système de veille sociale qui équivaut à untraitement anticipateur de l’information pourrait-il êtreutile dans une perspective de développement local ourégional? Cela reste à voir. 65. 0. ROLLAND, H. SÉREYX, op. ciL, p.59.

Page 30: À propos de la régionalisation en éducation et du

22 Chapitre 1: La régionalisation: proposition de cadre théorique

Quant au systèmed’éducation, il estresponsable del’actualisation dupotentiel humain.Il ne fait alors aucun doute que nonseulement il doitprendre en considération cette nouvelle forme d’organisation de lasociété69, maiségalement adapterson ôffre de formation aux nouvelles compétences requises parles citoyens et lescitoyennes afm deles hâbiliter àfonctionnera dé qù a t e mentdans unbeaucoupexigeant àégards.

cadreplustous

Cela sémble d’autant plus important que nousserions en train de passer, selon Crozier70, d’unesociété de l’obéissance, à une société de la responsabilité qui exigerait, rappelons-le, les compétencessuivantes:

69. Le Conseil supérieur de l’éducation, conscient de cettetendance, ajugé nécessaire de proposer, dans son rapportannuel 1995-1996 intitulé Pour un nouveau parlago despouvoirs et responsabilités en éducation, une voie danslaquelle le système d’éducation pourrait s’engager afin defaire concorder son évolution avec celle de la société.

70. M. CROZIER, La crise de l’intelligence. Essai surl’impuissance des élites à se reformer, InterÉditions,Pans, 1995.

des compétences relationnelles7’ en vue d’unecommunication plus efficace et d’une coopération72 effective — cela implique des leadersde collaboration73 qui ont eu l’occasion dedévelopper des qualités telles que les suivantes:la capacité d’apprendre, la capacité de planifierdes activités, la délégation d’autorité et deresponsabilité, un talent en développementorganisationnel, la capacité d’assurer le suivi,l’identification des problèmes, la capacitéd’assurer la circulation de l’information et sonsuivi, la capacité d’initiative, le jugement, lacapacité de maximiser la performance, lamotivation à rendre les autres plus puissants, lacapacité de planification stratégique, la facilitéà communiquer à propos des moyens à mettreen place, des projets réalisés, des résultatsobtenus, etc.;

des connaissances historiques en vue de saisirles scénarios possibles du devenir de leurcommunauté;

des compétences éthiques afm de favoriser deschoix de projets en fonction d’une perspectivede bien commun;

des compétences d’analyse et de résolution deproblèmes.

71. Pour G. ROLLÂND et H. SÉRIRYX, « le monde dedemain va exiger des qualités socio-relationnellespourtraiter lesproblèmes humains. » dans Colère à deux voixQuaiyd les organisations laminent les talents, Paris,InterEditions, 1995, p. 55. De telles types de compétencedevraient, selon D. Bouteiller, avoir « une meilleure duréede vie que certaines connaissances techniques ouscientj,liques (directement dépendantes de la vitessed ‘évolution de leurs domaines d’application). » dans «Lesyndrome du crocodile et le défi de l’apprentissage continu

Gestion, volume 22, numéro 3, automne 1997, p. 16-17.

72. Notons que pour C. Nélisse, « la construction de lacoopération et de la coordination constitue un enjeufondamental de toute action commune. n cjans Lacroisée du formel et de l’informel entre l’Etat et lespartenariats », Lien social et Politiques —RlAC, 32,automne 1994, p. 185.

73. 5. LONDON, Construire des communautés participantes, Document préparé pour le Pew Partnership forCivic Change, traduit par 3.-P. Bélanger, novembre 1995,p. 7.

Les limites de lacollaboration

• La collaboration requiertdu temps, ce n’est pasun processus appropriéquand une action rapideest nécessaire;

• Les inégalités de pouvoirentre les parties peuventfaire dérailler le processus;

• Les règles du consensuset de la prise de décisionexigent que le biencommun ait préséancesur les intérêts de quelques uns;

• La collaboration fonctionne mieux en petitsgroupes et éclate souventquand les groupes sonttrop nombreux;

• La collaboration est sanssignification sans le pouvoir de mettre en pratique les décisions finales.

Scott London, C’onstruire descommunautés participantes,Document préparé pour lePew Partnership for CivicChange, novembre 1995, p9.

Page 31: À propos de la régionalisation en éducation et du

• Également

L’éducation doit contribuer à accroître le capitalsocial des Québécois et des Québécoises; ce conceptétant fréquemment associé aussi bien à la qualité dutissù social, à la densité des réseaux sociaux, à lacoopération et à la collaboration qui existent dansune communauté qu’ au degré de confiance que lesmembres d’une communauté éprouvent les unsenvers les autres. Cela semble d’autant plus important que, selon Bélanger74, « les communautés

23

qui ont un niveau de capital social élevé se sontmieux développées que les autres. «Bélanger précise aussi quelques unes des conditions d’accroissement du capital social, à savoir un niveau d’éducation plus élevé, un bon emploi et un niveau derevenu plus élevé de même que la participation despersonnes aux différentes formes de la vie sociale— pas seulement la piîrticipation structurée oupolitique; l’accroissement du capital social ayant deseffets positifs sur le développement économiqued’une société.

74. s:?: HÉLANOER, « Capital social et développementsociaL Une brève rejiexion », Document élaboré dans lecadre de la préparation du Forum sur le développementsocial, Montréal, octobre W97.

Page 32: À propos de la régionalisation en éducation et du

Chapitre 2Le développement des régions: cadre politique

P lusieurs décisions et politiques récentes encaditnt la question du développement régional, lapolitique de soutien au développement local etrégional, la politique active du marché du travail, lacréation du ministère de l’Emploi et de la Solidarité,la ptopbsition de réforme du régime de sécurité durevenu qui devrait se traduire dans une loi lors de lasession du printemps 1998. Celles-ci seront étudiéestour â tour, dans les sections suivantes, considérantle fait qu’elles ne peuvent qu’inthier sur le cadre derégionalisation dans laquelle le ministère del’Education s’engage présentement.

2.1 La politique de Soùtien audéveloppement local et régional

Le gouvernement du Québec a fait connaître, enavril 1997, sa politique de soutien au développement local et régional; il a également déposé, âl’autcimne de la même année, un projet de loi sur leministère des Régions (projet de loin0 171).

La politiquede soutien au développement local etrégional a été élaborée en réponse aux attentes etaux demandes des communautés locales et régionales qui réclamaient une plus grande marge demanoeuvre dans le développement de leur territoire.Par cêtte politique, on vise à améliorer les servicesde l’Etat et â les rendre plus accessibles, à lessimplifier et les mieux adapter aux besoins du milieu, à les rationaliser conformément aux ressourcesde l’Etàt. On vise également â « responsabiliser lesinstances locales et régionales dans la gestion deservices”, à « associer les ini~ervenants locaux etrégionaux en assurant leurparticipation au processus décisionnel» (p. 7); â cc assurer l’adaptationdes politiques et programmes gouvernementauxaux réalités locales et régionales» (p. 7).

Priorité sera donnée, par celle politique, au développement de l’économie et de l’emploi2. C’estpourquoi il y aura des liens étroits avec la politiqueactive du marché du travail et les services dispenséspar le ministère de l’Emploi et de la Solidarité, qu’ils’agisse des services d’aide à l’emploi ou des services de sécurité du revenu.

La politique de soutien au développement local etrégional identifie trois paliers d’intervention, lelocal, le régional et le national. Leur rôle sera explicité afin d’en cerner les spécificités et, si possible,distingncr les éventuelles interrelations avec lesystème d’éducation.

• Le palier local

Le palier local est vu, dans cette politique, commeun lieu de programmation, de gestion et d’exécutiondes services de première ligne, c’est-â-dire que lelocal doit cc offrir des services de~ base devantrépondre aux besoins élémentaires de la vie quotidienne des citoyens et des services de proximitéqui peuvent être organisés dans l’environnementimmédiat du citoyen parce que ces services n ‘exigentpas nécessairement des bassins de populationtrès importants» (p. 11). Ce sont les centres locauxde développement (CLD) qui assumeront celleresponsabilité à compter du 1t~ avril 1998.

Le mandat d’un CLD devrait comprendre, selonl’article 13 du projet de loi sur le ministère desRégions, les éléments suivants

« 10 de regrouper ou de coordonner les différentsservices d’aide à l’entrepreneuriat et d’assurer lefinancement de ces services;

1. SECRÉTARIAT AU DÉVELOPPEMENT DES RÉGIONS, Politique de soutien au développement local etrégional, Québec, 1997, p. 6.

2. SECRÉTARIAT AU DÉVELOPPEMENT D$S RÉGIONS, Une réorganisation des services de 1 ‘Etat axéesur l’économie et l’emploi où le citoyen est au coeur desdécisions, Communiqué Iii, Québec, 30 avril 1997.

Page 33: À propos de la régionalisation en éducation et du

25

2° d’élaborer un plan d’action localpour l’économie et l’emploi;

mité consultatif du centre local

3° d’élaborer, en tenantcompte desorientations,stratégies etobjectifs nationaux et région aux, unestratégie enmatière dedéveloppement de l’entr ep re n eu -

riat, y compris l’entrepreneuriat del’économiesociale;

4° d’agir entant que co

d’émploi de sonterritoire n. Le plan d’action des CLD devra re$rpecter, est-il précisé dans la politique de soutien audéveloppement local et régional, le plan stratégiquede la région de même que les axes et orientations del’entente-cadre de développement déjà signée par legouvernement et le conseil régional de développement.

Les CLD pourront décider de leur mode d’organisation. fi leur sera possible de confier oû de recevoirdes contrats de services pour renforcer cette capacitéd’ada~3tation3. Enfm, il appartient au conseil de lamunicipalité régionale de comté (MRC) de reconnaîtrele CLD mis en place sur son territoire. A cettefin, il doit y avoir adoption d’une résolution par le

3. SECRÉTARIAT AU DÉVELOPPEMENT DES RÉGIONS, Guide d’implantation des centres locaux dedéveloppement, Québec, 1997, P. 6. Voir aussi P. APPJL,

Dans six mois, tous les CLD seront opérationnels. GuyChevrette dit que les régions auront un plus grand rôledans leur développement », Le Soleil, 2 octobre 1997,p. B1-B2.

conseil de la IvIRC; celle-ci pouvant se définir, selonBémbé, comme le territoire de cohésion où des genspeuvent voir à leur déveldppement et ce, en fonctiond’une réalité quotidienne qui cimente les intérêtscommuns.

Il convient de souligner que les mandats et responsabilités des CLD doivent faire l’objet d’une entente de gestion signée par le conseil d’administrationdu centre, la MRC et le ministre responsable duDéveloppement des régions. Il s’agit là d’une entente annuelle, les budgets devant être réévalués parles signataires sur la base des résultats obtenus parrapport aux attentes signifiées.

Si l’on se fie aux médias, les CLD ne feraient pasl’unanimité. Pour Picher, «ily a toutes les chancesque cette nouvelle structure ne constitue qu ‘unenouvelle source de gaspillage et de pertes d ‘énergies, un panier de crabes où s ‘entrechoqueront lesintérêts de tout un chacun4» Cejournaliste préciseaussi dans son article que du point de vue deI ‘Union des municipalités régionales de comté, lesCLD «forment la pire tuile qui soit tombée sur latête des administrateurs municipaux depuis longtemps. n Picher y indique, dans cette même veine,que trois grosses MRC de la Rive sud de Montréalabritant 600 000 personnes, s’opposent à ces nouvelles structures. De plus, dans certains cas, lacomposition du CLD peut être questionnée5, certains organismes souhaitant en faire partie etn’ayant pas été consultés.

Quant au financement de cette instance, il continueà être problématique6 et ce, dans un contéxte de

4. C. PICHER, « La foire d’empoigne n, La Presse, k’octobre 1997, p. F3. Voir aussi C. PICHER, « La comédzedes CLD », La Presse, 7 octobre 1997, p. C3.

5. R MARTEL, Des organismes craignent d’être laissés decôté «,La Tribune, 11octobre1997, p. D8.

6. R PLANTE, cc CLD : le financement demeure la questionprincipale »,La Voix de l’Est, 15octobre1997, p. 4. M.MORIN, « Un gros brasse-camarade pour pas grand chose»,La Tribune, 6 novembre 1997, p. D7. P. APRIL,’c 60millions S pour les régions “Pas suffisant”, dit JacintheSimard »,Le Soleil, 25 novembre 1997, p- A8. Le niveaude financement des CLD a été déterminé en fonction decritères tels que le taux de chômage, le niveau de pauvreté,

Les membrcs des conseilsd’administration des CLD

Cet instance devra ccmpr~ndreau moins un représentant dechacun des milieux suivants:

- affaires et commerce;- travailleurs;- municipal;- coopératif~- communautaire;- institutionnel (santé,

éducation).

-Aucun groupe ne peut constituer la majorité des membres duconseil d’administration duCLD.

Secrétariat au développementdes régions, Guide d ‘implantation des centres locaux dedéveloppement, Québec, 1997,p. 4.

Page 34: À propos de la régionalisation en éducation et du

26 Chapitre 2 Le développement des régions : cadre pol[tique

rationalisation des finances publiques et de compressicms budgétaires importantes transférées aumonde municipal par le gouvertiement québécois —

les 11 ministères qui doivent participer au financement des CLD ne paraissent pas désireux defournir rapidement les sommes attendues; la réponsede Mme Harel, ministre de l’Emploi et de la Solidarité, à la demande de contribuer de 34 millions $pour les CLD, a été la suivante : « On ne va pasdéshabiller Pierre pour habiller Jacques7 «.

Par ailleurs, Proulx8 considère pour Sa part, que lepoint principal de la politique qui consacre les MRCcommt assise de l’action en région, s’inscrit dansla mouvance des pays membres de l’OCDE quiprivilégient les petites régions comme aires de gestion et de développement socioéconomique. Selonlui, les MRC représentent cc des espaces de dimension idéale pour l’émergence d’initiatives socioéconomiques diverses ‘t

Le palier local semblerait constituer un lieu d’intervention approprié pour les établissements de formation. C’est au niveau local qu’il est le plus facilede tisser des liens étroits avec la communauté, deprendre connaissance des besoins de la communautéenvironnante, des besoins de certains acteurs sociaux surtout qu’» il y a consensus â l’effet que lacollaboration doit inclure le plus possible pourêtre légitime9».

• Le palier régional

Le palier régional, celui des conseils régionaux dedéveloppement10 (CRD), est considéré commepartenaire privilégié du gouvernement en matière dedéveloppement régional.

Le ministreresponsable desRégions doit s’assurer de la représentativité de chaque conseil régional avant d’en recommander la reconnaissance augouvernement. Ledécret de reconnaissance confèreaux conseils régionaux une vocationde coordinationdes intervenantsrégionaux, de planification du développement et deprogrammationd’interventions

le bassin de population, l’éloignemeat géôgraphique. Lesmunibipalités régionales devront débourser l’autre tranche de 60millions $ pour assurer le fonctionnement des CLD, si elles nele font pas, la contnbution gouvernementale sera réduited’autant. Les objectifs fixés pour les CLD en laissent plusieurssceptiques compte tenu du flnatïcement accordé. 11 s’agirait de504 704 emplois. Dans 3. LACHAPELLE, « 500 000 emplois,vraiment?. Les MRC nourissent un énorme scepticisme vis-à-vis des prévisions de Chevrette », Le Devoir, 27 novembre1997, p.8l.

7. D. LESSARD, « Les CLD Chevrette éprouve de sérieuxproblèmes de financement», La Presse, 28 octobre 1997,p. Bi.

8. M.-U. PROULX, « Discours et réalité sur les régions. Endéux ans, le gouvernement a coupé 50% des budgetsconsacrés à sa politique régionale », Le Devoir, 19septembre 1997, p. Ail.

9. SCOTT LONDON, Op. cit., p. 5.

10. Les conseils régionaux de développement sont descorporations privées et sans but lucratif, reconnus pardécret gouvernemental à titre « d’instances régionalesreprésentatives en matière de développement régional »,financés par le gouvernement en vertu d’un contrat decollaboration, exerçant dans chacune des régions uncertain nombre de fonctions spécifiques ddnt la gestiond’un budget régionalisé annuel moyen de 3, 0 MS. Lesconseils régionaux de développement sont incorporés envertu de la troisième partie de la Loi sur les compagnies. Ilssont reconnus en vertu de la Loi 19(article 3.27) — Loimodifiant la Loi du ministère ‘du Conseil exécutif. Tiré deSECRETARIAT AU DÉVELOPPEMENT DESREGIONS, Documents de reférence sur la politique dedéveloppement r4ional, mis àjour le 12 juin 1997.Notons que la categorie des organismes dispensateurs deservices, membres des conseils d’administration des CRDest constituée de représentants ou représentantes de laRégie régionale de la santé et des services sociaux, duConseil des partenaires du marché du travail, del’Université(s) s’il y a lieu et des cégeps, des commissionsscolaires. Une proportion moyenne de 20% des membresdes CA. Quant aux agents de développement socioéconomiques, ils comptent pour 27% en moyenne desmembres des CA.

La composition des conseilsd’administration des CRD

Le conseil d’administrationdoit compter au moins untiers d’élus municipaux, lesprincipaux agents de développement socloéconomiques dela région et les principauxorganismes dispensateurs deservices.

Dans les faits, les élus municipaux représentent,en moyenne en 1996, 39%des membres des CA desCRD et les députés 14%. Laprésence des élites traditionnelies à cette instance estdonc marquante.

Secrétariat au développementdes régions, Documents der4férence sur la politique dedéveloppement régional, miseà jour 12juin 1997.

Page 35: À propos de la régionalisation en éducation et du

27

régionales en concertation avec le ministre responsable dc Développement des régions.

Selon les Documents de référence sur la politiquerégiomile du Secrétariat au développement desrégions (mis à jour le 12 juin 1997), les CRDassument les fonctions suivantes

- assurer la concertation des intervenants de larégion;

- donner des avis au gouvernement;

- adopter un plan de développement stratégique;

- conclure des ententes spécifiques avec lesministères;

- a~swer, en concertation avec le ministre responsables des Régions, la gestion du Fondsrégional de développement attribué par leministre ou tout autre fonds qui pourrait lui êtreconfié.

Le mandat prévu pour les CRD par le projet de loin° 171 sur le ministère des Régions est sensiblement~analogue à celui déjà présenté. Pour plus deprécision, il sera tout de même présenté, il est ainsilibellé cc Chaque conseil régional de développement aprincipalementpour mandat de favoriser laconcertation entre tous les partenaires régionauxet de donner des avis au ministre sur tout ce quitouche le développement régional. Pour laréalisation de ce mandat, le conseil régionalétablit un plan stratégique définissant les grandsobjectifs de la région, appelés « axes » dedéveloppement, et des objectifs plus particuliers,.appelés «priorités de développement. Ce plan estélaboré en tenant compte des stratégies et desobjectifs en matière de main-d ‘oeuvre identifiés parle conseil régional des partenaires du marché dutravail de son territoire. Sur la base du planstratégique qu ‘il a établi, le conseil régional dedéveloppement conclut avec le gouvernement uneentente cadre dans laquelle les parties conviennent des axes etpriorités de développement de larégion. Il conclut également, avec les ministères

ou organismes du gouvernement et, le cas échéant,avec d ‘autres partenaires, des ententes spécifiques’1 pour lamise en oeuvre del’entente cadre ôupour prévoir desmesures en vued’adapter auxparticularités dela région qu ‘il représente l’actiongouvernementaleen matière de dé-y e lopp e mentrégional. Le conseil régional exécute tout autremandat que. luiconfie le ministre.

Le palier régionalest un lieu où sontofferts les servicesde deuxième ligne,des services plusspécialisés qui nepeuvent être rendus disponibles localement étantdonné qu’ils exigent un bassin depopulation plusimportant et des

L’entente-cadre:ce qu’elle est

• Une convention entredeux partenaires, le conseil régional et le gouvernement;

• Un accord sur les axes etles priorités à privilégierpour le développementde la région;

• Un cadre de référence,sur un horizon de trois àcinq ans, pour orienterl’action des ministères etorganismes en fonctiondes priorités de la région;

• Un cadre pour l’utilisation du Fonds d’interventions régionales.

L’entente-cadre représentedonc la volonté commune dugouvernement et du conseilrégional de travailler ensemble. Ce sont les engagementsde l’une et l’autre partie pourassurer le déroulement harmonieux des activités découlant des engagements.

Secrétariat au développementdes régions, Documents deréférence sur la politique dedéveloppement régional, misàjourle 12juin 1997.

li. Les ententes spécifiques sont des conventions entre unConseil régional et un ministère ou organisme pourl’adoption et l’adaptatioh de mesures, programmes etinterventions en fonction des spécificités de la région; cesont aussi des en~agemeffls ministériels en réponse auxbesoins de la régton; ce sont des moyens particuliers etconcrets de collaboration entre le conseil régional et lesministères ou org~nismes; ce sont des compléments del’entente-cadre. Elles doivent traduire la démarched’accompagnement du dynamisme des régions, ellestransforment les façons de faire des ministères; ellesconcourent à la réalisation des priontés régionales. Tiré deSecrétariat au développement des régions, Documents deréférence sur la politique de développement régional, misàjourle 12juin 1997.

Page 36: À propos de la régionalisation en éducation et du

28 Chapitre 2 Le développement des régions : cadre politique

investissements dans des équipements ou des coûtsde fonctionnement élevés.

Il appartiendra aux CRD de « s’assurer que lesplans locaux de développement s’harmonisent auxplans stratégiques de développement et auxententes-cadres signées par le gouvernement’2».Les CRD auront aussi un rôle aviseur quant à larépartition des enveloppes régionales à l’intérieur deleur territoire et ce, à compter du ior avril 1998.

Il eSt ptévu par la politiqûe de soutien au développement local et régional que les CRD soient laseule structure de concertation par territoirerégional’3 (p. 27) qui, à cette fm devront intégrerou coordonner les organismes régionaux sectoriels. En conséquence, dès ententes de gestiondevrôhi être signées, à titre de mesure transitoire,pour assurer une meilleure hannonisation desactivités de ces organismes sur le territoire.

Également, les Comités régionaux de développement de l’économie sociale (CRES) — élargisaux regroupements communautaires, coopératifs etet syndicaux — seront intégrés aux CRI).

Enfin, le gouvernement indique que les CRI)devront porter une attention particulière à certainesproblématiques dans l’élaboration des ententes-cadres, problématiques telles celles liées aux jeunes,aux femmes, aux communautés autochtones et auxcommunautés culturelles. Le gouvernement soulignequ’il conviendrait de prioriser des secteurs d’intervention comme les stratégies de développement del’économie sociale ou la Politique gouvernementaleen matière de condition féminine.

• Les acteurs gouvernementaux en région

Les activités sectorielles des ministères et organismes sont coordonnées au sein de la Conférenceadministrative régionale (CAR), présidée par lesous-ministre adjoint du Secrétariat au développement des régions’ ~. La CAR doit faciliter l’articulation d’une vision intégrée et cohérente del’action gouvernementale en région. Elle doit aussicoordonner l’élaboration de la position gouvernementale en vue de la négociation des ententes-cadres et des ententes spécifiques.

La CAR vise l’harmonisation des activités et desservices des ministères et pour la coordination desdépenses gouvernementales; pour ce faire, il y aadoption d’avis. Le ministère de. I’Educationparticipe à ces travaux pat le biais des directionsrégionales. Ce qui n’est pas sans ambiguïté, lesdirections régionales ayant l’habitude de transigeravec les seules commissiens scolaires, les autrestypes d’établissements de formation, entre autres lescollèges, ne pouvant, en conséquence, faire valoirleur point de vue et faire connaître leurs besoinsspécifiques.

Il.existe également une Table régionale des députés réunissant les représentants politiques de larégion sur une base régulière. Ces rencontres sontdirigées par le ministre régional. La Table doit jouerun rôle aviseur auprès des ministres sectoriels àpropos de la répartition dès eùveloppes budgétairesconsacrées au développeMent local par le gouvernement, entre les organismes accrédités et à proposde l’organisation des services gouvernementaux enrégion.

• En bref

12. MINISTRE RESPONSABLE DU DÉVELOPPEMENTDES REGIONS, Politique de soutien au développementlaçai et régionaL Une réorganisation des services del’Etdt axée sur l’économie et l’emploi où le citoyen est aucalur des décisions, Communiqué IIi, Québec, 30 avril1907, p. 3.

13. Voir également MINISTRE RESPONSABLE DUDÉVELOPPEMENT DES RÉGIONS, Politique desoutien au développement local et régionaL Le gouvernement du Québec consolide le rôle du Conseil régional dedéveloppement, Communiqué #2, 30 avril 1997.

Chacun des paliers de la st±ucture de développementrégional voit ses choix devoir être entérinés par le

14. SECRÉTARIAT AU DÉVELOPPEMENT DES RÉGIONS, Conferences administratives régionales. Présentation, Statut, mandat et fonctions, composition, fonctionnement, évaluation du fonctionnement, II mai 1995.

Page 37: À propos de la régionalisation en éducation et du

29

palier supérieur. II en est ainsi du plan d’action duCLD qui doit être approuvé par le CRI) et du planstratégique de cette dernière instance, préalable àl’entente signée entre une région et le gouvernement;cette entente-cadre ne comprenant que les élémentsfaisant consensus entre les parties signataires. Cequi n’est pas sans soulever de questions. Aussi,peut-on se demander avec Dufresn&5, si la décentralisation décidée par les acteurs cêntraux ne s’est pasengagée en raison surtout d’une rareté de ressourceset non pas d’abord dans une perspective dedémocratisation?

Le rôle de l’éducation à ce niveau devrait en êtreun de partenaire actif dans le développementrégional. À cette fm, les établissements devraientparticiper, de façon dynamique et proactive, auxtravaux inhérents à l’élaboration du plan stratégiquerégional. Les établissements de formation détiennent un atout majeur par rapport au développementde leur région : dans la nouvelle économie de plus enplus basée sur la matière grise, la formation devientun préalable incontournable à un développement quitienne effectivement compte des besoins des individus et du milieu environnant. C’est entre autres ens’intégrant davantage à la culture locale, — ceconcept pourrait être rapproché de l’identité régionale dont il a été question à la section précédente— affirme Bettez’6, que les retombées de l’éducation devraient être les plus grandes.

• Le palier national

L’État est responsable des grandes orientationsgouvernementales et des politiques nationales. Ilest responsable également de la juste répartitiondes services sur le territoire, du partage équitable

15. G. DUFRESNE, « La région, un territoire démocratique?Le processus semble couvrir un dispositif de transfert descoûts du centre vers les régions »,Le Devofr, 21-22 juin1997, p. Ail.

16. M. BETflZ, Éléments de mise en situation en vue desateliers. Education et développement local: des points derepère, Colloque Vision-région, cégeps et commissionsscolaires, « Réapprendre â créer ensemble pour développersa région »,Quebec, 13novembre1997.

des ressources et des richesses entre les différentesparties du territoire national.

De plus, l’État joue un rôle central dans l’identification des priorités nationales et des choixstratégiques, notamment en matière de développement économique et d’emploi.

À ce niveau également, le système d’éducationdevrait pouvoir faire valoir ses besoins et sespriorités de développement.

Il est d’autres décisions et d’autres politiques àprendre en considération au regard du cadre de larégionalisation des activités gotn~ernementales. Il enest ainsi de la décision d’adopter un projet de loi surle ministère de l’Emploi et de la Solidarité — celui-cia été sanctionné en juin 1997 —,de la politiqueactive du marché du travail ou de la proposition deréforme du régime de sécurité du revenu. On sepenchera sur le sujet dans les prochaines sous-sections en vue d’en distingner les interrelationsavec la régionalisation en éducation.

2.2 La création du ministère del’Emploi et de la Solidarité,la politique active du marchédu travail et les services desécurité du revenu

Le gouvernement du Québec a adopté, à l’automne1995, la politique active du marché du travail dansson volet régional. Celle-ci doit être prise enconsidération concurremment avec l’actuelle réorganisation des services publics d’emploi dans laquellele ministère de l’Emploi et de la Solïdarité s’estengagé. Cette dernière s’appuie sur des objectifsd’accessibilité à l’ensemble des Québécois et desQuébécoises qui ont des besoins en matière d’emploi; sur des objectifs de concertation à l’échellenationale, régionale et locale des différents partenaires, des collectivités et des pouvoirs publics; surdes objectifs de responsabilisation des instanceslocales; sur des objectifs de cohérence et de continuité entre les mesures de soutien du revenu et les

Page 38: À propos de la régionalisation en éducation et du

30 Chapitre 2 Le développement des régions: cadre politique

mesures actives d’aide à l’emploi; sur des objectifsd’amélioration des lieux de concertation avecd’autres réseaux. Cette politique est opérationnausée aux paliers local, régional et national. Ce quisera successivement examiné.

• Le palier local

fi est constitué du centre local d’emploi et du conseillocal des partenaires.

Les services depremière ligne tanten matière de sécurité du revenu— notons que desinformations sur lateneur de la proposition de réforme du régime desécurité du revenuseront présentéesau point 2.3 de laprésente section— qu’en matièred’aide à l’emploiseront regroupésdans un seul lieuphysique, le centrelocal d’emploi(CES).

Les actions desCLD, gérés pardes représentantsdu milieu, et cellesgouvernementale, doivent se• coordonner pour êtreefficaces.

Rappelons que le CLD est supposé jouer le râle deconseil local des partenaires auprès du CLE. A cettefin, il doit soumettre à l’approbation de la Commission des partenaires du marché du travail et à laministre d’État de l’Emploi et de la Solidarité, unPlan local d’action concerté pour l’économie etl’emploi, plan en rapport avec les volets de la

Politique active du marché du travail et ce, par lebiais du Conseil régional des partenaires du marchédu travail.

Il appartient donc au CLD de proposer les orientations stratégiques en matière d’aide à l’emploi. LeCLD représente, en conséquence, le lieu d’arrimage des stratégies de développement de l’économie et de l’emploi.

fi est essentiel de souligner que ces deux politiques— celle de soutien au développement local etrégional et la politique active du marché du travail— sont fortement interreliées sur le plan local,l’action de l’une venant appuyer, soutenir, voirecompléter, l’action de l’autre. Il devrait en résulterune plus grande cohérence des interventions quiseront ainsi mieux ciblées sur les besoins réels etmieux adaptées aux spécificités locales. Aussi, lesrésultats devraient s’avérer meilleurs.

• Le palier régional

À l’instar du palier local, le palier régional comprendra deux instances, soit les directions régionalesd’Emploi-Québec et les Conseils régionaux despartenaires du marché du travail.

Les directions régionales d’Emploi-Québec assurentl’harmonisation des interventions régionales enmatière de développement du marché du travail etoeuvrent en collaboration avec les partenaires réunisau sein des Conseils régionaux des partenaires dumarché du travail.

La défmition de la problématique du marché dutravail dans la région, l’identification des stratégiesrégionales et des paramètres de répartition desbudgets constituent certaines des responsabilitésconfiées au Conseil régional des partenaires dumarché du travail. Ce dernier voit également à l’harmonisation des interventions locales en matièred’aide à l’emploi et avise la Commission des partenaires du marché du travail sur les Plans locauxd’action concertée des CLD.

Les CLE

Les CLE seront constitués dumodule Emploi-Québec quioffrira des services d’emploiaux individus et des servicesaux entreprises et aux employeurs à la recherche demnin-d’oeuvre, qui mobiliserale milieu local autour de l’objectif de développement de lamain-d’oeuvre et de l’emploi.Ils assumeront la responsabilité des services de première ligne auparavent réalisée par Développement desressources humaines Canada.Les modules de la sécurité durevenu offriront des servicesde soutien du revenu et administreront les budgets locauxalloués aux mesures d’aidefmancière.

Louise Hard, Pour un ministère de I ‘Emploi et de ta Solidarité, 1997.

des CLE par une instance

Page 39: À propos de la régionalisation en éducation et du

31

Le Conseil régional des partenaires du marché dutravail est aussi chargé d’assurer l’interface avec leCR0 et de faire valoir les objectifs de la politiqueactive du marché du travail. Il appartient aussi auConseil régional des partenaires du marché ‘dutravail d’identifier les dossiers susceptibles de fairel’objet d’ententes spécifiques en matière de développement de la main-d’oeuvre.

Quant aux directions régionales de la sécurité durevenu, elles doivent assurer l’implantation et lagestion des mesures de soutien du revenu à l’échellerégionale.

Plusienrs régions ont déjà signé une entented’harrm~nisation concernant la politique active dumarché du travail, les parties signataires étant leConseil régional des partenaires du marché dutravail et le Conseil régional de développement17.C’était déjà le cas d’au moins quatre régions audébut d’octobre 1997, soit Montréal, Lavai, laGaspésie-Côte Nord et l’Estrie. Les régions yidentifient des objectifs prioritaires dont certainscocehi~nt directement l’éducation. Ainsi, en Estrie,un des objectifs retenus est de « doter la régiond’une offi~e de service en formation professionnelleet technique »; d’autres objectifs sont plutôt associés à l’éducation des adultes, c’est-à-dire « établirun plan de développement de la main-d’oeuvre enlien avec des projets d’investissement et deresttucturation majeurs » ou encore « augmenter laparticijiation des entreprises à la formation deleurfuture main-d’oeuvre ».

En Mauricie’8, une entente d’harmonisation aégalement été signée. Le plan d’action qui y estindu comprend plusieurs mesures dont certainessont liées à l’éducation telles que des mesures d’aideà l’adaptation de la main-d’oeuvre, le soutien â

17. G. FISETTE, « Une mobilisation sans égale au Québec n,La Tribune, 1t~ octobre 1997 p. C8.

18. M. ROCHETTE, « Entente pour vaincre le chômage.Québec et les intervenants régionaux d’accord sur un pland’action »,Le Nouvelliste, 1 octobre 1997, p. I 1.VoiraussiM GAGNON, « Union des forces pour lutter contrele chômage en Montérégie », La Presse, 18 novembre1997, p. A15.

l’insertion en emploi, etc. En Montérégie, uneentente a été signée à la mi-novembre 1997,plusieurs des objectifs visés peuvent être associésdirectement â l’éducation, dans ce cas également,dont le décrochage scolaire (sans doute vu commerendant plus difficle l’insertion en emploiW),l’intégration des femmes aux métiers non traditionnels, l’entrepreneurship au féminin.

Une entente d’harmonisation ne doit pas êtreconfondue avec une entente spécifique qui, elle,permet « d’avoir le contrôle sur 1~’envelopperégionale dédiée à l’aide à l’emploi, selon lespriorités décidées en région2° n.

• Le palier national

Le ministère de l’Emploi et de la Solidarité et laCommission des partenaires du marché du travailsont les deux instances du palier national.

La Commission doit assumer les responsabilitéssuivantes

- conseiller la ministre d’État de l’Emploi et de laSolidarité sur les orientations et les politiquesen matière de main-d’oeuvre et d’emploi ainsique sur l’importance de viser l’équité à l’égarddes personnes ou des groupes défavorisés sur lemarché du travail;

- définir les besoins en développement de lamain-d’oeuvre;

- participer à la gestion du réseau public d’emploi;

- approuver les plans locaux d’action concertéspour l’emploi soumis par les Conseils régionaux et ce, après avoir pris en considérationl’avis de ces conseils;

19. CONSEIL SUPÉRIEUR DE L’ÉDUCATION, L’insertion sociale et professionnelle, un engagement àpartager, rapport annuel 1996-1997.

20, G. FISETTE, « L’entente c’est bien...mais pas assez —

Janvier Cliche», La Tribune, I” octobre 1997, p. C8.

Page 40: À propos de la régionalisation en éducation et du

32 Chapitre 2: Le développement des régions : cadre politique

- proposer à la Ministre les critères d’allocationdes ressources afférentes aux mesures activesentre les régions et les centres locaux d’emploide même que les objectifs de résultats d’Emploi-Québec.

Le Ministère participe à l’élaboration des politiqueset progtammes de sécurité du revenu de même qu’àcelles visant la main-d’oeuvre et l’emploi, cesdernières en collaboration avec la Commission despartenaires du marché du travail; il favorise laplanification de ses interventions au moyen derecherches, études, enquêtes, évaluation; il remplitaussi des fonctions de soutien administratif.

Souligûons qu’il est possible, pour la Ministre, dedésavouer un plan d’action régional en matièrede main-d’oeuvre et d’emploi, ou encore une deses parties; le plan ou la partie du plan désavouéecessant alors d’avoir effet.

Emploi-Québec, unité autonome au sein duMinistère, est responsable de la mise en oeuvre et dela gestion des mesures actives d’aide à l’emploi etdes ressources afférentes, de concert avec laCommission des partenaires du marché du travail.L’unité administrative de la sécurité du revenu meten oeuvre les politiques et les programmes inhérentsà sa fôùction.

11 ressôrt de l’étude de ces deux politiques qu’ellessont susceptibles d’avoir un impact non négligeablesur le système d’éducation et sur son offre deservices, étant donné qu’elles ont des visées dontplusieurs nécessitent un engagement et uneparticipation active des acteurs de l’éducation.

3. La proposition de réforme durégime de sécurité du revenu

La proposition de réfon~e soumise pour consultation entendait privilégier des mesures actives afinde favoriser l’insertion sociale et professionnelle despersonnes se retrouvant û l’aide de dernier recours.

Rappelons que la proposition de réforme était fondéc sur la reconnaissance de la responsabilité dechaque personne de se « construire un parcourspersonnalisé vers l’emploi2’

Pour ce faire, les services d’emploi intégreront ceuxdestinés au développement de la main-d’oeuvreprestataire û ceux de l’ensemble de la main-d’oeuvre.Cela suppose également un ancrage dans une stratégie de développement local qui « ne vise passeulement la création d’emplois, mais plus généralement cherche à développer des entrepriseset des activités utiles au développement économique, social et culturel de la collectivité » (p. 14).Ce qui doit se concrétiser dans un Plan d’actionconcerté pour l’emploi, responsabilité qui relèvedu Centre local de développement qui joue alors lerôle de conseil local des partenaires du marché dutravail. Le Plan doit intégrer les priorités en matièrede développement de la main-d’oeuvre et del’emploi.

À titre d’indication, les jeunes sembleraient assezfavorables au principe du parcours individualisépuisqu’ils recommandent le « développement dansle cadre du régime d’aide sociale, de parcoursd’insertion sociale fondée sur une approche deprojet de vie, axé sur le soutien et le renforcementdes habiletés et de l’estime de soi 22,, Il n’en esttoutefois pas de même pour le caractère d’obligationàla participation qui était fait aux jeunes de 18 à 25ans; ce caractère d’obligation avait également étécontesté par plusieurs intervenants lors de laCommission parlementaire tenue sur la question ou

Madame Louise Harel, alors ministre de la Sécuritédu revenu, a déposé, en décembre 1996, uneproposition de réforme du régime de sécurité durevenu intitulée Un parcours vers l’insertion, la

21. MINISTÈRE DE LA SÉCURITÉ DU REVENU, Unparcours vers l’insertion, la formation et l’emploLSynthèse du document de consultation, Québec, 1996,p.13.

22. Forum régional de Québec sur le développement social,Créer un avenir: le defi d’une génération. Résultats dela consultation auprès des jeunes et propositions duComité d’orientation du Forum, octobre 1997, p. 41.

formation et l’emploi,

Page 41: À propos de la régionalisation en éducation et du

33

sur d’autres tribunes dont Camil Bouchard, — rappelons que celui-ci avait déjà analysé le régime desécurité du revenu dans une étude antérieure quiinitialement devait être réalisée avec Pierre Fortin—,la Commission des droits de la personne. L’obligation faite aux jeunes de participer devrait subsister, si l’on en croit M. Corbeil23qui traite de laquestion de l’aide sociale débattue lors du Congrèsnational du PQ, les 29 et 30 novembre 1997.

Il convient de souligner que la réalisation d’unparccufs individualisé vers l’emploi supposel’existeùce de mesures de formation diversifiées;plusieïhs sont citées dans le document deconsultation dont le développement de projet deformation par alternance travail-études, le régimed’apprentissage, la diversification d’activités deformation accessibles aux prestataires, des activitésde formation pour des personnes absentes dumarèhé du travail depuis longtemps.

L’application de la réforme du régime de sécurité durevenu sera confiée aux CLE et ce, quelles quesoient les orientations du projet de loi, ce dernierdevant vraisemblablement faire l’objet de discussions lors de la session parlementaire du printemps199824.

Il y aufait donc une grande convergence entre cespièces des politiques sociales québécoises, des politiques ancrées dans les communautés, faisant largement appel à certains acteurs sociaux d’horizonsdiversifiés, procédant à l’identification des besoinsde développement de tous ordres, au choix desmoyens susceptibles de leur apporter une réponseadéquate, à la répartition des ressources disponiblesen fonction de critères ou de paramètres ayant faitl’objet de discussions.

23. M. CORBEL, « Le chèque de BS saisi pour loyersimpayés. La gauche péquiste au plancher», Le Soleil, Vdécembre 1997, p. A7.

24. Tel iu’annoncé par M. Lucien Bouchard, le 30 novembre1907, le projet de loi 186 intitulé « Loi sur le soutien dureVenu et favorisant l’emploi et la solidarité sociale » a étédéposé le 19 décembre 1997.

• La contribution attendue du système

d’éducation

La contribution dttendue du système d’éducationdoit prendre diverses voies en rapport avec ces troispièces législatives

- participer aux travaux de certains CLD à titrede membre du conseil d’administration;

- rendre disponibles et accessibles certainsservices de formation jugés pertinents par lesservices publics d’emploi fournis par les CLE;

- participer aux travaux des Conseils régionauxde développement en vue de l’élaboration d’unplan stratégique de développement;

- participer aux travaux des Conseils régionauxdes partenaires du marché du travail à titre demembre du Conseil (article 40.3 de la Loi sur leministère de l’Emploi et de la Solidarité etinstituant la Commission des partenaires dumarché du travail sanctionnée le 25juin 1997);

- participer aux travaux de la Commission despartenaires du marché du travail à titre demembre de la Conunission (article 21.5 de lamême loi).

Le système d’éducation est donc appelé à collaborerà chacun des paliers de la structure — le local, lerégional, le national — en vue d’identifier lesbesoins, de les prioriser et d’élaborer un pland’action en conséquence. Il doit également fournirdes services de formation de qualité sur demandedes CLE.

Il va sans dire que le système d’éducation ou sescomposantes, les établissements de formation,constituent l’un des nombreux acteurs sociaux engagés dans la démarche de développement proposéepar le gouvernement québécois. Cet engagement sedoit d’être précisé pour en assurer l’efficacité.

Pourrait-il être vu comme une façon judicieuse demieux accomplir une partie de la - mission

Page 42: À propos de la régionalisation en éducation et du

34 Chapitre 2 Le développement des régions cadre politique

particulière qui lui a été confiée par la sociétéquébécoise, celle de former des travailleuses et destravailléurs qualifiés et de répondre aux besoins dedéveloppement du marché du travail ? Est-ce unmoydn intéressant pour mieux répondre à cet objectif? Y aurait-il des moyens complémentaires àmettre en oeuvre afm que le système d’éducations’acquitte encore mieux de cette partie de sa mission ? Quels pourraient-ils être 7 Cela reste àexplorer.

• Certaines questions sur la

régionalisation en éducation

Il est important, malgré tout, d’insister ici sur le faitque la mission du système d’éducation va au-delà dela formation de travailleuses et travailleurs qualifiés.Le système d’éducation a également la mission defaire accéder ses clientèles à la culture, de mêmequ’il aune mission d’éducation civique afin que lespersonnes puissent acquérir et développer les compétences requises pour jouer les rôles sociaux habituellement dévolus aux citoyens et aux citoyennes.

La régionalisation proposée par le ministre duDévelôppement des régions et la ministre del’Emploi et de la Solidarité interpelle le systèmed’éducation étant donné qu’elle porte sur une partieimportante de sa mission, celle de la formation detravailleuses et travailleurs qualifiés.

La situation observée soulève une interrogation surl’opportunité d’une structure régionale en éducationparallèle à celle qui se met en place pour le développement régional et le développement de la maind’œùvre et de l’emploi.

Également, on peut se demander quels seraient lesimpacts de la mise en place d’une structure additionnelle en éducation — l’instance de concertationinterordres prévue par le Plan d’action Prendre levirage du succès, par exemple — tant sur la structure explicitée plus haut que sur les établissementsde formation déjà membres et partenaires actifsdans de nombreux lieux de concertation. Nepourrait-on craindre que l’hétérogénéité structurelle

— ou la participation à plusieurs structures deconcertation — n’entraîhe l’hétérogénéité d’espritet diminue ainsi la cohésion des interventions etl’intégration la plus favorable à la culture locale— ce dernier facteur jouant un rôle fort important,comme nous l’avons mentionné précédemment,dans le développement global d’une collectivité tantau point de vue économique que socio-culturel. Et siles autres dimensions de la mission du systèmed’éducation étaient intégrées à la structure dedéveloppement régional 7 A quelles conditions celapourrait-il se réaliser ? La décentralisation et l’adoption d’une stratégie de développement localseraient-elles du nombre? Y en aurait-il d’autres ?Lesquelles ? Est-ce que ça ne dépendrait pas essentiellement d’une volonté politique au plus hautniveau et non seulement du système d’éducation etde la ministre de l’éducation 7 Ces questions mériteront d’être examinées à la lumière des travaux etdes résultats obtenus par les CLD et les CRD.

• Des questions quant auxorientations gouvernementalesen matière de régionalisation

Enfin, on peut aussi s’interroger sur l’orientationgouvernementale implicite en matière de régionalisation, à savoir si nous nous dirigeons versl’intégration territoriale des fonctions au sein d’unestructure centrale qui, dans le cas présent, pourraitêtre celle prévue par le projet de loi sur le ministèredes Régions — ainsi, il convient de rappeler que lesCRD devraient devenir la seule structure deconcertation régionale — ou encore vers une intégration territoriale par une coordination volontaire.

Du point de vue de Proulx, une structure centralecomporterait un certain nombre dc caractéristiquesdéfavorables. Ce dernier rapporte ainsi les critiquesde certains analystes qui ônt étudié cette modalitéd’intégration territoriale: «On souligne notammentson manque deflexibilité dans les comportements,ses incitations réduites à l’émulation et aux effortsexceptionnels, ses pauvres communications in ternes et externes, sa trop faible capacité d ‘adaptation aux changements ainsi que sa performance

Page 43: À propos de la régionalisation en éducation et du

35

administrative dégradantprogressivement au fildu te)nps25». Il souligne un peu plus loin que « lesdifficultés de coordination entre les départementsd’une grande organisation mutivocationnelle sontsouvent aussi importantes que celles qui existententre les petites organisations univocationnellesautonomes ». (p. 53)

Quant au choix de la coordination volontaire, ils’agit d’agir sur les valeurs de collaboration et decoopération entre les organisations et de faire appelàune culture organisationnelle territoriale plutôtqu’à une structure formelle, ce qui n’exclut pas laprésence de certaines structures formelles en vued’animer cette culture organisationnelle.

25. M.-U. PRQULX, « La décentralisatign çomnie politiquexégiônale » dans (sous la dir.) S.CDTE, J-L. KLEIN,M.-U. PROULX, Action collective et décentralisation,p. 53.

Page 44: À propos de la régionalisation en éducation et du

Chapitre 3La régionalisation en éducation

L es actuelles orientations de régionalisation enéducation ne sont pas les premières manifestations d’une volonté de régionaliser le fonctionnement du système d’éducation, II convient d’en rappeler d’abord, certains exemples significatifs.

• Des exemples antérieurs derégionalisation en éducation

Ainsi, au milieu des années 1960, un Comité duplan de développement scolaire, un Comité du plande la formation des maîtres, un Comité de planification de l’enseignement préuniversitaire et professionnel ainsi que des comités régionaux de planification scolaire’ ont été mis en place qui, pendant uncertain temps, ont été des lieux de concertation, departicipation aux pouvoirs ministériels. Ces comitésn’ auraient pas survécu aux premières grandesconfrontations entre le ministère de l’Education etles enseignants et enseignantes à propos de leursconditions de travail.

En 1984, le gouvernement adoptait t ‘Énoncéd’orientation et plan d’action en éducation desadultes intitulé Un profet d’éducation permanente.Celui-ci proposait la mise en place de servicesrégionaux d’accueil et de référence (SRAR); lesprincipaux intervenants en éducation des adultes —

non seulement les réseaux de l’éducation, maiségalement les instances plus proches du marché dutravail comme les Commissions de formation professionnelle2 ou les organismes d’éducation populaire — devaient y être regroupés « sous forme decoopérative ou autrement » en vue d’assurer larencontre « des services et des besoins, des ressources et des cheminements, autrement dit de l’offre etde la demande »(p. 66).

1. Y. MARTIN, « Limites démocratiques de la participa-ton», dans (sous la dir.) 3.-T. GO]DBOTJT,La participa-lion politique, Tnstitut québécois de recherche sur la culture, Québec, 1991, p. 59-68.

2. Ces instances sont devenues, au début des années 1990,les Sociétés québécoises de développement de la main-d’oeuvre dans chacune des régions du Québec. Elles serontappelées sous peu les Conseils des partenaires du marchédu travail.

L’objectif visé devait être de mettre en relation lademande d’un individu ou d’un groupe et les ressources édu&ativei offertes et accessibles dans lemilieu environnant, II s’agissait donc d’une aidepersonnalisée pour les individus et les groupesintéressés. En dernière analyse, il était estimé que de

- tels services « devaient conduire à une meilleureadéquation entre les services éducatifs et lesdemandes des usagers » (p. 66).

Cependant, si l’on se réfere à une étude évaluativeréalisée en 1989, par R.Grégoire et intitulée Lessurprises d’un malentendu. Etude sur les servicesrégionaux d’accueil et de référence, ces servicesont peu à peu perdu de leur substance en raison deplusieurs malentendus sur les objectifs poursuivispar ces nouveaux services; sur le mandat desservices qui s’occupaient antérieurement de cesopérations; sur la coordination délicate à réaliserentre les niveaux (national, régional, sous-régionalpuisque les SRAR devaient disposer de points deservice); sur les relations entre les différentesparties à l’interne des SRÀR; sur certaines décisions prises en contradiction avec l’énoncé depolitique; sur la difficulté pour chacune des régionsd’assumer un changement d’une telle enverguresans soutien tout en restant dans un corridor commun à toutes; sur les ressources financières nécessaires pour assurer le fonctionnement des SRARsur les coûts présumés d’un système d’informationscolaire et professionnelle dont on entend s’assurerde la fiabilité sur tout le territoire; sur les finalitéspropres du système informatique; sur les répercussions des statistiques recueillies.

En bret il semble que l’expérience des SRAR quireprésentait un changement majeur pour l’ensembledes parties intéressées, s’est réalisée sans soutienréel de la part des autorités ministérielles, avec despartenaires dont les cultures organisationnelles sesont avérées extrêmement différentes et difficiles àharmoniser, des organisations qui se sont positionnées comme des compétitrices sur le terrain, et ce,dans un cadre de fonctionnement qui n’avait pasété suffisamment précisé si bien qu’il en est résulté

Page 45: À propos de la régionalisation en éducation et du

37

des compréhensions différentes des uns et desautres objectifs poursuivis, des mandats confiés, etc.

II y a aujourd’hui en éducation, une volonté des’engager vers la régionalisation; cette volonté a étérendue explicite dans le Plan d’action ministériel,Prendre le virage du succès, rendu public en février1997. fi y était indiqué, dans la cinquième ligned’action, « Intensifier la réforme de la formationprofessionnelle et technique », que les établissements d’une même région élaboreraient une planification triennale en formation professionnelle ettechnique, le ministère devant se baser sur lesexercices régionaux pour construire la planificationnationale. Plusieurs étapes ont été franchies dans cecadre, tant par le ministère que par les établissements de formation.

De plus, dans la troisième ligne d’action, « Donnerplus d’autonomie à l’école », il a été annoncé lamise en place d’une instance régionale de concertation interordres. On a déjà eu un aperçu, dans lasection précédente, du contexte politique dans lequelune telle instance pourrait être appelée à fonctionneret les questions soulevées par sa mise en place. Deplus, à la fm de novembre 1997, selon la personneresponsable de ce dossier au ministère, il apparaîtque des décisions quant au mandat particulier et aumode de fonctionnement de cette instance ne sontpas encore prises. On souhaiterait réaliser une formede « sondage » d’opinion dans le milieu de l’éducation en vue de savoir ce que le milieu en pensecompte tenu, notamment, de leur participation à lastructure locale, régionale et nationale de développement régional déjà décrite. D’autant que plusieursdes personnes contactées semblent s’interroger surson rôle spécifique et les objectifs qui y sont liés. Ily aurait donc intérêt à assurer un suivi tout particulier à ce dossier.

Par ailleurs, considérant l’avancement des travauxen matière de planification triennale de la formationprofessionnelle et technique, nous nous pencheronsplus particulièrement sur ce dossier lui faisant jouerun rôle d’illustration de ce que pourrait signifier larégionalisation en éducation. Nous examineronsdonc le contexte dans lequel il a été entrepris et laréaction du milieu à cet égard. Nous verrons égale-

• ment, en dernier lieu, une voie vers laqûelle le systèrne d’éducation pourrait avoir avantage à s ‘orienter en vué de favoriser la régionalisation, soit cellede l’élaboration d’un projet d’établissement favorisant davantage son enracinement dans la communauté.

3.1. La question de la planificationtriennale régionale de la cartedes enseignements en formation

• professionnelle et technique

On examinera d’abord le contexte dans lequel il aété décidé que l’opération soit menée, puis on verraquelles ont été les réactions du milieu de l’éducationà cet égard.

3.1.1 Le contexte de l’opération

Il convient de préciser, dans un premier temps, quece dossier a été initié par le ministère de l’Éducation.

Des représentants du ministère ont réuni, à l’hiver1997, les responsables des établissements de formation des deux réseaux — les commissions scolaireset les cégeps — afm de leur faire part du nouveaumode de fonctionnement pour l’attribution d’autorisations additionnelles de programmes de formation— il faut noter que les établissements publics deformation doivent demander au minisière de l’Education une « autorisatipn » de programme pour êtreen mesure d’offrir un programme additionnel deformation à l’enseigrement ordinaire et être financésen conséquence. Le ministère a notamment préciséque toute nouvelle demande d’autorisation devraitobligatoirement représenter un consensus régional.

L’objectif poursuivi était, semble-t-il, de « s ‘assurerd ‘une planification concertée3 ».

Les partenaires dans cette opération ont été identifiés par le MEQ — il s’agissait des établissementssecondaire et collégial, de la Société québécoise de

3. Extrait d’un document transmis par la Direction généralede la formafion professionnelle et technique (DGFPT) auxreprésentants et représentantes du Bas-St-Laurent, p. 20.

Page 46: À propos de la régionalisation en éducation et du

38 Chapitre 3 : La régionalisation en éducation

développement de la main-d’oeuvre (sous peuConseil des partenaires du marché du travail), duComité régional pour l’emploi, ou CRE (comitéchargé de l’application du volet régional de lapolitique active du marché du travail, coprésidé parle Secrétariat au développement régional et laSociété québécoise de développement de lamain-d’oeuvre), du Conseil régional de concertationet de développement (il s’agit des CRD), de ladirection régionale du MEQ et du Regroupementdes collèges de la région.

Les cibles à viser dans le cadre de l’opération ontégalement été indiquées aux partenaires des réseauxde formation, soit « contribuer au développementéconomique de la région; accroître les collaborations entre les établissements d’enseignement etles entreprises; diversifier l’offre régionale deservices des établissements d’enseignement ~».

Bref les objectifs sont de rapprocher système deproduction et système d’éducation et ce, dans laperspective où la formation professionnelle ettechnique doit d’abord servir des visées de typeéconomique.

Les critères d’analyse de toute demande nouvelled’autorisation étaient identifiées par le ministère. Ils’agissait de

- l’importance du bassin démographique dcrecrutement;

- l’importance des besoins dc main-d’oeuvre àsatisfaire;

- les perspectives de développement économique;

- la collaboration et la complémentarité entre lescommissions scolaires et les cégeps;

- la cohérence du profil institutionnel — champd’intervention, type d’expertise, organisation

• physique et matérielle5.

Ces critères d’analyse ne reflètent cependant qu’unepartie de la mission généralement attribuée ausystème de l’éducation, soit celle de la formation detravailleuses et de travailleurs en vue de répondreaux besoins du marché du travail.

Enfin, les objectifs prioritaires de la région ontégalement été précisés. À titre d’indication, c’étaitpour le Bas-St-Laurent, les trois suivants l’augmentation du taux de diplomation des ordres secondaire et post-secondaire en formation générale et enformation professionnelle, technique et universitaire; la réintégration dans les réseaux éducatifsd’une clientèle adulte pour fins de qualificationprofessionnelle en lien avec le marché du travail;l’aide à apporter aux individus présentant desdifficultés d’intégration à vivre une expérience detravail ou à se trouver un emploi6.

Les objectifs et le cadre de fonctionnement del’opération de même que les partenaires, lescritères d’analyse de toute demande d’autorisation, les objectifs régionaux de développement des services éducatifs sont le fait du MEQ;les établissements de formation devant se conformer aux indications du ministère.

• Enbref

Il s’agit ici d’un dossier initié par le haut de lapyramide du système d’éducation et fortementencadré par lui. JI semble alors opportun de serappeler le point de vue d’Orgogozo et Sérieyx surle changement dans un modèle pyramidal tel quecelui dc l’éducation nationale en France, à savoirque « lorsque l’ensemble des acteurs internes etexternes d’un système sont d’accord sur l’urgencede moc4fier le système mais par sur les moyens dele faire, toute tentative de changement impulséepar le haut renforce le blocage de la solution.(p. 106). Toutes choses étant égales par ailleurs,cette position pourrait-elle s’appliquer au systèmed’éducation québécois?.Cela reste à voir.

4. Idem, p. 27.

5. Idem, p. 30. Soulignons que ces critères n’ont pasvéritablement changé même si une approche r6gionale estdorénavant privilégiée. 6. Idem,p.31.

Page 47: À propos de la régionalisation en éducation et du

39

Également, dans le contexte décrit plus haut on peutcroire que le local ne soit pas considéré comme unsystème différent de l’État avec lequel il faudraitaménager les relations, négocier les décisions; lelocal apparaîtrait plutôt comme le dernier échelondu central. À l’instar de ce que C&odbout7 avançaitpour les CLSC, à savoir que ceux-ci s’étaienttransformés, de projets établis et approuvés par lapopulation locale à l’origine, en organismes professionnels, intégrés au système central, reliés au localpar le fait d’une offie de services située géographiquement dans un milieu particulier, les établissements de formation ne semblent-ils pas perçusessentiellement comme un échelon d’exécution dedirectives venues du Ministère et ce, même si laparticipation des citoyens et citoyennes au Conseildes commissaires des commissions scolaires ou auConseil d’administration des cégeps est prévue?

De la même façon que les CLSC qui ont plus decomptes à rendre au réseau des affaires socialesqu’au réseau des affaires locales, les établissementsde formation semblent devoir davantage prendre enconsidération les exigences du MEQ que celles deleurs milieux respectifs.

Pourrait-on réellement espérer que le contexte actuelde rareté des ressources publiques et de compressions budgétaires sévères va avoir un impact favorable sur le rôle que le local peut jouer? Godboutavance pour le réseau des CLSC que « sans ressources, l’État va devoir constater qu’il ne peut pastoutfaire, [et que] le localpeut à nouveau prendrel’initiative et imposer ses solutions, redevenir unsystème actifqui négocie avec le central». Si l’onconsidère l’ensemble des paramètres en fonctiondesquels l’opération de planification triennale de lacarte des options en formation professionnelle ettechnique doit se réaliser, il est possible de s’interroger sur ce qu’il en sera pour les établissements deformation secondaire et collégiale; k ministère del’Éducation ayant identifié, rappelons-le, les objectifs poursuivis, précisé les partenaires de l’opération, cerné lescibles à viser, déterminé les critères

d’analyse des demandes d’autorisation de même queles objectifs prioritaires des régions.

Enfin, on peut avancer que la logique de rationalisation de l’offre de services semble avoir marquéassez fortement l’opération du point de vue duministère de l’Education.

Après avoir pris connaissance du contexte danslequel l’opétation de planification triennale enfonnation professionnelle et technique est appelée àse dérouler, il convient de se pencher sur la réalitédes acteurs du terrain, c’est-à-dire sur le point devue des persônnes au sein des établissements desréseaux secondaire et collégial au sujet des travauxqui y sont liés. A cette fin, ont eu lieu des entretiens8avec des informateurs clés dans les établissementsde même que dans des regroupements d’établissements, des syndicats ou d’autres types de personnes-ressources.

3.1.2 Le point de vue d’informateurs clés9

Il convient d’abord de souligner que ce dossiersemble avoir été pris en main par les autoritésinstitutionnelles des établissements (directeursgénéraux et directeurs de la formation professionnelle dans les commissions scolaires, directeursgénéraux et directeurs des études dans les cégeps);les autres personnels des établissements ne pouvantque participer aux travaux liés à la production duplan de développement de l’établissement où ilstravaillent. Quant aux syndicats, leur participationaux travaux du Comité national des programmes deformation professionnelle et technique aurait étéconsidérée comme suffisante par les responsablesinstitutionnels, fi n’aurait donc pas été jugé pertinent de les associer à cette opération.

Il apparaît, selon les intervenants contactés, qu’ils’agissait toutefois là d’un dossier plutôt difficile,

8. Vous trouverez la liste de ces personnes en annexe 2.

• 7. 3. GODEOUT, « Les relations central-local ou le rendez-vous manqué », Revue internationale d action communautaire, 13/53, printemps 1985, p. 125-130.

9. Les points de vue qui sont présentés dans cette sectionsont, pour l’essentiel, ceux des personnes consultées dontyous trouverez la liste en annexe 2. L’auteure a toutefoisinclus certaines des questions soulevées par quelques-unsdes éléments recueillis.

Page 48: À propos de la régionalisation en éducation et du

40 Chapitre 3: La régionalisation en éducation

voire délicat et complexe dans sa réalisation. Plusieurs raisons sont évoquées, dont les suivantes:

le manque d’expérience dans la collaborationou le partenariat pour tout ce qui touche auxprogrammes de l’enseignement ordinaire entreles établissements de formation ou avec d’autres partenaires — certains ont mentionné lacrainte de se fairç « voler $ des projets par desétablissements concurrents, d’autres l’existence de préjugés vivaces entre le secteurparapublic et le secteur communautaire — etl’absence de soutien pour transformer laculture organisationnelle dans ce sens. fi est enconséquence possible de se demander si larégionalisation de la carte des enseignements enformation professionnelle et technique se déroulerait de la même façon si les autorités institutionnelles des établissements étaient mieux enmesure d’utiliser efficacement diverses techniques de négociation adaptées à la conjonctureet au contexte dans lequel le système d’éducation est appelé à évoluer;

un système de finaacement’° des établissements fondé sur le recrutement de la clientèle,un tel système favorisant davantage la concurrence que la coopération entre les établissements; une clientèle qui ne s’inscrit pas dans unétablissement, c’est de l’argent en moins pour yréaliser certains projets qui pourraient s’avérerimportants pour l’avenir de l’établissement;

une communication difficile, voire manquantde transparence entre le ministère et les établissements à propos des balises devant encadrer

réellement poursuivis par le MEQ. Pour certains, le MEQ se serait fixé un double objectifen renvoyant dans les régions la responsabilitéde décider de la complémentarité des établissements de formation et de la localisation desautorisations additionnelles, à savoir, d’unepart, légitimer dés compressions budgétaires,les développements potentiels de l’orne deservices ne devant pas s’avérer nombreux étantdonné la difficulté d’atteindre un consensusrégional, et, d’autre part, reporter sur lesétablissements le poids d’une « négociation s

interordres et intra-ordres.

À titre d’indication de la difficulté de la communication, plusieurs des intervenants contactésont déclaré qu’il n’y avait pas de calendrier deréalisation pour un tel dossier1’ alors que pourd’autres, il y avait intérêt à déposer une planification au moins pour la première année del’exercice triennal et ce, au plus tard pour laréunion du mois de novembre 1997 du Comiténational des programmes de formation professionnelle et technique afin d’être en mesure demodifier l’offre régionale de formation pourl’année 1998-1999;

les bases financières sur lesquelles réaliser laplanification triennale ne sont pas perçues de lamême façon par les intervenants : pour certains,la base fmancière « O » dont il aurait été question avec le ministère — ce qui implique quel’évolution de l’offre de services en formationprofessionnelle et technique devrait se réalisersans hausse de coûts — doit être régionale.Une telle position supposerait que le coût des

l’opération, de même que sur les objectifs

10. À titre d’information, le ~ystôme actuel de financement descollèges désinciterait les établissements à fermer desprogrammes d’études, entre autres, en leur faisant porterla responsabilité du poids des enseignants et desenseignantes mis en disponibilité ou en acceptant unenorme de 4 étudiants ou étudiantes au sein d’un groupe.La rationalisation de l’offre de services en serait rendued’autant plus difficile.Pour certains, il conviendrait donc de fournir un levierfinancier à cette fin, c’est -à-dire une mécanique quirendrait possible l’utilisation de l’enveloppe réseau danscette perspective.

ii. À titre d’information additionnelle à ce sujet, il nous fautsouligner que la région de l’Estne a déposé uneplanification triennale au printemps 1997 alors que lesresponsables des établissements de la région de Québec etde Chaudière-Appalaches ont été convoqués, par une letteen date du 24 septembre 1997, pour une réunion devant setenir le 28 novembre dans le premier cas et le 14novembre 1997 dans le second cas. L’objectif indiquépour la réunion était la mise en place d’un Comité régionalde concertation en vue de préparer la planificationtriennale des programmes de formation professionnelle ettechnique.La réunion a été convoquée par le directeurrégional de Québec-Chaudière-Appalaches et par lePrésident du Regroupement des cégeps des régionsChaudiêre~Appalaches et Québec.

Page 49: À propos de la régionalisation en éducation et du

41.

nouvelles demandes d’autorisation doit êtrecompensé par des retraits d’autorisation, accroissant d’autant les difficultés d’arriver à unconsensus. Pour d’autres, la base financière« O » doit être nationale. Ce point de vue signifierait que l’amélioration d’une offie de servicesdans une région doit être compensée par unerestriction imposée à une autre région, rendantle rôle du ministère d’autant plus délicat à jouersurtout que les décisions prises doivent conserver un caractère delégitimité et ______________________

d’équité. Pourd’autres enfm, iln’aurait jamais étéformellementquestion de basefinancière, ceux-ciestimant en conséquence qu’unetelle donnée nedevrait pas êtreconsidérée dansles travaux quidevraient être terminés sous peu;

des interrogationssur la validité desoutils fournis parle MEQ sur les besoins en main-d’oeuvre aussi bienque sur le caractère étroit desprévisions de besoins sont relevées _____________________

par plusieurs despersonnes consultées; le caractère étroit des prévisions de besoins étant susceptible de limiter considérablement le développement de l’offre de servicesdes établissements — ainsi, il sembleraitqu’une nouvelle autorisation de programme nepuisse être accordée à un établissement que s’ilexiste, dans la région, des entreprises au seindesquelles d’éventuels fïnissants ou fmissantes

pourraient travailler’2. Une telle positioncondamnerait les régions, selon plusieurs intervenants, à maintenir ou à conserver leur structure économique en l’état elle négligerait lespossibilités de développement initiées par despersonnes formées. Ily aurait également eu desinterrogations sur la pertinence des outilsfournis pour réaliser l’exercice de planificationconsidérant la mission particulière du systèmed’éducation; les cibles de l’opération révélant,rappelons-le, une perspective économique,c’est-à-dire la fonnation de travailleuses et detravailleurs qualifiés en vue de répondre auxbesoins actuels et prévisibles du marché régional du travail;

plusieurs questionnent les modalités de prisede décision par le MEQ. Ainsi, certain~ semblent craindre des décisions inspirées essentiellement du principe de « Premier arrivé, premier servi »13 Dans la même veine, plusieurss’interrogent sur la manière dont le MEQ vaexercer le leadership nécessaire au développement équitable et hannonieux du systèmed’éducation, qu’il s’agisse de l’équité inter-réseaux ou de l’équité inter-régions et ce,surtout que d’après certains, le plan nationalrisque d’être une somme des plans régionaux.Quelques-uns ne comprendraient pas non plusle rationnel d’un exercice triennal alors qu’il estclair que le ministère ne peut s’engager fmancièrement au-delà de la première année;

les personnes participant aux travaux du Comité national des programmes d’études professionnelles et techniques s’interrogeraient sur

12. À titre d’information, il semblerait que l’on ait déjàdemandé à obtenir, au Saguenay-Lac-St-Jean, uneautorisation pour un programme de transformation desmétaux. Cette demande a été refusée et ce, en dépit de laproximité de l’ALCAN et, par conséquent, de ladisponibilité de la matière première.

13. On explique cette appréhension par le fait que certainesdes regions qui ont fait parvenir au ministère leurplanification triennale ont déja reçu une réponse de la partde la Ministre, fi semble à plusieurs des ,personnescontactées que cela devrait rendre problématique, voireimpossible que le ministère assume pleinement uneresponsabiite d’équité inter-régions

L’offre de formation liée à laprésence d’entreprises

La position qui ressort desoutils fournis par le MBQ semble en contradiction avec lediscours public incitant certains groupes, tels que les jeunes, à créer leur propre emploi.Un des intervenants contactésa insisté sur le fait que, biensouvent, « l’offie crée sa propre demande », ce qui paraitplus proche du point de vue dela CEQ qui estime qu’a il fautdorénavant opter pour uneapproche de développementdes régions et de l’emploi; touten reconnaissant au réseaud ‘éducation la responsabilité etk devoir d ‘offlir aux jeunes del’ensemble des régions l’accèsà uneformation correspondantà leurs goals et aptitudes. »

Orientations de la CEQ concernant la formation professionnelle et technique dans lecadre des États généraux surl’éducation, 20juin 1996, p. 9.

Page 50: À propos de la régionalisation en éducation et du

42 Chapitre 3: La régionalisation en éducation

les modalités de fonctionnement de cetteinstance, sur les responsabilités que celle-cidevrait assumer à l’égard de cette opération, surles informations transmises et leur qualité, pourêtre réellement en mesure de prendre une décision éclairée quant à la nature de la recommandation à faire à la ministre de l’Education àpropos de la proposition de planification triennale que chaque région est appelée à faireparvenir au ministère;

- plusieurs se questionnent sur le rôle d’autresinstances régionales (Conseil régional dedéveloppement, Conseil régional des partenaires du marché du travail, Secrétariat au développement de la région, direction régionaled’Emploi-Québec, etc.) quant à leur participation à la prise de décision à propos d’un réeldéveloppement de l’offre de services de formation.

Les établissements de formation semblent avoirfonctionné selon une logique de développement del’offie de services, nonobstant le contexte de raretédes ressources publiques et de compressions budgétaires assez sévères imposées par l’État québécois

w En bref

Si l’on se réfère à l’Annexe P4 qui explicite lesprincipales caractéristiques d’un système bureaucratique, ne peut-on voir que cette opération de planification triennale de la carte des enseignements enformation professionnelle et technique relèveraitplutôt d’une logique bureaucratique, tant du point devue du central que du point de vue du local? Eneffet, il serait délicat de voir un transfert de responsabilités vers la société civile étant donné qu’il n’apas été possible de distinguer un élargissement de laparticipation des acteurs sociaux car seules lesautorités décisionnelles des établissements de formation semblent avoir été actives dans ce processus.

14. fi convient de souligner que les caractéristiques de l’état 2constituent une proposition d’Orgogozo et Séneyx alorsque les caractéristiques de l’état 1 décnvent bten lesystème bureaucratique.

Quant à un partage différent de pouvoirs et responsabilités entre le central et le local (inhérent à ladécentralisation), il n’est pas non plus possible de lediscerner considérant l’encadrement imposé par leministère sur pratiquement tous les plans. De plus,rappelons à nouveau que le ministère ne pouvait pass’engager financièrement sur un horizon de troisans. Qu’en est-il alors de l’autonomie fmancièrenécessaire à une réelle décentralisation ? Il nesemble rester aux établissements de formation quela responsabilité de s’entendre sur certaines recommandations de développement de l’offre de servicesà la suite de tractations plus ou moins difficiles,voire très complexes entre établissements du mêmeordre d’enseignement et avec les établissements del’autre ordre d’enseignement d’une même région.

On semble là, assez éloigné de ce que suppose ledéveloppement social en terme d’intégration desdimensions sociale et économique d’un projet et departicipation des acteurs sociaux; d’autant que lesprojets mis de l’avant et susceptibles de faire l’objetd’une recommandation favorable correspondentd’abord à un projet « défendu » par un établissement.en particulier. La dimension régionale à considérerapparaît alors davantage comme un paramètrebureaucratique que comme une réalité vivante, « uneentité socialement construite» (voir note 48), larégion ne représenterait pas vraiment une référenceidentitaire qui, on l’a vu, serait un élément important dans un processus de développement local,fortement lié à la décentralisation.

Aussi, on serait assez éloigné de ce que supposel’adoption d’une stratégie locale de développement,stratégie basée sur la participation de tous lesacteurs sociaux, poursuivant un objectif d’élargissement de la démocratie et proposant des projetsintégrant le social et l’économique.

fi conviendrait également de faire un rapprochementavec l’expérience des Services régionaux d’accueilet de référence dont il a été question au début de laprésente section et avec les motifs qui ont conduit àleur abandon progressif, à savoir des organisationsdont les cultures organisationnelles. sont assezdifférentes, qui n’ont pas encore développées des

Page 51: À propos de la régionalisation en éducation et du

43

habitudes de collaboration entre elles, des organisations appelées â fonctionner plutôt comme desconeuntntes que comme des collaboratrices, notamment en raison de leur mode de financement, desorganisations qui n’ont pas pu disposer d’un réelsoutien pour s’engager dans une opération quiprésupposait une certaine harmonisation de leurscultures particulières.

Enfin, on semble aussi assez éloigné de ce quipourrait éventuellement servir d’inspiration auQuébec, soit les contrats d’objectifs qui représente, en France, pour l’ensemble des partenaires,Etat, Régions et branches professionnelles, ii lapossibilité de se doter d’un cadre unique de concertation sur tous les thèmes de réflexion et denégociation concernant la formation et I ‘emplot.11 peut en particulier être l’occasion d’une réflexion globale sur les question de formalion,englobant non seulement la formation initiale desjeunes, mais aussi leur formalion continue etmême la formation continue des adultes, salariéset chômeurs’5 », les contrats d’objectifs devant viserà assurer une meilleure cohérence entre les politiques de formation et les pratiques de recrutement etd’intégration des jeunes et, éventuellement, deschômeurs dans les entreprises. En principe, lecontrat d’objectifs devrait permettre « de construireune prospective partagée des métiers, des qual~flcations et desformations qui ypréparent ». (p. 18)

On pouvait vraisemblablement émettre l’hypothèsequ’une régionalisation en éducation ne devrait seréaliser qu’à certaines conditions plus favorables.Nous en examinerons certaines dans la sous-sectionsuivante, dont la démarche vers l’élaboration d’unprojet d’établissement et d’un plan de développement

15. Comité de coordination des programmes régionauxd’apprentissage et de formation professionnelle continue,La mise en oeuvre des contrais d’objectifs, Paris, 1996,p. 10. Les premiers contrats dobjectifs comprendraientdes mesures liées à l’onentation, la pédagogie, l’amélioration de la qualité des formations, etc. Il est précisédans ce document que le premier rôle du contrat d ‘ob

jectifs est de permetire une démarche de concertationpermanente entre lesparties signataires sur des objectifscommuns deformation. » p. 17.

3.1.3 À propos de certaines conditions àune régionalisation en éducation

fi semble pertinent de croire qu’une régionalisationréussie en éducation soit fonction, d’abord, d’unedémarche dans laquelle devrait s’engager chacundes établissements de formation en vue de l’adoption d’un projet d’établissement’6 et d’un plan dedéveloppement bien enracinés dans une identitélocale ou régionale définie — notons que, du pointde vue de Bassand, « I ‘identité est une créationcollective, culturelle, toujours en devenir’7 », quiprécise aussi à ce sujet qu’.c elle suscite une fiertéd’appartenance, une volonté d’agir en safaveur,elle est source de cohésion ». (p. 282) —; ce quifacilite la mobilisation des acteurs, étant donnéqu’.c aucune action collective n ‘estpossible si lesacteurs n ‘ontpas le sentiment de s ‘identifier, sur

16. CONSEIL SUPÉRIEURDEL’ÉDUCATION,Pourunnouveau partage des pouvoirs et responsabilités enéducation, rapport annuel 1995-1996, Québec, p. 38-39.n y est explicité que le projet d’établissement énonce 4esvaleurs; qu’il est inspirateur d’action, les valeurs choisiesdevantnécessairement mener à l’action; qu’il s’aqit d’uneentreprise collective; qu’il doit être réaliste et realisable;qu’il dnit rendre plus clair, aux yeux de tous et toutes, ladirection vers laquelle il faut tendre; que c’est là oùl’étudiant ou l’étudiante peut trouver la conception quel’établissement se fait d’une formation de qualité et lesvaleurs qui y sont rattachées; qu’il clarifie le cadre del’action pour l’ensemble des ressources humaines del’établissement qu’il favorise la concertation avec despartenaires externes. Voir aussi Y. MORIN, Le projetéducatifd établissement: quoi, pourquoi et comment?,Centre d’intervention et de consultation des cégeps,Fédération des cégeps, Montréal, 1994. De plus, notons,à titre d’illustration, qu’il est fait mention, dans le projetéducatifd’établissement du cégep du Vieux Montréal, quecelui-ci « demande que tous s ‘imprègnent desorientations générales qu’a véhicule afin de les incarnerdans leurs pratiques respectives. Un projet éducatifd’établissement trouve sa véritable raison d’être dansl’engagement concret et quotidien de ses d(fférentspartenairer.» Quant aux valeurs privilégiées dans ce projetd’établissement, il est intéressant de les noter étant donnéqu’elles sont similaires à ce que suppose le développementsocial, soit • la collaboration, la coopération et lepartage[...] La diversité suppose que chacun se tournerésolument vers le monde pour l’apprivoiser et s ‘engage,à sa mesure, à le faire évoluer. C ‘est ainsi que nousdevons cultiver l’entraide, l’équité et la solidarité faceaux défis actuels de notre société et de l’humanité.

17. M. BASSAND, Développement local et processusidentitaire » dans (sous la dir.) C. GAGNON, i-L aEIN,Lespartenaires du dévelo~pem entface au defi du local,Groupe de recherche et d intervention régionale (GRIR),Université du Québec à Chicoutimi, 1992, p. 280.

Page 52: À propos de la régionalisation en éducation et du

44 Chapitre 3: La régionalisation en éducation

un plan ou un autre, à un projet égalementpartagé ~

Une démarche vers l’élaboration d’un projet d’établissement et d’un plan de développement, ouvertenon seulement aux partenaires de l’intérieur desétablissements mais également à la communautéenvironnante, pourrait mieux fonder la complémentarité des, établissements les uns par rapport auxautres, en influant fortement sur le profil institutionnel des établissements. La réponse à fournir auxbesoinsde formation, peu importe leur type, seraitvraisemblablement mieux adaptée â la réalité, ce quidevrait favoriser une plus grande collaboration et,par conséquent, un « réseautage » effectif dans ledomaine de l’éducation.

La démarche d’élaboration d’un projet d’établissement et d’un plan de développement supposeraitcependant le sens de l’écoute de la part de toutes lesparties concernées en vue d’une communicationeffective; le sens de l’écoute assurant le respect etla tolérance et rendant possible le débat démocratique.

L’adoption de projets d’établissement et de plans dedéveloppement devrait amener la différenciationdes établissements; le réseautage en résultantdevrait faciliter le développement d’une intelligencecollective susceptible d’être orientée vers l’amélioration continue et l’innovation systématique del’offre de services; l’intelligence collective n’étantpas le génie, selon Rolland et Sérieyx, toutefois,celle-ci «privilégie la culture du résultat à celle del’effort L ‘intelligence collective [ajoutent-ils]nécessite des méthodes, le respect de l’autre, desrègles dujeu, des coopérations ~ Ce cjui supposerait une confiance entre les partenaires à l’intérieur du réseau; on a déjà vu, un peu plus haut, quecelle-ci n’était pas vraiment au rendez-vous dans le

cadre de l’élaboration d’une planification triennaleen formation professionnelle et technique.

Julien, Raymond et Jacob ont souligné ainsi, lorsd’une récente communication, une des conditions dela construction d’une confiance réseau (c’est-â-dired’une confiance entre des « partenaires ‘ê, les établissements de formation engagés dans une même démarche, celle de la formation des persones dans lecas du système d’éducation) : «La confiance réseause construit d’abord sur une perception mutuelleque l’autre peut contribuer par ses compétencesdistinctives au développement d’un projet collectif°». Le système d’éducation, ou des regroupementsde ses composantes disposent-ils de tels projetssusceptibles d’être mobilisateurs? Le faudrait-il?L’exercice de planification triennale en formationprofessionnelle et technique pourrait-il être assimiléà ce type de projet? Ce ne semble vraiment pasévident Cependant, le rôle de la formation apparaîtcrucial à cet égard, celle-ci ne pouvant qu’êtreconsidérée comme « l’outil de la transformation, oùles acteurs en présence s ‘affrontent et réfléchissentpour créer leurs nouvelles règles du jeu, leursnouvelles pratiques21».

Dans une telle perspective, chaque établissement deformation conserverait, tout de même, la responsabilité d’assurer son propre développement, notamment en étant â l’affflt des indices permettant dedétecter une évolution dans la nature ou l’ampleurdes besoins de la communauté environnante et, pluslargement, de la société au sein de laquelle il estappelé à fonctionner.

Une telle démarche supposerait toutefois des changements profonds dans les pratiques — une

18. P. HANEL, Action collective et démocratie locale. Lesmouvements urbains montréalais, Montréal, Les Pressesde l’université de Montréal, 1991, p. 70.

19. OEROLLAND,1L SÉRJEYX,Colèreà deux vohç Quandles organisations laminent les talents, Paris, TnterEditions,1995, p. 53.

20. R. JACOB, P.-A. JULIEN, L. RAYMOND, L’organisation apprenante ou apprendre à apprendre en réseau »,Communication présentée dans le cadre du 9e Congrès del’Association Internationale de Psychologie du Travail deLangue Française, Université de Sherbrooke, 27-29 aoflt1996, p. 6.

21. G. ROLLAND, H. SÉRJEYX, op. cit., p. 60.

Page 53: À propos de la régionalisation en éducation et du

45

gestion22 plus transparente, plus confiante despartenaires de l’intérieur comme de l’extérieur, despratiques plus collégiales de la part des enseignantset des enseignantes, une réelle ouverture aux besoinsdu milieu, des syndicats en mesure de fonctionnerdifféremment, un ministère plus axé sur une visionà moyen et long terme.

Une telle démarche devrait aussi favoriser la conciliation de deux logiques en fonction desquellesl’opération se réalise, soit la logique de rationalisation de l’offre de services qui semble prévaloir auministère de l’Education et la logique de développement défendue par les établissements de formation.

w En bref

Une démarche telle celle explicitée plus haut, devraitfavoriser la participation à des « réseaux d’acteurs~» susceptibles de constituer des appuisessentiels à des projets de développement de toustypes; l’objectif de développement social s’incarnant dans un projet fondé sur le concept de « bienconunun » qui transcende les intérêts catégoriels detoutes les parties en présence.

S’engager dans une démarche d’élaboration de cetype supposerait, il est utile de le dire à nouveau, laprésence de certaines conditions stratégiques auregard d’une dynamique dans le système d’éducation qui serait axée d’abord sur les établissements. Nous en examinerons maintenant certainesqui se situent au sein même des établissements,c’est là le premier lieu où le système d’éducationpeut commencer à agir. Elles portent, entre autres,sur les pratiques de gestion au sein des établissements, sur l’organisation du travail et les pratiquesenseignantes, sur les pratiques syndicales:

22. Le Conseil supérieur de l’éducation, dans son rapportannuel 1991-1992 intitulé La gestion en éducation: lanécessité d’un autre modèle, indiquait certaines pistespour une gestion renouvelée en éducation. Le rapportannuel 1995-1995 intitulé Vers la maîtrise du changement en éducation en comportait d’autres~

23. A. JOYAL,L. DESHAIES, « Milieu innovateur, dévelop-~pement local et PME québécoises innovantes », Revuecanadienne des sciences régionales, 1997 (â paraître),Chaire Bombardier.

• À propos de conditions à l’instaura’tion d’une nouvelle dynamique en éducation

• Des changements dans les pratiques degestion

Le défi actuel du système d’éducation, celui de laréussite du plus grand nombre, fait ressortir l’importance de la qualité, d’autant que celle-ci est « Jonclion de! ‘engagement de chacun dans l’entreprise,des manutenlionnairês et des standardistes commedes ingénieurs2S. L’engagement est toutefois étroitement lié au leadership qui s’exerce au sein del’organisation et au travail des équipes mises enplace, ces dernières constituant « l’unité de performance clé de l’entreprise de demain’~ ‘t

Du point de vue d’Archambault, la meilleuregestion26 est « celle qui sait mobiliser et s ‘exprimer les potentialités de tous dans l’entreprise ‘çles leviers de mobilisation27 pouvant être nombreux,dont le sentiment d’appropriation du travail et del’organisâtion par les employés et les employées, laparticipation active à la vie de l’organisation etl’émergence d’un système de valeurs axées sur lesrésultats visés, l’intéressement des employés et desemployées dans l’atteinte des objectifs de l’organisation — selon Filion, « pour mobiliser les employés selon cette approche, ii faut directementassocier leurs intérêts aux résultats de 1 ‘organisation en ciblant leur contribution réelle. Cetteassociation doit se faire autant au plan individuel

24. T. PETER~, N. AUSTIN, Lapassion de l’excellence,Paris, InterEditions, 1985, p. 123.

25. 3. KATZENBACH, D. SMITH, Les équipes hautepeilormance. Imagination et discipline, Pans, Dunod,19~4, p. 240.

26. Y. .ARCHANBATJLT, « L’ambition du gestionnaire: lamobilisation des personnes ê dans Colloque sur ledéveloppement des ressources humaines, L ‘organisationdu travail en milieu universitaire, Montréal, 23-24novembre 1994, Les Presses de l’Université du Québec,Ste-Foy, 1995, p. 49_50:

27. A. FILTON, « La gestion du personnel dans une perspective de décroissance. Processus de mise en oeuvre de ladécroissance et mobilisation des employés » dans Colloquesur le développement des ressources humaines dans lesuniversités, L ‘organisation du travail en milieu universitaire, Montréal, 23-24 novembre 1994, Les Presses del’Université du Québec, Ste-Foy, 1995.

Page 54: À propos de la régionalisation en éducation et du

46 Chapitre 3: La régionalisation en éducation

que collechf» (p. 196)—; la mobilisation résultant,selon DeCelles, d’une « centration » sur les personnes plutôt que sur les structures et permettant« aux membres de l’organisation de s ‘approprierle sens de I ‘adilôn collective28 ».

On l’a déjà vu, la mobilisation des acteurs, où qu’ilsse situent, représente un facteur d’importance pourtout projet de décentralisation, peu importe où celui-ci doit se dérouler, à l’intérieur d’une organisation,d’un système constitué d’un certain nombre decomposantes comme celui de l’éducation ou, pluslargement, d’un Etat.

Également, il est important de prendre en considération certains facteurs susceptibles de s’avérer descontraintes à une mobilisation effective. Il pourraiten être ainsi de la multiplication des statuts d’emploi et de la précarité de plus en plus grande del’emploi, facteurs qui pourraient également influersur la qualité des services.

Quant aux équipes, leurs caractéristiques seraientd’être constituées d’un nombre restreint de personnes dont les compétences sont complémentaires lesunes par rapport aux autres; leurs membres s’engageraient sur un projet et des objectifs communs —

pour Katzenbach et Smith, « le projet donne le tonet mobilise une équz~e. » (p. 153) —; ils adopteraient une démarche commune et se considéreraientsolidairement responsables (p. 62), condition essentielle de l’existence d’une équipe alors que lesmembres d’un groupe de travail n’endosseraient quela responsabilité de leurs propres actes (p. 89), sibien que dans une équipe, il devrait y avoir fusiondes responsabilités personnelles et de la responsabilité collective.

Les avantages des équipes seraient nombreux dontcelui de l’accroissement du potentiel de performan

ce29 des individus, des hiérarchies et des processusde management.

Les équipes représenteraient aussi un moyen efficace de favoriser, au sein de l’organisation, lesentiment, d’appartenance et, par conséquent,l’engagement mais ce, à la condition que le leadercroit en ceux et celles qui travaillent avec lui et queles chefs d’équipe reçoivent les moyens et les outilspour mener à bien leur mission. Le travail d’équipesupposerait un certain degré de confiance mutuelleentre les parties. Ce qui pourrait s’avérer problématique dans le système d’éducation si l’on se réfèreaux échos recueillis sur le terrain au sujet du dossierde planification triennale en formation professionnelle et technique.

L’élaboration d’un projet d’établissement et d’unplan de développement représenterait probablementune bonne occasion de passer d’un fonctionnementcloisonné, voiré taylorisé où chacun poursuit sespropres objectifs professionnels sans réellement sepréoccuper de l’ensemble, à un fonctionnementplus intégré, plus collectif et plus solidaire oùchacun se considérerait engagé par rapport àl’ensemble des objectifs découlant dc la missionmême de l’établissement.

Cela pourrait également être vu comme un premierpas vers la décentralisation effective des pouvoirs etresponsabilités, pas qui se déroulerait à une petiteéchelle.

Une organisation du travail différente etdes pratiques enseignantes en évolution

La démarche d’élaboration d’un projet d’établissement et d’un plan de développement soulèveégalement la question de la conception de l’ensei

28.. P. DE CELLES, L’université organisation auto-formatrice », allocution résumée par L. Phaneuf dans L ‘organisation du travail en milieu universitaire, Colloque surle développement des ressources humaines dans lesuniversités, Montréal, 23-24 novembre 1994, Les Pressesde l’Umversité du Québec, Ste-Foy, 1995, p. 219.

29. Katzenbach et Smith affirment qu’~ l’équipe obtientsystématiquement des résultats supérieurs à ceuxauxquels parviendraient une série d’individus ayantchacun un~poste et des responsabilités séparées. . Quantà H.P. Sims et P. Lorenzi, ils évoquent des gains deproductivité dc 30% à 70% par rapport aux systèmes traditionnels d’organisation du travail dans The New Leadership Faradigm. SocialLearning and Cognition in Organisations, Sage Publications, Londres, 1992, p. 209-210.

Page 55: À propos de la régionalisation en éducation et du

47

gnement et celle de l’autonomie des enseignants etdes enseignantes.

Lessard3° identifie deux principales tendances, dansle monde de l’éducation, au regard de la conceptionde l’enseignement, la professionnalisation d’unepart, et la prolétarisation d’autre part.

La concrétisation de cette démarche fondée sur l’engagement des personnels scolaires, sur leur mobilisation n’impliquerait-elle de favoriser davantage uneconception de professionnalisation de l’enseignement ? Un réel professionnalisme comportantcependant des obligations d’imputabilité, ce qui nepeut se réaliser sans une certaine forme d’évaluation.

N’y aurait-il pas intérêt à ce que le travail desenseignants et des enseignantes, â l’instar del’ensemble du travail humain, s’oriente vers unepratique plus collective étant donné que « l’efficience est de plus en plus difficilement sécable enunités individuelles ~

Plusieurs auteurs le croient. Ainsi, Payeur liel’organisation collective du travail et le profçssion

nalisme, dans le contexte de l’éducation, quand ilaffirme qu’~ une organisalion du travail centréesur la reconnaissance du professionnalisme aaussi un versant collectif: celui de la coopérationet de l’échange entre pairs. Une école ne peut serésumer à l’addition de choix individuels et isolés,si professiohnels puissent-ils être32». Dans sonrapport annuel intitulé Laprofession enseignante:Vers un renouvellemènt du contrat social, leConseil supérieur de l’éducation souligne la plusgrande efficacité des établissements qui traitentl’enseignement comme une tâche collective au regard des apprentissages des élèves. Dans son trèsrécent avis sur la pratique enseignante au collégial,le Conseil montre l’importance de développer unprofessionnalisme collectif.

Une pratique collective doit être mise en relationavec l’engagement et la mobilisation nécessairedes acteurs dans le cadre d’un projet d’établissement vu comme un des éléments fondateurs duprocessus de décentralisation au sein des établissements du système d’éducation, processus favorable tant au développement social qu’à la participation des acteurs et pouvant accroître leur capitalsocial ainsi qu’à leur insertion dans une démarche dedéveloppement régional.

30. C. LESSARD, « Les conditions d’un travail professionnelen éducation », Options CEQ intitulé L ‘organisation dutravaiL Donnons nous les moyens de faire autrementPourquoiprendre l’initiative?, Hiver 1993-1994, p. 103-119. La tendance de la professionnalisation pourrait êtrecernée de la façon suivante l’enseignement est axé sur lanotion de travail interactil~ l’enseignement est un métier derelations humaines, fait d’imprévisibilité, de complexité etde différenciation, ce qui implique autonomie, concertationet collégialité; l’enseignement suppose une pratiqueréflexive constante; la relation maître-élève(s) est au centrede la qualité de l’éducation; l’enseignement ne peut serationaliser complètement Quant à la prolétarisation, ellepourrait se caractériser ainsi: L’enseignement est constituéd’un éventail de comportements de plus en plus enserrésdans un ensemble de stratégies et de moyens d’ensei~nement et d’évaluation pensés par des spécialistes; I enseignement est organisé en fonction d’une division dutravail où l’enseignante et l’enseisnant sont interchangeables, capables d’utiliser des « kits » didactiques construits par des sp&inlistes l’enseignement est vu comme unsystème technologique avec des enseignantes et des enseignants interchangeables si bien que « dans le fond, peuimporte qui enseigne, pourvu qu’il suive l’ensemble desmodulesprédefinis, les object(/&, le matériel, lesformatsd’évaluation, etc. » (p. 109)

31. J.-P. DUR.A140 (sous la dir.), Vers un nouveau modèleproductif?, Paris, Alternatives économiques, Syros,1993,p.1 52.

U apparaît raisonnable de croire que les impacts dela décentralisation et de l’engagement dans unedémarche comme celle déjà décrite, sur les conditions de la pratique de l’enseignement et sur lefonctionnement même du système d’éducationseraient nombreux et importants. On pourrait endéduire que les organisations syndicales soientappelées, dans une telle perspective, à se transformer de façon importante.

Des changements dans les pratiquessyndicales

La décentralisation qui amène les établissements deformation à s’engager dans des voies: différentes,

32. C. PAYEUR, Une autrefaçon defaire. J, ‘éducation auDanemark en Fin lande, en Suède et en Ecosse. Rapportde la mission CEQ sur l’organisation du travail enéducation, novembre 1993, p. 46.

Page 56: À propos de la régionalisation en éducation et du

48 Chapitre 3 : La régionalisation en éducation

dans des projets d’établissement distincts les unsdes autres, est susceptible d’impacts importants surl’organisation du travail tant pour la gestion quepour le personnel enseignant, on l’a déjà vu plushaut. Des établissements qui fonctionneraientdifféremment les uns des autres devraient amenerles syndicats à revoir leurs pratiques afin d’être enmesure d’offiir à leurs membres un appui qui prenneen considération la dynamique locale.

Cela suppose toutefois que l’on précise davantageles positions concernant certaines des préoccupations importantes des enseignantes et des enseignants, qui pourraient influer sur la forme d’appuisyndical à fournir localement.

Ainsi, selon des recherches récentes, certains facteurs organisationnels qui renvoient au contenumême de la tâche, soit la question professionnelleconstitueraient maintenant un enjeu majeur pourl’action syndicale33. Ce qui ne peut que faire émerger une tension entre action professionnelle et actionsyndicale au sein des organisations syndicales, cesorganisations devant être en mesure de soutenir undébat sur la mission de l’école et le râle des enseignants.

La conciliation des préoccupations professionnelleset syndicales représente un défi pour les syndicatsqui devront se réorienter pour renforcer l’intervention locale et repenser l’encadrement formel desconditions de travail. Les attentes envers les syndicats étant que ceux-ci fournissent les informationset les moyens nécessaires pour permettre aux milieux de régler leurs problèmes. Ainsi, â titre d’indication à cet égard, notons que dans les contextesaméricains et danois notamment, une approche derésolution de problème aurait été privilégiée; lesmembres de l’asgociation locale devant alors évaluerleurs capacités à vivre avec les différentes avenues

de solutions proposées par chacune des parties. Unetelle approche semble fondée sur ce que Handyappelle le « contrat chinois où le compromisserait vu comme « un préalable à toute forme deprogrès: les deuxparties doiventfaire des concessions pour pouvoir ensuite gagner toutes lesdeux~ », le compromis n’étant « possible que s ‘il yaune cause commune, une caisse plus importanteque soi-même, et une confiance en l’autre » (p. 87).

Tout cela doit être considéré, semble-t-il, en relationavec la nécessité d’une vision à long terme, d’unprojet qui canaliserait les énergies et orienterait lesactions à venir vers un but commun et ce, dans uneperspective de bien commun qui transcende les intérêts catégoriels.

Plusieurs sont pessimistes à cet égard. Ainsi, Inchauspé souligne un des traits typiques des milieuxde l’éducation, « l’absence de vision3’ », ce qui neserait pas sans conséquence étant donné que « là oùil n ‘y a pas de vision, on trouve des situationsdominées par le court terme, car il n ‘y a aucuneraison de sacrifier l’immédiat à un fiutur inconnus’,. L ‘Exposé de situation (1996) de la Commission des États généraux sur l’éducation confirmecette conséquence pour le système d’éducationquand elle fait un diagnostic qui va dans ce sens;chacun des paliers du système ayant été amené « àse centrer sur l’administration des affaires courantes et à délaisser la vision à long termç,l’analyse de l’environnement autant que l’évaluation des actions ». (p. 103)

Ce’n’cst pas sans impact potentiel. Ainsi, l’absencede vision à long terme et de projet collectif pourrait-elle favoriser des attitudes de confrontation entre lesparties alors qu’un projet commun représenteraitl’occasion de les faire évoluer vers une forme departenariat? On peut le supposer.

33. C. PAYEUR., Négocier et décider autrement enéducation. Quelques expériences syndicales américaines.Rapport de la mission CEQ auprès de la NEA du 15 au17novembre 1994,janvier 1995, p. 13-14. Voir aussi C.PAYEUR., Une autre façon de faire. 4~ ‘éducation auDanemarlç en Finlande, en Suède et en Ecosse. Rapportde la mission CEQ sur l’organisaflon du travail enéducation, novembre 1994, p. 14.

34. C. HANDY, Le temps desparadoxes, Paris, Les éditionsTranscontinental inc., 1995, p. 82.

35. P. INCHAUSPÉ, L ‘avenir du cégep, Montréal, Liber,l992,p. 91.

36. C. HANDY, op. ciL, p. 88.

Page 57: À propos de la régionalisation en éducation et du

49

Enfin, la réelle capacité des syndicats à fournir unappui concret aux associations locales, tant entermes de ressources professionnelles qu’infonnationnelles ou éventuellement, matérielles et financiètes doit également être considérée comme un facteurd’importance dans un processus de décentralisation.

En dernier lieu, il convient de signaler que là aussi,les partenaires devraient formaliser leurs intentionsdans un « contrat s afin de se donner des garantiessupplémentaires que le « projet commun aboutisse à la satisfaction de l’ensemble des groupesconcernés.

En bref, la différenciation des établissementsgrâce à des projets distincts devrait favoriser unfonctionnement réseau, ce qui, selon Audet,facilite un déploiement en fonction des besoins despersonnes desservies « tout en étant en mesure dedéterminer la valeur ajoutée de chaque geste posédans le processus visant à fournir un bien ou unservice à ces clients3’ ».

37. M. AUDET, « L’organisation du travail en milieuuniversitaire » dans L ‘organisation du travail en milieuuniversitaire, Colloque sur le développement desrcssources humaines dans les universités, Montréal, 23-24novembre 1994, Les Presses de l’Université du Québec,Ste-Foy, 1995, p. 37.

Page 58: À propos de la régionalisation en éducation et du

Conclusion

L a décentralisation annoncée par le gouvernement est porteuse d’impacts non négligeableset ce, à tous les points de vue. Ainsi, elle est susceptible de favoriser la revalorisation du local, ce quidevrait amener les collectivités à se prendre en main,â mieux identifier leurs besoins de tous ordres, às’entendre sur la pertinence de certains projets envue d’apporter une réponse adaptée au milieuenvironnant La décentralisation peut donc transformer le local en une pièce sociale différente du central, le local ne serait plus alors considéré comme ledernier échelon du central.

La décentralisation est porteuse d’enjeux tels quecelui de la démoeratisation de la société, l’ensembledes acteurs sociaux étant invités à. participer àl’évolution sociale; de l’équité entre les régions etles milieux locaux, la redistribution de la richessesociale entre les régions devant notamment assurerl’égalité des chances à tous et toutes; de l’efficienceégalement afm que l’Etat rende des serviceséquivalents dans l’ensemble des régions.

En conséquence, la décentralisation interpelle lesacteurs sociaux afin qu’ils s’adaptent à une réalitédifférente de celle dans laquelle ils ont fonctionnédepuis un certain temps déjà — on fait référence, àce moment, au modèle de développement quiprévaut encore actuellement, soit un modèle axé surla croissance et flon sur le développement au sens,dans ce dernier cas, d’une intégration desdimensions sociales, économiques et culturellesd’une société.

Dans une telle perspective, l’État voit son rôle setransformer, passant de celui d’initiateur de projetsâ celui d’animateur, de médiateur, de coordonnateur,se préoccupant notamment de l’équité inter-régionset du soutien à apporter aux acteurs régionaux etlocaux afin qu’ils puissent « se construire » etparticiper pleinement à l’évolution de la société.L’Etat devrait donc maintenant affronter le défi demieux assumer un rôle attendu de « visionnaire».

Quant aux organisations publiques décentralisées,elles sont appelées à assumer un plus grandleadership, à être davantage à l’écoute des pointsde vue des différents acteurs sociaux, â participer,dans le cadre de certains partenariats, à des projetsperçus par la communauté comme importants pourson devenir et pour sa qualité de vie.

Les entreprises, pour leur part, doivent intégrer unedimension sociale à leur(s) projet(s), passant ainsid’un modèle de croissance axé surtout sur desprofits â relativement court terme, â un modèleintégrant des horizons temporels plus longs en vued’en arriver â un équilibre entre le court du mondeéconomique et le long terme du social.

Une société décentralisée semble plus exigeantepour les citoyens et les citoyennes qui devraientparticiper davantage aux débats sociaux et àcertains projets de développement de leur commu~nauté. Les compétences requises devraient êtredifférentes de celles privilégiées jusqu’à maintenantIl devrait s’agir, entre autres, de compétencesrelationnelles liées à la communication entre lespersonnes, à la collaboration, à la négociation;également, de compétences historiques favorisant ledéveloppement du sentiment d’appartenance indissociable de la mobilisation nécessaire à la participation des acteurs sociaux; de compétences d’analyse,de résolution de problèmes et d’éthique afm depouvoir faire des choix en fonction d’une perspective de bien commun. Cela suppose non seulementune scolarisation différente, mais également unescolarisation plus élevée.

La décentralisation est liée étroitement à l’adoptiond’une stratégie de développement local favqrable àla participation de tous les types d’acteurs sociaux,privilégiant des projets répondant à des besoins dela communauté.

Toutefois, le cadre politique québécois actuel — lapolitique de soutien au développement local etrégional, la mise en place du ministère de l’Emploi

Page 59: À propos de la régionalisation en éducation et du

51

et de la Solidarité, la proposition de réfonne durégime de sécurité du revenu, le projet de loi sur leministère des Régions — semble plus près de larégionalisation conçu comme un premier pas versla décentralisation.

Ainsi, l’action des Centres locaux de développement(CLD) sera coordonnée par les CR0 qui proposerades critères d’allocation des ressources destinéesaux instances locales. Egalement, les plans d’actionconcertés des CLD feront l’objet d’un examen parles Conseils régionaux des partenaires du marché dutravail ainsi que par la Commission des partenairesdu marché du travail, fi sera possible à la ministrede l’Emploi et de la Solidarité de désavouer un planen tout ou en partie. L’action des politiques précitées semble cependant se conforter l’une l’autre, lesstructures mises en place sont fortement imbriquéesl’une dans Vautre et visent des objectifs similaires,ceux du développement économique et du développement de l’emploi ce qui favorise la cohésion desinterventions et, vraisemblablement, l’atteinte demeilleurs résultats, fi faudra voir si ces nouvellesstructures favorisent une véritable décentralisationplutôt qu’une déconcentration des activités.!

Le plan d’action du ministère de l’Éducation, rendupublic en février 1997, comporte des orientations enmatière de régionalisation, à savoir la mise en placed’une instance régionale de concertation interordreset l’élaboration de planifications triennales régionales en formation professionnelle et techmijue.Toutefois, ces orièntations ne peuvent se concrétisersans prendre en considération non seulement lesstructures existantes en matière de développementrégional mais également les ressources disponiblesdans les établissements et les limites d’une participation qui ne semble exercée, à l’heure actuelle,que par les autorités institutionnelles des établissements.

C’est notamment en tenant compte de telles limitesque surgissent des questionnements sur la pertinence de l’instance régionale de concertation inter-ordres en éducation. Les cadres à la tête des établis-

sements de formation du secondaire et du collégialsont déjà appelés à participer, on l’a déjà vu, à uncertain nombre d’instances de partenariat — celles-ci réfèrent à certaines expériences d’associationentre plusieurs acteurs sociaux — en matière dedéveloppement régional et d’aide à l’emploi. Onpeut se demander s’ils trouveraient le temps nécess aire au fonctionnement d’une instance additionnelleen éducation, cette fois-là, tout en continuant àassumer efficacement leurs responsabilités et ce,malgré des comprJssions budgétaires. sévères quiallourdissent sensiblement la charge de tous ettoutes dans le secteur public. Si des choix s’a~éraient nécessaires, que conviendrait-il de faire ?Elargir la participation aux instances de partenariaten faisant appel à d’autres acteurs tels que d’autrescadres des établissements de formation ? desenseignants ? des parents ou des membres de lacommunauté 7 des « coordonnateurs “régionaux?Privilégier une structure plutôt qu’une autre 7 Dansce cas, si la structure de développement régional etd’aide à l’emploi était choisie, on peut s’interrogersur la capacité réelle du système d’éducation àmaintenir sa cohésion, à préserver et promouvoircertaines valeurs essentielles qui marqué son développement, des valeurs telles que l’égalité des chances. Si l’instance éducative était retenue, le systèmed’éducation risquerait de perdre le contact avec lemonde productif et pourrait ainsi s’exposer àcertaines critiques telles celles d’être « déconnecté »

par rapport aux exigences d’une société moderneappelée à entrer en compétition avec les meilleuresdans le monde.

Aussi, si la pertinence de l’instance régionale deconcertation interordres n’était pas remise enquestion, il conviendrait vraisemblablement decerner son mandat spécifique afin de faire prévaloirl’importance stratégique de l’éducation pour chacundes citoyens et des citoyennes du Québec? Et, parvoie de conséquence, de mettre l’accent plusspécifiquement sur les dimensions culturelle etcivique du système d’éducation tout en prévoyant unmécanisme de coordination avec la structure dedéveloppement régional avec laquelle, de toutes

Page 60: À propos de la régionalisation en éducation et du

52 Conclusion

façons, il est important, voire essentiel de collaboreren matière de formation professionnelle considérantcelle-ci — qu’il s’agisse de la formation secondaire,technique ou universitaire — comme un outil majeurde développement d’une société.

N’ appartiendrait-il pas alors à cette instance decoordination db préserver la cohérence du systèmed’éducation et de voir à la cohésion des interventions, de favoriser l’émergence d’un référentielrégional d’action publique•en matière d’éducation etde formation ? Est-ce qu’il s’agirait là d’un desrâles que le ministère de l’Education devrait, endernière anaIyse~ assumer ? Les conditions favorables à ce que le ministère s’acquitte de cette responsabilité sont-elles réunies dans le contexte actuel?Il est légitime de s’interroger à cet égard, surtoutquand on se penche sur l’autre dossier porteur derégionalisation, soit celui de l’élaboration d’uneplanification régionale en formation professionnelleet technique.

Le cadre dans lequel les établissements ont dûfonctionner pour revoir la carte des enseignementsen formation professionnelle et technique était trèsprécis, révélant, de façon sous-jacente, une logiquede rationalisation de l’offre de services prânée parle ministère de l’Education. Les établissements deformation, pour leur part, semblent avoir privilégiéune logique de développement en présumant de lapertinence de l’amélioration de l’offre régionale deservices tout en remettant à plus tard l’examen desautorisations de programmes existantes au regarddes besoins diagnostiqués en termes économique etsocial, considérant les difficultés inhérentes à lafermeture de programmes, notamment certainesdifficultés d’ordre fmancier. La conciliation de cesdeux logiques par une différenciation plus grandedes établissements les uns par rapport aux autrespourrait vraisemblablement favoriser la constructiond’une cohfiance réseau — .on a déjà vu qu’uneconfiance réseau est celle entre des « partenaires»engagés dans une même démarche, en l’occurrencecelle de la formation des personnes dans le cas dusystème d’éducation — ainsi qu’un fonctionnement

réseau plus efficace, les établissements passant ainsid’une dynamique « château * à une tout autre dynamique. C’est donc dire que semble porteuse dechangement positif la voie d’un projet d’établissement conjuguée à l’élaboration d’un plan de développement bien enraciné dans une communauté,partageant la culture locale et ouvert aux besoins dumilieu environnant, une communauté dont l’identitépeut s’avérer mobilisatrice.

Page 61: À propos de la régionalisation en éducation et du

Annexe I 53

ÉTAT 1Les caractérbtiques de Pétat 1.

ou système bareaucratique

1. Les valeurs, traditions, culture, références sont, d’unepart, l’universalité des règles et l’égalité de tous devant laloi et, d’autre part, le statu quo et la carrière Toutenouveauté interne ou externe est inquiétante, en particulierpar les risques qu’elle peut faire courir aux stratégiesindividuelles de camère La carrière est l’enjeu majeurtant pour l’encadrement que pour les organisationssyndicales En s’imposant comme les mterlocuteurs obligés dans le système des sanctions-récompenses et en tirantce système vers la référence ancienneté, les syndicatscontribuent â renforcer l’homéostasie du système Seulmouvement possible, la promotion mobilise la majeurepartie de l’énergie du système

La régulation sociale est la fonction essentielle de l’adnnnistration

2. La politique de la direction est celle de la conservatione t de l’extension Tout le système attend de son directeurqu’il conserve le territoire conquis et l’étende L’extensiondu territoire signifie avant tout la possibilité de recruterdavantage, donc de créer de nouveaux postes d’encadrement et, de ce fait, de faire grossir les possibilités depromotion Le déshonneur d’un directeur consiste àperdre du territoire ou de l’effectif

?ÉTAt2Les caractéristiques de l’état 2

ou adniinistration du troisième type

1. Les valeurs, traditions, culture, références résultentdu développement de la compétition externe et desnouvelles aspirations des acteurs de base L’mventiondevient le prmcipe de la survie Les stratégies decarrière sont modifiées par de nouveaux critères d ‘évaluation de l’encadrement (le management, la motivation) Le système de sanctions-récompenses devientpluspersonnalisé, hé aux objectifs fixés Pour les organisations syndicales comme pour l’encadrement traditionnel et les agents, il s’agit d’une véritable révolution

L’administration doit se soucier aussi de la rentabilitééconomique

2, La politique de la direction n’est plus la conservationet l’expansion, mais la dynamisation par la participation Face à l’impossibilité d’étendre les recrutements,les perspectives de promotion se réduisent On tentealors de modifier les enjeux et de lier la promotionauxperformances professionnelles. Le rôle d’un directeur consiste à favoi iser la cohérence entre les attentesde l’extérieur et la dynamique du système

3. Le rôle de l’encadrement consiste à garantir la confor- 3. Le rôle de l’encadrement consiste â manager. Onmité des règles aux références. Procédures, règles de sanc- n’est plus responsable d’un nombre x de personnestion et de récompense, tout doit être conforme au statut. Le mais d’une équipe que l’on doit aider à accoucher dudiscours est normatif meilleur d’elle-même. Contre le discours normatif ap

paraît le discours mobilisateur.

4. Le processus de contrôle consiste à faire exécutet les 4. Le processus de contrôle consiste à valoriser lesconsignes et les instructions. Les cadres moyens seront actions de base en indiquant les fmalités poursuivies.jugés et évalués sur cette compétence. On n’attend pas C’est à partir de ces finalités que les actes pourront êtred’eux qu’ils expliquent ces règles. jugés.

S. La définition des normes et des écarts : le seuil est 5. La définition des normes des écarts : les seuils sont1 ‘incident. Aucune logique interne ne définit de seuil des quantités et des délais mesurés. Les seuils d’interd’actioa L’incident peut être une faute, une protestation de vention sont des écarts déterminés en concertationdéputé, une erreur de transmission, une grève. À partir de avec les opérateurs de ba~e et dans la logique des fmal’incident, une action corrective sera menée afin que cela lités définies au point 4.ne se renouvelle pas.

6. Le comportement des opérateurs de base : chaque 6. Le comportement des opérateurs de base est cons-acteur sait qu’il peut tout faire, sauf ce qui conduirait à ufie fruit à partir de méthodes de mesure apprises collectiplainte de l’usager ou à un blême. La notation annuelle vement au fur et à mesure des progrès réalisés. Lal’informe sur l’estime qu’ont ses supérieurs sur son com- limite n’est plus la plainte du client mais sa satisfactionportement. Mais cette notation est largement pondérée par totale.des moyennes de répartition. Seules les exceptions ont unesignification.

Source: L. Orgogozo, H. Sérieyx, Changer le changemenL On peut abolir les bureaucraties, Paris, Seuil, 1989, p. 160-161.

Page 62: À propos de la régionalisation en éducation et du

Annexe Il54 Liste des personnes consultées dàns le dossier sur la régionalisation

JOCELYN AUDET REPRÉSENTANT DES COLLÈGES FRANCE LAURENDEAU FÉDÉRATION DESDU SAGUENAY/LAC-SAINT-JEAN TRAVAILLEURS ET

GEORGES BÉLISLE SOCIÉTÉ QUÉBÉCOISE DE TRAVAILLEUSES DU QUÉBECDÉVELOPPEMENT DE LA MAIN- JEAN-CLAUDE DIRECTEUR GÉNÉRAL ADJOINT,D’OEUVRE LECOMPTE COMMISSION SCOLAIRE

MARIE-FRANCE DIRECTRICE, DIRECTION VALLEYFIELDBÉNÈS RÉGIONALE DE LA MONTÉRÉGIE, PIERRE LEFEBVRE SECRÉTARIAT AU

MINISTÈRE DE L’ÉpUCATIoN DÉVELOPPEMENT RÉGIONAL,ANDRÉ BLANCHET DIRECTION DE L’ORGANISATION RÉGION 03

PÉDAGOGIQUE, DIRECTION NORMAND LEGAULT DIRECTEUR DE LA FORMATIONGÉNERALE DE LA FORMATION PROFESSIONNELLE,PROFESSIONNELLE ET COMMISSION SCOLAIRETECHNIQUE, MINISTÈRE DE CHOMÉDEY DE LAVALL’EDUCATION ‘ JEAN-CLAUDE DIRECTEUR GÉNÉRAL,

M. BROSSARD DIRECTEUR GÉNÉRAL DE LA LINDSAY COMMISSION SCOLAIRE LACCOMMISSION SCOLAIRE DE SAINT-JEANCHATEAUGUAY . HÉLÈNE MASSÉ REPRÉSENTANTEpES

COLLÈGES DES REGIONS LAVALLAURIER CARON CENTRALE DE L’ENSEIGNEMENT LAURENTIDES-LANAUDIERE

DU QUEBEC LOUISE MILLER FÉDÉRATION DESROBERT COSSETrE DIRECTION DE TRAVAILLEURS ET

L’ENTREPRENEURSHIP ET DE LA TRAVAILLEUSES DU QUÉBECGESTION D’ENTREPRISES, VINCENT OGELLET DIRECTEUR DE LA FORMATIONMINISTcRE DE L INDUSTRIE, DU PROFESSIONNELLE ET DECOMMERCE, DE LA SCIENCE ET L’ÉDUCATION DES ADULTES,DE LA TECHNOLOGIE COMMISSION SCOLAIRE DE

JACQUES COUTURE DIRECTION RÉGIONALE DE RIVIÈRE DU LOUPQyEBEC DU MINISTÈRE DE LISE PARENT REPRÉSENTANTE DESL EDUCATION COLLEGES DE LA REGION DE

JACQUES DESAUTELS DIRECTION RÉGIONALE DE LA MONTEREGIEMONTEREGIE, MINISTÈRE DE CHRISTIAN PAYEUR CENTRALE DE L’ENSEIGNEMENTL EDUCATION DU QUÉBEC

MARIE-SYLVIE COORDINATION DES RESEAUX Le ANDRIa QUIRION BUREAU DE LIAISONDESCOTAUX MINISTERE DE L DUCATION UNIVERSITE-MILIEU, UNIVERSITE

JACQUES DÉSILETS DIRECTEUR DES ÉTUDES, DU QUÉBEC À TROISRIVIÈRESCOLLEGE DE SAINTE-FOY PIERRE RACICOT CONSEIL RÉGIONAL DE

RICHARD DESJARDINS DIRECTEUR GÉNÉRAL DU DÉVELOPPEMENT, RÉGION DECARREFOUR JEUNESSE-EMPLOI, QUEBEC (03)JOLIETTE PIERRE RAGAUD CONSEIL RÉGIONAL DE

BERTHIER DOLBEC FÉDERATION DES COMMISSIONS DEVELOPPEMENT DE LASCOLAIRES MONTEREGIE

JACQUES DOYON DIRECTEUR GÉNÉRAL, SOCIÉTÉ ROGER RICHARD DIRECTEUR GÉNÉRAL,QUEBECOISE DE COMMISSION SCOLAIREDÉVELOPPEMENT DE LA MAIN- VICTORIAVILLED’OEUVRE, MONTÉRÉGIE ANDRÉ ROY DIRECTEUR GÉNÉRAL,

ANNE FILION FÉDÉRATION DES CÉGEPS COMMISSION SCOLAIRELOUIS-DENIS FORTIN DIRECTEUR GÉNÉRAL, SOCIÉTÉ CHAUDIÈRE-ETCHEMIN

QUÉBÉCOISE DE MARIE ROY CONFÉDÉRATION DESDÉVELOPPEMENT DE LA MAIN- SYNDICATS NATIONAUX (CSN)D’OEUVRE DE QUEBEC CHRISTIANE TABLE RÉGIONALE DES

JACQUES HAMEL SECRÉTARIAT AU TREMBLAY DIRECTEURS GENERAUX DEDÉVELOPPEMENT RÉGIONAL COMMISSIONS SCOLAIRES DE LA

HÉLÈNE HUOT DIRECTRICE DES ÉTUDES MONTERÉGIECOLLÈGE DE LIMOILOU LINA TRUDEL DIRECTRICE DE L’INSTITUT

RÉGINALD LACROIX CONFÉRENCE DES RECTEURS CANADIEN DE L’EDUCATION DESET PRINCIPAUX DES ADULTES

MARCEL LAFLEUR UNIVERSITÉS DU QUÉBEC MARTIN VACHON UNION DES MUNICIPALITÉSRÉGIONALES DE COMTES

REPRÊSENTANT DES COLLÈGES (UMRCQ)DES REGIONS 03 ET 12 FRANÇOISEVÉKEMAN DIRECTION DES POLITIQUES,

NICOLE LAFLEUR DIRECTRICE GÉNÉRALE DU MINISTÈRE DE LA SECURITE DUCOLLÈGE LÉVIS-LAUZON REVENU

ALAIN LALLIER DIRECTEUR GÉNÉRAL DU CÉGEP GÉRARD WOUSSEN RESPONSABLE DU BUREAU DEVIEUX-MONTRÉAL LIAISON UNIVERSITÉ-MILIEU,

UNIVERSITÉ DU QUÉBEC ÀCHICOUTIMI

Page 63: À propos de la régionalisation en éducation et du
Page 64: À propos de la régionalisation en éducation et du

CONSEIL SUPÉRIEUR DE L’ÉDUCATION — 1200, ROUrE DE L’ÉGLISE, PORTE 3.20 — SAa≥~-FoY (QUÉBEC) 01V 4Z4

(418)643-3851 — (514)873-5056