« Quand toucher rime avec agressivité chez la personne atteinte de

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  • MARY lise, tudiante infirmire de l'IFSI du Centre Hospitalier Guillaume Rgnier, Rennes

    MEMOIRE DE FIN DETUDES:

    UE 5.6.S6 - Analyse de la qualit et traitement des donnes scientifiques et professionnelles.

    Le 5 Mai 2014

    Quand toucher rime avec agressivite chez la

    personne atteinte de schizophrenie

    Picasso L'acrobate Plas Schizophrnie sous-marine

    Directrice de mmoire: Mme LINAY Christine

    1 Mort d'un silence de Clmence Boulouque

  • PRFET DE LA RGION BRETAGNE

    DIRECTION REGIONALE DE LA JEUNESSE, DES SPORTS ET DE LA COHSION SOCIALE Ple formation-certification-mtier

    Diplme dEtat de.

    Travaux de fin dtudes : (nom du document).

    Conformment larticle L 122-4 du code de la proprit intellectuelle du 3 juillet 1992 : toute reprsentation ou reproduction intgrale ou partielle faite sans le consentement de lauteur ou de ses ayants droit ou ayants cause est illicite. Il en est de mme pour la traduction, ladaptation ou la transformation, larrangement ou la reproduction par un art ou un procd quelconque .

    Phrases insrer par ltudiant, aprs la page de couverture, du (nom du

    document), dater et signer

    Jatteste sur lhonneur que la rdaction des travaux de fin dtudes, ralise en vue de

    lobtention du diplme dEtat de.est uniquement la transcription de mes

    rflexions et de mon travail personnel.

    Et, si pour mon argumentation, je copie, jemprunte un extrait, une partie ou la totalit de

    pages dun texte, je certifie avoir prcis les sources bibliographiques.

    Le..

    Signature de ltudiant :

    Fraudes aux examens : CODE PENAL, TITRE IV DES ATTEINTES A LA CONFIANCE PUBLIQUE CHAPITRE PREMIER : DES FAUX Art. 441-1 : Constitue un faux toute altration frauduleuse de la vrit, de nature causer un prjudice et accomplie par quelque moyen que ce soit, dans un crit ou tout autre support dexpression de la pense qui a pour objet ou qui peut avoir pour effet dtablir la preuve dun droit ou dun fait ayant des consquences juridiques. Le faux et lusage de faux sont punis de trois ans demprisonnement et de 45 000 damende.

    Loi du 23 dcembre 1901, rprimant les fraudes dans les examens et concours publics. Art. 1

    er : Toute fraude commise dans les examens et les concours publics qui ont pour objet lentre

    dans une administration publique ou lacquisition dun diplme dlivr par lEtat constitue un dlit.

  • Le cri de Edvard Munch, peint entre 1893 et 1917. Expos au Muse Munch, Nasjonalgalleriet.

    vif , photographie ralise en Avril 2010

    Seul pourtant devant ma feuille blanche, jarrive tout de mme poser les mots qui maident

    allger mon mal-tre... vincent nguyenNote aux lecteurs : Il sagit dun travail personnel et il ne peut faire lobjet dune

    publication en tout ou partie sans laccord de son auteur .

  • Remerciements:

    Je tiens tout d'abord remercier ma directrice de mmoire, Madame Christine Linay. Sa

    disponibilit, sa patience et son soutien m'ont t d'une trs grande aide durant tout le

    cheminement de ce travail.

    Je tiens ensuite remercier ma famille pour leur soutien sans faille, mais aussi mes amis et

    plus particulirement mon ami, qui a toujours su me tirer vers le haut.

    Je remercie les professionnels que j'ai pu interroger, pour leur disponibilit et leur partage de

    savoirs et points- de vue.

    Enfin, je remercie galement les membres du jury de se montrer disponibles et intresss par

    la lecture de mon travail de fin d'tudes.

  • Table des matieres :

    En quoi le contact physique pendant les soins infirmiers peut gnrer de l'agressivit chez

    la personne atteinte de schizophrnie?

    Introduction..p.1

    PARTIE I: PROBLEMATISATION

    1. Situation d'appel ....p.2

    2. Questionnements ...p.3

    3. Question de dpart provisoire ...p.5

    4. Pr-enqute exploratoire auprs de professionnels et analyse des entretiens...p.6

    5. Recherches bibliographiques et littraires, mergence de la question de recherche :

    5.1- La personne soigne.p.9

    5.2- Les soins infirmiers..p.10

    5.3- Lagressivit....p.11

    5.4- Le toucherp.13

    5.5- Population cible.p.15

    6. La question de recherche....p.17

    7. Hypothse de la question de recherche...p.18

    PARTIE II: CADRE CONCEPTUEL

    Prsentation du champ disciplinaire utilis: la psychologie....p.18

    1. La personne atteinte de schizophrnie:....p.19

  • 1.1 - La psychose..p.20

    1.2 - La schizophrnie...p.21

    1.3 - Dissociation et perception errone de la ralitp.22

    1.4- Une manire de vivre son corps..........p.24

    2. Le toucher:......p.25

    2.1 - Dfinition du toucher comme contact physiquep.25

    2.2 - Le toucher comme communication non-verbale pendant les soins infirmiers de bien-

    tre et de confort...p.26

    2.3 - Le Moi-peau de Didier Anzieu.p.29

    2.4 - L'altration du Moi-peau chez la personne atteinte de schizophrnie....p.30

    2.5 - Le toucher: source d'motions..p.33

    3. L'agressivit...p.36

    3.1 Dfinition de lagressivit.....p.36

    Mise en lien des concepts.....p.38

    PARTIE III: PHASE EXPLORATOIRE

    1. Les enqutes de terrain et prsentation de la mthode dinvestigation ..p.39

    2. Analyse des entretiens..p.40

    3. Discussion........p.46

    4. Synthse...p.65

    5. Confrontation : affirmation ou infirmation de lhypothse de recherche....p.68

    Conclusion...p.71

    Bibliographie....p.72

  • SOMMAIRE DES ANNEXES

    Annexe I : Guide des entretiens de pr-enqute.......p.77

    Annexe II : Guide des entretiens exploratoires....p.79

    Annexe III : Restitutions orales des entretiens mens auprs des professionnels :

    Questionnaire I..p.80

    Questionnaire II.....p.83

    Questionnaire III....p.86

  • 1

    Introduction:

    tudiante en troisime anne l'Institut de formation en soins infirmiers de Guillaume

    Rgnier, j'ai choisi d'effectuer mon travail crit de fin d'tudes sur le thme de l'agressivit

    des personnes en soin. La psychiatrie m'a donne envie, il y a maintenant cinq ans, d'exercer

    la profession d'infirmire et durant mes annes de formation, j'ai eu l'occasion de faire face

    des situations o la personne en soins adoptait un comportement que j'ai qualifi d'agressif.

    Tout au long de ma formation, ce comportement m'a bouleverse autant qu'il m'a questionne.

    Ce thme m'a parue intressant traiter parce que j'ai moi-mme adopt un comportement

    agressif alors que j'tais hospitalise. De plus, je voulais comprendre les causes de cette

    agressivit et de sa redondance lors de mes stages. J'ai alors crit une situation vcue lors

    d'un stage dans un cabinet d'infirmires librales. Jai ainsi introduit le toucher, en y faisant

    un lien avec les soins infirmiers. A partir de cette situation, j'ai pu exposer mes nombreuses

    questions et les classer, ce qui m'a amene poser ma question de dpart provisoire. Puis

    grce des entretiens de pr-enqute auprs d'infirmires ainsi que des recherches

    bibliographiques, j'ai pu poser ma question de recherche et mettre mon hypothse de

    recherche en ciblant mon travail sur la personne atteinte de schizophrnie. Depuis de

    nombreuses annes, le sujet de la personne souffrant de schizophrnie mattire et jai fait de

    cet crit une occasion den apprendre plus sur le sujet. De plus, il est en adquation avec mon

    projet professionnel de travailler comme infirmire en tablissement de sant mentale. Cest

    donc tout naturellement que jai coordonn ensemble les trois thmatiques me tenant cur :

    la personne atteinte de schizophrnie, le toucher et lagressivit.

  • 2

    Partie I: Problematisation :

    1. Description de la situation de dpart:

    Cette situation se droule lors de mon stage de sant publique, dans un cabinet

    d'infirmires librales. Je suis alors en deuxime anne l'institut de formation. Le cabinet est

    compos de trois infirmires. Lors de ma septime semaine de stage, nous commenons

    prendre en soins Me O, 74 ans. Deux jours auparavant, Me O s'est blesse au tibia droit alors

    qu'elle faisait son mnage. Son mari, impressionn par la plaie hmorragique, l'emmena aux

    urgences. Sa plaie est un ulcre et un pansement compressif a t mis en place. La rfection

    du pansement gras avec un hydrocollode ainsi que la mise d'une bande de contention doivent

    tre faits quotidiennement sur prescription mdicale, par une infirmire domicile.

    Nous sommes donc mardi matin et je suis de tourne avec mon infirmire rfrente. Nous

    allons ensemble rendre visite Me O pour la premire fois et pour la seconde fois, procder

    la rfection de son pansement domicile. En effet, la veille, c'est une autre infirmire du

    cabinet qui a, pour la premire fois, prise en soin la personne. Aussi, elle nous a informes que

    Me O avait t algique et qu'elle s'tait montre rticente au soin car elle avait peur d'tre

    douloureuse. Elle s'est de plus, comporte de manire agressive selon les dires de

    l'infirmire. En arrivant chez Me O, mon infirmire rfrente me propose que je regarde la

    rfection du pansement dans un premier temps car la patiente pourrait adopter un

    comportement brutal. Me O a le visage ferm et parat tendue, serrant les mchoires. Nous la

    saluons et lui expliquons que nous venons pour procder la rfection du pansement. Elle

    s'nerve alors tout coup, nous dit que le soin lui fait mal et que, de plus, la vue de la plaie lui

    dplat. N'est-ce-pas qu'elle n'est pas belle la plaie Maurice? demande-t-elle son mari..

    Ce dernier tapote calmement le dos de sa femme et lui demande de se calmer. Mais j'en ai

    assez! Je ne veux pas qu'on me fasse mal! crie-t-elle. L'infirmire demande Me O si nous

    pouvons nous asseoir pour discuter.

    Celle-ci nous montre du doigt les chaises avec un signe d'approbation. Nous nous installons

    donc face Me O et l'infirmire la rassura calmement par rapport au soin en lui expliquant

  • 3

    son droulement. Me O soupire. Je lui explique qu'il existe des moyens pour palier sa

    douleur durant les soins et lui explique calmement qu'elle pouvait s'occuper pendant la

    rfection du pansement, en lisant le journal ou en coutant la radio. Me O semble se calmer et

    accepte alors qu'on fasse le soin. Pendant que l'infirmire dcolle le pansement, Me O prend

    ma main. Je lui la serre pour lui montrer que je suis prsente, mais galement pour instaurer

    entre nous un climat de confiance. Elle grimace: Vous me faites mal, l! . L'infirmire lui

    explique pourquoi cela peut tre douloureux. La patiente garde sa main dans la mienne, je lui

    propose de fixer son attention sur moi et de ne pas penser sa plaie. Elle s'excute et nous

    engageons une conversation laquelle elle participe activement. Aprs la rfection du

    pansement, je procde la mise en place de la contention. Lorsque je fis passer la bande sur

    le pansement, Me O s'crit Ae! Faites attention! et me donne des petites tapes

    d'nervement sur ma main mobilisant la bande. Elle grimace Vous serrez trop! . Aprs le

    soin, elle nous remercie en nous souriant et s'excuse de son emportement .

    Aprs avoir crit cette situation, je me suis pose beaucoup de questions. La plupart de celles-

    ci taient diriges vers le thme de l'agressivit chez une personne soigne. Je les ai alors

    regroupes en deux parties distinctes: Qu'est-ce-que l'agressivit? et Quelles en sont les

    causes? .

    2. Questionnements:

    a) Qu'est-ce-que l'agressivit?

    Suite l'criture de ma situation, je me suis demande ce qu'tait l'agressivit, comment se

    manifeste-t-elle? Est-elle une motion, un ressenti, une construction de la pense? Existe-t-il

    plusieurs types d'agressivit? Si oui, en quoi sont-elles diffrentes? Comment les distingue-t-

    on? Face ces diverses questions, j'ai alors labor ma propre rflexion en m'appuyant sur

    ma situation vcue en stage, sur mes connaissances et mon savoir. Je vais ainsi donner ma

    dfinition de l'agressivit puis dfinir les diffrents types d'agressivit et enfin les

    manifestations de celle-ci.

  • 4

    Comme nous le montre la situation dans laquelle Me O hausse la voix, l'agressivit semble

    tre un comportement brutal, synonyme d'irritabilit.

    Ce comportement peut tre htroagressif comme dans ma situation vcue en stage ou

    autoagressif par exemple lorsqu'une personne s'injure elle-mme ou se mutile.

    L'agressivit se manifeste par une communication verbale: lorsque Me O hausse le ton de la

    voix et non-verbale: lorsqu'elle soupire, nerve. L'agressivit met galement le corps en

    mouvement, ceci se traduit dans la situation par la hausse du ton et des petites tapes sur les

    mains du soignant. Les manifestations de l'agressivit varient-elles selon les individus? Si oui,

    pourquoi? Il y a-t-il des facteurs influenant un comportement agressif? Les manifestations de

    l'agressivit de Me O entrent surviennent lorsque je lui fais mal . Ce qui m'amne me

    poser cette question:

    Quelles peuvent tre les causes de l'agressivit? Question qui nous amne la seconde partie.

    b) Quelles en sont les causes?

    Mes prcdentes interrogations sur le comportement agressif m'ont amene me poser

    d'autres questions, plus centres sur les causes de ce comportement. En effet, qu'est ce qui

    est l'origine d'un comportement agressif? Pourquoi la personne soigne dans la situation

    adopte-t-elle un comportement agressif? Comment dterminer les causes d'une agressivit

    chez une personne en soins? Existe-t-il des causes plus majeures que d'autres? Afin de

    rpondre ces questions, il me faut d'abord dfinir chaque terme. Je vais ainsi donner ma

    dfinition de la personne soigne, de ses motions, de son environnement et enfin des soins

    infirmiers.

    Comme l'est Me O, une personne soigne est une personne ayant une pathologie ou une

    incapacit temporaire ou dfinitive. Pourquoi a-t-on pour habitude de dire d'une personne

    soigne qu'elle est unique ? Une personne soigne ncessite une prise en charge mdicale

    et des soins lui sont prodigus. Le soign est une personne avant tout qui a sa propre histoire,

    sa personnalit et ses motions. Donc, une personne unique en soi. Les termes de patient ,

    personne en soins et personne soigne englobent-t-ils la mme dfinition?

  • 5

    Dans cette situation, Me O se montre agressive envers l'infirmire car elle redoute la rfection

    de son pansement. Je me demande alors si les motions telles que la peur, l'apprhension

    comme chez Me O, l'angoisse ou encore l'anxit, qui font selon moi partie du champ lexical

    du malaise, peuvent tre source d'agressivit. Me O s'est-elle montre agressive car elle

    redoutait la rfection du pansement?

    En crivant cette situation, d'autres questions me sont venues l'esprit: les manifestations de

    l'agressivit varient-elles selon l'environnement de la personne? Ou des personnes qu'on y

    trouve? Les soignants peuvent-ils tre l'origine d'un comportement agressif? Et l'infirmire?

    En quoi peut-elle gnrer de l'agressivit chez la personne soigne? Les soins infirmiers

    peuvent-ils tre source d'agressivit?

    Dans la situation, la personne soigne s'est montre agressive face au soignant. Alors ce

    dernier peut-il tre source d'agressivit? Je note galement que le comportement agressif de la

    personne s'est manifest lors d' un soin infirmier qu'est la rfection d'un pansement. Alors,

    sont-ce ces soins qui gnrent ce comportement? Mais qu'est-ce-qu'exactement un soin

    infirmier? Selon mon exprience durant ces deux annes de formation, je pense qu'un soin

    infirmier est tout d'abord un soin spcifique ralis par un Infirmier diplm d'tat et dispens

    une personne en soin. Il existe les soins du rle prescrit de l'infirmier et les soins du rle

    propre. De plus, je constate que le toucher intervient galement dans la situation, durant un

    acte infirmier ralis auprs de la personne. Plus prcisment pendant la rfection du

    pansement, la rassurance de la personne et la mise en place de bande de contention. Alors

    qu'est-ce-que le toucher? Est-il prsent dans chaque acte de soin?

    A partir de ce questionnement sur la situation en rapport avec le thme de l'agressivit des

    soigns, s'est labor ma question de dpart qui est la suivante:

    En quoi les soins raliss par l'infirmire peuvent gnrer de l'agressivit chez le soign?

  • 6

    4. L'enqute de terrain auprs des professionnels :

    a) La mthode de lenqute :

    Dans le but de pouvoir lgitimer ma question de dpart et d'ainsi prciser ma question

    de recherche, j'ai men deux entretiens auprs de professionnels de sant. L'objectif de ces

    entretiens tait de dmontrer que cette question de dpart provisoire se trouve tre une

    problmatique rgulirement rencontre par les professionnels de sant et qui suscite de

    nombreuses questions pouvant amliorer la pratique et non une question personnelle. Le choix

    concernant ces entretiens tait d'interroger deux infirmires venant de services diffrents et

    ayant des expriences professionnelles varies (le nombre d'annes d'exercice et diffrents

    types de patients rencontrs). Ceci dans le but de voir si les rponses fluctuaient selon ces

    facteurs. Les professionnelles interroges sont: Une infirmire domicile travaillant dans la

    rgion Rennaise et une infirmire travaillant en tablissement de sant mentale Rennes.

    Concernant le droulement de ces deux entretiens, je n'ai rencontr aucune difficult. Tous

    deux se sont drouls dans un endroit calme o nous pouvions nous asseoir et ont dur

    environ 45 minutes. J'ai galement enregistr l'aide d'un magntophone chacun de ces

    entretiens.

    Afin d'exploiter les rsultats de ces derniers, j'ai procd une synthse analytique en les

    comparant et les regroupant par rapport aux thmes voqus et aux objectifs poss.

    b) L'analyse des entretiens (questionnaire en annexe)

    Lors de la premire question qui avait pour objectif de prsenter les professionnels

    interrogs, j'ai pu remarquer que les deux infirmires n'avaient pas la mme dure d'exercice

    de la profession. L'une a t diplme en 1987 et l'autre en 2003. L'une a travaill dans

    diffrents services de chirurgie avant de devenir infirmire librale. L'autre professionnelle a

    galement travaill quelques mois en libral avant d'exercer le mtier d'infirmire en

    tablissement de sant mentale.

  • 7

    La seconde question avait pour objectif de dfinir ce que l'on entend par personne

    soigne . Ces dernires dfinissent la personne soigne comme une personne ayant besoin de

    soins car a des problmes de sant. Une d'entre elles argumente et dfinit ces soins comme

    tant techniques ou relationnels.

    La troisime question avait pour objectif de dfinir ce qu'est l'agressivit. Dans les

    deux entretiens mens auprs de professionnelles, ces dernires voquent l'agressivit

    physique et l'agressivit verbale. L'infirmire en psychiatrie interroge confie associer le

    terme d'agressivit au terme d'agression et voque le mal-tre de l'agresseur

    accompagn du danger auquel est confront l'agress. Elle dcrit galement la subjectivit

    d'un comportement agressif. Selon elle, chaque soignant ou soign a sa propre dfinition de

    l'agressivit et donc sa propre perception et interprtation d'un comportement agressif.

    L'infirmire librale associe immdiatement l'agressivit aux termes de tensions et de

    situations conflictuelles .

    La quatrime question de cet entretien avait elle, pour objectif de connatre les

    manifestations d'un comportement agressif. Au cours de leur parcours professionnel, les deux

    professionnelles interroges ont dj eu faire face une personne soigne au comportement

    agressif. L'infirmire travaillant en psychiatrie a connu plusieurs situations d'agressivit de la

    part d'une personne en soins mais elle n'en retient qu'une. Elle dcrit une scne de mise sous

    contention en chambre de soins intensifs o la personne en soins l'a frappe avec son poing au

    visage lorsque la soignante lui a maintenu le bras. L' infirmire travaillant en cabinet libral

    dcrit galement plusieurs situations o elle a d faire face un patient au comportement

    agressif. Elle me confie tre incapable de me dcrire l'une d'elles en particulier mais explique

    qu'elles avaient toutes des points communs. En effet, dans chacune de ces situations, il y avait

    soit de l' agressivit volontaire ou de l' agressivit pathologique . Elle dfinit

    l'agressivit volontaire comme tant la volont de la personne soigne de nuire au

    soignant, physiquement ou verbalement. L'agressivit pathologique se dfinit selon elle

    par une agressivit, souvent verbale et lie la pathologie de la personne. Elle illustre ses

    propos en m'expliquant que dans bon nombre des situations d'agressivit qu'elle a pu vivre, la

    personne en soins adoptait un comportement agressif par peur du soin et plus

    particulirement la peur du toucher de la part du soignant dans des contextes de maltraitance.

  • 8

    L'objectif de la cinquime question tait de dfinir ce qu'est un soin et plus

    particulirement un soin infirmier. Chacune des infirmires interroges m'a donn sa propre

    dfinition du soin infirmier. Dans ces deux dfinitions, j'ai pu noter des similitudes. En effet,

    toutes deux voquent les soins infirmiers comme des soins devant tre raliss par un

    infirmier diplm d'tat. L'infirmire en libral classifie les soins infirmiers dans deux

    catgories: les soins relevant du rle propre de l'infirmier et les soins relevant du rle sur

    prescription mdicale. L'infirmire en psychiatrie classifie galement les soins infirmiers,

    mais en deux catgories diffrentes: les soins techniques et les soins relationnels. Toutes deux

    voquent le mme objectif des soins infirmiers: Rtablir ou maintenir l'intgrit physique ou

    mentale d'une personne malade.

    La sixime question avait pour objectif de comprendre quelles peuvent tre les causes

    de l'agressivit chez la personne en soins. Ce quoi l' infirmire librale me confie que la

    plupart des situations o elle a d faire face une personne soigne au comportement agressif

    se sont droules lors d'une approche relationnelle de celle-ci. Elle explique que selon

    elle, ce n'est pas le soin qui gnre de l'agressivit mais plus le vcu de la personne qui ressort

    durant le soin infirmier. Pour la professionnelle travaillant en tablissement de sant mentale,

    le comportement agressif de la personne soigne s'est manifest lors d'un soin technique

    puisqu'il s'agissait d'une mise sous contentions en chambre d'isolement.

    La septime question avait pour but de connatre la prise en charge d'une personne

    adoptant un comportement agressif. L'infirmire en psychiatrie utilise les termes malaise

    mal-tre et remise en questions pour dcrire sa raction face aux comportements

    agressifs des personnes en soin. L'infirmire librale dcrit de la colre plus que de la peur,

    un tat de choc puis une sensation de vide aprs la colre ressentie. Toutes deux ont utilis

    le terme chamboulement pour dcrire leurs motions face de telles situations.

    L'objectif de la dernire question tait de connatre les consquences de l'agressivit

    sur la prise en soin de manire technique et/ou relationnelle du soign. Ainsi, pour les deux

    professionnelles interroges, le comportement agressif d'une personne soigne peut modifier

    la prise en soin technique et/ou relationnelle de cette dernire.

  • 9

    Toutes deux voquent le fait d'avoir mis de la distance avec la personne en soins pour

    se protger et se mettent sur leurs gardes que ce soit pour les soins techniques ou relationnels.

    Pour les deux infirmires interroges, il y a changement d'attitude de leur part face une

    personne soigne qui a eu un comportement agressif. L'infirmire librale me confie que

    lorsqu'elle doit prodiguer des soins techniques une personne soigne qui auparavant a t

    agressif, elle a tendance ngliger le ct relationnel de ce soin. Nous sommes l pour

    soigner et non pour se faire agresser confie-t-elle.

    Notons que les deux dernires questions ne rentrent pas dans le cadre de ce travail de

    recherche, elles ont t poses simple titre d'informations. En effet, il paraissait tout de

    mme important d'aborder le sujet des consquences sur le soignant et le soign d'un

    comportement agressif.

    Pour permettre le cheminement de mes interrogations et raisonnement face ma

    situation, j'ai ensuite effectu des recherches bibliographiques. J'ai dcid de classer ces

    recherches par thmes pour ainsi pouvoir les comparer avec les dires des professionnelles

    interroges lors des entretiens. Ainsi, grce la synthse des entretiens et mes recherches,

    mon cheminement me permettra de poser ma question de recherche.

    5. La question de recherche:

    5.1 Qu'est-ce-que la personne soigne?

    Dans personne soigne ou personne en soins , il y a tout d'abord le mot

    personne . Il est important de dfinir ce qu'est une personne. Selon Carine Blanchon1, une

    personne est un individu, tre humain de l'un ou l'autre sexe qui se doit d'tre considre

    dans sa ralit, son aspect physique . Lors de mes recherches littraires et

    bibliographiques, le terme Patient , souvent employ, est renvoy

    au terme de Personne soigne . Terme comme tant une personne qui prsente un ou

    plusieurs problmes de sant pour lesquels elle a recours aux soins [...]

    1 BLANCHON, Carine. Le toucher relationnel au cur des soins. France: Elsevier Masson. 2011. 123 pages. Pages 16, 20, 29

  • 10

    Cette expression est prfre depuis que, sest dveloppe partir de 1970, une approche

    humaniste des soins infirmiers qui considre les besoins de lindividu malade dans son

    histoire et son environnement et non pas exclusivement sa maladie. 2

    Lors des entretiens auprs de deux professionnelles de sant, chacune d'elle a dfinit la

    personne soigne de la mme manire que le dictionnaire des soins infirmiers: une personne

    soigne est une personne souffrant d'un ou plusieurs problmes de sant et ncessitant des

    soins et qui doit tre considre dans son entiret.

    5.2 Qu'est-ce-que les soins infirmiers?

    Un soin n'est pas forcment un soin infirmier. Il parat donc important de d'abord

    dfinir brivement ce qu'est un/une infirmier(e) pour ensuite pouvoir dfinir ce qu'est un soin

    infirmier. Selon Ren Magnon3, c'est la fin du XXme sicle qu'apparat la profession

    d'infirmier comme fonction propre , c'est dire, dfinie et rglemente. Pour dfinir la

    profession d'infirmire, on entend souvent le terme de soignant employ. Ces deux termes

    englobent la mme dfinition. D'un point de vue lgislatif4 et comme l'ont stipules les deux

    infirmires interroges, peuvent exercer la profession d'infirmier ou d'infirmire les

    personnes titulaires d'un diplme, certificat . De plus, pour tre considr comme tant

    un/une infirmier(e), la personne doit prodiguer habituellement des soins infirmiers [...], elle

    s'engage dans de nombreuses actions, notamment en matire de prvention, d'ducation de

    la sant et de formation ou d'encadrement . Dfinissons prsent ce que sont les soins

    infirmiers.

    Selon Gilles Devers5, On entend par soins infirmiers les soins prodigus, de manire

    autonome ou en collaboration, aux individus de tous ges, aux familles, aux groupes et aux

    communauts malades ou bien-portants quel que soit le cadre [...] .

    2 MAGNON, Ren. Les infirmires: identit, spcificit et soins infirmiers, le bilan d'un sicle. France: ditions Elsevier Masson, 2003, 198 pages. Page 1 3 MAGNON, Ren. Les infirmires: identit, spcificit et soins infirmiers, le bilan d'un sicle. France: ditions Elsevier Masson, 2003, 198 pages. Page 1 4 Article L4311-1 du code de la sant publique, modifi par la loi n2012-1404 du 17 dcembre 2012 art.52. Disponible sur: http://www.legifrance.gouv.fr/ 5 DEVERS, Gilles. Dontologie infirmire universelle : De la Dclaration universelle de droits de

    l'homme au Code dontologique du Conseil international des infirmires. France: Lamarre, 2005, 76 pages, page 10. (Droit et pratique du soin)

  • 11

    Tout comme l'auteur, lors des entretiens, une des infirmires classifie galement les soins

    infirmiers en deux catgories: les soins relevant du rle propre de l'infirmier et ceux relevant

    du rle sur prescription mdicale. Concernant les soins relationnels et techniques comme le

    stipule une des infirmires interroges, je n'ai trouv aucun ouvrage traitant de ce thme au

    sein des soins infirmiers. Cependant, lors des deux entretiens avec les infirmires, toutes

    deux ont voqu le mme objectif des soins infirmiers: Rtablir ou maintenir l'intgrit

    physique ou mentale d'une personne malade . Un objectif commun avec la lgislation6, [...]

    Ils ont pour objet [...] De protger, maintenir, restaurer et promouvoir la sant physique et

    mentale des personnes ou l'autonomie de leurs fonctions vitales physiques et psychiques en

    vue de favoriser leur maintien, leur insertion ou leur rinsertion dans leur cadre de vie familial

    ou social .

    Comme nous l'avons prcdemment vu, les soins infirmiers dits de confort et de

    bien-tre font partie intgrante du rle propre de l'infirmier et incluent des actes comme la

    toilette, les autres soins d'hygine corporelle, la prvention des escarres, les levs et aides la

    mobilisation de la personne 7. Or, ce sont dans des soins comme la toilette que le contact

    physique soignant-soign est omniprsent 8.

    C'est pourquoi ce travail s'articulera tout particulirement autour de ces soins du rle propre

    infirmier.

    5.3 Qu'est-ce-que l'agressivit?

    6 Article L4311-1 du code de la sant publique, modifi par la loi n2012-1404 du 17 dcembre 2012 art.52. Disponible sur: http://www.legifrance.gouv.fr/ 7 Recueil des principaux textes relatifs la formation prparant au diplme d'tat et l'exercice de la profession. Profession infirmier. France: Berger Levrault. 2010. 208 pages. (Formations des professions de sant)

    8 HENTZ, F ; MULLIEZ, A ; et al. valuation de l'impact du toucher dans les soins infirmiers. PHRC Rgional en soins infirmiers [format Pdf]. 2013. Page 1. Disponible sur: http://www.soiliance.com/wp-content/uploads/2013/02/Evaluation_impact_Toucher_PHRC_2013

  • 12

    Selon Bernard E.Gbzo9, l'agressivit proviendrait du latin ad-gressere qui signifie

    aller au-devant de l'autre ou encore attaquer .Selon Pierre Karli10, des comportements

    agressifs peuvent tre dfinis de cette faon: qui portent atteinte, ou tout au moins risquent

    de porter atteinte, l'intgrit physique et/ou psychique d'un autre tre vivant . Mais le terme

    d'agressivit recouvrirait de nombreuses dfinitions qui paraissent essentielles pour

    comprendre ses multi dimensionnalits. Selon Pierre Karli, il est difficile de donner au terme

    d'agressivit une dfinition prcise puisqu'elle dpend de la libert d'apprciation de

    chacun , tout comme l'voque la premire infirmire interroge qui dcrit l'agressivit

    comme subjective car dpend de notre propre interprtation, [...] on peut ne pas tre

    d'accord pour considrer que telle attitude ou tel comportement constituent ou non- des

    manifestations d'agressivit . D'autre part, il y a la prsence ici de termes forts comme

    attaquer, porter atteinte... , ce qui se rapporte au discours des infirmires interroges qui,

    elles aussi, utilisent des termes forts (tension, danger, conflits...) pour dcrire l'agressivit.

    Les manifestations de l'agressivit, elles, sont nombreuses, allant de gestes

    menaant au meurtre selon Bernard E.Gbzo. Il y aurait ainsi des attitudes agressives telles

    que des mimiques, des regards, des coups. Cest ce que les infirmires interroges appellent

    agressivit physique . Comme lorsque l' infirmire de sant mentale a t frappe lors

    d'une mise sous contentions, ou comme dans la situation o Me O serre les mchoires et me

    tape la main pendant la mise en place de la contention. Toujours selon lauteur, d'autres

    attitudes telles que des paroles agressives, des insultes, des menaces dfinissent un

    comportement agressif.

    C'est ce que les infirmires qualifient d' agressivit verbale . En effet, lorsque Me

    O s'exclame que nous lui faisons mal pendant la rfection de son pansement, il s'agit de

    manifestation verbale de l'agressivit.

    Concernant l'tiologie de ce comportement agressif, Bernard E. Gbzo dfinit la personne

    adoptant un comportement agressif comme une personne qui a peur, qui se sent menace,

    qui se sent impuissante ou frustre .

    9 E-GBEZO, Bernard. Les soignants face la violence.. France: Lamarre. 2005, 165 pages. Pages 12, 13 (Pratiquer) 10 KARLI, Pierre. L'homme agressif. Paris: Odile Jacob. 1987. 392 pages. Pages 22, 24

  • 13

    Toujours selon lauteur, elle ragit de manire agressive une menace imaginaire ou relle

    car elle n'arrive pas rsoudre la situation par les voies d'expressions habituelles . Comme

    Me O qui adoptait un comportement agressif par peur de la rfection du pansement.

    Notons d'autre part que le toucher est trs prsent, que ce soit lors de la situation avec Me O

    ou lorsque la premire infirmire interroge voquait le toucher comme source de peur et

    donc de comportements agressifs.

    Si la peur peut tre l'origine d'un comportement agressif comme il tait suppos auparavant,

    de quoi cette peur est-elle la consquence? D'un soin ralis par une infirmire? Du toucher

    qu'on sait maintenant omniprsent lors des soins infirmiers?

    Quoiqu'il en soit, toujours selon Bernard E.GBzo, l'agressivit peut tre auto-agressive et

    conduite contre soi-mme ou bien hostile et donc conduite vers autrui.

    5.4 Qu'est-ce que le toucher?

    Dans la situation de dpart, il y eu le toucher durant la rfection du pansement chez

    Me O. France Bonneton-Tabaris et Anne Lambert-Libert11 dfinissent le toucher comme

    contact peau peau . Il y a galement eu notion de toucher dans les situations des

    infirmires interroges: le toucher ou contact physique lors d'une mise sous contentions pour

    l'infirmire en soins de sant mentale et linfirmire librale m'explique galement que selon

    elle, le toucher peut tre source d'agressivit. Pourquoi dans chacune de ces situations, il y a

    cette notion de toucher? Comme le stipule Carine blanchon12, chaque soin amne les

    infirmires, les aides-soignantes toucher l'autre et donc tre touches . Cette citation

    interpelle: le terme de toucher peut-il s'appliquer autant pour le contact physique que pour

    les motions? Existe-t-il un toucher motionnel ?

    11 BONNETON-TABARIES, France, LAMBERT-LIBERT, Anne. Le toucher dans la relation soignant-soign. 2e dition actualise. France: Med-Line. 2006. 151 pages. Pages 11,12, 17, (IFSI) 12 BLANCHON, Carine. Le toucher relationnel au cur des soins. France: Elsevier Masson. 2011. 123 pages. Pages 16, 20, 29

  • 14

    Les auteurs Jol Savatofski et Pascal Prayez13 parlent de langage du corps pour dfinir la

    communication non-verbale qui vient parfois contredire ce que le sujet veut affirmer dans

    son discours explicite . Et selon eux, la base de cette communication non-verbale est le

    monde motionnel . Nous avons prcdemment vu que nos motions peuvent tre source

    d'agressivit. Les infirmires interroges ont aussi fait allusion aux motions en parlant de

    chamboulement face un comportement agressif. Selon les auteurs, ces motions

    expriment les ractions de la personne voluant dans son milieu. Selon Charles Lenay14 , une

    situation va entrainer chez nous des motions qui vont se traduire sur notre corps par une

    communication non-verbale. Le toucher entraine donc des motions car selon lauteur,

    relativement la vue ou laudition, le toucher est bien le sens de la proximit. Quelque chose

    ne peut pas tre plus proche de nous que ce qui nous touche. De mme, ce qui est

    motionnellement touchant serait ce qui atteint notre intimit, ce qui affecte notre sphre la

    plus prive . Le touchant est dfini par quelque chose ou quelqu'un qui nous touche au

    sens motionnel et qui suscite la sympathie, la compassion, l'intrt . C'est galement la

    possibilit d'tre soi-mme touch . Une personne en soins peut tre touchante, elle va

    provoquer chez nous des motions.

    Dfinissons ce qu'est le toucher au sens contact physique et plus particulirement durant un

    soin infirmier.

    Le toucher fait partie des cinq sens et la peau, par qui le toucher existe est l'organe le plus

    vaste de notre corps. Selon France Bonneton-Tabaris et Anne Lambert-Libert, le terme de

    contact fait rfrence celui du toucher . Ces deux termes recouvrent donc la mme

    dfinition.

    Selon Carine Blanchon, pour qu'un soin infirmier soit un aboutissement, il faut que la relation

    avec la personne soit authentique et qu'il y ait donc une posture adapte.

    Cette posture passerait par le toucher qui serait donc prsent dans chaque acte de soins

    infirmiers.

    13 SAVATOFSKI, Jol, PRAYEZ, Pascal. Le toucher apprivois. 3e dition. France: Lamarre. 2009. 213 pages. pages 3, 121, 136, 137 (Soigner et accompagner) 14 LENAY, Charles. Cest trs touchant, la valeur motionnelle du contact. Intellectica [format Pdf]. 2010. numro 53-54. Page 3. Disponible sur : Http://www.utc.fr/costech/v2/_upload/fichiers/.../lenay_v4-ch-dif.doc?

  • 15

    Ainsi, tout moment, infirmires et aides-soignantes sont amenes toucher l'autre ,

    durant des soins dits techniques comme pour un prlvement sanguin, la rfection d'un

    pansement ou encore la pose d'une perfusion et des soins dits relationnels . Didier

    Anzieu15 introduisait il y a quelques annes la notion de moi-peau . En effet, il stipule que

    la peau permet un contact entre le sujet et son environnement. Entre une personne soigne et

    un soin infirmier donc. Au regard donc de ma situation vcue en stage, de celles vcues par

    les infirmires interroges ou encore de mes recherches bibliographiques, nous pouvons dire

    que dans chaque soin infirmier, il y a le toucher. Serait-ce alors le toucher la cause d'un

    comportement agressif? En effet, selon Carine Blanchon, par le toucher, nous instaurons un

    lien concret, palpable, entre le malade et nous-mmes . Alors ce lien qu'est le toucher peut-il

    gnrer de l'agressivit chez la personne soigne?

    5.5 Chez quel type de personne en soin?

    Je suis actuellement en stage en tablissement de sant mentale, dans une unit

    d'admission ouverte o viennent des personnes atteintes de diffrentes pathologies

    psychiatriques. Depuis mon tout premier stage qui se droulait en sant mentale, le sujet des

    personnes psychotiques m'intresse normment. Car, comme le stipule Paul Wiener16 : La

    psychose nous apparat d'abord comme une fatalit, un destin; ensuite comme un style de vie,

    une manire d'tre, une forme d'existence durable, l'essence d'une personnalit particulire

    [...] . Il parat pertinent dans un premier temps, de dfinir brivement ce que signifie le terme

    psychotique .

    15 ANZIEU, Didier. Le Moi-peau. Paris: Dunod. 1985. 254 pages. Page 39

    16 WIENER, Paul. Un destin nomm psychose. La qute psychotique du bonheur. [En ligne] [Consult le 10 Octobre 2013]. Disponible : http://psychopatho.fr/un-destin-nomme-psychose.htm

  • 16

    Une personne dite psychotique est une personne atteinte de psychose. Dominique

    Bourdin17 donne la dfinition de Sigmund Freud de ce quest la psychose :

    La nvrose serait le rsultat dun conflit entre le Moi et son Ca, la psychose, elle, lissue

    analogue dun trouble quivalent entre le Moi et le monde extrieur.

    Selon le psychiatre Patrick Juignet18, la personne psychotique montre un contact

    moyen et peroit la ralit de faon changeante. La personne dite psychotique est donc

    prisonnire d'un conflit entre elle-mme et son environnement. Ainsi, chaque geste,

    chaque parole peut tre interprte diffremment. Comme l'explique Catherine De Luca-

    Bernier19, en effet, toute intention envers un psychotique sera immanquablement dtecte

    par le malade et ressentie comme perscutrice . Or, dans l'environnement quotidien d'une

    personne dite psychotique , il y a le toucher au sens contact physique. Didier Anzieu dans

    le concept de moi-peau , dfinit la peau comme un support permettant un contact entre le

    sujet et son environnement. Donc le toucher au sens contact physique permet un contact entre

    la personne psychotique et son environnement, le soignant. Et ce contact, mal interprt par la

    personne peut provoquer de l'agressivit chez cette dernire. En effet, pour en revenir mon

    stage en sant mentale, un patient, Mr S, atteint de schizophrnie, s'est montr agressif alors

    que je lui touchais l'paule pour le rassurer face ses angoisses. De plus, des infirmiers du

    service m'ont expliqu qu'ils avaient dj pu observer lors de leur exercice professionnel en

    sant mentale, que bien souvent, le toucher physique peut provoquer un comportement

    agressif chez les personnes atteintes de schizophrnie.

    17 BOURDIN, Dominique. La psychanalyse de Freud aujourd'hui: histoire, concepts, pratiques. France: Bral. 2007. 317 pages. page 140. (Srie: Thorie) 18 JUIGNET, Patrick. Les trois ples : nvrotique, psychotique, intermdiaire (une mthode souple de diagnostic), Psychisme [en ligne]. 2011. Disponible sur: http://www.psychisme.org/Juignet.html 19 DE LUCA-BERNIER, Catherine. Le travail avec des patients psychotiques: La formation en question. INRP, 8e Biennale de lducation et de la formation. Numro 438 [format Pdf]. 2006. Page 1. Disponible sur: http://www.inrp.fr/biennale/8biennale/contrib/longue/438.pdf

  • 17

    Selon l'Inserm20, la Schizophrnie est un trouble appartenant la catgorie

    diagnostique des psychoses dlirantes chroniques ; elle est principalement marque par des

    ides dlirantes, reflet dune perte du contact vital avec la ralit, et une dissociation, vritable

    dislocation de la vie psychique (cognitive et affective) .

    Dans cette dfinition, il y a galement la notion de dissociation et de perte de contact

    avec la ralit. Elle rejoint donc la dfinition d'une personne psychotique . Ce qui apparat

    logique puisque la schizophrnie est une forme de psychose. En effet, chez une personne

    psychotique, la ralit pouvant tre errone, nous avons vu qu'ainsi, chaque acte d'une tierce

    personne pouvait tre interprt diffremment. Comme le toucher pendant un soin infirmier

    qui a gnr un comportement agressif chez Mr S.

    6. La question de recherche :

    Pour reprendre mon cheminement, je suis donc parti d'un thme qui me tenait cur:

    l'agressivit chez les personnes en soins. En relation avec ce thme, j'ai pu exposer une

    situation vcue en stages et me questionner sur celle-ci, mettre des rflexions et mes propres

    constats. Tout ceci dans le but d'mettre une question de dpart provisoire qui tait: En quoi

    les soins raliss par l'infirmier peuvent gnrer de l'agressivit chez le soign? . Ensuite,

    dans le but de pouvoir lgitimer ma question de dpart et de prciser ma question de

    recherche, j'ai men deux entretiens de terrain auprs de deux infirmires. En effet, j'ai

    regroup les grands axes de mes constats et rflexions pour pouvoir crer un questionnaire

    que j'ai pu exploit auprs de professionnelles. Aprs avoir fait la synthse de ces entretiens,

    j'ai pu comparer les dires des infirmires interroges avec les crits bibliographiques que j'ai

    pu consulter. J'ai ainsi pu dfinir les termes de personnes en soins, de soins infirmiers,

    d'agressivit, de toucher et vers quel type de personne en soins je voulais orienter mon travail.

    J'ai choisis de diriger mes recherches vers les personnes psychotiques, plus prcisment les

    personnes schizophrnes . Leur perception de la ralit tant errone, cela entraine des

    interprtations de chaque geste ou parole. Et donc du toucher au sens contact physique.

    20 Institut national de la sant et de la recherche mdicale (INSERM) Neurosciences, sciences cognitives, neurologie, psychiatrie. La schizophrnie [En ligne] [Consult le 5 Octobre 2013] Disponible: http://www.inserm.fr/thematiques/neurosciences-sciences-cognitives-neurologie-psychiatrie/dossiers-d-information/schizophrenie

  • 18

    Tout mon cheminement se retrouve dans une situation vcue en stage de psychiatrie o un

    jeune patient atteint de schizophrnie a eu une raction agressive face un contact physique

    de ma part. C'est donc grce ce cheminement que j'ai pu modifier ma question de dpart en

    question de recherche:

    En quoi le toucher pendant les soins infirmiers de confort et de bien-tre peut gnrer

    de l'agressivit chez la personne atteinte de schizophrnie?

    7. Lhypothse de recherche :

    La personne schizophrne a une perception diffrente de la ralit et donc de son corps. Ce

    pourquoi, elle peut considrer comme agressif le contact physique durant un soin infirmier de

    confort et de bien-tre.

    Partie II: Le cadre conceptuel:

    Prsentation du champ disciplinaire utilis:

    Ce travail traitera le concept de la personne atteinte de schizophrnie dans le cadre

    thorique de mon travail puisqu'elle est au centre de ce dernier et c'est autour d'elle que

    viennent s'articuler les autres concepts. Il traitera galement de sa manire de vivre son

    corps puisqu'elle peroit la ralit et donc son corps diffremment. Ce travail s'articulera

    galement autour du concept des soins infirmiers de confort et de bien-tre puisque c'est sur

    ces soins infirmiers qu'il va s'orienter. Puis, le concept de toucher au sens contact physique

    puisqu'il apparat omniprsent durant les soins infirmiers, quels qu'ils soient. Pour finir, ce

    travail portera sur le concept de l'agressivit ainsi que son lien avec le toucher. Les auteurs

    choisis pour traiter ces diffrents concepts sont: Bion Wilfrid, Lightner Whitmer, Pierre Janet,

    Sigmund Freud, Herbert Rosenfeld, Mlanie Klein, Juliette Favez-Boutonier et Gisela

    Pankow pour le concept de schizophrnie.

  • 19

    Prayez Pascal, Charles Lenay pour le concept de toucher, Bernard E.Gbzo, Pierre

    Karli et Erich Fromm pour celui de l'agressivit et les soins ide de confort et de bien-tre.

    Afin de traiter cette question de recherche, le champ disciplinaire employ sera la

    psychologie. En effet, comme le stipule Daniel Lagache21 dans son ouvrage L'unit de la

    psychologie , Kurt Lewin dfinit le champ psychologique comme tant le champ des

    interactions entre l'organisme et le milieu, et la psychologie a pour objet l'tude de ces

    interactions . Or, Didier Anzieu introduisait il y a quelques annes la notion de moi-peau :

    la peau permet un contact entre le sujet et son environnement.

    Entre l'organisme et son milieu donc. Le toucher au sens contact physique tant li l'organe

    qu'est la peau, il parat pertinent de traiter la question de recherche avec une approche

    psychologique. Or la psychologie comporte plusieurs courants. Celui qui se prte le mieux

    ce travail de fin d'tudes est la psychologie dite clinique . Comme le stipule Daniel

    Lagache22: La mthode clinique vise la singularit et la totalit : envisager la conduite dans

    sa perspective propre, identifier les manires d'tre et de ragir d'un tre humain aux prises

    avec une situation, dceler les conflits et les dmarches qui tendent rsoudre ces

    conflitstel est le programme de la psychologie clinique . Ce choix de domaine

    psychologique parat pertinent car l'on y trouve la notion de conduite. Or, le noyau central de

    ce travail porte sur la conduite d'une personne atteinte de schizophrnie. En effet, de ce

    concept dcoulent les autres que sont le toucher, l'agressivit et les soins ide de confort et de

    bien-tre.

    Cadre conceptuel:

    1. La personne atteinte de schizophrnie:

    21 LAGACHE, Daniel. Lunit de la psychologie. Geopsy : Psychologie interculturelle et psychothrapie. [format Pdf]. Page 1. Disponible sur: http://psychaanalyse.com/pdf/unite_de_la_psychologie_lagache.pdf 22 Dicodunet [en ligne]. Disponible sur : http://www.dicodunet.com/definitions/sciences/psychologie-clinique.htm

  • 20

    Aprs avoir dfini le cadre conceptuel sur lequel ce travail s'appuiera, il apparat pertinent

    de commencer par traiter le concept de la personne atteinte de schizophrnie. En effet, elle

    apparat tre le centre de ce travail, autour duquel les autres concepts viennent adhrer.

    Nous dfinirons ce qu'est la psychose. Puis nous donnerons une dfinition de la personne

    atteinte de schizophrnie afin d'introduire la dissociation, sa perception errone de la ralit

    et enfin sa manire de percevoir et de vivre son corps.

    1.1 La psychose:

    Puisque la schizophrnie fait partie intgrante de la famille des psychoses,

    dfinissons tout d'abord ce qu'est une psychose.

    Comme nous avons pu le voir dans la problmatisation de cet crit, Dominique Bourdin cite

    Sigmund Freud23 qui dcrit la diffrence entre la nvrose et la psychose, deux termes trs

    rpandus en psychiatrie: La nvrose est la consquence d'un conflit entre le Moi et le a, la

    psychose rsulte de l'volution similaire de telles perturbations dans les relations entre le Moi

    et le Monde . Toujours selon lauteur, le terme de psychose a t introduit par Ernst Von

    Feuchtersleben en 1845 . Paul Wiener24 stipule que lors d'pisodes aigus , la personne

    atteinte de troubles psychotiques, ne va pas percevoir le monde qui l'entoure ainsi que les

    souvenirs qui s'y rapportent de manire relle. Cette ralit est remplace par un nouvel

    univers, rig selon les dsirs du a . C'est ce parti pris pour le a , qui, selon le

    psychiatre, caractrise le mieux les troubles psychotiques. Dans nos reprsentations sociales,

    le terme de psychose rime avec folie depuis bon nombre d'annes.

    Il a t remplac par l'adjectif psychotique qui dsigne une personne souffrant de dlires,

    ou encore d'une perte de rapport la ralit, comme nous lavons vu auparavant.

    Au regard des ouvrages littraires, nous apercevons que la pathologie dite psychotique la

    plus publie et la plus mdiatise est la schizophrnie. Or il s'agit bien de la schizophrnie

    dont nous traiterons dans cet crit. Alors qu'est-ce-que la schizophrnie? Comment se

    caractrise-t-elle?

    23 BOURDIN, Dominique. La psychanalyse de Freud aujourd'hui: histoire, concepts, pratiques. France: Bral. 2007. 317 pages. Page 140. (Srie: Thorie) 24 WIENER, Paul. Un destin nomm psychose. La qute psychotique du bonheur. [En ligne] [Consult le 10 Octobre 2013]. Disponible : http://psychopatho.fr/un-destin-nomme-psychose.htm

  • 21

    1.2 La schizophrnie:

    Il est commun, dans notre socit actuelle, de dfinir la schizophrnie comme un

    ddoublement de la personnalit. On l'assimile des personnages fictifs tels que Dr Jekyl et

    Mr Hide. Mais qu'est-ce-que la schizophrnie exactement?

    Ici, nous tenterons de dfinir ce qu'est une personne atteinte de schizophrnie, afin

    d'introduire le terme de dissociation puisque selon les auteurs Stacey Callahan et Henri

    Chabrol25, la schizophrnie porte galement le nom de psychose dissociative .

    Selon les auteurs Bernard Granger et Jean Naudin, cest en 1911 que le psychiatre Suisse

    Eugen Bleuler introduit pour la premire fois le terme de schizophrnie, tant jusqu'alors

    appel dmence prcoce par mile Kraepelin26.

    Il dfinit ce dernier par le fait que l'esprit a du mal rassembler l'ensemble des vcus, des

    sentiments, des comportements et des penses en un sujet autonome et sr de ses acquis .

    Plus rcemment, les auteurs Jean-Louis Pedinielli et Guy Gimenez27, dfinissent la

    schizophrnie par des distorsions fondamentales de la perception et de la pense ainsi que

    des affects mousss ou inappropris, des phnomnes comme l'cho de la pense, la

    perception dlirante, les ides dlirantes de contrle, d'influence ou de passivit, les

    hallucinations, les troubles du cours de la pense et les symptmes ngatifs . Dans le cadre

    de ce travail, nous parlerons uniquement du terme de dissociation, bien qu'ayant pris

    connaissance des autres symptmes caractrisant la schizophrnie, il semblerait que le

    syndrome dissociatif soit le plus en lien avec notre sujet. Selon les auteurs Stacey Callahan et

    Henri Chabrol, le syndrome dissociatif runirait grand nombre des symptmes dcrit ci-

    dessus, tels que les troubles du cours de la pense, la dsorganisation de la vie affective et du

    comportement et la dpersonnalisation.

    25 CALLAHAN, Stacey, CHABROL, Henri. Mcanismes de dfense et coping. France : Dunod. 2004.

    178 pages. Page 47. (Sociale)

    26 GRANGER, B, NAUDIN, J. La schizophrnie. France : Le cavalier bleu. 2006. 127 pages. Page 15

    (Ides reues)

    27 PEDINIELLI, Jean-Louis, GIMENEZ, Guy. La psychose de l'adulte. 2e dition. France: Armand Colin. 2009. 126 pages. Page 80 (Psychologie 128)

  • 22

    tymologiquement, le terme schizo signifie dissociation, division et phrnie

    signifie l'esprit28. Dans cette tymologie, nous retrouvons donc la dfinition d'Eugen Bleuler

    concernant la schizophrnie.

    La conception Bleulrienne de la dissociation reste cependant quelque peu floue et lorsqu'il la

    dfinit comme tant une incapacit faire de nouvelles associations , Pierre Janet29

    rpond: mais ce n'est pas une dissociation cela. C'est une suppression de travail, de

    synthse . Face ces divergences nous pourrions alors nous questionner:

    Qu'est-ce-que la dissociation? En quoi permet-elle de dfinir les troubles schizophrniques

    chez une personne en soins?

    Nous allons maintenant voir ce qu'est la dissociation et son lien avec la perception

    errone de la ralit chez une personne atteinte de schizophrnie.

    1.3 Dissociation et perception errone de la ralit:

    Il faut oprer par la dissociation, et non par l'association des ides. Une association est

    presque toujours banale. La dissociation dcompose et dcoupe des affinits latentes Jules

    Renard30.

    Pour comprendre le titre de cette sous-partie, il faut avant tout garder en tte ce que

    nous avons vu prcdemment. A savoir que la schizophrnie se dfinit par une dissociation,

    autrement appele syndrome dissociatif . Comme l'explique Gisela Pankow31 dans

    l'homme et sa psychose , les dissociations caractrisent plus profondment toute affection

    schizophrnique .

    28 KEDIA, M ; VANDERLINDEN, J ; et al. Dissociation et mmoire traumatique. France: Dunod. 2012. 256 pages. Page 12. (Psychothrapies pratiques)

    29 JANET, Pierre. La pense intrieure et ses troubles : Leons au Collge de France 1926-1927. France : LHarmattan. 2007. 490 pages. Page 375. (Encyclopdie psychologique)

    30 RENARD, Jules. Journal du 24 Janvier 1890 31 PANKOW, Gisela. L'homme et sa psychose. 2e dition. France: Aubier Montaigne. 1977. 292 pages.

    pages 119, 120, 121, 136. (La chair et l'esprit)

  • 23

    D'ailleurs, comme le souligne le psychiatre Alain Bottro32, le terme de dissociation est

    devenu synonyme de la schizophrnie. Mais qu'est-ce-que la dissociation? Toujours selon

    Gisela Pankow, c'est la consquence de la destruction de la psychose . Elle lui donne

    galement le terme de Spaltung et explique que ce terme allemand est la traduction que

    Freud fit d'une expression frquente dans la psychiatrie franaise du XIXme sicle, celle de

    double conscience , utilise en particulier par Pierre Janet. Nanmoins, selon les auteurs

    Bernard Granger et Jean Naudin33, ce terme allemand perdrait toute logique dans sa traduction

    franaise. Ainsi, nous devrions plutt parler de clivage ou encore de morcellement .

    Mais il ne s'agit ici que d'une traduction et les termes de morcellement et de

    dissociation requirent la mme dfinition.

    Beaucoup d'ouvrages offres des perspectives varies quant aux termes de morcellement et

    de dissociation . La plupart des auteurs stipulent que ces deux termes offrent la mme

    dfinition et c'est pourquoi nous emploierons ces deux derniers au mme titre dans ce travail.

    Par dissociation, Gisela Pankow dfinit des conflits de la spatialit du corps vcu .

    Afin d'illustrer ses propos et de faire le lien avec le corps de la personne atteinte de

    schizophrnie, elle donne l'exemple d'une jeune femme atteinte de troubles psychotiques,

    Vronique. Cette dernire souffre de schizophrnie et rve qu'un homme se coupe la jambe

    pour la placer dans le rfrigrateur, afin de lutter contre la faim. L'auteure explique que dans

    cette situation, pour la jeune femme, il n'y a plus aucun lien entre la jambe et la perception du

    corps. Elle peroit la jambe comme un simple moyen de lutter contre la faim.

    Car cette dernire, spare et mise l'cart du reste du corps, requiert dsormais une toute

    autre signification. Il est intressant de prendre en compte cette illustration afin de mieux

    comprendre ce que signifie le terme de dissociation. La dissociation est donc, selon Gisela

    Pankow, l' impossibilit de rtablir un lien entre les parties et la totalit du corps .

    Nous venons donc de voir ce que signifiait le terme de dissociation et nous en concluons

    qu'il concerne directement le corps de la personne et sa manire de le percevoir, de le

    ressentir. Mais comment ceci se traduit-il chez la personne?

    32 BOTTERO, Alain. Un autre regard sur la schizophrnie. France: Odile Jacob. 2008. 396 pages. Page 93 33 GRANGER, B, NAUDIN, J. La schizophrnie. France : Le cavalier bleu. 2006. 127 pages. Page 16 (Ides reues)

  • 24

    Nous allons maintenant voir comment la personne atteinte de schizophrnie vit son corps

    quotidiennement, quel rapport entretient-elle avec ce dernier. Tout ceci dans le but de pouvoir,

    ensuite, faire le lien avec le concept de toucher au sens contact physique pendant les soins

    infirmiers. Le toucher ayant un lien direct avec le corps de la personne.

    1.4 Une manire de vivre son corps:

    Par le terme de dissociation, je dfinis donc la destruction de l'image du corps

    telle que ses parties perdent leur lien avec le tout pour rapparaitre dans le monde extrieur .

    Cette citation de Gisela Pankow34 nous permet de faire le lien entre la dissociation, dfinit

    prcdemment et le vcu du corps de la personne atteinte de schizophrnie.

    Comme le stipule l'auteure, chez une personne atteinte de schizophrnie, durant un processus

    propre la psychose, le corps n'est plus vcu comme unit .

    Comme pour Vronique, la jambe n'est plus considre comme faisant partie du corps dans

    sa totalit. Elle est vue comme un moyen de pallier la faim. En effet, la personne atteinte de

    schizophrnie ne peroit plus une partie de son corps juste titre.

    Cela se caractrise par une destruction de ce corps qui peut amener des ractions

    diffrentes: soit que la totalit de l'image du corps se trouve remplace par une partie, soit

    qu'il y ait confusion de l'intrieur et de l'extrieur . D'aprs Gisela Pankow, c'est suite

    une telle destruction du corps de la personne atteinte de schizophrnie que certaines parties

    de l'image du corps peuvent apparatre dans le monde externe . Parfois, ces dbris sont

    encore reconnus comme des dbris d'un corps primitivement entier, mais parfois elle

    apparaissent sous forme d'hallucinations auditives et visuelles . Nous retrouvons ici la

    dfinition de la schizophrnie par les auteurs Jean-Louis Pedinielli et Guy Gimenez35.

    Toujours pour illustrer ces propos, appuyons-nous sur le texte Bruges-la-morte de

    Georges Rodenbach36, pote symboliste et romancier Belge. Dans ce texte, il met en scne

    deux personnages: Jane et Hugues. Jane, pour s'amuser du garon, prend dans un coffret de

    verre une longue chevelure tresse provenant d'une dfunte femme. 34 PANKOW, Gisela. L'homme et sa psychose. 2e dition. France: Aubier Montaigne. 1977. 292 pages.

    pages 119, 120, 121, 136. (La chair et l'esprit) 35 PEDINIELLI, Jean-Louis, GIMENEZ, Guy. La psychose de l'adulte. 2e dition. France: Armand

    Colin. 2009. 126 pages. Page 80 (Psychologie 128) 36 RODENBACH Georges. Bruges-la-morte. France : Flammarion. 1998. 192 pages. (Gf, numro 11)

  • 25

    Elle s'en amuse, la place autour de son cou en riant. Hugues y voit l un sacrilge, car

    depuis des annes, il n'osait toucher cette chose qui tait morte puisqu'elle tait d'un

    mort . Alors il perd pied: une flamme lui chanta aux oreilles, du sang brla ses yeux, un

    vertige lui courut dans la tte [] Une envie de saisir, d'treindre quelque chose, de casser des

    fleurs [...] . Ce dernier attrapa alors la tresse au cou de Jane et la strangula. Gisela Pankow a

    analys cet extrait du texte. En effet, pour Hugues, la chevelure qui est une partie du corps de

    la personne dcde, prend la place de la totalit de ce corps. Ainsi, le corps tout entier se

    rsume cette tresse.

    A ses yeux, la tresse est donc inerte, puisque la femme qui elle appartenait est dcde.

    Comme nous l'avons donc vu prcdemment, le corps n'est plus vcu comme une entit, un

    tout.

    2. Le toucher

    Nous avons donc dfinit ce qu'tait une personne atteinte de schizophrnie. Nous nous

    sommes intresss une des principales caractristiques de cette pathologie, qui est la

    dissociation. Une division de l'esprit, mais aussi du corps. Ainsi, nous avons pu voir

    comment la personne atteinte de schizophrnie percevait ce dernier. Ce qui nous amne

    faire le lien avec le toucher car le corps est le sige de ce sens directement li la peau.

    Nous allons voir ce qu'est le toucher et pourquoi dcidons-nous de le traiter au sens du

    contact physique. Nous verrons ensuite en quoi le toucher est une communication non-verbale

    pour faire le lien avec le toucher pendant les soins infirmiers de confort et de bien-tre.

    Ensuite, nous verrons le concept de moi-peau de Didier Anzieu, et en quoi son altration

    est lie de manire directe au syndrome dissociatif chez la personne atteinte de schizophrnie.

    Enfin nous verrons l'impact du toucher sur les motions pour ainsi faire le lien avec le

    comportement agressif chez la personne, durant un contact physique.

    2.1 Dfinition du toucher comme contact physique:

    Toucher: Il est commun d'entendre ce terme dans la vie de tous les jours (cela m'a touch,

    je touche...) mais connaissons-nous rellement son sens? Il est d'ailleurs tonnant de voir les

    nombreuses dfinitions que le terme de toucher recouvre. Il provient du terme tocarre .

    Le toucher fait partie de nos cinq sens, au mme titre que l'oue ou encore l'odorat.

  • 26

    Selon Franoise Boissires-Dubourg37, le toucher, c'est le premier sens de la vie, et son

    histoire commence avec la maman et son bb; c'est aussi souvent le dernier, lorsque les

    autres sens sont altrs . Ce travail traitera du toucher au sens du contact physique car ce

    dernier un lien direct avec le corps. Or, nous avons vu que chez la personne atteinte de

    schizophrnie, le corps est vcu diffremment, en lien avec la dissociation qui caractrise

    la pathologie.

    Donc le toucher en lien avec le corps vcu de manire singulire pourrait faire ressortir le

    syndrome dissociatif chez la personne atteinte de schizophrnie. Cest donc au corps de la

    personne atteinte de schizophrnie qu'il faut s'intresser et c'est pourquoi nous traiterons du

    concept de toucher uniquement en relation avec celui-ci. Mais quelle est l'utilit du toucher

    durant les soins infirmiers du rle propre?

    Aprs avoir dfini ce qu'tait le toucher au sens contact physique, nous allons voir en quoi le

    toucher est un biais de la communication non-verbale, et plus encore pendant les soins

    infirmiers dits de confort et de bien-tre .

    2.2 Le toucher comme communication non-verbale pendant les soins infirmiers du rle

    propre:

    Dans leur ouvrage, les auteurs Jol Savatofski et Pascal Prayez38 mettent en vidence le

    rle primordial de la communication mais plus encore celui de la communication non-verbale

    dans un contexte de soins. Mais qu'est-ce-que la communication? Car communiquer est

    un terme que nous employons au quotidien, mais en connaissons-nous rellement la

    signification? Selon les auteurs Antoine Bioy, Isabelle Ngre et Franoise Bourgeois39, la

    communication est un change de personne personne .

    37 BOISSIERES-DUBOURG, Franoise. De la maltraitance la bientraitance. France: Lamarre. 2011. 252 pages. Page 161 (Soigner et accompagner) 38 SAVATOFSKI, Jol, PRAYEZ, Pascal. Le toucher apprivois. 3e dition. France: Lamarre. 2009. 213 pages. pages 3, 121, 136, 137 (Soigner et accompagner) 39 BIOY, A. ; BOURGEOIS, F ; et al. La communication entre soignant et soign: repres et pratiques. France: Bral. 2003. 143 pages. page 15

  • 27

    Selon les auteurs, elle permet de montrer qui nous sommes en tant qu'tre humain et de

    percevoir comment est la personne en face de nous. tymologiquement, communiquer

    signifie mettre en commun . A l'origine, ce terme quivaut celui de communier qui

    signifie mettre en communaut . Puis, progressivement, il va prendre le sens de

    transmettre, d'changer . Mais alors, si communiquer avec une personne, quel que soit le

    contexte, c'est transmettre des informations et changer, qu'est-ce-que la communication non-

    verbale? Selon Michel Heller40, la communication non-verbale dsigne toute forme de

    comportement qui ne requiert pas l'analyse des mots .

    Il explique ainsi que chacun de nos comportements peut avoir un rle communicatif. Selon

    Andrew Westen41, certains aspects du discours autres que les noms et les verbes en disent

    parfois plus que les mots .

    Il dfinit ainsi la communication non-verbale en tant qu'elle comprend une varit de signes:

    lintonation, le langage gestuel, la distance physique, les vocalisations non-verbales (comme

    les soupirs ou les raclements de gorge), les expressions faciales et le toucher . Au regard de

    cette dfinition, le toucher fait donc partie de la communication non-verbale, puisqu'il n'a pas

    recours aux mots. Mais quel est son rle dans un contexte de soins? Jol Savatofski souligne

    le rle primordial du toucher dans un contexte de soins: Plus que jamais, toucher et tre

    touch est devenu ncessaire, indispensable .

    Selon Antoine Bioy42, le contact physique est inluctable dans la profession de soignant, que

    ce soit au cours de soins techniques (ponctions, pansements) ou durant les soins relevant

    proprement parler du rle infirmier (toilette, aide l'habillage...) . Or, comme nous l'avons

    prcdemment vu, ce travail s'orientera sur le toucher durant les soins de confort et de bien-

    tre, faisant donc parti du rle propre infirmier. Nous avons, au sein de la

    problmatisation, dfinit ce qu'taient les soins infirmiers du rle propre.

    40 HELLER Michel. Les psychothrapies corporelles, fondement et mthode. France: De Boeck. 2008. 689 pages. page 477. (Srie: carrefour des psychothrapies) 41 WESTEN, Drew. Psychologie: pense, cerveau et culture. France: De Boeck Suprieur. 2000. 1250 pages. page 409. (Ouvertures psychologiques) 42 BIOY, Antoine. Communication soignant-soign, repres et pratiques. 2e dition. France : Bral. 2009. 158 pages. Page 49 (Etudiants en IFSI, Formations paramdicales)

  • 28

    Le toucher tant prsent dans tous les soins infirmiers, la question que nous pourrions alors

    nous poser est: quel est le rle du toucher dans les soins infirmiers spcifiques de confort et de

    bien-tre?

    Selon Franoise Boissires-Dubourg43, le toucher a un rle trs important dans les soins,

    puisqu'il permet de rentrer en communication, d'tablir un climat de confiance . Or, durant

    les soins infirmiers de confort et de bien-tre, il y a ncessit d'instaurer un climat de

    confiance avec la personne, pour pouvoir entrer en contact avec elle. C'est ce qu'expliquent les

    auteurs Antoine Bioy et Damien Fouques44.

    Selon ces derniers, moins les soins sont dits techniques , rapport au rle prescrit de

    l'infirmier et plus la relation avec la personne sera intime puisqu'elle s'intresse d'avantage la

    dimension corporelle de la personne. Or, plus nous entrons dans l'intimit de la personne en

    soin et plus nous nous devons d'instaurer un climat de confiance, l'intimit tant synonyme de

    se mettre nu, au sens propre comme au figur. Ainsi, le toucher semble prendre une grande

    place dans les soins du rle propre infirmier puisqu'il permet notamment d'instaurer ce climat

    de confiance avec la personne. De plus, selon Jol Savatofski, le toucher est le premier sens

    de la communication, du bien-tre . Or, le rle propre de l'infirmier regroupe les soins de

    confort et de bien-tre. Ainsi, dans la situation d'appel, lorsque Me O me prend la main, je la

    serre fort pour lui montrer que je suis prsente et disponible pour elle.

    Le toucher serait donc un moyen de communiquer non-verbalement et son objectif dans un

    contexte de soins du rle propre serait de rentrer en communication avec la personne pour

    tablir un climat de confiance et de bien-tre. Ainsi, nous comprenons le rle du toucher

    pendant les soins et son importance pour rentrer en contact avec la personne. Toutefois, il faut

    apprcier l'aptitude de la personne tre touche. En effet, certaines personnes en soin, de par

    leur vcu ou leur pathologie, ne veulent pas tre touches de manire physique par le

    soignant.

    43 BOISSIERES-DUBOURG, Franoise. De la maltraitance la bientraitance. France: Lamarre. 2011. 252 pages. Page 161 (Soigner et accompagner)

    44 BIOY, A ; FOUQUES, D. Manuel de psychologie du soin. France : Bral. 2002. 317 pages. Page 45

    (IFSI, formations paramdicales)

  • 29

    Car si le corps s'avre tre l'enveloppe de notre me, nous allons voir par le concept de moi-

    peau de Didier Anzieu que tous deux sont troitement lis. Par mtaphore et pour souligner

    le lien entre le toucher et le concept de Moi-peau , nous pourrions dire: si tu touches mon

    corps, tu touches mon me .

    2.3 Le Moi-peau de Didier Anzieu:

    Le toucher au sens du contact physique, c'est donc entrer en contact de manire physique

    avec une personne ou un objet. Nous avons vu que le toucher tait un sens et qu'il faisait

    partie de la communication non-verbale. Nous avons aussi vu qu'il tait omniprsent dans les

    soins infirmiers et son importance dans ceux du rle propre de ce dernier: il permet de crer

    un climat de bien-tre et de rentrer en communication.

    Entre une personne en soin et un soignant donc. En effet, dans la situation de dpart, je-en tant

    que soignant-, touche Me O qui est la personne soigne. Or, le soignant fait partie de

    l'environnement de la personne. Quel est le rapport tablir entre la personne et son

    environnement? Franois Dagonet45 explique qu'une tape majeure de l'volution du vivant

    est survenue lors du passage des invertbrs aux vertbrs, lorsque le tissus solide qui

    l'entourait (coque, coquille, carapace...) s'est enfoui dans la chair pour donner une structure

    interne (colonne vertbrale..), laissant en surface une enveloppe souple et sensible

    l'environnement . Cette citation nous permet de faire le lien entre la peau et l'environnement

    de la personne. Selon Pascal Prayez, la peau est un organe sensoriel mais elle est bien plus

    que a. Elle est carapace, enveloppe corporelle.

    Pas une carapace tanche comme celle de la tortue, mais une carapace qui filtre .

    A ce sujet et selon les auteurs Jol Savatofski et Pascal Prayez, Didier Anzieu introduit le

    concept de moi-peau . Il stipule que notre enveloppe corporelle contient les organes,

    dlimite le corps (il y a un dedans et un dehors), protges des agressions extrieures

    (mcaniques, thermiques, virales...) et met au contact (rle d'interface) le sujet et son

    entourage . Il s'agit du corps physique dcrit Didier Anzieu. Il stipule galement que le

    sujet, en contact avec ce corps physique, va se constituer un corps psychique .

    45 SAVATOFSKI, Jol, PRAYEZ, Pascal. Le toucher apprivois. 3e dition. France: Lamarre. 2009. 213 pages. pages 3, 121, 136, 137 (Soigner et accompagner)

  • 30

    Le psychisme se dveloppe donc toujours en rfrence l'enveloppe corporelle et donc

    l'exprience corporelle. C'est cette enveloppe o rside le psychisme de la personne que

    l'auteur dfinit comme tant le Moi-peau . Pour prciser notre pense, nous pouvons

    utiliser une clbre mtaphore qui berce notre quotidien: Il est dans sa bulle . Cette phrase,

    si souvent entendue, dfinit le Moi-peau de Didier Anzieu comme une bulle, une carapace o

    se construit la personne.

    Nanmoins, cette phrase sous-entend que la personne est coupe du monde extrieur, la

    bulle imageant une barrire entre la personne et son environnement. Or, le concept de moi-

    peau est tout le contraire, comme nous avons pu le voir: la personne nourrit son corps

    psychique grce au corps physique qui est en relation avec son environnement. Ainsi, nous

    pouvons dire que lindividu nexiste que parce quil est en relation. La peau est une

    enveloppe, une carapace qui contient l'individu et lui permet de rentrer en contact avec son

    environnement.

    Or, comme nous avons pu le voir, la personne atteinte de schizophrnie vit son corps de

    manire singulire et ce dernier requiert une toute autre dfinition. Nous pourrions alors nous

    demander si le concept de Moi-peau s'applique cette personne.

    Aprs avoir dfini ce qu'tait le concept de Moi-peau de Didier Anzieu, nous allons

    maintenant voir en quoi il se trouve altr chez la personne souffrant de troubles

    schizophrniques.

    2.4 Altration du Moi-peau chez la personne atteinte de schizophrnie:

    Nous avons vu prcdemment que ce qui caractrise la personne atteinte de

    schizophrnie, c'est le syndrome dissociatif, autrement appel morcellement. Ce mme

    symptme qui fait que la personne peroit et vit son corps de diffrentes manires

    comme l'expliquait Gisela Pankow.

    Or, comme le stipule Didier Anzieu46dans son concept de moi-peau , l'enveloppe

    corporelle, autrement appele corps physique met en contact de manire directe

    l'individu avec son environnement. Ceci permet la personne de se crer un corps

    psychique , le tout dfinissant le moi-peau de la personne.

    46 ANZIEU, Didier. Le Moi-peau. Paris: Dunod. 1985. 254 pages. Page 39

  • 31

    La personne souffrant de schizophrnie vivant son corps de manire singulire, nous pouvons

    alors nous poser cette question: Comment le concept de Moi-peau de Didier Anzieu se

    traduit-il chez cette personne?

    Tenzin Dorje47 dcrit le Moi-peau comme notre corps psychique, une sorte de coffre

    secret o l'on renferme tout ce qui nous dfinit psychiquement, nos vcus, nos expriences,

    apportes par le moi physique en relation avec notre environnement. Or, lauteur explique

    que chez une personne atteinte de psychose, le moi-peau apparat comme transparent, auquel

    autrui a accs.

    Mtaphoriquement, nous pourrions dire que le coffre secret qui renferme le moi-peau est

    fissur et devient donc permable , il se noie dans son environnement.

    Il n'assure plus sa fonction de contenance , comme lexplique lauteur, car il n'y a plus

    aucune barrire entre le sujet et son environnement. Ainsi, comme le dcrivent Jean-Louis

    Pedinielli et Guy Gimenez48, l'individu est alors confront de confusion ou de l'inversion

    dedans-dehors, et l'incapacit trouver un quelconque contenant une exprience ou un

    objet . Le Moi-peau devient alors une passoire , selon les auteurs, laissant la personne

    atteinte de schizophrnie sans barrire de dfense, sans frontire entre elle-mme et autrui. Ils

    en font d'ailleurs une mtaphore pour dfinir le rapport qu'une personne atteinte de

    schizophrnie, dont le moi-peau se trouve altr, entretient avec son propre corps: certaines

    personnes atteintes de schizophrnie se vivent comme un oeuf la coquille troue, qui se

    vide de son blanc, voire de son jaune . Les auteurs prcisent que certaines personnes atteintes

    de schizophrnie ressentent ainsi que les limites de leur corps deviennent floues . Ils ont

    ainsi cette sensation de sortir de leur propre corps, de flotter ct de celui-ci . Comme

    nous l'avons vu, c'est ainsi que G. Pankow dfinit la dissociation schizophrne. La cause du

    syndrome dissociatif serait donc l'altration du moi-peau .

    Tout prend alors sens: puisqu'il n'y a plus de contenance du moi-peau, alors il y aura

    confusion entre le dehors et le dedans.

    47 Tenzin, Dorje. Moi-peau et matire psychique, introduction au concept de Moi-peau. Psychologie du trouble de stress post-traumatique [en ligne]. Septembre 2008. Disponible sur : http://miettes-litteraires.blogspot.fr/2008/09/moi-peau-et-traumatique-psychique.html 48 PEDINIELLI, Jean-Louis, GIMENEZ, Guy. La psychose de l'adulte. 2e dition. France: Armand Colin. 2009. 126 pages. Page 87 (Psychologie 128)

  • 32

    Entre le corps de la personne et son environnement donc. Il y aura alors projection d'une

    partie du corps dans l'environnement. C'est la dissociation corporelle: l'incapacit vivre son

    corps comme un tout, une unit. Rappelons-nous par ailleurs, que l'auteure stipule que dans le

    cas d'une dissociation, les dbris d'un corps primitivement entier peuvent rapparatre sous

    forme d'hallucinations auditives ou visuelles. Pour illustrer ces propos et aller plus loin de leur

    pense, les auteurs Jean-Louis Pedinielli et Guy Gimenez dcrivent: un patient sentait et

    voyait les parties de son corps se dtacher de lui: son estomac se retrouvait ainsi sur les murs,

    il cherchait ses oreilles par terre, son cerveau tait en suspension dans la pierre . Certaines

    personnes voient ainsi leurs organes vitaux s'couler par leurs orifices (nez, oreilles) comme

    lors d'un de mes stages en psychiatrie o un jeune homme de 25 ans m'expliquait voir son

    cerveau sortir par ses oreilles lorsqu'il se regardait dans un miroir.

    De plus, selon les auteurs, pour contrer ce morcellement, la personne atteinte de schizophrnie

    va user de stratagmes de dfenses tels que le clivage, la projection, le dni et la forclusion

    qui provoquent dlires, hallucinations ou autres passages l'acte49

    Nous avons vu que, selon le concept de moi-peau de Didier Anzieu, la peau met au

    contact et a un rle d'interface entre la personne et son environnement.

    Mais, selon Sadeq Haouzir et Amal Bernoussi50 ce mme moi-peau a galement une

    fonction de pare-excitation . Par ce terme, ils dfinissent la protection de la psych des

    stimulations externes , afin d'en diminuer les excs et de les rguler . Nous pouvons, de

    faon mtaphorique, comparer la notion de pare-excitation un parapluie qui fait barrage

    entre nous et la pluie. Chez la personne atteinte de schizophrnie, cette fonction va tre altre

    puisqu'il y a permabilit du moi-peau. Ceci va avoir pour consquence chez la personne la

    sensation d'tre commande par des forces extrieures, avec un pillage de ses ides,

    souvenirs et sentiments . Selon les auteurs, la personne sera alors en proie des angoisses

    d'intrusion, du viol psychique et de manipulation .

    49 PEDINIELLI, Jean-Louis, GIMENEZ, Guy. La psychose de l'adulte. 2e dition. France: Armand Colin. 2009. 126 pages. Pages 85, 86 (Psychologie 128) 50 HAOUZIR, S, BERNOUSSI, A. Les schizophrnies. France : Armand Colin. 2007. 123 pages. Page 76 (Collection 128)

  • 33

    Nous pourrions alors nous demander quel lien peut tre tabli entre les angoisses cites

    prcdemment, lies l'altration du moi-peau et un comportement agressif chez la personne

    atteinte de schizophrnie. Car si une angoisse est un sentiment, alors nous allons voir quel lien

    entretient un sentiment avec une motion.

    Nous avons donc ici t plus loin dans notre rflexion en faisant le lien entre l'altration du

    Moi-peau de Didier Anzieu et le syndrome dissociatif du corps li la schizophrnie. La

    personne perd donc toute notion de familiarit avec son propre corps. Ceci cr un sentiment

    d'impuissance, de mal-tre. Ou encore des angoisses de morcellement, de vidage. Selon

    Stacey Callahan et Henri Chabrol51, ces angoisses proviendraient de la dpersonnalisation,

    qui, comme nous lavons vu, est directement lie la dissociation.

    Les auteurs Jean-Louis Pedinelli et Guy Gimenez52 expliquent qu'il existe moult adjectifs,

    variant d'un auteur un autre pour dfinir ces angoisses, puisque la personne concerne elle-

    mme ne peut dfinir ce qu'elle ressent.

    Mais comme nous l'avons vu, l'angoisse est un sentiment et selon Alexander Bain53, les

    motions proviendraient de sentiments.

    Un sentiment, li la dpersonnalisation de son corps, peut gnrer des motions chez la

    personne atteinte de schizophrnie, lors du toucher pendant un soin infirmier de confort et de

    bien-tre. C'est ce que nous allons voir en faisant le lien entre le toucher et les motions.

    2.5 Le toucher, source d'motions:

    La personne atteinte de troubles psychotiques peroit donc diffremment le monde qui

    l'entoure, comme nous l'avons prcdemment vu, c'est ce que nous appelons la dissociation.

    Cette dissociation est due une altration du moi-peau .

    51 CALLAHAN, Stacey, CHABROL, Henri. Mcanismes de dfense et coping. France : Dunod. 2004. 178 pages. Page 47. (Sociale) 52 PEDINIELLI, Jean-Louis, GIMENEZ, Guy. La psychose de l'adulte. 2e dition. France: Armand

    Colin. 2009. 126 pages. Page 88 (Psychologie 128) 53 BAIN, Alexander. Les motions et la volont, trait de psychologie II. France: ditions Harmattan. 2006. 603 pages. page 68. (Encyclopdie psychologique)

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    Elle est vision atypique de la personne, qui peut s'appliquer son propre corps, qu'elle

    peroit comme tranger elle-mme ou encore aux personnes qui l'entourent, leurs

    actes.

    Prenons pour exemple un soignant qui a pour intention d'aider une personne atteinte de

    troubles psychotiques prendre sa douche. Il va, par exemple, lui savonner le dos l'aide d'un

    gant de toilette. Nous avons vu que le toucher est omniprsent dans les soins et a une grande

    importance dans les soins de bien-tre et de confort. Ladite personne ne percevra pas ce geste

    comme un geste bienveillant puisqu'il y a un dcalage entre sa vision de l'environnement et la

    ralit. Le toucher accentuera le syndrome dissociatif de la personne. Nous avons galement

    vu que ce sont les sentiments qui provoquent des motions et qu'une personne atteinte de

    schizophrnie pouvait ressentir un sentiment de mal-tre lorsque son corps ne lui appartient

    plus dans un contexte de syndrome dissociatif. En suivant donc la logique de cet crit, nous en

    concluons que les sentiments provoquent des motions chez la personne.

    Voyons prsent ce qu'est une motion. Comme le stipule Jean-Yves Arriv54, Les motions

    nourrissent notre existence, donnent des tonalits contrastes notre vie quotidienne et

    peuvent parfois la perturber srieusement . Qu'est-ce-qu une motion?

    Toujours selon l'auteur, le terme motion est constitu du verbe latin movere , qui

    signifie mouvoir et du prfixe ex qui signifie un mouvement vers l'extrieur . Au

    regard cette tymologie, lauteur en dduit que l'motion incite agir .

    Jol Savatofski et Pascal Prayez55 donnent des exemples d'motions comme la colre, la

    peur, la joie ou encore la tristesse. Ils expliquent galement qu'elles expriment travers

    diverses manifestations neurovgtatives, posturales et gestuelles, des ractions au milieu

    dans lequel volue le sujet concern . Nous pourrions nous demander si le toucher provoque

    des motions chez la personne. Nous avons vu prcdemment ce qu'tait la communication

    non-verbale et que le toucher en faisait partie. Or, d'aprs les auteurs Jol Savatofski et Pascal

    Prayez, cette communication non-verbale serait troitement lie au monde motionnel .

    54 ARRIVE, Jean-Yves. Savoir vivre ses motions. France: Retz eds, 2001, 200