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1 Bonjour 2 Ca, c’est moi. Je m’appelle John Laurie. Je suis ingénieur, père de 3 enfants, et bloggeur. D’abord un grand merci à Avenir Climatique, en particulier Julien et Paul, pour l’opportunité de vous parler cet après midi de la voiture nucléaire. Vous allez voir, c’est assez dense, donc je propose de dérouler puis d’avoir une discussion, des échanges, à la fin. Quand j’avais un an, mon premier mot était « car ». Et je n’ai rien dit d’autre avant l’âge de 2 ans. J’ai appris à l’école et à la fac comment être un ingénieur, et j’ai passé toute ma carrière dans l’ingénierie automobile. 3 J’ai toujours considéré la voiture comme une invention fabuleuse qui transforme la vie des gens. Partout dans le monde, les gens sont attirés par les avantages d’une mobilité flexible et pas cher. Les voitures améliorent nos vies. 4 Mais les voitures polluent. 5 Elles émettent du CO2. Et ça m’a toujours gêné. Donc, que faire de ce problème ? Et bien, on va commencer par parler de l’énergie, dont il y a 3 sources primaires : 6 Les carburants fossiles, Les renouvelables Et le nucléaire. Et on aimerait que toute énergie qu’on consomme puisse être 7 Fiable Bon marché Sûre Durable

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1Bonjour2Ca, c’est moi. Je m’appelle John Laurie. Je suis ingénieur, père de 3 enfants, etbloggeur. D’abord un grand merci à Avenir Climatique, en particulier Julien et Paul,pour l’opportunité de vous parler cet après midi de la voiture nucléaire. Vous allezvoir, c’est assez dense, donc je propose de dérouler puis d’avoir une discussion,des échanges, à la fin. Quand j’avais un an, mon premier mot était« car ». Et je n’ai rien dit d’autre avant l’âge de 2 ans. J’ai appris à l’école et à la faccomment être un ingénieur, et j’ai passé toute ma carrière dans l’ingénierieautomobile.3J’ai toujours considéré la voiture comme une invention fabuleuse qui transforme lavie des gens. Partout dans le monde, les gens sont attirés par les avantages d’unemobilité flexible et pas cher. Les voitures améliorent nos vies.4Mais les voitures polluent.5Elles émettent du CO2. Et ça m’a toujours gêné. Donc, que faire de ce problème ?Et bien, on va commencer par parler de l’énergie, dont il y a 3 sources primaires :6Les carburants fossiles,Les renouvelablesEt le nucléaire. Et on aimerait que toute énergie qu’on consomme puisse être7FiableBon marchéSûreDurableEt Propre.8Alors, comment les combustibles fossiles répondent à ces besoins ?Eux, ils sont fiablesIls sont bon marché,On perçoit que c’est une énergie sûre, mais il y a 13 jours, 8 personnes ont trouvéla mort à Rosny-sous-Bois dans une explosion de gaz.On va les épuiser à la vitesse de consommation actuelle, donc ils ne sontcertainement pas durables,Et ils ne sont absolument pas propres.9Avril 2014 était le premier mois dans l’histoire de l’humanité où le niveau moyen deCO2 dans l’atmosphère a dépassé les 400 parties par million.10Le niveau augmente de plus en plus rapidement depuis le 18ième siècle.11Et même si on remonte à 800.000 ans, on voit que les niveaux de CO2 ont toujoursété dans une plage de 180 à 280 parties par million. 400 ppm, c’est beaucoup, et çacommence déjà à se ressentir au niveau de notre climat.12Donc, c’est évident qu’on devrait utiliser moins d’énergie ! Des négawatts au lieu de

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plus de Mégawatts !13Malheureusement, baisser son thermostat d’un degré aura peu d’impact sur vosémissions de CO2. C’est mieux, mais ce n’est pas bien mieux.14Pour vraiment faire une différence, il faudrait être un peu plus radical. Détruire savielle maison et construire à la place une nouvelle éco-maison économiserait unpeu.15Vendre la voiture et prendre le vélo, ou le train ?16Ne plus jamais prendre l’avion serait pas mal aussi. Surtout pour les vols long-courrier.Ca s’appelle des choix de style de vie, et la vérité, c’est qu’on n’est pasprêt à abandonner nos styles de vie prospères.17Si on prend toute l’énergie qu’on utilise, et on fait des choix difficiles, on investit unpeu d’argent,on pourrait tous économiser quelques 10 à 15% de notre consommation d’énergie.Oui, on devrait le faire, mais ça ne va pas résoudre le problème du réchauffementclimatique.18Alors, les renouvelables ? Ici on a l’éolien, le solaire et l’hydroélectrique, mais il y aaussi la biomasse, la géothermique, les marées, les vagues etc.Eux, ils sont propres,Ils sont durables,Et sûrs,Mais ils sont chers,Et pas très fiables non plus.19Voici une ferme éolienne qui est proche d’ici, près de Beauvais. Elle a 14 turbines,chacune avec une capacité de 2MW. Ca fait donc 28MW. Super ! Mais en fait, levent ne souffle pas tout le temps.Son facteur de capacité est seulement 29%, donc la puissance moyenne estseulement 8MW.20Voici une image d’une ferme solaire. Elle a été prise la nuit. On voit bien – il ne sepasse pas grande chose.Les énergies renouvelables sont intermittentes, ce qui est un gros problème quandon essaye de vendre de l’électricité, parce qu’elle est très difficile à stocker.Elles ne produisent pas beaucoup d’énergie et couvrent beaucoup de terrain – c’estune source d’énergie diffuse.Et ça les rend chères. Sans de lourdes subventions, payés de vos impôts, onn’aurait pas beaucoup d’éoliens ni de panneaux solaires. Donc si on arrive àproduire2110 à 15% de notre énergie à partir de renouvelables, ce sera un accomplissementtechnique et économique énorme. Qu’on soit bien d’accord, les renouvelables sontsupers pour le CO2 et on devrait faire autant qu’on peut se permettre. Je ne suis enaucun cas anti-renouvelables, mais je suis très pro-arithmétique.

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Mais ça nous laisse avec un sandwich de l’énergie, entre les négawatts et lesrenouvelables. Et il y a beaucoup de viande dans ce sandwich. Pour résoudre leproblème, pour atteindre zéro émissions, d’où viendront les 70% qui restent ?22Alors, quand Renault et Nissan ont annoncé qu’ils allaient faire des voituresélectriques, j’étais ravi ! Je me suis dit : « enfin, des voitures à zéro émission ! ».Mais après on commence à réfléchir et on se dit « attends …. d’où vientl’électricité ? » Comment les voitures électriques se situent si on considère leursémissions du puits à la roue? Et la réponse, c’est que là où tu charges ta voitureélectrique fait une différence énorme.23Le club automobile allemand ADAC a mesuré une Renault Zoé en Octobre 2013, etils ont trouvéqu’en utilisant le même cycle mixte que pour une voiture thermique, elle aconsommé en moyenne 19,7 kWh par 100km.24Ce que j’ai fait ici, c’est de convertir ça en grammes de CO2 par km, pour les payseuropéens, avec des données de l’agence internationale de l’énergie. J’ai pris encompte l’électricité pour charger la voiture et les pertes réseau entre la centrale et laprise, mais pas les émissions de CO2 de la fabrication de la voiture, donc certainsdiraient que les barres devraient être un peu plus hautes. Mais ce qu’on voit surtout,c’est qu’il y a des différences énormes en fonction de quel pays tu habites.Si on rajoute une voiture avec un moteur diesel assez efficace, parfois la Zoé estbeaucoup mieux, parfois c’est kif kif, et parfois c’est bien pire.Alors, regardons quatre de ces pays de plus près.25En Pologne 87% de leur électricité vient du charbon, et 9 de leurs voituresélectriques sur 10 sont alimentées par des combustibles fossiles. Le charbon estbon marché, il est abondant, et il est vraiment, vraiment sale. Si tu conduis une Zoéen Pologne, tes émissions sont 164 grammes de CO2 par km.26Voici comment fonctionnent les voitures électriques en Pologne.27A l’opposé, en Norvège, 95% de l’électricité est d’origine hydroélectrique. Lesnorvégiens ont de la chance – ils ont plein de pluie, et d’altitude. En Norvège, notreZoé émet juste 2,8 grammes de CO2 par km. Clairement, conduire une voitureélectrique en Norvège est une très bonne idée.28Les allemands ont un gros mélange pour la génération de leur électricité : 45% decharbon, 14% de gaz, 1% de pétrôle, ça fait 60% de combustibles fossiles, et doncnotre Zoé allemand va pousser 98 grammes de CO2 dans l’atmosphère par km –sensiblement pareil que le diesel. Ils ont un petit peu d’hydroélectrique, et ils ontinvesti massivement dans les renouvelables : 18%. Alors, les données ici sont pour2011, l’année de Fukushima, et l’Allemagne a commencé à fermer ses réacteursnucléaires, donc la partie jaune là a commencé à diminuer et ils ont l’ambition de lafaire disparaitre. Mais il ne l’ont pas encore fait, parce qu’il faut la remplacer avecquelque chose. Ils vont construire un peu plus de renouvelables, mais la plupart decette énergie viendra du charbon.29Le « World Resources Institute » a recensé les centrales à charbon planifiées ou en

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construction.L’Allemagne en construit 10, pour une capacité de 12 GW.Les américains 36,La russie 48La chine construit 363 centrales à charbon.Et l’Inde en construit 455. Bonne nouvelle pour des milliards de personnes ! Leurprospérité est très dépendante de l’énergie, pour le chauffage et le refroidissement,le traitement de l’eau, la médecine, le transport, les communications, l’industrie :toutes ces choses dépendent de l’énergie électrique. Les gens dans les pays endéveloppement veulent cette prospérité, mais ils ne peuvent pas se payer dessolutions chères, diffuses et intermittentes comme les renouvelables. Donc ilsbrûlent du charbon. Très, très mauvaise nouvelle pour l’environnement.30Dans les années 70, la France a décidé de miser fort sur l’énergie nucléaire, et en2011 le nucléaire a généré 79% de l’électricité. On a des alpes et un peu derenouvelables, mais il y a toujours 9% de l’électricité qui vient des combustiblesfossiles. Donc en France, notre Zoé émet environ 12 grammes de CO2 par km, cequi est plutôt bien,31Et donc en France 3 Zoé sur 4 sont des voitures nucléaires. Et en fait, dans laplupart des pays les émissions d’une voiture électrique sont assez liées32à la quantité d’électricité générée par le nucléaire.Mais le nucléaire fait peur. Alors pour arrêter d’avoir peur, prenons quelquesminutes pour comprendre comment marche cette énergie.33L’univers est composé d’atomes, dont le noyau contient des protons, avec unecharge positive. Pour les empêcher de se répulser on a une sorte de « colle »nucléaire : les neutrons.34Alors, si on a un élément avec 92 protons, on appelle ça Uranium, et l’uraniumexiste dans la nature avec deux isotopes qui sont mélangés ensemble.L’uranium 235 est fissile - il peut se séparer en deux et libérer de l’énergie. Enmettant ensemble plein de ces atomes fissiles, on atteint une masse critique, et ilscommencent à fissionner. Le problème, c’est qu’il n’y a que 0,7% de l’uraniumnaturel qui est fissile : pas assez pour démarrer la réaction. Donc il faut l’enrichir.35Donc on va aller creuser une mine comme celle-ci, et on va extraire du mineraid’uranium, et le broyer pour extraire son oxyde.36On le transporte dans une usine comme celle-ci où ils utilisent descentrifuges pour augmenter progressivement la quantité d’uranium 235 dansl’uranium.37Si on veut générer un Gigawatt d’électricité pendant un an,on aura besoin de 250 tonnes d’uranium.Après l’enrichissement, on obtient 35 tonnes d’uranium enrichi, mais aussi215 tonnes d’uranium appauvri, qui est juste stocké en tant que déchet nucléaire.Ensuite, on envoie la partie enrichie dans une usine de fabrication de combustible,38

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où ils le compriment dans des petites pastilles, puis ils le cuisent à 1700°C pourcréer39des pastilles céramiques dures d’uranium enrichi. On étale les pastilles dans uneligne, puis on les réorganise avec une pince à épiler pour que ceux qui ont uneplus grande concentration d’uranium se trouvent au milieu de chaque ligne.40Après, on fabrique des tubes avec un alliage de zirconium41et on pousse les pastilles dans le tube, on le rempli avec de l’hélium et on soude unbouchon au bout, pour fabriquer un crayon de combustible. On regroupe lescrayons pour fabriquer un assemblé, et quand on assez d’assemblés, on est prêtpour aller fabriquer de l’énergie nucléaire.42(video) http://www.youtube.com/watch?v=b4Q9O1vICWsIl y a environ 430 réacteurs nucléaires en opération dans le monde, et ils sont tousde la même conception – ce sont des réacteurs à eau pressurisée. Le réacteur estsitué dans un énorme bâtiment en béton, et l’énergie vient des assemblés decombustible qui sont les trucs rouges en bas là, donc faisons un zoom pourregarder ce qui se passe.Voici un atome d’uranium 235. Il est impacté par un neutron et il se sépare en deuxfragments qui s’appellent des produits de fission. On obtient aussi 2 ou 3neutrons, qui impactent d’autres atomes d’uranium, ce qui fait une réaction enchaîne qui produit une quantité phénoménale de chaleur dans les assemblés decombustible. Pour éviter que la réaction ne s’emballe, on a des barres de contrôlequi absorbent les neutrons. Quand on les descend la réaction ralentie, quand onles remonte le réacteur génère plus de puissance.Pour sortir la chaleur, on fait circuler de l’eau autour des crayons puis on l’envoie àun échangeur de chaleur. Un deuxième circuit d’eau est transformé en vapeur etenvoyé vers une turbine. La vapeur fait tourner la turbine, puis elle est reconvertieen eau liquide pour être renvoyée vers le générateur de vapeur.La turbine est connectée à une grande dynamo, et la chaleur du réacteur estconvertie en électricité avec une efficacité d’environ 33%. Donc pour 3GW d’énergiethermique on obtient 1GW d’électricité qui passe dans les lignes du réseau dedistribution.43Si seulement un tiers de la chaleur est convertie en électricité, c’est parcequ’on a à faire avec la deuxième loi de la thermodynamique, qui ditessentiellement que si on veut qu’une machine rende un travail plus fort,plu(s) elle est chaude, mieux on se porte. Nous, on utilise de l’eau pourporter la chaleur, et il faut qu’elle reste liquide, sinon des mauvaises chosescommencent à se produire dans notre réacteur.44Quand je mets en route le robinet d’eau chaude chez moi, il y a de l’eau qui sort àune barre de pression et 50°C. Mais si on veut de l’eau liquide à plus que 100°C ilfaut la mettre sous pression, pour qu’elle reste dans cette région verte. Donc unEPR par exemple fonctionne à327°C et 155 barres de pression. Ca fait beaucoup d’énergie stockée, et si le circuitde refroidissement se met à fuir,L’eau se transforme instantanément en vapeur.

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45Et du coup elle a un volume 1000 fois plus important que quand c’était de l’eau, etc’est radioactif donc on voudra bien éviter qu’elle sorte dans l’environnement,46et donc c’est ça qui conditionne la conception du bâtiment réacteur – il faut qu’il soiténorme pour contenir toute la vapeur en cas d'urgence. Cet EPR a deux enceintesde confinement en béton, et chacune fait 130cm d'épaisseur. La cuve du réacteurest juste le petit truc rouge au fond là.47Voici une image de son installation – c’est une grande baignoire en acier avec uneépaisseur de plus de 20cm. Toute la tuyauterie est plutôt épaisse aussi – ils ontvraiment pas envie que l’eau sorte de là.48La deuxième chose qui fait suer les gens qui conçoivent ces réacteurs, est lachaleur de désintégration. Comme on a vu, quand on fissionne l’atome on obtientdeux produits de fission. Et c’est toujours avec un petit et un grand. Par exemple, icion peut obtenir un Krypton 91 et un Baryum 142.49Voici une image de tous les isotopes qui existent dans l’univers. En bas on a lenombre de protons, et sur le coté le nombre de neutrons. Les rouges et les noiressont les isotopes stables, et les bleus sont les instables.Nous, on commence avec de l’uranium 235. Donc quand on le fissionne, lesproduits vont toujours se trouverquelque part sur cette ligne.Donc notre exemple était avec le Baryum 142Et le Krypton 91. Et comme ils sont dans cette région bleue, ils sont très instables etradioactifs. Tous ce qu’ils veulent faire est de retourner vers les rouges et noirs aumilieu du nuage,Et donc ils se désintègrent. Principalement avec un rayonnement Béta. Et quandils font ça ils émettent de l’énergie.50Donc quand on fissionne un atome d’uranium 235, 93% de l’énergie vient de lafission initiale, et 7% vient de la désintégration des produits de fission. Ca faittoujours beaucoup de chaleur,51et tant qu’on est en train de pomper de l’eau autour de notre circuit derefroidissement, tout va bien. Mais si on perd toute l’alimentation électrique ? Ehbien on va faire un arrêt d’urgence : ça prend quelques secondes, et la fissions’arrête tout de suite. Mais on ne peut pas arrêter la chaleur de désintégration.52Il faut absolument rétablir l’alimentation des pompes.Donc pour cet EPR ils ont un générateur diesel de secours dans ce bâtiment.Si ça, ça ne marche pas, il y a un deuxième générateur identique juste à coté.Et si ça, ça ne marche pas ils ont un troisième qui est fabriqué par un autrefournisseur.Et s’ils sont tous en panne, ils ont encore 3 générateurs dans un autre bâtiment àl’arrière. Ils ont vraiment pas envie que les pompes s’arrêtent ! …53Parce que s’ils s’arrêtent, la chaleur monte et monte et ça fait une fusion ducoeur, qui est une phrase qui excite les journalistes. Et ça ne fait pas beaucoup de

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bien au réacteur. Là c’est une image de la fusion du coeur à Three Mile Island – pastrès jolie.54Et en 50 ans d’opération il y a eu 3 accidents nucléaires majeurs. Three mile islandet Fukushima était causés par la chaleur de désintégration. A Tchernobyl ils ontsurcuit le réacteur.Mais la cause racine derrière les trois est une conception fragile.55Le cauchemar numéro 3 pour le réacteur à eau pressurisée est les déchetsnucléaires.On a déjà dit que quand on impacte l’uranium 235 avec un neutron il va fissionner.On dit qu’il est fissile. Mais les neutrons vont impacter d’autres choses aussi.Quand un neutron impacte un atome d’uranium 238 il peut se transformer enplutonium,qui va fissionner s’il est impacté par un autre neutron. Donc on dit que cet uraniumest fertile et le plutonium est fissile. Et en fait un tiers de la puissance d’unréacteur vient de la fission du plutonium. Mais parfois le plutonium ne fissionne pas.Parfois il absorbe le neutron et il se transforme en autre chose.Et ça, c’est les soi-disant transuraniens – les éléments plus lourds que l’uranium,qui s’accumulent dans les pastilles de combustible solides.56Après environ 4 ans de fonctionnement du réacteur, on l’arrête pendant quelquessemaines et on retire les assemblages avec leur crayons et pastilles et on les laissedans une grande piscine pour se refroidir. On ne peut plus les laisser dans leréacteur, parce que certains des produits de fission absorbent des neutrons, et çaempoisonne la réaction en chaîne. En particulier, le xénon, qui est un gaz, mangebeaucoup, beaucoup de neutrons.57On avait mis 35 tonnes par an de combustible dans notre réacteur,donc on en sort 35 tonnes de déchets. Et la plupart n’est pas vraiment des déchetsdu tout- c’est du combustible non utilisé – pour la plupart de l’uranium 238Et un peu d’uranium 235.Il y a une tonne de produits de fissionEt environ 300 kilos de plutonium et d’autres transuraniens. Et tout ça c’estmélangé ensemble dans les pastilles de combustible solides, dans les gaines enzirconium. Le combustible non utilisé n’est pas très dangereux. Les produits defission seront toxiques pendant environ 300 ans, mais les transuraniens sontdangereux pendant des dizaines de milliers d’années. Donc ce n’est pas trèssurprenant que personne ne veut l’enterrer près de chez lui.58Donc, le nucléaire aujourd’hui est :Très fiableAssez bon marché, même si les réacteurs sont de plus en plus compliqués etchers,En effet, c’est une des sources d’énergie la plus sûre, mais la technologie est fragileet elle a un problème d’image.Ce n’est pas durable, parce qu’il y a juste assez d’uranium 235 pour environ 100ans de production.Et ce n’est pas particulièrement propre, parce que personne ne sait quoi faire avec

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les déchets. Mais comme il n’y a pas d’émissions de CO2, on ne pollue pasl’atmosphère.59Le réacteur à eau pressurisée était conçu initialement pour le premier sous-marinnucléaire américain, le « USS Nautilus ».60Quand les US ont décidé de développer le nucléaire civile dans les années 50, ilsont juste pris un de leurs réacteurs de sous-marin, puis ils l’ont construit à uneéchelle plus grosse. Ca, c’était un de la première génération de réacteurs, et dansles années 50 et 60 ils essayaient plein d’autres idées pour générer de l’énergienucléaire. Mais les militaires poussaient le réacteur à eau pressurisée, et il s’estétabli, même si c’est une conception vraiment mauvaise. Et tout le monde les acopié.61Les réacteurs de la génération une ne fonctionne plus. Ce qu’on utilise aujourd’hui,c’est la génération 2, mais ils arrivent proche de l’âge de retraite. Donc aujourd’huiles réacteurs de génération 3 comme les EPR sont prêts à aller travailler.Fondamentalement, c’est la même chose que les générations 2 et 1, mais avecplus de sécurité. Ils sont plus sûrs, mais aussi plus chers. Donc aujourd’hui lemonde est verrouillé sur une seule technologie. Mais il y a des centaines de façonsde faire l’énergie nucléaire. Je veux vous parler d’une autre façon, une des idées dela génération 4, et tout ce qu’on va faire c’est de changer une chose. On vachanger le combustible d’un solide…62à un liquide. Au lieu de fabriquer des petites pastilles, on va laisser la chimie fairele travail.63Alors, quel liquide ?Idéalement ce sera quelque chose qui est chimiquement et physiquement stable,qui est un liquide à des températures élevées, et dans lequel on peut dissoudrel’uranium. Et il y a un type de substance qui répond bien à ces besoins :Les sels fondus.64Votre sel de table est du chlorure de sodium, mais il y a plein d’autres sels.Chimiquement, ils sont extrêmement stables, et certains sont bien adaptés pourune utilisation dans un réacteur nucléaire.Comme le fluorure de LithiumEt le fluorure de Béryllium. Quand on combine ces deux on obtient un mélangequ’on appelle du « FLiBe »65A température ambiante il forme des cristaux solides, mais il fond en liquide clairquand on le chauffe à environ 400°C. Ce mélange bout à plu(s) de 1400°C, donc ona une plage énorme de température liquide avec laquelle travailler. Et on a fait lafusion du coeur AVANT de le mettre dans le réacteur, donc c’est impossible d’enavoir quand il fonctionne, parce que c’est déjà fondu.66Le concept du réacteur est tout simple.C’est une grosse marmite remplie de cette soupe de sels fondus, avec une pompe et un

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échangeur. La pompe fait circuler le combustible liquide rapidement en permanence entrele coeur et l’échangeur. Ca fonctionne à pression atmosphérique, donc toute la plomberieest beaucoup plus simple et moins chère. Et il n’y a pas besoin de barres de contrôle nonplus.67Au dessus du coeur il y a une sorte de trop plein. Quand la réaction démarre dans le coeur,ça fait monter la température, et le liquide se dilate.Avec moins de masse de sel dans le coeur, la réaction ralentit.68Quand la température diminue,le liquide se contracte et le niveau dans le trop plein descend.Donc maintenant il y a plus de masse de sel dans le coeur et la réaction commence àaccélérer. Donc on a un fort mécanisme de contre réaction, et il va très rapidementtrouver une température d’opération autour de 700°C, et il reste là.69Et comme notre combustible est un liquide, on peut avoir une sécurité intrinsèque.En opération normale, il y a un bouchon juste en dessous du coeur avec du sel gelédedans, et on le maintien gelé en soufflant de l’air frais dessus. Donc sisoudainement on perd toute l’alimentation électrique dans la centrale,La soufflerie s’arrête, le bouchon fond, et le sel fondu s’écoule dans un réservoir devidange conçu pour évacuer la chaleur passivement. Et comme on a enlevé le seldu coeur on a changé sa géométrie, donc une réaction en chaîne est impossible.On aura toujours besoin d’une enceinte de confinement, parce qu’il y a un niveaufort de rayonnement, mais ça n’a rien à voir avec les énormes bâtiments autour desréacteurs actuels.70Pour le traitement des déchets, il y a une autre astuce. J’ai dit toute à l’heure quecertains des produits de fission sont des gaz. Eh bien, comme le combustible est unliquide ils se séparent du combustible tous seuls.Donc avec un bullage d’hélium en continu on peut les ramasser et enlever environla moitié des produits de fission, y compris le xénon. Bonne nouvelle, parce que lexénon mange beaucoup de neutrons, ce qui est mauvais pour la performance duréacteur.71Pour les autres produits de fission, chaque jour on enlève un petit peu de sel dusystème.La plupart de ces 40 litres est le sel porteur, mais il y a aussi les méchantstransuraniens, le combustible et les produits de fission.Avec un retraitement pyrochimique on extrait juste les produits de fission, ce quinous laisse avec les transuraniens et le combustible dissous dans le sel.On remplit le seau avec du combustible, puis le tout est pompé dans le réacteurpour continuer à fissionner et à produire de l’énergie. Et c’est possible uniquementavec un combustible liquide.72Donc pour démarrer ce réacteur on utilise de l’uranium 235.

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Mais si on a un stock de plutonium, et si on est inquiet de la prolifération nucléaire,on peut mélanger un peu de ça dans la soupe et le bruler pour produire del’énergie.On peut même incinérer les soi-disant « déchets » des réacteurs existants. Donc ona enfin une réponse au problème des déchets des réacteurs de génération 2 et 3.Au lieu de les enfouir, transformons-les en énergie ! Mais encore mieux que ça,on peut le nourrir avec du thorium.73Alors, c’est vrai que le thorium n’est pas une panacée. Les bénéfices d’uncombustible liquide sont bien plus importants que les bénéfices du thorium versusl’uranium. Mais c’est vrai aussi que le meilleur réacteur à sels fondus serait bienalimenté par du thorium.74Comme l’uranium 238, le thorium est un combustible nucléaire fertile.Quand il est impacté par un neutron il peut se transformer en uranium 233.Et quand ça c’est impacté par un autre neutron il fissionne.75Le thorium est 3 à 4 fois plus abondant dans la croute terrestre quel’uranium. Quand on l’utilise dans un combustible liquide on peut extrairetoute son énergie, comparé à seulement 0,5% de l’énergie extraite del’uranium dans un réacteur à eau pressurisé.76Et ça veut dire moins d’exploitation minière, et beaucoup moins de déchets. Pourproduire notre Gigawatt-Année d’électricité, on a besoin dejuste une tonne de thorium.Le réacteur va la transformer en une tonne de produits de fission.On stock ça sur la surface pendant 10 ans, et dans ce temps 83% de la masse vase désintégrer dans des éléments stables, et la plupart de la chaleur dedésintégration est partie.Puis on va enterrer le reste, et après 300 ans il a un niveau de radioactivité moinsélevé que le niveau de fond de la terre.Et on a filtré presque tout le plutonium, donc on va enterrer une quantité infime –environ 100 grammes.77Les inducteurs de coût pour le stockage géologique sont le volume des déchets, lachaleur qu’ils dégagent et le temps nécessaire pour leur désintégration. Aujourd’hui,personne ne peut prédire ce qui va se passer avec certains matériaux après 10.000ans. Mais stocker quelque chose pendant 300 ans est un problème que lesgéologues et les ingénieurs savent résoudre.78Mais je garde le meilleur pour la fin ! Comme on a des températureshautes, la deuxième loi de la thermodynamique nous donne un tauxd’échange beaucoup plus favorable – presque 50%.79Donc on peut accrocher ce machin a une grosse dynamo pour produire del’électricité.80Mais on peut aussi l’installer à côté d’un site d’industrie lourde et leur envoyer de lachaleur directement.81

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afin qu’ils produisent des choses comme des produits chimiques nucléaires, desplastiques nucléaires82ou de l’acier nucléaire. Donc maintenant on peut réduire la quantité de CO2 utiliséepour fabriquer nos voitures nucléaires aussi.83Mais le « killer app » de la fission liquide sera les carburants de synthèse. Dansun moteur à combustion on prend un hydrocarbure et on le brule en présenced’oxygène pour produire du CO2, de l’eau et de l’énergie.Mais il est possible d’inverser ce processus, à condition d’avoir plein d’énergiepropre et pas chère.84Donc si on veut faire une voiture nucléaire, on peut prendre du thorium de la terreEt le brûler dans un réacteur à sels fondus. On remet les produits de fission dans la terre eton obtient beaucoup d’énergie sous la forme de sel chaud.On peut utiliser ça pour casser l’eau pour produire de l’oxygène et de l’hydrogène. Maiscomme l’hydrogène est difficile à distribueron peut extraire du CO2 de l’atmosphère ou de l’océan et le combiner avec l’hydrogènepour produire de l’eau et du méthanol.Et on peut brûler le méthanol en remplacement direct de l’essence. Donc on utilise toute latechnologie et l’infrastructure existante des carburants liquides, et on a des voituresnucléaires à zéro carbone !85Mais pas que des voitures !Pour transporter des gensOu des matières, on peut utiliser des carburants de synthèse à forte densitéd’énergie, neutres en carbone, et fabriqués à partir de chaleur nucléaire. On auraitdes avions, des camions, des bateaux et des bus nucléaires, et on a résolu la crisede l’énergie, et le réchauffement climatique. Wow ! Et tout ça grâce au combustibleliquide. Alors maintenant vous vous demandez « c’est très bien sur Powerpoint,mais est-ce que ça marche vraiment »?86Dans les années 50 et 60 il y avait un homme remarquable nommé Alvin Weinberg,qui était le directeur du87Oak Ridge National Laboratory dans le Tennessee. Weinberg et son équipe oneinventé, conçu et construit les premiers réacteurs à fission liquide, y compris le« Molten Salt Reactor Experiment ».88Voici une photo de sa cellule chaude. Le gars debout en haut là vous donne uneidée de l'échelle.On voit la cuve du réacteur, l'échangeur de chaleur et la pompe du circuit primaire.Ce réacteur a fonctionné, générant 8 MW de chaleur, pendant 4 ans, de 1965 à ’69.Et il s’est très bien comporté - il était facile à utiliser et à contrôler et il était trèsfiable. Donc Weinberg est allé demander plus d'argent.89

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Mais l’industrie nucléaire aux US était verrouillée sur les combustibles solides. Ellene comprenait pas la fission liquide, et la voyait comme une menace. Et legouvernement de Richard Nixon avait engagé d’énormes sommes dans uneconception rivale de surgénérateur avec refroidissement au sodium. Donc ils ontarrêté le programme sur les combustibles liquides, viré Weinberg et dispersé sonéquipe, pour des raisons politiques, pas techniques.90Et c’est la même histoire en France. Pour faire un développement dans le nucléaireici, la suite logique est de commencer avec le CNRS,puis le CEA,AREVA etenfin EDF.Au CNRS un petit groupe de chercheurs étudie les combustibles liquides depuislongtemps et ils disent qu’il y aurait beaucoup de bénéfices de développer latechnologie. Mais comme dans le nucléaire en France on a toujours copié lesaméricains,le CEA dit « Non, nous a mis tous nos oeufs dans un panier qui s’appelle ASTRID »qui est un Superphénix bis. Et dans le domaine de la fission nucléaire, la Franceentraine toute l’Europe. Mais le monde est en train de se réveiller.91L’académie des sciences de la Chine a démarré en 2011 à Shanghai, unprogramme avec un budget de 350 millions de dollars et une équipe de 400personnes.Il est piloté et soutenu par Jiang Mianheng qui est le fils de l’ex premier de la Chine,Jiang ZeminAu CERN en octobre le directeur du programme a présenté ce planning qui vise unpremier réacteur refroidi aux sels fondus en 2015, et un premier réacteur aveccombustible liquide aux sels fondus avant 2020. Ils y vont.92Au Canada, l’entreprise « Terrestrial Energy » a été créé fin 2012 autour de DavidLeblanc, qui veut développer un réacteur à sels fondus initialement pour l’industriepétrolière.Ce serait utilisé comme source de chaleur pour replacer le gaz dans l’extraction dessables bitumineux. Ils ont annoncé en mars qu’ils ont terminé leur premier tour definancement. Ils y vont.93Donc, au 21ième siècle, je pense que quelqu’un, quelque part va construire une deces machines. Et quand ils le feront je pense que ça marchera très bien, toutcomme celui de Weinberg en 1965.La fission liquide peut fournir une énergie qui est fiable, moins chère que lecharbon, intrinsèquement sûre, durable et propre. Elle coche toutes les cases. Onpeut imaginer la construction de ces réacteurs en usine, une nouvelle industrie deplusieurs dizaines de milliards d’Euros, avec des dizaines de milliers d’emplois –une sorte de « Airbus de l’énergie » si on veut. C’est une technologie derupture qui a le potentiel de faire une grande contribution à la résolution duproblème de réchauffement climatique. Ca nous donne un espoir que la technologiepeut nous sortir des problèmes que la technologie a créés.94C’est tellement différent de la technologie actuelle que,qui sait, peut-être que la fission nucléaire peut redevenir cool ?!

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95Merci