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Questionnaire relatif à l’Introduction aux philosophies de l’existence. Semestre d’automne 2012. Professeur Raphaël Célis. Assistante : Sandrine Burri. 1. Que veut dire Kierkegaard lorsqu’il assigne à l’être humain la tâche de « devenir plus subjectif » ? Et quelle est la portée critique de cette assignation au regard des idéologies et des jugements moraux édifiés dans l’abstraction et puisés dans le prétendu enseignement de l’histoire mondiale? 2. Dans son Journal, Kierkegaard définit le sérieux véritable de l’existence comme suit : « vivre chaque jour comme s’il était le dernier et le premier d’une longue vie ». Et en fonction de cela choisir le travail ». Comment cette proposition éclaire-t- elle ou introduit-elle, globalement, aux enjeux des trois stades de l’existence (esthétique, éthique et religieux) ? 3. Comment Kierkegaard décrit-il la figure initiale du stade esthétique en tant « qu’étape érotique spontanée ». Pourquoi fait-il recours au personnage mythique du Don Juan de Mozart pour en déterminer la nature ? Peut-on le qualifier d’immoral ? Quelles en sont à la fois les vertus et les insuffisances, et en référence à quelle dimension de l’existence Kierkegaard considère-t-il ces dernières ? 4. En quoi le séducteur réfléchi incarné par Johannes dans son journal autobiographique se différencie-t-il fondamentalement de la figure donjuanesque ? Est-il supérieur à celle-ci du seul fait que son désir ne porte que sur un seul être en s’étirant dans la durée ? Ou cette supériorité apparente cache-t-elle une toute autre déficience dans la façon de vivre son désir ? Enfin, quel intérêt ce personnage peut-il revêtir, si l’on tient compte du fait que c’est un interlocuteur semblable à lui que le juge Wilhelm cherche à convaincre dans ses lettres consacrées aux vertus et au bonheur du mariage ? 5. Dans le texte consacré à L’équilibre entre l’esthétique et l’éthique dans l’élaboration de la personnalité, l’épistolier (le juge Wilhelm) oppose la beauté entendue au sens esthétique, choisie par le poète romantique comme voie de réalisation de sa vie, à la beauté éthique qui consiste à faire de l’histoire de sa vie sa propre fin. Comment ce porte-parole de Kierkegaard argumente-t-il pour démontrer la supériorité de la seconde voie sur la première ? S’agit-il de faire prévaloir une morale du « devoir », compris au sens purement formel et raisonnable, à la manière de Kant, sur les inclinations de la sensibilité individuelle ? Ou est-ce une autre conception de l’éthique que cherche à promouvoir Kierkegaard en parlant « d’élaboration de la personnalité »?

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Questionnaire relatif à l’Introduction aux philosophies de l’existence. Semestre d’automne 2012.

Professeur Raphaël Célis. Assistante : Sandrine Burri.

1. Que veut dire Kierkegaard lorsqu’il assigne à l’être humain la tâche de « devenir plus subjectif » ? Et quelle est la portée critique de cette assignation au regard des idéologies et des jugements moraux édifiés dans l’abstraction et puisés dans le prétendu enseignement de l’histoire mondiale?

2. Dans son Journal, Kierkegaard définit le sérieux véritable de l’existence comme suit : « vivre chaque jour comme s’il était le dernier et le premier d’une longue vie ». Et en fonction de cela choisir le travail ». Comment cette proposition éclaire-t-elle ou introduit-elle, globalement, aux enjeux des trois stades de l’existence (esthétique, éthique et religieux) ?

3. Comment Kierkegaard décrit-il la figure initiale du stade esthétique en tant « qu’étape érotique spontanée ». Pourquoi fait-il recours au personnage mythique du Don Juan de Mozart pour en déterminer la nature ? Peut-on le qualifier d’immoral ? Quelles en sont à la fois les vertus et les insuffisances, et en référence à quelle dimension de l’existence Kierkegaard considère-t-il ces dernières ?

4. En quoi le séducteur réfléchi incarné par Johannes dans son journal autobiographique se différencie-t-il fondamentalement de la figure donjuanesque ? Est-il supérieur à celle-ci du seul fait que son désir ne porte que sur un seul être en s’étirant dans la durée ? Ou cette supériorité apparente cache-t-elle une toute autre déficience dans la façon de vivre son désir ? Enfin, quel intérêt ce personnage peut-il revêtir, si l’on tient compte du fait que c’est un interlocuteur semblable à lui que le juge Wilhelm cherche à convaincre dans ses lettres consacrées aux vertus et au bonheur du mariage ?

5. Dans le texte consacré à L’équilibre entre l’esthétique et l’éthique dans l’élaboration de la personnalité, l’épistolier (le juge Wilhelm) oppose la beauté entendue au sens esthétique, choisie par le poète romantique comme voie de réalisation de sa vie, à la beauté éthique qui consiste à faire de l’histoire de sa vie sa propre fin. Comment ce porte-parole de Kierkegaard argumente-t-il pour démontrer la supériorité de la seconde voie sur la première ? S’agit-il de faire prévaloir une morale du « devoir », compris au sens purement formel et raisonnable, à la manière de Kant, sur les inclinations de la sensibilité individuelle ? Ou est-ce une autre conception de l’éthique que cherche à promouvoir Kierkegaard en parlant « d’élaboration de la personnalité » ? En quoi la dimension sociale du mariage importe-t-elle en ce cas ?

6. Décrivez les trois déterminations fondamentales de la personnalité éthique selon Kierkegaard : 1. L’indépendance de la décision à l’égard de tout préjugé. 2. Le travail constant sur soi-même. 3. La sérénité qu’engendrent la fermeté et la fidélité envers les fins que le sujet assigne à son agir quotidien.

7. Dans les paragraphes §3 et §4 du Prologue du Zarathoustra, Nietzsche fait dire à celui-ci que sa mission est « d’enseigner le surhomme ». Explicitez l’essentiel de cet enseignement en commentant les passages suivants :

« Le surhomme est le sens de la Terre…Je vous conjure, mes frères, à la Terre restez fidèles, et n’ayez foi en ceux qui d’espérances supraterrestres vous font discours » (p.22)

« L’homme est une corde, entre bête et surhomme tendue, - une corde sur un abîme. …Ce qui chez l’homme est grand, c’est d’être un pont, et de n’être pas un but : ce que chez l’homme, on peut aimer, c’est qu’il est un passage et un déclin » (p.24). Mettez cet extrait en rapport avec l’épisode du §6 où Zarathoustra fait la rencontre d’un funambule (pp. 28-29).

« J’aime celui dont l’âme se prodigue, qui ne veut gratitude et point ne rend, car toujours il prodigue et ne se veut garder » (p.25).

Opposez ensuite la figure du surhomme ainsi esquissée à la figure du dernier homme, tel que Nietzsche le décrit au §5, en vous appuyant sur le passage suivant :

« Malheur ! Arrive le temps où l’homme au-dessus de l’homme ne lancera plus la flèche de son désir, et le temps où de vibrer désapprendra la corde de son arc…

Malheur ! Arrive le temps où de l’homme ne naîtra plus aucune étoile. Malheur ! Arrive le temps du plus méprisable des hommes, qui lui-même ne se peut plus mépriser »« Voyez ! Je vous montre le dernier homme »« Qu’est-ce que l’amour ? Qu’est-ce que la création ? Qu’est-ce que la nostalgie ? Qu’est-ce qu’une étoile ? – Ainsi demande le dernier homme, et il cligne de l’œil » (p.26)

8. Explicitez et commentez brièvement les symboles utilisés par Nietzsche pour décrire Les trois métamorphoses (le chameau, le lion, l’enfant joueur) que doit accomplir l’homme qui désire se surmonter lui-même, pour devenir le créateur de valeurs nouvelles, celles dont Zarathoustra se fait l’annonciateur (pp. 36-37). Quelle est l’épreuve que doit subir pareil créateur, telle que Zarathoustra en témoigne dans Le Chant de nuit (pp. 136-137) et que condense l’énoncé suivant : « Entre donner et recevoir il est une faille ; et la plus petite faille est la dernière qui se franchisse ! » (p. 137) ?

9. Dans le §2 du chapitre intitulé De la vision et de l’énigme (197-200), Zarathoustra affronte « l’esprit de pesanteur », incarné par un nain juché sur ses épaules, en s’arrêtant devant un portique dont le nom, inscrit sur le fronton, est « Instant ». Les deux personnages échangent leurs pensées quant à la signification du temps que ce portique est censé évoquer, mais leurs interprétations se croisent et se contredisent à la fois. Pouvez-vous éclaircir le contenu de leur différend, et préciser en quoi la vision de « l’éternel retour » rapportée par Zarathoustra diffère de la conception circulaire du temps énoncée par son sarcastique compagnon ? Comment l’énigme tout aussitôt racontée – celle de ce pâtre dans la gorge duquel un serpent s’est glissé – donne-t-elle la clef du comportement adopté par Zarathoustra pour surmonter l’effroi que lui inspire sa propre vision des choses ?

10. Dans le chapitre « De la guerre et des guerriers » (pp.64-65) et dans celui intitulé « De passer outre » (pp.220-223), Nietzsche oppose deux manières diamétralement opposées d’assumer le sentiment de haine. En quoi diffèrent-elles effectivement ? Et pourquoi Nietzsche affirme-t-il, à l’encontre du commandement évangélique d’aimer ses ennemis, que la haine doit pouvoir non seulement s’éprouver mais s’exercer sans honte ?

11. Le chapitre intitulé « De l’homme supérieur » (pp.346-357) Zarathoustra nomme ses véritables interlocuteurs. Qui sont-ils réellement ? En quoi diffèrent-ils de l’homme du commun ? Mais encore : s’ils sont « supérieurs », que leur manque-t-il pour s’élever jusqu’au niveau du surhomme ? En un mot, quelle est la conversion ultime qu’ils sont censés devoir encore accomplir ?

12. Dans le chapitre de L’homme révolté intitulé « La révolte métaphysique », Albert Camus s’explique avec Nietzsche quant au sens à donner à la révolte contre toutes les formes d’injustice justifiées par des substituts laïcisés de la divinité, qu’il s’agisse du socialisme, du grand marché ou de toute autre illusion meurtrière. Sur quelles idées essentielles se montre-t-il en accord avec le penseur de la « fidélité à la terre » ? Mais en quoi « l’Amor fati » de ce dernier contredit il, selon Camus, l’essence même de la révolte, en nourrissant par là même des ambiguïtés auxquelles il n’aurait jamais souscris lui-même ?