25
Histoire de la rééducation JM Wirotius Résumé. L’histoire de la rééducation peut s’analyser dans le temps, selon trois périodes principales, les temps anciens, la période des deux guerres, la période contemporaine. Des processus historiques significatifs sont à noter : – la permanence du handicap, qui est de tous les temps et de toutes les cultures ; – la construction en patchwork des disciplines de santé de rééducation avec le regroupement de pratiques physiques éparses (massage, gymnastique, électrologie, hydrothérapie...) avec la réadaptation médicale ; – l’importance de la construction institutionnelle des disciplines médicales et paramédicales dans les cinquante dernières années ; – l’intérêt et le développement des connaissances des aspects psychologiques liés au handicap ; – l’importance progressive prise, dans l’évolution de la rééducation, par l’évaluation et la démarche scientifique. © 1999, Elsevier, Paris. Introduction L’histoire de la rééducation est un vaste domaine des savoirs qui recouvre le champ du handicap (devenir biologique, humain et social de l’homme blessé) et le champ des pratiques professionnelles et institutionnelles liées à la réadaptation. Ainsi, il faut considérer, au moins brièvement, le handicap, la rééducation en tant que concept général, les professionnels et les diverses institutions. L’histoire de la rééducation regroupe des thèmes nombreux et un passé que l’on situe toujours plus loin dans le temps. Cette volonté des disciplines de partir à la recherche de leurs origines est assez commune et cette vision historique, lorsqu’elle est rapportée par les professionnels eux-mêmes, revêt une dimension politique certaine. Faute de pouvoir toujours replacer les faits historiques ponctuels dans leur contexte d’époque et dans une perspective diachronique, le risque est grand de porter un regard angélique sur la période passée que l’on veut habituellement glorifier et s’approprier. Chacun recherche ses « pères » tant cette dimension humaine est psychologiquement importante pour la construction des identités professionnelles. Jean-Michel Wirotius : Médecin des Hôpitaux, médecin-rééducateur, service de médecine physique et de réadaptation, hôpital de Brive, boulevard du Docteur-Verlhac, 19100 Brive-la-Gaillarde, France. Cette recherche des faits historiques porte aussi les prémices d’une construction culturelle et d’un fond commun de savoirs. Ce partage culturel est une nécessité pour les groupes professionnels, afin d’assurer leur cohésion, leur fonctionnement et pour éclairer la représentation des valeurs professionnelles qui les animent. Il procure aux acteurs concernés une consistance sociale et fait partie de la légitimité d’action des professionnels de terrain. Nous souhaitons, dans ce texte qui ne peut être qu’une esquisse d’un plus vaste chantier qu’il conviendrait d’entreprendre, donner quelques grands éclairages sur les mouvements historiques qui peuvent retracer l’émergence de la rééducation moderne et aider à la compréhension de sa construction actuelle. Chaque champ professionnel, chaque technique, chaque handicap, chaque institution a son histoire et tout mériterait d’être rapporté, car tout est important et porteur de culture. Néanmoins, nous évoquerons des aspects plus généraux dans le souci principal d’illustrer le développement de l’évolution des idées plutôt que de fournir une simple énumération de faits ponctuels datés. QUELQUES NOTIONS GUIDE Quelques grandes notions vont nous servir de guide pour parcourir l’histoire de la rééducation. Si l’homme handicapé entretient des rapports très anciens avec l’histoire, la prise en compte de cette situation par les groupes professionnels de santé est beaucoup plus nouvelle. La médicalisation récente de ces questions de société est un des faits historiques marquants. La construction en patchwork du champ de la rééducation qui est issue de diverses racines : – celle des pratiques physiques : – les sports et l’éducation physique ; – la médecine manuelle ; – l’électrologie et la physiothérapie ; – l’hydrothérapie,... – celle de la réadaptation : la prise en compte de l’homme handicapé dans ses dimensions de réadaptation médicale et sociale… À ce premier tronc des pratiques et des savoirs vont venir s’accoler : l’appareillage (prothèse, orthèses, aides techniques, véhicules...), le registre psychologique, la pharmacologie, les pratiques cognitives,... Ces différents apports historiquement distincts vont constituer, avec la multiplicité des intervenants et la diversité des modes de formation des professionnels, un champ à la fois unitaire (centré sur la personne handicapée) mais instable, avec des forces de cohésion et de distension. Le tronc commun, réunion des racines citées, va se constituer après la fin de la guerre, Encyclopédie Médico-Chirurgicale 26-005-A-10 © Elsevier, Paris 26-005-A-10 Toute référence à cet article doit porter la mention : Wirotius JM. Histoire de la rééducation. Encycl Méd Chir (Elsevier, Paris), Kinésithérapie-Médecine physique-Réadaptation, 26-005-A-10, 1999, 25 p.

01-Histoire de la rééducation

Embed Size (px)

Citation preview

Page 1: 01-Histoire de la rééducation

Histoire de la rééducationJM Wirotius

Résumé. – L’histoire de la rééducation peut s’analyser dans le temps, selon trois périodes principales, lestemps anciens, la période des deux guerres, la période contemporaine.Des processus historiques significatifs sont à noter :– la permanence du handicap, qui est de tous les temps et de toutes les cultures ;– la construction en patchwork des disciplines de santé de rééducation avec le regroupement de pratiquesphysiques éparses (massage, gymnastique, électrologie, hydrothérapie...) avec la réadaptation médicale ;– l’importance de la construction institutionnelle des disciplines médicales et paramédicales dans lescinquante dernières années ;– l’intérêt et le développement des connaissances des aspects psychologiques liés au handicap ;– l’importance progressive prise, dans l’évolution de la rééducation, par l’évaluation et la démarchescientifique.© 1999, Elsevier, Paris.

Introduction

L’histoire de la rééducation est un vastedomaine des savoirs qui recouvre le champdu handicap (devenir biologique, humain etsocial de l’homme blessé) et le champ despratiques professionnelles et institutionnellesliées à la réadaptation.Ainsi , i l faut considérer, au moinsbrièvement, le handicap, la rééducation entant que concept général, les professionnelset les diverses institutions.L’histoire de la rééducation regroupe desthèmes nombreux et un passé que l’on situetoujours plus loin dans le temps. Cettevolonté des disciplines de partir à larecherche de leurs origines est assezcommune et cette vision historique,l o r s q u ’ e l l e e s t r a p p o r t é e p a r l e sprofessionnels eux-mêmes, revêt unedimension politique certaine. Faute depouvoir toujours replacer les fa i tshistoriques ponctuels dans leur contexted ’époque et dans une perspec t ivediachronique, le risque est grand de porterun regard angélique sur la période passéeque l’on veut habituellement glorifier ets’approprier. Chacun recherche ses « pères »t a n t c e t t e d i m e n s i o n h u m a i n e e s tpsychologiquement importante pour laconstruction des identités professionnelles.

Jean-Michel Wirotius : Médecin des Hôpitaux, médecin-rééducateur,service de médecine physique et de réadaptation, hôpital de Brive,boulevard du Docteur-Verlhac, 19100 Brive-la-Gaillarde, France.

Cette recherche des faits historiques porteaussi les prémices d’une constructionculturelle et d’un fond commun de savoirs.Ce partage culturel est une nécessité pourles groupes professionnels, afin d’assurerleur cohésion, leur fonctionnement et pouréclairer la représentation des valeursprofessionnelles qui les animent. Il procureaux acteurs concernés une consistancesociale et fait partie de la légitimité d’actiondes professionnels de terrain.

Nous souhaitons, dans ce texte qui ne peutêtre qu’une esquisse d’un plus vaste chantierqu’il conviendrait d’entreprendre, donnerquelques grands éclairages sur lesmouvements historiques qui peuventretracer l’émergence de la rééducationmoderne et aider à la compréhension de saconstruction actuelle.

Chaque champ professionnel, chaquetechnique, chaque handicap, chaqueinstitution a son histoire et tout mériteraitd’être rapporté, car tout est important etporteur de culture. Néanmoins, nousévoquerons des aspects plus généraux dansl e s o u c i p r i n c i p a l d ’ i l l u s t r e r l edéveloppement de l’évolution des idéesp lutô t que de fourn i r une s impleénumération de faits ponctuels datés.

QUELQUES NOTIONS GUIDE

Quelques grandes notions vont nous servirde guide pour parcourir l’histoire de larééducation.

Si l’homme handicapé entretient desrapports très anciens avec l’histoire, la priseen compte de cette situation par les groupesprofessionnels de santé est beaucoup plusnouvelle. La médicalisation récente de cesquestions de société est un des faitshistoriques marquants.La construction en patchwork du champ dela rééducation qui est issue de diversesracines :

– celle des pratiques physiques :

– les sports et l’éducation physique ;

– la médecine manuelle ;

– l’électrologie et la physiothérapie ;

– l’hydrothérapie,...

– celle de la réadaptation :

– la prise en compte de l’hommehandicapé dans ses dimensions deréadaptation médicale et sociale…

À ce premier tronc des pratiques et dessavoirs vont venir s’accoler : l’appareillage(prothèse, orthèses, aides techniques,véhicules...), le registre psychologique, lapharmacologie, les pratiques cognitives,...Ces différents apports historiquementdistincts vont constituer, avec la multiplicitédes intervenants et la diversité des modesde formation des professionnels, un champà la fois unitaire (centré sur la personnehandicapée) mais instable, avec des forcesde cohésion et de distension.Le tronc commun, réunion des racines citées,va se constituer après la fin de la guerre,

Ency

clop

édie

Méd

ico-

Chi

rurg

ical

e2

6-0

05

-A-1

Else

vier

,Par

is

26-005-A-10

Toute référence à cet article doit porter la mention : Wirotius JM. Histoire de la rééducation. Encycl Méd Chir (Elsevier, Paris), Kinésithérapie-Médecine physique-Réadaptation, 26-005-A-10, 1999, 25 p.

Page 2: 01-Histoire de la rééducation

avec l’accroissement majeur du potentiel desanté pour lequel des moyens humains etmatériels sont mis à la disposition des paysalors en pleine croissance économique. Àpartir de ce tronc commun, de nouvellesadaptations de ces pratiques professionnellesvont se faire. Ces évolutions auront pourmoteurs principaux les nouvelles affectionsprises en compte dans la réadaptationm é d i c a l e , l ’ é v o l u t i o n d e s s a v o i r sscientifiques adjacents (la mécanique, lessciences humaines, les neurosciences, labiologie...), la construction des milieuxprofessionnels, le militantisme associatif, etc.La construction historique de ce champ dessavoirs conserve en pointillé ses origines, etl’on peut encore de nos jours percevoir lesdiverses traces ayant pu constituer lesorigines de la rééducation.

QUELQUES GRANDES SÉQUENCES

L’histoire de la rééducation peut sedécomposer en quelques grandes séquences.

– La première période couvre, avant laPremière Guerre mondiale, une longuepériode historique, qui éclaire surtout laplace des personnes handicapées dans lechamp social.

– Une seconde phase concerne la périodedes deux guerres, avec l’émergence de laréadaptation médicale.

– Une troisième période envisage la périodecontemporaine marquée par l’organisationformelle de l’ensemble de ce champ médical,tant au niveau institutionnel que pour lesdivers professionnels traditionnellementrattachés au champ de la rééducation.

Période historiquelointaine :des préoccupationsde tous les temps

Cette période très ancienne est volontiersmise en avant dans la présentation des faitshistoriques sur le handicap et la rééducation.Elle témoigne, de fait, de la permanence dela question du handicap dans le temps et desa gestion humaine et sociale.La survie de l’homme handicapé est trèsancienne et son repérage social aussi. Lepremier amputé connu de tous les tempse s t , s e l o n l ’ I n s t i t u t S m i t h s o n , u nNéandertalien enfoui dans les monts Zagrosen Irak, il y a 45 000 ans [94]. Il lui manque lebras droit. Dans un autre contexte, lepapyrus Smith explique de façon très préciseles conséquences d’une lésion cervicale :« Un homme qui a une luxation dans unevertèbre de son cou, tandis qu’il n’a plus lecontrôle de ses jambes et de ses deux bras etque son urine s’échappe goutte à goutte. Unemaladie pour laquelle on ne peut rien. » LaBible, ouvrage historique et symbolique,signale de nombreuses infirmités [92].

C ’es t à par t i r du X V I I e s ièc le quel’organisation sociale se mit en place. Ainsi,la fondation de l’Hôtel Royal des Invalides àParis, aujourd’hui nommée InstitutionNationale des Invalides, fut proposée pouroffrir aux soldats estropiés l’accueil et lessoins nécessaires. Sa création fut décidée parune ordonnance le 24 mai 1670, reprise dansl’Édit d’avril 1674. Louis XIV avait prescritla construction d’un très vaste hôtel danslequel les soldats devenus invalides auservice du pays devaient être recueillis,soignés et entretenus. Les fonds nécessairesfurent prélevés à l’époque sur les revenusdes prieurés et des abbayes. Louis XIVinaugura l’hôpital le 28 août 1706.Cette période fut riche de créationsinstitutionnelles, restées encore vivantesdans les mémoires contemporaines : en 1760,Charles Michel abbé de l’Épée, né le24 novembre 1712, crée une véritable écolepour les sourds-muets pauvres, ayantobtenu par la suite un statut d’établissementpublic. En 1784, Valentin Haüy, né le 13novembre 1745, ouvre rue Coquillière, àParis, une école où un enseignement collectifet gratuit est assuré auprès d’enfantspauvres et aveugles, devenue en janvier1786, dans de nouveaux locaux, l’Institutiondes enfants aveugles [99].Dans l’Antiquité même, les pratiquesphysiques sont courantes, le corps sain etfort est valorisé. On évoque le massage et lagymnastique médicale recommandés parHippocrate. La médecine manuelle est aussiancienne que l’humanité, si l’on veut bienconsidérer que frictionner une zonedouloureuse est une forme basique detraitement physique.C’est au XVIIIe siècle que l’on rapporte lespremières origines écrites (c’est-à-diresavantes) concernant la gymnastiquemédicale. Joseph Clément Tissot, docteur enmédecine et chirurgien major du Quatrièmerégiment des chevau-légers, publie en 1780un document intitulé « Gymnastiquemédicinale et chirurgicale ou essai surl’utilité du mouvement ou des différentsexercices du corps et du repos dans la curedes maladies ». Selon Hindermayer [56], c’estun « vrai traité où sont décrites lesmanœuvres de traitement manuel et demobilisation (sans que le mot massageapparaisse) des affections articulaires liées auxfractures et aux rhumatismes. Les exercicesde jeux qu’il conseille pour chaque région sontle fait de grands praticiens ».Sarlandière [26] (1787-1838) utilisait lespratiques physiques comme l’électricité,étudiait la biomécanique et proposait lemassage par percussion.De nombreux débats animèrent lesréflexions sur l’intérêt respectif des diversesmodalités de la gymnastique. La suprématiede la gymnastique suédoise a été contestée.Cette gymnastique, également nomméeMéthode de Ling, du nom de son promoteursuédois, connut ses débuts en France sousl’égide de Kumlien [63] en 1897. Médecin-gymnaste de l’Institut Kjel lberg de

Stockholm, il s’installe à Paris en 1895 où ilforme un premier groupe de gymnastes avecl’idée de développer une culture physique,véritable éducation physique. Cettegymnastique est présentée comme une« gymnastique pédagogique, de chambre et,dans son union avec le massage, commegymnastique médicale ». C’est ainsi qu’il estnoté que le docteur Michaux, chirurgien àl’hôpital Broussais, « vint faire au Gymnasede la rue de Londres, une belle leçon, sur lesapplications de la Méthode de Ling à lamédecine orthopédique » (fig 1).Le massage, selon le docteur Reibmayr,connut en Europe un essor à partir desannées 1870, « remis en honneur par desmédecins français ». Il écrit en 1884 [78] : « letraitement par le massage a rapidementconquis dans ces dix dernières années l’estimedu corps médical et du public. Il a pris rangaujourd’hui dans la thérapeutique à côté del’hydrothérapie, de la gymnastique, del’électrothérapie... » (fig 2).L’électrothérapie est une thérapeutiqueancienne. Les premiers essais en furententrepris à l’actuelle Institution nationale desInvalides à Paris vers 1750 par Lassone,Morand, et l’abbé Nollet [25]. La bouteille deLeyde venait d’être inventée et l’on« électrisait » les patients paralytiques.C’est en 1741 que Nicolas Andry crée leterme d’orthopédie [71] dans un livre :« L’orthopédie ou l’art de prévenir etcorriger dans les enfants les difformités ducorps ». La prise en compte de l’enfantjouera un rôle essentiel sur le planhistorique. L’idée d’un modelage possibledu corps, d’une évolutivité des potentielssera volontiers transposée à l’adulte. Ceterme d’orthopédie ne s’imposera que trèsprogressivement en médecine, contre desmots comme « orthomorphie » proposé parJacques Mathieu Delpech en 1828.C’est en 1867 que paraît l’ouvrage deDuchenne de Boulogne sur la physiologiedu mouvement.On attribue de façon formelle à PhilippePinel [70], aliéniste du XVIIIe siècle, l’idéed’utiliser au profit des malades mentaux lapratique des travaux manuels que l’onconsidère alors comme « un exercice corporelbienfaisant, équilibrant le système nerveux etapaisant l’agitation ».

QUELQUES NOTIONS

Les données de cette longue périodeancienne rendent compte de diversesnotions.

¶ Permanence du repéragedes personnes « infirmes »dans l’histoire

Le fait relève de tous les temps et de toutesles cultures. Jusqu’au début du XXe siècle, lesort des démunis, des vieillards, des infirmeset des incurables était regroupé dans unmême registre, celui de la pauvreté. Dans lasociété traditionnelle, l’infirmité et la misère

26-005-A-10 Histoire de la rééducation Kinésithérapie

2

Page 3: 01-Histoire de la rééducation

sont toujours associées. L’hôpital fut d’abordun espace consacré à la pauvreté. « Lespauvres étant souvent malades, l’hôpitaldevint tout naturellement le lieu où on lessoignait [67] ». On note au fil du temps unrepérage plus différencié des handicaps avecun traitement social individualisé. Il fautsouligner un intérêt privilégié et antérieurpour les infirmités sensorielles (lespersonnes aveugles , l es personnessourdes…).

¶ Survie de l’homme handicapé

Cette notion est très ancienne, tout commela présence de l’homme handicapé dans lasociété. Les différentes cultures sont depuistoujours confrontées à la signification duhandicap. Cette image est globalementnégative dans le champ culturel et porte unedimension ordalique qui est toujoursd’actualité. On rappelle que la pratiquecourante dans la Rome antique était, pourles enfants malformés, l’exposition [92]. Lesexposer et les laisser mourir signifiait s’enremettre aux instances divines dans uneposture d’offrande, les caractéristiques desdifformités étant alors parfois plussymboliques que fonctionnelles.

¶ Évolution des modalitésdu traitement du handicap

Les modalités du traitement du handicap (ceterme n’existe pas dans cette périodeancienne) vont connaître leurs premièresévolutions entre le registre de la charité etcelui de la solidarité. Cette dualité historiqueconserve encore une réalité pratique etsociale dans la période contemporaine.

L’évolution va se faire :

– de façon préférentielle de la charité vers lasolidarité même si, encore aujourd’hui, bonnombre de progrès sont accomplis à partirde projets soutenus par des fonds liés à desactions de charité (comme le Téléthonproposé par l’AFM (Association françaisecontre les myopathies)(1), ayant permis ledéveloppement des recherches sur les

(1) (1, rue de l’Internationale 91002 Evry cedex).

maladies génétiques [Généthon] et ayantfavorisé la création, en collaboration avecl’Assistance publique de Paris et l’Inserm,de l’Institut de myologie, situé à l’hôpital dela Salpêtrière et inauguré le 29 avril 1997) ;

– de l’assistance vers les soins médicaux.L’assisté devient un malade payant et leshôpitaux vont perdre leur caractèred’établissement d’assistance pour prendrecelui d’établissement de soins. Cetteambiguïté originelle continue à peser sur lefonctionnement hospitalier ;

– de la régulation sociale commune vers laréglementation et la loi. Après la Révolutionde 1789, la Constitution du 24 juin 1793précise que « les secours publics sont unedette sacrée, la société doit la subsistanceaux citoyens malheureux ».Cette triple évolution marque encoreaujourd’hui notre époque avec une balanceentre ces diverses modalités souventsynergiques, mais parfois en opposition ouen concurrence.

¶ Réadaptation médicaleLa dimension de la réadaptation médicaleest très tôt développée par des auteurscomme Bourneville, médecin de l’hôpitalBicêtre à Paris, où il est nommé en 1879.C Hamonet [47] le considère comme l’un desprécurseurs de la médecine de rééducation.Dans un service spécial, où il accueille desenfants que l’on nommerait aujourd’hui« polyhandicapés », il met en place uneéquipe médicale et éducative afin devaloriser les potentiels de ces enfants, à lafois déficients intellectuels et moteurs. Lesactes de rééducation vont concerner ladéglutition, la fonction sphinctérienne, lamotricité dans ses dimensions analytique etglobale, l’équilibre, la marche, la préhension,

1 La gymnastique suédoise (A, B).

*A

*B

2 « Le massage par le médecin », 1885.

Kinésithérapie Histoire de la rééducation 26-005-A-10

3

Page 4: 01-Histoire de la rééducation

les fonctions sensorielles, l’autonomie, lesfonctions intellectuelles, le langage... Unenseignement professionnel est proposé. Lechamp de la médecine de rééducation estdéjà en place, tant dans ses aspectsd’organisation institutionnelle, de démarcheintellectuelle, de conception des équipes, quepour la dimension sociale de la réadaptationet ses aspects psychologiques et familiaux.Cette évolution va correspondre à unchangement d’attitude vis-à-vis des« incurables », très nombreux dans lesystème hospitalier du XIXe siècle, où ils vontprogressivement devenir indésirables.

Période des deuxguerres : l’émergencede la réadaptationmédicale

En France, comme dans d’autres pays, deuxcourants vont venir à la rencontre l’un del’autre pour former le champ de larééducation, celui des techniques physiques(massage, gymnastique…) et celui de laréadaptation médicale.Pour ce qui deviendra plus tard le« handicap », les mouvements associatifs sestructurent et prennent une certaine avancepar rapport aux courants médicaux. Lasynchronisation des progrès médicaux etsociaux ne sera jamais très bien assurée aufil des années.

PRATIQUES PHYSIQUES

Cette époque recouvre les cinquantepremières années du XXe siècle. Larééducat ion n’es t pas absente despréoccupations médicales, mais elle estmarginale quant aux moyens engagés et àl’intérêt suscité.

L’approche du registre physique est alorsassocié à deux chapitres : celui du« massage » et celui de la « gymnastique ».Le massage, tel qu’il est enseigné auxinfirmières des hôpitaux de Paris, est alorsune pratique qui justifie enseignementspécifique et ouvrages pédagogiques àdestination de ce public [24].Le docteur de Frumerie énonce que lemassage doit être considéré comme unebranche importante de la thérapeutique. Àcette période, on parle de massage et degymnastique médicale, mais le mot dekinésithérapie est déjà présent dans lalittérature médicale, même s’il n’appartientpas encore à une profession définie etutilisant un lexique commun (fig 3).De Frumerie écrit en 1924 : « Le traitementmanuel se compose de massage et degymnastique médicale. Le massage peut êtrelocal ou général ; le premier est médical et nedoit être fait que par un médecin ; le secondest du domaine du masseur ordinaire. Letra i t ement par l e massage s ’appe l l emassothérapie ; son adjuvant indispensable, lakinésithérapie, traite de la guérison desaffections par les mouvements dont le systèmele plus rationnel est la gymnastique suédoise.Mais il faut vous dire que, outre le traitementmanuel par le massage et la gymnastiquemédicale, on a aussi un système mécaniquedans lequel des machines remplacent la mainhumaine. L’inventeur de ce système estZandler. On appelle cette branche lamécanothérapie ».C’est une époque très active où denombreuses initiatives sociales sont prises,portées par des fondateurs prestigieux etrestés célèbres. La Fédération nationale desmutilés du travail en 1920, la Ligue pourl’adaptation des diminués physiques autravail (ADAPT) avec Suzanne Fouche en1929, l’Association des paralysés de France(APF) en 1933 avec André Trannoy... Cemouvement associatif précède les grandesévolutions dans le registre de la santé et lacommunion des deux types d’instance(médica le et soc ia le ) res te jusqu’àaujourd’hui imparfaite (tableau I).

GABRIEL BIDOU

Le courant de la réadaptation médicale estillustré par l’histoire professionnelle deGabriel Bidou. Cette époque est marquée parl’émergence de la réadaptation médicale,

sans groupe professionnel constitué, commeautant d’aventures humaines singulières,brillantes, mais sans lendemain.En 1924, après un parcours de vie qui leconduit des Ardennes à Grenoble en passantpar Lille puis Berck, le docteur Bidou (1878-1959) crée à l’hôpital de la Salpêtrière lep re m i e r s e r v i c e d e « r é c u p é r a t i o nfonctionnelle » des hôpitaux de Paris (fig 4).Ce travail de terrain s’accompagne d’uneréflexion sur l’organisation des soins pourles « impotents ». Des concepts serontproposés, celui d’« orthopédie instrumen-tale », de « récupération fonctionnelle »,d’« énergamétrie », d’« arthromoteur », de« thérapie mécanique », de « travailhumain », de « muscle artificiel » ...Il insiste, dans ses ouvrages publiés (unequinzaine), sur l’importance de la démarchescientifique dans ce registre des soins et ildéveloppe de nombreux outils de mesure.L’auteur centre tous ses propos sur lanécessité de structurer la « récupérationfonctionnelle » sur des bases scientifiques :« En créant ce courant médical scientifiquedans l’opinion publique, le praticienparviendra peu à peu à le détourner del’attrait publicitaire que les empiriquesexercent trop facilement sur sa crédulité »(tableau II).Cette méthode de récupération fonctionnelleétait en phase avec son époque, tant pour latechnologie mécanique que pour lesréférences sociales du monde du travail. Elleétait alors regardée avec curiosité par le restedu monde médical.

¶ Vie professionnelle de Bidou

Bidou, né le 10 mai 1878 à Givet dans lesArdennes, fait ses études de médecine àLille. Jusqu’en 1906, il travaille à l’Institutorthopédique de Berck dans le service du3 « La pratique du massage », 1924.

Tableau I. – ADAPT : les créations premièresdepuis 1929.

Structure Date première structure

Centre de formationprofessionnelle

1937

Centre de rééducationfonctionnelle

1950 (adulte)

Centre de la rue Daillyà Saint-Cloud

1954 (enfant)

Centre de travail protégé 1957

4 Gabriel Bidou (1878-1959).

26-005-A-10 Histoire de la rééducation Kinésithérapie

4

Page 5: 01-Histoire de la rééducation

docteur Calot, où il exerce les fonctions dedirecteur du service de mécanothérapie. Àcette époque, à Berck, on s’occupait surtoutdes conséquences de la tuberculose avectoutes les invalidités que cela entraînait(raideurs de hanches, maladie de Pott,scolioses...).Puis, va suivre un séjour d’environ quinzeans à Grenoble (de 1906 à 1920), où il occupele poste de directeur de l’Institut dephysiothérapie de Grenoble. Il y avait unatelier et un ou deux ouvriers qui réalisaientsur ses consignes et d’après moulages lesappareils et corsets.À partir de 1920 et jusqu’en 1959, année desa mort, il vit à Paris.C’est à la Salpêtrière, en 1924, qu’estofficiellement créé le premier service derécupération fonctionnelle des hôpitaux deParis.Georges Guillain [14] écrit dans sa préface :« Lorsque après la guerre, la Faculté demédecine de Paris me confia la chaire deClinique des maladies du système nerveux, ilm’apparut que la collaboration de M ledocteur Bidou serait d’une importanceprimordiale pour le traitement des malades dela Salpêtrière. Je lui ai demandé de m’apporterson aide et M le docteur Mourier, directeurgénéral de l’Assistance publique de Paris, abien voulu créer dans notre clinique un petitservice pour la récupération fonctionnelle denos malades. Avec un dévouement inlassable,M le docteur Bidou nous a donné son temps,son travail, sa science. Les résultats ont étéremarquables. Des malades hospitalisés depuisde longues années, confinés au lit, ont étérécupérés pour la société ; les résultats acquisont été si utiles et si frappants que M ledirecteur de l’Assistance publique a pris desdispositions pour construire dans un avenirprochain pour M le docteur Bidou un services p é c i a l e t c o m p l e t d e r é c u p é r a t i o nfonctionnelle » (tableau III).En 1927, les documents des archives del’Assistance publique rapportent la prévisionde la construct ion d’un service derécupération fonctionnelle que l’on propose

de situer à l’extrémité de la division Pariset.Une surface de 160 m_ est prévue. Ils’agissait d’un service rattaché à la cliniqueneurologique. Les contacts avec les servicesde neurologie étaient peu nombreux. Sonfils, Stéphan Bidou, médecin pneumologue,rapporte qu’ayant été externe chez leprofesseur Guillain, il n’a jamais vu son pèredans le service.La construction de ce service de rééducationdans lequel Bidou reste jusqu’à sa retraiteest achevée en 1928 ou 1929. Il s’agissaitselon sa terminologie d’un « service spécialet complet de récupération fonctionnelle ». Ceservice, à la Salpêtrière, ne disparaît pas etest relayé en 1956 par ce qui deviendra leservice de rééducation fonctionnelle duprofesseur JP Held et de ses successeurs.Parallèlement à la création de ce service à laSalpêtrière, G Bidou installe successivementdeux cliniques privées destinées aux seulstraitements de récupération fonctionnelle.D’abord à Paris, rue Ribera dans le 16e

arrondissement, puis à Neuilly avec laClinique Sainte-Isabelle, fondation d’unArgentin, Martinez du Hoz. Bidou exercedans ces structures de soins jusqu’à saretraite, puis se retire à Champigny(tableau IV).

¶ Terminologie spécifiqueG Bidou montre un grand souci d’appliquerla méthodologie scientifique à la rééducationfonctionnelle. Pour cela, il développe desconcepts et travaille sur l’évaluation et lesmesures. Cette dimension scientifique, Bidouest allé la chercher dans la mécaniquegénérale et la physique, où il a puisé bonnombre de ses développements. Diverst h è m e s c o n c e r n e n t l a « d é fi c i e n c efonctionnelle », l’incapacité de travail, lesraideurs articulaires, les besoins énergétiquesnécessaires pour les différents métiers, lavaleur énergétique des principaux groupesmusculaires, le barème des taux de capacitésde travail, etc.Il expose ses désaccords avec les stéréotypesculturels du moment. Il affirme ainsi,que [15] :

– « fortifier les muscles n’est pas une mesureuniverselle à utiliser sans réflexion, même sielle est une modalité bien souvent proposée » ;

– « il ne faut pas se soumettre aux préjugésdes ignorants et croire qu’un appareil retardel’évolution d’une récupération musculaire ».

Récupération fonctionnelle

Le début de ses travaux fait référence à lamécanothérapie. Bidou défend l’idée que lat h é r a p e u t i q u e p a r l ’ i n t e r m é d i a i red’appareils , dont on peut contrôlerparfaitement le travail, serait seule valable.Il écrit : « Dans les cas de rétractionstendineuses, le médecin qui cherche à obtenirla récupération fonctionnelle de segmentshumains, ne songera pas à demander à desmachines la rupture de ces freinagespathologiques et croira mieux faire en priantun infirmier, doté de muscles puissants, de« travailler » ces rétractions... Mais puisquela condamnation médicale doit être prononcéecontre la « mécanothérapie », remplaçonsdéfinitivement cette dénomination par celle dethérapie mécanique [16]... ». Ce débat sur laplace de la « mécanothérapie » reste encoreaujourd’hui ouvert et de nouveau en pleineactualité avec le développement del’isocinétisme (fig 5).De 1914 à 1919, Bidou utilise le termed’« orthopédie instrumentale » pour définirson domaine d’action puis celui de« récupération fonctionnelle » à partir de1919. Ce terme recouvre l’ensemble desprincipes thérapeutiques et théoriques queBidou proposait pour le traitement des sujetsimpotents. Il définissait la récupérationfonctionnelle, selon ses propres termes,comme une « méthode de secours de lafonction humaine amoindrie ou perdue »,comme « une méthode, essentiellementindividuelle dans ses applications et basée surl es données de la patho log ie , de laneuropathologie et de la physiologie dumouvement ».

Énergamétrie

C’est le second terme qui réclame uneexplication puisqu’il a disparu de laterminologie actuel le . Selon Bidou,l’énergamétrie est une méthode de mesurede la valeur énergétique humaine dans sesmanifestations dynamiques en ses troisconditions : le travail évalué en kgm est leproduit de deux facteurs, le déplacementd’un membre et de la force demandée augroupe musculaire pour l’effectuer ; lapuissance qu’introduit le temps en kgm/s ;l’énergie potentielle en kgm (fig 6).

Tableau II. – Extrait de l’« Abrégé des princi-pes fondamentaux de récupération fonction-nelle », Gabriel Bidou, 1958.

« Le 13 mars 1919, nous présentions à l’Académiede Médecine une méthode d’appareillage des impotents. Ellereposait sur les principes de la physiologiedu mouvement, adaptée à la déficience motrice de la machinehumaine.Nous démontrions, à l’aide d’une maquette articulée, com-ment il était possible de faire ″ ouvrer ″ les différents seg-ments humains parétiques, sans le secours de béquilles ou defauteuils mécaniques. L’appellation sous laquelle nous décri-vions cette méthode était celle d’ ″ orthopédie instrumen-tale ″. En quittant la salle des séances, M le professeur Jala-guier qui avait bien voulu s’intéresser à notrecommunication, nous fit aimablement la critique de la déno-mination que nous avions adoptée et nous proposa de laremplacer par celle de la ″ récupération fonctionnelle ″.Cette suggestion nous parut fort judicieuse et nous l’accep-tâmes avec gratitude.Le terme de ″ récupération fonctionnelle ″ sous lequel nousdésirons préciser une méthode de secours de la fonctionhumaine amoindrie ou perdue, date donc de 1919. »

Tableau III. – Présentation professionnellede Gabriel Bidou.

Docteur Gabriel BidouChef du Centre de Récupération Fonctionnelle

des Hôpitaux de ParisMédecin en chef de l’hôpital Sainte-Isabelle (Fondation

E Martinez de Hoz)Médecin expert près le tribunal de la Seine

Membre de la Société des Ingénieurs civils de France

Tableau IV. – Rééducation à la Salpêtrière.

La Gazette des hôpitaux du 12 juillet 1913 rapporte unarticle du docteur Kouindjy, cité comme le chef de ser-vice de rééducation et de massage à la clinique Charcotde la Salpêtrière : « Avec une grande compétence, l’auteurexpose les différentes méthodes employées pour parvenir àrééduquer les malades atteints d’affections nerveuses. »

5 Appareil de réduction de rétraction des fléchisseurs.

Kinésithérapie Histoire de la rééducation 26-005-A-10

5

Page 6: 01-Histoire de la rééducation

Pour l’auteur, l’énergamétrie est uneméthode scientifique qui permet de mesurerprécisément la « déficience ». À cetteépoque, il comparait le fonctionnement dumoteur humain à celui d’une mécaniquequ’il fallait analyser avant d’envisager untraitement. L’idée est de considérer l’hommecomme « une machine humaine » soumiseaux lois de la mécanique générale dont onmesure le fonctionnement.Il faut noter l’importance que Bidou accordeà l’introduction du temps dans l’évaluationde la force musculaire à la fois dans sacomposante instantanée (vitesse) et dans saposs ib i l i té de répét i t ion du mêmemouvement. Il insiste également sur lanotion d’énergie potentielle qui est « lafortune que possède en réserve le groupemusculaire ». « La puissance musculaire » estdéfinie comme étant le « travail fourni divisépar le temps ». La variation de la puissancemusculaire constitue un « indice defatigabilité ».

Déficience

Le terme de déficience, aujourd’hui utilisédans le modèle du handicap [107], a un sensalors différent. La déficience est la pertefonctionnelle que l’on peut mesurer : parexemple la déficience du groupe extenseurde la jambe sur la cuisse. Cette déficience apour corollaire une valeur restante. Ladéficience représente les conséquencesfonctionnelles des affections, rapportées à unindividu donné, pour un besoin fonctionneldéterminé (une activité professionnelle). Elleest une donnée individuelle mesurable. Il lanomme aussi « impotence fonctionnelle ».Les notions d’invalidité (« Le degréd’invalidité doit être considéré selon lacapacité restante et non pas selon ladiminution de la quantité de valeur perdue »)

et d’incapacité de travail (définie comme ladifférence qui existe entre la valeur restanteet la valeur nécessaire pour une professiondonnée) sont utilisées en référence àl ’éva luat ion et aux compensat ionsmatérielles.

Méthode de récupération fonctionnelle

• Buts de la méthode de récupérationfonctionnelle

Ces buts sont doubles :

– obtenir une meil leure autonomiepersonnelle ;

– rendre au patient le maximum depossibilités professionnelles et sociales.Des principes sont cités :

– ne pas faire « marcher un parétique », undéficient musculaire, sans offrir unecompensation à la déficience. L’auteurexplique le risque d’augmenter exagérémentla fatigabilité des muscles sains avec, parexemple, l’apparition de crampes ;

– la rééducation motrice des paralytiquespar le travail musculaire est une grossièreerreur : « qui dit paralytique dit sansmotricité et nous ne voyons pas comment onpourrait demander à des muscles inexistantsau point de vue potentiel de produire untravail quelconque ? ». L’auteur sembleconsidérer que : soit l’action serait sans objetsur un muscle (puisque paralysé), soit quesa faiblesse relative ne lui permettrait pasune efficience fonctionnelle, soit que lescompensations spontanées par des muscles,dont la fonction première est autre, serontsource d’inconfort. Néanmoins, il n’exclutpas l’usage d’une « gymnastique éducative »en fonction du degré de parésie.

• À qui s’adresse la méthode de récupérationfonctionnelle ?

Elle s’adresse à deux catégories depopulation, celles que Bidou appelle :

– les grands récupérés, qu’il définit commeétant ceux à qui toute participation à la viesociale est interdite . Ce sont « l e sparaplégiques, les paralytiques des bras, les

amputés, les paralysés infantiles, lesp o l i o m y é l i t e s , l e s h é m i p l é g i e s , l e sarthropathies... » ;

– les amoindr i s qui , du fai t d’une« déformation, d’une perte de substance, d’unefracture, d’une paralysie isolée n’ont plus oun’ont jamais retrouvé leur capacité ouvrièrenormale... Les petits impotents sont légion, lechamp de la récupération fonctionnelle estdonc vaste ».

• Moyens thérapeutiques

– AppareillageC’était l’une des activités privilégiées deBidou. À son époque, il lui semblait que peude progrès avaient été faits et que l’on s’étaittrop peu consacré à son étude systématique.Il insiste pour que l’appareillage soitconsidéré comme un traitement à partentière.Parallèlement à l’idée de la prothèsetubulaire pour amputé, on découvre aussicelle de la réalisation d’un appareillage decontact où le moignon se trouve « emboîtécomme dans un écrin ». Le contactpermettait, selon l’auteur, une sécuritéd’appui général et un « emboîtementparfait » avec un confort d’utilisation accru.La « musculature artificielle » consiste en unjeu de compensations musculaires à partirde tracteurs élastiques. Un de ces modèlespermet sur un membre paralytique de jouersimultanément le rôle des muscles psoas, dequadriceps et de muscles jambiers (fig 7).

– Thérapie mécaniqueDans cette terminologie, Bidou inclut troisobjectifs qui passent tous par le relais de la« mécanique ». Il était lui-même devenumembre de la Société des ingénieurs civilsde France, et attachait une grandei m p o r t a n c e a u x d é v e l o p p e m e n t smathématiques et physiques de la science etdes techniques qu’il décrivait.La thérapie mécanique comportait troispoints :

– le fait de « mouvoir artificiellement lesmembres » à l’aide de machines dont la plusélaborée s’appelait l’arthromoteur ;

6 L’énergamètre enregistreur.

7 La musculature artifi-cielle.

26-005-A-10 Histoire de la rééducation Kinésithérapie

6

Page 7: 01-Histoire de la rééducation

– le fait de « corriger passivement » lesattitudes vicieuses (rétractions musculai-res...), par des appareils individuels passifs ;

– les appareils portatifs qui sont utilisés parles malades en cours de rééducation pourparfaire les résultats acquis.L’arthromoteur (fig 8) est un appareilimaginé et construit par Bidou pour réaliserdes mobilisations articulaires dans desconditions de précision expérimentales. Ils’agissait de trouver les moyens mécaniquesd’obtenir une mobilisation selon des axesarticulaires et des amplitudes de mouvementparfaitement connus. C’est en 1908 qu’estp r é s e n t é l e p ro t o t y p e d u p re m i e rarthromoteur (tableau V).L’auteur parle avec réticence de lamobilisation manuelle « qui fait plus de malque de bien ». En ce temps-là, il n’existaitpas, selon lui, de « mobilisateur possédantd e s c o n n a i s s a n c e s a n a t o m i q u e s e tphysiologiques très certaines... Le mouvementmécanique, au contraire, est constant dansson amplitude, il est régulier, il est dosable ».

– Gymnastique rationnelleElle fait partie de la « méthode derécupération fonctionnelle » et elle est

essentiellement destinée selon Bidou auxenfants et adolescents et au travailmusculaire.Elle s’adresse par exemple aux scolioses queBidou classe en trois catégories :

– les scolioses correctibles par la seulegymnastique médicale ;

– les scolioses correctibles par des procédésd e m é c a n o t h é r a p i e s p é c i a l e e t d egymnastique associés au port d’un corset ;

– les scolioses non correctibles par lagymnastique, mais « assouplissables » par lamécanothérapie, devant être maintenues parun corset spécialement établi.

• Professionnels et lieux de soins

Professionnels concernésBidou pensait qu’une information théoriquesur sa méthode pouvait être utile auxprofessionnels des quatre disciplinessuivantes :

– le médecin praticien ;

– le « médecin récupérateur », « qui ne peutétudier un problème de récupérationfonctionnelle sans avoir établi objectivementet physiologiquement les données del’impotence qui lui est présentée » ;

– le médecin expert, « dans le but d’établirs u r u n e b a s e s c i e n t i fi q u e l e d e g r éd’invalidité » ;

– l’éducateur physique.Lieux de soinsPour Bidou, « les hôpitaux et les dispensaireschirurgicaux ne sont pas faits pour letraitement des séquelles ». L’auteur considèreque les soins de récupération fonctionnelledoivent se faire dans des services spéciaux,e t i l expose les pr inc ipes de leurorganisation :

– le traitement doit être immédiat, c’est-à-dire le plus précoce possible par rapport àl’accident : « que peut-on espérer d’uneraideur articulaire de l’épaule consécutive àune luxation de l’épaule par exemple, qui estadressée au service de récupération trois moisaprès la réduction ? C’est ce qui nous arrivecouramment » ;

– les traitements doivent être intensifs etjournaliers ;

– les traitements doivent être associés : « lepraticien fera un choix judicieux dans lesdifférents moyens qui sont à sa disposition :é lectrothérapie , ionisat ion, massages ,ba lnéo thé rap i e par sou f re na i s san t ,ambulothérapie... et enfin mécanothérapie ».Quant aux princ ipes généraux quiprésidaient aux traitements, ils étaient aussitrès actuels : le travail de « récupération » estprogressif, dosé, et entre les heures detraitement, le « port de petits appareilscorrecteurs » est conseillé.L’hôpital Sainte-Isabelle est décrit commen’étant ni un hôpital, ni une clinique, ni undispensaire. Le point de vue économique est

au premier plan. Les rapports patrons-ouvriers de l’époque et ceux avec lesassureurs sont souvent évoqués par Bidou.Les blessés sont externes ou pensionnaires :« la vie familiale de l’ouvrier est toujours àrespecter, mais si l’intérêt de l’accidenté exigeune surveillance plus soutenue, il ne faut pashésiter à l’hospitaliser... Les traitements sontconfiés à des collaborateurs compétents etdisciplinés... ».Ainsi, pour garantir des résultats dans cedomaine, il faut avoir l’arme nécessaire,c’est-à-dire : « un hôpital agencé, dirigé ets p é c i a l i s é d a n s l e s e u l b u t d e l arécupération ».

Aspects médicaux et sociaux

Le concept de réadaptation est utilisé, maisdans un sens peu net et mal défini. Il n’estpar exemple pas indexé sur son ouvrage leplus important, « Travail humain etrécupération fonctionnelle ». La dimensionde la réadaptation est néanmoins trèsprésente et intégrée à sa méthode derécupération fonctionnelle (fig 9).Bidou insiste sur les implications socio-économiques de sa discipline, notammentpour le retour des ouvriers au travail(tableau VI).L’auteur envisage d’utiliser les moyens desa méthode :

– pour évaluer l’incapacité de travail oul ’ inval idité , quel que soit le mode

8 L’arthromoteur général.

Tableau V. – Arthromoteur dans le travailhumain et récupération fonctionnelle.

Un arthromoteur doit être un appareil capable dedonner tous mouvements passifs, par l’entraînementd’un moteur, à toutes articulations, à toutes ampli-tudes, à toutes hauteurs, que le malade à mobiliser soitdebout, assis ou couché. Il doit en outre comporter undispositif à résistance excentrique, permettant aumalade de se libérer de l’entraînement moteur, etd’agir par sa propre puissance, contre la résistanced’une masse quelconque. Ceci se traduit plus rapide-ment en disant qu’un appareil mû par un moteur, etsusceptible d’entraîner un membre attaché, doit êtredoté de dispositifs de sécurité, permettant à la moindrealerte, ou au cas de fausse manœuvre, l’arrêt instan-tané de tout mouvement mécanique.

9 Le malade « récupéré » (A, B).

*A

*B

Kinésithérapie Histoire de la rééducation 26-005-A-10

7

Page 8: 01-Histoire de la rééducation

d’assurances maladies ou accidents. Bidouétablit ainsi ce qu’il appelle « la formule dedéficience » ;la formule énergétique de la déficience est lasuivante :

θ = 100 - (100 · E / N) %θ : taux de déficienceE : énergie restante que l’énergamètre amesuréeN : énergie potentielle normale

– pour mesurer l’« aptitude au travailmanuel de l’ouvrier ». Ainsi l’auteur a étudiéde nombreuses professions sur le plan dugeste et des capacités physiques (forgerons,étameurs, soudeurs, tourneurs, chaudron-n i e r s , t ô l i e r s , p l a n e u r s , c a rd e u r s ,matelassiers...), réalisant ainsi un travail quel’on considérerait aujourd’hui comme unerecherche ergonomique. L’évaluation de la« valeur nécessaire » à l’exercice d’un métiermanuel est envisagée pour 23 professions.Si l’on se réfère à la création de l’hôpitalSainte-Isabelle, fondé en 1926 grâce à ungénéreux donateur, le but initial était de« récupérer fonctionnellement les impotentsindigents », puis dix ans plus tard, cetteœuvre a accueilli les blessés du travail. Celaconcerne les ouvriers avec l’implication descompagnies d’assurances.Enfin et surtout, il faut mentionner ce queBidou appelle « les grands récupérés ». Ils ’agi t de pat ients t rès lourdementhandicapés, ce sont ceux « à qui touteparticipation à la vie sociale est interdite ».Ainsi, l’auteur montre dans un dossierphotographique les résultats fonctionnels etles possibilités d’autonomie immédiate(comme boire avec un verre, écrire,manipuler les verrous de coude, fumer,s a l u e r, d o n n e r l a m a i n . . . ) o u d edéambulation, permis par la « récupéra-tion ». Ces critères de succès thérapeutiquesont ainsi replacés dans le cadre de vie dupatient, et illustrent les objectifs deréadaptation.L e s a s p e c t s p s y c h o l o g i q u e s s o n tmentionnés : « seul un climat de confiancepeut constituer le support à la récupération

fonctionnelle, le but et l’objet que nouspoursuivons sont donc de rendre à undiminué physique la possibilité de reprendreune place rémunératrice dans la vieprofessionnelle, aidé ou non par un dispositifmécanique approprié à sa déficience »(tableau VII).

DIVERS PÔLES DU CHAMPDE LA RÉÉDUCATION

Plusieurs pôles vont venir peu à peu serejoindre pour former le champ de larééducation.L e s d i v e r s p ô l e s s o n t c e u x d e l agymnastique, des techniques physiques, destechniques manuelles et celui de laréadaptation. La greffe de ces champs resteaujourd’hui encore à parfaire.C’est plus tardivement que s’associeront laprise en compte des grandes fonctionsfondamentales (comme la rééducationvésicosphinctérienne des patients porteursde lésions médullaires), la rééducation de ladéglutition des patients cérébrolésés, desfonctions cognitives, émotionnelles,…

¶ Champ des pratiques physiques

Ce champ est lui-même issu de deuxbranches, l ’une venue des activitésphysiques, des sports de la gymnastique etl’autre des thérapeutiques physiquesinstrumentales avec l’électrologie, lamécanothérapie, la physiothérapie.La gymnastique, selon de Champtassin [21]

(chargé du service de mécanothérapie de

l’hôpital Saint-Louis) et Castaing (médecin-major de première classe de l’armée), « doitcomprendre exclusivement en une mêmeacception générale, toute activité cinétique,tous mouvements et toutes séries demouvements, tous exercices en un motpratiqués non pas pour leur utilité immédiate,mais pour une fin éloignée consistant soit enun résultat somatique (développement santé),soit en un résultat cinétique amélioré etprécisé (adaptation ou complexité descoordinations, leur vitesse, leur durée, leurrythme, etc), résultats toujours déterminés àl’avance ».Le développement des « écoles degymnastique » est alors très important avecde vifs débats sur l’intérêt des diversesméthodes (tableau VIII).En 1895, le professeur d’Arsonval [22]

introduisit à Paris, à l’Hôtel-Dieu, unebranche de la thérapeutique, nomméeélectrothérapie. Elle devait prendre un essorcertain dans les hôpitaux puisqu’en 1936, ilest noté que l’on a réalisé 180 000 traitementsdans le service de physiothérapie de l’Hôtel-Dieu (fig 10). JA d’Arsonval recevra en 1932la première « clé d’or » de l’actuel Americancongress of rehabilitation medicine.La physiothérapie regroupait alors lesdiverses utilisations diagnostiques etthérapeutiques issues de la physique. On yintégra i t de nombreuses prat iquesthérapeutiques non pharmacologiques(tableau IX).Les ouvrages consacrés à l’électrologiemédicale sont alors quasi exclusivement

Tableau VI. – Reclassement des sinistrés(« De la condition du travail humain », G Bi-dou, 1934).

« Au sujet de la reprise d’ouvriers accidentés guéris, nousvoudrions suggérer à ceux qui dirigent les grandes organisa-tions ouvrières, d’établir la fiche de condition du travail, nonpas pour les milliers d’ouvriers qu’ils emploient, ce quiserait pratiquement impossible, mais pour ceux qui se pré-sentent après accident.Les chefs qui ont eu, sous leurs ordres, pendant quelquetemps, des collaborateurs dévoués, ne peuvent se séparerd’eux, devenus amoindris, sans un regret bien naturel.Cependant, les exigences du prix de revient ne leur permet-tent pas d’étendre leur complaisance au-delà d’une certainelimite. Si cette cheville ne peut plus rentrer à sa place pre-mière, (qu’on nous pardonne cette image), dans le clavier dupersonnel, peut-être pourrait-on trouver un emploi dans unautre emplacement ? Pour découvrir cette nouvelle utilisa-tion, il faudrait établir le test de la valeur énergétique de cetouvrier... L’examen de notre accidenté montrerait ce qu’ilvaut encore. »

Tableau VII. – Publications de Gabriel Bi-dou, 15 livres édités de 1903 à 1958.

1903 : Mécanothérapie et déviations du rachis. Paris,Institut international de bibliographie scientifique

1905 : De la paralysie du nerf médian dans les luxa-tions du coude. Thèse de doctorat en médecine à Lille

1908 : La mécanothérapie française. Grenoble, AllierFrères

1913 : La scoliose et son traitement, Paris, Maloine

1919 : L’orthopédie instrumentale. Paris, Chardel

1922 : La méthode de récupération fonctionnelle : sesinstruments de mesure. Poissy, Imprimerie de la Coix-Verte

1923 : Nouvelle méthode d’appareillage des impotents.Paris, PUF (préface de J Babinski)

1927 : Principes scientifiques de récupération fonction-nelle des paralytiques (préface du professeur Guillain).Paris, Le livre pour tous

1929 : La thérapie mécanique (préface du professeurd’Arsonval). Paris, Vuibert

1933 : De la puissance musculaire. Lyon, Imprimeriesdes Missions africaines

1934 : De la condition du travail humain. Lyon, Impri-meries des Missions africaines

1939 : Travail humain et récupération fonctionnelle.Paris, Firmin Didot

1947 : Énergamétrie. Paris, Maloine

1958 : Abrégé des principes fondamentaux de récupé-ration fonctionnelle, Paris, L’Impression

Tableau VIII. – Gymnastique : étiquette etméthodes [21].

« Nombreuses sont les étiquettes sous lesquelles se présentela gymnastique : éducative, pédagogique, utilitaire, profes-sionnelle, sportive, naturelle, physiologique, scientifique,empirique, oxydatrice, respiratoire, musculaire, neurocen-trale, glandulaire, viscérale, intégrale, sexlatérale, propor-tionnelle, aérienne, acrobatique, de poids lourds, de force, dedéveloppement, de coordination, de fonds, de vitesse, eupho-rique ou de santé, hygiénique, de l’enfant, de l’adolescent, del’adulte, du vieillard, du sexe masculin ou féminin, sains oumalades, suédoise, allemande, française, belge, etc, de Ling,de Jahn, d’Amoros, d’Happel, etc, cinétique ou culturiste,etc. »

10 Le service de physiothérapie à l’Hôtel-Dieu, 1936.

26-005-A-10 Histoire de la rééducation Kinésithérapie

8

Page 9: 01-Histoire de la rééducation

c o n s a c r é s à l ’ é l e c t ro t h é r a p i e e t àl’électrodiagnostic. La partie radiologique etradiothérapique y est alors très modeste [45]

(fig 11) (tableaux X, XI).L’application de ces méthodes thérapeu-tiques aux personnes handicapées est décritedès cette époque : par exemple Kirmisson,dans son traité sur « Les difformités acquisesde l’appareil locomoteur pendant l’enfanceet l’adolescence » (1902), propose dans lecadre de la maladie de Little [61] le schémasuivant : « la première chose c’est de faire

l’éducation des muscles contracturés. Onsoutient les petits malades sous les aisselles eton leur apprend à diriger leurs membresinférieurs et à prendre point d’appui autantque possible sur la plante du pied. Le pluss o u v e n t o n n ’ y r é u s s i t q u e t r è sincomplètement, les petits malades reposantseulement sur la pointe du pied et présentanttoujours un degré plus ou moins marquéd’équinisme... En même temps que cesexercices de marche, on met en œuvre lesf r i c t ions et l e massage des musc lescontracturés, massages par effleurement, partapotement et par pétrissage. On imprime enoutre aux articulations des mouvements etdes attitudes en sens inverse des attitudesv i c i euses dans l e sque l l e s e l l e s sontimmobilisées... Tous ces mouvements doiventêtre exécutés avec beaucoup de douceur. Ondoit compter pour vaincre la contracturemusculaire bien plutôt sur les effortspatiemment et longtemps continués que surune violence trop considérable. Au massage età la gymnastique orthopédique, il convient dejoindre l’emploi des appareils qui luttentcontre l’attitude vicieuse des membres... On aconseillé dans quelques cas les exercicesd’équitation. Les exercices de tricycle et enfinles appareils à tuteurs latéraux et à ceinturepelvienne qui maintiennent les membresinférieurs dans l’extension combinée àl ’ abduc t i on t rouve ron t par f o i s l e urutilisation... Quelques malades présentent desaccès épileptiformes, l’intelligence estincomplètement développée, parfois même ilssont tout à fait idiots. Ce sont là, on lecomprend, les conditions singulièrementdéfavorables pour le traitement par lagymnastique et les exercices orthopédiques quidoit nécessairement faire appel à l’intelligencedes malades » (fig 12).Les pratiques manuelles vont être, outre lemassage déjà évoqué, la pratique des« manipulations vertébrales », dont onconnaît la médicalisation après la SecondeGuerre mondiale.

L’appareillage des amputés, des paralysés,va rejoindre très progressivement le champmédical. Hindermayer [56] précise à proposdes prothèses et des temps anciens : « neconsidérait-on pas ces dernières commedépendant plutôt de la mécanique que de l’artde guérir ? ».

C’est un domaine où l’on connaît denombreux ouvrages historiques. Fajal [36]

présente en 1972 sa thèse sur l’historique del’appareillage des amputés. Sa rechercheconstitue un véritable monument pour larééducation et reste une référence.L’aspect matériel très concret des prothèseset orthèses avec la réalisation d’objetsvisibles et durables explique sa notoriété.Les objets eux-mêmes ou leur représentationont pu traverser ces époques [27].

¶ Champ de la réadaptationCe champ couvrira deux registres : celui dela réadaptation sociale et professionnelle,antérieure au développement du champ dela réadaptation médicale.Nous avons vu que la réadaptation médicaleest déjà en place sur un plan conceptuel et

Tableau IX. – Quatrième Congrès internatio-nal de physiothérapie à Berlin (26-30 mars1913).

Ce congrès fonctionnait avec quatre sectionssimultanées :- l’électroradiologie et la radiumthérapie- la balnéothérapie et la climatothérapie- la diététique- la kinésithérapie

Tableau X. – Physiothérapie, cours de vacan-ces (Gazette des hôpitaux, 1913, 3/07/1913,n° 75, p 1229).

« La dixième session des cours de vacances de physiothérapieorganisée par MM Albert-Weil, Durey, Dausset, Degrais,Dominici, Kouindjy, Leroy, Roederer, Sandoz et Wetterwald,aura lieu du 9 octobre au 31 octobre prochain à l’École desHautes Études Sociales, 16, rue de la Sorbonne et dansdivers hôpitaux ou cliniques.Elle comprend deux séries de vingt leçons :La série A comprend l’électrothérapie,la radiothérapie...La série B comprend le massage en général, le massage vis-céral, le massage gynécologique, le massage de la face, larééducation gymnastique et l’éducationphysiqueLe prix de chaque série de 20 leçons est de 50 francs. Onpeut demander des programmes détaillés ou s’inscrire chezMM Vigot Frères éditeurs, 23, place de l’École deMédecine »

11 « Électrologie et radiologie ».

Tableau XI. – Manuel pratique de kinésithé-rapie (1913).

Fascicule I : Rôle thérapeutique du mouvement ; mala-dies de la circulation

Fascicule II : Gynécologie. Stapfer

Fascicule III : Maladies respiratoires ; méthode del’exercice physiologique de la respiration. Rosenthal

Fascicule IV : Orthopédie. Mesnard

Fascicule V : Maladies de la nutrition et de la peau.Wetterwald, Leroy

Fascicule VI : Les traumatismes et leurs suites. Durey

Fascicule VII : La rééducation motrice. Hirschberg

12 Les « Difformités acquises de l’appareil locomo-teur ».

A. Paralysie infantile totale des membres inférieurs ;malade vu après les ténotomies permettantla marche à l’aide d’appareils.B. Appareil pour la suspension combinée aux pres-sions latérales (Kirmisson).

*A

*B

Kinésithérapie Histoire de la rééducation 26-005-A-10

9

Page 10: 01-Histoire de la rééducation

pratique. Néanmoins, les promoteurs restentalors des personnes isolées, ne faisant pas« école ». Ces courants apparaissaient alorscomme marginaux, hors des préoccupationsmédicales communes. Il faut attendre lapériode contemporaine pour voir, dansl’ensemble des pays de culture européenne,s e m e t t r e e n p l a c e d e s g r o u p e sprofessionnels médicaux et paramédicauxentièrement engagés dans le champ de larééducation.

Période contemporaine :mise en placeinstitutionnelleet médicalisationdu handicap

La terminologie va évoluer considéra-blement. L’usage du terme handicap estrécent. Il entoure la création de la Loid’orientation en faveur des personneshandicapées de 1975.Cette période contemporaine voit les aspectsébauchés dans la période des deux guerresse conforter, se renforcer et surtouts’institutionnaliser avec le développementd’une véritable culture sur le handicap et laréadaptation : « Le transfert du handicap versle monde médical se poursuit : l ’étatprovidence réalise la médicalisation deshandicapés. La politique des années 1950dessaisit la société du handicap et le confie àla médecine [30] ».

DÉVELOPPEMENTSPROFESSIONNELS DANS LE MONDE

DE LA SANTÉ

¶ Médecine physiqueet de réadaptation :médecins spécialistes

En France

Comme dans beaucoup d’autres pays, lamise en place de la spécialité médicale(médecine physique et de réadaptation[MPR]), va se révéler difficile et laborieuse.Elle va se structurer progressivement enEurope et dans le monde. Son essor trèsimportant aux États-Unis constitue unmoteur culturel significatif en raisonnotamment de la prééminence de la langueanglaise dans la diffusion des publicationsscientifiques. La spécialité médicale estofficialisée par l’Organisation mondiale dela santé (OMS) au plan international en 1968.En France, un premier enseignementspécifique pour les médecins est proposé en1956 par le docteur Peillon-Dinischiotu. Il nesera officialisé que 10 ans plus tard, en août1965, par la création du Certificat d’étudesspéciales de rééducation et réadaptationfonctionnelle (CES). Le CES devient un DESle 17 octobre 1984, après un débat prolongéet animé sur la nécessité de conserver la

rééducation comme une spécialité médicaleà part entière. Cette spécialité médicalenommée en France « rééducation etréadaptation fonctionnelle » devient en 1995(Journal officiel du 11 mai 1995) la« médecine physique et de réadaptation »,pour rejoindre la terminologie internationaleet parfaire son identité.Le nom d’André Grossiord est attaché à lacréation du pôle universitaire de la spécialitémédicale en France. Cette évolution marquel ’un des tournants essent ie ls dansl’installation de la discipline. L’enseignementde la spécialité médicale permet la diffusiondes savoirs auprès des médecins et assure ledéveloppement d’un groupe professionnelde médecins spécialistes totalement engagésdans ce champ culturel, participant àl’évolution des connaissances et à latransmission des savoirs (fig 13).André Grossiord [50] (1909-1997) fut médecindes hôpitaux en 1944, et prit sa retraite en1979. Il rapporte dans sa leçon inaugurale [44]

pour la chaire de rééducation motrice qu’en1947, « l’administration voulait ouvrir àPoincaré (hôpital Raymond Poincaré, àGarches) un centre de traitement de séquellesde poliomyélite avec 160 lits d’enfants ; unmédecin devait le diriger ; le président denotre syndicat demanda un volontaire ; ungrand mouvement me saisit... allais-je lever lamain ? L’aurais-je levée si Turiaf, à mes côtés,ne m’avait amicalement poussé ? Je ne sais.En tout cas je la levais. J’étais le seul ! Uneangoisse m’étreignit, mais les dés étaient jetés.Des lendemains amers m’attendaient.L’administration tenant un responsable,attendait de lui qu’il décidât de tout :aménagement des locaux, formation dupersonnel, commandes de matériel... Lemalheureux responsable, bombardé spécialistede la rééducation, se sentait terriblementincompétent et se demandait dans quellegalère il avait mis les pieds. Et l’étonnementattendri , voire l ’ ironie de ses pet i tscamarades ! ».Le Centre national de traitement desséquelles de poliomyélite ouvrit ses portes àGarches en février 1949.En mars 1968, fut créée la Chaire de cliniquede rééducation motrice. Nous sommes trèsproches des événements de mai 1968... et del’éclatement de la Faculté de médecine deParis.En 1996, il existait 38 professeurs de MPRdans les diverses facultés de médecinefrançaises, avec une instance spécifique dereprésentation, le Collège national desenseignants.En 1985 est créé à Dijon (professeurJP Didier), le DEA de sciences et techniquesappliquées au handicap et à la réadaptation.Dans différents lieux en France, desstructures se mettent en place, avec deprestigieux médecins : Pierquin à Nancy,Leroy à Rennes et bien d’autres... Dès 1948est organisée à Rennes une prise en chargeglobale des patients poliomyélitiques, puisen 1953 un centre hospitalier de lutte

antipoliomyélitique est individualisé. En1966, une chaire de rééducation fonctionnelleet d’hydroclimatologie est créée. Louvigneest un successeur issu de la médecinegénérale et représente un courant humanistea s s o c i a n t r i g u e u r i n t e l l e c t u e l l e e tcompassion.

La Société nationale française de médecinephysique naît en mars 1952 et le Syndicatfrançais de médecine physique est créé en1956.

13 « Leçon inaugurale » de A Grossiord (A, B).

*A

*B

26-005-A-10 Histoire de la rééducation Kinésithérapie

10

Page 11: 01-Histoire de la rééducation

L’Association des médecins spécialistes derééducation (ANMCR) fut créée en 1971pour rassembler sous forme d’amicale, lesmédecins-rééducateurs formés par la voiedu CES de rééducation et de réadaptationfonctionnelle. En 1981, année des personneshandicapées, l’ANMCR organise unejournée sur l’insertion sociale et familiale deshandicapés physiques. En 1985, l’ANMCRdevient l’ANMSR. Le nom de Bouffard-Vercelli reste attaché à ce groupe. C’est luiqui crée le centre de rééducation du capPeyrefitte qui porte aujourd’hui son nom.Cette filière de formation par le CESdisparaît complètement en 1989 au profitd’un internat qualifiant pour former lesmédecins spécialistes (DES).L’ANMSR est à l’origine de la Lettre dumédecin rééducateur, qui contribue àpromouvoir la notoriété de la spécialitémédicale.

En Europe

En 1954, va se créer la Fédérationeuropéenne de MPR, alors que la Fédérationinternationale de médecine physique existedepuis 1950.En 1982, l’Académie médicale européennede réadaptation publie un ouvrage desynthèse « Médecine de rééducation etréadaptation [10] ».Les noms de René Waghemacker (décédé le28 février 1981 à l’âge de 60 ans), d’AndréBardot [11], d’Antoine Macouin sont attachésà l’émergence de ce courant européen.Le 19 juillet 1991 naît le collège européen deMPR, avec la créat ion en 1993 del’« European board of physical medicine andrehabilitation ». Les premières épreuvesqualifiantes se déroulent à Gand le 1er juin1993, avec la délivrance des premiersdiplômes.Il faut mentionner le nom de LudwigGuttmann qui fut à l’origine de la créationdu Centre de rééducation de Stocke-Mandeville en 1944 et des jeux sportifs en1948. Juif d’origine allemande, il se réfugieen Angleterre et il y reste toute sa carrière. Ilcodifie le traitement des lésions médullaireset fit école en Europe (Dollfus, à Mulhouse).En Belgique, les professeurs Houssa et Tricotfondent après la Seconde Guerre mondialel e C e n t re d e t r a u m a t o l o g i e e t d eréadaptation (CTR). Ils sont, en Belgique, lespionniers de la médecine de rééducation etde son développement scientifique. En 1972,le Centre William Lennox ouvre ses portessous la direction du professeur Sorel,d’abord spécialisé dans le traitement del’épilepsie puis consacré à toutes lesdéficiences neurologiques.Les développements européens vont seconcrétiser par des initiatives interculturellestelles que les Congrès transpyrénéens demédecine de rééducation. Un premiercongrès franco-espagnol est organisé les 27et 28 novembre 1992 sous l’égide desprofesseurs Roques, de Toulouse, et GarciaAlsina, de Barcelone.

Sur le continent nord-américain

Le schéma de la construction de la spécialitéaux États-Unis va connaître le mêmeaccolement des deux principales racines,celle de la médecine physique et celle de laréadaptation médicale.Les débuts formels de la spécialité aux États-Unis sont datés de 1926 quand Coulterr e j o i n t l ’ U n i v e r s i t é m é d i c a l e d uNorthwestern et devient le premieruniversitaire temps plein en MPR.L’American board of physical medicine andrehabilitation (qualification des médecinsaméricains) date de 1947. Le premiercertificat fut délivré le 31 août 1947 audocteur Coulter. C’est à cette date que cettespécialité fut reconnue comme une spécialitémédicale à part entière.

• Aux États-Unis

Krusen établit le premier programmed’enseignement à la Mayo Clinic en 1936sur 3 ans de résidanat. L’American academyof physical medicine est fondée en 1938. En1988, l’American academy of physicalmedicine and rehabilitation, a fêté avec éclatson cinquantième anniversaire.En 1941 paraît un premier ouvrage desynthèse sur la rééducation intitulé« Physical medicine » (Philadelphia,Saunders).Le terme proposé en 1946 par le AMACouncil of physical medicine pour nommerles médecins-rééducateurs américains estcelui de physiatrist.L’essor de la spécialité aux États-Unis estégalement lié aux deux guerres et auxexpériences humaines alors acquises. LaSeconde Guerre mondiale voit une demandeaccrue de soins de réadaptation avec, enparallèle à cette même période, lesépidémies de poliomyélite.C’est en 1950 que la dénomination actuelleest proposée : physical medicine andrehabilitation (fusion de la « physicalmedicine » et la « medical rehabilitation »).Tout ceci dans le contexte d’un challengedélicat vis-à-vis des autres spécialitésmédicales.Rusk, issu d’une expérience de réadaptationactive de soldats blessés, vient au New YorkBellevue hospital, pour mettre en place laréadaptat ion . I l c rée l ’ Ins t i tu te ofrehabilitation medicine au New Yorkuniversity medical center. Rusk est décédéle 4 novembre 1990. Il est considéré commele père de la médecine de réadaptation, etKrusen comme le père de la médecinephysique.Le développement de l’électromyographie(EMG) dans les années 1950 est un moteurimportant du développement de la spécialitémédicale aux États-Unis.

• Au Canada

Gustave Gingras [42] a longuement rapportéson expérience professionnelle avec la

création de l’Institut de réadaptation deMontréal. L’inauguration se fit le 9 mars1963 et il note qu’il lui faudra éduquer lesautres partenaires : « il a fallu du tempsavant d’éduquer les hôpitaux et avant que lesmédecins dirigent des candidats aptes àbénéficier pleinement des soins dispensés parl’institut. Il faut fouiller dans les dossiers dudébut pour y découvrir des malades souffrantde cancer inopérable ou de maladie cardiaqueoù tout exercice se serait révélé funeste. Ilfallut par la suite que les hôpitaux quidirigent des malades pour un examend’admission s’engagent à garder disponible lelit du candidat et à le reprendre le jour mêmeen cas de refus. Cette politique a sans doutepermis à l’institut de préserver sa vocation etde ne pas devenir à courte échéance un asilepour incurables ».

¶ Professions paramédicales

Kinésithérapie

L’origine du mot kinésithérapie [48], proposépar un Suédois nommé Georgii, élève deLing, date de 1845. Le mot fut utilisé sur leplan médical en France dès 1891-1892, parStapfer et Perrot. Il s’est imposé après undébat terminologique, qui a re je témassothérapie et gymnastique. Le terme estchoisi contre cinésithérapie. D’autres encoreont proposé myothérapie [53], « ce mot demyothérapie est infiniment préférable à celuiplus employé actuellement de kinésithérapie,parce que ce n’est pas, ainsi que l’étymologiepourra i t l e l a i s s e r c ro i re ( k iné s i s :mouvement), que le mouvement seul qui estcuratif dans l’acte moteur, mais c’est aussi lamodification du dynamisme nerveux, larééducation musculaire, le rétablissement desf o n c t i o n s s p é c i a l e s . . . ( f o n c t i o n smorphostatiques), le retour à des fonctions denutrition normales en vertu du lien qui unitla contraction avec le trophisme et la forme...Le mot de kinésithérapie ferait donc croire àtort que, dans le mouvement, il n’y a que lemouvement qui guérit. Ainsi on laisse ignorertoute la partie à mon avis très importante del’action nerveuse sur le neurone moteur et dela reconstitution de la forme que créel’exercice méthodique réglé par des technicienscompétents » (fig 14).Le massage et la gymnastique médicale,orthopédiques... organiseront les prémicesdu champ de la kinésithérapie moderne(fig 15).C’est très progressivement que la formationdes personnels hospitaliers fut assurée àpartir de la fin du XIXe siècle. Depuis 1899-1900, le cours de massage aux opérés estassuré par le docteur de Frumerie. En 1922est créé le brevet de capacité professionnelled’infirmière de l’État français et en 1924 celuid’infirmière et d’infirmier masseur de l’État(tableau XII).Le 13 août 1942, est créé le diplôme demoniteur de gymnastique médicale et, le15 janvier 1943 apparaît une loi réglementantla profession de masseur médical [73] : « cetexte instaure l’indépendance de notre

Kinésithérapie Histoire de la rééducation 26-005-A-10

11

Page 12: 01-Histoire de la rééducation

profession. Il précise que nul ne peut porter letitre de masseur médical s’il n’en possède lebrevet et que nul ne peut exercer la professions’il n’en a le titre. Enfin, il fait de nous desauxiliaires médicaux puisqu’il indique quenous ne devons exercer que sur prescriptionmédicale [34] ».

Le 30 avril 1946, l’activité des « masseurs »est réglementée et le diplôme d’État demasseur-kinésithérapeute est créé. Ainsi, ilfaut attendre la fin de l’après-guerre pour

que les professions d’infirmière et dekinésithérapeute s’individualisent.Progressivement, l’organisation de laformation va se structurer et s’enrichir, avecun développement des études trèsconséquent. Françoise Mézières rapportesous la plume de Lannes [64] son vécu dudiplôme d’État de kinésithérapeute.Diplômée de la rue Cujas en juillet 1938,après des études qui duraient alors 3 mois,elle effectue un stage hospitalier de 1 anpour accéder à la qualification profession-nelle. Elle rapporte ses souvenirs del’examen de fin d’études : « une épreuved’anatomie, une autre avec de la physio etaprès on passait la pratique dans un hôpital.Cela durait toute la journée. Après, onattendait 10 jours et on passait l’oral. Nousétions 35 à présenter cet examen pour toutela France ».L’école de la rue Cujas connaît deux grandespersonnalités à son origine, Kopp et BorisDolto. Boris Dolto, né en Russie à Sinféropolle 3 août 1899, est décédé à Antibes le27 juillet 1981, à l’âge de 81 ans. C’est àAntibes qu’il « consacra six ou sept étéssuccessifs à la rédaction de ce livre (« Le corpsentre les mains », préface de FrançoiseDolto) où il mit tout son enthousiasme [29] ».Son nom est attaché au développement etau rayonnement de l’école de kinésithérapiealors rue Cujas à Paris, l’École françaised’orthopédie et de massage (EFOM), ensuitedirigée par Samuel.Le niveau de recrutement des élèves vapasser du certificat d’études primaires aubaccalauréat, avec une durée d’études quipasse de quelques mois à 2 ans, puis à 3ans. Aujourd’hui, la profession est trèsréglementée, les études durent 3 ans et sontouvertes aux candidats reçus aux épreuvesd’admission dans les instituts de formationen massokinésithérapie. Le nombre total deplaces est actuellement d’environ 1 400 pourune trentaine d’écoles.L ’ i m p o r t a n c e d e l ’ i n t é g r a t i o n d e shandicapés visuels dans ce champprofessionnel est ancien, puisque c’est en1906 que l’école Valentin Haüy s’est ouverteà Paris [5]. Elle est alors dirigée par unmédecin aveugle, le docteur Félicien Fabre.C’est également en 1924 qu’est créé lediplôme d’État d’infirmier masseur aveugle.Actuellement, quatre écoles à Paris, Villejuif,Villeurbanne et Limoges assurent laformation des personnes aveugles etmalvoyantes en kinésithérapie.

• Aux États-Unis

Aux États-Unis, c’est le nom de physicaltherapist qui prévaut. La date d’origine est1812, avec Peter Hanley Ling, qui développeles premières bases scientifiques dumassage. La pratique dite moderne est datéedu 22 août 1917, avec la création, au sein duSurgeon General’s Office, de la Division ofSpecial Hospital and Physical Recons-truction. Il y a actuellement environ1 2 0 l i e u x d e f o r m a t i o n s a v e c d e s

14 « Culture physique et cures d’exercice » (A, B).

*A *B

Tableau XII. – Loi n° 57-764 du 10 juillet1957 [17].

« Ce diplôme (diplôme d’État de masseur-kinésithérapeute)est délivré aux personnes qui justifient, soit de la possessionde l’un des brevets ou diplôme d’État d’infirmier masseur oud’infirmier masseur aveugle, délivrés en application dudécret du 27 juin 1922 ou du décret du 18 février 1938, soitde la possession du brevet d’État de masseur médical ins-titué par le décret du 9 février 1944, soit de la possession del’autorisation définitive d’exercer le massage médical, déli-vrée en application de l’article 8 de la loi du 15 janvier1948. »

15 « Atlas manuel de gymnastique orthopédique » (A, B).

*A *B

26-005-A-10 Histoire de la rééducation Kinésithérapie

12

Page 13: 01-Histoire de la rééducation

programmes étendus sur 4 à 6 ans. Chaqueinstitut forme de 20 à 40 physical therapistspar an.

Ergothérapie

L’ergothérapie, dans ses principes, est trèsancienne et l’idée de procurer des activitésaux personnes handicapées est de tous lestemps. Louvois, sous Louis XIV, installe desateliers pour les infirmes. Cette activité estproposée pour lutter contre les risques del’oisiveté.

L’ergothérapie va d’abord se développerdans le champ des maladies mentales ettrouver une place dans les hôpitauxpsychiatriques. La méthode fut ensuiteutilisée en rééducation et revint en Franceaprès la Seconde Guerre mondiale.

L’ergothérapie, à l’origine issue de lapsychiatrie, va trouver une place importantedans d’autres disciplines au fil du temps.C’est ainsi que l’on retrouve aujourd’hui desergothérapeutes dans les unités de MPR, engériatrie, dans les associations, dans lesstructures de reclassements professionnels,dans les centres de conseil pour les aidestechniques... Cette évolution dans le tempss’accompagne de la recherche d’une imageprofessionnelle dans le champ médical,d’une notoriété auprès du public, dans uncontexte où les clichés professionnels restenttrès liés à l’utilisation des techniquesartisanales.

Le décret du 6 novembre 1970 crée lediplôme d’État d’ergothérapeute. Mais lesétudes existaient et ceux qui avaient déjàfait leurs études et obtenu le certificat de find’études (alors à Paris, Lyon, Nancy) ont purégulariser leur situation jusqu’en juillet1977, grâce à l’arrêté du 18 juillet 1975 quitraite de l’attribution par équivalence dudiplôme d’État d’ergothérapeute. Certainsprofessionnels, essentiellement dans ledomaine psychiatrique, ont égalementbénéficié d’assimilation jusqu’en juin 1974au titre de moniteur d’ergothérapie dansleur domaine d’exercice (à condition dejustifier de 5 ans d’exercice avant 1970).

L’arrêté du 1er septembre 1971 définit lesconditions d’accès aux études préparant audiplôme d’État d’ergothérapie.

L’Association française des ergothérapeutesnaît en 1961 et est présidée pendant 10 anspar Roux, décédée en 1998. Son nom estassocié à une institution de grande notoriétédans le monde de la rééducation, le Comiténational français de liaison pour laréadaptation des handicapés(2).

Le champ de la réadaptation, élémentmajeur de la profession en ergothérapie est,dans les années 1970-1980, une évolutionvolontiers incitée, pour tenter de détournerces professionnels du champ de larééducation fonctionnelle.

(2) (CNFLRH, 236 bis rue de Tolbiac, 75013 Paris).

Le terme ergotherapy est proposé aux États-Unis par Reid pendant la Première Guerremondiale, mais cette dénomination estrejetée. C’est sous le nom d’occupationaltherapy que cette profession existe dans lespays anglo-saxons.Le World federation of occupationaltherapist (WFOT), Fédération mondiale desergothérapeutes, est née en 1952 avec unconseil préparatoire et elle devient unefédération en 1954.

Infirmières de rééducation

Si en 1974 (du 8 au 12 novembre 1974) a lieuune réunion professionnelle consacrée auhandicap pour les infirmières (« L’infirmièreface au handicap moteur »), et même si l’onenseignait historiquement le massage dansles écoles d’infirmières et que leurimplication sur ce terrain existe depuistoujours, l’histoire spécifique des infirmièresen rééducation est très récente pour sesdéveloppements culturels et associatifs.C’est en 1983 que le premier Congrès desinfirmières de rééducation est organisé àKerpape (près de Lorient) [4]. Depuis, chaqueannée, une ville différente accueille cecongrès, ce furent Paris, Nantes, Lyon,Mulhouse, Bruxelles, Brive, Marseille...r é u n i s s a n t d e p u i s c h a q u e a n n é e500 infirmières de rééducation. Uneassociation francophone, l’AIRR, regroupeles infirmières qui travaillent dans le champde la réadaptation et plus spécifiquementcelles travaillant dans les services de MPR.Une formation spécifique en rééducationpour les infirmières a été mise en place àl’Université de Haute-Alsace à partir de 1993sous la direction de Suzanne Agram (Centrede réadaptation de Mulhouse) (tableau XIII).

Psychomotriciens

En 1967, est fondé à Paris l’Institut supérieurlibre de rééducation psychomotrice et derelaxation psychosomatique, sous laprésidence de de Ajuriaguerra. Un décret de1974 (décret n° 74-112 du 15 février 1974),crée le diplôme d’État de psychorééducateur,et les premières promotions sortent en juin1977 après 3 années d’études et un concoursintermédiaire en fin de première année. Lesanciens élèves des écoles de Paris et deToulouse obtiennent leur diplôme d’État, paréquivalence. En 1980, J et B Soubiran font lebilan des premières années de fonction-nement du diplôme d’État. Le débat porte

alors sur les modalités du contrôle desconnaissances et sur les quotas fixés par leministère de la santé [91] jugés insuffisants.

OrthophonistesLe mot « orthophonie » [62] apparaît enmédecine en 1829. Les origines de cetteprofession sont rattachées à la personnalitéde Suzanne Morel-Maisonny née en 1900,élève de l’abbé Rousselot. Le premierenseignement est créé à Paris et Lyon en1955, puis à Bordeaux, Marseille, Toulouse,Nancy. Le 10 juillet 1964, le certificat decapacité d’orthophonie (CCO) est créé.Auparavant existait une attestation d’étudesd’orthophonie. D’autres lieux de formations’ouvrent : Nantes, Montpellier, Tours, Lille,Besançon, Nice, Strasbourg. L’arrêté du16 mai 1986 voit les études organisées surquatre années dans des lieux de formationhabituellement rattachés aux UER demédecine. L’obtention du CCO est organiséeautour de la réalisation d’un mémoireprésenté en fin de quatrième année. C’est en1972 que les actes d’orthophonie, sous lacodification AMO (auxiliaire médicaleor thophonis te ) , sont in tégrés à lanomenclature. Cette profession de grandenotoriété au niveau du public est exercée enFrance par plus de 10 000 praticiens, qui sontle plus souvent des femmes jeunes. Laformation sur le plan historique est surtoutrattachée aux disciplines médicalesdiagnostiques qui ont en charge lespathologies responsables des déficiences( O R L , n e u ro l o g i e e t p s y c h i a t r i e ) .L’enseignement basique de la rééducationa v e c s e s f o n d e m e n t s t h é o r i q u e s ,institutionnels, méthodologiques est, pources raisons historiques, peu enseigné dansles écoles d’orthophonie, avec des difficultésd’ajustement aux données modernes de laréadaptation médicale. Les opinionscommunes semblent aujourd’hui gouvernerles relations entre la demande de soins etl’offre des professionnels [106].

Autres disciplinesBien d’autres disciplines coexistent dans lesunités de rééducation et/ou ont une placedans le champ plus global de la rééducationou de la réadaptation, les appareilleurs, lesorthoptistes, les psychologues, les pédicures,les assistantes sociales, les éducateurs... tousont une histoire qu’il importerait tout autantde rapporter.

ÉVOLUTION DES PRATIQUESET DES TECHNIQUES

Nous avons vu combien la construction dela rééducation s’était organisée entre larencontre du corps physique, des techniquesphysiques et de la réadaptation, mais cetteliaison reste encore aujourd’hui incertaineavec des forces de cohésion et de distensiontoujours présentes.Ce sont les termes de « handicap » et de« handicapé » qui vont remplacer laterminologie d’« infirme » et d’« invalide ».Ce dernier terme continue sa carrière dansle registre juridique.

Tableau XIII. – Écoles d’infirmières [57, 74].

À Paris, les écoles d’infirmières sont mises en placesous l’influence du docteur Désiré Magloire Bourne-ville (1840-1909) : une première école d’instructions’ouvre à Bicêtre en 1860, puis à la Salpêtrière en 1878,à la Pitié en 1881, à Villejuif, à Ville-Evrard, à Lariboi-sière et à Saint-Anne. Cette période va correspondreaux début de la laïcisation des hôpitaux.Une infirmière de l’Assistance publique à Paris touche,en 1907, un salaire de 33,30 F par mois (22 sous parjours), nourrie, habillée, logée. Elle est titularisée après6 mois de stage et sa paye est de 35 F par mois, avecune augmentation de 3 à 5 francs par mois tous lesdeux à trois ans.

Kinésithérapie Histoire de la rééducation 26-005-A-10

13

Page 14: 01-Histoire de la rééducation

¶ Techniques

Thérapeutiques manuelles et physiques

S’il est habituel de faire référence à l’histoireancienne (l’Égypte ancienne, les Chinois,Hippocrate en 460 avant Jésus-Christ...) pourles pratiques manuelles, ensuite, et jusqu’auXIXe siècle, le contact avec le sujet est moinsune fonction médicale et le retour de lamédecine manuelle est surtout l’œuvre demédecines non orthodoxes.

Palmer, Still seront des promoteurs de lachiropraxie et de l’ostéopathie. Cestechniques comportent un retour vers uneutilisation des ressources propres del’individu et une conception globale del’homme souffrant, avec un jeu d’interactionentre les fonctions et les structures qui lesgouvernent. Le XXe siècle retrouve un intérêtpour la médecine manuelle avec despromoteurs comme James Mennel, EdgarCyriax. Puis, plus tard, James Cyriax et enFrance Robert Maigne obtiendront unereconnaissance de la communauté médicale(tableau XIV).

Pourtant, le développement dans le futur dela médecine manuelle reste incertain. Lestrès nombreuses idéologies ésotériques danslesquelles sont engagés les pratiquantsmédec ins ou non-médec ins de cestechniques manipulatives contribuent àbrouiller les messages vers la communautémédicale académique.

Le massage, dans les années 1950, a uneimage très liée à la pratique sportive. La« gymnastique médicale » quant à elle, resteu n c h a m p i m p o r t a n t d ’ i n t é r ê t e nrééducation. Elle conserve des rapportsétroits avec la médecine du sport et avecl’adaptation de l’homme à l’effort physique.

Nous savons combien les divers apportstechniques à la rééducation s’étaient peu àpeu superposés, additionnés. Certains pôles,comme ceux issus de la gymnastique ou dessports vont rester très présents dans lechamp de la rééducation, et trouver unmil ieu profess ionnel idéal pour sedévelopper.

La médecine du sport et la traumatologiedu sport auront alors un grand attrait auprèsd e s m é d e c i n s - r é é d u c a t e u r s e t d e sprofessionnels de la rééducation, avec parexemple l’enseignement de Rodineau àl’hôpital de la Salpêtrière.

Parallèlement, le sport va se développerpour les personnes handicapées avec lacréation de la Fédération Handisport(tableau XV).

Appareillage

Il y a eu progressivement, comme pourl’ensemble du handicap, une « médicalisa-tion » de cette thérapeutique.Les centres d’appareillage rattachés auministère des Anciens Combattants jouentun rôle de contrôle à partir des années 1920,non seulement pour les pensionnés etvictimes de guerre, mais aussi pourl’ensemble des personnes appareillées. Cettesituation va évoluer avec le développementdes services et centres de rééducation. Ledécret n° 81-460 du 8 mai 1981, puis lacirculaire du 11 février 1986 (Journal officieldu 14 mars 1986), vont achever le processusde médicalisation de l’appareillage enconfiant le suivi et la prescription directe auxmédecins spécialistes et aux institutions derééducation.L’appareillage va connaître le dévelop-pement de quatre branches principales : lesaides techniques de développement récent,les orthèses, les prothèses et les véhiculesroulants.

• Appareillage orthétique et prothétique

De grands noms sont attachés à cettepratique comme Pierquin, André à Nancy,Lescœur [66] à Paris...La prise en charge de l’appareillage se faitac tue l l ement sur la base du Tar i finterministériel des prestations sanitaires(TIPS). Pour les hôpitaux et les institutionsfonctionnant sur la base du budget global,l’appareillage y est intégré depuis le1er janvier 1987. Cette évolution s’estaccompagnée de la création dans leshôpitaux d’ateliers « intégrés » pour gérercette partie de l’appareillage destinée auxpersonnes hospitalisées. Le TIPS mis enplace en 1949 comprenait à l’origine six titres(tableau XVI).L’association française pour l’appareillage(AFA) fut créée le 30 novembre 1965 pourpromouvoir et diffuser les recherches etperfectionnements apportés à l’appareillagedes handicapés physiques.

• Fauteuil roulant

Dolheim [28] a rapporté la description dufauteuil roulant de Philippe II d’Espagne(1527- 1598) : « En l’an 1595, le service decour à l’Alcazar de Madrid s’est enrichi d’unmeuble étrange et pas du tout courant pour

l’époque : un siège pour goutteux conçud’après l e s règ l es de la mécanique ,fonctionnant parfaitement et n’exigeant querarement quelque petite révision. C’est unevéritable chaise longue avec des coussins surle siège, le dossier et les appuie-bras... Deuxlames métalliques recourbées en demi-cercleet dentées permettent de monter ou dedescendre à volonté le dossier et le repose-pieds. On peut naturellement rouler la chaiseet quand on est dans l’obligation de s’enservir, on peut soit s’y étendre à plat commeen un lit, soit y séjourner en s’adossantconfortablement soit afin d’y rester assis lebuste droit. »Le fauteuil roulant va se développer audébut du XXe siècle puis deviendra pliantdans les années 1940. Everest, paraplégiqueet Jennings, ingénieur, vont proposer en 1933un premier fauteuil roulant pliable quipréfigure la ligne ergonomique actuelle desfauteuils roulants [84].Le fauteuil roulant, dans sa conceptionactuelle, se diffuse dans les années 1950 etc’est à cette époque qu’il est utilisé commesymbole du handicap. En 1981, cettes y m b o l i q u e e s t offi c i a l i s é e p a r s aprésentation sous forme stylisée par l’OMS.

Électrologie

Récemment, une approche méthodologiquestructurée est venue étayer sur les plansculturel et scientifique cette thérapeutiquetrès controversée.Le renouveau de l’électrothérapie est pourl’essentiel lié à la lutte contre la douleur et àl’électrostimulation musculaire. Ces deuxcadres ont redonné une crédibilité à unetechnique volontiers considérée commedésuète, très proche des médecinesparallèles, sans support scientifique.En 1988, une étude sur l’électrostimulationdes muscles soumis à une immobilisationpour des raisons orthopédiques a fait l’objetd’une publication dans le Lancet [41]. Unesynthèse des savoirs sur l’électrothérapie estproposée par Roques [85] en 1997.

Hydrothérapie

Les vertus de l’hydrothérapie ont étéreconnues de tous temps. L’utilisation destraitements héliomarins se met en place auXIXe siècle comme, par exemple, la créationde l’hospice de Giens dans le Var ouvert par

Tableau XIV. – Manipulations articulai-res [8] : enseignement de Robert Maigne.

Les 26, 27 et 28 février 1965 sont organisées à l’Hôtel-Dieu à Paris, les premières Journées de perfectionne-ment à la pratique des manipulations vertébrales.En 1968 est créée la Fédération internationale de méde-cine manuelle, à Bruges.En 1969, la Faculté de médecine Broussais-Hôtel-Dieu,crée le premier enseignement universitaire : le courssupérieur de thérapeutiques manuelles qui devient en1971, un diplôme d’université.La terminologie évolue vers la dénomination : méde-cine orthopédique et thérapeutiques manuelles.

Tableau XV. – Handisport.

En 1954, Philippe Berthe crée à L’Institution nationaledes Invalides à Paris, une association sportive : laFédération sportive des handicapés physiques deFrance.En 1976, sous l’égide du ministère de la jeunesse et dessports, la Fédération Handisport voit le jour.

Tableau XVI. – Le tarif interministériel desprestations sanitaires (TIPS) à son origine en1949.

Titre I : médicaments officinaux et préparationsmagistralesTitre II : eaux minéralesTitre III : accessoires et pansementsTitre IV : optique médicaleTitre V : prothèse et orthopédieTitre VI : honoraires applicables aux analysesmédicalesAu fil du temps, le TIPS a abandonné les titres I, II etVI qui ont leur propre réglementation

26-005-A-10 Histoire de la rééducation Kinésithérapie

14

Page 15: 01-Histoire de la rééducation

les Hospices de Lyon en 1892. Cettetechnique balnéothérapique connaît unelarge diffusion en rééducation fonctionnelleet plus largement l’hydrothérapie est trèsutilisée en médecine, dans le cadre duthermalisme.Une circulaire du 14 août 1947 permet laprise en charge des cures thermales parl’assurance maladie, et aide à la promotionde cette thérapeutique. Le nombre descuristes passe de 115 000 en 1938 à 613 000en 1994, montrant un net attrait de lapopulation pour cette approche de la santé.

Pharmacologie

Les médicaments vont apparaître commetels dans le champ de la MPR et de larééducation de façon progressive. Bien sûr,et depuis le début des pratiques cliniques,ils sont utilisés sous la forme d’apportslocaux, par pommades, topiques locauxdivers, de médications uti l isées enélectrothérapie (ionophorèse, sonopho-rèse...), d’infiltrations de corticoïdes,d’alcool... Plus récemment, l’usage destoxines botuliques, des pompes implantablesà baclofène va étendre le champ despratiques médicamenteuses locales ourégionales.L’histoire des médicaments [31] est accolée defaçon très forte à l’évolution de la médecineet de ses progrès thérapeutiques. On a vucomment la rééducation a regroupé peu àpeu les « autres » thérapeutiques (hors de lapharmacologie) et s’est située dans le champessentiellement comportemental. De ce fait,la réappropriation de la pharmacologie enrééducation est une histoire très récente.C’est l’ensemble de la pharmacologie qui setrouve impliqué de nos jours dans cesdisciplines : tant pour le traitement de ladouleur, ou pour les antiagrégants ouant icoagulants protégeant l ’hommeimmobilisé, que pour le traitement desostéomes, des infections si fréquentes dansles services de MPR... C’est aussi lapharmacologie destinée au systèmeneurovégétat i f dans la rééducat ionvésicosphinctérienne, et plus récemmentencore, la progression de l’usage despsychotropes avec la meilleure connaissancedes rapports entre psychologie et handicap.Un premier travail de synthèse sur l’usagedes médicaments en rééducation est proposésur deux numéros spéciaux de la Lettre dumédecin-rééducateur en 1992, avec troisregistres :

– les médicaments de la phase aiguë de larééducation ;

– les symptômes-cibles de la rééducation etles médicaments ;

– les personnes handicapées e t lemédicament.

Chirurgie

La chirurgie a, dans l’histoire de larééducat ion, une place privi légiée .

L’orthopédie infantile a beaucoup appris dela surveillance et des traitements proposésaux diverses « difformités » de l’enfant [61].Les chirurgiens spécialisés en orthopédieinfantile conservent un rôle clé dans le suivide l’enfant handicapé.Dans la phase première de la réadaptation,alors que les situations cliniques étaientsouvent sévères et la prévention descomplications secondaires peu connue, lesprogrammes opératoires des patientsaccueillis en rééducation étaient volontierstrès lourds. Les premiers centres derééducation avaient, dans cette optique,prévu des blocs opératoires intégrés auxunités de rééducation. Cette situation aconsidérablement évolué depuis cesdernières 25 années et, peu a peu, ces entitésmédicochirurgicales disparaissent ou ontdéjà disparu.Mais aujourd’hui encore, la place destraitements chirurgicaux auprès despersonnes handicapées est importante etconcerne l’orthopédie de l’enfant et del’adulte, la neurochirurgie, les plasticiens...De grands noms sont attachés à cette histoirecontemporaine, Pol Le Cœur, Paul Masse,Gérard Taussig à Paris, Maurice Cahusac,Pierre Le Barbier à Toulouse, André Bardotà Marseille,...

Explorations fonctionnelles

L e d é v e l o p p e m e n t d e s t e c h n i q u e sd’investigation a eu une grande importancedans le développement actuel de laspécialité médicale, telle l’urodynamiqueavec Lacert et Perrigot à Paris, del’électromyographie avec Isch et Jesel àStrasbourg et Lerique à Paris (tableau XVII).Viendront se mettre progressivement enplace , dans une phase récente , lapos turographie , l ’ i soc iné t i sme , l esexplorations de la déglutition, dans le sillaged ’ u n m o u v e m e n t g é n é r a l p r ô n a n tl’évaluation.

APPROCHE CONCEPTUELLEET ÉVOLUTION SCIENTIFIQUE

L’évolution conceptuelle concerne le mondedu handicap, les techniques, les concepts de

soins. Quant à l’évolution de la recherche,elle va marquer l’histoire de ces disciplinestout au long de ces cinquante dernièresannées et s’affirmer de façon récente commeune des voies essentielles des progrès àvenir.

¶ Évolution scientifique

La réflexion scientifique se montre trèsprésente et militante dans la phase premièrede la rééducation, à son origine formelle del’entre-deux-guerres. Cette démarche estalors en phase avec l’explosion des sciencesen Europe, juste avant la Première Guerremondiale, et avec le développement dans lesm i l i e u x i n t e l l e c t u e l s d ’ u n e « f o iscientiste » [32]. « Le scientisme s’est répanducomme une foi dans l’avenir de l’humanité etde la France ; donc une répudiation des forcesobscurantistes et aveugles du passé ». C’estune période de grandes découvertesscientifiques dans les registres de laphysique, des mathématiques, de lamédecine…Après la Seconde Guerre, arrive une périodede grande croissance professionnelle,institutionnelle, avec une exploitation decette idéologie des savoirs professionnels.Toute une phase de la rééducation depuisles années 1950 reste empirique et la cultureest véhiculée par le compagnonnage. Cettepériode de « blanc » scientifique va s’étendreen rééducation jusqu’aux années 1970. Cemoratoire coïncide avec la phase decroissance des institutions de soinsspécialisés et l’arrivée en nombre desgroupes professionnels de la rééducation.C’est pendant cette période que vont sedévelopper des pratiques rééducativesprésentées comme des « méthodes » tirantleurs principales justifications de la notoriétéet du charisme de leurs auteurs. C’est ainsique l’on trouve la méthode de Troisier, cellede Bobath, de Kabat, de Delorme et Watkins,de Sohier, de Frenkel, de Klapp, Mézières…et bien d’autres techniques ou méthodesaccolées à un nom propre.L’argument d’autorité, le développement deprésupposés crédib les , le discoursemployant un lexique scientifique etcohérent, la forte consistance des promoteursd e s m é t h o d e s , l e u r c h a r i s m e , l asuggestibilité d’un public professionnel peupréparé à une gestion critique du savoir etavide de mettre un support à ses pratiquesvont assurer pour quelques décennies lesuccès des « méthodes de… » . La crédibilitédes soins et des pratiques étant liée à lanotoriété des auteurs, c’est une époque oùde nombreuses méthodes de « untel » voientle jour.Actuellement, tous les partenaires ont prisconscience de cette nécessaire réflexion surles pratiques rééducatives : « la kinésithérapieest malade de ses croyances et de sesaffirmations ».Certains registres, comme la rééducation enneuropsychologie avec Seron [ 8 9 ] , ontreprésenté à leur époque une grande bouffée

Tableau XVII. – Développement de l’électro-myographie.

L’électromyographie connaît une première phased’essor entre les deux guerres avec :- en 1925, la définition de l’unité motrice ;- en 1929, l’utilisation par Adeian et Bronck d’uneaiguille concentrique de détection ;- en 1934, perfectionnement de l’amplification, utilisa-tion de l’oscillographe cathodique ;- en 1938, description des potentiels de fibrillation etde fasciculation ;- en 1941, la différenciation par l’électromyogramme del’atrophie musculaire ;- en 1943, le doublet dans la tétanie ;- en 1944, description des potentiels naissants deréinnervation.Dans les années 1950-1960, l’électromyographie sortdes laboratoires et devient une pratique cliniqued’exploration fonctionnelle.

Kinésithérapie Histoire de la rééducation 26-005-A-10

15

Page 16: 01-Histoire de la rééducation

d’oxygène dans un domaine a lorsparticulièrement figé et sans réflexionthéorique pour les approches rééducatives,« le discours du gourou soigneusement recopiéd’une génération à l’autre a vécu et n’a pluss a p l a c e d a n s n o t r e d i s c i p l i n e »(tableau XVIII).La dimension scientifique est de retour dansun contexte d’évaluation des pratiquesmédicales et d’influence appuyée du mondeuniversitaire qui invest i t le champrééducatif, en France et dans le monde. Ladémarche scientifique reprend tous sesdroits, de façon progressive, dans les années1970-1980, avec le développement de larecherche clinique en rééducation, desprogrès des publications françaises etétrangères, des réunions scientifiques, puisdans un contexte général du tout-évaluation, avec le développement desréférences opposables, du programme demédicalisation des systèmes d’information(PMSI), de l’ANDEM devenue ANAES…Les outils techniques vont évoluer, commela méthodologie de recherche, en suivant lesacquisitions scientifiques des époquescorrespondantes. Ces outils vont sesuperposer en couches successives sanss’annuler. Le tableau XIX résume de façonvolontairement très schématique cettedynamique successive des pratiques et desthéories.

Évolution des modèles

Pour agir, chacun a besoin de référencesthéoriques et de modèles. Ces modèlesthéoriques sont, selon la formule consacréeet polémique, des outils très pratiques dontl’évolution témoigne de l’histoire desdisciplines. Les modèles sont volontiersschématisés et stylisés. « La recherche d’unmodèle est le fondement de toute investigationscientifique. Là où il y a modèle, il y asens » [98].Les modèles théoriques en rééducationfonctionnelle sont implicites ou conscients,savants ou communs, de diffus ionconfidentielle ou mondiale. Toutes cessituations existent. Une des caractéristiquesest leur pluralité, aucun modèle ne pouvantà lui seul prétendre rendre compte d’uneréalité aussi complexe que celle de larééducation et du handicap.

• Modèle de la Classification internationaledes handicaps (CIH)

En 1975, un débat s’organise à l’OMS pourréaliser en complément à la Classification

i n t e r n a t i o n a l e d e s m a l a d i e s , u n eclassification des incapacités et deshandicaps. Wood et un groupe de travailproposent la Classification internationale deshandicaps qui est publiée en 1980 [107]. Ellepropose un modèle du handicap pour servirde base à une classification homologue de laClassification internationale des maladies(première classification des maladies en 1893par le docteur Bertillon). Elle est traduite enfrançais par Colvez et publiée par leCTNERHI en 1988 [1]. En 1993, elle avait été

traduite en 13 langues et avait bénéficié deplus de 1 000 articles dans la littératureinternationale.

Ce modèle marque un tournant importantdans le champ du handicap. Pour lap re m i è re f o i s , d e f a ç o n p a r t a g é e ,internationale, un champ conceptuel pouvaitse mettre en place autour du handicap. Cetteréflexion théorique allait aider les diverspartenaires intervenant dans ce champmédical et social à comprendre ces situationset les présenter à autrui. Une nouvelleréflexion est en cours pour faire évoluer cemodèle en 1999, dans une présentation pluspos i t ive e t in terac t ive ( fi g 1 6 , 1 7 )(tableau XX).

• Modèles des sciences humaines

Les sciences humaines ont apporté deuxregistres fondamentaux ayant contribué àfaire très nettement avancer le monde de larééducation :

– d’une part, ce sont les outils et lespratiques scientifiques dans l’analyse descomportements humains ;

– d’autre part, ces disciplines décrivent lesconduites humaines et offrent une base desavoirs fondamentaux : la linguistique pourl’aphasie ; la psychologie cognitive pour lamémoire, l’attention ; la sociologie pourl’analyse des situations institutionnelles etfamiliales. Ce seront autant d’approchesnouvelles. Ces savoirs vont s’imposercomme des compléments nécessaires à la

Tableau XVIII. – Organisation de la recher-che scientifique.

En 1868, Victor Duruy fonde l’École pratique deshautes études, pour favoriser la recherche scientifiquelibre de contraintes universitaires.En 1936, le gouvernement du Front populaire crée leCentre national de la recherche scientifique, pourencourager la vie scientifique en la dotant de fondspropres.

Tableau XIX. – Les époques en médecine physique et réadaptation (trame schématique).

Période Affections Techniques Sciences

Historique Poliomyélite - Appareillage BiomécaniqueAmputés traumatiques - Arthromoteurs

Intermédiaire Paraplégiques - Rééducation vésicosphinctérienne Sciences cognitivesPolytraumatisés - Développement des professions

médicales et paramédicalesSciences humaines

Hémiplégiques - Développement des institutionsde rééducation

Linguistique

Amputés vasculaires

Actuelle Traumatisés crâniens - Évaluation et démarche scientifique Neurosciences- Isocinétisme... Biologie- Neuropsychologie

Tableau XX. – Classification internationale des handicaps (version II).

Déficiences Activités Participation

Niveau de fonctionnement le corps (les partiesdu corps)

la personne (la personnecomme un tout)

la société (liens avecla société)

Caractéristiques le fonctionnement ducorps

les activités de la viequotidienne

implication dansla situation

Aspects positifs intégrité fonctionnelle etstructurelle

activités participation

Aspects négatifs déficiences limitation des activités restriction à la participation

Descriptifs sévérité niveau de difficulté extensionde la participation

localisation assistance facilitations et barrièresarchitecturales

durée duréeperspectives

Disease or disorders

Impairment

Disabilities

Handicaps

16 Classification interna-tionale des handicaps, version I(1980).

Health condition(disorder/disease)

Impairment Activity Participation

Contextual factors(Environmental, Personal)

17 Classification internationale des handicaps, ver-sion II (1998-1999).

26-005-A-10 Histoire de la rééducation Kinésithérapie

16

Page 17: 01-Histoire de la rééducation

seule base anatomique et physiologique despremiers supports théoriques de larééducation.L’importance du courant cognitiviste,considéré comme « l’aboutissement de lapensée individualiste » [96], s’est peu à peuimposée en opposi t ion au courantbéhavioriste. L’importance accordée audéterminisme interne va se trouver endécalage par rapport au monde de larééducation qui accorde aux mécanismespsychosociaux et à l’environnement uneplace essentielle.La première collaboration marquée sur leplan historique entre la linguistique etl’aphasiologie est rapportée en 1939 dansl’ouvrage de M Durand [7] sur le syndromede désintégration phonétique. M Durand estalors assistante à l’Institut de phonétique(actuel département de linguistique deParis V). L’ouvrage se termine par unchapitre de rééducation qui met en placenombre de réflexions pratiques toujoursd’actualité (fig 18).La sémiotique dans sa conception large vadonner naissance à la notion de sémiologiefonctionnelle [101] pour la description et lacompréhension du champ de la MPR enmédecine. La sémiologie fonctionnelle estalors opposée à la sémiologie diagnostique,pour comprendre l’analyse clinique mise enplace en MPR, avec un langage spécifiquequi la différencie de façon structurelle parrapport aux autres spécialités médicales.

• Autres modèles

Bien d’autres modèles ont été utilisés et sonttoujours utilisés en rééducation. Ils se sontm i s e n p l a c e l o r s q u e l e s s a v o i r scorrespondants se diffusaient auprès despublics avertis.

– Le premier en date sur le plan historiqueest le modèle biomécanique : il reste unmodèle de référence toujours très en voguedans les milieux orthopédiques. Il a étélongtemps le seul à servir de base à uneréflexion scientifique en rééducation. C’est

le modèle qu’utilisait un auteur commeBidou, se référant à de nombreux calculs etdiagrammes de force et mêlant sa vieprofessionnelle à la Société des ingénieurscivils dont il était membre. Ce modèle del’homme-machine est aujourd’hui devenu engrande partie désuet, mais sa simplicité resteattachante. Il est proche des projectionsfantasmées du public sur les processus derécupération motrice.

D’autres modèles plus ou moins complexes,plus ou moins explicites, plus ou moinspertinents et utiles seront utilisés au fil desannées. Nous en citerons quelques-uns :

– le modèle génétique (c’est-à-dire le modèleq u i s e r a p p o r t e à l ’ é v o l u t i o n d e scompétences de l’enfant, comme le proposela psychologie génétique) a eu un certainsuccès dans la période de mise en place dela rééducation. L’objet de ce modèle est deconsidérer l’homme qui a perdu unefonction comme étant dans la mêmesituation que l’enfant qui ne l’a pas encoreacquise. L’adulte doit alors repasser par lesm ê m e s s c h é m a s d ’ a c q u i s i t i o n d e sperformances. On a beaucoup utilisé cemodèle pour la rééducation de la marche,de l’équilibre... ;

– le modèle chronologique est un modèle trèssimplifié et qui semble n’inscrire que lachronologie de la prise en charge. Les soinsde rééducation sont différenciés selon lemoment de prise en charge, avec uncalendrier allant de l’alitement à laréadaptation à l’effort, aux sports, à la vieprofessionnelle. Ce modèle a servi de base àla phase première d’enseignement de lar é é d u c a t i o n . I l e s t i m p l i c i t e d a n sl’organisation des soins, et a contribué àpérenniser une idée fausse qui ne feraitintervenir la rééducation que dans unsecond temps par rapport à l’installation deslésions à potentiel invalidant ;

– le modèle de la polydisciplinarité : les soinsen rééducation sont alors reportés surl’organisation professionnelle avec undécoupage du temps et de l’espace et uneh i é r a r c h i s a t i o n d e s i n t e r v e n t i o n sprofessionnelles. La polydisciplinaritécorrespond à plusieurs sous-catégories : lamultidisciplinarité (simple juxtapositiong é o g r a p h i q u e e t t e m p o r e l l e d e sprofessionnels) et l’interdisciplinarité(communauté d’analyse, de compétence etde projet) que l’on rencontre sur le terrainselon le niveau d’évolution et de compétencedes structures de soins ;

– le modèle déductif [100] : il est largementutilisé en rééducation de façon le plussouvent implicite. Une lésion va détermineren cascade, ou en spirale, d’autresconséquences néfastes qu’il importe deconnaître et de maîtriser. Ce modèle estvolontiers proposé pour la rééducationrespiratoire, mais il est globalementpertinent. On évoque parfois dans ce cadrela notion de surhandicap ;

– bien d’autres modèles existent mais sontmoins génériques et utilisés dans deschamps plus singuliers de la rééducation.On retrouve cette démarche dans larééducation des fonctions cognitives(tableau XXI).La question si importante de la place de larestauration fonctionnelle après lésioncérébrale a fait l’objet d’un travail desynthèse [59] de Hecaen et Jeannnerod en1979. Le débat historique sur les processusde restauration fonctionnelle débute dès lafin du XIXe siècle et concerne la plasticitécérébrale, la régénération, les suppléancesfonctionnelles, la réorganisation, lesprocessus de ré tab l i ssement e t der é o r g a n i s a t i o n . . . U n s y m p o s i u minternational a réuni à Bordeaux, les 26 et27 avril 1991, à l’initiative de Barat etMazaux, de nombreuses équipes françaiseset étrangères sur ce thème difficile etpolémique.Ces divers modèles vont dans le tempss’opposer au modèle du sens commun, auxmécanismes de l’opinion concernant lespratiques rééducatives. Cette divergenceprogressive de l’approche du sens communet de l’approche scientifique est l’un desaspects marquant de ces 25 dernières années.

¶ Développement de l’évaluationet de la recherche clinique

Recherche

Le développement de la recherche enrééducation a connu, sur le plan historique,de grandes difficultés de mise en place, etceci pour des raisons multiples :

– les professionnels de terrain avaient peuou pas de formation à la recherche ;

– toute une longue période de constructiondu monde de la rééducation a mobilisé lesénergies professionnelles autour des projetsinstitutionnels et des soins auprès du trèsgrand nombre de patients à prendre encharge, aux dépens d’un temps possibleconsacré à la recherche. Les pionniers de larééducation ont rêvé de la mise en placed’un champ actif de la recherche, la périodeactuelle voit se rêve devenir progressi-vement réalité ;

– la faible valeur de la recherche cliniquedans le champ du handicap ;

– l’absence d’enseignement des savoirs debase, cliniques et institutionnels concernant

18 « Le syndrome de désintégration phonétique dansl’aphasie ».

Tableau XXI. – Méthodes de rééducation [90].

- Stratégies de rétablissement (réapprentissage desdonnées manquantes ou des procédures défectueuses)

- Stratégies de réorganisation (utilisation des potentielspréservés pour rétablir une fonction défectueuse)

- Stratégies de facilitation (aider à l’expression depotentiels préservés non révélés)

- Stratégies palliatives (aménagement de l’environne-ment, prothèse mentale)

Kinésithérapie Histoire de la rééducation 26-005-A-10

17

Page 18: 01-Histoire de la rééducation

la MPR, auprès des étudiants engagés dansles diverses professions médicales etparamédicales. Des expériences ponctuellesrécentes d’enseignement de la rééducationdans les études de base des facultés demédecine montrent un début d’évolutiondont on ne sait encore si cela va représenterl’amorce du tournant historique attendu. Enjanvier 1993, l’Ordre national des médecinspublie un fascicule sur « les handicaps del’adulte » destiné aux médecins généralistespour les aider dans leur approche de lapersonne handicapée.Cela va peu à peu favoriser l’émergence dela recherche :

– l’apport des groupes médicaux dontl’activité est entièrement consacrée à cechamp des savoirs, avec la création dans lesdifférents pays du corps des médecins-r é é d u c a t e u r s e t l e d é v e l o p p e m e n tuniversi taire de la MPR, spécial i téreprésentée aujourd’hui dans la majorité desfacultés de médecine et des centreshospitaliers universitaires (CHU) ;

– les professions paramédicales vontégalement emboîter le pas du registrescientifique [95], en particulier dans le registrede la kinésithérapie ;

– le développement de ce champ des savoirset des pratiques dans le monde, avecl ’exis tence de revues nat ionales etinternationales de grande qualité ;

– l’apport essentiel, tant sur le planconceptuel que méthodologique, dess c i e n c e s h u m a i n e s ( l i n g u i s t i q u e ,psychologie, sociologie...) qui sont engagéesdans l’analyse des conduites humaines etqui possèdent les outils conceptuelsnécessaires et l’expérience de l’évaluationcomportementale ;

– le développement en France desorganismes comme l’ANDEM (Agencenationale pour le développement del’évaluation médicale) devenue ANAES(Agence nationale d’accréditation etd’évaluation en Santé), qui a su faireparticiper à ses projets de recherche despraticiens de terrain et diffuser la pédagogiede la recherche.Dans ce cadre, la mise en place d’unerecherche thérapeutique et cl iniqueappliquée, des cercles de qualité dans lesservices contribuent à cette évolution.

• Développement de l’évaluationdes pratiques institutionnelles

Le programme de médicalisation dessystèmes d’information (PMSI) [104], dérivé àson origine de l’American Fetter System, estdaté de juin 1982 pour son idée de projetinitial à la direction des hôpitaux. En 1992,la direction des hôpitaux va débuter untravail de réflexion sur le PMSI dans le cadrehospitalier nommé alors « moyen séjour » enréférence au temps habituel d’hospitalisation(par rapport au court séjour). En 1993, diversgroupes de travail établissent les premièresbases de données pour construire une

classification médicoéconomique des séjours.Une expérimentation est réalisée sur leterrain. La grille de recueil hebdomadairepour chaque patient hospital isé enrééducation est proposée à partir de 1998.Le recueil est souhaité complet après cettephase d’apprentissage en 1999.Plus de dix ans après le rapport de 1984,l’Inserm (tableau XXII) publie les actes d’uncolloque [ 8 2 ] « De la déficience à laréinsertion », sous-titré « Recherches sur leshandicaps et les personnes handicapées ».

• Approches démographiques

Si importantes dans tout projet professionneld’envergure, elles seront un apport essentielà la connaissance du monde du handicap.Elles sont très difficiles à mettre en œuvredans le champ du handicap.L’étude de Minaire et de Flores en 1984,concerne la ville de Saint-Cyr-sur-le-Rhôneet l’ensemble de ses habitants. La notion dehandicap de situation y est illustrée avec larecherche des difficultés fonctionnelles deshabitants selon la tâche à réaliser et sesconditions matérielles (par exemple l’escalieret la hauteur des marches). Ainsi, 504 des532 habitants de la commune ont été évaluéspour leurs aptitudes fonctionnelles. Celareprésentait une première dans l’approcheépidémiologique fonctionnelle d’unepopulation totale.

Évaluation

Les outils d’évaluation dans le champ de laréadaptation médicale ont connu uneévolution qui les ont amenés du champanalytique vers le champ fonctionnel, de lasimple mesure à l’évaluation.Le développement historique de ces outilscorrespond à la fois aux représentationsmédicales de l’époque et aux développe-ments conceptuels.Les approches initiales sont analytiques etillustrées par le testing musculaire, lagoniométrie... Elles sont proposées dès ledébut du XXe siècle. C’est le suivi d’enfantspoliomyélitiques qui est à l’origine dutesting. La première édition du livre deDaniels [23] sur le testing musculaire est datéede 1946.

Sur le plan de l’analyse fonctionnelle,comportementale, de très nombreux outilsse sont mis en place. Wade [97] a rapporté en1992 dans son livre « Mesurement inneurological rehabilitation », l’essentiel desoutils alors publiés. Ils sont très nombreux.Deux bilans ont une vocation universelledans le champ de la réadaptation médicale :l’index de Barthel (1965) et la mesure del’indépendance fonctionnelle (MIF) (1985).Mahoney [68] et Barthel proposent en février1965 un « index simple d’indépendancepour évaluer les progrès en réadaptation » :l’index de Barthel. Depuis 1955, les auteursl’utilisaient en MPR dans le Maryland auxÉtats-Unis comme évaluation aux différentstemps de la prise en charge, à l’arrivée dansle service, durant la phase de réadaptation,au moment où les progrès sont maximaux.Ceci leur permettait de déterminer à quelniveau et à quelle vitesse le sujet progressaitdans son indépendance.E n 1 9 8 3 , l ’ A m e r i c a n c o n g r e s s o frehabilitation medicine a cherché un outilc o m m u n p e r m e t t a n t l ’ a n a l y s e , l acommunication et la recherche [18]. C’est en1987 que l’équipe de Granger à Buffalo (Étatde New York) propose la MIF dans le cadred’un système uniforme de recueil desdonnées pour les services et centres deMPR [103] aux États-Unis (uniform nationaldata system). Sur l’impulsion de Minaire,Boulanger et Chantraine, sa diffusion estassurée dans la francophonie et, en mai1989, une traduction en français estproposée. En juillet 1989, Minaire se rend àBuffalo, où son initiative d’ouvrir la MIF àla francophonie reçoit un accueil favorable.Depuis, la MIF a acquis une grandenotoriété. Elle est utilisée aux États-Unisdans un grand système de recueil dedonnées pour les services et centres derééducation.

Mécanismes d’opinion : rapportsguérison-réadaptation

L’histoire des mécanismes de l’opinion surla rééducation et ses pratiques n’est pas faiteet, a posteriori, elle restera un domaine trèsdifficile à explorer en l’absence de corpusconstitués. On sait qu’elle a une grandeimportance dans ce registre des soins et l’onpeut penser que ces mécanismes suiventl’évolution des techniques et des savoirspartagés.La rééducation dans sa connaissancecommune reste attachée à la notion deguérison. L’objectif souhaité et attendu estla disparition des troubles physiques ouintellectuels sous l’effet de la prise en charge.Cette idéologie issue du couplage traitementmédical égale guérison correspond toujoursaux attentes du public. La réadaptation vas’immiscer dans le couple alors en vigueur,la guérison versus l’incurabilité. C’estprogressivement, avec les divers promoteursdont on a rappelé l’histoire et avec biend’autres encore, chaque pratique et chaqueaction humaine n’étant pas toujours

Tableau XXII. – Rapport de l’Inserm de1984 [6].

Le rapport de 1984 de l’Inserm « Réduire les handi-caps », propose huit motions qui mettent en exerguel’évaluation et la recherche. Ces propositions perti-nentes sont encore d’actualité :1 Mieux définir et mesurer les handicaps2 Faire l’épidémiologie des handicaps3 Développer la recherche clinique dans le domainedes maladies invalidantes4 Évaluer les méthodes et les résultats des techniquesde rééducation5 Développer la recherche en appareillage et sesméthodes d’évaluation6 Accroître les recherches sur les aspects psychosocio-logiques du handicap7 Étudier les retentissements psychologiquesdu handicap8 Évaluer les aspects économiques du handicap

26-005-A-10 Histoire de la rééducation Kinésithérapie

18

Page 19: 01-Histoire de la rééducation

rapportée dans des écrits, que ce coin va semettre en place et s’élargir peu à peu pourmodifier de façon fondamentale le regardporté sur la maladie. La notion d’incurabilités’associe alors à celle de fixité des troubleset des situations dans le temps. D’une notiond’état fixé, de « séquelles », va émergerl’idée que le handicap est une notionrelative, évolutive, instable, complexe,pouvant bénéficier de l ’apport desprofessionnels de santé...L’importance de ces savoirs communs rendaussi compte sur le plan historique de ladifficulté à construire le champ scientifiquecorrespondant et d’en assurer sa diffusion.L’ impression de « savoir » est trèscommunément partagée tant par le publicque par les professionnels de santé desautres domaines de compétence. Pourquoise former ou s’informer lorsque l’on sait déjàet qu’aucun manque ne se fait sentir ?L’évolution de la notoriété des divers acteursde la rééducation va se faire progressi-vement et de façon très différente selon lesprofessions : la connaissance commune dupublic se résume habituellement aujourd’huià l’existence connue des kinésithérapeutes etdes orthophonistes et à celle des institutionsde rééducation dans le champ sanitaire(tableau XXIII).Le rapport de la rééducation à la guérisonva connaître sur le plan historique uneévolution différenciée selon les typologies dehandicap, et est diversement réfléchi selonles professions. La récupération analytiquedes déficits liés à la lésion (par exemple, uneparalysie liée à une lésion du systèmenerveux) va constituer une attente essentielledu public. Or les techniques de rééducationn’ont que peu ou pas d’influence surl’évolution des lésions cause du handicap.La rééducation ne fait pas repousser lesmoignons des amputés, ni les neuronesdétruits par une ischémie, mais la croyancepopulaire est forte et résiste à touteargumentation, voire à toute confrontation àla réalité. C’est le principe des mécanismesd’opinion. Cette dynamique de pensée estd’autant plus puissante que la lésionresponsable des déficiences n’est pas visible,qu’elle n’est pas localisée à l’endroit où lesdéfic iences s ’expr iment e t que lescompétences altérées sont des donnéescomportementales complexes (comme parexemple le langage ou la mémoire).Cette approche des professionnels dans lareconnaissance de ces mécanismes de lapensée commune constitue, dans l’histoire

contemporaine de la rééducation, une desclés essentielles dans l’évolution despratiques professionnelles. Cela va faireévoluer les principes de la rééducation enprivilégiant les objectifs fonctionnels, dontsont alors déduites les modalités de soins.Cette approche est acquise depuis le débutdu XXe siècle pour les comportementsmoteurs, et elle n’arrive que très timidementet très prudemment dans le champ descomportements cognitifs (langage…). Il est ànoter que cette évolution des mentalitésprofessionnelles n’a pas été linéaire et quecette culture générale en rééducation estencore très inégalement répartie chez lesprofessionnels de la rééducation. Certainsgroupes professionnels n’ont que peu accèsà la culture générale de rééducation.

Développements culturels

Le développement culturel dans le champde la rééducation est un des élémentsessentiels de l’histoire contemporaine. Nousavons vu combien les idées étaient pourbeaucoup déjà anciennes mais il s’agissaitalors d’œuvres parfois monumentales maisisolées, sans école, sans addition desexpériences, sans devenir social et culturel.Le contexte nouveau a été celui de lacréat ion de groupes professionnelsorganisés, prenant en charge ce champ dusavoir, établissant des normes culturelles,développant une identité sociale, faisantprogresser au sein de groupes lesconnaissances, les diffusant sur l’ensembledu territoire. C’est la principale révolutionde ces dernières années et cette constructionculturelle n’a pu se faire que progressi-vement avec le déploiement d’énergie quel’on imagine.Le développement de l’écrit va marquerl’histoire récente. Si, comme nous l’avonsnoté, il y a eu des documents importants enréadaptation médicale dans la période desdeux guerres, il faut attendre une périodeplus récente en France pour connaître unbouillonnement culturel important.En France, de nombreuses publications vontêtre proposées aux divers publics :

– les Annales de médecine physique sontfondées en 1957 et deviendront les actuellesAnnales de rééducation, de réadaptation etde médecine physique. Elles changerontd’éditeur après la mort de Waghemacker,leur fondateur. Une autre revue, Les cahiersde rééducation, se transformera en 1981pour devenir le Journal de réadaptationmédicale sur l’initiative de Hamonet.D’autres publications existent en languefrançaise : « La Let tre du médecinrééducateur », « la Lettre G » (Lettre de laFondation Garches, née en 1988), la « Revuede réadaptation fonctionnelle, profession-nelle et sociale » (Nancy, André), « la Revuede médecine orthopédique » (Maigne), « leJournal de traumatologie du sport »(Rodineau)... ;

– l’Encyclopédie médico-chirurgicale danssa collection « Kinésithérapie-Médecine

physique-Réadaptation » envisage tous lesgrands chapitres de la rééducation avec dessynthèses continuellement remises à jour ;

– les Journées de Montpellier, depuis 1973,sont des entretiens annuels qui bénéficientde la publication des actes sous formed’ouvrages collectifs édités par Simon,Pélissier et Hérisson. Ils sont et resteront unegrande source de recherche pour leshistoriens de la rééducation et tous lesprofessionnels de santé. Ils y retrouvent unesomme considérable d’écrits qui témoignent,année après année, des préoccupations, descentres d’intérêt et de la vitalité de larééducation ces 25 dernières années ;

– les Journées de rééducation, publiéesannuellement dans le cadre des Entretiensde Bichat (animés par Levernieux, puis parSamuel et actuellement par Simonnet) ;

– le livre de Held et de Grossiord chezFlammarion représente une marquehistorique très forte qui a permis desynthétiser les savoirs et les pratiques dansles années 1980. Une nouvelle éditionnommée « Traité de médecine physique etde réadaptation » paraît en octobre 1998sous la direction de Held et Dizien ;

– En 1990, Hamonet [49], l’un des animateursdes conceptions modernes du handicap enFrance, fait paraître un Que sais-je ? : « Lespersonnes handicapées ».

Tous les groupes professionnels intervenantdans le champ de la rééducation vonts ’ o r g a n i s e r p o u r é c h a n g e r l e u r sconnaissances, les diffuser, progresser dansleurs prérogatives de santé. Cela a donnélieu à des supports écrits, des revues, deslivres dont la qualité et l’intérêt n’ont cesséde croître. Ce sont par exemple, les Annalesd e k i n é s i t h é r a p i e , K i n é s i t h é r a p i escientifique, le Journal d’ergothérapie, etc.

Parallèlement à ce développement des écritse n r é é d u c a t i o n , l ’ é v o l u t i o n d e sconnaissances et des savoirs médicaux estconsidérable. Par exemple, à la date du 26juin 1997, Medline est annoncée comme unebase de références de 9 millions d’articlespubliés dans 3 800 journaux et actuellementaccessible gratuitement sur l’internet. Lesrevues indexées dans la discipline de MPRsont les revues anglophones. Aucune revuefrançaise n’est référencée dans les grandesbases de données internationales. Ledéveloppement assez récent de ces supportsécrits dans la francophonie explique cettedifficulté d’indexation. Cet aspect matérielest un obstacle résiduel au développementd’une production scientifique regroupée etindividualisée en rééducation francophone.

ÉVOLUTION DES PATHOLOGIESDANS LE TEMPS

Cet aspect a marqué, plus que d’autres, lespratiques et l’organisation des services deMPR, ainsi que l’ensemble de la rééducation.

Tableau XXIII. – Science et opinion [9].

« La science, dans son besoin d’achèvement comme dans sonprincipe, s’oppose absolument à l’opinion. S’il lui arrive surun point particulier de légitimer l’opinion, c’est pourd’autres raisons que celles quifondent l’opinion ; de sorte que l’opinion en droita toujours tort. L’opinion pense mal, elle ne pense pas, elletraduit des besoins en connaissance. En désignant les objetspar leur utilité, elle s’interdit de les connaître. On ne peutrien fonder sur l’opinion, il faut d’abordla détruire. Elle est le premier obstacle à surmonter. »

Kinésithérapie Histoire de la rééducation 26-005-A-10

19

Page 20: 01-Histoire de la rééducation

¶ Typologies lésionnelles

Poliomyélite

L’importance de la poliomyélite enrééducation est historique. Elle fut à l’originetant de l’organisation initiale des servicesque de la construction des savoirs. Laconnaissance de la scoliose doit beaucoupau suivi des enfants et adolescents. Duval-Beaupère a décrit, à partir du suiviminutieux des dossiers des enfantspoliomyélitiques de l’hôpital RaymondPoincaré à Garches, la courbe d’évolutivitéde la scoliose qui est aujourd’hui devenueun classique du savoir (tableau XXIV).

Tuberculose

Avant la poliomyélite, la tuberculose a jouéun grand rôle dans le développement duchamp de la réadaptation. Autour de lapériode de la Seconde Guerre mondiale, lesujet fut de grande actualité. On y expliqueles difficultés à reclasser les « tuberculeuxguéris ». Berthet [13] note qu’il faut alorslutter contre les idées fausses de l’époque :« La tuberculose nécessite le repos, or latuberculose est incurable donc elle entraîne lerepos définitif (...) D’autres redoutent de voirun ancien malade reprendre sa place à l’usine,l’ouvrier craint le tuberculeux qui sort dusanatorium (...) Le patron de son côté redoutequ’une rechute vienne interrompre à nouveaule travail ». Il fallait alors défendre l’intérêtdu travail comme outil de réadaptation. Lesnotions de rééducation et de réadaptationsont à cette époque en rapport avec lechamp professionnel : le sujet est éduqué ourééduqué si l’on doit lui enseigner un métiernouveau, il est réadapté s’il peut reprendresa profession antérieure. Cette dénominationreste encore présente dans certainsé t a b l i s s e m e n t s d e r e c l a s s e m e n tprofessionnel.La tuberculose est volontiers le premierdomaine d’action de nombreuses institutionsaujourd’hui connues pour être des centresde rééducation. C’est par exemple le cas dusanatorium des étudiants de France à Saint-Hilaire du Touvet. L’ADAPT comprenait

a u s s i à l ’ o r i g i n e u n e m a j o r i t é d e« tuberculeux guéris ou en voie de guérison ».Une école ménagère leur était réservée,d’abord installée à Ivry, puis à Valence.

Autres pathologies

Ensuite, ce sont d’autres pathologies quifurent accueillies dans ces unités, les para-e t té t rap lég iques , l e s cérébro léséstraumatiques et vasculaires, les brûlés, etplus récemment encore, les rachialgiquesc h ro n i q u e s p r i s d a n s u n e s p i r a l ed’involution personnelle et sociale, pour unrecondit ionnement physique et uneréadaptation professionnelle. . . Cetteévolution correspond à l’acceptation dans lapratique du modèle de la CIH, qui décupleles notions de maladie et de handicap. Unelésion sans gravité vitale (une lésionrachidienne mécanique) va être responsabled’un handicap grave, pris en compte commetel.

Paraplégie

La paraplégie a très largement contribué,comme la polio et après la polio sur le planhistorique, à l’évolution des savoirs enrééducation.

L’histoire de la prise en charge desparaplégiques débute en France dans lesannées 1950 avec Grossiord et Benassy àGarches et Maury à Fontainebleau. Lescondit ions d’arr ivée des personnesparaplégiques, dans les rares unitésspécialisées, étaient très difficiles [102] : « Ilfaut bien dire que nous recevions à cetteépoque-là des para- et des tétraplégiques, toutau moins ceux qui survivaient, car unegrande partie mouraient dans des étatssouvent graves avec de multiples escarres, desdéformations orthopédiques considérables, desostéomes, des calculs des reins et de la vessie,des pyélonéphrites , etc , beaucoup decystostomies aussi. Il y avait de très groschantiers opératoires sur la plupart desparaplégiques qui restaient, à ce moment-là,18 mois à 2 ans, quelquefois davantage pourremplir tout notre contrat. »

La connaissance des lésions médullaires etde leur suivi est un facteur essentiel dansl ’ é v o l u t i o n d e s c o n n a i s s a n c e s s u rl’évaluation, la prise en charge et larééducat ion des grandes fonct ionsvégétatives, comme la fonction vésicosphinc-térienne, la régulation de la pressionartérielle, la procréation, la sexualité... Lepremier congrès international « Handicap etsexualité » s’est déroulé à Paris, à l’initiativede Waynberg, les 30 et 31 octobre 1980.

Certaines pathologies ont évolué dans leurtopographie, dans leur étiologie. C’est le casdes amputations avec beaucoup moinsd’amputés de membres supérieurs ,beaucoup moins d’amputés traumatiques etbeaucoup plus d’amputés artéritiques dansun contexte global physique et psycholo-gique très différent.

Cette évolution, en particulier vers ledéveloppement de la présence des patientscérébrolésés dans les unités de soins, vaavoir pour corollaire la présence accrue dansles services et centres de rééducation deneuropsychologues et d’orthophonistes dontl’histoire propre rejoint plus tardivementcelle de la spécialité de MPR. Cettepathologie neurologique dite « centrale » vas’accompagner, dans les années 1950, dudéveloppement de méthodes comme laméthode Bobath. La très grande notoriété decette méthode va correspondre à très peu detravaux scientifiques d’analyse. C’est uneméthode qui vise à améliorer la récupération(au sens strict) de la paralysie. Elle a trèslargement contribué à réifier le désir deguérison totale porté par les divers soignantsen rééducation dans la période des années1950-1970, période alors quasi muette sur leplan scientifique en rééducation. La critiqueviendra plus tardivement : « à l’enthousiasmedes années 1960, a fait suite une attitude plusobjective, plus critique » [54] (tableau XXV).

La rééducation et la réadaptation à l’effortont toujours eu depuis l’origine même desp r a t i q u e s g y m n i q u e s , u n e g r a n d eimportance. Le réentraînement cardiovascu-laire à l’effort fait partie de toutes les prisesen charge rééducatives, mais il faut attendreles années 1950-1960 , pour que laréadaptation systématique des coronariensconnaisse un essor rapide. « L’entraînementprovoquait chez eux les mêmes réactionsfavorables d’adaptation que chez les sujets

Tableau XXIV. – Scoliose, dates du traitement orthopédique [71].

Ambroise Paré 1575 le corselet pour dresser le corps tordu

Francis Glisson 1677 premier appareil à suspension

T Levacher 1722 bande de dérotation

Portal 1776 appui axillaire

Jean André Venel 1791 port permanent de l’appareil

Kupl et Kluge 1828 moulage plâtré

Sayre 1877 corset plâtré

EG Abbot 1911 corset réalisé en cadre

Blount et Schmidt 1945 corset de Milwaukee

Stagnara 1949 orthèse polyvalve réglable

Yves Cotrel 1954 correction plâtrée des scolioses

Allègre et Michel 1971 corset court

Hall 1975 orthèse de Boston

Tableau XXV. – Méthode Bobath [35].

Karel et Berta Bobath ont, dans les années 1950,proposé une méthode qui a été très largement diffuséedans le monde et qui reste très populaire. D’aborddédiée à l’enfant IMC (infirme moteurcérébral), au Western Cerebral Palsy à Londres, elle esttrès vite utilisée chez l’hémiplégique adulte. Deuxidées-forces sont à la base des conceptions desauteurs : d’une part, valoriser le potentiel moteur desrégions paralysées en recherchant « l’inhibition desschèmes pathologiques de spasticité, la facilitation et la sti-mulation des mouvements fonctionnels normaux automati-ques et volontaires » et, d’autre part, réintroduire chaquegeste, chaque mouvement dans l’ensemble de la motri-cité et de la posture du corps.

26-005-A-10 Histoire de la rééducation Kinésithérapie

20

Page 21: 01-Histoire de la rééducation

normaux et parallèlement ces maladesvoyaient régresser leur symptomatologiefonctionnelle [19] ».

¶ Âges

Dans sa phase première d’expansion, larééducation avait des centres d’intérêtsurtout marqués pour les populationsd’enfants, d’adolescents et d’adultes jeunes.

L’idéologie du travail comme but final de laréadaptation était inscrite dans certainesappellations. Cette notion initiale s’estprogressivement trouvée en évolution avecune moyenne d’âge des patients hospitaliséss’élevant très notablement.

Enfants

Le registre enfant est un domaine singulieret qui s’oppose dans son histoire audomaine de l’adulte.

Si ce registre est pour beaucoup à l’originede la discipline avec la prise en compte dela poliomyéli te , des IMC, sa placenumérique n’a cessé de décroître dans letemps. Par ailleurs, les conceptionsconcernant leur prise en charge ont évolué.On hospitalisait les enfants pour letraitement de scolioses. . . La notiond’intégration fut alors très largementvalorisée.

La scoliose et les déformations physiques ontété très largement étudiées et traitées dansl’histoire (Duval-Beaupère, Stagnara, deMauroy…).

Le cadre de l’IMC a permis le dévelop-pement, avec des auteurs comme Tardieu,d’une évaluation factorielle qui énonce uneévaluation fonctionnelle précise, avec dest h é r a p e u t i q u e s c o r r e s p o n d a n t e s(tableaux XXVI, XXVII).

Actuellement, les besoins dans le secteursanitaire sont réduits et il y a peu de centresspécifiques dans le champ sanitaire. Cette

donnée nouvelle n’est pas sans poserproblème quant au développement dessavoirs et des pratiques dans ce registre dela rééducation. Dans cette dernière période,les enfants handicapés sont en nombre plusrestreints avec la fermeture de nombreux litsde rééducation infantile et, en revanche, undéveloppement du registre médicosocialautour des annexes 24.Ainsi, on a assisté à partir des années 1950 àune évolution du champ médical vers lechamp médicosocial, évolution qui sepoursuit encore de nos jours. La dimensionéducative devient centrale et classante pourl’enfant handicapé et justifie ses modes deprise en charge.Dans le cadre infantile, la représentation duhandicap physique est modeste en nombre,ce qui contribue aussi à la marginalisationde ce secteur par rapport au cadre duhandicap mental, beaucoup mieux structuré,en particulier depuis la sectorisation.

Vieillissement et personnes âgées

Deux aspects ont marqué l’évolution récentede la rééducation dans ce registre :

– d’une part, et du fait de l’amélioration dela quali té des soins, les personneshandicapées vieillissent. Ce cadre a faitl’objet de travaux médicaux importants enrééducation, comme par exemple, avec ladécouverte des conditions du vieillissementdes personnes victimes des épidémies depolio dans les années 1950 qui, seréaggravant plusieurs décennies après,correspondaient au syndrome postpolio ;

– d’autre part, du fait du vieillissement dela population et d’une morbidité associée àl’âge, les personnes âgées sont très souventaccueillies dans les services et centres derééducation. L’âge n’est habituellement plusun critère de refus d’admission, comme celapouvait l’être, il y a encore 25 ans, danscertains centres et services de rééducation.Un premier travail de synthèse sur larééducation en gériatrie a été proposé parRabourdin et Ribeyre en 1980 [81].

¶ Étiologies en cause :accidentologie

Sur un plan historique récent, c’estl’évolution de l’accidentologie routière quire p r é s e n t e l a d o n n é e m a j e u re . L ephénomène reste préoccupant avec degrands progrès.« L’insécurité routière est un phénomène degrande ampleur en France : près de 500 000tués, un bilan comparable aux pertes de laSeconde Guerre mondiale (600 000 morts enFrance) [20] ». C’est en 1972 que des mesuresde prévention furent prises (ceinture desécurité, vitesse, alcool au volant) avec undécrochage d’une courbe inquiétante, quisuivait jusqu’alors la progression du traficroutier.Il faut rappeler, sur le plan historique,l’importance des circonstances de survenue

du handicap. En particulier les militairesblessés et les accidentés du travail, quiconserveront tout au long de l’histoire uncontexte particulier de solidarité. La peur del’indifférence est un puissant moteur pourp r é s e r v e r l e s a c q u i s s o c i a u xcorrespondants [2].

PSYCHOLOGIE ET HANDICAPLes rapports du corps et de l’esprit onttoujours été au centre de la question del’homme handicapé et des pratiquesrééducatives.Si l’œuvre de Cabanis [83], médecin etphilosophe, contemporain de Bichat, auteuren 1802 d’un livre ayant fait date, « Lesrapports du physique et du moral del’homme », marque historiquement l’intérêtdu corps médical sur cette question, le débatsur ce thème existe depuis la plus hauteAntiquité [80]. La notion de « moral » seraitaujourd’hui traduite par psychologique.Cette dynamique psychologique, sur lesversants cognitifs et affectifs, s’est affirméeprogressivement dans le champ de larééducation, avec l’arrivée en nombrecroissant, dans les centres et services derééducation, de disciplines paramédicalescomme les orthophonistes, les psychomotri-ciens, les psychologues, les éducateurs...L’intérêt, croissant au fil des années, s’estcentré sur divers registres : la neuropsycho-logie, la psychologie et la sociologie ducorps, la psychologie du handicap, lesthérapies comportementales. Cette évolutions’est surtout produite durant ces 25dernières années.

¶ NeuropsychologieLe tournant historique récent dans le cadrede la neuropsychologie en rééducation estmarqué par la publication en 1979 du livrede Seron, « Aphasie et neuropsychologie,approches thérapeutiques » [89]. Cet ouvragefait le point sur l’histoire des approchesrééducatives et propose pour ce registre desoins une approche scientifique. « Il faut, enmatière de thérapie, se garder de toutmilitantisme aveugle. Au scepticisme duchercheur, il est vain d’opposer la foi dupraticien ».L’aphasie a représenté le premier grand sujetd’intérêt dans le champ de la rééducation,suivie par l’ensemble des autres fonctionscognitives [60]. L’histoire de l’aphasie seconfond avec l’histoire de la neuropsycho-logie dans son versant anatomoclinique(tableau XXVIII).Pour le langage, Roman Jakobson [58] proposeun document en 1940 : « Langage enfantin,aphasie et lois générales de la structurephonique ». Il est traduit et publié enfrançais en 1969, « nous avons cru pouvoiradmet t re que l e s dégâ t s aphas iquesreproduisent à l’envers l’ordre des acquisitionsenfantines. Or, examinée de plus près, lapathologie du langage présente une diversitéde syndromes en comparaison du processusessentiellement uniforme de l’initiationenfantine du langage ».

Tableau XXVI. – Analyse factorielle d’unéquin [93].

« Cet équin (talon décollé du sol) peut être dû à des rétrac-tions, des contractions irrépressibles de repos, une exagéra-tion du réflexe myotatique, des réactions excessives aucontact ou à la pression et chacun doit recevoir son traite-ment spécifique. »

Tableau XXVII. – Un exemple, l’Associationpour la sauvegarde des enfants invalides(ASEI) à Toulouse.

L’Association pour la sauvegarde des enfants invalidesnaît en 1950, à Toulouse, avec l’aide du recteur PaulDottin. L’intérêt se porte initialement sur le devenirsocial de l’enfant invalide et une classe est créée àRamonville-Saint-Agne. L’association se développe surle plan des structures éducatives, médicosociales, sani-taires. C’est aujourd’hui 40 établissements dans cinqdépartements différents, 2 700 salariés, 150 enseignantspour 2 500 places.

Kinésithérapie Histoire de la rééducation 26-005-A-10

21

Page 22: 01-Histoire de la rééducation

Le premier ouvrage de synthèse disponibleen langue française sur la neuropsychologieclinique est celui de de Ajuriaguerra etHecaen de 1949. Les données sont alorsessentiel lement anatomocliniques etorganisées autour des connaissancespathologiques. Il faut attendre l’arrivée dessciences humaines pour que l’approchecomportementale se développe et enrichissel’observation des dysfonctionnementscognitifs.La psychologie cognitive a eu un impactd é t e r m i n a n t p o u r l ’ a n a l y s e e t l acompréhension des troubles psycho-intellectuels. Les débuts de la psychologiecognitives sont datés de 1956 (tableau XXIX).À partir des années 1970, le registre de lamémoire est, en particulier, une cibleprivilégiée, pour valoriser ce domaine de lapsychologie en rééducation.

¶ Psychologie et sociologie du corps

Image du corps

L’image du corps a connu un renouveaud’intérêt avec Paul Schilder. Né en 1886, ilpublie en 1935 un ouvrage de référence [88],« L’image du corps » traduit en français en1950. « L’image du corps humain, c’estl’image de notre propre corps que nousformons dans notre esprit, autrement dit lafaçon dont notre corps nous apparaît à nous-même. Des sensations nous sont données...Par-delà ces sensations, nous éprouvons defaçon directe qu’il y a une unité du corps.

Cette unité est perçue, mais elle est plusqu’une perception. Nous disons qu’elle est unschéma de notre corps, ou schéma corporel, ouencore... un modèle postural du corps ».

Image du corps handicapé

Dans les sociétés traditionnelles, les pauvreset les malades, volontiers amalgamés, étaientdes êtres inférieurs et marginaux. Lemendiant est volontiers représenté commeun handicapé, un amputé par exemple... Lecorps difforme induit une peur que denombreuses formules populaires onttraduites : « Que Dieu nous délivre desboiteux et des bossus ». Le corps handicapéétai t associé à des caractér ist iquespsychologiques négatives induisant laméfiance : « Bigle, borgne, bossu, boiteux, net’y fie si tu ne veux » ; « Bâtard, bossu oumule a chaque jour malice en tête » ; « Piedbot, mauvais voisin ». On craint, selon Roux,que « le désordre physique ne soit la marqueindélébile sur le corps d’un profond désordremoral ». La symbolique de la scoliose restepéjorative dans cette image traditionnelle dubossu stigmatisé dans les arts plastiques, lalittérature (Quasimodo, Lagardère, Jean deF l o re t t e . . . ) , l a c o m m e d i a d e l l ’ a r t e(Polichinelle), le cinéma... « Le bossu est unepart importante de notre imaginaire et denotre culture » [86].

Le livre de Goffman en 1963, traduit en1975 [43], apporte une réflexion sur lesmarques corporelles. Les handicapés sontassimilés aux stigmatisés physiquementmarqués et reconnus par leur société. Cestravaux sont développés dans le cadre de lapsychosociologie avec la notion destéréotypes habituellement défavorables auxsujets handicapés [69].

Psychologie et handicap

L’intérêt du champ psychologique pour lehandicap est ancien si l’on veut bienconsidérer que cette approche clinique estliée à toute action thérapeutique.

Néanmoins, il faut souligner que le travailplus systématique et scientifique sur cethème est beaucoup plus récent. Lesregistres principaux sont issus de lap s y c h o l o g i e e x p é r i m e n t a l e , d e l apsychologie du travail, de la psychologiecognitive, de la psychopathologie et de lapsychologie sociale. Les objets d’étudeconcernent non seulement les patients, maisaussi les familles et les équipes soignantes.

• Psychologie de l’apprentissage [65]

Elle va apporter des données utiles à larééducation par une approche expérimentaleavec des thèmes principaux : comparaisonsd e l ’ a p p r e n t i s s a g e g l o b a l e t d el’apprentissage fractionné, de l’apprentissage

massé et distribué, du guidage dansl’apprentissage, de l’acquisition de la vitesse,de la connaissance des résultats... Cesapports sont disponibles dès les années 1960mais, à cette époque, les sciences ducomportement n’ont pas encore fait leurentrée dans les connaissances de base enrééducation.La psychologie dans son courant scientifiqueest récente. Selon Paul Fraisse [38], sesorigines sont datées de 1860, mais il fautattendre le début du XXesiècle, puis lesannées 1950 pour que cette approche soitorganisée dans un courant professionnelstructuré. Elle est regroupée sous le termede psychologie expérimentale qui « permettout simplement la constitution de lapsychologie en tant que science ». C’est defait l’adaptation au comportement de laméthode expérimentale de Claude Bernard(1865). C’est Théodule Ribot [12] (1839-1916),qui occupe à partir de 1889 la premièrechaire de psychologie expérimentale crééepour lui, au Collège de France.Un courant a aussi eu une grande influencepour le champ de la rééducation, c’estl’École dite de Palo-Alto, petite ville de labanlieue sud de San Francisco. Le MentalResearch Institute est créé en 1959, et réunitdans un « collège invisible » les noms deDon Jackson, Watzlawick, Birdwhistell, Halldans une réflexion très large sur les thèmesde la communication avec l’utilisation desc o n c e p t i o n s s y s t é m i q u e s e t d e l acybernétique.À partir des réflexions de l’École de Palo-Alto, les dérèglements des règles implicitesde la communication sont proposés commeexplication du malaise induit par la présencedes personnes handicapées, et dans l’analysede l ’évei l des traumatisés crâniens(tableau XXX).Dès les années 1950, un intérêt se manifestedans le champ du monde du travail et enparticulier par de nombreux travaux surl’accidentabilité [37] (prédisposition à avoirdes accidents) (tableau XXXI).Le premier thème ayant trouvé sa place dansle champ du handicap est le processus dedeuil du corps sain. Cette dynamique resteaujourd’hui encore présente et s’estcomplétée d’une meilleure connaissance etapproche des mécanismes de déni [76].En 1973, le Bulletin de psychologie [55] publieun numéro spécial intitulé, « La psychologieet l’enfance physiquement handicapée ». Lesthèmes alors traités concernent diversespathologies, malformations liées à laThalidomide, la myopathie, la cyphose,l’enfant IMC, l’hospitalisme, l’hémophilie...

Tableau XXVIII. – L’aphémie de Broca [52].

« Aphémie datant de 21 ans, produite par le ramollissementchronique et progressif de la seconde et de la troisième cir-convolution de l’étage supérieur du lobe frontal gauche. »« Cette abolition de la parole, chez des individus qui ne sontni paralysés, ni idiots, constitue un symptôme assez singu-lier pour qu’il me paraisse utile de la désigner sous un nomspécial. Je lui donnerai le nom d’aphémie. »« Le 11 avril 1861, on transporta à l’infirmerie générale deBicêtre, service de chirurgie, un homme de 51 ans, nomméLeborgne, atteint d’un phlegmon diffus gangréneux de toutle membre inférieur droit... Il allait et venait dans l’hospiceoù il était connu sous le nom de Tan. Il comprenait tout cequ’on lui disait ; il avait même l’oreille très fine ; maisquelle que fut la question qu’on lui adressât, il répondaittoujours : tan, tan, en y joignant des gestes très variés aumoyen desquels il réussissait à exprimer la plupart de sesidées. » (Broca, Bulletin de la Société d’Anthropologiede Paris, 1861 ; 6 : 330-357)Broca (1824-1880) a proposé le terme d’aphémie aprèsavoir discuté diverses terminologies : aphonie, alalie,aphasie, alogie et aphrasie. Mais, le 18 avril 1865,Trousseau (1801-1867) propose d’abandonner la déno-mination d’aphémie et de la remplacer par « aphasie »En 1820, Jacques Lordat (1773-1870) avait décrit cetrouble, dont il fut lui-même victime, sous le nomd’« alalie ».

Tableau XXIX. – Histoire de la révolutioncognitive [39].

« Jerome Bruner et George Miller, qui ont fondé en 1960 àHarvard le Center for cognitive studies, ont été les deuxfigures importantes de cette période de promotion de lacognition. (…) La liste des visiteurs du Havard Center faitpenser à un Who’s Who de la science de la cognition,presque tout le monde y est venu une fois ou l’autre, etbeaucoup y restèrent un semestre ou une année en tant querésidents. »

Tableau XXX. – Ray Birdwhistell, la kiné-sique.

Analyse des codes de l’interaction sociale. La gestualitéest analysée selon un mode homologue à la descriptionlinguistique du code oral.On retrouve les kinèmes, qui se combinent en kinémor-phèmes, puis en constructions kinémorphiques.

26-005-A-10 Histoire de la rééducation Kinésithérapie

22

Page 23: 01-Histoire de la rééducation

Un chapitre concernant l’annonce duhandicap est l’objet de grandes controverses.La dimension relationnelle prend ici unedimension particulière et les difficultés dansce registre sont vécues douloureusement.Le thème qui a marqué un tournanthis tor ique dans les rapports entrepsychologie et handicap est celui de ladépression survenant dans le cadre desa c c i d e n t s v a s c u l a i r e s c é r é b r a u x .Robinson [105], dans les années 1980-1990,suivi par d’autres auteurs, a montré que laseule explication réactionnelle n’était passuffisante pour rendre compte de la grandef r é q u e n c e d e l a d é p r e s s i o n c h e zl’hémiplégique. La localisation des lésionscérébrales, les mécanismes neurochimiquesont une part dans la genèse de ces troublesde l’humeur. Des constatations similaires ontété faites chez les personnes présentant unemaladie de Parkinson. Depuis cette période,les unités de rééducation ont une attitudethérapeutique beaucoup plus active parrapport à la dépression et ses diversesmodalités.

Thérapies comportementales

Les thérapies comportementales sontutilisées depuis de nombreuses années enrééducation.Le biofeedback est le cadre le plus connu.Venu de la cybernétique, le terme désigneaujourd’hui en rééducation toute techniqueutilisant une instrumentation révélant ausujet de manière continue et instantanée desévénements physiologiques internesnormaux ou anormaux sous forme designaux [40]. En rééducation, les études sesont développées à partir des années 1960,en particulier pour les apprentissagesmoteurs.D’autres registres du comportementalismecommencent à se mettre en place de façonplus explicite. En effet, les techniques deconditionnement (implicites) sont depuisbien longtemps à l’œuvre en rééducation.

Sociologie et handicap

• Famille

La famille confrontée au handicap est unregistre essentiel, mal connu et d’approchedifficile.L’importance de ce sujet est reconnu depuistoujours. Le sujet a une particulière acuité

lorsque le handicap concerne l’enfant.Zucman [108] a marqué ce thème dans lesannées 1980, en publiant une synthèse de lalittérature sur ce sujet.

• Personnel des institutions

Le personnel des institutions de soins estune autre composante qui est prise encompte. Il faut également attendre les années1980 pour voir émerger un intérêt pour lesgroupes professionnels. C’est la notion deburn-out [3] qui est alors venue éclairer lacompréhension du trouble des personnesconfrontées aux personnes handicapées. Leburn-out peut être traduit par la notiond’usure, de craquage.

• Association Alter

Alter est une association créée en 1989. Ellea pour objet la recherche sur l’histoire deshandicaps. Les promoteurs issus dessciences humaines proposent à leursadhérents des journées d’étude, des groupesde travail thématiques, les mardi d’Alter, etun bulletin de liaison « La brève d’Alter(3) ».

ÉVOLUTION INSTITUTIONNELLE :CENTRES ET SERVICES

DE RÉÉDUCATION

L’évolution institutionnelle s’est faite vers lacréation des centres de rééducation, lieux dedroit privé, puis avec un essor progressifdans ces 20 dernières années des unitésspécialisées en MPR dans le mondehospitalier public [79]. Cette évolution récenteest importante pour diffuser les savoirs enréadaptation au sein des structureshospitalières. Les principaux hôpitauxfrançais sont aujourd’hui pourvus d’unservice spécialisé en rééducation dirigé, parun spécialiste de la MPR. La modificationdu statut des médecins des hôpitaux en 1984(décret 84-131 du 24 février 1984) a permisun recrutement spécifique des médecinsrééducateurs, en instituant un concoursnational.Par arrêté en date du 9 décembre 1988publié au Journal officiel du 17 décembre1988, le moyen séjour et la rééducation vonttrouver un repère officiel pour le nombre delits proposés en rééducation. Les besoinssont considérés comme satisfaits avec lesindices de 1 à 1,8 lit pour 1 000 habitants(hts) en moyen séjour et 0,3 à 0,5 lits pour1 000 hts pour la rééducation.Le cadre législatif dit du moyen séjour (loisdu 30 juillet 1970 et du 4 janvier 1978) at ro u v é u n e n o u v e l l e d é fi n i t i o n e tdénomination par la loi n° 91-748 du 31juillet 1991 portant réforme hospitalière.L’article L 711-2 du Code de la santépublique précise que : « les établissementsde santé publics ou privés ont pour objet dedispenser (...) des soins de suite ou deréadaptation... ». Cette approche sert decadre à la gestion de la carte sanitaire

(3) (C Barral, Alter, 17ter rue de l’Aude, 75014 Paris,

01 41 08 52 01).

(déterminée depuis la loi du 31 décembre1970). Elle est aujourd’hui complétée par unschéma régional d’organisation sanitaire etsocial (SROSS). Chaque région sanitaire amis en place un travail pour analyser lesinstitutions et définir les besoins, afind’adapter au mieux l’offre de soins.Si le développement des institutions et despersonnels de santé engagés dans le champdu handicap est un fait marquant de ces50 dernières années, il importe de soulignerque l’articulation de ce champ médical(relativement) nouveau avec le champmédicosocial traditionnellement consacré auhandicap ne s’est pas réalisée de façonsatisfaisante (tableau XXXII).Quelques aspects ont marqué l’évolution despratiques institutionnelles :

– la durée d’hospitalisation dans les unitésspécialisées en rééducation s’est restreinteprogressivement, avec des séjours plus brefsen hospitalisation complète ;

– les alternatives à l’hospitalisation se sontdéveloppées avec, par exemple, les hôpitauxde jour, et par l’évolution des conceptionsmédicales et la prise en compte, en soinslibéraux de cabinet de ville, de patients telsque les opérés de la hanche après prothèsetotale pour arthrose ;

– les unités de soins orientées vers l’accueildes enfants handicapés se sont retrouvéesprogressivement intégrées au secteurmédicosocial. Cette évolution sur les dixdernières années a soulevé beaucoupd’inquiétude ;

– le développement des unités de rééducationpolyvalentes. Les unités de rééducation sontréparties sur l’ensemble du territoire françaisde façon plus homogène qu’autrefois. Cettemeilleure répartition des unités et ladiffusion des savoirs et des compétencesdans ce domaine s’accompagnent d’unecertaine dilution des pathologies rares oupeu fréquentes. C’est par exemple le cas deslésions médullaires. Cette évolution a sesa v a n t a g e s e t s e s i n c o n v é n i e n t s .Actuellement, les unités ayant développédes pôles spécifiques de recrutementcoexistent avec les services polyvalents.

PERSONNES HANDICAPÉES

Le mot « handicap » apparaît pour lapremière fois en droit français dans la loi du

Tableau XXXI. – Jenkins (1956), syndromesassociés à la prédisposition aux accidents.

1 Distraction, trouble de l’attention

2 Manque de discernement dans les conduitesde prudence

3 Rejet des règles sociales

4 Manque d’empathie envers autrui

5 Peu sensible aux préjudices subis

6 Confiance en soi exagérée

7 Mauvaise intégration sociale

Tableau XXXII. – Dates d’ouverture des ser-vices et centres de rééducation.

Date Nombre Total

avant 1900 3

101900-1918 1

1919-1939 6

1940-1962 36

1021963-1971 46

1972-1985 30

Kinésithérapie Histoire de la rééducation 26-005-A-10

23

Page 24: 01-Histoire de la rééducation

2 3 n o v e m b r e 1 9 5 7 c o n c e r n a n t l ereclassement des travailleurs handicapés [46].Les faits historiques ont conservé jusqu’à nosjours des règles différentes pour la prise encompte du handicap selon son origine (faits deguerre, blessure lors du travail, maladie...).

¶ Origine juridique des lésions

L’origine « juridique » des lésions a conservéau fil des années une place essentielle dansla prise en charge matérielle des handicaps.Dans les périodes historiques que nousavons envisagées, celles qui entourent lesdeux guerres, puis la période contemporainesont marquées par des faits de civilisationayant eu un impact fort sur le monde de laréadaptation :

– la découverte des sciences et l’oppositionà la dimension religieuse. C’est la périodescientiste et rationaliste (1850-1900)correspondant à une période anticléricaleavec la séparation complète de l’Église et del’État. Elle va s’étendre jusque durant lapériode des deux guerres en se vulgarisantdans les divers milieux professionnels. Laloi de séparation du 9 décembre 1905,préparée par Aristide Briand, est vécuecomme une loi d’apaisement dans uncontexte social conflictuel. La réintroductionrécente de la dimension éthique dans lesdébats professionnels, comme une réflexionsur la pratique professionnelle, va montrerun retour vers une recherche de valeursmorales partagées dans le monde de laréadaptation médicale ;

– C’est une période d’intense mobilisationsociale avec la construction du mondeouvrier sur les plans social et syndical, alorsque les conditions de travail restent trèspénibles avec un sentiment d’insécuritépermanent lié au spectre du chômage, de lamaladie et de l’accident.Le 20 mars 1868, Napoléon III fonde unecaisse pour les accidents du travail. La loidu 9 avril 1898 sur les accidents du travailva représenter la première protectionobligatoire des salariés. Les divers systèmesde protection sociale vont progressivementse mettre en place et, en 1945, par uneordonnance du 4 octobre, le régime généralde la sécurité sociale est mis en place.L’unification alors souhaitée des différentsrégimes ne sera pas possible et lesinstitutions antérieures corporatistespersisteront.Parallèlement, la montée en puissanceprogressive des associations d’usagers et depatients va stimuler la recherche et modifierl e re g a rd p o r t é s u r l e s a ff e c t i o n sinvalidantes.

¶ Objectifs de la réadaptation

Ils ont toujours une idéologie portée vers unretour à une vie sociale commune.L’idéologie du travail sera première et elleest très ancienne. Elle est d’abord envisagéeen terme de régulation sociale pour éviter

l’oisiveté et la mendicité, puis comme undevoir d’assistance de la société [75].Le retour au travail est considéré commel’objectif idéal, témoin de la réussite de laréadaptation. C’est la loi du 23 novembre1957 « véritable charte du reclassementprofessionnel des travailleurs handicapés »qui va constituer le repère essentiel pourl’insertion professionnelle dans le monde dutravail ordinaire et protégé (centres d’aidepar le travail, ateliers protégés) despersonnes handicapées.Avec la prise en charge de personnes plusâgées et les difficultés d’insertion dans lemonde du travail, les notions plus généralesde qualité de vie, de gestion de la viequotidienne et du temps libre vont venirélargir les objectifs de la réadaptation(tableau XXXIII).

Années 1980

Les années 1980 resteront attachées à unepériode qui a vu se renforcer l’intérêt vis-à-vis du handicap :

• Loi d’orientation du 30 juin 1975C’est la référence pour le handicap. Lepremier article précise : « la prévention et ledépistage des handicaps, les soins, l’éducation,la formation et l’orientation professionnelle,l’emploi, la garantie d’un minimum deressources, l’intégration sociale et l’accès auxsports et aux loisirs du mineur ou de l’adultehandicapé physiques, sensoriels ou mentauxconstituent une obligation nationale ».Cette loi met en place les Commissionstechniques d’orientation et de reclassementprofessionnel (COTOREP), l’allocation auxadultes handicapés, les Commissionsdépartementales d’éducation spéciale(CDES) et avait pour vœu d’harmoniser lesmoyens et dispositifs sociaux mis à ladisposition des personnes handicapées.L’obligation de l’accessibilité, contenue dansla loi, puis dans ses décrets tardifsd’application, est l’un des points d’ancraged e s re v e n d i c a t i o n s d e s p e r s o n n e shandicapées physiques, confrontées auxmultiples résistances et obstacles sur leterrain. L’accessibilité s’est révélée au fil dutemps comme étant une notion nonseulement technique, mais aussi politique :« La culture de l’accessibilité, c’est la culturede l’intégration élaborée par une minorité, enréférence à ses modèles d’autonomie, avec lelarge concours du cercle des initiés » [87].Les établissements recevant du public,nommés ERP, sont soumis à la loi du

13 juil let 1991 qui indique que cesétablissements doivent être accessibles. Cettelégislation s’est heurtée à la réalité dufonctionnement des acteurs du terrain et lesmunicipalités ont cherché à stimuler cettemise aux normes en créant des commissionsextramunicipales du handicap.

• Déclaration des droits des personneshandicapées

Elle est proclamée le 9 décembre 1975 àl’assemblée générale des Nations unies.

• Année internationale des handicapés

L’année 1981 est l’année internationale deshandicapés.

Éthique

L’éthique concernant le handicap ne va semettre en place que difficilement car lespremiers groupes de réflexion constituésavaient surtout dans leurs objectifs de mieuxcerner les nouvelles pratiques biologiques(comme la fécondation in vitro et le transfertd’embryons ou FIVETE). Les premiersarticles sur l’éthique dans la littératuremédicale de rééducation sont apparus dansles années 1970 [51].En rééducation, la multiplication dessituations extrêmes, comme les comasvégétatifs, les locked-in syndrome ontsuscité de nouvelles recherches et travauxdans le champ éthique [72]. Les premièresassises d’éthique hospitalière se sontdéroulées à Amiens en novembre 1990(tableau XXXIV).Les grands handicapés, porteurs dedéficiences sévères, s’interrogent quant àleur possibilité de choix de vie dans lessituations extrêmes alors qu’ils sontdépendants d’autrui.La séparation du registre sanitaire etmédicosocial concernant le handicap est unedes évolutions marquantes pour lesprofessionnels. Il faut noter que, lorsque lesecteur de santé mentale s’est mis en placedans les années 1960, une même dispositionavait été réfléchie pour le handicapphysique. Il n’a pu alors voir le jour.

Conclusion

La rééducation a connu une période decroissance très active depuis la Seconde Guerremondiale, avec comme point d’orgue ladécennie 1970-1980 qui a témoigné d’un

Tableau XXXIII. – De l’infirme au handi-capé [33].

« Le passage de l’infirme au handicapé ne correspond pasuniquement à un changement de dénomination, mais reflèteune évolution de la représentation de l’infirme et de l’infir-mité. À l’image de l’infirmité dominée par l’incapacitéengendrée par la déficience, comme ce fut le cas durant lapremière moitié de ce siècle, succède une conception orientéevers la négation de toute différence, de toute particularitéinhérente à la déficience. La personne déficiente n’est plusmarquée du sceau de l’incapacité, mais de celui de la margi-nalité, de l’exclusion, à laquelle il importe de remédier. »

Tableau XXXIV. – Le cas de NancyCluzan [77].

Victime en janvier 1983 d’un accident de voiture, elleest réanimée et reste 7 ans dans le coma. Le diagnosticretenu est celui d’état végétatif où les fonctions dutronc cérébral sont respectées. Ses parents ont attendu4 ans pour envisager l’arrêt de la nutrition.Le 6 décembre 1989, la Cour suprême des États-Unis aété saisie d’une requête l’incitant à reconnaître le droitd’arrêter tous les moyens médicaux visant à prolongerla vie.

26-005-A-10 Histoire de la rééducation Kinésithérapie

24

Page 25: 01-Histoire de la rééducation

intérêt soutenu pour le handicap, tant sur leplan social que médical.Les différents professionnels qui travaillent dansle champ de la rééducation et de la réadaptation

doivent poursuivre leurs efforts afin que,parallèlement à l’exercice des soins, ledéveloppement de la recherche clinique soitdynamique, avec la construction d’un pôle

culturel fort. Dans cette élaboration d’un savoircommun, partagé et vivant, l’histoire peutfournir une aide précieuse à la compréhension dela rééducation dans sa construction actuelle.

Références[1] Classification internationale des handicaps, déficiences,

incapacités, désavantages. Un manuel de classification desconséquences des maladies. Paris : CTNERHI, 1988

[2] de Riencourt. Les militaires blessés et invalides, leur his-toire, leur situation. Paris : Librairie Militaire de J Dumaine,1875

[3] Dossier Burn-Out. Les cahiers du CTNERHI, 1982 ; 19[4] Hamon F, Wirotius JM. Bilan du Congrès de Kerpape. Soins

1983 ; 3[5] Les déficients visuels aux origines de la profession. Kine

Actual 1996 ; 587 : 12-13[6] Réduire les handicaps. Paris : INSERM-Documentation

Française, 1985[7] Alajouanine T, Ombredane A, Durand M. Le syndrome de

désintégration phonétique dans l’aphasie. Paris : Masson,1939

[8] AlliatB,DumontF,DepasioL.30ansde journées,25ansdeDU, Hommage à R. Maigne. Rev Med Orthop 1995 ; 42 :28-32

[9] Bachelard G. La formation de l’esprit scientifique. Paris :Vrin, 1989

[10] Bardot A. Médecine de rééducation et réadaptation. Rueil-Malmaison : Ciba-Geigy, 1982

[11] Bardot A. Le médecin-rééducateur et son avenir européen.J Réadapt Méd 1995 ; 15 : 2-3

[12] BeauchesneH.Histoirede lapsychopathologie.Paris : PUF,1986

[13] Berthet E. La réadaptation professionnelle et sociale dutuberculeux guéri. Paris : Masson, 1945

[14] Bidou G. Principes scientifiques de récupération fonction-nelle des paralytiques. Paris : Le livre pour tous, 1927

[15] Bidou G. Travail humain et récupération fonctionnelle.Paris : Firmin-Didot, 1939

[16] Bidou G. La thérapie mécanique. Paris : Vuibert, 1932[17] BlanchardM.Documentationsur l’exercicede lakinésithé-

rapie. Paris : Fédération Française des Masseurs Kinésithé-rapeutes Rééducateurs, 1964

[18] Brosseau L, Philippe P, Dutil E, Boulanger YL. Mesured’indépendance fonctionnelle, recension des écrits. JRéadapt Med 1996 ; 16 : 9-21

[19] Broustet JP.Laréadaptationdescoronariens.Paris :Sandoz,1973

[20] Carre JR, Fontaine H, Lassarre S. L’insécurité routière. LettreMéd Rééduc 1994 ; 30 : 11-13

[21] ChamptassinDeP,CastaingH.Gymnastique,étiquettesetméthodes.Gazette Hôp 1913 ; 33 : 517-519

[22] Chauvois L. D’Arsonval, soixante-cinq ans à travers lascience. Paris : Editions J Oliven, 1937

[23] Daniels L, Williams M, Worthingham C. Muscle testing,techniques of manual examination. Philadelphia : WBSaunders, 1946

[24] DeFrumerieM.Lapratiquedumassage.Paris : Vigot,1924[25] Delaunay P. La médecine et l’église. Paris : Le François,

1948[26] Dolhem R. Le massage par percussion du Docteur Sarlan-

dière. J Réadapt Med 1996 ; 16 : 87-92[27] Dolhem R. L’appareillage orthoprothétique du XVIe siècle

avec Pieter Bregel l’Ancien. J Réadapt Med 1996 ; 16 : 4-8[28] Dolhem R. Le fauteuil roulant de Philippe II d’Espagne. J

Réadapt Med 1997 ; 17 : 66-71[29] Dolto B. Le corps entre les mains. Paris : Hermann, 1988[30] Doriguzzi P. L’histoire politique du handicap, de l’infirme

au travailleur handicapé. Paris : L’Harmattan, 1994[31] Dousset JC. Histoire des médicaments. Paris : Payot, 1985[32] Duby G, Mandrou R. Histoire de la civilisation française,

XVIIe-XXe siècles. Paris : Armand Colin, 1976[33] EbersoldS.L’inventionduhandicap.Paris :CTNERHI,1992[34] Efther G. Manuel de technologie de base à l’usage des

masseurs-kinésithérapeutes. Paris : Masson, 1980[35] EggersO.Traitementde l’adultehémiplégiqueenergothé-

rapie. Paris : Springer-Verlag, 1988[36] FajalG.L’histoiredesprothèsesetdesorthèses.Lesgrandes

voies de progrès, en trois tomes. [thèse], Nancy,1972[37] Faverge JM. Psychosociologie des accidents du travail.

Paris : PUF, 1967[38] Fraisse P. Manuel pratique de psychologie expérimentale.

Paris : PUF, 1956

[39] Gardner H .Histoire de la révolution cognitive. La nouvellescience de l’esprit. Paris : Payot, 1993

[40] Gérard CL. Biofeedback et rééducation. J Réadapt Med1982 ; 2 : 217-221

[41] Gibson Nasmith K, Rennie MJ. Prevention of disuse muscleatrophybymeansofelectrical stimulation.Lancet1988 ;2 :767-770

[42] Gingras G. Combats pour la survie. Paris : Robert Laffont,1975

[43] Goffman E. Stigmates, les usages sociaux des handicaps.Paris : Les Éditions de Minuit, 1975

[44] GrossiordA.Leçon inaugurale, chairedecliniquederéédu-cation motrice. Paris : Masson, 1968

[45] Guilleminot H. Électrologie et radiologie. Paris : Masson,1922

[46] Hamonet C. Le handicap. Rev Fr Domm Corp 1987 ; 13 :397-401

[47] Hamonet C. Bourneville est-il l’inventeur de la médecinede rééducation et de la réadaptation médicale ? J RéadaptMed 1993 ; 13 : 37-42

[48] Hamonet C. Contribution à l’histoire de la médecine derééducation, à propos de l’utilisation du terme kinésithéra-pie. J Réadapt Med 1993 ; 13 ; 35-36

[49] Hamonet C. Les personnes handicapées. Paris : PUF, 1990[50] Hamonet C, Wirotius JM. Le pionnier souriant. J Réadapt

Med 1997 ; 17 : 42-44[51] Hass JF, Mackenzie CA. The role of ethics in rehabilitation

medicine. Am J Phys Med Rehabil 1995 ; 74 (suppl) : 3-6[52] Hecaen H, Dubois J. La naissance de la neuropsychologie

du langage. Paris : Flammarion, 1969[53] Heckel F. Culture physique et cures d’exercice (myothéra-

pie ). Paris : Masson, 1913[54] Held JP. La méthode Bobath en1988. In : Pélissier J éd.

Hémiplégie vasculaire de l’adulte et médecine de rééduca-tion.Paris : Masson, 1988

[55] Herren H et al. La psychologie et l’enfance physiquementhandicapée. Bull Psychol 1973 ; 27 (n° 310)

[56] Hindermayer J. Histoire de la rééducation fonctionnelle etde la réadaptation. In : Poulet J, Sournia JC, Martiny M éd.Histoire de la médecine, de la pharmacie, de l’art dentaireet de l’art vétérinaire. Paris : Albin Michel, 1980 : 257-287

[57] Jaeger M, Wacjman C. Aux sources de l’éducation spécia-lisée (1878-1910), la formation des premières infirmièreslaïques. Paris : CTNERHI, 1998

[58] Jakobson R. Le langage enfantin et l’aphasie. Paris : Les Édi-tions de Minuit, 1969

[59] Jeannerod M, Hecaen H. Adaptation et restauration desfonctions nerveuses. Villeurbanne : Simep, 1979

[60] Joseph PA. Quand doit-on commencer la rééducationorthophonique chez l’hémiplégique aphasique ? AnnRéadapt Méd Phys 1998 ; 41 : 53-65

[61] Kirmisson E. Les difformités acquises de l’appareil locomo-teur pendant l’enfance et l’adolescence. Paris : Masson,1902

[62] Kremer JM, Lederle E. L’orthophonie en France. Paris : PUF,1994

[63] Kumlien LG, Andre E. La gymnastique suédoise. Paris :Flammarion, 1900.

[64] Lannes A. Françoise Mézière, souvenirs inédits. Paris :Frison-Roche, 1995

[65] Leplat J, Enrard C, Weill-Fassina A. La formation parl’apprentissage. Paris : PUF, 1970

[66] Lescœur JE. Amputés des membres supérieurs. Paris :Maloine, 1979

[67] LouxF.Lecorpsdans lasociététraditionnelle.Paris :Berger-Levrault, 1979

[68] MahoneyFI,BarthelDW.Functionalevaluation, theBarthelIndex. Maryland State Med J 1965 ; 14 : 61-65

[69] Maisonneuve J, Bruchon-Schweitzer M. Modèles du corpset psychologie esthétique. Paris : PUF, 1981

[70] Marz A, Farcy P. L’ergothérapie. J Ergother 1967; 15 : 3-8[71] Mauroy(de) JC. La scoliose. Montpellier : Sauramps

Médical, 1996[72] MauryM.L’éthiqueenmédecinederééducation. JRéadapt

Med 1991 ; 11 : 63[73] Monet J. L’approche historique de la kinésithérapie. Kinési-

ther Scient 1996 ; 361 : 41-44

[74] Monet J. L’émergence de la formation du personnel soi-gnant. Kinésither Scient 1996 ; 355 : 43-53

[75] Montes F. Chronique historique : de la mise au travail despersonnes handicapées. Handicaps et Inadaptations. CahCTNERHI 1995 ; 65-66 : 181-188

[76] Novack TA, Richards JS. Coping with denial among familymembers. Arch Phys Med Rehabil 1991 ; 72 : 521

[77] Orentlicher D. L’affaire Cluzan, un problème éthique etlégal. JAMA [ed fr] 1990 ; 2 : 225-228

[78] Petit L. Le massage par le médecin.Paris : A Coccoz, 1885[79] Petrissans JL. Essai d’évaluation des activités d’un centre de

rééducation pour personnes âgées. [DESS de Gestion],Paris IX-Dauphine,1983

[80] Queran O, Trarieux D. Les discours du corps, une antholo-gie. Paris : Presses Pocket, 1993

[81] Rabourdin JP, Ribeyre JP. La rééducation en gériatrie. Paris :Les Éditions Synelog, 1980

[82] Ravaud JF, Didier JP, Aussilloux C, Ayme S. De la déficienceà la réinsertion. Paris : Les éditions de l’INSERM, 1997

[83] Role A. Georges Cabanis. Paris : Fernand-Lanore, 1994[84] Roques CF. Histoire du fauteuil roulant. In : Pélissier J,

Jacquot JM, Bernard PL éd. Le fauteuil roulant. Paris :Masson, 1997

[85] Roques CF. Pratique de l’électrothérapie. Paris : Springer-Verlag, 1997

[86] Roques CF. Scoliose et culture. In : Dimeglio A, HérissonCH, Simon L éd. La scoliose idiopathique. Paris : Masson,1996 : 433-436

[87] Sanchez J. Enjeux concrets et symboliques de l’accessibi-lité. In : Ravaud JF, Didier JP, Aussiloux C, Aymé S éd. De ladéficience à la réinsertion. Paris : INSERM, 1997

[88] Schilder P. L’image du corps. Paris : Gallimard, 1950[89] Seron X. Aphasie et neuropsychologie. Bruxelles :

Mardaga, 1979[90] SeronX, JeannerodM.Neuropsychologiehumaine.Liège :

Mardaga, 1994[91] Soubiran J, Soubiran B. Le diplôme d’État de psychoréédu-

cateur. Psychomotricité 1980 ; 4 : 82-85[92] Stiker HJ. Corps infirmes et sociétés. Paris : Aubier Montai-

gne, 1982[93] Tardieu G. Le dossier clinique de l’IMC. Cahier du cercle de

documentation et d’information. Paris, 39[94] Veltuer A, Lamotthe MJ. Les outils du corps. Paris : Neno

l-Gonthier, 1978[95] Viel E, Pierron G. Recherche et validation des actes de kiné-

sithérapie. Kinésither Scient 1997 ; 369 : 6-12[96] Ville I, Ravaud JF. Représentation de soi et traitement social

du handicap, l’intérêt d’une approche socio-constructiviste. Sci Soc Sante 1994 ; 12 : 7-30

[97] Wade DT. Measurement in neurological rehabilitation.New York : Oxford University Press, 1992

[98] Watzlawick P, Helmick J, JacksonDon D. Une logique de lacommunication. Paris : Éditions du Seuil, 1972

[99] Weygand Z. Les débuts de l’éducation des infirmes senso-riels. Handicaps et inadaptations. Cah CTNERHI 1990 ; 50 :5-25

[100] Wirotius JM. Un regard sur la rééducation fonctionnelleet sur la réinsertion sociale. Concours Méd 1984 ; 106 :35-40

[101] Wirotius JM. La sémiologie médicale et la rééducationfonctionnelle. J Réadapt Méd 1989 ; 9 : 3-4

[102] Wirotius JM. Interview du Dr M Maury. J Réadapt Méd1993 ; 13 : 75-79

[103] Wirotius JM. L’hospitalisation en médecine physique etde réadaptation aux USA. J Réadapt Méd 1997 ; 17 :76-77

[104] Wirotius JM. Le PMSI et les centres et services de MPR. JRéadapt Méd 1998 ; 18 : 2-3

[105] Wirotius JM, Petrissans JL. Les dépressions en réédu-cation fonctionnelle. J Réadapt Méd 1992 ; 12 : 53-57

[106] Wirotius JM, Petrissans JL. Les attentes de soins et lapersonne aphasique. In : Duche J, Gerard C eds. Lesentretiens d’orthophonie. Paris : Expansion Scientifiquefrançaise, 1998 : 40-50

[107] Wood PH. Comment mesurer les conséquences de lamaladie, la classification internationale des infirmités,incapacités et handicaps. Chronique OMS 1980 ; 34 :400-405

[108] Zucman E. Famille et handicap dans le monde. Paris :CTNERHI, 1982

Kinésithérapie Histoire de la rééducation 26-005-A-10

25