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Jacques Richard Christine Collette comptabilité générale système français et normes ifrs 8 e édition

04. Comptabilité générale

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  • Jacques RichardChristine Collette

    comptabilitgnrale systme franais et normes ifrs

    8e dition

  • Comptabilitgnrale

  • ComptabilitgnraleSystme franaiset normes IFRS

    Jacques RichardChristine Collette

    8e dition

  • Dunod, Paris, 2008ISBN 978-2-10-053576-7

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    TABLE DES MATIRES

    Introduction la 8e dition : les IFRS dj obsoltes ? XV

    PREMIRE PARTIETHORIE COMPTABLE

    QUEST-CE QUE LA COMPTABILIT ? 3

    Section 1 Une proposition de dfinition 3Section 2 Comparaison de la comptabilit avec dautres disciplines 5

    COMPTABILITS ET GOUVERNEMENTS DENTREPRISE 9

    Section 1 Les classes (daprs les systmes conomiques) 10Section 2 Les familles et sous-familles (daprs les modes de gouvernance) 14Section 3 Comptabilit et culture 28

    LES THORIES COMPTABLES 30

    Section 1 Les thories normatives traditionnelles 32Section 2 La thorie positive de la comptabilit 32Section 3 Comparaison et valuation des thories normative et positive 33Section 4 La thorie conditionnelle normative de la comptabilit 36

    LES PRINCIPES COMPTABLES ET LIMAGE FIDLE 38

    Section 1 Neutralit/subjectivit 40Section 2 Entit/unicit 43

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  • VI COMPTABILIT GNRALE

    Section 3 Comptabilit de caisse/comptabilit dengagement 44Section 4 Proprit/prminence de la substance 46Section 5 Sparation/unicit des priodes 47Section 6 Cots/valeurs 48Section 7 Rattachement/non-rattachement 49Section 8 Prudences/imprudence 50Section 9 Cot historique/cot rvalu 52Section 10 Continuit/mort 55Section 11 Permanence des mthodes 57Section 12 Les qualits de linformation comptable 58Section 13 La comptabilit la recherche de limage fidle 62

    ACTEURS SOCIAUX ET NORMALISATION COMPTABLE 65

    Section 1 Les acteurs sociaux 65Section 2 Linfluence des acteurs sociaux sur linformation comptable 76Section 3 La normalisation et le contrle comptable en France 78Section 4 La normalisation et le contrle comptable aux tats-Unis 86

    LA REPRSENTATION DU CYCLE DEXPLOITATION : MONISME ET DUALISME 91

    Section 1 Les objectifs principaux de la comptabilit et la ncessit du bilan 92Section 2 Lquation fondamentale du bilan 93Section 3 Le cycle dexploitation de lentreprise 95Section 4 Les deux grandes solutions techniques de la reprsentation

    du cycle dexploitation 96Section 5 Les problmes pdagogiques soulevs par la coexistence

    des deux solutions techniques 99

    LA COMPTABILIT MONISTE ANGLO-SAXONNE 101

    Section 1 La phase du financement 102Section 2 La phase de linvestissement 103Section 3 La phase de lapprovisionnement 104Section 4 La phase de lembauche du personnel 105Section 5 La phase de la production 106Section 6 La phase du stockage des produits finis 111Section 7 La phase de la vente 111Section 8 La phase du transport et de la commercialisation 114Section 9 La phase de lencaissement des crances et du rglement des dettes 116Section 10 La phase de la rpartition du rsultat dexploitation 117Section 11 La reprise du cycle 120

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  • Table des matires VII

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    LA COMPTABILIT DUALISTE FRANAISE 121

    Section 1 Les principes de la comptabilit gnrale franaise 121Section 2 Application des principes de la comptabilit gnrale franaise 124Section 3 La comptabilit analytique franaise 137

    LES OPRATIONS DANS LES COMPTABILITS MONISTESET DUALISTES 141

    Section 1 Le Grand Livre : dfinition et principes de fonctionnement 142Section 2 Le journal : dfinition et principes de fonctionnement 148Section 3 Application de la technique du Grand Livre la comptabilit moniste

    anglo-saxonne 149Section 4 Application de la technique du journal la comptabilit moniste

    anglo-saxonne 151Section 5 Application de la technique du Grand Livre et du journal

    la comptabilit gnrale franaise 153Section 6 Application de la technique du Grand Livre

    la comptabilit analytique franaise 156

    LA CODIFICATION DES COMPTES : MONISME ET DUALISME 160

    Section 1 Situation internationale 160Section 2 Les plans comptables franais et trangers 164

    LES COMPTABILITS EN VALEUR DE MARCH 170

    Section 1 Dfinition et objectifs fondamentaux 171Section 2 lments de terminologie 171Section 3 Comptabilit statique pure 173Section 4 La comptabilit statique prudente (CSP) 180Section 5 La comptabilit en juste valeur de lIASB est-elle une comptabilit

    en valeur de march ? 181Section 6 Le bilan statique 181Section 7 Le bilan patrimonial 182

    LES COMPTABILITS EN VALEUR-COT 184

    Section 1 lments historiques 185Section 2 Le concept dactif dans les comptabilits dynamiques 187Section 3 Lvaluation des actifs et des passifs dans les comptabilits dynamiques 188Section 4 Les variantes microconomiques et macroconomiques

    des comptabilits dynamiques 192Section 5 Le bilan dynamique et son utilisation 193

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  • VIII COMPTABILIT GNRALE

    LES COMPTABILITS FISCALES 195

    Section 1 Les rapports de connexion 196Section 2 Les rapports de dconnexion 197

    LES COMPTABILITS EN VALEURS DUTILIT 203

    Section 1 Principes de base de la comptabilit actuarielle 205Section 2 Comptabilit actuarielle, affectation et cration de valeur 209Section 3 Histoire (sommaire) du dveloppement de la comptabilit actuarielle :

    ses deux variantes 211Section 4 Les liens entre la comptabilit actuarielle

    et les autres comptabilits 211

    COMPTABILIT ET FINANCE 215

    Section 1 Examen des reproches adresss la comptabilit 215Section 2 La relation entre les diverses comptabilits 218

    LES CONCEPTS DACTIF ET DE PASSIF 222

    Section 1 Les concepts dactif 223Section 2 Les concepts de passif 224

    LES CONCEPTS DCART DACQUISITIONET DE FONDS COMMERCIAL 232

    Section 1 Quelle est la nature de lcart dacquisition ? 233Section 2 Faut-il amortir lcart dacquisition ? 239Section 3 La position de lIASB 241Section 4 La rglementation franaise 243

    LA COMPTABILIT ENVIRONNEMENTALE :UNE VRAIE RVOLUTION COMPTABLE ? 244

    Section 1 Identification et conservation du capital naturel 245Section 2 Identification et conservation du capital humain 246Section 3 Le problme de limputation de la charge environnementale 249Section 4 Le problme de la mise en place dune comptabilit

    environnementale 249Section 5 La question de lactualisation 250Section 6 La question de la fausse comptabilit environnementale 250

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  • Table des matires IX

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    DEUXIME PARTIELES FONDEMENTS IDOLOGIQUES

    DES RGLES IFRS

    LES CONCEPTS DE BASE DES IFRS 255

    Section 1 Le concept dactif dans les IFRS 255Section 2 Le concept de produit dans les IFRS 257Section 3 Le concept de rsultat dans les IFRS 259

    LES PRINCIPES DVALUATION DES IFRS RELATIFSAUX IMMOBILISATIONS CORPORELLES 261

    Section 1 valuation initiale 261Section 2 valuation ultrieure 261

    LES PRINCIPES DVALUATION DES IFRS RELATIFS AUX IMMOBILISATIONS INCORPORELLES 268

    Section 1 Les critres de dfinition des actifs incorporels :un troisime critre spcifique 269

    Section 2 Les critres de reconnaissance des actifs incorporels : un relchement tonnant 271

    Section 3 Les principes dvaluation lorigine : linsistance sur lvaluation la juste valeur dans le cas des fusions 272

    Section 4 La reconnaissance des actifs incorporels gnrs de faon interne(internally generated intangible assets) 274

    Section 5 Lvaluation ultrieure des incorporels reconnus 276Section 6 La nouvelle position de lIASB face au principe

    de lamortissement obligatoire 276Section 7 La nouvelle conception de lamortissement systmatique 279Section 8 Les tests de dprciation (impairment) relatifs

    aux immobilisations incorporelles 279Conclusion gnrale sur les immobilisations incorporelles 280

    LA DPRCIATION DES ACTIFS 281

    Section 1 Lexistence dindices de dprciation des actifs 281Section 2 Rechercher la valeur de vente nette (fair value less cost to sell)

    et faire un premier test 282Section 3 Rechercher la valeur dusage (value in use) 282Section 4 Conclure sur la ncessit de comptabiliser une dprciation 283Section 5 Modification ventuelle du plan damortissement 284Section 6 Le problme des actifs lis 285Section 7 Le problme du goodwill 286Section 8 Le problme des autres actifs non directement affectables des UGT 287

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  • X COMPTABILIT GNRALE

    LES DETTES FINANCIRES (EMPRUNTS) 288

    Section 1 Lenregistrement des emprunts selon les rgles applicables aux comptes individuels franais 289

    Section 2 La conception de lIASB 292Section 3 Linfluence des rgles de lIASB sur la comptabilit franaise 296

    LES PRINCIPES DVALUATIONDES IFRS RELATIFS AUX ACTIFS FINANCIERS 297

    Section 1 Nature du problme 297Section 2 lments schmatiques de lhistoire des actifs financiers 299Section 3 La problmatique de lIASB 301Section 4 Le cas des titres dtenus sur des socits contrles et associes 302Section 5 Une catgorie en voie de progression : les actifs financiers

    en juste valeur par pertes et profits 304Section 6 Deuxime catgorie : les placements dtenus jusqu lchance

    (held to maturity investments : HTM) 308Section 7 Troisime catgorie : les prts et crances mis par les entreprises

    (loans and receivables) 309Section 8 Quatrime (et dernire) catgorie : les actifs disponibles la vente

    (available for sale financial assets) 310Conclusion gnrale sur les actifs et dettes financiers 311

    TROISIME PARTIEIDOLOGIE DU CORPUS RGLEMENTAIRE

    FRANAIS

    LES TEXTES RGLEMENTAIRES FRANAIS 315

    Section 1 La hirarchie des sources rglementaires 316Section 2 Les diffrents textes 317

    CONCEPTION ET VALUATION DE LACTIF DANS LES COMPTES INDIVIDUELS FRANAIS 322

    Section 1 La conception de lactif dans les comptes individuels franais jusquen 2004 322

    Section 2 Lvolution en 2005 : vers un alignement partiel des rgles franaisesdes comptes individuels sur les rgles IASB 333

    Conclusion 338

    CONCEPTION ET VALUATION DU PASSIF 339

    Section 1 La situation antrieure en 1999 339Section 2 La position de lIASB 341Section 3 La nouvelle position franaise 343

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  • Table des matires XI

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    LES INVESTISSEMENTS CORPORELS 346

    Section 1 Les principes de comptabilisation des immobilisations corporelles dans les comptes individuels 346

    Section 2 Exemples de comptabilisation des immobilisations acquises 354Section 3 Les immobilisations produites par lentreprise 356Section 4 Principales diffrences subsistant par rapport aux normes IFRS 358

    LAMORTISSEMENT DES IMMOBILISATIONS CORPORELLES 359

    Section 1 Les conceptions dynamique, statique et actuarielle de lamortissement 360

    Section 2 La conception fiscale de lamortissement 363Section 3 La rglementation et la pratique de lamortissement en France

    dans les comptes individuels avant 2005 366Section 4 La comptabilisation des amortissements avant 2005 367Section 5 Lamortissement selon les normes IFRS 370Section 6 La nouvelle rglementation franaise en vigueur aprs 2005 371Section 7 Exemples dapplication de la nouvelle rglementation 376Section 8 Limpact des nouveaux principes de dprciation

    sur les amortissements 383Section 9 Tableau rcapitulatif 388

    LES CONTRATS DE LOCATION 389

    Section 1 Dfinition 389Section 2 Le problme comptable : aspects thoriques 390Section 3 La position de lIASB 393Section 4 La rglementation comptable franaise relative

    aux comptes individuels et consolids 395

    LES INVESTISSEMENTS INCORPORELS (TUDE DTAILLE) 397

    Section 1 Activation possible dans les comptes individuels (en immobilisations) 398

    Section 2 Inscription possible en charges rpartir dans les comptes individuels 402

    Section 3 Activation obligatoire dans les comptes individuels 405Section 4 Comparaison avec les normes de lIASB 411

    LES INVESTISSEMENTS FINANCIERS 416

    Section 1 Le concept de titre et sa diversit 417Section 2 Les titres de participation 418Section 3 Les autres titres immobiliss : les TIAP 421Section 4 Les autres investissements financiers 422

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  • XII COMPTABILIT GNRALE

    LES CESSIONS DACTIFS 424

    Section 1 Les cessions dimmobilisation non financires 425Section 2 Les cessions de titres de participation dans les comptes individuels 434Section 3 Les cessions de titres de placement dans les comptes individuels 436Section 4 Problmes spcifiques et rgles de consolidation 438

    LES ACHATS ET LES VENTES 440

    Section 1 Principes gnraux 440Section 2 La taxe la valeur ajoute 444Section 3 Les rductions sur achats et ventes 456Section 4 Les retours sur achats et sur ventes 461Section 5 Le problme des frais accessoires dachat 462Section 6 Les dcalages livraison-facturation 466Section 7 Cas particuliers 466

    LES STOCKS ET LES VARIATIONS DE STOCKS 469

    Section 1 Le contenu des stocks dans les comptes individuels 470Section 2 Lvaluation des stocks lentre dans les comptes individuels 472Section 3 valuation des sorties de stocks dans les comptes individuels 474Section 4 Lvaluation des stocks linventaire dans les comptes individuels 478Section 5 Lorganisation de linventaire 481Section 6 Rgles de consolidation et internationales 482

    OPRATIONS DE RGLEMENT ET PROVISIONS POUR DPRCIATION DE CRANCES 484

    Section 1 Le terme des rglements 484Section 2 Les modes de rglements 487Section 3 La comptabilisation des effets de commerce 492Section 4 tat de rapprochement bancaire 500Section 5 Les provisions pour dprciations des crances et autres valeurs

    terme 503

    LES ACTIFS FINANCIERS INVESTIS COURT TERME 506

    Section 1 Achat et cession de titres 506Section 2 Linventaire des titres de placement 508Section 3 La rglementation fiscale 510Section 4 Comparaison avec les normes IFRS 510

    LES COMPTES DE CHARGES ET DE PRODUITS 511

    Section 1 Le concept de charges et produits dans les comptes individuels 512Section 2 La codification des charges et des produits dans les comptes individuels 513

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  • Table des matires XIII

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    Section 3 Les comptes de charges dans les comptes individuels 514Section 4 Les comptes de produits dans les comptes individuels 525Section 5 Les comptes de charges et produits dans les comptes consolids 527

    LES SALAIRES ET TRAITEMENTS 528

    Section 1 La rmunration du personnel salari 531Section 2 Lenregistrement comptable de la rmunration du personnel salaari 533Section 3 Les charges sociales patronales assises sur les salaires 535Section 4 Le paiement des salaires et des cotisations sociales 537Section 5 Les autres charges sociales patronales 538

    PROVISIONS POUR RISQUES ET CHARGES 539

    Section 1 Les provisions pour risques 539Section 2 Les provisions pour charges 547

    LES RGULARISATIONS 550

    Section 1 Les rgularisations obligatoires 551Section 2 Les rgularisations facultatives et les rgularisations interdites 559Section 3 La situation en matire de comptes consolids 561

    LE BILAN 562

    Section 1 lments historiques 562Section 2 Le bilan franais actuel (comptes individuels) 564Section 3 Le bilan de lIASB (comptes consolids) 568

    LE COMPTE DE RSULTAT 571

    Section 1 lments historiques 571Section 2 Le compte de rsultat franais en 2004 des comptes individuels 572Section 3 Le compte de rsultat franais EN 2004 des comptes consolids 578Section 4 Le compte de rsultat en 2004 de lIASB 580Section 5 Lavenir du compte de rsultat franais des comptes individuels 581Section 6 Lavenir du compte de rsultat franais des comptes consolids 582Section 7 Vers un compromis pour le compte de rsultat consolid ? 582Section 8 Vers un rsultat global malgr les difficults ? 585

    LANNEXE 587

    Section 1 Nature et rle de lannexe 587Section 2 Principes directeurs de lannexe 588Section 3 Forme de lannexe 588Section 4 Les informations de lannexe 589Section 5 Lannexe selon les normes de lIASB 606

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  • XIV COMPTABILIT GNRALE

    MTHODES DE CONSOLIDATION ET MANIPULATIONS DES RSULTATS DES GROUPES 611

    Section 1 Pourquoi consolider ? 612Section 2 La rglementation actuelle franaise 613Section 3 Mthodologie et problmes de la consolidation 614Section 4 Lintgration globale des filiales contrles de manire exclusive 619Section 5 Les manipulations des rsultats des groupes 623Section 6 Vers la fin des ENRONS ? 628Section 7 La mise en quivalence des socits sur lesquelles

    sexerce une influence notable 629Section 8 Modles de bilans consolids 631

    Conclusion : vers un orgasme du capitalisme comptable ? 634

    Bibliographie 636

    Index 641

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    INTRODUCTION LA 8e DITION :LES IFRS DJ OBSOLTES ?

    Ne pas se rendre riche en ides et garder son crdit. Jacques Savary1 (1675)

    Contrairement ce que croit encore un large public et ce que veulent faire accroirela plupart des manuels de lenseignement technique la comptabilit nest pas unetechnique neutre mais un produit social et politique qui sert les intrts dungroupe ou de groupes dacteurs dominants : les modifications frquentes desconcepts de rsultat et des types dvaluation sont la consquence dune lutte entrediffrentes parties prenantes (cranciers, actionnaires, managers, salaris etc.) pourfaonner leur manire la reprsentation et la distribution de la richesse produitedans les entreprises.

    Mais la comptabilit nest pas seulement une rsultante passive daffronte-ments sociaux, cest aussi un instrument actif qui faonne de nouvelles idolo-gies, de nouvelles conceptions de la gestion et qui permet dobtenir certains rsultats(parfois inattendus) : en clair les choix comptables sont porteurs de consquencesidologiques et conomiques.

    Cette dialectique de la comptabilit qui est la fois un produit social et en mmetemps un moyen de faonner la socit est particulirement visible en ce tournant duXXIe sicle ; la situation actuelle, marque par la pntration des fameuses normesfinancires internationales 2 (IFRS International Financial Reporting Standards)

    1. Jacques Savary, auteur de Parfait ngociant et de la premire rglementation comptable aumonde sous Louis XIV.

    2. Pour une tude dtaille de cette question, voir Capron Les normes comptables internationalesinstruments du capitalisme financier , La Dcouverte 2005, et notamment les articles deM. Capron, E. Chiapello et B. Colasse.

  • XVI COMPTABILIT GNRALE

    va encore voluer ; certes, certains prsentent les IFRS comme un appareil thoriqueneutre qui, au terme dune longue qute du Graal, permettrait enfin dobtenir uneimage fidle de la ralit conomique ; en fait, comme tous les produitscomptables prcdents, les IFRS ne constituent notre avis quun choix parmidautres qui reflte les apptits de certaines sphres du monde capitaliste ; cesnormes seront sans doute balayes tt ou tard au profit dune nouvelle conception dela comptabilit.

    Mais ces affirmations sur la nature et lvolution de la comptabilit mritent quel-ques justifications.

    La comptabilit est le reflet de lvolution de la socit

    Lors de la 7e dition, en 2005, nous avions parl dune triple rvolution etdune contre rvolution de la comptabilit financire ; cette phase de lvolutionde la comptabilit capitaliste continue et lon peut en rsumer ainsi les principauxaspects.

    Ds la fin du XXe sicle les tats-Unis ont modifi progressivement, mais de faonimportante, leur type de comptabilit, abandonnant (partiellement) la vieille comp-tabilit en cot historique 1, au profit dune nouvelle comptabilit en justevaleur . Curieusement, cette rvolution comptable, qui permet dabandonner lessacro-saints principes de ralisation et de prudence, sest impose alors mme que lemonde amricain tait secou par des scandales, notamment celui dEnron : sansdoute correspondait-elle aux besoins du nouveau capitaliste financier amricainavide de profits court terme, mme non raliss.

    Une deuxime rvolution est intervenue peu aprs lorsque lorganisation IASC(devenue en 2002 lIASB), qui cherche harmoniser les normes comptables de tousles pays (sauf les tats-Unis) a pratiquement dcid, sous couvert de convergence , daligner lessentiel de ses principes comptables sur les rglesamricaines et notamment de prendre pour rfrence idologique le concept de juste valeur . Certains ont pu considrer que lIASC/IASB, aprs avoir au dbutde sa vie manifest certains signes dindpendance lgard du grand frre amricain, est devenue le cheval de Troie des normes amricaines

    La troisime rvolution, qui concerne plus spcifiquement lEurope, est survenueen 2002 lorsque, par un rglement du conseil du 19 juillet 2002 (JOCE du11 septembre 2002), lUnion Europenne a non seulement abandonn toute volontde continuer construire une rglementation comptable propre lEurope, mais a

    1. Selon le principe du cot historique, on ne peut pas comptabiliser de profit avant davoir vendu unemarchandise ; selon celui de la juste valeur on peut comptabiliser un profit (potentiel) si la justevaleur (le prix de vente potentiel) est suprieur au cot.

  • Introduction la 8e dition : les IFRS dj obsoltes ? XVII

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    dcid de confier lIASB le soin dlaborer les normes applicables lUnion Euro-penne en matire de comptes consolids (des groupes).

    Cependant, une sorte de contre-rvolution est apparue en 2003. En effet la rvolu-tion idologique conduite aux tats-Unis et suivie par lIASB ne suscite pas que desapprobations, y compris dans les milieux financiers. Les premires manifestationsde la rsistance de ces milieux sont venues de banques et de socits dassuranceeuropennes qui ont mis, propos de lintroduction du concept de juste valeur,deux critiques fondamentales (dont il est difficile dapprcier limportancerelative) :

    la juste valeur (qui tient plus compte que le cot historique des fluctuations dumarch) engendrerait une trop grande volatilit des performances ;

    la juste valeur, qui implique labandon du principe de prudence, conduirait unegestion risque.

    Ces critiques ont t relayes par le pouvoir politique. En aot 2003, JacquesChirac en personne crivit une lettre Romano Prodi stigmatisant leffet nfaste surlactivit conomique que pourrait avoir lintroduction de la juste valeur dans lesnormes comptables europennes. Tout ceci nest pas rest lettre morte. la surprisegnrale, en 2004, alors que lon pensait que laffaire des normes IFRS tait rgle,le Comit de Rgulation Comptable Europen (CRCE), cr pour superviser lintro-duction des normes IFRS dont on pouvait estimer quil jouerait un rle purementformel (approbation automatique) se prononait contre lintroduction des normesIAS 32 et 39, deux normes essentielles de la nouvelle philosophie de lIASB enfaveur de la juste valeur.

    Par la suite il y a eu des tractations entre lIASB et lUnion europenne qui ontabouti au rsultat suivant :

    lIASB a d revoir sa copie et modifier le texte de lIAS 39 pour restreindresensiblement le champ dapplication de la juste valeur en matire dvaluationdes actifs et passifs financiers : elle a d charcuter (carve out) ses normes !

    lIASB a d renoncer, pour le moment, prsenter une rglementation de la ques-tion de lvaluation des macro-couvertures une question qui concerne principale-ment les banques ( comment regrouper des prts et dettes lies, notamment cellesqui concernent les dpts vue pour faire un bloc de ressources nettes labri detrop grandes fluctuations de valeur ? ) Des ngociations ardues continuent entrelEurope et lIASB sous le regard des Amricains qui proposent leurs solutions.

    Il y a deux interprtations de ces vnements :

    une premire interprtation minimise les effets de la contre rvolution duCRCE : malgr son recul lIASB a pu introduire une dose de juste valeur et denouvelles conceptions du traitement des actifs qui drogent au principe du cothistorique (notamment en matire de goodwill) ;

    une deuxime interprtation insiste au contraire sur le fait que lIASB rencontre degrosses difficults dans la poursuite de son uvre idologique.

  • XVIII COMPTABILIT GNRALE

    La vrit se situe sans doute mi-chemin. Il est vrai que, contrairement leursdclarations de principe, en faveur dune optique prudentielle, les banques et lessocits dassurance ont accept que les principes de prudence (non-comptabilisa-tion de profits potentiels) et damortissement des investissements soit abandonnpour certaines catgories dactif (actifs financiers de trading et goodwill par exem-ple).

    Cependant, la restriction de loption juste valeur et le non-traitement de la ques-tion de la macro-couverture tmoignent dun vrai malaise de ces acteurs quiinfluence lvolution des normes internationales. En quelque sorte les banques et lessocits dassurance europennes sont prises entre deux feux :

    leurs apptits de profit les poussent accepter labandon du principe de prudence ;

    leurs craintes dune dtrioration de leur mode de gestion traditionnel encoretrs diffrent de celui des banques et socits dassurance anglo-saxonnes lespousse restreindre limpact des IFRS.

    Quoi quil en soit, comme laffirme P. Walton, le charcutage europen desnormes IFRS nest pas anodin : il perturbe considrablement non seulement lIASBmais galement la SEC amricaine qui soutient maintenant lIASB (P. Walton, Lacomptabilit anglo-saxonne, d. 2007, p. 35).

    Le lecteur ne doit dailleurs pas croire que seules les banques et les socitsdassurance sont gnes par la nouvelle philosophie de lIASB. De nombreusesenqutes montrent que beaucoup de groupes industriels nacceptent pas, dans leursprsentations des tats financiers, de mlanger, comme le demande lIASB, unrsultat ralis (celui de la comptabilit en cot historique) avec des profits poten-tiels (dcoulant de lapplication de la juste valeur). En clair, cest toute la dfinitiondu profit qui fait encore dbat.

    Toutes ces pripties montrent quune contre rvolution existe bien une chelleassez vaste et quil est encore trop tt de parler dun succs total de la nouvellephilosophie de lIASB qui ne concerne, au demeurant, que quelques normes parmiles quelque quarante proposes par lorganisme international et qui ne vise, dansnombre de pays europens, que les comptes consolids lexclusion des comptesindividuels : en dautres termes, la comptabilit en cot historique fait de larsistance !1

    1. Soulignons que certaines volutions proposes par lIASB, comme la mthode des composants,nont rien de rvolutionnaire et se situent dans le cadre du systme du cot historique : lIASBpropose des rgles trs htrognes dont seules certaines modifient le systme prcdent.

  • Introduction la 8e dition : les IFRS dj obsoltes ? XIX

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    La comptabilit faonne la ralit conomique et les idologies

    Contrairement ce quont pu avancer certains auteurs, limpact de lintroductiondlments mme limits de la juste valeur dans les normes IFRS relatives auxcomptes des groupes cots, semble considrable ; ltude la plus exhaustive qui a tralise ce jour en Europe montre que lors de lanne de passage aux normesIFRS, le rsultat des groupes franais tudis a augment de plus de 40 %1 ; ceci estd pour lessentiel la suppression de lamortissement systmatique du goodwill,une mesure lie labandon du systme du cot historique et son remplacementpar lidologie de la juste valeur actuarielle (voir le chapitre 14). Cette progressionconsidrable du rsultat renforce la thse de ceux qui pensent que ladoption desnormes IFRS et de lidologie de la juste valeur a beaucoup plus voir avec desquestions sordides de profit et de dividendes2 que de qute thre dune imagefidle. Dune manire frustre dailleurs il est ais de concevoir que quand on passedun systme de cot historique prudentiel (qui tient compte de toutes les pertespotentielles et exclut tous les profits potentiels tout en amortissant systmatiquementtous les investissements incorporels) un systme de la juste valeur (qui retient lesprofits potentiels et namortit plus certains incorporels) on ne peut quobtenir uneapparition plus rapide des profits.

    La juste valeur et les normes IFRS paraissent donc faites pour acclrer lappari-tion des profits y compris potentiels dans le cycle dinvestissement.3 Cette volutionest sans doute une consquence de la transformation du capitalisme vers un type financier o prime la ralisation de profits court terme. Mais, rciproquement,la transformation du modle comptable ne renforce-t-elle pas cette volution dumodle ? Prenons le cas, par exemple, de la fameuse affaire de la Socit Gnrale ;il est vrai que les banques nont pas attendu la permission de comptabiliser desprofits potentiels pour dvelopper leur activit de trading mais labandon du principede prudence ne contribue-t-elle pas encourager ce type dactivit spculative ?

    Ces banques ne devraient-elles pas en revenir aux prceptes de lillustre Savary(1675) qui demandait au parfait ngociant de ne pas se rendre riche en ides etde tout faire pour garder son crdit ?

    1. M. Boukari et J. Richard Les incidences comptables du passage des groupes franais cots auxIFRS , CCA, numro spcial sur les IFRS, 2008.

    2. On souligne parfois que les comptes de groupes ne servent pas dterminer les dividendes ; cecinest pas vrai aux tats-Unis (qui sont de fait le pays qui a impos au monde les IFRS) et savremme trs contestable en Europe, selon certaines tudes allemandes.

    3. Pour une explication historique de cette thse, voir : J. Richard Les trois stades du capitalisme comptable franais in Capron 2005 (op. cit.). Y. Ding, J. Richard, H. Stolowy. Towards an understanding of the phases of goodwill accounting

    in four Western capitalist countries : from stakeholder model to sharehoder model AccountingOrganisations and Society, (2008).

  • XX COMPTABILIT GNRALE

    Dune manire plus gnrale labandon du systme du cot historique et du prin-cipe de prudence ne conduit-il pas le systme devenir de plus en plus spculatif ?

    Ces aspects, il est vrai, sont rarement voqus par les acteurs eux-mmes quiprfrent gnralement insister sur le problme de la plus grande volatilit des rsul-tats (succession de hausses et de baisses quengendre invitablement lextension dela juste valeur1) mais ils doivent tre souligns.

    Les IFRS disparatront tt ou tard pour laisser la place un autre systme comptable

    Les IFRS paraissent dj obsoltes ; outre quils constituent dans leur ralitconcrte un ensemble de normes dsarticules qui mlangent des valuations tota-lement disparates (cot historique de lIAS 16 contre juste valeur de lIAS 39 parexemple), ce qui rend peu lisibles les rsultats des entreprises, leur principal dfautest daller lencontre des besoins fondamentaux du monde actuel. Nousvoulons parler ici des exigences dun nouveau type de gestion porteur dun dvelop-pement durable. Cette nouvelle gestion devrait ncessiter, comme nous lemontrons au chapitre 18 qui constitue une des nouveauts de cette dition2 denouveaux principes comptables, bass sur lconomie circulaire qui sont auxantipodes de ceux des IFRS et qui visent, notamment, supprimer la domination ducapital financier et de ses exigences de profit court terme, contraires la survie delhumanit.

    Conclusion

    Si la comptabilit nest pas une technique neutre, comment la prsenter ? Unauteur douvrage sur cette discipline peut-il lui-mme tre neutre ? Nous ne lepensons pas. Certains spcialistes, qui craignent, sinon la polmique, du moins lesdiscussions politiques , se rfugient dans des prsentations purement techniquesdes normes en vigueur ; mais en essayant dviter les problmes de fond, ils livrentleurs tudiants la toute puissance de lidologie qui engendre, un moment donnde lhistoire, les normes dominantes et ne forment pas des citoyens.

    1. Auparavant, on devait comptabiliser toutes les moins values potentielles (voir p. 64) ; maintenant lesplus values potentielles aussi ; do les fluctuations plus grandes des rsultats ; heureusement,estime Baudouin, prsident directeur de BNP Parisbas que la full market value (le passage lavaleur de march de tous les actifs et passifs), recommand par certains, na pas t retenu pourlintermdiation bancaire proprement dite. Il aurait provoqu de graves dsordres (InterviewLe Monde du 31/1/2008, p. 12).

    2. Mieux vaut tard que jamais ! Rendons hommage aux prcurseurs franais, commeEdmond Marques, Ren Labouze, Robert Christophe et Nicolas Antheaume qui ont dfendu etprsent cette approche il y a longtemps dj.

  • Introduction la 8e dition : les IFRS dj obsoltes ? XXI

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    Il nous parat prfrable dafficher un parti pris (en essayant bien sr de le justifier)et de compter sur le pluralisme des ouvrages et des enseignements pour laisserensuite le lecteur faire son choix comme tout animal politique .

    En outre, pour essayer de montrer aux lecteurs quil existe un vrai choix compta-ble, qui correspond un choix dordre politique, nous commenons cet ouvrage parune premire partie thorique (chapitres 1 18) o sont passes en revue diffrentesconceptions fondamentales (types purs pour reprendre une expression de MaxWeber) de la comptabilit. Nous soulignons que les IFRS ne figurent pas dans cettepremire partie ; contrairement certains auteurs qui prsentent les IFRS commeune espce de thorie, sinon, ce qui est pire, la seule thorie acceptable, les IFRS nesont pour nous quune pratique comptable au mme titre que le PCG (Plan Compta-ble Gnral). Cette pratique comptable, qui mlange plusieurs thories de la comp-tabilit, ne peut tre valablement tudie et value qu laune de thoriespralablement prsentes1.

    Fort de cette prsentation pralable des principaux modle comptables, ladeuxime partie (chapitres 19 la fin) tudie lidologie et les techniques dusystme comptable franais et des normes IFRS. Pour lessentiel ce livre sert debase linitiation la comptabilit lUniversit Paris Dauphine (environ 50 heuresde cours) associ un ouvrage dexercices corrigs publi galement chez Dunod.

    1. Idologiquement si ltudiant est persuad que le modle de rfrence est constitu par les IFRS,il devient un esclave dune certaine conception de la comptabilit parmi dautres au mme titreque ceux qui croyaient que le PCG tait toute la comptabilit : les IFRS sont le nouveau PCG !

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    THORIE COMPTABLENous commencerons donc cet ouvrage par la question la plus difficile, cest--dire

    la question pistmologique : quest-ce que la comptabilit ? (chapitre 1) ; cepremier chapitre permettra de montrer la diversit des types de comptabilits, diver-sit qui trouvera son explication dans linfluence des gouvernements dentreprise(chapitre 2).

    Les divers types de comptabilits seront structurs laide de thories comptables(chapitre 3) qui permettront de btir des principes comptables (chapitre 4).Lensemble de ces rflexions montrera la nature subjective de la discipline compta-ble, ce qui pose la question de linfluence des diffrents acteurs sociaux sur cettediscipline (chapitre 5).

    La reprsentation du cycle de lactivit conomique peut tre faite selon desmodalits diffrentes (chapitre 6) ; on examinera dabord, en sinspirant de lexem-ple des comptabilits dites anglo-saxonnes, le type moniste (chapitre 7) puis, ensappuyant sur lexemple de la comptabilit franaise (des comptes sociaux), le typedualiste (chapitre 8) ; les principes denregistrement des oprations (livres compta-bles) dans ces deux systmes comptables moniste et dualiste seront tudis au chapi-tre 9. On montrera, pour finir, les influences que peuvent exercer les deux systmesmoniste et dualiste sur la codification des comptes (chapitre 10).

    Ensuite, les problmes de lvaluation comptable seront abords en commenantpar ses aspects thoriques ; cet effet, nous utiliserons les enseignements de la tho-rie conditionnelle normative (voir le chapitre 3) pour identifier des types (purs) decomptabilits en fonction de diffrents objectifs.

    Nous distinguerons successivement les comptabilits en valeur de march ouencore statiques ou en juste valeur (chapitre 11), les comptabilits en valeur cot ou

  • 2 THORIE COMPTABLE

    dynamiques (chapitre 12), les comptabilits en valeurs fiscales ou fiscales(chapitre 13), les comptabilits en valeur dutilit ou actuarielles (chapitre 14).Ayant identifi ces types de comptabilit, nous nous interrogerons sur les rapportsentre comptabilit et finance (chapitre 15). Puis nous utiliserons lensemble de cesrflexions pour prsenter les diffrents concepts dactif, de passif (chapitre 16) enaccordant une attention particulire au concept dcart dacquisition (chapitre 17).

    Tous ces chapitres visent des types de comptabilit qui ne se proccupent que dela conservation du capital financier. Comme nous lavons dit en introduction, ledveloppement durable exige un dpassement de ces anciens types de compta-bilit pour adopter un nouveau type de comptabilit : la comptabilit environnemen-tale (chapitre 18).

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    1 QUEST-CE QUE LA COMPTABILIT ?

    es dfinitions donnes de la comptabilit sont extrmement nombreuses toutau long de sa longue histoire. De nos jours encore la controverse continue sur

    la nature de cette discipline.

    On avancera ici quelques lments de rflexion : dans un premier temps, onproposera une dfinition de la comptabilit permettant de poser quelques jalons surson identit ; dans un deuxime temps, on la comparera avec dautres disciplinesauxquelles elle a t longtemps associe. En conclusion, on essayera de lidentifieren tant que science ou technique.

    Section 1 Une proposition de dfinition

    Section 2 Comparaison de la comptabilit avec dautres disciplines

    UNE PROPOSITION DE DFINITION

    On dfinira la comptabilit comme un ensemble de systmes dinformationsubjectifs ayant pour objet la mesure de la valeur des moyens et des rsultats duneentit. Reprenons ces termes.

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  • 4 THORIE COMPTABLE

    1 Un ensemble de systmes dinformation

    La comptabilit est protiforme ; elle apparat sous la forme de divers systmesdinformation poursuivant des objectifs diffrents (voir le chapitre 2).

    2 Des systmes dinformation subjectifs

    Le qualificatif subjectif ne signifie pas que la comptabilit ne puisse pas se rappro-cher dune reprsentation correcte de la ralit ; il signifie que cette reprsentationde la ralit est faite pour le compte dun sujet. Lhistoire de la comptabilit montreque les objectifs et les traits fondamentaux dun systme dinformation dunepoque et dun pays donn sont dtermins par lacteur conomique qui dtient lepouvoir dans ce pays cette poque ; on montrera ainsi que les concepts de cots etde rsultat ont vari considrablement selon les systmes conomiques ; cette volu-tion ne signifie pas que le cot dun bien nexiste pas 1, mais quil existe pour unsujet donn et quil est en cela subjectif.

    Lexistence dun acteur dominant sur la scne comptable ne signifie pas que, saufdans les rgimes autocratiques, la totalit du systme comptable soit dessine par cetacteur ; dans les rgimes dmocratiques des contre-pouvoirs sexercent et leursreprsentants obtiennent gnralement des concessions et des informations compta-bles conformment leurs souhaits.

    3 Des systmes ayant pour objet une mesure de la valeur

    Pour dterminer les moyens et les rsultats dune entreprise, la comptabilit estoblige de sommer des objets diffrents (machines, constructions, stocks, argent).Cette sommation ne peut seffectuer en quantit et doit sexprimer en valeur.

    Comme le souligne C. Simon (2000), il y a plusieurs valeurs comptablespossibles ; la juste valeur chre lcole moderne amricaine et lIASBnest que lune de ces valeurs et nest pas plus juste que les autres valeurs : leconcept de valeur utilis en comptabilit est multiforme ; pour lessentiel, il dpenddes pouvoirs dominants et des contre-pouvoirs (voir le chapitre 2).

    4 Une mesure de la valeur des moyens et des rsultats

    Toute action humaine est dirige vers des buts et sexprime avec des moyens. Lacomptabilit valorise ces moyens et ces buts aussi bien sous une forme prvision-nelle (comptabilit prvisionnelle) que passe (comptabilit historique).

    Comme les concepts de valeurs, les concepts de moyens et de rsultats sontsubjectifs et dpendent du jeu des pouvoirs et des contre-pouvoirs.

    1. Pour reprendre le titre dun article de Le Lous (1983) se rfrant aux travaux de Riveline (1973).

  • Quest-ce que la comptabilit ? 5

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    5 Les moyens et les rsultats dune entit

    Le terme entit est trs large : il peut concerner une micro structure comme unefamille (le paterfamilias romain tenait dj, dit-on, sa comptabilit en partiesimple), ou une multinationale gigantesque ; il peut concerner une entit prive oupublique, etc.

    COMPARAISON DE LA COMPTABILITAVEC DAUTRES DISCIPLINES

    La comptabilit a t lie de nombreuses disciplines : traditionnellement, lamathmatique, la statistique, au droit, lconomie ; plus rcemment, lhistoire, la sociologie et la science politique.

    1 Comptabilit et mathmatique

    Le fondateur (ou tout au moins lun des fondateurs) de la comptabilit en partiedouble est le mathmaticien Paccioli (1494). Malgr cette parent, la comptabilit,si elle utilise la mathmatique (avec des oprations gnralement simples), nestvidemment pas une science mathmatique : les quations utilises par les compta-bles nont pas pour objet de formuler des raisonnements mathmatiques mais, plusprosaquement, de reprsenter les moyens et les rsultats des entits tudies. Onnotera, dailleurs, quen matire comptable, le plus difficile nest pas dadditionnerles valeurs, mais bien de les concevoir.

    2 Comptabilit et statistique

    La comptabilit valorise alors que la statistique peut se contenter de quantits ; lacomptabilit essaye de saisir lensemble des moyens et des rsultats dune entit, lastatistique peut se contenter de prsenter certaines donnes de cet ensemble. Cesdeux disciplines bien que voisines sont diffrentes.

    3 Comptabilit et droit

    Dans un livre clbre, Pierre Garnier (1947) a dit que la comptabilit est lalgbredu droit1. Sil est vrai que la comptabilit a t trs souvent et reste toujours inspirepar des juristes, on ne peut pas dire quelle se confonde avec le droit :

    1. La formule complte est la comptabilit, algbre du droit, mthode dobservation des sciencesconomiques .

    Section

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  • 6 THORIE COMPTABLE

    la comptabilit peut exister en dehors de toute rgulation : dans beaucoup de pays,le droit ne sintresse qu certaines formes de comptabilits et dlaisse les autres.On peut montrer cet gard que cette tendue de la rglementation varie selon lessystmes conomiques (voir le chapitre 2) ;

    ajoutons que, quand elle existe, cette rglementation de la comptabilit estmultiforme : le droit anglo-saxon de la comptabilit nest ni le droit franais ni ledroit allemand ; lintrieur dun mme pays, il peut y avoir plusieurs droitscomptables : droit fiscal comptable, droit des comptes consolids, etc.

    Bref, disons que le droit peut sintresser la comptabilit (ou plutt aux compta-bilits1) mais quil ne se confond pas avec elle.

    4 Comptabilit et histoire

    Lhistorien peut videmment sintresser la comptabilit et on doit souligner queltude de lhistoire de la comptabilit est fondamentale pour comprendre la naturede cette discipline. Mais lhistoire de la comptabilit nest videmment pas la comp-tabilit, pas plus que lhistoire des mathmatiques la mathmatique.

    5 Comptabilit, sociologie et politique

    Tant que les systmes comptables ont t confins dans leurs pays respectifs,les motifs dune interprtation socio-politique de la comptabilit ont t rares. Onpeut dire que ltude systmatique des relations entre les systmes conomiques etsociaux et la comptabilit (il vaudrait mieux dire les comptabilits) nest apparueque dans le troisime tiers du XXe sicle. Maintenant, cest une chose courante dedire que les diverses comptabilits sont en relation avec les gouvernements dentre-prise (pour reprendre une expression la mode).

    La comptabilit est donc devenue un objet de lanalyse socio-politique ; mais onpeut dire aussi que la comptabilit est un instrument de la politique. Nous verronsque les concepts de rsultat dpendent pour lessentiel des acteurs sociaux qui ont lepouvoir un moment donn dans un pays donn. Mesurer ce rsultat laide dunecomptabilit nest videmment pas seulement un acte de mesure (indispensable aucontrle de lacteur dominant de son efficacit), mais aussi le moyen dimposer auxacteurs domins son interprtation du monde (Weltanschauung) : la comptabilit estdonc un instrument doppression politique dautant plus dangereux quil parat

    1. Le fait quil existe des droits comptables diffrents rend obsolte lexpression conceptionjuridique de la comptabilit : il ny a pas de conception juridique de la comptabilit, cest unmythe.

  • Quest-ce que la comptabilit ? 7

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    naturel1 ; heureusement, il est vrai, dans les dmocraties, des contre-pouvoirsapparaissent : ils peuvent sinsinuer dans la pense comptable dominante et jouer unrle dantidote.

    6 Comptabilit et conomie

    Le lecteur aura remarqu que nous avons gard pour la fin lconomie. De toutesles disciplines, lconomie est sans doute celle qui se rapproche le plus de lacomptabilit :

    comme la comptabilit, lconomie se proccupe de mesurer la valeur et les rsul-tats dentits ;

    comme la comptabilit, lconomie doit tenir compte des divers systmes sociauxpour adapter ses conclusions ces systmes.

    Il est vrai que le comptable est parfois li par des rgles dvaluation (fiscales,par exemple) qui nont rien voir, le plus souvent, avec des valuations conomiques ; mais la comptabilit fiscale nest que lune des comptabilitsrglementes et les comptabilits rglementes ne sont pas toutes lescomptabilits ; certaines comptabilits, quelles soient rglementes ou non, ontbien pour objectif, comme lconomie, de mesurer des rsultats conomiques(si lon entend par ces rsultats, des rsultats qui mesurent les performances desunits conomiques, cette mme notion de performance pouvant faire lobjetdinterprtations trs diffrentes)2, 3.

    Il est vrai, cependant, quon peut soutenir que lconomie fait un travail derflexion sur les concepts (de valeur, par exemple) qui est ensuite utilis par lescomptables : lconomiste rflchit, le comptable applique. Mais cette vision, est notre avis, errone. Dans son travail quotidien, le comptable est lui aussi obligde forger des concepts pour reprsenter la matire sur laquelle il travaille : leconcept de maintien du capital, par exemple, a fait lobjet dune analyse extrme-ment prcise de la part des comptables dont les conomistes peuvent se servir. Onsait, ce sujet, que les relations entre les deux disciplines sont constantes 4, 5.

    1. En gnral, les manuels techniques de la comptabilit ne prsentent que la version comptable enusage dans un pays, un moment donn ; dans ce cadre, ltudiant na aucune chance de percevoir larelativit des systmes comptables.

    2. Dans une vision large, la fiscalit fait aussi partie de lconomie.3. La comptabilit dite analytique ou de gestion (voir notamment Bouquin, 2000 ; Burlaud et Simon,

    2000 ; Lebas, 1996 ; Mevellec, 1995 ; Pesqueux et Martory, 1995), est lune des branches de lacomptabilit qui se destine tout particulirement la mesure de la performance.

    4. Il est classique de dire que Ricardo et Marx ont trouv certaines sources dinspiration chez lescomptables ; Proudhon a pu dire que le vritable conomiste est le comptable auquel une coteriede faux littrateurs a vol son titre . Plus srieusement, et plus rcemment, les uvres de IrvingFischer sont truffes de rfrence des travaux de comptables.

    5. Il est symptomatique qu laube du XIXe sicle, lun des thmes majeurs de la rflexion comptablesoit celui de valeur et comptabilit (voir la bibliographie).

  • 8 THORIE COMPTABLE

    Il est vrai quon pourrait soutenir que lconomiste serait plutt un macrocono-miste tandis que le comptable est un microconomiste ; cette vision est doublementfausse : lconomiste comme le comptable (qui peut tre un comptable national )peuvent sintresser aussi bien la microconomie qu la macroconomie.

    Il est vrai quon entend dire que lconomiste tablit des lois dquilibre delconomie tandis que le comptable se contente de mesurer. L encore, cette visionest rductrice. Le comptable, principalement celui qui se soucie de la mesure delefficacit (et de la solvabilit) dune entit, doit rflchir (mme sil nest pas leseul le faire) la conception de cette efficacit avant de mettre en place les moyensde mesure appropris.

    En rsum, une partie de la comptabilit, mais pas toute la comptabilit, peutsapparenter lconomie.

  • 2 COMPTABILITS ET GOUVERNEMENTS DENTREPRISE

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    1 2es systmes comptables3 sont extrmement (tonnamment mme) divers dansle temps (perspective historique) et dans lespace (perspective gographique).

    Depuis 1960 environ, les spcialistes des comparaisons internationales ont essaydexpliquer les causes de cette diversit des systmes comptables et de les classer4.Selon les propositions les plus rcentes et les plus labores, les causes principalesde la diversit des systmes comptables et la base de leur classement pourraient treles modes de financement des entreprises (Nobes, 1998) ou la culture des diffrentspays (Gray, 1988).

    Sans mconnatre linfluence de ces facteurs, nous pensons quils jouent un rlesecondaire (voir infra sur le problme de linfluence de la culture) et quil fautaccorder aux systmes conomiques et politiques ainsi quaux gouvernementsdentreprise (ou modes de gouvernance) en usage dans les pays diverses poquesun rle primordial.

    On montrera donc que les systmes comptables peuvent tre regroups en classesprincipales en fonction des systmes conomiques ; que les classes principales sesubdivisent en familles en fonction du systme politique en vigueur ; que ces

    1. Ces lments drivent largement dune interprtation dune structuration des comptabilits prsen-te par J. Richard (1996).

    2. La lecture de ce chapitre est dlicate sans certaines connaissances qui figurent aux chapitres 11 15.3. Par systme comptable, on entend un ensemble de principes (rglements ou non) qui dictent la

    construction des comptabilits.4. Le pionnier en la matire est Mueller (1967).

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  • 10 THORIE COMPTABLE

    familles se subdivisent leur tour en types, en fonction du mode de gouvernancechoisi.

    Dans un premier temps (partie thorique), on essayera de montrer que lesconcepts et les principes directeurs des systmes comptables (concept de rsultat,conception de la prsentation du compte de rsultat, principes dvaluation, principedorganisation) se dduisent des modes de gouvernance choisis ; puis, dans undeuxime temps, dans une analyse la fois historique (depuis 1900 jusqu 19961)et gographique, on essayera de classer les comptabilits de quelques grands paysindustrialiss (accompagne de petits particulirement intressants) en fonctionde leurs aspects dominants. Lensemble des rsultats de lanalyse est donn dans lafigure ci-contre.

    Section 1 Les classes (daprs les systmes conomiques)

    Section 2 Les familles et sous-familles (daprs les modes de gouvernance)

    Section 3 Comptabilit et culture2

    LES CLASSES (DAPRS LES SYSTMES CONOMIQUES2)

    Trois grands types de systmes conomiques2 ont exist au cours du XXe sicle :les systmes capitaliste, sovitique3 et autogestionnaire (dont les chefs de file ido-logiques, pour ce qui est des tats, ont t respectivement les tats-Unis, lex-URSSet lex-Yougoslavie).

    Il est assez ais de montrer, grce une tude comparative des systmes comp-tables des pays reprsentatifs de ces trois systmes conomiques, que leurssystmes comptables diffrent sur de trs nombreux points : on peut donc subo-dorer lexistence de systmes comptables capitalistes, sovitiques et autoges-tionnaires. Cependant, lobservation montre quil existe aussi des diffrencesnotables entre les comptabilits de pays appartenant un mme systmeconomique : on verra, par exemple, que, dans le cadre des pays membres du

    1. La date de 1996 correspond la publication des FAS 105 et 107 qui, notre avis, entranent un chan-gement considrable dans le type de comptabilit prvalant aux tats-Unis ; les FAS 105 et 107 ontensuite influenc les normes IAS 32 et 39.

    2. Un systme conomique est dfini ici en fonction du pouvoir ; lacteur dominant dans un universdactivits dfinit un systme conomique.

    3. La dnomination du pays le plus reprsentatif de ce systme est lUnion des Rpubliques socialistessovitiques ; comme le terme socialisme est utilis par certains partis des pays capitalistes dans uneacception qui na rien voir avec celle du socialisme sovitique, nous utiliserons dsormais le termesovitique en lieu et place de socialiste sovitique.

    Section

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  • Comptabilits et gouvernements dentreprise 11

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  • 12 THORIE COMPTABLE

    systme capitaliste, les comptabilits allemande et amricaine, en 1990, taienttrs diffrentes. On verra galement que les comptabilits capitalistes voluentconstamment en fonction de la monte en puissance de certains acteurs sociaux :lapparition de la comptabilit en juste valeur fournit un bon exemple.

    Ds lors, une question fondamentale se pose : quel est llment, le critre fonda-mental, qui permet daffirmer que tel ou tel pays a (ou a eu) un systme comptablecapitaliste. Le critre retenir, notre avis, est celui du concept de rsultat1 appa-raissant au compte de rsultat2 : lhypothse est que lagent conomique qui a lepouvoir (qui domine) dans un systme conomique donn, faonne le systmecomptable (et donc le compte de rsultat) de faon faire apparatre en priorit son rsultat, calcul selon sa propre vision de la ralit conomique.

    Si cette hypothse est valable, le concept de rsultat devrait varier selon les syst-mes conomiques de la faon suivante :

    dans les systmes capitalistes, o le pouvoir dominant dans lentreprise appartient,en rgle gnrale, aux propritaires privs apporteurs de capitaux propres3 (et nonaux prteurs ou au personnel) le rsultat comptable devrait mesurer le rsultat deces propritaires privs ;

    dans les systmes de type sovitique o le pouvoir appartient, en gnral, unebureaucratie dtat, le rsultat comptable devrait reprsenter la ponction devaleur que cette bureaucratie prlve sur les entreprises ;

    dans les systmes autogestionnaires o le pouvoir appartient, en principe, aupersonnel, le rsultat comptable devrait mesurer lensemble des rmunrations quireviennent au personnel de lentreprise.

    Cette hypothse est valide par lobservation des comptes de rsultat4 amricain,sovitique et yougoslave tels quils se prsentaient vers 19805.

    Pour dterminer le rsultat dune entreprise au cours dune priode donne, ilfaut prendre les produits (en pratique les ventes) et en dduire les charges, cest--dire les consommations de matires, de services, etc.) qui ont permis dobtenir cersultat.

    Le problme est que, selon la philosophie qui anime les diffrents systmes cono-miques, le concept de charges est diffrent.

    1. Par concept de rsultat, on entend ici les lments qui le composent et non leur valuation (voir infrapour plus de prcision).

    2. Comme son nom lindique le compte de rsultat est un document qui indique le rsultat dune entreprise.3. Les capitaux propres comprennent le capital, au sens comptable du terme, et les rserves (voir le

    chapitre 42).4. Ces comptes sont prsents de faon particulire pour les rendre comparables et lisibles par un

    lecteur dbutant : ils ne correspondent pas strictement leur apparence relle (par exemple, les char-ges aux USA et en URSS sont classes par fonction et non par nature, mais ils respectent, du pointde vue du contenu, lessentiel.

    5. Cette comparaison est base sur les travaux de J. Richard (1980 et 1983).

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    Certes, les trois systmes saccordent tous sur le point que les consommations dematires, de services (rparations, par exemple) et damortissement (usure desmatires, par exemple) sont des charges ; mais pour le reste, cest--dire le traite-ment des rmunrations du personnel, du paiement des intrts aux banques et dupaiement des impts ltat, il en va trs diffremment.

    Dans la comptabilit amricaine, le rsultat est celui qui revient aux (seuls) appor-teurs de capitaux propres privs : il faut donc, logiquement, exclure du rsultat,cest--dire inclure dans les charges, les rmunrations (salaires) du personnel, lesintrts verss aux banques et les impts pays ltat.

    Dans la comptabilit sovitique, le rsultat est celui qui revient ltat : il ne fautdonc pas dduire de ce rsultat (inclure dans les charges) les intrts verss par lesentreprises aux banques (toutes tatises) et les impts pays : dans les deux cas, ilsagit bien de formes diverses du revenu de ltat.

    Dans la comptabilit autogestionnaire yougoslave, le rsultat est celui qui revientau personnel de lentreprise. Le solde du compte de rsultat montre donc ce quirevient au personnel aprs dduction des charges dimpts (prlvements de ltatFdral) et des charges dintrts (seul type de rmunration du capital admisdans ce systme) : les salaires ne sont donc pas des charges mais des bnfices 1.

    Une tude gnrale historique et gographique (Richard, 1999) permet daffirmerque :

    tous les pays se rclamant du systme sovitique ont agenc leur comptabilit defaon faire apparatre en rsultat le revenu de ltat ;

    Tableau 2.1 Comptes de rsultat

    Produits

    Compte de rsultat amricain

    Compte de rsultat sovitique

    Compte de rsultat yougoslave

    VENTES VENTES VENTES

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    - Charges de matires- Charges de services- Charges de personnel- Charges damortissement- Charges dintrts- Charges dimpts

    - Charges de matires- Charges de services- Charges de personnel- Charges damortissement

    - Charges de matires- Charges de services- Charges damortissement- Charges dintrts- Charges dimpts

    = Rsultat = Rsultat = Rsultat

    1. On peut considrer que le rsultat, dans ce systme comptable, est une sorte de valeur ajoute nette(aprs amortissement) vendue (et non produite) aprs dfalcation des intrts et des impts. Dans lalogique des organisations de base de travailleurs associs (OBTA) de la Yougoslavie autogestion-naire, lAG du personnel devait dcider elle-mme du sort donner cette richesse cre : distribu-tion de rmunrations (qui faisaient, heureusement, lobjet davances mensuelles) ou mise enrserve. (J. Richard, 1983).

  • 14 THORIE COMPTABLE

    tous les pays capitalistes, (o la proprit prive des moyens de production a ttotalement ou largement conserve) ont agenc leur systme comptable de faon faire apparatre en rsultat le revenu des apporteurs de capitaux propres.

    Certains spcialistes (notamment Mueller, 1967) ont voulu rapprocher laFrance de lex-URSS du fait que ces deux pays utilisaient des comptabilitsextrmement standardises ( laide de plans comptables). Un tel rapprochementrepose sur des critres secondaires : sen tenir au concept de rsultat, fonda-mental en la matire, jamais le systme comptable franais des entreprises, mmeau plus fort de la priode de linfluence tatique, (voir infra), na admis leconcept de rsultat en vigueur en URSS : la conception des plans comptablesfranais (depuis 1945) a toujours t celle de la mesure du rsultat des propritai-res privs. Certes, nous montrerons que le compte de rsultat classique franaisdiffre fortement de son homologue amricain ; mais il diffre sur des pointstenant des problmes dvaluation ou de prsentation et non sur le plan duconcept de rsultat : de ce point de vue, la France et les tats-Unis appartiennent la mme classe comptable.

    Les dveloppements prcdents permettent de tirer les conclusions suivantes :

    premirement, le concept de rsultat est subjectif1 : il dpend du sujet, cest--diredu matre pour lequel la comptabilit est tablie ;

    deuximement, le concept de rsultat choisi permet didentifier la naturefondamentale dun systme comptable et la classe laquelle il doit tre rattach.

    LES FAMILLES ET SOUS-FAMILLES(DAPRS LES MODES DE GOUVERNANCE)

    Dans la dernire dcennie du XXe sicle, des tudes, avives sinon suscites par lachute de lURSS, ont mis en vidence que le capitalisme pouvait prsenter des visa-ges trs diffrents selon les tats : cest ainsi quun des ouvrages pionniers en lamatire a pu opposer le capitalisme rhnan au capitalisme anglo-saxon 2.

    Lide sest donc fait jour quil fallait diffrencier, au sein de la zone capitaliste,plusieurs grandes familles aux caractristiques propres.

    Lun des lments nodaux qui ont permis cette diffrenciation a t lobservationdes modes de gouvernance (ou de gouvernement) des entreprises, cest--dire de lamesure dans laquelle les diffrentes parties prenantes de lentreprise (apporteurs de

    1. Le terme subjectif ne signifie pas ici que le rsultat est approximatif ou arbitraire mais quil dpenddun sujet (dominant).

    2. Voir M. Albert (1991).

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    capitaux propres, cranciers, salaris, organes de contrle de ltat, etc.) exercent unpouvoir ou une influence sur lentreprise.

    Ltude comparative des modes de gouvernance des entreprises a rvl des diff-rences trs importantes entre certains pays du bloc capitaliste du point de vue delexercice du pouvoir.

    Ds lors, une question se pose concernant lobjet de ce livre : dans la mesure o lacomptabilit est un systme dinformation qui, comme tout systme dinformation, estun lment de lexercice du pouvoir, lexistence de plusieurs conceptions de lexer-cice du pouvoir (capitaliste) au sein de lentreprise na-t-elle pas pour consquenceinluctable une pluralit de conceptions du systme dinformation comptable ?

    Nous allons montrer quil en est bien ainsi. Pour faire cette dmonstration, il nousfaudra dabord identifier les principaux modes de gouvernement des entreprisescapitalistes avant de pouvoir rattacher ces modes de gouvernement des types decomptabilits fondamentaux.

    1 Les principaux modes de gouvernance capitalistes

    On procdera en deux temps : on prsentera dabord des modes de gouvernancegnraux regroups par famille puis on affinera lanalyse pour identifier des modesde gouvernance plus particuliers regroups en sous familles.

    1.1 Les modes de gouvernance gnraux (familles politiques)

    Ils seront identifis en prenant pour critre la conception gnrale de lentreprisequi est propose dans un pays donn ; lhistoire montre que cette conception peutfortement varier. Au prix de quelques simplifications, on peut distinguer uneconception librale , une conception sociale (ou socio-dmocrate) et uneconception dirigiste de lentreprise.

    La conception librale

    Selon cette conception, lentreprise est considre comme un nud de contratspasss entre les propritaires (les fondateurs ou leurs successeurs) et les autres partiesprenantes de lentreprise (cranciers, salaris pour lessentiel). Les parties prenantessont libres, do la terminologie conception librale , dorganiser leurs rapportsselon leur bon vouloir, sous rserve de quelques restrictions dordre public extrme-ment gnrales. Le rle de ltat se limite assurer le respect des contrats (tribunaux)et ventuellement rguler les situations de graves crises (faillites principalement).

    Lhistoire montre que cette conception sest impose principalement dans despays o les entrepreneurs privs nont pas rencontr dopposition substantielle lexercice de leur pouvoir. De fait, la conception librale correspond une situationo les propritaires de lentreprise ou leurs reprsentants (managers) se rservent

  • 16 THORIE COMPTABLE

    lessentiel des prrogatives du pouvoir dans lentreprise. Les contre-pouvoirs,lorsquils existent, viennent gnralement de cranciers et sexercent le plus souventdans des situations particulires : cas des faillites, par exemple.

    La conception sociale

    Selon cette conception, lentreprise est considre dabord comme une institutiondont les rgles fondamentales sont rgies par ltat ; la libert contractuelle, cest--dire, en fait, la libert daction des entrepreneurs est freine par un ensemble decontraintes lgislatives dont la teneur varie selon les types de gouvernance (voirinfra) : la libert contractuelle sinscrit dans une institution fortement charpente.

    Cette vision de lentreprise sest principalement dveloppe en Europe, notam-ment en Allemagne et en France, une priode bien prcise, celle qui suit laSeconde Guerre mondiale. cette poque, dans bon nombre dtats europens de lazone libre (non communiste), le patronat se trouve en grandes difficults(faiblesse) face aux organisations ouvrires qui voient leurs forces politiques etsyndicales prendre une ampleur considrable1. Dans ce contexte, qui lui est peufavorable, le patronat doit faire des compromis et accorder le plus souvent sesadversaires (les organisations ouvrires pour lessentiel) des droits dinformationsur la vie de lentreprise et des droits de codcision dans certains domaines. Danscertains pays, ces concessions peuvent aller jusqu la perte de tout droit de dcisiondans certaines entreprises (entreprises nationalises).

    En gnral, les ngociations du patronat avec les organisations ouvrires seffec-tuent sous la houlette de ltat, qui joue un rle de facilitateur ou dincitateur, et lesconcessions quil fait sont enracines, la demande mme de ses adversaires, dansdes documents juridiques de premier ordre : lois sur les socits, codes du travailetc ; ainsi nat lapproche institutionnelle de lentreprise.

    La conception dirigiste

    certaines priodes de son histoire, le capitalisme a pu prendre des formes extr-mement autoritaires ; ces priodes concident en gnral avec la prise du pouvoir pardes forces dextrme droite dans un contexte de crise grave morale ou/et conomi-que dune nation. Une conception dirigiste de lconomie peut alors apparatre qui ades consquences en matire dorganisation de la comptabilit.

    1. La faiblesse du patronat est due principalement son rle pendant la Seconde Guerre mondiale (soitquil ait collabor, au moins partiellement avec loccupant, soit quil ait appuy financirement etpolitiquement des dictateurs belliqueux) et au dclin des partis politiques traditionnels (gnra-lement de droite ou du centre) qui graient les pays concerns avant la Seconde Guerre mondiale.

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    1.2 Les modes de gouvernance particuliers

    Chacune des grandes familles, cest--dire des systmes socio-politiques noncsprcdemment, a produit diffrentes variantes. Ces variantes sont lies des typesde conception du gouvernement de lentreprise (ou de gouvernance dentreprise).Nous prsenterons successivement les variantes de la famille librale puis celles dela famille socio-dmocrate1.

    Les variantes de la famille librale

    On peut distinguer deux principales variantes : les variantes entrepreneuriale etactionnariale.

    La variante entrepreneuriale : dans cette conception, qui est la plus ancienne, lepouvoir appartient un nombre restreint (voire rduit lunit) dentrepreneurs2. Lacontrepartie de cette concentration du pouvoir, est la ncessit de recourir, le caschant, lors de lexpansion de lentreprise, laide des cranciers qui assurent unfinancement complmentaire. Lorsque ces cranciers sont assez puissants, ilspeuvent imposer, en contrepartie de leur abandon de toute participation la marchede lentreprise, la responsabilit illimite des entrepreneurs, cest--dire, pour cesderniers, en cas de faillite, lobligation de devoir rpondre non seulement sur lesbiens quils ont investis dans lentreprise, mais aussi sur leurs biens personnels.

    Il subsiste lheure actuelle de larges rsidus de cette conception : citonsnotamment les cas des entreprises individuelles pures et des socits en nom collec-tif (principalement).

    La variante actionnariale : pour pouvoir augmenter la masse de financement sta-ble dont dispose lentreprise, le systme capitaliste a d attirer de nombreux pro-pritaires bien au-del de la (mince) couche des entrepreneurs : ainsi sont nes lessocits par actions et, du coup, la variante actionnariale .

    Le problme, cest que la venue de cette nouvelle couche de capitalistes sestaccompagne dune transformation radicale du capitalisme libral : pour attirer ces nouveaux propritaires (qui sont en fait des cranciers dguiss en propritai-res), il a fallu non seulement leur accorder thoriquement au moins, sinon prati-quement les mmes pouvoirs que ceux dont disposent les vrais entrepreneurs(souvent fondateurs de lentreprise) mais surtout leur permettre une limitation deleur responsabilit cest--dire, en cas de faillite, la garantie quils pourraient perdreau maximum leur mise dans lentreprise et non leurs biens personnels.

    1. La famille dirigiste nayant eu (heureusement) quune courte vie, nous nen dtaillerons pas lesparticularismes.

    2. Lorigine du type entrepreneurial est lentreprise familiale.

  • 18 THORIE COMPTABLE

    Les variantes de la famille socio-dmocrate (sociale)

    Lhistoire de la deuxime moiti du XXe sicle est marque par la survenance et lacoexistence de deux types de gouvernance principaux appartenant la famille socio-dmocrate : il sagit du type cogestionnaire (ou corporatif) et du type rgula-tionniste-tatique .

    Le type cogestionnaire : selon ce type de gouvernance, le conflit principal celuiqui existe entre les salaris et les entrepreneurs (capitalistes propritaires) estrgul au sein mme de lentreprise et/ou des corporations1 par lamnagementdun systme de cogestion, cest--dire de codcision entre les entrepreneurs et lesreprsentants des salaris.

    Le type cogestionnaire dont nous parlons apparat comme dabord (historique-ment) comme un avatar du type entrepreneurial : lentreprise (la socit) ne sestpas transforme selon le mode actionnarial et, de ce fait, le mode cogestionnairersulte de la runion du mode entrepreneurial et du systme de la cogestion : nousappellerons ce type cogestionnaire, le type cogestionnaire corporatif . Il estparfaitement possible, tout au moins sur un plan thorique, que le systme de lacogestion soit plaqu sur un type de socit actionnariale, ce qui oblige alors faire apparatre un type cogestionnaire-actionnarial.

    Dans la mesure o, pour ce qui concerne le pays o lexprience de la cogestion at mene, cette cogestion sest dabord applique dans un contexte corporatif etnon actionnarial, nous ne parlerons lavenir que du type cogestionnaire corporatif.

    Le type rgulationniste-tatique : dans ce type de mode de gouvernance, lesconflits entre les propritaires et les salaris ne sont pas rguls par un systme decodcision (cogestion) mais par un systme damnagements de contre-pouvoirs,principalement au niveau de ltat.

    Au niveau de lentreprise, les salaris ne font pas partie dorganes de codcisionmais disposent de droits linformation et lexpression revendicative par linter-mdiaire dorganes spcialiss (comits dentreprises, etc.).

    Au niveau national, le pouvoir salarial, exprim par des syndicats nationaux, infl-chit la politique de ltat, principalement dans le domaine de la rpartition durevenu national et de la protection sociale (existence dun processus de prquationsalariale et sociale au niveau macroconomique national).

    2 Les types de comptabilit (en fonction des types de gouvernance)

    Des sept principaux types de gouvernance voqus prcdemment (en tenantcompte des types sovitique et autogestionnaire) dcoulent sept principaux types de

    1. Trs souvent, le mode de gouvernance entrepreneurial est associ une rgulation corporative :lentreprise fait partie dune branche professionnelle qui fixe des rgles minimales de comporte-ment.

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    comptabilit dont nous allons donner les caractristiques principales1 en distinguantles questions relatives lvaluation (quelle fasse ou non lobjet dune rglementa-tion2) lorganisation et la conception de linformation (principa-lement celle quiest donne par le compte de rsultat). Aprs avoir numr les principes directeursde ces types de comptabilit, que lon pourra considrer comme des types purs ,nous essayerons de rattacher ces types purs des comptabilits relles3 de pays(actuelles ou passes) tout en prcisant quil sagit de rattachements approximatifsdu fait quil nexiste en ralit aucun type pur.

    Remarque

    Dans tous les dveloppements qui suivent, il ne sera jamais question des comptabilits fiscales(voir sur ce concept le chapitre 13), cest--dire des comptabilits qui visent dterminer labase imposable et limpt. Nous considrons en effet que, depuis le dbut du XXe sicle etlapparition des impts sur les entreprises, des comptabilits fiscales existent dans tous lespays quel que soit leur mode de gouvernance, pour assurer la collecte dun volume dimptsfut-il minimal4. Lexistence dune telle comptabilit nest donc en aucune faon une caract-ristique dun systme comptable. On dira cependant que cest moins lexistence dune comp-tabilit fiscale que son mode de liaison dautres comptabilits qui importe mais ce mode deliaison dpend prcisment de la nature mme des autres comptablits5. Lessentiel rsidedonc dans lexamen de lexistence et des caractristiques des autres comptabilits.

    2.1 Le type entrepreneurial

    Thorie

    Dans une entreprise entrepreneuriale, lessentiel du pouvoir choit auxentrepreneurs ; ceux-ci disposent videmment dune comptabilit leur permettant degrer leurs affaires bases sur un systme dvaluation spcial destin valuer larentabilit partir dune comparaison des ventes et du cot des investissements ;cette comptabilit que lon peut qualifier de comptabilit en valeur cot ou dynami-que (voir le chapitre 12) reste en principe secrte et non rglemente : elle est unecomptabilit des entrepreneurs. Mais le systme de lentreprise entrepreneurialepeut dboucher sur lexistence dune autre comptabilit spcialement amnage et

    1. Nous ne reviendrons pas sur le concept de rsultat qui dpend, nous lavons vu, des systmes cono-miques.

    2. Nous soulignons limportance dune vision globale qui ne se contente pas dun examen des compta-bilits rglementes : les comptabilits non rglementes jouent un rle fondamental dans lappr-ciation dun systme comptable.

    3. On sappuyera sur la ralit des systmes et non pas (seulement) sur leur rglementation.4. Toutes les grandes guerres du XXe sicle ont ncessit la mise sur pied dun minimum de rgulation

    fiscale tatique mme dans les pays les plus libraux hostiles lintervention des pouvoirs publics.5. On montrera au chapitre 13 que certains types de comptabilits se prtent mieux que dautres un

    mariage avec la comptabilit fiscale.

  • 20 THORIE COMPTABLE

    rglemente pour satisfaire les intrts de la seule catgorie sociale qui peut avoir uncontre-pouvoir : les cranciers1.

    Ces derniers, sils sont puissants, peuvent donc obtenir de ltat quil rglementeune comptabilit de type statique (voir le chapitre 11) cest--dire une comptabilitdans laquelle un systme dvaluation spcial (en valeur de march liquidative)permet de vrifier si lentreprise peut rembourser ses dettes (ce qui constitue laproccupation majeure des cranciers). On peut mme prciser que ces cranciers pousseront pour que la lgislation adopte une variante prudente de la comptabi-lit statique consistant retenir la rgle de plus bas du cot ou du march (Richard,2001).

    Sagissant de lorganisation de la comptabilit, celle-ci est gnralement laisse linitiative de lentrepreneur : sil existe des plans comptables dentreprise, ceux-cisont privs (non rglements) et de type moniste (avec un mlange des comptabili-ts de management et financire) (voir le chapitre 10) car ce type est en adquationavec les besoins de la comptabilit principale de lentrepreneur : la comptabilitdynamique2.

    Le compte de rsultat privilgie les intrts des entrepreneurs et accorde uneimportance cruciale aux ventes et au cot des ventes class par fonctions3 (commecela rsulte tout naturellement dune comptabilit moniste et dynamique).

    La pratique internationale

    Les comptabilits (rglementes) statiques ont une trs longue histoire. Au dbutdu XIXe sicle elles sont de type statique pur (valuation en valeur de march sansrgle du plus bas du cot ou du march) puis, vers 1860, elles prennent la formedune variante prudente favorable aux cranciers avec lapparition de la rgledvaluation du plus bas du cot ou du march ; cette variante domine dans laplupart des pays jusque vers 1900.

    Aprs la seconde guerre mondiale, la comptabilit statique prudente subsiste uncertain temps dans certains pays o la bourse ne joue pas un rle important, commela France et lAllemagne, mais cde du terrain dans les pays anglo-saxons et finitmme par disparatre au profit de la comptabilit dynamique sous linfluence desactionnaires la recherche dune nouvelle comptabilit.

    1. Lautofinancement ne peut suffire gnralement aux entrepreneurs ; le crdit est donc une source definancement ncessaire qui donne un certain pouvoir ses auteurs.

    2. Nous montrerons quvaluation dynamique et plan comptable moniste vont de pair, sauf exception(chapitre 10).

    3. Nous avons parl au chapitre 7 de ce compte de rsultat de type anglo-saxon .

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    2.2 Le type de comptabilit actionnarial

    Thorie

    Dans les socits o lessentiel du capital est compos de mises dun grandnombre dactionnaires, lessentiel du pouvoir revient en principe aux actionnaires cranciers qui ont en fait perdu la principale caractristique du rgimeentrepeneurial : lexistence dune responsabilit illimite1 ; fort de leur relative impunit les actionnaires, comme tout acteur social, vont faire pression pourmodifier les rgles comptables en faveur de leurs intrts, cest--dire fondamenta-lement la distribution de dividendes rguliers. Cette pression, de plus en plus forteau cours des XIXe et XXe sicles, avec le dveloppement du capitalisme boursier, aconduit de profondes modifications de la comptabilit ; ces modifications se sontpour lessentiel, dveloppes en deux temps principaux :

    dans un premier temps, dans la plupart des pays mais des rythmes diffrentsentre 1930 et 2000 (avec des prmisses qui remontent au milieu du XIXe sicle),les reprsentants des actionnaires (et leurs allis) ont tout fait pour liminer lavieille comptabilit statique ; celle-ci est considre comme nfaste leurs int-rts du fait quelle tend provoquer lapparition de pertes massives (passage encharges rapide dinvestissements corporels et surtout incorporels) au dbut desinvestissements ; ils ont alors jet leur dvolu sur la comptabilit dynamique (lacomptabilit traditionnelle des entrepreneurs), car elle permet de mieux lisser les rsultats sur toute la dure du cycle dinvestissement ; ainsi, de 1930 2000, lacomptabilit actionnariale sest pratiquement confondue avec la comptabilitdynamique ;

    dans un deuxime temps, au dbut du XXe sicle, dans un contexte socio-politi-que encore plus favorable la monte en puissance dun pouvoir actionnarialorganis et du dveloppement dun capitalisme global de plus en plus focalis surlaccumulation rapide de rsultats (voir laffaire Enron), les pressions des action-naires visent, dabord aux tats-Unis, vincer la comptabilit dynamique (envaleur cot) au profit dune comptabilit dite en juste valeur qui permet, notre avis, non seulement la comptabilisation de plus-values potentielles mais,dune manire plus gnrale, aussi une apparition prcoce des rsultats au dbutdu cycle dinvestissement.

    Il existe un dbat sur la nature de cette comptabilit en juste valeur (voirchapitre 11). Certains estiment que cest une comptabilit en valeurs de march ; cetitre, on pourrait premire vue croire quil sagit dun retour la comptabilitstatique pure du dbut du XIXe sicle ; en fait nous montrerons que ces valeurs demarch nont rien voir avec celles que prconisaient les juristes promoteurs de la

    1. Nous soulignons que ce nest pas tant le mode de financement qui importe ici, mais bien le type deresponsabilit (limite ou illimite) ; il sagit bien toujours de questions de pouvoir et de son exer-cice.

  • 22 THORIE COMPTABLE

    comptabilit statique et quelles tendent sorienter vers des valeurs actuarielles (voirchapitre 14) : nous qualifierons donc cette nouvelle comptabilit d actuarielle .

    Pratique internationale

    De 1930 2000, les tats-Unis ont t le pays phare du dveloppement de lacomptabilit actionnariale dynamique. LEurope continentale (France, Allemagne)na suivi ce chemin (partiellement) que beaucoup plus tardivement (surtout partirde 1930), et principalement en matire de comptes consolids.

    Les tats-Unis ont t galement les promoteurs de la comptabilit actionnarialeactuarielle. Par la suite, lIASB avec ses normes IAS 32 et 39 a pris le relais. Si lesnormes IFRS taient acceptes telles quelles par lUnion europenne, les comptesconsolids des pays membres de lUnion basculeraient dune comptabilit dynami-que vers une comptabilit actuarielle.

    2.3 Le type de comptabilit cogestionnaire-corporatif

    Thorie

    Dans un contexte cogestionnaire-corporatif, la comptabilit dynamique (servant mesurer lefficacit) nest pas mise sur la place publique et nest pas rglementesauf prvoir sa mise la disposition des salaris : elle reste en effet, du fait de lafaible pression des actionnaires, une affaire interne concernant les seuls