0406 Fusion 101.6 Propulsion Nucleaire

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Avant le retournement des politiques de 70, la propulsion nuclaire spatiale tai les dcideurs spatiaux. Lex-Union sovi cette tendance, en poursuivant ses rech Etats-Unis. Toutefois, depuis quelque tem seulement les anciens projets mais auss Etats-Unis, en Russie mais aussi en Fran tudes qui nont jamais vraiment cess, foss nest pas infranchissable pour dis nuclothermiques et aussi de propulseu

Nouvelles perspectives pour le nuclaire spatial

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es futurs historiens des sciences spatiales porteront certainement un jugement mitig sur lpoque du dbut des annes 70 jusqu nos jours, tant les occasions et les possibilits de dvelopper la conqute spatiale dun facteur de plusieurs ordres de grandeur ont t rates par manque de volont politique et absence de perspectives des dcideurs. Le nuclaire spatial, et les formidables opportunits quil pouvait apporter en tant que matrice dun programme post-Apollo, a t particulirement victime de ce retournement quasi gnral des prio-

PHILIPPE JAMETrits en faveur de programmes trs court terme, dont lexprience a montr quils navaient que des retombes limites sur le systme industriel et de la recherche et sur lemploi, except pour les tlcommunications. Pour en juger, il suffit de comparer les chiffres de lemploi du secteur spatial il y a une quinzaine dannes ceux daujourdhui. Dans les annes 1965-1966 rgnait chez les ingnieurs amricains

et russes un grand optimisme quant lutilisation du nuclaire dans lespace pour produire de llectricit et la matrise des techniques de propulsion nuclaire spatiale. Les concepts de propulsion nuclaire spatiale avaient t imagins pendant la Seconde Guerre mondiale par Ernst Sthlinger (propulsion nuclolectrique) et par Walter Thiel et Krafft Ehricke (propulsion nuclothermique). Un rapport, devenu une rfrence et rdig en 1944 par deux chercheurs de Los Alamos, Stan Ulan et F. de Hoffmann, dmontrait de faon dfinitive les possibilits offertesFUSION N101 - MAI - JUIN 2004

e la science au dbut des annes it couramment envisage par tique fit un peu exception herches plus longtemps que les mps, on ressort des cartons non si des concepts novateurs aux nce. Etant donn le niveau des il apparat de plus en plus que le sposer dici dix ans de propulseurs urs nuclolectriques.

par lnergie nuclaire quant la fourniture dlectricit des sondes et la propulsion de fuses et de vaisseaux spatiaux. Nanmoins, il soulignait aussi les difficults lies au transfert vers lespace des technologies du nuclaire classique (par exemple, le transfert de lnergie calorifique de la fission un fluide propulsif dans le cadre dune structure spcifique comme une fuse), tout en recommandant au gouvernement amricain dacclrer les recherches. En fait, ce nest que vers le milieu des annes 50, plus de dix ans aprs, que de vritables programmes seront misFUSION N101 - MAI - JUIN 2004

en uvre pour alimenter des satellites ou des sondes en nergie par dsintgration de radio-isotopes, transfert technologique le plus facile raliser, ou encore pour alimenter de petits racteurs ou des moteurs pour la propulsion spatiale. Ce que nous venons dcrire concerne en premier lieu les Etats-Unis mais aussi, avec quelques annes de retard, lUnion sovitique qui prparait en secret dtonnants programmes de vol habit martien, lesquels furent prsents aux journalistes par des scientifiques russes en 1990, lors de la signature de laccord de coopration entre lESA et lUnion sovitique. Le plus tonnant de ces programmes tait le projet Aelita qui visait placer en orbite terrestre basse deux vaisseaux martiens propulsion nuclaire dune masse de 750 t et emportant chacun six hommes vers la plante rouge. Comme symbole de cette poque, o le nuclaire spatial avait vent en poupe, les historiens des techniques spatiales retiendront le programme amricain Rover architectur sur le concept Kiwi ainsi quun autre programme amricain, Nerva, architectur sur les concepts Phoebus et NRX. Toute perce dans le domaine technologique ne peut dpasser le stade de concept sur papier que si elle correspond aussi un besoin et une demande du systme technique et du systme conomique qui font de cette perce une innovation. Il arrive parfois que ce besoin et cette demande, justifiant des recherches dans le domaine concern, soient mal perus des acteurs du systme conomique si ceux-ci raisonnent de faon linaire et dans le court terme ou, dans le cas du domaine spatial, en fonction dune stratgie marketing, un nouveau moteur de dveloppement spatial devant automatiquement succder celui qui la prcd ou coexister avec celui-ci. Dans le domaine de la conqute de lespace o il est sage de raisonner sur vingt trente ans, tout en assurant le dveloppement des programmes intermdiaires justifiant les activits court terme, lattitude la plus raliste est de pratiquer en* Cas des satellites radar de surveillance transocaniques sovitiques utilisant des racteurs Romachka et Topaz et de leurs quivalents amricains OPS et SSU utilisant des SNAPPairs comme le SNAP-8 capable de fonctionner 10 000 h ou le SNAP-50 SPUR, quip dun racteur au carbure duranium capable lui aussi de fonctionner pendant 10 000 h avec une puissance lectrique allant de 300 1 200 kW.

permanence la technique du saute-mouton et dengager des projets dpassant le cadre du moyen terme. Ce sont ces projets, une fois mis au point, qui vont crer une demande parfois inattendue grce la mise disposition quils permettent. Un tel schma peut partiellement sappliquer au nuclaire spatial, mme si ses nombreux avantages par rapport aux techniques chimiques ont t identifis depuis longtemps par des ingnieurs visionnaires, que ce soit aussi bien pour la fourniture dlectricit que pour la propulsion. Il ne fait aucun doute que, dans loptique dune expansion de lhomme dans le systme solaire et en labsence de tout invit inattendu du changement technologique , cest partir du nuclaire que nous tirerons les sources dnergie et les systmes de propulsion capables de rendre possible cette expansion. Lavantage numro un du nuclaire est dtre autonome, indpendant de la distance par rapport au Soleil et utilisable en nimporte quel endroit du Systme solaire. Cette forme dnergie spatiale implique une vision prospective sur vingt-cinq cinquante ans et doit tre dfendue avec un dossier aussi objectif que sans concession vis--vis de ceux qui, irrationnels ou mal informs, sont confronts un problme psychologique dacceptabilit du nuclaire dans lespace.

Quelques notions de baseLa question du nuclaire spatial est une notion complexe tant donn quelle ouvre une large palette de possibilits, mais les problmes se posent diffremment selon que lon envisage le nuclaire spatial comme gnrateur de puissance lectrique (en mode radio-isotopique ou en mode racteur miniaturis) ou comme source dnergie pour la propulsion. Lexprience et les tudes montrent que les avantages pour la fourniture dlectricit pour des sondes ou des vaisseaux ne sont pas seulement fonction de la distance par rapport au Soleil, dont la densit de puissance nergtique transmise diminue comme linverse du carr de la distance par rapport notre toile. * Les satellites Cosmos (quips de Romachka et de Topaz) et leurs quivalents amricains ont comme

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particularit la fois dtre de gros consommateurs dnergie et dorbiter sur des trajectoires assez basses au cours desquelles, pendant un certain temps, le disque terrestre masque compltement larrive de la lumire solaire. Sovitiques et Amricains ont donc fait le choix du nuclaire pour la traverse de ce cne dombre et pour alimenter les instruments gros consommateurs dnergie. Les puissances transmises dans le cas de ces satellites de surveillance transocanique (en fait, des satellites espions) ltaient par de vritables racteurs nuclaires en raison des particularits des crissions demandes, mais, en matire de fourniture nergtique, il y a une vritable gradation qui va de systmes non nuclaires vers des systmes nuclaires, au fur et mesure des puissances demandes ou bien lorsque lon envoie des sondes scientifiques vers les plantes extrieures du Systme solaire. Ainsi, en ce qui concerne lorbite de Jupiter situe 800 millions de kilomtres du Soleil, la densit de puissance transmise par lnergie solaire nest que de 3 % de celle existant au niveau de lorbite terrestre. Et le chiffre est encore plus bas pour la belle Saturne : 1 % ! Poursuivons maintenant notre petite initiation nergtique en montrant que, pour certaines missions, il est possible de se passer du nuclaire. Le cas est vident pour certaines missions de courte dure comme des vols habits ou des missions automatiques de quelques jours ou de quelques semaines) et pour des puissances ne dpassant pas quelques kilowatts. Dans ces cas-l, le niveau dnergie requis est tout fait compatible avec dautres systmes moins puissants que le nuclaire. Une solution avantageuse correspondant ces niveaux de demande en nergie est lutilisation de batteries ou, mieux encore, de piles combustibles (hydrogne, oxygne liquides) qui peuvent fournir une puissance moyenne variant autour de 10 kW. La technique des piles combustibles (qui est encore imparfaitement matrise par les Europens comme on la vu lors du droulement du programme Hermes) est un systme dalimentation en nergie parfaitement matris par les Amricains et les Russes. Il est, par exemple, couramment utilis sur les navettes spatiales et les vaisseaux Soyouz et Progress. Le systme est bas sur un

Panneaux solaires de la sonde comtaire europenne Rosetta. Les gnrateurs photovoltaques possdent linconvnient dtre lourds et encombrants, car le ratio surface collectrice-nergie traduite en kilowatts devient rapidement moins intressant au fur et mesure que lon sloigne du Soleil.

processus lectrochimique o vont entrer en jeu deux substances actives (hydrogne et oxygne) conserves ltat liquide bord du vaisseau. Ces deux substances actives vont interagir bien qutant spares par une paroi poreuse permettant un change dions. Nous avons donc ici une forme de pile dont le principe de raction est le suivant : les ions hydrogne passent travers la paroi pour rencontrer les ions oxygne avec lesquels ils vont se combiner pour donner de leau alors que les lectrons libres schappent par les lectrodes. Ce phnomne produit une diffrence de potentiel lectrique que lon peut utiliser pour fournir de lnergie des instruments. Lavantage du systme, qui est le processus inverse de llectrolyse qui dcompose leau avec une consommation dnergie lectrique, vient du fait que sa capacit nergtique est environ cinq fois suprieure celle dun systme de batteries par accumulateurs. Leau produite au cours de ce processus peut tre rcupre pour le systme de survie des astronautes dans le cadre dune mission habite. Pour ce qui concerne les missions de longue dure au niveau de lorbite que dcrit la Terre autour du Soleil (stations spatiales, satellites de toutes sortes), les puissances requises vont couramment au-del de quelques dizaines de kilowatts et on emploie,

pour capter et utiliser lnergie solaire, des photopiles qui sont des gnrateurs photovoltaques convertissant directement lnergie solaire en lectricit. Cest le mode nergtique le plus courant pour la fourniture des satellites de tlcommunications, de mto, dobservation de la Terre, des satellites astrophysiques et des stations orbitales. Les gnrateurs photovoltaques, malgr un certain nombre de progrs incontestables enregistrs au cours des dernires annes comme les systmes mis au point par lingnieur Christian Verri au centre de Sophia-Antipolis, possdent toutefois linconvnient dtre lourds et encombrants. En effet, le ratio surface collectrice-nergie traduite en kilowatts devient rapidement moins intressant au fur et mesure que lon sloigne du Soleil pour aller vers Mars et les grandes plantes extrieures. Un bon exemple nous en est donn lorsque lon regarde la taille des panneaux solaires de la sonde comtaire europenne Rosetta ou de la sonde Mariner 9, ressemblant un papillon et qui fut le premier engin fabriqu de main dhomme se positionner sur une orbite martienne le 13 novembre 1971. A cause de la distance par rapport au Soleil, il existe bien videmment des missions de longue dure o le solaire spatial nest plus une forme dnergie efficace, notamment enFUSION N101 - MAI - JUIN 2004

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matire de plantologie pour ce qui concerne les grandes plantes extrieures (Jupiter, Saturne, Uranus et Neptune) et Pluton. Pour contourner cet inconvnient, les ingnieurs spatiaux ont fait appel depuis longtemps une forme dnergie nuclaire passive base sur la dsintgration radioactive de certains lments dits isotopes comme le plutonium 238, le curium 242 et le strontium 90. Il ne sagit pas tout fait de vritables racteurs nuclaires qui sont actifs, mais dune technique o lnergie est fournie par la chaleur induite par la dsintgration de ces isotopes. Celle-ci peut permettre des sondes trs loignes de la Terre de fonctionner cinq dix ans, comme lexemple nous en a t donn par les sondes Voyager 1 et 2 qui ont survol les plantes gantes gazeuses de la zone externe de notre Systme solaire. Dans le cadre de cette technologie, les problmes techniques sont relativement faciles rsoudre et, ici, lart de faire consiste choisir le modle le plus adquat de transfert et de conversion lectrique. Les systmes les plus couramment utiliss sont les couples thermolectriques et les diodes thermooniques. Paradoxalement, alors que la fin de la Guerre froide a permis de rvler que les Russes avaient travaill la fois sur la propulsion nuclolectrique et la propulsion nuclothermique, nos connaissances sont assez parcellaires sur ce quils ont fait en matire de gnrateurs radio-isotopiques. Par contre, la comptence amricaine nous est mieux connue avec leur programme SNAP (Systems for Nuclear Energy Auxiliary Power) qui comprend deux filires : les SNAPpairs, qui sont de vritables racteurs nuclaires (SNAP-8, SNAP-10 ou SNAP-50 SPUR) et les SNAP-impairs qui sont des gnrateurs radio-isotopiques dont les puissances lectriques obtenues se situent entre 3 et 130 W. La NASA, le DOD et lUS Air Force ont successivement utilis des SNAP-3 (2,7 W), des SNAP-5 (9 W ) et des SNAP-9 (25 W ) pour leurs satellites de navigation Transit,

des SNAP-11 (25 W) fonctionnant au curium 242 pour leurs sondes lunaires Surveyor, des gnrateurs plus puissants (respectivement 75 et 70 W) pour leurs stations lunaires Alsep et les missions martiennes Viking, trois SNAP-RTG (130 W) pour chacune des deux sondes Voyager et un systme trs proche pour la sonde Galileo et la sonde Cassini-Huygens. * On se souvient des manifestations des cologistes imbciles lors du lancement du complexe Cassini-Huygens en octobre 1997 sous prtexte que lengin amricano-europen embarquait des gnrateurs radio-isotopiques RTG. A lheure o le succs de la mission semble se dessiner, on ne pourra pas sempcher de parler dimposture verte comme lcrivit dans un rcent ouvrage le journaliste scientifique Pierre Kohler. Aux EtatsUnis, pousss par la ncessit de mieux connatre les diffrentes composantes plantaires, les travaux nont jamais cess pour ce qui concerne les gnrateurs radio-isotopiques qui ont vu leurs performances samliorer au prix de quelques astuces. Ainsi, pour ce qui concerne la sonde amricaine Mars Smart Lander Mission (dont le lancement est prvu pour 2009), les ingnieurs amricains ont conu un nouveau type de RTG (dnomm MMRTG), fonctionnant au plutonium 238 mais, si sa puissance ne dpasse pas les 100 kW dj atteints auparavant lors de missions vers les plantes extrieures, la quantit de plutonium requise est diminue de 50 %, ce qui permet davoir une charge utile plus importante et dtendre le nombre des instruments scientifiques embarqus.

De la ncessit de dpasser les RTG : Topaz et les SNAP-pairsSur le plan thorique, il serait possible dobtenir une petite pousse grce des RTG, mais celle-ci serait trop faible pour faire avancer ne serait-ce quune petite sonde. Sur le plan de la fourniture dnergie, nous avons vu que, rien dj quau niveau de lorbite terrestre (pour des satellites radars transocaniques), il faut faire appel dans certains cas des gnrateurs thermodynamiques de type Romachka, Topaz ou SNAP-

* Elle vient darriver dans le systme de Saturne o le module europen Huygens doit tre dtach de la sonde principale Cassini pour plonger dans latmosphre du satellite Titan et sy poser sa surface o existent peut-tre des ocans de mthane, dthane et dazote liquides. FUSION N101 - MAI - JUIN 2004

pairs. Topaz qui intressait beaucoup les Amricains fut achet par ceux-ci et transfrs en deux exemplaires au centre de recherches atomiques dAlbuquerque o se droule tous les deux ans un colloque sur lutilisation du nuclaire dans lespace. Ces Romachka, Topaz et SNAP-pairs ont fait des satellites radar de surveillance ocanique qui les utilisaient de vritables petites centrales nuclaires en orbite, capables au moyen de convertisseurs thermocouples de convertir lnergie de fission (venue de la raction duranium 235 ou dun mlange hydrure de zirconium-hydrure duranium trs enrichi) en quantits plus apprciables dlectricit. Il est vident que, pour intgrer ces petites centrales un satellite, il a fallu faire des progrs dans le domaine de la compacit, le poids de ces racteurs (sans compter les blindages) se situant entre 500 et 550 kg. Les oprations sont tout compte fait techniquement plus difficiles excuter que celle qui consiste utiliser, dans une centrale nuclaire terrestre, une raction comme machine thermique. Ici, llvation brutale de temprature due une opration de fission contrle est utilise pour faire passer un liquide ltat de vapeur, laquelle, par lintermdiaire dun alternateur, est transforme en nergie mcanique, aprs son passage dans une turbine, puis en nergie lectrique qui est couple au rseau. Dans un racteur nuclolectrique spatial, la conversion dnergie nest plus indirecte : elle seffectue directement partir du racteur vers le thermocouple, ce qui pose par-l mme de dlicats problmes dintgration des composants dans la structure du satellite : le racteur lui-mme, les 48 kg duranium ncessaires la masse critique permettant dentretenir la raction en chane, les matriaux absorbant les neutrons et les matriaux dits modrateurs , ncessaires pour ralentir cette libration dnergie pour la rendre plus efficace en la maintenant un niveau constant. Cela fait beaucoup et, dans le cadre des SNAP-pairs amricains et des Topaz sovitiques, les ingnieurs ont russi combiner en une seule substance la matire fissile et le modrateur. A tous ces composants, il faut galement ajouter les blindages, les invitables systmes de refroidissement pour liminer lnergie calorifique excdentaire non utilise

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pour la conversion par radiateur, par sels fondus, lithium liquide ou compos potassium-sodium. Pour notre confort intellectuel, nous allons tudier brivement ce quont t les programmes Topaz, SNAP-8, SNAP-10 en faisant aussi preuve dune vision prospective pour ce qui concerne le SNAP-50 SPUR et le SNAP-100 qui, depuis peu, reviennent lordre du jour dans le cadre du programme amricain Prometheus qui inclut la Space Nuclear Initiative. Lexistence des Topaz a t rvle par les Sovitiques en janvier 1989 lorsquils annoncrent que deux de leurs vhicules spatiaux Cosmos 1818 et Cosmos 1867 avaient utilis en orbite 1 500 km de la Terre des racteurs nuclaires spatiaux bass sur le principe de la conversion thermoonique. Il sagit du systme par lequel des lments duranium enrichi sont chauffs jusqu des tempratures trs leves qui transforment une grosse partie de cet uranium en mission dions. Ce processus complexe gnre un courant lectrique obtenu sans organe mobile. Lnergie obtenue, et il en est de mme pour les SNAP-pairs amricains, se situe autour de puissances avoisinant les 10 kW. Toutefois, selon les ingnieurs qui les ont conus, il aurait t possible de dvelopper des versions de puissance lectrique aptes fournir les 500 kW ncessaires lalimentation dun astronef martien par un propulseur nuclolectrique par conversion thermoonique, dont le pionnier fut ds le dbut des annes 50 Ernst Sthlinger, lequel forma cette technique de jeunes scientifiques de luniversit du Michigan et de luniversit du Wisconsin. La propulsion nuclolectrique (NEP) est un systme dans lequel la phase principale consiste convertir lnergie thermique dun racteur nuclaire en nergie lectrique, utilise ensuite pour crer un faisceau dions rapides soit un plasma qui sont jects dans lespace pour jouer le rle de fluide de propulsion. Pendant longtemps, pour les voyages lointains, la propulsion nuclothermique semblait avoir la faveur des dcideurs, mais depuis deux ou trois ans, la situation est en train de changer. Cette situation nous amne rtrospectivement penser aux recherches passes de Sthlinger, qui sintressa concevoir des jeeps lunaires et mena des travaux prenant en compte non plus

Racteur nuclaire spatial Topaz sovitique, bas sur le principe de la conversion thermoonique.

un thermocouple bimtallique mais un thermocouple mtal-plasma. Dans ce cas l, lnergie lectrique tait produite par un contact haut diffrentiel entre un mtal froid et un plasma de csium (ou de potassium) chauff temprature trs leve. Selon Albert Ducrocq, qui consacra plusieurs de ses papiers aux travaux dErnst Sthlinger : Les rsultats se rvlrent extraordinaires et firent apparatre un pouvoir thermolectrique mille fois plus grand quavec nimporte quel mtal ltat solide. Il ne faut pas stonner si des projets actuellement mergents en matire de propulsion nuclolectrique font directement rfrence Sthlinger. En Union sovitique, la filire Topaz a t justement interprte comme une volont des Sovitiques de conqurir lespace en faisant appel une graduation dengins de plus en plus efficaces, permettant daller bien au-del de la fourniture dnergie des plates-formes fort consommatrices. Il faut en outre souligner qu lpoque ou fut rvl par la Russie son programme, les Occidentaux, malgr leurs satellites-espions, ignoraient que les Sovitiques travaillaient sur plusieurs programmes de moteurs nuclothermiques et nuclolectriques, dont lexistence nous fut rvle par Christian Lardier, journaliste et chef de rubrique espace au magazine Air & Cosmos. Placs en orbite circumterrestre 1 500 km, les Topaz faisaient appel au principe de la conversion ther-

moonique dans laquelle, au sein du racteur, on porte de luranium enrichi des tempratures trs leves. Consquence de ce processus, il se forme une mission dions trs nergtiques produisant directement un courant lectrique. Ces Topaz fournissaient des puissances de lordre de 10 kWe, mais nous avons dj vu que cette technique pousse jusqu son maximum pouvait dboucher sur la propulsion dastronefs habits. Il est symptomatique qu lpoque lUnion sovitique, dj en grandes difficults conomiques, se soit adresse aux Franais pour faire des offres de collaboration. On sait quen 1982 a t dcid, linitiative dAndr Lebeau, un projet dlectroremorqueur nuclaire dnomm Erato (Electroremorqueur Atomique de Transfert Orbital). Le contexte de la dcision dErato fut lobjet dune lourde erreur danalyse, mme si ses travaux technologiques peuvent tre considrs comme indispensables la poursuite dun futur programme nuclolectrique spatial franais. Selon les ingnieurs F. Carr, J. Delaplace, E. Proust et Z. Tilliette qui firent partie de lquipe mixte CNES-CEA, Erato tait une rponse lintroduction de la navette spatiale amricaine dans les systmes orbitaux, grce son association avec ltage cryotechnique suprieur Centaur conu pour la mise poste des satellites gostationnaires par un envol partir de la soute du Shuttle. A lpoque, les premiers plans dAriane 5 prvoyaient 9 t enFUSION N101 - MAI - JUIN 2004

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orbite basse et 4 t en orbite gostationnaire. En comparaison, la navette spatiale amricaine, avec lutilisation du Centaur, pouvait placer 6 t sur la mme orbite GEO et, en consquence, il apparaissait que la fuse europenne ne serait pas comptitive avec la navette pour le lancement des satellites lourds. Cet argument sest avr faux du fait que les oprations de maintenance et de remise en tat (sajoutant aux cots incompressibles de lancement) de lengin spatial amricain se sont rvles dispendieuses et que le Centaur fut interdit de navette aprs laccident de Challenger qui se produisit en 1986. Dautre part, Ariane 5 volua vers des versions plus performantes, ce qui ne rendait pas ncessaire pour celle-ci ladjonction dun tage suprieur nuclaire. Le programme Erato fut lanc par les Franais pour tudier la faisabilit, le cot et le dveloppement de gnrateurs lectronuclaires spatiaux pour divers programmes justificatifs : remorqueur interorbital LEO-GEO pour placer des satellites en orbite, radars dobservation de la Terre (20 kWe), etc. Les tudes avaient montr, selon Claude Poher (CNES), que les composants hyperfrquences prvus lhorizon 2005-2010 donneraient la possibilit de raliser des radars spatiaux ouverture synthtique donnant des images du sol avec une rsolution mtrique partir dune orbite 1 200 km daltitude (avec une puissance lectrique consacre de 20 kWe seulement). Plus tonnant, dans ce programme, on tudia aussi la faisabilit de systmes de propulsion lectrique de 200 400 kWe. La premire phase du projet Erato fut principalement consacre ltude dun systme dnergie nuclaire de rfrence de 200 kWe, compatible avec le lanceur Ariane 5 en fournissant le systme de propulsion lectrique dun vhicule de transfert orbital (OTV ). Cet OTV devait assurer le transport dune charge utile de haute masse dune orbite terrestre basse vers une orbite terrestre haute (principalement gostationnaire). Cest le racteur nuclaire dErato qui fournit lnergie FUSION N101 - MAI - JUIN 2004

Concept de remorqueur lectronuclaire interorbital Erato.

un propulseur lectrique. On sait, que ce soit avec lutilisation du nuclaire ou sans, quil existe trois types de propulsion lectrique de base : le dispositif lectrothermique, dans lequel lnergie lectrique est utilise pour chauffer un gaz propergol qui est dtendu dans une tuyre ; le dispositif lectromagntique, dans lequel lacclration est obtenue par laction dun champ lectromagntique sur un plasma lectriquement neutre ; le dispositif lectrostatique, dans lequel lnergie lectrique est utilise pour crer un plasma neutre partir dun gaz propergol et jecte ce plasma haute vlocit. Toutefois, dans ce systme, si limpulsion spcifique est leve, le niveau de pousse est relativement faible. Ainsi, pour le systme de rfrence nergtique Erato, avec un engin utilisant le mercure et des ions de xnon, la dure de transfert dune charge utile dune altitude orbitale de

800 km (l o Ariane 5 aurait emmen le remorqueur) prenait 75 jours pour aller en GEO et 10 jours pour le retour de lorbite gostationnaire vers lorbite basse. Dans une seconde phase du projet, tale entre mi-1986 et mi-1989, a t investigu un systme dnergie spatiale nuclaire de 20 kWe adapt des satellites radars bass dans lespace pour lobservation de la Terre. La mission principale et les spcifications du vaisseau spatial sont dans ce cas les suivantes : orbite polaire proche environ 1 000 km daltitude, radar disponible en continu et sur toute portion de lorbite, source dnergie lectrique (nergie pour le radar, mise en uvre des signaux, module de mission : 20 kWe), masse totale du systme dnergie lectrique un peu en dessous de 2,5 t. Le systme de conversion de la chaleur en lectricit dErato consistait en turbomachines cycle de Brayton qui utilisent un systme de turbines gaz rendement de 20 %, mais il existe aussi dautres systmes possibles pour produire cette lectricit partir dnergie thermique : jonctions thermolectriques SiGe, diodes thermooniques situes dans le cur mme du racteur, turbomachines cycle de Rankine, moteurs Stirling ( rendement de 25 %). Pour ce qui concerne Erato qui utilise des turbomachines cycle de Brayton, la solution tait fort adapte lemport par Ariane 5, car son grand radiateur (140 m2) tait permis par le volume de la longue coiffe du lanceur europen. Les concepteurs dErato avaient tenu compte du fait que lutilisation dun racteur nuclaire contraignait dimportantes mesures de scurit. Le racteur nuclaire dErato aurait t lanc vierge (donc sans produits de fission) et mis en marche aprs avoir atteint une orbite de scurit 800 km, ayant pour consquence un temps de retombe de plusieurs centaines dannes et suffisant pour permettre la dcroissance un niveau ngligeable de la radioactivit des produits de fission. Par ailleurs, les deux racteurs avaient t conus pour ne pas devenir critiques dans toutes les configurations dim

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edinformations furent effectues et, lheure o les Amricains relancent de faon importante leur programme nuclaire spatial, une solution pour les Europens serait de se tourner vers la Russie. On sait que les Franais ont travaill de 1992 1997 sur un programme de moteur nuclothermique dnomm MAPS (moteur atomique de propulsion spatiale) et que ce projet, aprs avoir t arrt, a t relanc. Pour linstant les rsultats sont classifis. Pour ce qui concerne Topaz dont les technologies ont t acquises par les Etats-Unis (en mme temps que le transfert de trente-cinq ingnieurs russes), loriginalit de son systme de conversion est thermoonique et ne fait pas appel des intermdiaires mcaniques qui prsentent certains dsavantages et alourdissent le vaisseau. Pour ce programme, les Sovitiques ont choisi la solution du nuclolectrique statique qui offre des avantages mais aussi des inconvnients (faible rendement, ncessit de radiateurs encombrants pour vacuer la chaleur excdentaire vers lespace partir de la source chaude radioactive). Les relatives faiblesses de la filire Topaz amneront les Sovitiques effectuer des recherches approfondies pour apporter un meilleur rendement rsiduel. Cette course au rendement, en partant de lacquis, tait justifie par deux faits : augmenter le niveau dnergie disponible capter sur les grandes quantits en rserve de cette nergie et limiter lvacuation dnergie thermique pour, en quelque sorte, la recycler en productrice dnergie lectrique. Dans le cas dun racteur nuclolectrique statique comme le Topaz, les ingnieurs sovitiques ont appliqu des concepts de cellules lectriques places au cur mme du racteur nuclaire et architectures de faon originale dans des cylindres contenant du carbure de zirconium et du carbure duranium, encastrs dans des tubes contenant du plasma de csium et dont la partie externe tait enrubanne dune fine couche de mtal froid laissant passer les neutrons. En portant le contenu des tubes une temprature leve (la structure que nous venons de dcrire tant place au sein dun racteur nuclaire), au sein des tubes se dveloppe la raction en chane avec des phnomnes de fission intensifs. Dautre part, le csium sous forme de plasma contenu dans les tubes, par linfluence de la chaleur, volue sous une forme plus accentue de plasma et produit une diffrence de potentiel entre laxe et lenveloppe avec, pour consquence, la cration dune pile lectrique atomique. En ce qui concerne cette filire nuclolectrique, et malgr les avatars qui ont stopp les travaux de Sthlinger, les Amricains (notamment la socit General Dynamics) ont effectivement ralis des racteurs atomiques un peu diffrents du Topaz, comme les SNAPpairs, SNAP-8 et SNAP-10A. Le SNAP-8, fonctionnant selon le principe NaK-sodium, vit le jour dans les annes 60 et tait coupl un ou deux turboalternateurs, ce qui permettait de produire une palette nergtique allant de 30 60 kW. Le concept SNAP-8 est n de la constatation par les ingnieurs nuclospatiaux amricains que les gnrateurs antrieurs manquaient de puissance et que, pour remdier cela, il fallait tout la fois jouer sur une plus faible consommation et des concepts novateurs. Le SNAP-8, dun poids de 2 750 kg pour une dure de fonctionnement de 10 000 h, tait un racteur uranium rgl au moyen dun rflecteur, dot dune turbine vapeur de mercure et refroidi par un mlange sodium-potassium. On assiste l une association entre un racteur nuclaire et un systme de conversion de la chaleur en lectricit comportant deux cycles de Rankine. Les capacits du SNAP-8 (nuclolectrique) dpassaient le stade de la simple fourniture dnergie des instruments en tant galement un propulseur lectrique pour satellites et vaisseaux spatiaux. A cette poque o on ignorait tout de ce qui se passait en Union sovitique en matire de nuclaire spatial, le SNAP-8 apparaissait comme le seul concept oprationnel en matire de propulsion lectrique. Le SNAP-8 fit lobjet dun article de la Revue des confrences davril 1965, o le fonctionnement de ce racteur nuclolectrique est dcrit de la manire suivante : le racteur utilise des lments combustibles en hydrure de zirconium, le fonctionnement tant rgl par des rflecteurs de bryllium qui entourent le cur. Leutectique NaK schauffe dans le racteur puis passe dans la chaudire o il perd des calories au profit du mercure. A la sortie de la chaudire, une pompe moteur lectrique le renvoie dans le racteur. Dans la chaudire, le merFUSION N101 - MAI - JUIN 2004

prvus lors de la phase lancement. Il faut souligner en outre que lusage de sources nergtiques nuclaires 20 kWe et 200 kWe ntait pas limit la propulsion lectrique et aux systmes radar bass dans lespace. Un grand nombre de missions sont possibles avec de tels niveaux nergtiques : plates-formes de communications en orbite GEO, contrle du trafic arien et des ocans, systmes spatiaux de transport avancs pour la construction des centrales solaires SPS, fourniture de ravitaillement des bases lunaires ou martiennes. A lpoque des tudes Erato, il ntait pas envisag en France de missions humaines habites faisant appel la propulsion nuclolectrique cause des difficults lies la ncessit dun gros bouclier de protection qui accrot hautement la masse du gnrateur nuclaire ainsi qu la ncessit de procder plusieurs lancements en vue dun assemblage en orbite. Cette opinion ntait toutefois pas partage par les spcialistes de lUnion sovitique qui misaient la fois sur le nuclothermique (NTP) et le nuclolectrique (NEP). Cela explique les discussions quil y eut en 1989 entre Franais et Sovitiques envisageant la possibilit dun gros vaisseau nuclaire propulsion lectrique qui aurait pu dbarquer deux hommes sur Mars en 2005. Le systme de conversion propos par les Sovitiques pour ce projet tait le mode thermoonique dont Sthlinger tait un fervent partisan. Dans ce domaine, les Amricains firent preuve dune attitude tout fait irrationnelle puisque, aprs avoir construit deux prototypes qui staient avrs tre un succs, ils abandonnrent la filire et les travaux inspirs par Sthlinger, comme le SPAR (Space Power Advanced Reactor), et o staient penchs de brillants ingnieurs comme R. P. Nagorski (JPL), D. Buden et J. A. Angelo (Los Alamos Scientific Laboratory) qui pensaient que le nuclolectrique pouvait offrir lhumanit, en mme temps que les portes du Systme solaire, une amlioration considrable de la mise en uvre des anciens et de nouveaux moteurs de dveloppement spatial. Les ngociations entre Sovitiques et Franais ne dbouchrent pas sur un projet concret au grand dam des responsables de lUnion sovitique, car nous tions en pleine Guerre froide. Nanmoins, des changes

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Le SNAP-8, dun poids de 2 750 kg pour une dure de fonctionnement de 10 000 h, tait un racteur uranium rgl au moyen dun rflecteur, dot dune turbine vapeur de mercure et refroidi par un mlange sodium-potassium.

cure bout 580 C et 19 bars, puis sort surchauff 650 C. La vapeur est dtendue travers une turbine et entre dans un condensateur radiateur 375 C et 1,4 bar. Elle y est condense et refroidie 292 C et 1,1 bar, puis le mercure liquide est pomp vers la chaudire o il entre 352 C et 23 bars aprs avoir refroidi lalternateur et les quipements lectroniques. Le SNAP-8 tait dclin en deux versions : une version de 30 kW de puissance lectrique et dune masse de 900 kg et une version de 60 kW de puissance lectrique pour une masse de 1 400 kg. Les deux versions taient munies de radiateurs composs de deux panneaux de 4,5 m de long et 3 m de large, dont les plans concidaient avec le plan du noyau du racteur pour diminuer la diffusion des neutrons. Lencombrement du racteur et de son blindage, dune part, de la chaudire et du turbognrateur, dautre part, peut tre figur par deux cylindres de 60 cm de diamtre et de 1,2 m de longueur, ce qui laissait environ 40 50 cm pour le racteur proprement dit, chiffres comparer ceux des racteurs sovitiques Romachka et Topaz qui taient respectivement de 60 par 70 cm pour le premier (racteur neutrons raFUSION N101 - MAI - JUIN 2004

pides) et 28 par 26 cm pour le second (racteur modrateur). Ce SNAP-8 tait destin avant tout produire de llectricit pour des systmes spatiaux embarqus mais ce concept, nouveau pour lpoque, permettait aussi une forme efficace de propulsion lectrique. Ainsi, cette dernire apparaissait plus performante pour des programmes de sondes plantaires que les propulseurs chimiques classiques, aprs que le vaisseau propulsion nuclolectrique ait t mis poste en orbite par des lanceurs de type Atlas-Centaur ou Saturn Cl. Les ingnieurs amricains, se basant sur les possibilits du SNAP-8 en matire de propulsion, ont retenu pour ce faire cinq scnarios : Scnario A : le vhicule est lanc par une Atlas-Centaur vers Vnus, avec une charge utile de 700 kg pour un temps de transit de 110 jours. Scnario B : le vhicule est lanc par une Saturn Cl pour une sonde sur Mars, avec une charge utile de 1 430 kg et un temps de transit de 22 jours. Scnario C : le vhicule est lanc par une Atlas-Centaur pour une sonde sur Vnus, avec une charge utile de 1 700 kg pour un temps de transit variant entre 240 et 380 jours selon la

position des plantes. Scnario D : le vhicule est lanc par une Atlas-Centaur vers Mars avec une charge utile de 500 1 500 kg, pour un temps de transit denviron 240 jours. Scnario E : le vhicule est lanc sur une orbite martienne incline de 17 sur lcliptique et la charge utile est de 700 kg pour une dure de transit de 300 400 jours. Curieusement, le SNAP-8 ne fut jamais utilis pour des sondes et il nest pas sr quil le fut sur des satellites espions, car le programme fut classifi. Il nen fut pas de mme pour le SNAP10A, moins performant, que lon considrait tort, cause de lignorance qui rgnait dans les annes 60 sur les programmes sovitiques, comme le premier gnrateur nuclaire dlectricit spatial essay en vol . En fait, cet honneur revenait au racteur sovitique Romachka... Les inspirateurs du SNAP-10A, R.A. Johnson, W.T. Morgan et S.R. Rocklin, et qui fut lanc le 3 avril 1965 par une fuse Atlas-Agena, avaient conu le SNAP10A avec une capacit de production dun an avec une nergie lectrique de 500 W sous la forme dun courant continu de 28 V. Selon leurs directives, le gnrateur devait tre mis en marche sur orbite par tlcommande depuis la Terre et tre manipul, transport et lanc avec les critres de scurit et les procds couramment admis. Dautre part, ces impratifs explicitaient quil ne devait pas tre ncessaire de piloter le racteur aprs la phase de dmarrage, que le satellite porteur serait dot dun quipement suffisant pour contrler compltement le fonctionnement du gnrateur, avec lapport dun cran de protection pour diminuer la dose de rayonnement nuclaire qui constitue un facteur inhibant pour le fonctionnement nominal des instruments du satellite. Pendant 43 jours, le SNAP10A a fonctionn en continu donnant toute satisfaction, mais a cess brutalement de fonctionner le 16 mai 1965. Le racteur compact, utilisant comme combustible modrateur un mlange constitu par de lhydrure de zirconium et 4,8 kg environ duranium 235, a t conu dans loptique dune masse minimale capable toutefois de fonctionner tempratures leves, celles-ci tant permises par la grande stabilit thermique de lhydrure de zirconium et les thermocouples utiliss sont de type Pb-Te.

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eteur au carbure duranium, offrait des possibilits en matire de propulsion lectrique pour des missions lointaines ou ncessitant une importante quantit dnergie pour des satellites, des stations spatiales ou des missions lunaires. Les tudes SNAP50 SPUR avaient pour finalit la mise au point de systmes de propulsion lectriques pour des vaisseaux spatiaux. Le refroidissement du racteur tait assur par du lithium liquide. Le SNAP-100 SPUR, encore plus puissant, ne vit non plus jamais le jour mais on en reparle depuis quelque temps. Lexemple de tous ces racteurs nuclolectriques est l pour prouver que lutilisation de lnergie nuclaire dans lespace nexige pas la mise en orbite de masses considrables, contrairement ce quaffirmaient dans les annes 60 les contempteurs du nuclaire spatial. Mais il est vrai que le problme se pose diffremment si lon raisonne par exemple en termes de vol habit nuclaire comme un vol martien. Il faut ici faire appel la grosse artillerie , en vitant le dpart dune structure massive (3 000 t pour 300 arrivant en orbite martienne) partir de la Terre, mais sans oublier que lutilisation du nuclaire permet une importante rduction de la masse dergols au dcollage et permet une rduction du temps de mission habit. Dans ce cas, nous utiliserions a priori des systmes nuclothermiques (en dpit du fait que la solution nuclolectrique a de plus en plus de partisans) et, de toute faon, dans loptique dune expansion de lhomme dans le systme solaire et en labsence de tout invit inattendu du progrs technologique , cest partir du nuclaire que nous tirerons les sources dnergie et les systmes de propulsion capables de raliser cette expansion. Les techniques ont volu, de nouvelles solutions et de nouveaux concepts sont actuellement en mergence. Par exemple, il existe aux Etats-Unis une volont politique pour remettre le nuclaire spatial sur le devant de la scne laquelle rpond, timidement certes, une volont russe et franaise de relancer les programmes de propulsion nuclaire spatiale. Avant cette nouvelle donne, les regards ports sur les possibilits respectives de la propulsion nuclothermique et de la propulsion nuclolectrique taient fort diffrents de ceux ports aujourdhui : chacun son domaine, puisque les performances ne peuvent tre compares dans le domaine de la propulsion. Nous avons dfini au cours de cet article ce qutait la propulsion lectrique : celle-ci se caractrise par un systme o lnergie thermique nuclaire est convertie en nergie lectrique pour produire soit un faisceau dions rapides soit un plasma, qui sont jects dans lespace en assurant le rle de fluide propulsif. Pour ce qui concerne la propulsion, qui peut tre cur solide, lit de poussires, cur liquide et cur gazeux, le fluide propulsif est port haute temprature en passant dans le cur dun racteur pour lequel il joue galement un rle de rfrigrant, avant dtre ject grande vitesse dans lespace par lintermdiaire dun divergent associ une tuyre. Point sur lequel saccordent les diverses coles de pense, pour obtenir des performances nettement plus leves que les propulseurs cryotechniques brlant de loxygne et de lhydrogne liquides, il faut renoncer utiliser une raction chimique qui produit des gaz chauds dont la masse molculaire sera toujours plus leve (M gal 18 pour H2O transforme en vapeur). Consquence de ces faits, la solution optimale consiste chercher utiliser un gaz de masse molculaire relativement bas. En dehors du fait quil serait possible par des procds astucieux de casser la masse molculaire du mthane, la seule solution viable reste le nuclothermique hydrogne qui, selon certains concepts labors aux Etats-Unis par Stanley Borowski, L. Dudzinski et Melissa McGuire, pourraient aussi tre utiliss en mode bimodal, pour produire de llectricit. Bien avant les travaux des scientifiques que nous venons de citer, des projets denverFUSION N101 - MAI - JUIN 2004

Cette stabilit de lhydrure de zirconium est renforce par un systme astucieux o les lments combustibles modrateurs de 31,75 mm de diamtre et de 311 mm de longueur sont entours par une gaine en hasteloy-N, dote dun revtement permanent permettant de limiter les fuites dhydrogne qui, dans ce systme nuclolectrique, est utilis comme modrateur. Cest la prsence de lhydrure de zirconium qui permet lhydrogne de fonctionner 650 C et de jouer pleinement son rle. Sur le SNAP-10A, le cur est entran par un rflecteur en bryllium comportant quatre tambours semi-cylindriques tournants, qui permettent de piloter le racteur pendant le dmarrage, comme il est explicit dans un article de la Revue des confrences consacr au nuclolectrique spatial et crit par les concepteurs de ce racteur nuclaire spatial amricain. Aprs la phase de dmarrage du racteur, le contrle est automatiquement assur grce la stabilit inhrente un engin de ce type. Il est vident que, pour un tel racteur, il faut un systme de refroidissement qui, ici, nest pas jou par lhydrogne dont le rle sur le SNAP-10A est celui de modrateur, mais par le mtal liquide NaK78 (dnomm eutectique). A ce mtal liquide, il faut une structure de circulation qui est assure par une pompe lectromagntique et le systme de conversion dnergie assur par un effet dit Seebeck, le matriau thermolectrique tant du germaniumsilicium convenablement dop pour fournir les deux polarits opposes. Les 2 880 thermocouples utiliss sont monts sur 40 tubes en acier inoxydable disposs longitudinalement sur la structure tronconique du racteur, le SNAP-10A tant galement quip dun cran de protection assur par un bloc massif dhydrure de lithium pesant environ 95 kg et enferm dans une enveloppe en acier inoxydable de faon empcher les fuites dhydrogne jouant ici le rle de modrateur. Pour la phase de vol, le SNAP-10A tait mont lavant de ltage Agena et, en orbite, avait toujours la mme face tourne vers la Terre. Parmi les projets non concrtiss, mais revenant lordre du jour avec la relance du nuclaire spatial avec ladministration Bush, notons le SNAP-50 SPUR dune masse de 2 750 kg. pour une puissance lectrique allant de 300 1 200 kW. Le SNAP-50 SPUR, rac-

Nuclothermique ou nuclolectrique : le dbat qui divise les spcialistesDu fait des progrs raliss depuis quelques annes ou en cours dans le domaine de la propulsion nuclaire, il nest plus possible de poser les quations du problme comme on pouvait le faire encore au dbut des annes 90.

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fuse nuclaire

cur solide cur liquide et lit fluidis

cur gazeux coaxial

cur gazeux vortex

gure furent mens aussi bien dans le nuclothermique (programme Rover avec les racteurs Kiwi, programme Nerva avec les racteurs Phoebus et NRX) que dans le nuclolectrique (comme nous lavons vu avec les travaux de Sthlinger, Buden, de Angelo et Nagorski). Le mme phnomne se produisit dans lex-Union sovitique avec les programmes NTP RD-0410 et RD-0411 et le moteur propulsion nuclolectrique YA ERD-550 issu de la srie GPNER. En Union sovitique, les recherches furent poursuivies bien au-del de larrt officiel des programmes amricains et certains programmes, lpoque, envisageaient mme dassocier un propulseur nuclaire embarqu avec le couple form par la fuse gante Energya et la navette Bourane pour effectuer des essais dans lespace. Aux EtatsUnis, concernant ces recherches, il apparaissait que lavantage (surtout en matire de propulsion) allait au nuclothermique mais que, dans les deux cas (NTP et NEP), le pouvoir politique amricain ne voulait plus les soutenir, en partie cause du financement du programme Apollo et parce que ces projets arrivaient trop tt et cotaient trop cher . Mme si la balance penchait pour le nuclothermique, les perspectives des racteurs fission nuclolectriqueFUSION N101 - MAI - JUIN 2004

apparaissaient pleines de promesses pour les missions des annes 80 et 90. Concerns en particulier par ces perspectives taient de possibles vhicules rcuprables de transfert orbital pour aller dune orbite basse une orbite GEO, des missions dexploration et de reconnaissance des plantes extrieures et un Space Tug capable dapporter un soutien logistique du processus de dveloppement des ressources lunaires. Des deux principales sources dnergie lectrique le nuclaire et le solaire , le nuclaire apporte le plus davantages avec une densit nergtique beaucoup plus leve et des performances totalement indpendantes de la distance par rapport au Soleil. En addition, le NEPS (Nuclear Electric Propulsion System) vite la dgradation du vhicule spatial lorsquil traverse les ceintures de radiations qui se trouvent autour de la Terre, un facteur limitant svrement lusage de la propulsion solaire lectrique comme systme rcuprable de transfert orbital entre une orbite terrestre basse et une orbite gostationnaire, et vice-versa. A lpoque, en dehors de tout programme martien habit faisant appel la NEP, les experts estimaient que la quantit dnergie ncessaire pour les futures missions spatiales pouvant faire appel

au nuclolectrique se divisaient en deux classes : des centaines de kilowatts lectriques pour des racteurs interorbitaux, des satellites de grande taille, des plates-formes industrielles et des sondes scientifiques, des dizaines de mgawatts lectriques pour des cargos automatiques martiens. En faisant abstraction des programmes sovitiques et russes que nous navons abord que succinctement, il nest pas mauvais de faire un retour sur lhistoire tonnante du programme Rover une poque o lavenir du nuclaire spatial semblait se dessiner positivement, mme avant lpoque du programme Apollo, puisque leffort des Amricains a dbut au milieu des annes 50, avant mme lofficialisation de la NASA comme agence spatiale amricaine. Leffort amricain, une poque o le nuclolectrique tait encore considr comme peu performant sur le plan de la seule propulsion, dbuta par la mise en place en 1955 dune structure unique dnomme SNPO (Space Nuclear Propulsion Office), structure mixte associant lAtomic Energy Commission et ce qui allait devenir la NASA. La mme anne tait lanc le projet Rover, dnomination densemble dtudes au sol dune srie de moteurs exprimentaux pour propulseurs spatiaux nuclothermiques, qui se poursuivit de 1955 1973 au Laboratoire national de Los Alamos et au Centre de recherches de Jackass Flats dans le Nevada. A lpoque du lancement du projet Rover, il existait un fort mouvement en faveur des fuses nuclothermiques qui constituaient, par opposition aux lanceurs chimiques classiques, lexemple le plus caractristique des fuses source dnergie spare . Comme la soulign lingnieur atomiste franais Etienne Fischhoff, dans les fuses classiques ou chimiques, limpulsion en grande quantit de mouvement gnratrice de la pousse ainsi que lnergie cintique du jet rsulte entirement et uniquement de la transformation dune partie de lnergie thermique dgage par la raction chimique trs exothermique dun comburant et dun carburant (propergols). Il sensuit que les porteurs de cette nergie sont donc les propergols eux-mmes. La pousse tant donne par le produit g Ve, g tant le dbit massique, il sensuit que lon a intrt, dans tous les cas et afin dconomiser la masse, djecter

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ces propergols la vitesse djection Ve la plus grande possible. Il nen est pas de mme pour les fuses nuclothermiques o la source dnergie est entirement distincte du fluide ject ou propulsif. Cette nergie est transfre au fluide quelle chauffe et qui est ensuite dtendu dans une tuyre classique. Il nest donc pas vident a priori que lon ait intrt transfrer ce fluide le maximum dnergie possible, mme en supposant que la puissance et la rserve dnergie de la source soient extrmement grandes car de nombreux facteurs entrent en jeu. Dans les fuses chimiques, la chaleur tant dgage au sein du fluide ject, les matriaux constituant la chambre de combustion peuvent tre maintenus par refroidissement convenable une temprature beaucoup plus basse que celle des gaz : ils nont pas besoin dtre rfractaires. Au contraire, dans le cas de la propulsion nuclothermique, la temprature des surfaces dchange thermique entre racteur atomique et fluide propulsif sera obligatoirement toujours suprieure de quelques dizaines de degrs celle du fluide. Do la ncessit de matriaux hautement rfractaires, ce qui constitue une limitation de la temprature maximum communiquer au propulsif. Ce problme se pose moins pour les racteurs nuclolectriques qui fonctionnent, comme nous lavons vu, sur des principes diffrents selon lesquels la chaleur du racteur nuclaire est convertie en nergie lectrique utilise ensuite pour produire soit un faisceau dions rapides, soit un plasma qui sont jects dans lespace en jouant le rle de fluide propulsif. Dans le cas des propulseurs nuclothermiques, les matires fissiles du racteur atomique, le modrateur, la structure et les organes de rglage ventuels seront ports, en gnral, une temprature encore plus leve en subissant le contact avec un fluide propulsif qui peut tre variable, du moins thoriquement, et se situant, toujours selon Fischoff, dans le cadre de proprits physiques et thermodynamique convenables : H2, He, NH3, H2O. Ds que ce propulsif a atteint lenthalpie ncessaire (mesure de la relation existant entre un systme de volume V sous la pression P), sa dtente ultrieure se poursuit dans une tuyre convergente-divergente, comme pour les fuses chimiques classiques. Dans le systme nuclothermique, le fluide

Schma dun moteur dune fuse nuclothermique cur solide. Lhydrogne liquide est pomp du rservoir de stockage ( droite). Lhydrogne prchauff est alors inject dans le racteur fission nuclaire, chauff environ 3 000 K et ject dans la tuyre pour crer la pousse.

propulsif est puls dans un rservoir la temprature T0 par un groupe de turbopompes qui lui fournit une pression PL sous un dbit massif Q. Aprs circulation autour du propulseur quil refroidit, il pntre dans le cur du racteur o une puissance thermique est dgage par la fission. Cette puissance peut tre contrle par des moyens analogues ceux utiliss dans les piles atomiques classiques (barres de contrle et de scurit). Etant mis en prsence dune grande surface dchange thermique, il en sort une temprature absolue T0 et une pression P0 du fait des diverses pertes de charge. Jusqu lpoque du programme Rover, o nexistaient pas encore de nouveaux concepts rvolutionnaires NTP (comme ceux labors par Stanley Borowski), il ntait imagin que trois types de racteurs atomiques nuclothermiques spatiaux : les racteurs atomiques classiques ou solides, dont la temprature peut monter jusqu 3 000 K, les racteurs cur liquide de 3 000 4 000 K et les racteurs combustible gazeux suprieurs 4 000 K. Toutefois, selon des spcialistes du CEA, la temprature de fonctionnement dun racteur nuclaire NTP est limite par la tenue des matriaux du cur et il est difficile denvisager des tempratures suprieures 2 200 C. Cette temprature est bien infrieure aux 3 250 C obtenue avec H2O, mais lutilisation de lhydrogne pour la propulsion (M gale 2 au lieu de 18 pour la vapeur deau) lemporte largement et fait de la propulsion nuclaire thermique un

systme particulirement intressant, mme si on envisage depuis quelque temps des concepts nuclolectriques prometteurs. Pour comprendre les dfis techniques quont russi surmonter les Amricains et les Russes en matire de NTP, nous nous rfrerons lexamen de lternel pionnier quest Robert W. Bussard (qui est aussi un thoricien de la propulsion par fusion nuclaire, dun calibre comparable des spcialistes comme Kammash, Reupke et Winterberg), qui fit paratre un papier de rfrence dans Acta astronautica. Selon Bussard, deux problmes principaux rendaient difficiles le dveloppement des moteurs nuclaires pour fuses : dabord, la ncessit dobtenir une temprature de gaz leve sans trop de consquences pour le racteur qui doit pouvoir tre allum et arrt volont ; ensuite, la ncessit dobtenir un rendement nergtique lev pour un changeur de faible masse. Pour une acclration du vhicule suprieure la force de gravit terrestre, une puissance spcifique du racteur de lordre suprieur 1 MW thermique par kilogramme de masse du racteur est souhaite. Sur la base des donnes relatives la limite de rsistance et du point de fusion, on peut valuer la temprature maximale utilisable pour divers matriaux combustibles, ainsi que les valeurs approximatives des impulsions spcifiques que lon peut attendre avec des propergols composs de H2 et NH3 dissocis et ports des tempratures voisines deFUSION N101 - MAI - JUIN 2004

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Tableau 1Matriau tive (s) C Tic-Zrc Nbc ToC-Hfc Temprature limite C 2 600-2 700 3 000 3 400 3 700 Impulsion spcifique approximaAmmonium 410-430 450-470 490-530 530-580 Hydrogne 800-900 930-970 1 020-1 120 1 100-1 230

celles figurant dans le tableau 1. Ltude des rapports entre la neutronique, la gomtrie et la masse du racteur, dune part, et la structure de lchangeur de chaleur, dautre part, permet de conclure que les racteurs rapides ont le rendement le plus lev lorsque leurs dimensions sont infrieures celles correspondant lobtention dune puissance thermique denviron 500 MW et dune pousse de 10 000 kilodynes. Cette tude permet galement daffirmer que les racteurs spectre neutronique thermique ou intermdiaire utilisant des carburants de faibles densits, modrateurs de neutrons, ont un rendement dautant meilleur que la puissance et la pousses sont augmentes. Pour un rendement de propergol suprieur aux chiffres cits plus haut, des changeurs de chaleur carburant liquide ou gazeux et des systmes de propulsion lectrique simposent. A lpoque o Robert Bussard fit paratre son papier (1966), bien que les spcialistes estimaient que les systmes dacclrateurs de propergols nuclolectriques permettraient des impulsions spcifiques allant jusqu 12 000 s, laccent tait mis sur la faible pousse entranant une trs faible acclration du vhicule. Ceci tait vrai dans les annes 60 mais, rcemment, les progrs obtenus ont permis denvisager de mettre au point des propulseurs nuclolectriques ayant des performances comparables aux propulseurs nuclothermiques. Ainsi, alors quil tait considr comme impossible dans les annes 60 de faire des progrs significatifs dans ce domaine, grce des tudes sur le cas dune conversion directe de la fission en nergie lectrique (par exemple, grce des lampes diodes thermooniques remplies de plasma), on a pu amliorer dun facteur de 5 10 les performances de ce type de propulseurs sur des bancs dessaiFUSION N101 - MAI - JUIN 2004

aux Etats-Unis. Certes, il ne faut pas jeter le bb avec leau du bain. Sur le plan thorique, le programme Rover nous a montr quil existait une marge de progression considrable pour le nuclothermique. Les racteurs dans lesquels le carburant fissile et le propergol sont tous deux ltat gazeux peuvent en principe atteindre des tempratures de lordre de 40 000 C. Cependant, dans la pratique, il faut que des atomes de carburant nayant pas subi le processus de la fission subsistent dans le noyau gazeux pendant la phase dchappement du propergol amen haute temprature. Ltude des problmes poss par les principaux types de racteurs milieu gazeux a permis de conclure que les dperditions causes par la collision et la diffusion au cours du passage travers les champs magntiques utiliss pour la retenue, et les instabilits dHelmholtz dans les coulements de cisaillement, limitaient le rendement du racteur au point que lacclration du vhicule ne pourra jamais excder un certain niveau thorique cause de phnomnes de rtention limitatifs. Par contre, et selon les mmes tudes, les racteurs carburant liquide stabilis par centrifugation ne semblent pas prsenter les mmes difficults, mais posent des problmes de dmarrage et de contrle. Dans les meilleures conditions possibles, les carburants liquides pourraient fournir une temprature excdant de 1 000 C les tempratures maximales atteintes laide des meilleurs carburants solides. A lpoque o Robert Bussard rdigea son papier pour Acta astronautica, peu de travaux avaient t effectus touchant ces types de racteurs ( lexception de L.R. Shepherd et A.V. Cleaver qui sintressaient aussi aux racteurs cur gazeux et rendement lev ds les annes 1947-1948) et il apparaissait, pour les annes venir, que les

dveloppements devraient sorienter principalement vers les racteurs noyau solide. En se basant sur ltat des connaissances de cette poque, le niveau des tempratures des gaz atteintes avec les racteurs noyau solide tait envisag comme suit en slevant rgulirement de 2 200 C vers 1965 3 000-3 600 C dix ans plus tard. Il apparaissait cette poque que lon soit capables, vers 1975, daccomplir la presque totalit des grands voyages interplantaires dans le Systme solaire par transits rapides laide de vhicules mus par fission, de prfrence tout autre moyen. Les tudes faites par Hunter et London ont soulign limportance de la vitesse initiale communique aux vhicules spatiaux et les rsultats sont en effet tonnants si lon utilise les tables quils ont dresses en se basant sur la propulsion NTP : 1. avec une vitesse initiale de 15 250 m/s il serait possible : - deffectuer un vol vers Jupiter en 12 18 mois ; - deffectuer un vol vers Saturne en 38 mois au lieu de pratiquement 7 ans pour Cassini-Huygens. 2. avec une vitesse initiale de 19 800 m/s : - vol vers Jupiter en 10 mois ; - vol vers Saturne en 20 mois ; - passage en tir direct 0,1 unit astronomique du Soleil ; - vol vers Uranus en 44 mois ; - vol vers Neptune en 7 ans. 3. avec une vitesse initiale de 23 000 m/s : - vol vers Saturne en 17 mois ; - vol vers Uranus en 34 mois ; - vol vers Neptune en 4 ou 5 ans. Les tudes assez complexes de Hunter et London nont pas non plus sous-estim le problme de latterrissage sur les satellites des plantes extrieures, en montrant que la fourniture dun incrment de vitesse de 5,5 km/s est suffisante pour quun vhicule spatial plac sur une orbite de capture autour dune de ces plantes puisse atterrir sur presque tous leurs satellites. Lexamen rtrospectif des diverses phases de Rover est l pour dmontrer que les spcialistes amricains avaient franchi un certain nombre de barrires technologiques et russi valider les concepts de racteur, lesquels furent sur le point de dboucher sur le propulseur oprationnel Nerva aprs dix ans dessais continus o les tapes furent avales

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eKiwi-A Prime fut lun des racteurs nuclaires tudis pour la propulsion, Los Alamos (Nouveau Mexique).

une une. En juillet 1959, les ingnieurs du SNPO russirent valider la thorie selon laquelle la vitesse djection de lhydrogne la sortie dun propulseur nuclaire pouvait atteindre 7 500 m/s avec les essais dun Kiwi dot de 100 MW de puissance. En octobre 1960, les essais encourageants darrt et de rallumage dun Kiwi-A-3 amnent la NASA faire signer Aerojet General et Westinghouse un contrat pour le dveloppement dun tage nuclaire assembl sur un lanceur cryotechnique. La suite allait dmontrer pourtant quil ne fallait pas brler les tapes et, dans le cadre des essais de la srie Kiwi-B, impliquant des racteurs de 1 100 MW, les Amricains mirent plus de deux ans pour arriver matriser les problmes dalimentation en hydrogne gazeux et de vibration du moteur dus laugmentation de puissance du racteur. Ces efforts seront concrtiss avec la mise au point du racteur exprimental de grande puissance Phoebus 1-A. En fvrier 1966, un progrs considrable est obtenu avec le premier racteur de la srie NRX-EST (dix simulations de vol pour 110 min de fonctionnement dont 2 une puissance de 1 100 MW), o, pour la premire fois, les turbopompes amenant lhydrogne ne sont plus isoles du racteur par du bton

mais intgres sur le bti mme de celui-ci. Des essais de longue dure furent ultrieurement poursuivis avec la srie NRX-A et de validation complmentaire des technologies impliques avec les modles de la srie Phoebus-1. Lessai, le 23 fvrier 1967, dun Phoebus 1-B (pousse de 34 t un niveau de 1 500 MW ) se chargera alors de dmontrer dfinitivement la validit du concept de racteur homogne cur solide du futur Nerva. A partir de cette date, soit deux ans avant le dbarquement lunaire Apollo 11, le programme nuclaire amricain de propulsion spatiale va prendre une tout autre dimension et voluer vers un programme de simulation des conditions dun vol spatial sur de nouveaux bancs dessai spcialement adapts, dnomms ETS (Engine Test Stand). Dans le cadre de ce programme, le racteur XE-Nerva subit toute une srie dessais satisfaisants de mars septembre 1969 et atteint une puissance de 1 100 MW pour une pousse de 25 t. Fin Essais au sol du racteur nuclaire NRX-A du 1969, il ntait pas irprogramme Nerva. raliste de considrer

que les ingnieurs spatiaux amricains avaient pratiquement rsolu la plupart des problmes techniques que pose la mise au point dun lanceur nuclothermique : intgration de la charge utile et des rservoirs dhydrogne, alimentation en propulsif par turbopompes, stabilisation de la raction en chane au niveau des racteurs pour des conditions correspondant celles dun vol spatial, changeurs transfrant lnergie thermique au propulsif, arrt et rallumage du propulseur, matriaux adapts pour la chambre de combustion et la tuyre soumises aux fortes tempratures djection, lectronique de contrle et de guidage, blindages, vacuation de la chaleur excdentaire par radiateur, protection contre les rayonnements. Il apparaissait ds lors que la mise au point dun Nerva oprationnel (dune pousse de 34 t pendant 40 min) et son intgration comme propulseur dun tage suprieur nuclaire RIFT (Reactor in Test Flight) assembl sur une Saturn 5 ntaient quune question de temps. Hlas, il nen fut rien et le programme fut arbitrairement stopp en 1972, alors quun propulseur Nerva de 90 t de pousse et dune puissance de 5 000 MW tait en cours de mise au point. Jackass Flats fut ferm en 1973, sans que les tudes thoriques et de faisabilit au Los Alamos National Laboratory aient jamais vraiment cess, et rouvert en 1991 loccasion du lancement du projet de missile propulsion nuclaire Timberwind-SNTP.

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Nouveaux concepts et nouvelles perspectives pour le nuclaire spatialHistoriquement, le milieu des annes 90 se caractrisera par un accroissement du nombre dtudes en nuclaire spatial, aussi bien en matire nuclothermique que nuclolectrique, avec lapparition dune troisime voie dite bimodale, qui unifie dans un mme concept les avantages des deux voies prcdentes. Pascal Pempie, qui est responsable de lvolution technique au CNES et participe la direction du projet classifi MAPS, nous a donn une vue tendue de tous ces projets lors dune confrence magistrale prononce en mars 2001 au CNES, sous lgide de lAAAF (Association aronautique et astronautique de France). Une des raisons principales de ce retour en grce du nuclaire tient au renouvellement des ides sur les missions martiennes habites : Pascal Pempie, se basant sur certains calculs relatifs laccs Mars par lintermdiaire des trajectoires dites de Hohmann, estime quil serait possible datteindre la Plante Rouge en 40 jours si lon donne un vaisseau nuclaire, partant dune orbite terrestre basse, une vitesse de 85 km/s. Les projets en matire de nuclaire spatial fusent actuellement de partout... Autre opportunit pour le retour en grce du nuclaire spatial, nous ne partons pas de rien. Sur le plan thorique, dans le cas dun moteur NTP, les expriences ont montr quun moteur-fuse nuclaire dune certaine puissance permettrait de tripler les performances obtenues avec des moteurs cryotechnique. Un des avantages permis par le nuclaire spatial (NTP et NEP) est doffrir de meilleurs rapports en charge utile. A lpoque du programme Apollo, les services du Jet Propulsion Laboratory (laboratoire commun la NASA et au Caltech) avaient calcul quun propulseur nuclaire de type Nerva, intgr au troisime tage dune Saturn 5, aurait permis une vitesse considrable de libration avec un accroissement notable pour la charge utile. Ces performances auraient alors permis de dposer sur la Lune un module Apollo 2 dun poids plus lev de 65 % par rapport aux modules habits ayant atterri surFUSION N101 - MAI - JUIN 2004

notre satellite, daccrotre la masse dune sonde solaire de 125 % ou de satelliser autour de Mars une sonde plus lourde de 90 % par rapport aux meilleurs moteurs cryotechniques. Les moteurs nuclaires permettent un meilleur dlai imparti par la dure des voyages et, pendant longtemps, on crut que cette possibilit tait la caractristique propre la NTP. Toutefois, les travaux se dveloppant, on sest aperu quelle tait aussi une caractristique potentielle pour le nuclolectrique, moins puissant que la NTP au dpart, mais poussant continuellement pendant des temps trs levs, ce qui serait un avantage pour des vols pilots humains vers les plantes extrieures. Actuellement, on pense beaucoup au vol nuclaire pour Mars, mais lutilisation de ces techniques est susceptible dun grand nombre dapplications pour les annes venir. Ainsi, par exemple, on ressort des cartons un projet qui a t prsent en 1964 devant lAIAA (American Institute of Aeronautics and Astronautics) et conu partir dun lego associant un lanceur cryotechnique Saturn 1B des tages suprieurs nuclaires NTP pour des missions de mise en orbite de sondes autour des plantes Saturne, Uranus et Neptune le voyage Terre-Saturne serait rduit un an, Terre-Uranus un peu plus de deux ans et Neptune serait trois ans et demi de notre plante. Les Amricains, dans le cadre de leur programme Prometheus (qui intgre la Space Exploration Initiative), ressortent mme des cartons le programme de SNAP-pair dnomm SNAP-100. Ce projet, capable de fournir un haut niveau dlectricit (1 700 kWe) et une forte pousse, fut soutenu au dbut des annes 70, avant dtre remis dans les tiroirs puis ressorti dans le cadre de lInitiative de dfense stratgique (IDS). Avec larrt du programme antimissiles nuclaires amricain, le SNAP-100 fut de nouveau jet aux oubliettes et en sortit en 2002, car ladministration Bush, pour des vises militaires videntes, veut lintgrer un programme moyennement budgtis : 46,5 millions de dollars pour la propulsion et 79 millions de dollars pour la fourniture dlectricit. Il ne faut pas stonner de la faiblesse apparente dun tel niveau de financement car, en dpit dune lthargie de longues annes en matire nu-

claire spatial, les travaux amricains et russes nont jamais totalement cess, situation qui a permis dacqurir un certain nombre de donnes dont peuvent bnficier les programmes mergents aujourdhui et prsents au cours ou aprs le dernier colloque biannuel dAlbuquerque (3 au 5 fvrier 2003 au Nouveau-Mexique). Mais, depuis cette date, le tir a t rectifi par lAdministration amricaine et sa timide Space Nuclear Initiative a t intgre au programme Prometheus, coordonn par la NASA et budgtis 3 milliards de dollars pour la priode 2004-2008, auxquels viennent sajouter 1,5 milliard de dollars sur des projets classifis des Black Programms et les fonds propres de divers laboratoires de recherche, mais qui sont plus difficiles estimer. Tout ceci reprsente une manne consquente et une menace pour lEurope qui, part la France avec son projet MAPS, ne sinvestit pas dans ce domaine. Si nous laissons le monopole de ce type de recherches aux Amricains, les consquences seraient catastrophiques aussi bien en ce qui concerne les sondes scientifiques que les satellites de reconnaissance et le vol habit martien (ncessit dun apport europen si nous voulons occuper plus quun simple strapontin). En outre, il existe pour les NTP et les NEP bien dautres applications comme le programme Mitee-B propos par James Powell, G. Maise et J. Paniagua de la socit amricaine Plus Ultra Technologies base Shoreham prs de New York, le projet NTR (Bimodal Nuclear Thermal Rocket) dont les objectifs sont la Lune et Mars (quipe de Stanley Borowski, L. Dudzinski et Melissa McGuire), le projet de R. Lenard, des Sandia National Laboratories, consistant investiguer et intercepter les gocroiseurs qui prsentent un certain danger de collisions avec la Terre. Nous consacrerons quelques paragraphes de cet article ces diffrents projets. Dune faon gnrale les projets, majoritairement amricains, sont les suivants : Systme LOX Augmented NTR, o lon assiste une injection dans le divergent doxygne liquide qui rebrle dans lhydrogne. La consquence de ces innovations en matire nuclothermique est une baisse de limpulsion spcifique avec, toutefois, lavantage dune augmentation en pousse. Le concept bimodal NTR, inspir des travaux de Borowski sur

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ement des parois du contenant par laction du rayonnement nuclaire (neutrons et rayons gamma). Un tel systme ncessiterait un programme de recherches bien dot stalant sur dix quinze ans. Par suite de sa complexit structurelle ou de fortes pressions de fonctionnement (allant jusqu 1 000 bars), les gnrateurs de ce type seraient trs lourds et leur utilisation ne pourrait se justifier que pour des missions exigeant des pousses de lordre de plusieurs centaines de milliers de dcanewtons. Pour un concept de ce type, les tempratures atteindraient 55 000 K et limpulsion spcifique 7 000 s. Linconvnient majeur de ce concept, auquel pour linstant nous navons encore trouv aucune solution, rside dans ljection de produits de fission. Parmi les projets sur lesquels travaillent les laboratoires amricains, il existe galement le Cermet qui est un racteur neutrons rapides utilisant une matrice mtallique compose 60 % de dioxyde duranium avec 40 % de tungstne. Il existe en outre des recherches sur les moteurs nuclaires phase gazeuse cycle ferm et dits ampoule nuclaire dont limpulsion spcifique, selon Pascal Pempie, peut atteindre 1 550 s. Parmi les autres programmes de propulsion nuclaire dvelopps aux Etats-Unis, notons les racteurs nuclolectriques Nexis (Nuclear Electric Xenon Ion System), CBIO, le moteur propulsion magntoplasmadynamique MPD du NASA Glenn Research Center (qui effectue aussi des recherches sur la propulsion par fusion), les travaux effectus par lquipe dirige par lastronaute Chang Diaz sur le projet Vasinir (Variable Specific Impulse Magneto Plasma Reactor) et le projet NEP SAFE 30 du Marshall Space Flight Center de la NASA. Du ct russe, o les moyens mis en uvre sont plus faibles pour causes financires, il existe plusieurs tudes en cours, mais un seul qui a atteint le stade dun vritable projet : le moteur NTP CADB, dune masse de 2 t et capable datteindre une impulsion spcifique de 910 s, ce qui est mieux que le Nerva 2 qui fournissait une puissance de 4 500 MW thermiques, une temprature de 3 000 C et une impulsion spcifique de 850 s. Il y a environ douze ans (1992) tait encore sur les planches dessin un projet de remorqueur orbital propulsion NTP intgrable en tant qutage nuclaire suprieur au systme Energya-Bourane. Il existe aussi dautres projets faisant appel la NTP ou la NEP, certains, notamment aux Etats-Unis, ayant merg avant la mise en place du projet Prometheus, comme les projets de Stanley Borowski datant de 1993-1994 et que notre collgue et amie Marsha Freeman a prsent, en 1999, dans un scintillant article de notre magazine Fusion. Parmi tous ces projets figurent le projet Mitee-B anim par James Powell, G. Maise et J. Paniagua, le Bimodal Nuclear Thermal Rocket de lquipe Borowski et le projet Nuclear Electric Propulsion de R. Lenard des Sandia National Laboratories. Le projet Mitee-B, dclin en trois versions aux performances diffrentes, est bas sur un engin spatial nuclaire bimodal compact et lger, conu dans le but de dlivrer un haut niveau de pousse pour la propulsion et un haut niveau dlectricit pour les instruments dune sonde. Nous avons vu, au cours de cet article, quen matire nuclaire spatiale, il ne fallait pas se laisser exclusivement polariser sur un aspect des choses et la tendance actuelle va la fois sur des concepts bimodaux (NTR plus NEP) et la mise au point de racteurs nuclaires pour des missions potentielles requrant un montant substantiel de puissance lectrique. Le concept bimodal MiteeB est le fruit dune collaboration entre une quipe dingnieurs de la socit Plus Ultra Technologies et lquipe de Stanley Borowski du NASA Glenn Research Center pionnier du bimodal. En effet, Mitee-B sinspire en partie des travaux de Bimodal Nuclear Thermal Rocket effectus par lquipe de Borowski. La conception nouvelle de Mitee-B est une modification du concept primordial dengin thermique nuclaire qui tait destin uniquement fournir une pousse propulsive. Dans sa nouvelle conception, un systme de refroidissement spar est incorpor au racteur, lequel transfre les montants dnergie thermique utiliser un petit systme de conversion dnergie qui gnre de faon continue lnergie lectrique ncessaire aux instruments pour la totalit de la mission de faon rgulire, dans le mme temps o cette nergie dlivre de la pousse. Deux versions de Mitee-B sont actuellement en cours de dveloppement : la version 1 gnre 1 kW de puissance lectrique continue pour leFUSION N101 - MAI - JUIN 2004

lesquels nous reviendrons, permet la fois la propulsion, avec galement une conversion thermique en lectricit avec cycle de Brayton, et une seconde variante de propulsion sajoutant la premire, savoir une propulsion plasmique trs grande impulsion spcifique, idale pour les voyages interplantaires. Le systme implique nanmoins un radiateur important pour vacuer la chaleur. Un autre systme mergent est actuellement tudi par les laboratoires de Brookhaven : le Particle Bed Reactor, dont le principe est connu depuis les annes 60, savoir le chauffage de lhydrogne par lits de boulets maintenu par une force centrifuge. Dans cette version NTP, le compos duranium serait utilis sous la forme dune fine poussire gardant une configuration critique par leffet de la force centrifuge plaquant les poussires contre les parois du tambour rotatif le contenant. Lhydrogne rentrerait par la surface latrale du tambour et traverserait la couche de poussire duranium. On pense ainsi pouvoir obtenir des tempratures de lordre de 3 900 K et une impulsion spcifique de 1 100 s. Il existe aussi des recherches effectues sur des racteurs cur liquide qui diffrent des prcdents, mais utilisant aussi de luranium 235, par le fait que luranium se trouverait ltat liquide. La temprature limite serait de 5 000 K et limpulsion spcifique de 1 100 s. Toutefois, des recherches rcentes sur ce concept de Liquid Core Nuclear Propulsion , dans lequel le produit fissile est conserv en contact ltat liquide par rapport la paroi, montrent quil serait possible de porter limpulsion spcifique 2 000 s. Le systme se caractrise aussi par une jection dhydrogne chaud et duranium liquide. Autre concept sur lequel travaillent actuellement des quipes amricaines, le Gas Core Nuclear Propulsion , ou racteur cur gazeux, utilise aussi de luranium. Selon un document de Doc-air espace de mai 1966, ce serait sur le papier le meilleur systme, car il nexisterait plus de limite thorique et il serait possible datteindre des impulsions spcifiques de 3 000 s correspondant des tempratures de propulsif de lordre de 16 500 K. Les problmes rsoudre sont nombreux : obtention dune masse critique avec un combustible gazeux, moyens de limiter les fuites de combustible, chauffe-

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Mitee-B est une modification du concept primordial dengin thermique nuclaire qui tait destin uniquement fournir une pousse propulsive. Dans sa nouvelle conception, un systme de refroidissement spar est incorpor au racteur, lequel transfre les montants dnergie thermique utiliser un petit systme de conversion dnergie qui gnre de faon continue lnergie lectrique ncessaire aux instruments pour la totalit de la mission de faon rgulire, dans le mme temps o cette nergie dlivre de la pousse.

contrle du vaisseau spatial, les capteurs et senseurs, la transmission des donnes. Un tel niveau de puissance permet dliminer le recours aux gnrateurs radio-isotopiques RTG pour les missions vers les plantes extrieures et permet un niveau considrablement plus lev de capacit oprationnelle pour le vaisseau spatial. De plus, ses capacits en matire de haut niveau de pousse et de haut niveau dimpulsion spcifique font de Mitee-B un concept vraiment attractif pour de telles missions. Dans la version 2, un total de 20 kWe est gnr, ce qui permet un usage plus intensif de la propulsion lectrique que dans la version 1. La combinaison dun cycle hautement ouvert, se caractrisant par une pousse de 20 000 newtons avec une impulsion spcifique de 1 000 s pour de courtes priodes de combustion et des phases long terme (se comptabilisant en mois et en annes) de propulsion lectrique, accrot considrablement les capacits de Mitee-B en matire de Delta-V. La version 2 de Mitee-B pourrait galement permettre la production et le rapprovisionnement en hydrogne molculaire H2, propergol issu des ressources locales au moyen de llectrolyse de leau provenantFUSION N101 - MAI - JUIN 2004

des lunes glaces de Jupiter, savoir Europa, Ganymde et Callisto. Les modifications effectuer sur Mitee, en ce qui concerne les tubes pour assemblage multipressions des lments de combustible pour permettre la ralisation de la capacit bimodale, ne sont pas dune complexit extrme et ressortent du savoir-faire que nous possdons. Cette capacit permettra daccrotre grandement le Delta V ncessaire pour certaines missions plantaires. Le petit diamtre des tubes o circule le fluide caloporteur est assembl la surface du Mitee, o des structures trs froides entourent les lments du combustible. Lorsque le Mitee-B est en phase de non-opration, avec le propergol H2 qui gnre la haute pousse du concept, le racteur continue oprer avec un bas niveau dnergie thermique qui est transfre au circuit clos du fluide caloporteur. Trois possibilits de gnrateurs de puissance lectrique ont t examines pour Mitee-B : le cycles ferm de Brayton, celui de Stirling et un cycle conventionnel la vapeur. Le Stirling et le cycle vapeur ont, par comparaison, la plus basse masse spcifique en kilogramme par kilowatt. Tous deux apparaissent comme une solution pratique pour Mitee-B. Un systme

de propulsion nuclaire bimodal de type Mitee, ou bien NTR comme nous allons le montrer dans la suite de cet article, combinant les capacits de la NEP et de la NTP, apparat comme la solution la plus attractive. Le systme combin permet dobtenir une haute pousse, une haute capacit dimpulsion spcifique, daugmenter de faon efficiente la monte vers le point o lattraction terrestre devient nulle (chapper au puits gravitationnel terrestre est une difficult pour un simple propulseur NEP) ou atteindre les satellites des plantes extrieures en mme temps que la capacit dun Delta V propulsif lev. Un tel systme bimodal de propulsion apparat trs efficace et repose sur une combinaison des technologies tudies ou dveloppes sur les systmes NTP et NEP. Cest de ce systme bimodal de propulsion et de fourniture dlectricit quest ne la nomenclature B de Mitee. Il faut citer toutefois lapport de programmes antrieurs ayant permis de transfrer des technologies Mitee-B. A la fin des annes 80, les Etats-Unis relancrent les tudes, dans le cadre du programme DOD-SNTP, visant dvelopper un engin propulsion nuclothermique compact et lger utilisable par des missiles. Lengin SNTP tait bas sur le concept Particle Bed Reactor dans lequel un hybride de lithium 7 est utilis comme modrateur, ce qui permet dobtenir un racteur plus petit et plus lger. Les lments du combustible du PBR consistaient en un lit empaquet de faon annulaire de petites particules de combustible nuclaire HTGR qui prennent place entre deux surfaces poreuses. Des flux du propergol hydrogne arrivent radialement vers lintrieur, travers la couche extrieure du lit de particules, lesquelles chauffent lhydrogne 3 000 K et qui est transvas partir des couches poreuses vers un flux central axial, puis dtendu dans une tuyre. Le programme SNTP fut dvelopp et les principaux constituants de lengin furent test avec succs. Tandis quaucun de ces engins ne fut assembl dans sa totalit, ni construit, ni test, des expriences pousses sur les points critiques furent toutefois menes. Des tests hydrauliques concernant les lments du prototype contenant le combustible dmontrrent la capacit oprer une densit ncessaire une haute puis

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eble assembl. 2. La seconde innovation fondamentale est lusage dun assemblage multicouches de tungstne et de dioxyde duranium perform de technologies Cermet pour couverture, au lieu dun emballage pour lit de particules de combustible nuclaire PBR. Lassemblage tungstne-UO2 permet dexcellentes performances pour porter la temprature de lhydrogne 3 000 K pour un grand nombre dheures. De plus, lvacuation locale et le flux de la gomtrie de propergol dans la couverture assemble peut tre contrl avec plus de prcision que dans le systme lit de particules PBR. Le systme rduit galement les effets des facteurs chauds en chane. Le systme permet en outre dliminer les possibilits de distorsion mcanique dus aux changements dans la position des particules causs par les effets du cycle thermal durant les oprations multiples de pousse. Une modification complmentaire de ce concept de petit engin nuclaire consiste permettre une capacit bimodale afin la fois de gnrer de la puissance lectrique et un niveau lev de pousse propulsive. Les performances de Mitee-type 1 taient les suivantes : seulement propulsion nuclothermique, capacit de redmarrage unique ou multiple, combustion NTP, 1 kWe de fourniture lectrique. Les performances de Mitee-B, variante 1, taient : propulsion nuclothermique plus propulsion lectrique, puissance de racteur en NTP de 75 MW (th), impulsion spcifique de 1 000 s, pousse de 14 000 newtons. Les performances de Mitee-B, variante 2, sont en mode NTP, puissance de racteur gale 75 MW (th), impulsion spcifique de 1 000 s et pousse exceptionnelle de 22 000 newtons. Une sonde quipe dun engin Mitee pourrait ainsi permettre le survol de Pluton au bout de sept ans, une mise en orbite autour de la mme plante au bout de treize ans (en tenant compte de la phase de ralentissement) et un atterrissage autour de cet objet double (PlutonCharon) en quatorze ans. Mitee-B mettrait une orbite de Jupiter deux ans, une orbite de Saturne trois ans, un retour dchantillons du satellite Europa cinq ans (deux ans pour laller, trois ans pour le retour) et un atterrissage sur Pluton avec retour dchantillons vingt-quatre ans Pour ce qui concerne le concept de Bimodal Nuclear Thermal Rocket (NTR), avec diverses variables, prsent par Borowski, Dudzinski et McGuire du Centre de recherches Glenn, nous retrouvons des conceptions qui nous sont familires puisque Borowski est aussi impliqu dans Mitee-B, lequel emprunte certaines solutions Bimodal NTR mme sil sagit dun projet dune tout autre envergure puisque conu pour la colonisation de la Lune et le voyage martien habit. Le projet des ingnieurs du Centre Glenn (autrefois dnomm Lewis) a peut-tre pris forme dans lesprit de ses concepteurs la suite du lance-

sance, soit 30 MW par litre. Le concept PBR-SNTP pouvait compter sur une puissance de 1 000 MW et son ratio en matire de pousse tait comparable aux meilleurs engins propulsion chimique hautes performances. Le programme SNTP fut interrompu au dbut des annes 90, la suite de la fin de la Guerre froide. Plus rcemment, des tudes de concepts dengins SNTP plus petites performances bases sur la technologie PBR ont t tudies dans le cadre du programme dengin nuclaire AEC 710. Les technologies du PBR ainsi que celles du racteur Cermet faisant appel un mlange haute temprature tungstne-UO2 (dioxyde duranium) ont galement form une base de dveloppement technologique pour Mitee-B. Le Cermet tungstne-UO 2 consiste en une matrice de tungstne o est incorpor jusqu 50 % du volume de particules dUO2 dune taille de 1 micron. Des combustibles Cermet similaires ont t essays au sol plusieurs reprises dans des racteurs nuclaires et avec succs : dans tous les cas lassemblage a t soumis un flux dhydrogne port la temprature de 3 000 K. Ces technologies ont directement inspir la conception de nouveaux engins propulsion nuclothermique, avant lvolution vers un modle bimodal avec la NEP et dsigns sous les termes Mitee 1, 2 et 3. Le concept Mitee adopte la gomtrie de flux de base radial du PBR pour ce qui concerne les lments du combustible. Toutefois, il y a deux innovations fondamentales par rapport au PBR : 1. Au lieu davoir les lments du combustible assembls au cur de lassemblage lintrieur dun rcipient pression commun, chaque lment est positionn lintrieur dun tube pression individuel qui contient une partie des lments de ce combustible, une paroi externe de lithium 7 hybride modrateur et une petite tuyre la sortie de chaque tube de pression. Lexprience montre que cet arrangement rduit le poids et simplifie la construction de lengin. Dailleurs la configuration simplifie le programme de tests nuclaires et rduit grandement le temps et les cots. Au lieu deffectuer des tests pour la totalit des assemblages de 37 ou 61 lments, les tests de validation peuvent tre mens pour un seul tube pression dlment combusti-

A destination du systme jovien, ce vaisseau propulsion nuclaire se rapprovisionne sur lorbite de Mars.

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Lquipe de Borowski a galement dvelopp un concept triple mode pour le moteur nuclothermique, en introduisant de loxygne liquide (LOX) dans lcoulement dhydrogne supersonique de la tuyre, afin daugmenter la pousse et la flexibilit du moteur. Lhydrogne et loxygne brlent spontanment.

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