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(1 et2) Giry (Alfred), Histoire de la ville de Saint-Omer et de ses institutions jusqu’au xive siècle, 1875

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(1 et2) Giry (Alfred), Histoire de la ville de Saint-Omer et de ses institutions jusqu’au xive siècle, 1875.http://archive.org/details/bibliothquedel31ecol

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  • BIBLIOTHEQUEDE L'COLE

    DES HAUTES TUDESPUBLIE SOL'S LES AUSPICES

    DU MINISTRE DE L'INSTRUCTION PUBLIQUE

    SGIEISCES PHILOLOGIQUES ET HISTORIQliES

    TRENTE-UNIME FASCICULETUDES SUR LES INSTITUTIONS MUNICIPALES :

    HISTOIRE DE LA VILLE DE SAINT-OMER ET DE SES INSTITUTIONS

    jusqu'au XI Y

  • AS

    IMPRIMERIE GOUVERNEUR, G. DAUPELEV A NOGENT-LE-ROTROU.

  • HISTOIRE

    LA VILLE DE SAINT-OMER

    ET DE SES INSTITUTIONS

    JUSQU'AU XIV SICLE

    . (;iRY

    PARIS

    F. VIEWEG, LIBRAIRE-DITEURRUE RICHELIEU, 67

    1877

  • Sur l'avis de M. Gahriel Monod, directeur des Confrences

    d'histoire, et de MM. Maury et T/ivenin, commissaires respon-

    sables,

    le prsent mmoire a valu M. A. Gir.v le titre d'lrediplm de la Section d'Histoire et de Philolo(/ie de l'cole pratique

    des Hautes tudes.

    Paris, le 14 janvier lS7-i.

    Le directeur d'tudes.

    Sign : G. Monoi.

    Les commissaires responsables,

    Sign : Alfred Maury, Marcel Thvenin.

    Le prsident de la section,

    Sign : L. Renier.

  • Digitized by the Internet Archive

    in 2010 witii funding fromUniversity of Ottawa

    http://www.archive.org/details/bibliotliquedel31ecol

  • A MON CHER MAITRE

    M. Jules QUICHERAT

  • PREFACE.

    L'histoire des institutions municipales n'a fait que peu de

    progrs en France depuis les beaux travaux d'Augustin Thierrysur cette matire si ample et si fconde. Tandis qu'en Belgique,

    en Allemagne et en Italie nombre de travaux et surtout unequantit considrable de textes publis ont lit la solution des

    nombreux problmes qui se rattachent ces tudes , il semblequ'en France les gnralisations brillantes de l'auteur duTableau de Vancienne France municipale, au lieu destimuler les savants, ont longtemps contribu faire dserter

    ce terrain scientifique. Les thories de l'illustre historien duTiers-Etat, loin de faire l'ducation des rudits provinciaux en

    provoquant des vrifications, des recherches, des investigations

    nouvelles, se sont imposes eux comme des vrits incontes-tables ; on retrouve dans toutes les histoires locales son systmesur la persistance du rgime municipal romain, sur le caractredu mouvement communal, sur les conditions dmocratiques del'ancienne organisation municipale, adapt tant bien que mal

    aux villes des diffrentes rgions de la France. Ce sont encore

    aujourd'hui en cette matire les opinions gnralement acceptes,en dpit de quelques travaux spciaux o elles ont t combat-tues avec toute science et toute autorit.

    Depuis quelques annes, cependant, d'assez nombreuses publica-

  • tions sollicitent de nouveau de ce ct l'attention des rudits.

    Quelques grandes villes, parmi lesquelles il faut citer en premireligne Bordeaux, Lyon, Arras, ont pris une initiative louable enpubliant les documents les plus prcieux de leurs archives. A leurexemple, d'autres de moindre importance et des socits de pro-vince publient des privilges, des coutumes, des statuts munici-paux. Enfin, la collection des inventaires sommaires des archivescommunales s'enrichit chaque jour de nouveaux volumes auxquelsl'impulsion rcemment donne ces travaux par l'administrationpermet un dveloppement et un caractre scientifique que n'ontpas les premiers inventaires parus. Toutes ces publications fontmoins regretter la lenteur avec laquelle paraissent les Monumentsindits de Vhistoire du Tiers-Etat, dont les quatre volumesseuls parus en trente ans ne concernent que l'Aminois.

    Grce cette activit nouvelle, les savants ne tarderont pas pouvoir disposer d'un ensemble de matriaux considrable, et illeur sera possible d'entreprendre des tudes compares sur cesanciens monuments des institutionsde la France. Aprs les travauxd'interprtation et de comparaison, il est permis d'entrevoir lemoment o l'histoire des origines et du dveloppement des insti-tutions municipales en France pourra devenir l'objet d'uneuvre qui ne nous laissera rien envier aux beaux travaux quel'Allemagne et l'Itahe possdent dj sur cette partie importantede leur histoire nationale.

    Si le prsent livre peut contribuer pour sa part difier cemonument, mon but aura t rempli.En crivant l'histoire municipale de Saint-Omer, je ne me

    suis pas propos seulement de faire connatre l'tat anciend'une seule ville, j'ai voulu, en mme temps, jeter quelquesclarts nouvelles sur les institutions analogues d'un grandnombre de villes du nord.

    Les chartes municipales de Saint-Omer lui ont t concdes l'poque o cette ville faisait partie du comt de Flandre. Elleobtint ses premiers privilges au commencement du xn'^ sicle,en mme temps que d'autres villes, dans des circonstances quidonnent un caractre particulier ce qu'on peut trs-lgitime-ment appeler la rvolution communale en Flandre. Rivale, tantqu'elle ft partie du comt, des plus grandes communes flamandespour l'autonomie, la puissance et la richesse dues au commerce

  • XI

    et l'industrie, elle continua, au xiir" sicle, aprs la cration(lu comt d'Artois, dvelopper et fixer ses institutions. C'estde cette poque que' datent les premiers symptmes de sadchance; sa ruine et sa dcadence furent compltes auxiV sicle, quand, la veille de la guerre de Cent-Ans, sessuzerains portrent un coup fatal son indpendance.

    Les chartes de commune de Saint-Omer anciennement publiessuffisent montrer que son organisation et ses coutumes pr-sentent des analogies nombreuses avec celles des autres villes dela Flandre et d'un grand nombre de communes du nord de laFrance. Toutes ces villes ont emprunt leurs lois un fondscommun, l'ancien droit et les anciens usages germaniques donton peut suivre dans chacune d'elles la persistance et le dvelop-pement pendant tout le moyen ge.

    Saint-Omer a conserv presque intactes ses anciennes archivesqui entre toutes celles des villes du nord de la France et de laBelgique, presque toutes si riches, comptent parmi les plusriches. Ces archives taient restes jusqu' prsent presque inex-plores. Pour l'poque antrieure la priode communale, leschartes de l'abbaje de Saint-Bertin, qui fut le berceau de la ville,celles de l'glise collgiale, qui n'est qu'un dmembrement del'abbaye, nous ont conserv des renseignements nombreux.

    Aucune ville, m'a-t-il sembl, ne pouvait plus utilementdevenir le point de dpart d'une histoire compare des institu-tions municipales du nord. Dans ce travail, je me suis attachavec un soin particulier aux questions d'origine. La formationde la ville, la naissance des liens sociaux entre ses habitants,

    l'origine des diverses magistratures municipales , la persis-

    tance pendant tout le moyen ge de l'organisation judiciairede l'poque carolingienne, le rle du commerce et en par-

    ticulier de la gilde dans la formation de la commune, les analogies

    entre les dispositions des lois barbares et celles des chartes de la

    ville m'ont occup successivement et diverses reprises. Sur

    tous ces points j'ai accumul les textes et les faits que j'ai puconnatre sans que j'ose me flatter d'tre arriv toujours en cesmatires obscures des solutions dfinitives et bien coordon-

    nes.

    Je ne saurais, sans donner cette prface des dimensions

    exagres, indiquer, mme sommairement, toutes les sources o

  • XIF

    j'ai puis; je les ai cites au cours de ce livre avec une exacti-

    tude suffisante pour qu'on puisse aisment s'y reporter; au

    surplus, on trouvera dans mon travail sur les institutions muni-cipales des villes du nord, qui, je l'espre, ne tardera pas

    paratre, une table dtaille de tous les documents concernant

    ces villes que j'ai pu connatre et une bibliographie de toutes les

    publications qui peuvent fournir des renseignements sur ce

    sujet.

    J'ai joint mon travail beaucoup de pices justificatives :

    j'espre que leur intrt justifiera leur nombre et leur longueur.

    La plupart sont indites; j'ai d cependant, raison de leur

    importance, rimprimer les chartes constitutives de la com-

    mune ; je me console de cette ncessit parce que je crois que le

    texte que j'en donne, collationn avec soin sur les originaux,

    est plus correct qae tous ceux qui avaient paru jusqu'ici.

    Pour ne pas grossir dmesurment ce volume j'ai d renoncer annoter ces pices, renoncer la table gnrale alphabtique

    que j'avais prpare, renoncer enfin et c'est ce qui m'a donnle plus de regrets une note sur le dialecte picard employdans beaucoup de ces documents et un glossaire que mon amiet confrre Gaston Raynaud avait bien voulu me promettre.

    Je ne terminerai pas cette prface sans tmoigner l'adminis-

    tration de Saint-Omer toute ma gratitude pour les facilits de

    travail que j'ai obtenues diverses reprises dans le dpt des

    archives municipales. Elle a bien voulu, en outre, autoriser

    le dplacement des cartulaires de la ville et de plusieurs autresmanuscrits et registres, ce qui m'a permis, surtout pour le

    Regist'e aux bans insr en entier la fin des pices justifica-tives, de publier ces textes dans les meilleures conditions pour

    arriver toute l'exactitude possible.

    Je dois beaucoup aux conseils de mon ami Auguste Molinier,qui a bien voulu se charger de revoir tout mon travail en

    preuves;qu'il me permette de l'en remercier ici publiquement.

    Paris, juin 1877.

  • CHAPITRE PREMIER.

    ORIGINE ET PREMIER DEVELOPPEMENT DE LA VILLE.

    I. Donation de la villa Sitdiu saint Orner en 648 ; fondation de l'abbaye

    de Saint-Bertin ; condition de Vtablissement des moines ; rection

    d'une seconde glise en 662 ; dveloppement du monastre; scularisa-tion de l'glise de Saint-Omer en 820. II. Incursions des Normands;leur influence sur les relations sociales; critique des documents faisantmention des invasions Sithiu; rcit des invasions de 845 890; lechteau de Saint-Omer d'aprs les textes du x

  • proverbiale pour la dsigner ^ On a beaucoup discut sur laquestion de savoir si l'poque romaine un tablissement existaitsur ce point du pays ; nul texte ancien ne le fait connatre, etjusqu' prsent aucune dcouverte archologique n'est venueconfirmer les conjectures plus ou moins hasardes formes cesujet ^. Quoi qu'il en soit, aucune trace de cet tablissement, s'ilexista jamais, ne subsista. Comme la plupart des villes delFlandre, c'est aux missions chrtiennes que Saint-Omer dut sanaissance et son dveloppement. Ds le m" sicle le pays futparcouru par les missionnaires^. Saint Fuscien et saint Victoric,partis de Rome, vinrent Trouane *, et au x'' sicle la traditionleur attribuait la fondation d'une chapelle sur la colline situe enface de Saint-Omer, et nomme aujourd'hui plateau d'Hellefaut ^.

    Ds le iv sicle on trouve nomms les diocses forms danscette partie de la Gaule ^. Mais au sicle suivant l'irruption despeuplades germaines, les grandes invasions qui traversrent lepays dtruisirent l'uvre commence, et l'vanglisation ne putporter de fruits qu'au vi et au vif sicle. A cette poque, lesGermains devaient avoir peu prs compltement remplac ouasservi l'ancienne population celtique ; nous en avons des indicesen parcourant les premiers diplmes, les plus anciennes lgendespieuses, o tous les noms d'hommes, ainsi que la plupart desnoms de lieux, ont une forme germanique. Nous savons du reste

    t. Extremi Iwminum Morini (Enide I. VIII, vers 727). Vltimique liomi-num exisfimati Morini (Pline, xix, c. i).

    2. Malbrancq, De Morinis et Morinorum rbus, t. III, p. 638. Hermand,Mmoires de la Socit des antiquaires de la Morinie, t. IX, 1" part., p. 177. Courtois, Dictionnaire topographique de l'arrondissement de Saint-Omer,

    p. 220. Eudes, Recherches tymologiques et historiques sur la ville de Saint-Omer, d. de 1867, p. 117. Derheims, Histoire de la ville de Saint-Omer.

    3. Voy. Mmoire sur l'introduction du christianisme dans la Morinie, parl'abb Frchon, dans les Mmoires de la Socit des antiquaires de la Mori-nie, t. VI, 1845.

    4. Actes indits des martyrs SS. Fuscien, Victoric, et Gentien, publis parM. Salmon, dans les Mmoires des antiquaires de Picardie, t. XVIII, p. 129. Acta sanclorum, 1 1 dcembre.

    5. Miracula sancti Bertini dans Mabillon, Acta SS. 0. S. B. Saec III, p. 126. Per clivum montis prominentis villas qu Locus ecclesix vocatur pro eo quod beatissimi martyres Fuscianus et Victoricus in principio chris-B tianisincolorum terr primariam ibi feruntur construxisse ecclesiam. Hellefaut (Heyligh-velt), littralement : campus sanctus.

    G. Sancti Hilarii Pictavicnsis lil)er de Synodis, d. Migne, t. II, p. 479.

    Notitia provinciaru7n Gallix dans Gurard, Essai sur le systme des divi-sions territoriales de la Gaule, p. 19.

  • par plusieurs ^ies de saints que la langue parle dans ces contrestait alors un idiome germanique, qui devint le flamand et per-sista dans un assez grand territoire ^

    .

    C'est en G4(S que nous trouvons la premire mention expressedu lieu qui, lorsqu'il s'agrandit, prit le nom du missionnaire quiy fonda le premier tablissement. C'tait cette poque une yzY^anomme Sitdiu ~, nom qu'elle garda jusqu'au xi*" sicle. Elletait situe dans le Ternois sur l'Aa et faisait partie d'un domainedonn par son propritaire, Adroald, aux missionnaires Uertin,Mommelin et Ebertramn , d'aprs les conseils de l'vque saintOmer (Audomarus) ^, avec toutes ses dpendances , c'est--direWisques, Tatinghem, Zudausques *, et quelques autres localitsdont le nom n'a pas persist aux poques modernes. Malgr lepetit nombre de lieux que nous pouvons reconnatre, nous pouvonsreconstituer le domaine donn Saint-Omer ; c'tait toute la vallequi s'tend le long du plateau des Bruyres, dont l'endroit le pluslev tait l'emplacement de la cathdrale actuelle, et le fond

    extrme, un peu plus bas que Longuenesse, l'endroit o s'tabli-

    1. Voy. VAncien idiome Audomarois, par M. Courtois, dans les Mm. desantiquaires de la Morinie, t. XllI. M. Courtois a runi un grand nombrede preuves dmontrant que le Flamand ou Nederduylsch tait la languevulgaire du vir au xir sicle, mais il n'admet pas qu'elle ait remplacun idiome celtique.

    2. Sitdiu, et non pas 5///m, qu'on avait voulu communment restitueren prenant Sit-diu pour un jeu de mot du copiste. Le seul acte ancien delabbaye de Saint-Bertin conserv en original, acte dont l'authenticit estparfaitement prouve et qui date de 745, porte trs-lisiblement critquatre fois Sitdiu; il est publi en fac-simil dans Warnknig, Histoirede la Flandre, trad. de Gheldolf, 1. 1. Au x^ sicle on trouve partout critSithiu dans les mss. {Vie de saint Orner, ms. de St-Omer, n" 698. Miracles desaint Berlin, ms. 764 de Saint-Omer.)

    3. L'original de cet acte existait encore la lin du sicle dernier.Brquigny et Laporte du Theil [Diplomata, t. I, prolgomnes, p. 83, cf. t.II, p. 87) le dcrivent d'aprs la note envoye au cabinet des chartes parButler, vicaire gnral de Saint-Omer qui l'avait examin. Dom Berthod,charg en 1774 d'une mission pour le cabinet des chartes (collation desaiplmes royaux des deux premires races) qui rsida quelque temps Saint-Bertin, le dcrit dans la relation de son voyage- Relation d'unvoijage littcraire dans les Pays bas, par Dom Anselme Berthod. Mmoireset documents indits publis par l'acadmie de Besanon, t. 111, 1844). D. deWite l'a copi pour son grand cartulaire et c'est sa copie qui a serviaux diteurs des Diplomata. Le texte est un peu diffrent de celui qui a

    t publi par M. Gurard, d'aprs le cartulaire de Folquin (p. 18).4. Voy. Longnon, Le Boulonnais et le Ternois. tudes sur les Pugi de la

    Gaule, dans la Bibliothque de l'cole des Hautes Uides, V fasc, p. 39.

  • 4

    rent plus tard les chartreux du val Sainte-Aldegonde. C'taitprobablement un marais d'o les points indiqus dans la chartemergeaient, et o le seul endroit qui fut rellement de la terreferme tait la villa Sitdiu.

    Suivant la lgende crite, du viii" au x^ sicle, dans les viesde saint Omer et de saint Bertin et dans le cartulaire de Folquin,saint Omer, moine de Luxeuil, nomm vque des Morins, avaitappel pour collaborer ses travaux, saint Bertin, saint Mom-melin et saint Ebertramn, et avant la donation d'Adroald, avaitfond dans la contre un autre monastre, dans le lieu qui retintjusqu'au xiv^ sicle le nom de Vieux-Moustier ( Vtus Monaste-riu7n, en flamand Oudemonstre, aujourd'hui Saint-Mommelin,du nom du patron de la paroisse) . Ce monastre, situ une heurede marche environ de la villa Sitdiu, au milieu de marais, debois pais, dans un lieu qui aujourd'hui n'est pas encore dess-ch, n'tait susceptible d'aucun dveloppement. C'est vraisem-blablement pour cela qu'on ne tarda pas l'abandonner et qu'ontransporta dans le domaine donn par Adroald le sige de l'ta-blissement.

    Les dfrichements successifs et surtout les desschements, lesconqutes opres sur les marais, ont trop chang la physionomiedu pays, pour que nous puissions dterminer quelles taient alorsles conditions de l'installation des moines. Seulement, les traitsque nous recueillons dans les crivains anciens, ceux que nousglanons dans les hagiographes, la lgende qui fait aller les moinesde Saint-Mommelin la villa Sitdiu dans une embarcation,peuvent nous donner la physionomie gnrale du pays. Desmarcages immenses d'o mergeaient et l des les fangeuses,dont le sol, suivant une heureuse expression, tait comme flottantsur l'eau et mouvant sous les pas ^ des forts humides et basses,des pluies ou plutt des brouillards continuels, un horizon troit,

    sans lumire, un soleil terne et sans chaleur ; tel tait le pays qui

    attendait des moines la culture et le dfrichement. Cependantnous pouvons discerner quelques-uns des avantages du domainequi leur tait concd. Sa situation au pied d'une colline

    l'abri des inondations et susceptible d'tre fortifie, au bordd'une rivire favorisant les desschements, et plus tardrendant facile les relations avec la mer, tait minemment favo-rable. En outre, le pays n'tait pas dsert, ni compltement

    1- Aquis subjacentibus innatat et suspensa late vacillt. Eumne, Pane-gyricus in Conslantium. Histor. do France, t. I, p. 713, c

  • inculte; il y avait, dit la donation de 648, des habitations, desbtiments, des cultures, des moulins, des bois, des prs, despturages, des tangs et des cours d'eau, des serfs, des bergerset des troupeaux. C'tait on le voit un grand domaine rural, quel'activit des moines devait faire rapidement prosprer, maisqui, l'poque o il fut concd, n'tait pas mme probablementle lieu d'habitation du propritaire, puisque la concession estdate d'un lieu dsign par les mots : Ascio villa dominica,que l'absence de toute indication empche d'identifier avec unelocalit actuelle ^

    .

    Nous pouvons ds 662 constater l'agrandissement du monas-tre. A la suite de la donation, le couvent avait t bti sur l'em-placement actuel des ruines de Saint-Bertin, sur le cours de l'Aa,spar de la colline par des marais. Quelque temps aprs, soitpour servir de refuge aux moines en cas d'inondation ou d'in-cursion, soit pour assurer aux spultures de la communaut unterrain o elles pussent tre plus l'abri que dans le marais inf-rieur, ce qui tait une considration importante dans l'Eglise cette poque, saint Omer btit sur la colline une deuximeglise, y fit disposer un cimetire, et en 662 donna le tout saintBertin, premier abb du monastre, par un diplme que Folquinnous a conserv dans son cartulaire ^. C'est l'origine de l'glisequi fut successivement dpendance de l'abbaye, collgiale

    ,

    puis

    cathdrale au xvi^ sicle, aprs la ruine de Trouane.Huit diplmes du vif sicle ^ nous permettent de juger du

    dveloppement rapide du monastre. Nous l'y voyons acqurir despossessions fort loignes ; ds 682 obtenir du roi Thierry III une

    1. Naturellement le domaine concd aux missionnaires n'est pas unde ceux dont le nom se trouve sur des monnaies mrovingiennes ets'il s'y trouvait ce serait sous une forme analogue Sitdiu. Cetteobservation est faite parce que la Revue numismatique belge a publi en1856 (p. 212) avec un article de M. Serrure, un triens mrovingien surlequel on voit d'un ct une tte tourne droite avec la lgendeAVDEMARVS, au revers une croix fourchue cantonne des lettresAVDM. A cette pice a t soude trs-anciennement une agrafe quisemble indiquer qu'elle a t porte comme une amulette, ou une m-daille pieuse rappelant saint Omer. M. Serrure quoiqu'indiquantqu'Audemarus doit tre le nom d'un montaire n'affirme pas assez cettesolution.

    2. L'original existait encore au sicle dernier, il fut copi par D. de"Witle et envoy par lui au cabinet des chartes. Voy. Brquigny et Par-dessus. Diplomnta, t. I, Prolgomnes, p. 96 et t. II, p. 123. Cf. Gurard,Cartulaire de Saint-Bertin, p. 23.

    3. Voy. Cartulaire de Saint-Bertin, pp. 20-37.

  • 6

    concession d'immunit S renouYele et tendue en 691 par ClovisIII ~. Ds cette poque il est assez puissant pour pousser de nou-veaux rejetons ; en 684 il fonde un hospice et un monastre dans unlieu nomm Honnecourt, qui lui est donn ^ et en 694 il envoiequatre religieux fonder un nouvel tablissement Wormout'*.

    Dix-huit autres diplmes de 704 810 tmoignent deses progrs constants. Aucun d'eux ne nous signale d'unemanire explicite une bourgade forme ds lors autour dumonastre, mais il n'est pas tmraire de croire qu'un teltablissement , c'est--dire un centre d'activit intellectuelle

    et matrielle, un asile respect contre les violences si fr-

    quentes une poque de barbarie, une protection, une grandeexploitation rurale ait group ds ce temps un assez grandnombre d'habitations. Les monastres cette poque taient non-seulement le seul endroit par o la civilisation pntrait chez lesGermains, mais encore les seuls ateliers et les seuls centres decommerce. Ces faits nous sont connus par d'autres grandesabbayes et pour Sithiu en particulier, nous voyons l'cole dumonastre cite ds la fin du vu'' sicle et former des moines dontles noms germaniques indiquent que c'taient des proslytes, desrecrues faits dans la population^. A la fin du viii'' sicle nousvoyons les religieux obtenir le privilge de chasser dans leurs

    forts afin de se procurer des peaux de btes destines recouvrir

    leurs hvres, et fabriquer des gants et des ceintures^. Nouspouvons mme souponner un commencement de commerce,lorsque nous voyons que les revenus d'une certaine terre devaient

    tre appliqus l'achat de tissus pour des tuniques d'outre-mer,

    qu'on appelait vulgairement Berniscrist^

    .

    Quoi qu'il en soit, l'abbaye avait acquis des biens considra-bles, tant au loin que dans son voisinage, elle avait servi derefuge au dernier roi mrovingien, Childric III, qui y tait mortvers 752^, et elle s'tait fait confirmer par la nouvelle dynastie

    ses privilges d'immunits. Ses abbs s'taient tous efforcs del'agrandir et de la faire prosprer; vers la fin du vm" sicle l'un

    1. Ibid., p. 27.

    2. Ibid., p. 34.

    3. Ibid., p. 29.

    4. Ibid., p. 36.

    5. Ibid., p. 37.

    6. Ibid., p. 63.

    7. Ibid., p. 66. Saxon : Scrit, vestis. Voy. Ducange ce mot.8. Ibid., p. 55.

  • 7

    d'eux, l'abb Odland, avait fond une glise Arques, possessionde l'abbaye, et y avait tabli sa rsidence. Profitant de la chuted'eau qui devait probablement alors exister sur l'Aa cetendroit, il avait lait construire un moulin qui au x sicle pro-voquait encore l'admiration de Folquin^ et en outre il avaitinterdit que tout autre moulin ft tabli, crant ds cette poque,au profit de l'abbaye, un monopole qu'elle possdait encore lors-que Folquin rdigeait son cartulaire, c'est--dire en 961.Au commencement du ix sicle l'abbaye ne comptait pas moins

    de loO moines-. Jusqu'alors elle avait eu pour abbs des religieuxdont l'unique soin avait t sa prosprit. A l'ardeur de pro-pagande des premiers missionnaires avait naturellement suc-cd chez les abbs leurs successeurs le dsir d'enrichir, d'agran-dir leurs tablissements^ chacun y avait apport tous ses efforts,y avait consacr toutes ses sueurs ^. Ils l'avaient mise dans untat suffisant pour qu'elle pt exciter la convoitise ; c'est ce quiarriva en 820. Un grand personnage de la cour de Louis le Pieux,Fridugise, anglais de nation, venu en France probablement avecAlcuiu, de race royale, chancelier de l'empereur, dj pourvudes abbajes de Cormeri et de Saint-Martin de Tours, obtint de lafaveur royale l'abbaye de Sithiu. Il y vint rsider et y fit toute unervolution. Quarante moines desservaient l'glise btie par saintOmer sur le haut de la colline, il rduisit leur nombre trente, et,dsireux de mener une vie princire, selon ses gots et ses habi-tudes, il transforma cette glise en une communaut de chanoinessculiers. Il avait dj fait de mme Saint-Martin de Tours. Cescliangements venaient d'tre permis ou plutt tolrs par le conciled'Aix-la-Chapelle, en 817. L'abbaye principale contenait83 moines, il rduisit leur nombre 60, et chassa les autres;c'taient, dit Folquin, les plus austres. Puis divisant les biensde l'abbaye, il en attribua deux tiers aux moines, et un tiers auxchanoines. Lui-mme, se rservant une large part, rsida aumilieu des chanoines, dissipant dans une existence fastueuse lesrichesses pniblement amasses par ses prdcesseurs.

    Ces renseignements nous sont donns par Folquin, qui crivitau sicle suivant, et concordent parfaitement avec un acte desaint Folquin, vque de Trouaue, qui en 839 essaya de rparer

    1. Ibid., p. 67.

    2. Ibid., p. 74.

    3. Quod omni vitse sucE tempore in prparatione loci sibi a Dominotraditi sudasset. Ibid.^ p. 37.

  • 8

    le mal caus par Fridugise, en faisant rentrer la communaut dechanoines sous l'obissance des moines ^ Ce fut en vain, ds lorsles deux glises furent tout jamais spares, rivales, ennemies;ds lors l'histoire de l'abbaye entre dans une nouvelle phase.Il tait utile de rapporter ici au moins l'indication de ces vne-ments ; ils eurent sur la formation de la ville leur part d'influence

    ;

    on n'en saurait douter, si l'on songe au mouvement que dutcrer la venue d'un abb tel que Fridugise et de son entourage,aux nouvelles constructions que ncessita sur la colline la rsi-dence de ce personnage.A l'abb Fridugise, mort en 834, succda un autre abb du

    mme genre, Hugues, fils de Charlemagne, pourvu galementde l'abbaye de Saint-Quentin. Il enleva l'glise construite surla colline les reliques de saint Omer, que reconquit l'vque deTrouane. Aprs sa mort, en 844, on lut un ancien chanoinede Fridugise, qui fut chass en 859 par un oncle de Charles leChauve ^.

    11.

    La seconde moiti du ix sicle vit une suite d'vnements quieurent un rle fort important dans le dveloppement des relationssociales en Flandre, je veux parler des invasions des Normands.Leurs incursions furent une des causes qui aidrent le plus lapropagation et la naissance des institutions fodales. BaudouinBras de Fer dut ses succs contre eux la souverainet qu'ilexera dans le pays, et la concession hrditaire qui parat luiavoir t faite du comt, aprs son mariage avec la fille de Charlesle Chauve. A ce moment nous voyons se crer comme cir-conscription fodale, comme individualit particulire, je diraispresque comme nation, le comt de Flandre. En outre, pourrepousser les invasions, les abbayes se fortifient, les bourgadesdont la situation est propice une rsistance s'entourent de mu-railles, le pays se couvre de chteaux-forts , dont les dfenseursne vont pas tarder devenir de puissants vassaux, presque toussous le nom de chtelains.

    1. Ibid., p. 85.

    2. La Breviatio villarum monnchorum victus (Cariul. de Saint-Bertin, p.97) dresse sous l'abb Adalard (entre 844 et 859), si intressante pour lacondition des terres et des personnes, pour la langue de l'poque etpour l'organisation du monastre, ne nous donne malheureusementpresque aucun renseignement sur les dpendances immdiates dumonastre et leur organisation.

  • 9

    Et ce ne furent pas seulement les relations fodales qui durentleur dveloppement ces incursions : elles furent un agent nonmoins important dans la formatiou des villes. Seules les bour-gades fortifies, ou tout au moins protges par un chteau,offrirent pendant ce sicle quelque scurit aux malheureux habi-tants de la contre, qui tous s'y rfugirent, dsertant les nom-breuses habitations rurales qui furent saccages, dtruites, oudemeurrent abandonnes. Seules les bourgades fortifies subsis-trent ; et mme, si dans quelque pisode de cette guerre d'unsicle elles taient forces et dmanteles^ grce la positiongographique qu'elles occupaient, grce aux sanctuaires vnrsprs desquels elles taient bties et que la pit, stimule par lacrainte, dfendait d'abandonner, elles furent bientt releves etdevinrent des villes.

    Les invasions normandes durrent longtemps en Flandre,elles ne furent termines que bien aprs la cession de la Nor-mandie ; la dernire eut lieu sous le comte Arnould le jeune, en966. On peut aisment comprendre qu'elles eurent le temps decrer des habitudes nouvelles, de faire compltement dserter lescampagnes, que le retour possible d'une invasion rendait fortredoutables, et de donner une importance trs-grande aux villeso tout se rfugiait, o l'on portait pour les prserver mme lesreliques des saints. Lorsqu'on tudie la formation de la fodaliten Flandre, lorsqu'on remonte l'origine des grandes commu-nauts d'habitants, on ne tarde pas tre trs-frapp de l'in-fluence due aux invasions normandes ; et l'on peut dire qu'ellescrrent la puissance des seigneurs, qu'elles dterminrent lemorcellement du pays en seigneuries, qu'elles empchrent ladispersion des habitants dans les campagnes en les forant serfugier dans quelques vilke fortifies qui devinrent des opjiidaet plus tard les grandes villes du pays ^

    .

    En suivant pas pas l'histoire de la mlla Sithiu, l'poquedes invasions normandes, nous retrouverons chacun des traitsque nous venons de signaler. Fortifie et entoure de murs, ellesert d'asile et de refuge aux habitants et aux reliques de lacontre, et rsiste aux Normands. Bientt il s'y cre, ct del'autorit du propritaire du sol, c'est--dire du monastre, des

    1. Je n'hsite pas pour ma part explicjuer par les ravages des hordesnormandes lmpossibilit o nous sommes de retrouver nombre debourgades mentionnes dans des diplmes antrieurs aux invasions.Tel est le cas pour les localits numres dans la donation de 648 :Masio, Laudardiaca, etc.

  • JO

    puissances nouvelles, d'abord celle de celui qui, en dfendant lechteau, a protg la ville, et qui ne va point tarder devenirun puissant chtelain, puis celle du souverain du comt, dont lesconcessions de privilges et les donations, non moins que lesusurpations et les prises de possession violentes, vont faire pr-valoir la souverainet ; enfin une autre individualit se cre : lacommunaut d'habitants runis dans un mme lieu, unie par lesmmes intrts, se sparera bientt tant de la ville fodale quede la ville monastique pour se dvelopper sparment.

    Les invasions normandes Sithiu nous sont racontes par dif-frents auteurs, qui malheureusement ne prsentent pas uneconcordance parfaite. Folquin d'abord dans son cartulaire, qu'onappellerait mieux une chronique du monastre, nous signale troisfois la prsence des Normands Sithiu, le l*"" juin 860, le 28juillet 878, et le 26 dcembre 891 ^ L'auteur des Miracles desaint Bertin ne nous parle que de deux invasions, l'une du l^""juin 860, l'autre de 890 ou environ. Au contraire le compilateurdes gestes des Normands fait venir quatre fois les Normandsdans le pays; selon lui, ds 845, ils pillent Sithiu, en 861ils ravagent le Ternois, en 881 ils s'emparent de la bourgade etla brlent, mais le monastre fortifi leur rsiste, enfin en890 ils ravagent l'Aminois et les pays riverains de la Somme.Nous allons essayer de rsoudre ces contradictions.Remarquons tout d'abord l'troite parent qui existe entre les

    rcits de Folquin et ceux de l'auteur des Miracles de saint Bertin.Les circonstances sont les mmes chez les deux auteurs, lesexpressions, les tours particuliers de phrase se retrouvent dansles deux textes, seulement la narration de Folquin est plus abr-ge, celle de l'auteur des Mn^acles plus riche en dtails. Quel estde ces deux textes le texte primitif?

    Folquin crivait son cartulaire en 961 ; dans l'dition impri-me, la page 133, le chap. lxvi, qui raconte l'invasion desNormands de 891, se termine par ces mots : quod libellus miraculorum apertissime testatur. Ce texte sembled'abord dcisif : Folquin, pour raconter les invasions nor-

    mandes, a abrg le livre des Miracles de saint Bertin, etcomme il a donn moins de dtails, il cite son auteur et yrenvoie. Rien de plus logique. Cependant j'ai quelques scru-pules accepter cette interprtation. Nous ne possdons de Fol-quin qu'un texte o les interpolations sont nombreuses, le ms.

    1. Gurard, Cartul. de saint Bertin, p. 108, 12G, 133.

  • M dsign sous le nom dvtus Folquinum est perdu, et les textesdont s'est servi M. Gurard pour son dition sont, l'un du xii",l'autre du xvi" sicle. Tous deux prouvent chez leurs auteurs laproccupation de former un corps de chronique du monastre, enfondant en un seul tout les ouvrages de ses premiers annalistes.Le ms. d'Alard est beaucoup plus dvelopp que celui duxif sicle, et ce n'est pas, comme Ta cru M. Gurard, parce qu'ilcopiait un autre texte que celui reproduit par le ms. duxii'* sicle, mais parce qu'il ajoutait lui-mme au texte du vtusFolquinum. En voici des preuves videntes : Toute la fin duciiapitre xii (p. 33 de l'd., f 17 r d'Alard), depuis de Funda-tione et dedicatione monasterii Sancte Marie Blangiac.

    , est

    ajoute par lui ; or il a soin de nous en avertir par la rubriquemarginale suivante : Adjectio ex cronicis, dont M. Gurard n'apas fait mention. Au chap. Lxxvn (p. 143 de l'd.) commence la 10 ligne un long rcit de la maladie du comte Arnoul, guripar le vnrable Grard ; une rubrique marginale ainsi conue :Ex legenda sancti Gerardi. A, signale ce passage commeintercal. Cette lettre A se retrouve souvent dans le manuscritd'Alard en face de certains passages, et je ne doute pasqu'elle n'ait partout la mme signification. Mais la preuvequ'Alard a augment le texte de Folquin a peu d'importanceici, puisque la note qui nous occupe se trouve aussi dans lems. du xii*^ sicle. J'en veux seidement tirer un commencementde preuve du remaniement qu'a sidji le texte de Folquin. Le ms.du XII sicle en est-il absolument exempt ; il est permis d'endouter et de se demander s'il n'est pas vraisemblable que lecopiste, qui connaissait la relation des Miracles de saint Bertin,n'a pas pu, aprs avoir copi ce que dit Folquin des Normands,renvoyer par cette note une relation qu'il savait plus longue,plus dveloppe? Peut-tre pourrait-on arriver rsoudre laquestion en vrifiant si la note se retrouve dans les mss. qui ontt copis directement sur l'original du cetus Folquinimi.D'aprs le catalogue des mss. de la bibliothque de Saint-Bertin,catalogue dress au xviii sicle, l'ouvrage de Folquin se trouvaitreproduit en totalit dans les mss. portant les n' 637, 721 , 722et 728, et par extraits dans le ms. 726. Le ms. 637 est la copied'Alard de 1512, aujourd'hui ms. de la bibliothque de Saint-Omern"^ 750. Le n 721 est l'exemplaire de Boulogne crit au xii'^ s.Le n 722 fait aujourd'hui partie de la bibliuthque particulirede M. le prsident Quenson de Saint-Omer, c'est une copie faiteen 1693 sur l'original aujourd'hui perdu. On ne sait ce qu'est

  • ^2

    devenu le n" 728. Le ii 726 (actuellement bibl. de Saint-Omer,n" 819) se compose d'extraits faits sur l'original au xvn^ sicle parl'archiviste Guillaume de Witte. Enfin une copie du vtus Fol-quiium faite au xviii* sicle par dom Charles de Witte, le dernierarchiviste de l'abbaye, est conserve la bibliothque de Saint-Omer sous le n'' 815. On pourrait donc vrifier la note qui faitl'objet de la discussion sur trois mss.

    Si l'on admettait les interpolations dans le ms. du xii^ sicle,peut-tre pourrait-on aller jusqu' penser que la narrationentire du passage des Normands a pu tre ajoute par le copisteinterpolateur, d'aprs la relation des Miracles, et remplacer unesimple mention analogue celle que donne Folquin pourl'invasion de 878.De la similitude des relations on pourrait encore tirer l'hy-

    pothse que le mme auteur a pu faire ici une narrationabrge, l une narration dveloppe, soit que Folquin ft aussil'auteur de la relation des Miracles, ce qui n'a rien d'impossible,

    soit que l'auteur de la relation ft lui-mme l'interpolateur deFolquin.

    Dans tous les cas, je crois avoir prouv que de la note qui setrouve dans le texte dit de Folquin et qui renvoie la relationdes Miracles, on ne peut pas conclure comme on l'a fait l'ant-riorit de la relation des Miracles. Cependant comme l'auteur decette relation, en dveloppant le texte de Folquin, ne se bornepas des phrases oiseuses, mais ajoute un certain nombre dedtails curieux et prcis, il en faut conclure qu'il a pu recueillirdes traditions encore trs-vivaces , et qu'il n'a pas vcu aprsle x^ sicle. Les deux auteurs sont prs des faits qu'ilsracontent; Folquin, en 961, a pu recueillir d'une gnration quiles avait entendus de la bouche de tmoins oculaires les rcitsdes invasions ; il parat bien difficile qu'il en ait oubli et que lui,

    moine du monastre, curieux de ses annales, ajant sa disposi-tion toutes les sources, il ne nous donne pas l'exacte vrit. Saprcision chronologique (il donne et les heures et les jours, et desconcidences avec des clipses) vient encore ajoutera la prsomp-tion de sa vracit.

    L'auteur des Miracles, qui lui aussi tait moine de Sithiu, quilui aussi vivait au x" sicle, a omis une des invasions narre parFolquin, mais n'en a pas rapport d'autre. Quant celle qu'il aomise, remarquons que son but tait d'crire une relation des

    mu^acles du premier abb du monastre, et qu'il est permis decroire que peu de lgendes s'taient formes autour de l'invasion

  • ^3

    de 878, puisque Folquin n'y consacre lui-mme qu'une trs-courte mention.Comment se fait-il qu' ct de ces historiens qui pouvaient si

    facilement tre bien informs, nous trouvions une Chroniquerapportant des incursions qu'ils n'auraient point connues?

    Selon M. Pertz, qui a publi le Chronicon de gestis Nor-manno7'um^ , c'est une compilation rdige aprs 911, et par unhabitant de Saint-Bertin ; les raisons qu'il en donne sont les sui-vantes : le seul passage particulier cette Chronique rapportedes particularits relatives Saint-Bertin, en outre en copiant lesannales de Saint-Vaast les proccupations de l'auteur lui font inter-prter Monasterium nostrum par Sithiu, alors que dans labouche de l'annaliste d'Arras il signifie son monastre, c'est--direSaint-Vaast. Cette raison semble dcisive. Nous avons dit quecet ouvrage n'tait qu'une compilation; ses sources exclusivessont les annales de Saint-Bertin et celles de Saint-Vaast. Commebeaucoup de compilateurs, cet annaliste se borne ajouter bout bout tous les passages de ses sources relatifs l'objet de sontravail, sans se proccuper de les concilier, encore moins de lescritiquer. Avant donc d'examiner en eux-mmes les faits qu'ilrapporte, il importe d'exposer quelle opinion nous devons avoir aupoint de vue des faits que nous examinons des auteurs qu'il atranscrits. Ces auteurs devaient tre beaucoup moins bien ren-seigns sur l'histoire du monastre de Sithiu que des religieux dece monastre, tels que Folquin ou l'auteur de la relation desMiracles de Saint-Bertin, puisque l'un tait moine de l'abbayede Saint-Vaast d'Arras, un autre un vque de Troyes, un troi-sime un vque de Reims, et qu'ils ont trs-bien pu confondreles passages des Normands Sithiu, et, parmi tant d'incursionsdifrentes, rapporter ce qu'ils savaient des incendies et desdvastations de l'abbaye, aux unes plutt qu'aux autres.

    Le compilateur place un pillage de Sithiu lors d'une invasionqui dsola le pays en 845 ; il copie la phrase suivante qui setrouve dans les annales de Saint-Bertin cette anne : Ciinia quoclam monasterio, SiTHDro nomine, direpto incensoqueonercdis navihus repedarent. . . >> Il est remarquer que les motsSithdiu nomine ne se trouvent pas dans le plus ancien ms. desannales de Saint-Bertin, ms. du x sicle copi dans le monastrede Saint-Bertin, et d'o vient ces annales leur nom de Berti-nian. Au contraire en 861 , poque laquelle , suivant

    1. Pertz, Mon. Script., t. I, p. 53.

  • u

    Folquin, Sithiu fut incendi, le compilateur nous dit seule-

    ment,en transcrivant les annales de Saint-Bertin

    ,

    que les

    Normands dvastrent le jjagus Tervayiensis . Un secondincendie du monastre est rapport par lui l'anne 881.Sa source est ici l'annaliste de Saint-Vaast. C'est dans cepassage qu'il interprte par Saint-Bertin le nostrum monas-terium qui se trouvait dans le texte

    ;par consquent c'est

    Saint-Vaast que se passrent les vnements dont il fait le rcit,et cependant, tout en conservant presque tous les mots du textequ'il copiait, le compilateur a su, par quelques mots ajouts,montrer qu'il connaissait la tradition qui avait cours sonpoque sur les invasions Sithiu, et que cette invasion de 881tait dans son esprit celle rapporte par Folquin 891 ^ ; tandisqu' 891 il ne rapporte en suivant les annales de Saint-Vaastqu'une invasion gnrale dans l'Aminois et le pays de la Meuse.Ce que nous venons de dire de l'auteur de la Chronicon degestis Nonnannorwn suffit prouver que l'on ne peut leveraucun des faits rapports par lui contre les rcits de Folquin etde l'auteur de la relation des Miracles.

    Cette critique de textes peut paratre longue et fastidieuse, eu

    gard aux vnements qu'elle permet d'tablir. Il semble en effetqu'il soit assez peu important de savoir que dans cette priode le lieudont nous nous occupons ait t visit par les Normands plus oumoins souvent, et qu'il suffise de prouver qu'il eut en subir lesconsquences et que ces invasions ont t cause de certains v-nements. Cela est vrai dans une certaine mesure; mais si nousvoulons utiliser les textes qui racontent ces vnements, pourjuger du dveloppement de la ville cette poque, il devientindispensable de discuter, aussi longuement qu'il est ncessairepour arriver une conclusion, la valeur relative de ces docu-

    1. Voici les deux textes des annales de Saint-Vaast et de la Chroniquedes gestes des Normands : Anno dominicae incarnationis 881, vu kl.januarii, Northmanni Sithiu oppidum ingressi, cum infnita multi-tudine, ipsum oppidum cum ecclesiis ign cremaverunt, exceptaSancti Audomari ecclesia quee Dei providentia bene erat munita. AtNormanni interfectis omnibus quos invenire poterant omnem terramusque ad Summam pervagati sunt. Chron. de gestis Normannomm, adann. 881. Nortmanni vero, cum infnita multitudine, monasteriumnostrum ingressi, vu kl. januarii, ipsum monasterium et civitatemexceptis ecclesiis, et vicum monasterii et omnes villas in circuitu v kl.januarii, interfectis omnibus quos invenire poterant, ign cremaveruntomnemque terram usque Summam pervagati sunt. Annales Vedaslini,ad ann. 881.

  • Vi

    ments. C'est seulement ainsi que nous pouvons savoir quellevaleur auront les inlbrmations qu'il nous sera possible d'en tirer.Cette tude pralable des sources va nous permettre maintenantde les utiliser.

    L'invasion de 845 pargna le monastre de Sitliiu, soit parcequ'il ne se trouva pas sur le passage des Normands, soit cause dela position, favorable la rsistance, de la colline qui le dominaitet qui probablement tait dj fortifie. Cette dernire liypotlisepeut trouver un commencement de confirmation dans l'empresse-ment que mirent les voques et les abbs de la contre envoyer,vers ce temps, l'glise de la colline les reliques des saints qu'ilsvnraient, pour les mettre en siiret, pour les protger contreles profanations des barbares du Nord. De Trouane, de Gand,de Wormout, et jusque de Maubeuge et de Fontenelle, arrivrentdes corps saints. Saint Bain, saint Bavon, saint Winnoc, sainteAustreberte, saint Wandrille, saint Ansbert, saint Wulfran,reurent l'hospitalit dans l'glise de Saint-Omer ^La premire visite des Normands eut lieu en 860 ; lorsqu'ils

    arrivrent les moines avaient abandonn l'abbaye, c'est--dire lapartie basse del ville, et probablement ils s'taient rfugis sur lahauteur; la lgende, empruntant peut-tre un souvenir classiqueau rcit du sige de Rome, raconte que quatre d'entre eux avaientvoulu ne point quitter l'abbaye, aimant mieux mourir que desurvivre la ruine de leur monastre. Ils subirent les insultesdes paens et le martyre. L'glise fut saccage et dtruite.

    Cependant il ne parat pas que cette premire invasion aitcaus l'abbaye des pertes importantes, peut-tre au contraire ygagna-t-elle plus qu'elle n'y perdit. La venue des populationsdes campagnes fuyant l'invasion, se rfugiant l o l'abbayeavait dj form un centre de population, et se mettant sous saprotection, put tre une compensation assez grande des pertesqu'elle avait subies. C'est ce que l'on peut croire en voyant, dsl'anne qui suivit l'invasion, les religieux reconstruire avec luxeleur abbaye, et en constatant quelques annes aj^rs l'existenced'un march dans la nouvelle bouroade.En 861 on reconstruisit, non-seulement les parties dtruites de

    l'glise et de ses dpendances, mais encore une haute tour, laquellesuccda une autre assez rcente, qui tait encore debout maisconstruite la mode ancienne, et que l'on voulut remplacer parun monument dans le got nouveau-.

    1. Voy. Mabillon, Annales 0. S. Ben., II, p. 670.2. Voy. Folquin d;ins Gurard. Cariul. de saint Berlin, p. 109. Miracula

    sancti Bertini, acta SS. 5 septembre, p. 598.

  • _ ^6

    En 874 Charles le Chauve, renouvelant les privilges del'abbaj^e, lui concda pour l'appliquer au luminaire des deuxglises tous les revenus provenant d'un march qui se tenait tousles vendredis Sithiu * . Au x sicle Folquin voyait dj danscette concession l'origine du tonlieu, droit qui fut possd pendanttout le moyen-ge par les deux glises de Saint-Bertin et deSaint-Omer et qui nous occupera dans la suite de ce travail. Cetacte est le premier qui nous montre d'une manire certaine, deuxsicles aprs la fondation de l'abbaye, l'existence sur le terrainqui lui avait t concd d'une bourgade assez populeuse pourtre un centre commercial, crant, par suite des prlvementsd'impts, des profits assez abondants pour que l'abbaye juge utilede s'en faire attribuer la concession. Cette constatation, enoutre, apporte avec elle la confirmation de ce que nous avionsdj dit : le principal rsultat de l'invasion de 860 fut d'augmenterl'importance de la villa Sithiu, de transformer en bourgade untablissement rural et non de ruiner l'abbaye. On objecterait tort qu'un diplme de 877, par lequel Charles le Chauve fait unenouvelle donation, semble me contredire en motivant la nouvelleconcession sur la grande pauvret du monastre^ C'est l sansdoute une simple formule, reproduisant le motif ordinaire desdemandes de ce genre. Tout au contraire, l'auteur des miraclesde Saint-Bertin, en mentionnant le projet de l'abb Foulques deconstruire un mur d'enceinte, cite le commencement du pontificatde cet abb et les annes prcdentes comme une poque deprosprit pour le monastre.Nous allons maintenant avec les invasions de 878 et de 891

    voir la ville devenir un Ojij^idim, se ceindre de murailles et sefortifier, puis des intrts communs se crer pour les habitantsque la transformation du pays y a amens, et par l l'agglom-ration se transformer en communaut d'habitants.

    L'invasion de 878 interrompit une grande entreprise que laprosprit de l'abbaye avait permis l'abb Foulques d'entre-prendre, je veux parler de la construction d'un mur d'enceinte.Nous manquons de dtails sur cette invasion, l'auteur de larelation des miracles n'y fait qu'une lgre allusion, et Folquinse borne nous dire que les Normands incendirent une secondefois l'glise le 28 juillet 878 3.

    1. Gurard, Cartul. de saint Berlin, p. 119.2. Eumdem sanctum locum rerum sua diminutione nimium pericli-

    tari. Gurard, Cartul. de saint Berlin, p. 124.3. Gurard, Carhilaire de saint Berlin, p. 12C.

  • n

    Il n'en est pas de mme pour l'invasion de 891, dont le biographede saint Bertin nous donne un long rcit S plein de dtails,dont il est facile de comprendre tout l'enchanement, dont lalogique est une garantie d'authenticit, et auquel Folquin- ajoutedes dates prcises dans son texte qui est, soit l'abrg, soit lardaction primitive de la relation des miracles. Nous allons enl'interprtant et en le dgageant de la lgende essayer d'aprsces deux auteurs le rcit de cette invasion.

    Aprs avoir chou devant Noyon, les Normands se dirigeaientvers le Brabant; une bande se dtacha du gros de l'arme pourvenir saccager et piller Sithiu. L'imperfection des fortifications,

    le petit nombre des habitants semblaient devoir leur offrir unsuccs facile.Le 25 avril 891^, les barbares apparurent descendant en face

    de Yoppidum les pentes du plateau d'Hellefaut; ds que lessentinelles les aperurent, elles en avertirent les habitants alors

    runis dans l'glise pour entendre la messe. Aussitt ils se pr-parrent au combat, les uns occuprent les remparts, d'autresrunis en troupe firent une sortie, assaillirent les barbares etles repoussrent. Dj les Normands abandonnaient leur projetet allaient se contenter de faire du butin en prenant les trou-peaux des pturages, lorsque tout le reste de la garnison se mit leur poursuite. Les cavaliers, pour couper la retraite auxNormands, gagnrent rapidement les hauteurs d'Hellefaut o ilsles devancrent, tandis que les guerriers pied les poursuivaient.L'ennemi, se voyant envelopp, essaya de se jeter sur la rivedroite de l'Aa, o un bois de chnes lui faisait esprer la possi-bilit de se drober, ou tout au moins une rsistance plus facile ; ilfit pour cela un vigoureux effort sur la gauche des assaillants, maisne russit pas et fut cras ; la bande entire prit massacre nonsans faire prouver des pertes sensibles aux habitants de lacitadelle. Neuf Normands seulement avaient chapp, cinqfurent plus tard trouvs morts sur les chemins, quatre purentrejoindre le gros de leur arme et y porter la nouvelle de ladfaite.

    1. Miracula sancti Beriini, Acta SS., 5 septembre, p. 598.2. Gurard, Cartulaire de Saini-Bertin, p. 133.3. Des indications chronologiques donnes par Folquin (p. 133), seule

    l'clips qu'il signale comme ayant t vue le 15 aot (xviii kl. septembre)ne concorde pas. Il y eut en 891 une clipse de soleil visible en Europele 8 aot (VI des ides), c'est--dire 7 jours plus tt.

    ST-OMER 2

  • -18

    Folquin et l'auteur de la relation des miracles dsignent le lieude ce fait d'armes; il eut lieu in Widingahamo^. Deuxpoints remplissent les conditions imposes par le texte : on voyaitle combat des murs de Saint-Omer, il se livrait sur l'Aa, proba-blement au pied du plateau d'Hellefaut ; quant au bois de la rivedroite, il a pu disparatre. Il faut rejeter l'interprtation deM. Gurard, Widehem, canton d'Etaples

    ,

    qui est prs de15 lieues de Saint-Omer. Les Bollandistes croient que c'estWins, hameau, commune de Blandecques, tout fait au pied duplateau

    ;je pencherais plutt pour Windringhem, hameau de la

    commune de Wavrans, en supposant que les Normands ont dd'abord remonter un peu le cours de la rivire et ne tenter le

    passage qu' la faveur d'un gu et sduits par les bois qui exis-taient encore au xviii^ sicle la hauteur de Windringhem, etqui, comme le dit le texte, pouvaient les aider soutenir le chocdes assaillants. Quant la forme du mot, je suis rduit, pourl'expliquer, supposer soit une faute de copiste, soit une faute delecture, la forme de Folquin, Widingahamo, pouvant se lireaussi Vindingahamo, on peut supposer aussi l'omission de la barreabrviative de N sur la premire syllabe, et eri7i abrvi lu in la seconde. Le mme nom de lieu a t lu Vuidingaham dansun acte de 850 du cartulaire de Folquin (p. 107).

    Reprenons notre rcit dont nous a cart cette digression.Quelques jours aprs la dfaite de la premire bande, l'armeentire arriva pour la venger ; le 2 mai 891, par une matine debrouillard, on vit une innombrable infanterie descendre rapide-ment les mmes pentes des Bruyres et s'approcher de l'enceinte,tandis que de nombreux cavaliers se dirigeaient vers le lieu duprcdent combat o ils considraient les cadavres de leurs guer-riers gisant pars et demi dcomposs. Excits par cette vue,ils revinrent au galop vers leurs compagnons, et l'on dcida uneattaque immdiate. Heureusement, les cavaliers se portrent versle monastre d'en bas, s'y installrent, mirent leurs chevauxdans le pturage, et on les vit dresser des huttes comme s'ils pro-jetaient une longue occupation aprs la chute de la citadelle.

    Pendant ce temps, l'infanterie et les plus rapides cavaliersdirigrent une attaque contre le chteau. Sans laisser aux assigsun instant de relche, ils essayrent de le forcer; mais ilsfurent accueillis par une grle de matires enflammes, de masses

    1. Gurard, Cartul. de S, Berlin, p. 133. In Windigahamo. Miracul.S. Bertini. Acta SS. 5 septembre, p. 600.

  • 20

    analogue aux autres chteaux si nombreux dans le pays, et ladescription nous reconnaissons une construction plus ancienneque le xif sicle. En outre, les parties de la construction surlesquelles nous claire la relation des miracles de saint Bertin

    prsentent avec le chteau dcrit par l'archidiacre Gautier la plusgrande conformit ; nous pouvons donc complter et clairer parles donnes de ce texte celles que nous possdons d'autre partsur le chteau de Saint-Omer.

    J'avais espr aussi trouver quelque secours dans une peinturedu Liber floridus, ms. du xii sicle excut Saint-Omer,aujourd'hui conserv la bibliothque de l'Universit de Gand.Les descriptions publies indiquent, comme titre d'une de ses

    peintures : Castellum Sancti Audomari, mais ce n'estqu'une reprsentation symbolique, o un assemblage de toitsindique, sans proccupation de la ralit, l'objet flgiu*. Enrevanche, on peut recourir aux figurations des chteaux deDinan et de Rennes de la tapisserie deBayeux.

    Il est important de noter tout d'abord que le chteau de Saint-Omer ayant t incendi en 895 \ la construction que pouvaitvoir l'annaliste n'tait plus la mme que celle qui avait rsistaux Normands, mais cet incendie n'avait d dtruire que le corpsdu chteau, la partie en charpente que les Normands avaientessay de brler, sans y russir, et non les fortifications surlesquelles notre auteur nous donne le plus de dtails ; on a vuqu'elles ne pouvaient pas tre incendies, puisque les assigseux-mmes, pour empcher l'assaut, avaient mis le feu auxfascines dont les assaillants avaient combl le foss. La dispo-sition du ix^ sicle pouvait donc subsister encore au x% et il estvraisemblable que l'annaliste dcrivait les fortifications relles deSithiu.

    Au x^ sicle, le domaine de l'abbaye avait encore au loin, pourdfenses naturelles, des marais qu'on ne pouvait franchir quedans une embarcation ; une seule chausse l'ouest donnait accsdans la campagne aux chars, aux chevaux et aux pitons ; l'au-teur de la vie de saint Bertin nous l'explique, en nous racontantque cette circonstance fit prendre un voleur qui avait enlev dansl'glise des vases sacrs ^.

    multis rtro annis extructa. 1. Foiquin, dans Gurard, Cartulaire de Saint-Bertin, p. 136.2. Nam, ut nescientibusloquar, locus ille talisest ut per mille passus

    et multo amplius, nisi navigio non liabeat ingressum, excepta una

  • 21

    Aucun texte ne mentionne la premire fortification construitesur le haut de la colline ; nous ne pouvons que la supposer envoyant que l'glise construite cet endroit par saint Ornerservit de refuge aux reliques des saints de la contre ds 846, etsurtout en voyant que lors de la premire invasion en 860, lesNormands ne dvastrent que l'abbaye de Saint-Bertin, situe aupied de la colline.

    L'abb Foulques, aprs la premire invasion, alors que lavilla Sitliiu tait dj devenue une bourgade importante, conutle projet d'enfermer dans un mur d'enceinte les deux abbayes etla bourgade. On dtermina, sur l'avis des habitants et des notables(procerum), le terrain qu'on devait enceindre, on le mesura,on distribua le travail, et on commena la construction; mais lesdimensions de cette muraille et surtout l'invasion de 878 l'inter-rompirent. Plus tard, la dvastation du pays, la dpopulation duela fuite des habitants et la famine ^ empchrent dele reprendre.Il ne semble pas avoir jamais t trs-avanc, car, ni en 878, nien 891 , on ne parat avoir tent d'en faire un obstacle aux Nor-mands, qui, chaque fois, purent incendier ou occuper le monas-tre d'en bas. Ce ne fut que plus tard, en 918, que cette enceintefut termine^. C'est une de ses portes que fait allusion le textede la relation des miracles, lorsque, racontant l'arrive desNormands en 890, il dit qu'ils se pressaient la porte de l'en-tre extrieure ^.

    Abandonnant aux incursions barbares le terrain infrieur, lesreligieux s'taient dcids se renfermer dans la partie haute,que les dispositions naturelles rendaient plus propice la dfense,et que nous avons prsume fortifie ds 846. Les travaux pr-paratoires avaient t le dfrichement d'un bois, d'un vergerqui se trouvait entre les deux monastres et qui aurait pufaciliter les approches de l'ennemi et ^abriter^ puis le creuse-

    porta ab occidentp, per quam pedites et quits plaustra ducentcs liberum soient habere ingressum. {l^ vie de saint Bertin. Acta sanc-torum. 5 septembre, p. 593.)

    1. Gum tota jam terra incensa et depopulata et plurima hominumfere consumta, fam attenuata, dispersioneque fug propulsata exti-tisset. (Ibid., g 18.)

    2. Cart. de Saint-Berlin, p. 189 : Balduinus [Calvus] autem comes etabbas monasterii Sithiu ambitum castelli circa monasterium cons-truxit.

    3. Ante januam exterioris introitus prcestolantes. ( Mirac. S. Beriin,chap. III, l 20.)

    i. Mirac. S. Berlin, ch. 111.'i 17.

  • 22

    ment d'un foss enveloppant l'glise et les btiments qui ser-vaient de refuge et d'habitation aux religieux, aux habitants dupays et la garnison. Ce foss tait, lors de l'arrive des Nor-mands en 891, trs-large et trs-profonde Au-dessus de lacontrescarpe s'levait le rempart form de la terre retire desfosss, gleba, recouverte de gazonnement, cespite, et formant

    une courtine sur laquelle se tenaient les dfenseurs- et les machinesde guerre protgs par une palissade, fuste. Notre texte ne

    mentionne ni tours ni portes fractionnant le mur d'enceinte ; dureste, ce n'tait l qu'une fortification mdiocre ^, faite la hte,presque improvise sous la menace d'une invasion, et cependantbien construite et trs-forte. L'abb Herric, pour exciter le zledes habitants la construire, avait fait intervenir saint Omer ;c'tait lui qui, apparaissant en songe, avait ordonn de tra-vailler jour et nuit pour l'lever *, mais elle n'tait en rien com-parable Cassel, que le mme texte appelle arx opinatissima '".

    Il est aussi question de crneaux ; un moine est bless l'ainepar une flche entre les deux parements du parapet, c'est--diredans l'intervalle des crneaux^, mais je doute que cet vnementse soit pass l'enceinte, dont la palissade ne comportait pas cetteconstruction, je le placerai plutt sur la plate-forme du chteauque devait contenir la wiMnzYzo. Quoiqu'il ne soit pas expressmentindiqu par le document que nous commentons, on peut facile-ment conclure son existence. En effet il existait dans toutesles constructions analogues, notre texte lui-mme le laisse entre-voir. C'tait videmment l l'objectif des brandons lancs parles Normands '' ; on a vu que le danger d'incendie n'existait pas

    1. Fossas circa munitionem mir et altitudinis et araplitudinis. {Mirac. S. Bert., 11[.) Fossam quam late patentera, multamque pro-funditatis altitudinem habentem circumfodere et supremam ejusdcmaggeris crepidinem, vallo ex lignis tabulatis frmissime compacto, un-dique vice mri circum munire, turribusque secundum quod possibilefuerit per gyrum dispositis... [Vita beaU Johanis episc. Tervan. | 25.)

    2. Murumque protinus optimis (ut mos incolorum regionis est),armis praeparati conscendentes una cum prius prparatis bellicis ins-trumentis, munitissime arcem vestierunt. {Mirac. S. Bert., 14.)

    3. Munitiunculam paupere sumtu, parvoque licet strenuo incolarumcomitatu factam... sicut artiflciosissime, ita etiam frmissime construc-tam. (Ibid.)

    4. Ibid., g 18. 5. Ibid., g 25.

    6. Ictu sagitt inter duo tabulata propugnaculi ubi stabat, percussusest. (g 22.)

    7. Gonantes incendio profligare. (Ibid., 21.)

  • 23

    pour l'enceinte, tandis que le castelluin fut brl en 895.C'tait de l que les guetteurs, excubiae, voyaient venir lesNormands et les signalaient S de l que l'on avait vu lecombat livr sur l'Aa -, de l que l'on voyait les mouvementsde la cavalerie ennemie lors de la dernire attaque ^. Ce castel-lum tait vraisemblablement comme les autres chteaux dela mme poque une construction de charpente plusieurs tages,btie l o s'leva plus tard le donjon fodal, sur la butte facticeque l'on nomma la Motte chtelaine'^.

    Outre l'glise et les btiments o logeaient les moines et leshabitants rfugis, d'autres abris devaient tre construits pour lagarnison et pour ses chevaux, puisque, comme nous l'avons vu,la garnison se composait en partie de cavalerie.

    L'ensemble des constructions est appel dans nos textes, 'inu-nitio, munitiuncula , munitio castelli, castellum^ et aussicastrum et miinicipium ; les habitants sont les castellani.Les murs d'enceinte sont nomms ynurum ou ynenia ; le ch-teau, castellum ou plutt arx, et une fois dans la vie de l'vquede Trouane, villa. La motte sur laquelle est construit le chteauest Yagger.

    Sur la manire d'attaquer et de se dfendre, le texte nous donneencore quelques dtails noter. L'assigeant prpare l'assaut encomblant le foss de fascines, et s'efforce de mettre le feu au cas-tellum ; l'assig lui envoie des matires embrases et des massesde fer rouge et empche l'assaut en brlant les fascines qui l'ontprpar.

    Nous avons dj indiqu comment et dans quel sens les inva-sions normandes ont d modifier la constitution de la Flandre ety crer des formes particulires du lien social. En ce qui concerne

    1. Mirac. S. Bert., l 14.2. Ibid., g 15.

    3. Ibid., g 21.

    4. Voici ce que dit du chteau et de la motte l'auteur de la vie deJean : Mos namque est ditioribus... terrse aggerem quant prvalentcelsitudinis congerere... arcem in medio dificare, ita videlicet utporta introitus ipsius vill non nisi per pontem valeat adiri, qui abexteriori labro foss.-o primum exoriens est in processu paullatim eleva-tus, columnisque binis et binis, vel etiam trinis, altrinsecuspercongruaspatia suflixis innixus, eo ascendendi moderamine per transversumfossae consurgit, ut supremum aggeris superficiem coquando oramextremi marginis ejus et in ea parte limen prima fronte contingat. da Sandorum, t. II de janvier, p. 799.

    5. Ignita utensilia et trusta candentis ferri. Mirac. S. Bert., ji 21.

  • 24

    particulirement Saint-Omer, nous pouvons, aprs l'tude desinvasions, conclure que la villa Sithiu dut ces vnements dedevenir, de centre spirituel qu'elle tait, un centre important derelations sociales.

    L'auteur de la relation des Miracles de saint Bertin, louant leSeigneur du triomphe obtenu sur les Normands, dit que les priresde ceux qui taient rests dans l'enceinte furent au moins aussiefficaces pour repousser les Normands que le courage des com-battants; il est douteux que ce point de vue du lgendaire, hommepieux et pntr de la puissance divine, ait toujours t celui dela population qui, moins mystique, dut concevoir une certainereconnaissance pour les bras courageux qui l'avaient prservedu massacre et de la ruine ; il est probable que les combattantsdurent retirer une certaine considration et une certaine influencede leur conduite en face de l'ennemi, que la protection qu'ilsavaient accorde l'glise dut ne point tre pour eux sans profit,et que sur le domaine jusqu' prsent possd et administr parl'abbaye sans conteste, une nouvelle puissance, celle des hommesd'armes qui l'avaient protge, dut ds lors sembler inquitante.Nous trouvons peu de dtails ce sujet dans les lgendes si

    fertiles en renseignements sur tous les autres points, mais il fautobserver que ces relations crites par des moines de l'abbaye deSaint-Bertin ne devaient pas s'empresser de relater les alina-tions ou les usurpations de souverainet dont nous cherchons surprendre la trace. Nous pouvons seulement constater, d'abord,que l'abbaye au ix sicle est bien propritaire souveraine deSithiu ; c'est un dignitaire ecclsiastique, un gardien {custos) del'glise des chanoines, Herric, qui ordonne et dirige la construc-tion des fortifications ; dans tous les rcits des invasions succes-sives, aucun de nos textes ne mentionne une autre souverainet,une autre direction. Seulement le cur de Neufville, qui crivit auxviif sicle S rapporte une lgende d'aprs laquelle le dfenseurde Sithiu en 890, le glorieux vainqueur des Normands aurait t(Jdgrin, avou de l'abbaye. Cette lgende, reproduite par tous lesauteurs postrieurs, doit s'tre forme dans l'abbaye, dsireused'attribuer elle ou ses dlgus les commencements de l'his-toire de Saint-Omer.

    Quoique muets sur les chefs qui menrent au combat la vail-lante population de Saint-Omer, nos textes n'en contiennent pas

    1. Les annales de la ville de Saint-Omer. ms. de la bibliothque de Saint-Omer, n 809.

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    moins sur les diffrentes classes d'habitants qui turent enfermsdans la ville et sur les relations fodales qui s'tablissaient alors,des indications qu'il importe de recueillir avec soin. Nous savonsdj que, bien que peu nombreuse *, la population qui subit lesige n'tait pas seulement une garnison. Une grande partie nopouvait concourir la dfense autrement que par des prires ; il

    y avait outre les moines et les chanoines, des femmes et desenfants, cimi parvulis maires, ce que le lgendaire appelleimbelle vulgus, par opposition aux bellatores^. Nous voyonsailleurs qu'il y avait une noblesse, nobilitas ; lors du partage dubutin fait en 890 sur la premire bande des Normands, une partieva aux nobles, nobilioribus , une autre une classe infrieure,inferiorbus , une autre aux pauvres, pauperibus. Un derniertexte va nous montrer le lien fodal en formation, et quelle im-portance durent avoir les premiers seigneurs qui, on le voit parce texte, taient contre les invasions l'espoir des religieux,

    qui s'effraient de les voir aussi peu nombreux pour la dfense.Voici ce passage : le lgendaire du x*^ sicle dit que la guerre

    contre les Normands tait terrible soutenir, quiapoene nobi-litas terrae illius ex multo jam tetnpore, ob amoretn veldominatum sibi dominorwn carorum, abscesserat, nativita-tis patria relicta, praeter paucos, qui ita hereditariis prae-diti erant paMmoniis , ut non esset eis necesse subdi, nisisanctionibus publicis ^.

    Pendant cette priode en effet, de grands faits politiques s'-taient produits : les liens fodaux taient ns, s'taient dveloppset rgulariss sur le territoire ; la Flandre tait devenue unevaste circonscription politique sous la domination de son premiermarquis le comte Baudouin-Bras-de-fer, dont la valeur contre lesNormands avait sanctionn l'usurpation. Ce fut tant pour cettedfense du pays contre les invasions que dans la guerre soutenuepar Baudouin II pour conserver la maison Carolingienne letrne de France, qu'eut lieu cette dsertion du pays par la no-blesse que le service fodal appelait la guerre auprs de sonsuzerain, dsertion laquelle seuls purent se soustraire les pro-pritaires assez riches et puissants pour n'avoir pas besoin de laprotection assure aux autres par la hirarchie fodale.

    1. Parvo que licet strenuo incolarum comitatu. {Miracula S. Bert.g 13.) Pro tenuitate seu paucitato inhabitantium. (Ibid., 29.)

    2. Ibid., g 16.

    3. Ibid., 8 17.

  • 26

    Notre cit n'allait pas tarder sentir la nouvelle domination;

    l'abbaye, le chteau allaient devenir la possession du comte ; laville seule, la faveur des troubles de toute nature de cette poque,allait pouvoir dgager son existence et exiger de ces puissancesdes garanties qui devaient assurer sa sret, sa force et sondveloppement

    .

    III.

    Les comtes de Flandre furent ds les premiers temps de leurdomination proccups de s'arroger des droits sur les nombreusesabbayes de leur marche qui possdaient une portion considrablede la proprit foncire, et qui, presque toutes, avaient sur leurspossessions des droits rgaliens. Les moyens qu'ils employrentfurent d'abord la spoliation violente, plus tard ils se posrent enprotecteurs des abbayes, ils confirmrent ou rendirent auxtablissements religieux

    ,sauf les rserves qu'ils jugrent utiles,

    leurs immunits, leurs franchises, leurs privilges, leurs posses-sions ; l'acceptation de privilges et de donations de leur partquivalait une reconnaissance de leur souverainet. C'est ainsique les premiers comtes de Flandre, Baudouin-Bras-de-fer etBaudouin II furent considrs par les annalistes religieux commedes spoliateurs, et s'attirrent les foudres ecclsiastiques, tandisque le rgne d'Arnoul-le-vieux fut considr comme un rgnerparateur, et cependant il poursui\ it le mme but que ses pr-dcesseurs ; il continua afiermir la puissance des comtes, maisil le fit en rendant aux abbayes et aux glises des biens et desprivilges qui lui assuraient lear bienveillance si utile cettepoque, tout en iirofitant pour tablir sa suzerainet sur les centresd'habitations des spoliations de ses prdcesseurs.

    Ds que les glises avaient eu des possessions considrables etdes droits rgaliens, elles avaient d, pour les sauvegarder, lesadministrer ou les exercer, dlguer leur pouvoir des avous.Cette fonction n'avait pas tard donner une grande importance son possesseur, qui devenait le protecteur de l'abbaye. Lescomtes de Flandre se firent avous suprmes de presque toutesles abbayes ^ et mme, pour beaucoup d'entre elles, ils se firentavous ordinaires, avous judiciaires pour l'exercice de la hautejustice

    ,et, dans ce cas, ils dlgurent des avous infrieurs. A

    Arras, Saint-Omer, ils firent mieux, ils se firent abbs du mo-nastre.

    1. Voyez Warnknip. Histoire de la Flandre. Traduclion de Gheldolf,t. 11, p. 304.

  • 27

    Ds 893, le monastre de Saint-Bertin excita leur convoitise.Aprs la mort de l'abb Rodulfe, le comte Baudouin Ille demandaau roi de France ; les rois, on le sait, avaient pris l'habi-tude d'investir leurs familiers de ces dignits. L'abbaye fut donne Foulques, archevque de Reims, qui ne tarda pas tre assas-sin l'instigation de Baudouin ^ (17 juin 900).A la suite de cet assassinat, Baudouin s'empara de toutes les

    possessions de Foulques, et obtint l'abbaye de Sithiu par conces-sion royale -. Pendant 18 ans, dit le chroniqueur du x^ sicle,l'glise gmit sous l'administration d'un laque, cette administra-tion lui fut fatale : le comte enleva l'glise plus qu'il ne luidonna, et longtemps encore l'abbaye se sentira de cette influencefuneste ^. Ce passage est trs-signifcatif et montre bien queltait l'esprit du comte en s'emparant des abbayes.A sa mort (918) son fils Adalolphe, hritier d'une partie de

    ses tats, hrita aussi de l'abbaye, puis son frre Arnoul lui suc-cda (943) l'glise et au comf. Folquin, en numrant leslibralits qu'ils firent l'abbaye, ne laisse pas de mentionnertristement cette transmission hrditaire, cette possession pardes laques maris de l'glise prive de pasteur^.

    Depuis plus de quarante ans que l'abbaj^e tait en mainslaques, possde par les comtes dont les proccupations taienttout autres que de conserver la discipline, celle-ci avait dsingulirement s'affaiblir. Le comte Arnoul, que l'histoire ditavoir t un homme pieux, voulut la rtablir, mais sans rienperdre de son influence, et vraisemblablement son but fut mme,en chassant les anciens moines, de dtruire tout lment de rsis-tance ses vues au moment o il allait rendre l'abbaye sesabbs. Il appela Saint-Bertin Grard, de l'abbaye de Brogne,pour rformer l'abbaye sous sa direction. On dut rprimer unemeute du peuple lorsqu'on expulsa les vieux moines, que d'au-tres, sans doute plus dvous aux intrts du comte, ou plusindiffrents ceux de l'abbave, vinrent remplacer.

    Le comte dut leur offrir de revenir, mais dix d'entre eux seu-

    1. Flodoard. Historia ecclesiae remensis, l.IV, 10. Folquin, dans Gurard,Cariulaire de Saint-Bertin, p. 135.

    2. Abbatiam optinuit regia donatione. (Folquin dans GurardCartul. de Saint-Bertin, p. 235.)

    3. Plus abstulit ecclesicB quam ddit et hactenus dampno a se per-petrato sentient monaci prsentes ac futuri. (Ibid., p. 139.)

    4. Et ita ecclesia a pastore religioso viduata a laicis maritatis permodum hereditatis est possessa. (Ibid, p. 141.)

  • lement acceptrent ses conditions ; le reste reut un asile dansun couvent d'Angleterre. Les abbs qui se succdrent, Agilon,"Womar, Gui, ne furent abbs qu'avec le consentement et sous ladirection du comte, puis l'abbaye fut donne par lui l'un de sesneveux, Hildebrand^ (950). Sous son administration, le comterendit au monastre le village d'Arqus, que cette restitution nouspermet de compter parmi les possessions enleves par Bau-douin II. Malgr l'opposition frquente des moines la domina-tion des comtes de Flandre se maintint encore sous les succes-seurs d'Arnould.En 1056, le comte Baudouin-de-Lille profita de l'occasion que

    lui donnait la rpression d'excs commis par l'avou de l'abbaye,pour faire insrer, dans un acte solennel, o il intervenait enfaveur du monastre comme son dfenseur, en limitant et en dter-minant les droits de son avou, la sanction des usurpations deses prdcesseurs avec la confirmation stipule de l'veque derouane, de l'abb, de l'avou, en prsence de l'veque deCambrai et d'autres dignitaires ecclsiastiques ^.

    1. Ibid. p. 146.

    2. Je reproduis ce passage, non d'aprs le texte dit par Gurard,mais d'aprs celui du ms. de Boulogne (n 146 A) qui prsente des diff-rences importantes : His ita statutis [atque] concessis, illud quoque[hic] subscribi vel determinari placuit, quomodo interveniente DrogoneTervanensium presule et jamdicto abbate [Bovone], et Gerbodone advo-cato assensum prebente, spatium mensure atrii sive curtis [cenobii]Sancti Bertini ita divisimus rscilicet, utusque ad mdium fluvii Agnione,quo circumfluente idem cenobium cingitur, spatium mensure atriiejusdem sive curtis in circuitu protendatur, et infra manentes ab omni[seculari] potentia etjusticia liberi sedeant, abbati tantum de compo-nenda cujuscumque negocii sui causa vel institutionis eorum rationemrcddant et ipsum coasulant. Que divisio sive institutio ut majori auc-toritate fulciretur, corpora sanctorum Audoman et Bertini navi impo-sita, predictum per fluvium, in nostra presentia {poientia. Sim.) cir-cumduci fecimus, episcopo Drogone ab ipsa navi aquam benedictamversus atrium projiciente et hoc modo quantum predictum est spaciiin liberam potestatem Sancti Bertini vindicante. [Insuper vero sicutista palustris terra inter Arkas et vtus monasterium Mre ad jusSancti Bertini hactenus pertinuit nos ei perpetuo possidendam robora-vimus.] De submanentibus autem et servientibus abbatis atque mona-corum, qui in oppido Sancti Audomari et in comitatu advocati hospi-tantur, [dispositum atque] stabilitum est a me ut omni anno in nataliDomini modium frumenti ab abbate persolvatur et sic ab omni in-quietatione liberi maneant et quieti uisi aliquis eorum palam inven-tus fuerit vim faciens vel furti reus, [sive quemlibet percutiensl autsimilium legum prevaricator. Les mots entre crochets sont ceux

  • 29

    Par cet acte, la justice de l'abbaye est restreinte son enclos, la partie du territoire actuel de Saint-Omer dont l'Aa fait unepresqu'le, le reste de la ville appartient au comte. Les hommesde l'abb, les serviteurs qui habitent la ville ou le territoire del'avou, doivent l'abb une redevance fixe annuelle, sans douteen cliange de la juridiction que l'abb perd sur eux cause deleur non-rsidence. Le comte les soustrait ainsi aux taxes arbi-traires que leur imposait soit l'abb, soit l'avou.

    Ce document capital nous montre l'abbaye prive de ses an-ciens droits de possession et de justice sur le domaine qui luiavait t autrefois concd; ce que nous savons d'autre part del'administration des comtes de Flandre ne nous laisse aucundoute sur l'origine de cette spoliation que nous voyons rgula-riser.

    Il nous reste chercher ce qui s'tait organis sur ce territoireque l'usurpation des comtes de Flandre avait enlev son pro-pritaire pour le faire passer sous leur domination.

    IV.

    Le cours de ce rcit a dj montr la formation de la ville autourde l'abbaye. Nous avons vu les habitations se grouper autour del'tabhssement rural des moines, une glise se construire sur lahauteur voisine, d'abord dpendante du monastre, puis s'ensparant violemment pour devenir un collge de chanoines scu-liers. La priode des invasions normandes, au lieu d'tre dsas-treuse pour la bourgade, ne fit que lui donner plus d'importance,grce sa situation favorable la dfense. Fortifie et dfenduepar les premiers concessionnaires du sol, elle ne tarda pas tomber sous la domination des comtes ; ceux-ci entourrent labourgade d'un mur d'enceinte et s'en attriburent la justice et lasoiiverainet.

    L'absence de textes prcis nous laisse conjecturer comment sedgagea l'individualit de la ville pendant la priode trouble quis'coula entre la dernire victoire sur les Normands et la mort ducomte Charles-le-Bon (1 127) . Pendant cette priode, lalutte, tanttviolente et tantt sourde entre les comtes et l'abbaye, l'incerti-tude du suzerain, les abbs dpossds, les usurpations de l'avou

    qui ne se trouvent pas clans le texte de Simon (Gurard, Cartul. de SaintBertin, p. 18G). Au contraire ceux en italiques ne se trouvent que dansSimon.

  • so-d l'abbaye, le chapitre, dmembrement du monastre, cherchant conserver sa part de souverainet, les dlgus ou officiers ducomte tendant dj leurs pouvoirs, tous ceux qui tenaientdes terres des uns ou des autres cherchant assurer de leurmieux leur scurit, et reconnaissant pour seigneur qui les lais-sait plus indpendants et surtout savait le mieux les protger :tel dut tre l'tat anarchique des puissances qui se partageaientla viUe de Saint-Omer avant que nous trouvions au xiif s. tousces pouvoirs limits, toutes ces puissances hirarchises, tous cesdroits dfinis. A ces indices de l'anarchie sociale, nous devonsjoindre pour nous reprsenter cette poque le tableau du troubleprofond de cette socit dont les chroniqueurs nous font tous leplus lamentable rcit : guerres prives, violences et usurpationsdes seigneurs qui, tabhs dans leurs chteaux, ranonnent etpillent les villages ^ ; dissolution du clerg qu'arrte grand'-peine Faction svre de Grgoire VIP; excs, assassinats et brigan-dages de la populace ^, et par-dessus tout cela misre affreuseprovoque par les famines et les pestes '^.

    D'autre part, c'est cette mme poque que l'on voit enFlandre les premiers indices d'un mouvement qui porte les hom-mes libres vers le commerce et l'industrie. On voit ds lors deschanges se faire, des foires se crer, des rapports s'tablir entreles villes. Rien d'tonnant queles hommes libresrunis l o ils es-praient trouver quelque scurit, aient senti la ncessit de s'u-nir pour se protgerplus efficacement. Les anciennes associationsgermaniques, non encore totalement disparues , furent la formequi se prsenta naturellement, et leurs statuts, transforms etappropris aux murs, purent plus tard devenir les lois desvilles. Ce groupement des hommes libres put l o il eut lieu atti-rer des habitants nouveaux et faire natre l'ide d'une actionpublique commune et de l'assocation qui, se dveloppant, pre-

    1. Mos namque est ditioribus quibusque regionis hujushominibusetnobilioribus, eo quod maxime inimicitiis vacare soleant exercendis etcdibus, ut ab hostibus eo modo maneant tutiores et potentia majorevel vincant pares, vel premant inferiores, terrae aggerem congerere,etc. (Texte duxu' s. Vie de Jean de Warneton. Acta Sanctorum. 27 jan-vier, p. 799.)

    2. Voy. les troubles dans les vchs de Flandre. (Jaff, Monum. gre-gor., p. 181, 254, 255, 272, 336, 337 tpassim.)

    3. Voy. par exemple la vie de Saint Arnoul, vque de Soissons,par Hariulfe et Lisiard, texte du xii= sicle. Acta Sanctorum. 15 avril,c. III. p. 79.

    4. Simon, dans Gurard. Cartul. de Saint-Bevtin, p. 173.

  • 31

    liant puissance et force, entra pour ainsi dire comme un tremoral dans la hirarchie fodale, se comporta vis--vis du comteh peu prs comme un vassal vis--vis du suzerain, lui faisantIjommage sous condition de services rciproques.

    C'est peut-tre ici le lieu de relever ce qui dans ce mouvementfut spcial la Flandre, et de prciser ce qui contribua donner uncaractre particulier ses institutions communales ; nous le pou-vons en prenant pour point de comparaison une province voisineet soumise aux mmes influences dans le principe, le Hainaut.Nous avons indiqu la situation de la Flandre aux xi^ et xif s.,

    nous avons dit quelles calamits, la veille de son dveloppement,semblaient menacer d'anantir cette socit. L'autorit des comtesde Flandre n'intervi:nt que fort peu pour s'opposer la dissolu-tion menaante ; ils se contentrent de promulguer une loipnale ^ afin de rprimer les excs commis. On ne voit de leurpart nulle tentative pour organiser la socit, pour rgler lesrapports sociaux. Dans le Hainaut au contraire, o la fodalits'tait dveloppe de la mme manire, o les villes taient nesdes mmes causes, les comtes furent lgislateurs, dictrent deslois gnrales, ou du moins, ce qui est presque toujours le cas,consacrrent par des actes solennels le droit coutumier. En Flan-dre, le droit coutumier se dveloppa dans chaque ville d'une manireindpendante, l'unit de lgislation n'exista pas, et lorsque descirconstances firent natre le besoin de fixer le droit par des actesdes souverains, ces dcisions, ces lois furent spciales chaqueville.

    De la formation de la ville Saint-Omer il ne nous est restque de faibles traces ; on peut concevoir cependant comment ontd natre par la solidarit des habitants, au milieu de troublessi prjudiciables leurs intrts, l'ide de l'individualit de laville, l'ide que des eff'orts communs pourraient assurer la libertet l'ordre, comment enfin les relations sociales firent driver dudroit germanique certaines coutumes pour l'observation et lasanction desquelles se constiturent des autorits, des magis-tratures.

    Tous les documents des x et xi'' s. qui nous sont parvenusrestent muets sur ces faits si obscurs pour nous. Presque tousproviennent de l'abbaye, on conoit leur silence, et nous avonspu dj constater que, quoique mentionnant comme calamiteuse

    1. 1111. Loi pnale promulgue par Robert II (Fragm. publ. parWarnknig, t. 1. p. 167), confirme en llll et 1119 par Baudouin VII.

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    l'administration de l'abbaye par les comtes, ils ne spcifient pas leurs dates leurs usurpations, et que ce n'est qu'au milieu duXI* s. qu'un acte, et un acte rparateur pour l'abbaye, vientnous clairer sur les consquences de cette possession de l'abbayepar les comtes, consquences qui furent la perte de la propritdu sol de la ville de Saint-Omer et de presque tous les droits quiy avaient t attachs.

    J'ai relev avec le plus grand soin toutes les mentions quipeuvent clairer cette priode obscure et qui concernent lesvnements dont fut tmoin la ville nouvelle, les habitants, leurcondition, leur nombre; je me suis surtout attach mettre enlumire les premiers indices de leur activit commerciale, lestraces de l'administration de la justice, les indications concer-nant l'exercice de l'autorit.

    Il est inutile de reprendre un un les textes dj cits pourmontrer le dveloppement de Saint-Omer. Le nom seul de ville,que prend dfinitivement au xf s. la villa Sitdiu de 648, indiquequel accroissement elle a prouv ^ Aux causes dj indiquesqui ont provoqu l'affluence de la population Saint-Omer, il fautajouter la prsence frquente des premiers comtes de Flandre.Nous avons dj constat que ds 874 il y avait un march,

    dont les revenus taient attribus l'abbaye ; au x* sicle on batmonnaie dans la ville ^ ; la mme poque la relation des miraclesnous permet de constater et l'cole des chanoines, et l'organisa-tion de l'assistance des pauvres ^, nous avons dj indiqu plus

    1. 648. Villa Sitdiu. Charte d'Adroald. x' s. Caslellum sancti Audomari.Miracles de saint Bertin. 1050. Oppidum sancti Audomari. Simon, d.Gurard, p. 180. Mais ces mots ne sont pas dans le plus ancien ms. 1056. Yilla Silhiu, in Castro apud Sanctum Audomarum, donation de Bau-douin de Lille saint Bavon. Teulet, Layettes du trsor des chartes, t. I.21. a. 1056. Oppidum Sancti Audomari. Charte de Baudouin de Lille.Gurard, Cartulaire de Saint-Bertin, p. 184. 1065. Apud Sanctum Audo-marum, date de lieu d'un diplme. Miraeus, Opra diplomatica, t. I, p. 153. 1106. Castellum S. Audomari, institution d'une lproserie. Gurard.Cartul. de Saint-Bertin, p. 257. 1114. Castrum Sancti Audomari, conces-sion de Bubrouck l'glise de Watten par le comte de Flandre. Cartul.de Watten, ms. de la bibliothque de Saint-Omer, n 852, charte Lxvn.

    xu* s. Burgus Sancti Audomari. Lambert d'Ardres.2. Grand denier publ. par M. Hermand, 5 livraison du Bulletin de la

    Socit des Antiquaires de la Morinie. Tte de profil droite coiffe d'uneespce de calotte globules. AVDOMARV. au revers : croix grecque

    Vcantonne des quatre lettres

    R

    X lgende .... OLDVS .... A.G

    3. Acta Sanctorum. 5 septembre, p. 597.

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    haut que lorsque le comte Arnoul voulut pour rformer l'abbayechasser les vieux moines, il y eut une espce d'meute du peuplequi voulait conserver les anciens religieux^.

    La premire moiti du xi*^ s. nous fournit un document impor-tant qui indique la continuit du dveloppement de la ville.Nous voyons en effet, en 1042, l'abb de Saint-Bertin et le pr-vt du chapitre changer des terres de leurs possessions dansl'enceinte du chteau, pour que, sur la portion concde au prvt,pt s'lever une glise paroissiale que faisait construire unnommLambert^. Nous reviendrons sur cet acte qui nous donne d'au-tres renseignements curieux ; pour le moment, nous nous bornons relever l'importance d'une pareille fondation : le lien religieux,la paroisse, doit tre compt parmi les causes les plus efficacesde la formation du lien social dans les villes^.Nous avons vu dj un march tabli dans la ville ; au xi^ s.,

    nous y trouvons une foire. C'est, selon Simon, l'poque de lafoire que l'on choisit pour faire devant une grande multitudel'ostension du corps de saint Bertin'*. Cette crmonie eut lieu en1050, mais nous ne pouvons tre certain de la tenue d'une foire Saint-Omer que du temps de Simon. Sous l'abb Jean, c'est--dire entre 1081 et 1093, un vaste incendie dsola la ville ^. En1099 un concile se tint Saint-Omer, on y publia cinq articlestouchant la trve de Dieu, et l'on y prit des dispositions contre lemariage des clercs^. En 1106, la ville fut dote d'une lpro-serie'^. Enfin, en 1114, une assemble solennelle de tous lesgrands de Flandre se tint Saint-mer, on y jura la charte depaix pubhque, promulgue en 1111-^.

    1. Erat autem populi ad hoc ipsum congregati non parvi nuraeris,erat que videre dolorem cunctis in monachorum exitu permaximumet lacrimas in oculis plurimorum, turbationemque ejusdem loci famu-lorum cum reliqua multitudine plebium, in monaclios regulares et inipsum comitem insurgere volentium. Gurard, Cartul, de Saint-Bertin,p. 144.

    2. Voy. Pices justificatives, n i.3. Voy. Warnknig, Histoire de la Flandre, t. II, p. 212.4. Quo quoque tempore, forensium negotiorum nundine in opido

    Sancti Audomari celebrabantur in more. Gurard, Cartul. de Saint-Bertin, p. 180.

    5. Accidit .... civibus hujus ville divine ultionis tam gravis animad- versio ut .... pne omnium sevo incendio consumeretur cohabitatio. Ibid., p. 199.

    6. Baluze, Miscellanea, t. V, p. 319. Histor. de France, t. XV, p. 190.7. Gurard, Cartul. de Saint-Bertin, p. 257.8. Mabillon, Ann. Ben., t. V, p. 557.

    ST-OMER 3

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    Tels sont les faits que j'ai pu grouper pour montrer la conti-nuit du dveloppement de la ville pendant les x" et xi'' sicles

    .

    Pendant cette priode, on voit, ds 1056, les habitants dsignssous le nom de burgenses, dans un acte authentique ^ . Cet actesemble mme indiquer que la communaut d'habitants tait dj cette poque constitue, puisqu'il dsigne comme situeentre les bourgeois et le village d'Arqus une pture nommeSuinard-, que la viUe parat avoir acquise en 1077^ et quenous lui voyons confirme longtemps aprs, en aot 1200 '^.

    Cette constitution de la communaut paratra encore plus pro-bable si nous recherchons les premires traces du commerce Saint-Omer. Rappelons l'existence au x s. d'un march, au xi^ s.de foires, et ces vtements venus d'outre-mer dont se vtaientles moines. Si l'on parcourt le cartulaire publi par M. Gurard,on trouve la mention de nombre d'objets fabriqus, tapis, toiles,objets ouvrs, qui indiquent une industrie assez avance et deschanges organiss. La relation des miracles de saint Bertin nousmontre au x^ s. une caravane de marchands anglais traversan