1. Que Ressent Une Personne Executée

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  • Que ressent une personne excute ?

    L'actualit est une litanie de mises mort. La dcapitation, par l'Etat islamique, d'un

    cinquime otage occidental, l'Amricain Peter Kassig, accompagn dans son supplice et

    dans le trpas par 18 pilotes syriens ; la divulgation rcente de macabres statistiques en

    Chine, o quelque 2 400 personnes ont t excutes en 2013 ; les lapidations qui reviennent rgulirement dans les pays appliquant la charia ; les rats des injections

    ltales aux Etats-Unis ; etc. Il n'est pas question, ici, sur ce blog qui traite de sciences,

    d'voquer les dbats sur la peine de mort ni les motifs religieux, politiques,

    gostratgiques qui sous-tendent les excutions menes par des groupes terroristes.

    Cependant, la science a tout de mme un mot dire, en rpondant la question suivante

    : que ressent une personne excute ? Les protocoles les plus modernes, censs procurer

    une mort digne ("humaine" disent certains...), empchent-ils rellement une souffrance

    intense ?

    D'aucuns qualifieront peut-tre cette curiosit de morbide. Mais si j'ai bien appris une

    chose au cours de toutes ces annes de vulgarisation scientifique, et notamment depuis

    que j'cris ma chronique hebdomadaire sur la science improbable, c'est qu'il n'y a pas

    vraiment de question stupide pour la science. Et l'interrogation que j'ai expose plus

    haut a d'ailleurs reu une rponse depuis plus de deux dcennies, grce au

    neurobiologiste Harold Hillman. L'tude que ce chercheur britannique a publie dans la

    revue Perception en 1993 s'apparente vritablement un petit trait de la mise mort

    vue travers le prisme de la physiologie, qui confronte chaque "mode opratoire" aux

    rsultats des autopsies faites sur les personnes excutes ou ceux des expriences

    analogues ralises sur des animaux ou bien la littrature scientifique issue de la

    mdecine urgentiste.

    On ne sera pas surpris de constater que les procds les plus archaques sont aussi

    ceux qui font le plus souffrir les personnes excutes. Ainsi, la lapidation entrane-t-elle

    la mort la plus lente, d'autant qu'elle manifeste clairement une intention de torture.

    Harold Hillman cite dans son tude un article des lois pnales islamiques en vigueur en

    Iran en 1980, consacr la taille des projectiles utiliss : "Les pierres ne doivent pas

    tre trop grosses, pour empcher que la personne meure aprs avoir t atteinte par

    une ou deux d'entre elles." L'ide est donc que le supplice dure. La mort est obtenue par

    une hmorragie massive extra et intra-crnienne puisque, dans une lapidation en rgle,

    le ou la condamn(e) est enterr(e) jusqu'au cou et que seule sa tte dpasse du sol.

    Dans le cas, spectaculairement remis au got du jour par l'Etat islamique, de la

    dcapitation, Harold Hillman souligne que la peau, les muscles et les vertbres du cou

    sont si rsistants qu'il est difficile de parvenir les couper en une seule fois. Mme si

    l'on utilise une guillotine, la mort n'est pas immdiate. Des expriences menes sur des

    moutons ont montr que l'activit du cerveau s'interrompait 14 secondes aprs que les

  • artres carotides avaient t tranches. Il a aussi t calcul que le cerveau humain

    pouvait fonctionner pendant encore 7 secondes en cas d'interruption subite et totale de

    l'apport en oxygne. Les calculs ne disent en revanche pas ce qui s'y passe pendant ces 7

    secondes...

    Je ne vais pas entrer dans les dtails de chaque modus operandi mais ce travail

    d'Harold Hillman a le mrite de mettre sur la table ce qu'est, essentiellement, une peine

    capitale : un moyen de stopper le fonctionnement du cerveau en coupant son

    approvisionnement en oxygne. Passer devant un peloton d'excution (qui vise en

    gnral la poitrine) dtruira votre cur ou les gros vaisseaux qui lui sont connects ; la version chinoise (une balle dans la nuque) a pour but de dtruire le bulbe rachidien o

    sont rguls la respiration et le rythme cardiaque ; la pendaison se terminera par une

    asphyxie, que l'on vous rompe les vertbres cervicales ou pas ; la chaise lectrique, mise

    au point la fin du XIXe sicle pour trouver un mode d'excution plus "humain" que la

    pendaison, n'a pas forcment fait beaucoup "mieux", car elle tue plus en portant le

    cerveau trs haute temprature et en y dtruisant le centre de la respiration qu'en

    arrtant le cur.

    Harold Hillman fait remarquer que, dans tous les cas qui prcdent, il existe un temps

    de latence incompressible entre le dbut de l'excution et la mort proprement dite et que,

    moins d'obtenir une perte de conscience immdiate, ce qui n'est pas garanti, la

    personne excute est toujours soumise une immense souffrance mme si cela ne se

    voit pas forcment de l'extrieur. "On pense gnralement que la plupart des mthodes

    utilises sont virtuellement indolores et conduisent une mort rapide et digne, crit-il

    dans le rsum de son tude. On prsente ici des preuves montrant que, la possible

    exception de l'injection ltale par intraveineuse, ceci est presque certainement faux."

    Si le chercheur britannique fait une exception pour l'injection ltale, qui est dsormais

    le mode d'excution principal aux Etats-Unis, c'est parce qu'elle est cense anesthsier

    le condamn avant de le tuer. Toutefois, la mise en pratique de ce protocole laisse

    parfois dsirer, ce qui peut transformer l'excution en sance de torture, comme l'a

    montr en avril le cas de Clayton Lockett dans l'Oklahoma : la sdation ayant t rate,

    l'homme a agonis pendant 43 minutes avant que son cur ne s'arrte. En juillet, l'excution, dans l'Arizona, de Joseph Wood a elle aussi tourn l'horreur, le condamn

    ne succombant l'injection qu'au bout de deux heures, aprs avoir grogn et halet

    durant 90 minutes.

    Post-scriptum important : partir d'aujourd'hui et dans chaque billet publi jusqu' la

    fin de l'anne au moins, Passeur de sciences va tester un nouveau systme de

    commentaires, GraphComment. L'objectif de cet outil est de clarifier la hirarchie des

    ractions crites car, avec le systme que vous connaissez, on se perd trs vite dans les

    diffrents niveaux de rponse. Par ailleurs, GraphComment possde un algorithme

    permettant de classer les commentaires en fonction de leur pertinence, ce afin de

    combattre les trolls et les phnomnes de lobbying. L'inscription est rapide et vous

    pouvez conserver les pseudonymes que vous utilisez dj. J'espre que vous

    surmonterez facilement les rticences inhrentes au changement et je vous invite

    explorer les diffrentes fonctionnalits du systme. Surtout n'hsitez pas me laisser les remarques que vous jugez ncessaires pour amliorer le service.