6
Comptes Économiques Rapides pour l’Outre-mer 10 ans après la crise de 2007-2008 La crise freine le rattrapage économique réunionnais Du fait notamment de la crise économique mondiale, La Réunion est touchée par une récession historique en 2009 et 2010. Ménages, entreprises, banques comme administrations, tous ont vu leur revenu baisser. Jusqu’en 2013, l’économie réunionnaise est en panne, avec une faible progression du PIB et des revenus. La reprise s’amorce en 2014, mais les conséquences sont toujours visibles sur l’économie réunionnaise : la croissance n’est plus aussi forte qu’avant, du fait notamment d’une productivité qui stagne. En particulier, la construction et l’industrie n’ont toujours pas retrouvé leur niveau d’avant-crise. Le rattrapage économique réunionnais a donc été fortement ralenti par la crise. Toutefois, les amortisseurs sociaux tels que le versement de prestations sociales, en hausse, ont pleinement joué leur rôle dans le maintien du niveau de vie des habitants de La Réunion : le pouvoir d’achat a stagné entre 2008 et 2013 ; il augmente ensuite deux fois plus vite qu’en France. Face à la crise, les ménages ont naturellement ajusté leur consommation et leur investissement, et notamment réduit leurs investissements en logement. Depuis 2014, la consommation des ménages est repartie à la hausse, mais sans retrouver sa dynamique d’avant-crise. Côté entreprises, elles ont maintenu leur marge, leur permettant ainsi de conserver le même niveau d’investissements. Malgré la crise, l’économie réunionnaise poursuit et même amplifie sa tertiarisation, tandis que le poids des administrations publiques se maintient dans la production de richesses. La Réunion n’a pas échappé à la crise mondiale de la fin des années 2000. En 2007 a débuté une crise financière, qui s’est rapidement propagée à l’économie réelle. Après les États-Unis (fin 2007), des pays de la zone euro sont entrés en récession en 2008 (Allemagne, Italie, Grande-Bretagne, etc.). Comme en France, La Réunion est concernée à son tour en 2009 : le produit intérieur brut (PIB) y a baissé de 4 % en volume cette année-là, puis de 1,7 % en 2010 (figure 1). Cette récession brutale, et assez exceptionnelle depuis 1946, rompt avec dix années de très fort développement. Entre 1997 et 2007, la croissance annuelle moyenne était deux fois plus forte qu’au niveau national (+ 4,6 % contre + 2,4 %). Une consommation des ménages dynamique liée à de forts gains de pouvoir d’achat et une importante commande publique, principalement entre 2004 et 2007 (développement du réseau routier et autres travaux publics), ont stimulé l’économie. 1. La Réunion entre comme la France en récession en 2009 Taux d’évolution du PIB de La Réunion et de la France en volume entre 1997 et 2017 (*) : estimation. Sources : Insee, comptes nationaux (base 2014) - comptes régionaux définitifs jusqu’en 2015 (base 2014) ; Cerom, comptes rapides (2016 201 7). 1997 1999 2001 2003 2005 2007 2009 2011 2013 2015 2017* -6 -4 -2 0 2 4 6 8 La Réunion France moyenne Réunion moyenne France en % fort dynamisme décélération puis récession convalescence reprise

10 ans après la crise de 2007-2008 La crise freine le rattrapage … · 2019. 7. 30. · La crise ébranle à la fois les ménages, les entreprises, les banques et les administrations

  • Upload
    others

  • View
    1

  • Download
    0

Embed Size (px)

Citation preview

Page 1: 10 ans après la crise de 2007-2008 La crise freine le rattrapage … · 2019. 7. 30. · La crise ébranle à la fois les ménages, les entreprises, les banques et les administrations

Comptes ÉconomiquesRapides pour l’Outre-mer

10 ans après la crise de 2007-2008La crise freine le rattrapage économique réunionnais

Du fait notamment de la crise économique mondiale, La Réunion est touchée par une récession historique en 2009 et 2010. Ménages, entreprises, banques comme administrations, tous ont vu leur revenu baisser. Jusqu’en 2013, l’économie réunionnaise est en panne, avec une faible progression du PIB et des revenus. La reprise s’amorce en 2014, mais les conséquences sont toujours visibles sur l’économie réunionnaise : la croissance n’est plus aussi forte qu’avant, du fait notamment d’une productivité qui stagne. En particulier, la construction et l’industrie n’ont toujours pas retrouvé leur niveau d’avant-crise. Le rattrapage économique réunionnais a donc été fortement ralenti par la crise. Toutefois, les amortisseurs sociaux tels que le versement de prestations sociales, en hausse, ont pleinement joué leur rôle dans le maintien du niveau de vie des habitants de La Réunion : le pouvoir d’achat a stagné entre 2008 et 2013 ; il augmente ensuite deux fois plus vite qu’en France.Face à la crise, les ménages ont naturellement ajusté leur consommation et leur investissement, et notamment réduit leurs investissements en logement. Depuis 2014, la consommation des ménages est repartie à la hausse, mais sans retrouver sa dynamique d’avant-crise. Côté entreprises, elles ont maintenu leur marge, leur permettant ainsi de conserver le même niveau d’investissements.Malgré la crise, l’économie réunionnaise poursuit et même amplifie sa tertiarisation, tandis que le poids des administrations publiques se maintient dans la production de richesses.

La Réunion n’a pas échappé à la crise mondiale de la fin des années 2000. En 2007 a débuté une crise financière, qui s’est rapidement propagée à l’économie réelle. Après les États-Unis (fin 2007), des pays de la zone euro sont entrés en récession en 2008 (Allemagne, Italie, Grande-Bretagne, etc.). Comme en France, La Réunion est concernée à son tour en 2009 : le produit intérieur brut (PIB) y a baissé de 4 % en volume cette année-là, puis de 1,7 % en 2010 (figure 1).

Cette récession brutale, et assez exceptionnelle depuis 1946, rompt avec dix années de très fort développement. Entre 1997 et 2007, la croissance annuelle moyenne était deux fois plus forte qu’au niveau national (+ 4,6 % contre + 2,4 %). Une consommation des ménages dynamique liée à de forts gains de pouvoir d’achat et une importante commande publique, principalement entre 2004 et 2007 (développement du réseau routier et autres travaux publics), ont stimulé l’économie.

1. La Réunion entre comme la France en récession en 2009

Taux d’évolution du PIB de La Réunion et de la France en volume entre 1997 et 2017

(*) : estimation.Sources : Insee, comptes nationaux (base 2014) - comptes régionaux définitifs jusqu’en 2015 (base 2014) ; Cerom, comptes rapides (2016 – 2017).

1997 1999 2001 2003 2005 2007 2009 2011 2013 2015 2017*

-6

-4

-2

0

2

4

6

8

La Réunion

France

moyenne Réunion

moyenne France

en % fort dynamisme décélérationpuis récession

convalescence reprise

Page 2: 10 ans après la crise de 2007-2008 La crise freine le rattrapage … · 2019. 7. 30. · La crise ébranle à la fois les ménages, les entreprises, les banques et les administrations

La crise ébranle à la fois les ménages, les entreprises, les banques et les administrations publiques, dont la dynamique des revenus est ralentie. Ainsi, comme en France, le pouvoir d’achat des Réunionnais reste à l’arrêt entre 2008 et 2013. Le revenu des sociétés non financières chute fortement en 2009 et 2010. Quant aux administrations publiques, leur épargne brute continue de se dégrader : les recettes d’impôts et de cotisations baissent, tandis que leurs dépenses de fonctionnement continuent de croître, voire accélèrent. En 2009, les prestations sociales versées par les administrations augmentent de 15 %.

Six années de panne pour la croissance réunionnaise

À La Réunion, la récession de 2009 et 2010 est encore plus forte qu’au niveau national. Les effets de la crise mondiale sont amplifiés par la fin d’un cycle de grands travaux (notamment la route des Tamarins), et par les incertitudes sur le devenir de dispositifs de défiscalisation, tels que ceux concernant les investissements immobiliers avec la loi Girardin. L’investissement privé a notamment pâti de cette situation.

Entre 2011 et 2013, l’économie réunionnaise est convalescente. Le taux de croissance annuel moyen de 0,9 % est comparable à celui de la France (+ 1,0 %) et les créations d’emplois sont trop faibles pour stabiliser le taux de chômage. La Réunion a en effet peiné à trouver des relais de croissance, en dépit des mesures prises pour relancer l’économie (notamment la création du Haut conseil de la commande publique dans le but de favoriser la reprise de l’investissement public, la mise en place d’exonérations dégressives de cotisations sociales pour favoriser les embauches des très petites entreprises et des entreprises des secteurs prioritaires dans le cadre de la Loi pour le développement économique des outre-mer - Lodeom).

La reprise s’amorce en 2014, mais la croissance ne retrouve pas son niveau d’avant-crise

Ce n’est qu’en 2014 que s’amorce véritablement la reprise économique. Le taux de croissance annuel moyen grimpe à 3,2 % à La Réunion entre 2014 et 2017, nettement au-dessus de la moyenne nationale (+ 1,3 %). Le début du chantier de la Nouvelle route du littoral, l’annonce d’un plan logement outre-mer et la mise en place des programmes européens pour la période 2014-2020 donnent en effet un coup de fouet à l’économie réunionnaise.

L’activité des entreprises se redresse, l’emploi s’oriente nettement à la hausse. La Réunion est la région française où la croissance de l’emploi est la plus forte entre 2012 et 2017 (+ 1,8 % de hausse de l’emploi salarié marchand en moyenne annuelle), favorisant une nette baisse du chômage. Le taux de chômage passe ainsi de 26,4 % de la population active en 2014 à 22,8 % en 2017. La consommation des ménages repart à la hausse, stimulée par

une faible inflation, des taux d’intérêt très bas et un contexte international moins anxiogène.

Pour autant, la croissance est nettement moins soutenue qu’avant la crise. Celle-ci a en effet mis un coup d’arrêt aux gains de productivité (figure 2). Or, le rythme de la productivité du travail influe fortement sur le rythme de la croissance de l’économie à moyen terme. Elle agit, avec l’évolution de la population active et du taux d’emploi, sur la « croissance potentielle », qui correspond au niveau de croissance d’une économie corrigé des fluctuations conjoncturelles. Elle augmente notamment avec l’investissement et le développement des emplois qualifiés.

2. Des gains de productivité affaiblis depuis la crise

Évolution de la productivité par emploi à La Réunion et en France

(*) : estimation.Sources : Insee, comptes nationaux (base 2014) - comptes régionaux définitifs jusqu’en 2015 (base 2014).

À La Réunion, la productivité a stagné. Cela explique en grande partie que la croissance ne soit que de 3 % environ depuis la reprise de 2014, bien loin des 5 % observés avant-crise. La productivité du travail avait en effet connu une croissance continue entre 1996 et 2007, avec le développement des services marchands, notamment de services aux entreprises, qui représentent une productivité plus forte que d’autres. Sur cette période, la valeur ajoutée en volume (VA) créée par emploi est ainsi passée de 53 000 à 65 000 euros par an. Avec l’arrêt des gains de productivité depuis la crise, l’écart par rapport à la France, qui s’était réduit jusqu’en 2005, se creuse de nouveau.

Rattrapage économique : une décennie perdue

Le PIB par habitant réunionnais atteint 21 800 euros en 2017, soit le PIB par habitant national de 1997. Il représente 64 % du PIB par habitant national et accuse ainsi 20 ans de retard sur la France. Si la croissance économique n’avait pas été freinée par la crise, le PIB par habitant aurait atteint en 2017 le niveau national de 2007, et non de 1997. La crise a fait perdre dix années à La Réunion en termes de rattrapage économique. Les six années de panne de l’économie réunionnaise entre 2008 et 2014 se traduisent en effet par un net coup de frein au rattrapage sur la métropole. Ainsi, le

10 ans après la crise de 2007-2008

19961997 1999 2001 2003 2005 2007 2009 2011 2013 20150

10 000

20 000

30 000

40 000

50 000

60 000

70 000

80 000

90 000

100 000

0

20

40

60

80

100

La Réunion France

Rapport Réunion/France

productivité, en euros 2014 rapport La Réunion/France, en %

Page 3: 10 ans après la crise de 2007-2008 La crise freine le rattrapage … · 2019. 7. 30. · La crise ébranle à la fois les ménages, les entreprises, les banques et les administrations

taux de croissance annuel moyen du PIB par habitant est divisé par quatre entre 2008 et 2013 (+ 0,7 %, contre +2,8 % entre 2001 et 2007 - figure 3). Il ne repart réellement à la hausse qu’à compter de 2014 (+ 2,5 % par an).

Le PIB par habitant réunionnais représente par ailleurs 69 % du PIB par habitant moyen de l’Union européenne en standard de pouvoir d’achat. Cela reste en dessous du seuil de 75 % qui permet de bénéficier de fonds de convergence visant à combler le retard de développement.

Après avoir fortement progressé avant la crise et plus vite qu’au niveau national (+ 4,8 % par an entre 1997 et 2007, contre + 2,6 % en France), le pouvoir d’achat des Réunionnais a stagné entre 2008 et 2013, comme ailleurs (+ 0,2 % par an contre 0,5 % en France). Le redémarrage de l’emploi en 2010 et le dynamisme des prestations sociales ont permis d’atténuer les effets de la contraction de l’activité économique. En 2014, la reprise entraîne toutefois un rebond du pouvoir d’achat (+ 2,4 % par an entre 2014 et 2017, soit deux fois plus vite qu’au niveau national - + 1,3 % par an). La croissance des revenus reste néanmoins inférieure à celle d’avant-crise.

3. En 2017, le PIB par habitant à La Réunion représente moins de deux tiers du niveau national

PIB par habitant de La Réunion et de la France en euros entre 1996 et 2017

(*) : estimation.Sources : Insee, comptes nationaux (base 2014) - comptes régionaux définitifs jusqu’en 2015 (base 2014) ; Cerom, comptes rapides (2016 – 2017).

Au final, la crise a donc aussi mis un coup d’arrêt au rattrapage du revenu des Réunionnais par rapport à la moyenne nationale. Alors que le rapport entre le revenu disponible brut (RDB) par habitant à La Réunion et le RDB par habitant en France avait crû de 11 points entre 1997 et 2007, il a stagné entre 2007 et 2013 et ne repart à la hausse qu’en 2014. Le RDB par habitant à La Réunion représente 83 % du RDB par habitant national en 2017.

Après la crise, la part des prestations sociales augmente dans le revenu des ménages

La part des prestations sociales dans le RDB progresse nettement entre 2007 et 2017 (+ 2,8 points), tandis que celle des cotisations et impôts diminue (figure 4). En effet, à

la suite de la récession de l’économie réunionnaise en 2009 et 2010, les amortisseurs sociaux ont pleinement joué leur rôle dans le maintien du niveau de vie des habitants de La Réunion. Comprenant notamment des mesures en faveur des chômeurs, le plan de relance national adopté en 2009 a entraîné la progression des dépenses de prestations sociales en espèces. Rapportées au nombre d’habitants, ces dépenses progressent plus rapidement qu’en France : + 37 % contre + 27 % entre 2007 et 2017.

4. Cotisations sociales et impôts pèsent moins dans le revenu des ménages

Décomposition du revenu disponible brut (RDB) en 1997, 2007 et 2017

(*) : estimation.Note de lecture : en 2017, la part des salaires et revenus des entrepreneurs individuels perçus représente 88 % du RDB des ménages. Les cotisations payées par les ménages représentent dans le même temps 16 % de ce même revenu.Sources : Insee, comptes nationaux (base 2014) - comptes régionaux définitifs jusqu’en 2015 (base 2014) ; Cerom, comptes rapides (2016 – 2017).

Pour autant, les prestations sociales en espèces versées par habitant restent nettement inférieures à la moyenne nationale : un habitant perçoit en moyenne 4 400 euros par an en 2017 contre 7 400 euros au niveau national. En effet, les Réunionnais perçoivent notamment moins de prestations retraite et chômage. D’une part, la proportion de personnes âgées reste moins élevée qu’en métropole. D’autre part, les demandeurs d’emploi sont à la fois moins nombreux à être indemnisés et moins indemnisés en moyenne (salaires plus bas et durées de travail plus courtes).

Les transferts sociaux en nature à destination des ménages par habitant (prestations de la Caisse d’allocations familiales concernant le logement et remboursement de soins) pro-gressent aussi fortement entre 2007 et 2017 (+ 36 % contre + 21 % en France sur la même période). En 2017, ils s’élèvent à 7 200 euros par Réunionnais, un niveau un peu supérieur à la moyenne nationale.

Face à la crise, les ménages ajustent leur consomma-tion et leur investissement

Au cœur de la crise, en 2009, la consommation des mé-nages a encore plus baissé à La Réunion qu’en France (- 9,2 % contre - 1,4 %). La baisse des revenus des mé-nages a de fait entraîné la baisse de leur consommation, no-tamment des biens d’équipement (par ex. les voitures), alors que le recul de la consommation des biens de première né-

10 ans après la crise de 2007-2008

1997 2007 2017-40

-20

0

20

40

60

80

100

120

140

99 94 88

811

9

-9 -7 -6

22 2124

-20 -19 -16

Cotisations verséesPrestations sociales perçuesImpôts (revenus et patrimoine)Revenus de la propriétéSalaires et revenus des entre-preneurs individuels

en %

19961997 1999 2001 2003 2005 2007 2009 2011 2013 2015 2017*0

5 000

10 000

15 000

20 000

25 000

30 000

35 000

0

10

20

30

40

50

60

70

La Réunion

France

Rapport Réunion/France (axe de droite)

rattrapage économique important récession et stagnation récupération

PIB / habitant, en euros rapport, en %

Page 4: 10 ans après la crise de 2007-2008 La crise freine le rattrapage … · 2019. 7. 30. · La crise ébranle à la fois les ménages, les entreprises, les banques et les administrations

cessité (alimentation notamment) n’est que léger. La consommation des ménages est ensuite repartie à la hausse, mais ne retrouve toujours pas sa dynamique d’avant-crise : + 1,7 % par an en moyenne entre 2011 et 2017, contre + 5,6 % entre 1997 et 2007. Ce ralentissement s’observe aussi au niveau national. Dans le même temps, les ménages réduisent fortement leur investissement en logement : il di-minue de 7 % entre 2007 et 2017, ce qui pèse sur le secteur de la construction. En effet, leurs revenus diminuant, les ac-tifs étant plus souvent au chômage, nombre d’entre eux ne peuvent emprunter et investir.

Les entreprises maintiennent leur marge

Face à la crise, les entreprises se sont adaptées à La Réunion comme en France. Dans un premier temps, elles ont rogné sur leur marge. Le taux de marge des entreprises réunionnaises non financières est ainsi passé de 47,0 % de la VA en 2007 à 40,3 % en 2010, pour remonter à 42,1 % en 2015. Elles ont en effet bénéficié à compter de 2010 des mesures de soutien du plan de relance de l’économie, ainsi que de la baisse des taux d’intérêt. Les entreprises ont en-suite ajusté leurs dépenses de personnel. En 2011, les en-treprises ont reconstitué leurs marges, entraînant une forte diminution de la part de la VA consacrée aux dépenses de personnel (- 2,8 points sur un an). Ensuite, elles ont bénéfi-cié des mesures de baisse de coût du travail (CICE notam-ment). En 2015, la part de la VA consacrée aux dépenses de personnel a retrouvé la moyenne de la période 1997-2007 (43 %).

5. Les entreprises réunionnaises maintiennent leurs investissements malgré la crise

Évolution de la FBCF (en valeur) des secteurs entre 1997-2015

(*) dont entreprises financières(**) hors entrepreneurs individuelsSources : Insee, comptes nationaux (base 2014) - comptes régionaux définitifs jusqu’en 2015 (base 2014).

Cette bonne tenue de la marge et de l’épargne des entre-prises leur a globalement permis de maintenir leurs efforts d’investissement après une baisse en 2009-2010, sans trop peser sur leur besoin de financement. Leur taux d’investisse-ment est même passé de 17,6 % de la VA en moyenne entre 2000 et 2007 à 22,2 % en moyenne sur 2008-2015. La dynamique de l’investissement en 2014 et 2015 était en

grande partie liée au démarrage du chantier de la Nouvelle route du littoral (figure 5).Du fait de son dynamisme, l’investissement des entreprises réunionnaises non financières représente ainsi, en 2015, 54 % de l’investissement de l’ensemble des secteurs institu-tionnels, soit 16 points de plus qu’en 2007. Tous secteurs institutionnels confondus, l’investissement a diminué de 3,4 % entre 2007 et 2015, tiré notamment à la baisse par une forte diminution de l’investissement des ménages en lo-gements et celui des administrations publiques.

En 2007, l’investissement public représentait 7,0 % du PIB à La Réunion contre 3,9 % du PIB en France. À la suite des différents programmes de consolidation budgétaire mis en œuvre à partir de 2010, l’investissement public se contracte de 1,8 point et s’établit à 5,2 % en 2015 (3,4 % en France). Il est davantage porté par les administrations publiques lo-cales qu’auparavant.

6. La crise marque durablement la branche « construction »

Taux de croissance annuel moyen de la valeur ajoutée (en

d’activité dans la valeur ajoutée totale en 2017Lecture : la valeur ajoutée de la branche industrie a diminué en moyenne de 3 % par an entre 2007 et 2013, pour ensuite augmenter de 4,7 % par an en moyenne entre 2014 et 2017. Elle représente 7 % de la valeur ajoutée brute en 2017Sources : Insee, comptes nationaux (base 2014) - comptes régionaux définitifs jusqu’en 2015 (base 2014) ; Cerom, comptes rapides (2016 – 2017).

L’économie poursuit sa tertiarisation

Le phénomène de tertiarisation de l’économie réunionnaise s’est amplifié après la crise. La VA dégagée par les branches des services (marchands hors commerce ou non marchands) pèse plus dans l’économie réunionnaise : 74 % de la VA brute en 2017, après 69 % en 2007 et 67 % en 1997. En effet, construction et industrie peinent encore à se remettre des effets de la crise, alors que les autres branches de l’économie ont mieux résisté. Entre 2007 et 2013, la VA de la construction et de l’industrie se sont fortement contractées (figure 6). La crise, l’arrêt des grands travaux d’infrastructures, ainsi que le ralentissement de l’investissement des ménages en logement ont impacté durablement la branche construction. Depuis 2014, la VA

10 ans après la crise de 2007-2008

1997 1999 2001 2003 2005 2007 2009 2011 2013 20150

100

200

300

400

500

600

entreprises*ménages**APU

base 100 en 1997

Page 5: 10 ans après la crise de 2007-2008 La crise freine le rattrapage … · 2019. 7. 30. · La crise ébranle à la fois les ménages, les entreprises, les banques et les administrations

augmente pour l’ensemble des branches de l’économie. Mais comme l’industrie, la branche construction ne retrouve pas pour autant son niveau d’avant-crise, en dépit d’une croissance annuelle moyenne de sa VA de 6,5 % entre 2014 et 2017, liée notamment au chantier de la Nouvelle route du littoral. La construction ne représente plus que 6 % de la VA totale en 2017, soit trois points de moins qu’en 2007.

Cette tertiarisation ne s’accompagne toutefois pas d’une plus forte marchandisation de l’économie. Ainsi, dans les services, le poids du secteur non marchand est beaucoup plus important à La Réunion (36 % contre 23 % en France), au contraire du poids des services marchands (38 % contre 46 % en France).

La part des administrations publiques dans la VA créée à La Réunion avait décru entre 1996 et 2007. Avec la crise, cette tendance s’interrompt. Leur part reste à peu près stable entre 2007 et 2015, passant de 28 % à 29 % de la VA totale. Cela s’explique essentiellement par les difficultés rencontrées par les sociétés non financières, financières et les ménages. La période post-crise marque ainsi un arrêt dans le processus de marchandisation de l’économie : la part des entreprises non financières dans la VA stagne à 50 % de la VA totale.

Toutefois, le poids des administrations publiques centrales décroît un peu. Il passe de 18 % de la VA totale en 2007 à 17 % en 2015. À l’inverse, la part des administrations publiques locales dans la VA augmente, passant de 9 % de la VA en 2007 à 12 % en 2015. Cette hausse reflète la hausse de l’emploi dans les collectivités territoriales, en lien avec la poursuite des transferts de compétences des administrations centrales vers les administrations locales. La part des administrations publiques dans la VA réunionnaise reste au final supérieure de 10 points à la moyenne nationale (19 %).

Définitions

Le Produit intérieur brut (PIB) est un agrégat représentant le

résultat final de l’activité de production des unités productrices

résidentes. Il peut se définir de trois manières :

- le PIB est égal à la somme des valeurs ajoutées brutes des

différents secteurs institutionnels ou des différentes branches

d’activité, augmentée des impôts moins les subventions sur les

produits (lesquels ne sont pas affectés aux secteurs et aux

branches d’activité) ;

- le PIB est égal à la somme des emplois finals intérieurs de

biens et de services (consommation finale effective, formation

brute de capital fixe, variations de stocks), plus les exportations,

moins les importations ;

- le PIB est égal à la somme des emplois des comptes

d'exploitation des secteurs institutionnels : rémunération des

salariés, impôts sur la production et les importations moins les

subventions, excédent brut d’exploitation et revenu mixte.

La Valeur ajoutée : Solde du compte de production. Elle est

égale à la valeur de la production diminuée de la consommation

intermédiaire.

Le pouvoir d’achat des ménages : Le pouvoir d’achat correspond

au volume de biens et services qu’un revenu permet d’acheter.

L’évolution du pouvoir d’achat des ménages est calculée en

retranchant au taux de croissance du revenu disponible brut des

ménages (comptabilité nationale) le taux de croissance du

déflateur de la dépense de consommation finale en comptabilité

nationale.

La productivité par tête est mesurée en rapportant la valeur

ajoutée (en volume) au nombre de personnes en emploi.

Le revenu disponible brut (RDB) des ménages est constitué des

revenus d’activité perçus (salaires et revenus des non-salariés),

des prestations sociales versées, du solde des revenus du

patrimoine (intérêts et revenus financiers reçus moins ceux

versés), ainsi que du solde des autres transferts (notamment

assurances). Du total de ces revenus sont déduits les cotisations

sociales et les impôts directs payés par les ménages (impôt sur

le revenu, taxe d’habitation, CSG, CRDS, etc.).

Sources

La comptabilité nationale est une représentation globale,

détaillée et chiffrée de l’activité économique d’un pays dans un

cadre comptable équilibré. Elle décrit les ressources et les

emplois à un niveau fin pour chaque type de bien ou de service.

L’un des principaux agrégats des comptes nationaux est le

produit intérieur brut (PIB) qui reflète l’activité économique

interne du pays. Pour la France, les indicateurs présentés sont

issus des comptes nationaux annuels (Base 2014). Pour

La Réunion, les indicateurs sont issus des comptes régionaux

annuels (Base 2014) : il s’agit de comptes définitifs annuels

jusque 2015, puis d’estimations issues du modèle Tablo pour les

années 2016 et 2017.

P our en savoir plus

• Comptes économiques définitifs de La Réunion

• R. Mahieu, Les comptes des entreprises, des ménages

et des administrations publiques dix ans après la crise

financière, Insee Référence 2018 ;

• J. Bourgeois, A. Fleuret, P. Paillole, Un secteur

marchand moins développé qu’en province, Insee Analyses n° 52, juin 2018 ;

• Y. Coder, B. Duplouy, E. Fabre, 1946-2016 : 70 ans de

mutations économiques, Insee Analyses n° 18,

octobre 2016 ;

• Bilan macro-économique de La Réunion 2000-2010 ,

avril 2013.

10 ans après la crise de 2007-2008

Page 6: 10 ans après la crise de 2007-2008 La crise freine le rattrapage … · 2019. 7. 30. · La crise ébranle à la fois les ménages, les entreprises, les banques et les administrations

10 ans après la crise de 2007-2008

Le partenariat pour les Comptes économiques rapides pour l’Outre-mer (CEROM) réunit, depuis 2004, les Instituts d’émission (IEDOM-IEOM), l’Agence française de développement (AFD), et les instituts de statistique intervenant dans les Départements et Collectivités d’Outre-mer : l’Institut national de la statistique et des études économiques (INSEE), l’Institut de la statistique et des études économiques de Nouvelle-Calédonie (ISÉE), l’Institut de la statistique de Polynésie française (ISPF).Il a pour objectifs l’élaboration des comptes rapides, la modélisation de l’évolution des économies et la publication d’analyses macro-économiques ou thématiques sur les départements et collectivités d’Outre-mer.Les comptes économiques rapides reposent sur une modélisation macroéconomique alimentée par les premières données disponibles de l’année écoulée. Il ne s’agit donc pas d’un compte définitif. Les estimations pourront faire l’objet d’une révision lorsque la totalité des données de l’année seront connues.

Directeur de la publication : Aurélien Daubaire

Rédaction en chef : Julie Boé

Rédacteurs : Jérôme Bourgeois et Bérangère Duplouy

Éditeur : IEDOM

Achevé d’imprimer en juillet 2019