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Les Hare Krishna, au pays du dieu bleu p.7 Portrait d'un jeune rabbin moderne p.6 Scandale à l'hôpital psychiatrique p.3 www.10dumat.iscpalyon.com Actualité, analyse et dérision, tout sur les religions à Lyon PROMOTION 2015 / 2016 - ISCPA - J3 - Mercredi 3 FEVRIER 2016 N°10 LA LAÏCITÉ : ET SI ON LA CONNAISSAIT MAL ? @le10duMat

10 du mat ISCPA num. 10 03022016

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Au programme de ce dixième numéro, la rédaction s'intéresse à la question de la laïcité en France qui fait débat mais aussi la découverte du plus jeune rabbin de Lyon et d'une religion méconnue.

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Les Hare Krishna,au pays du dieu bleu p.7

Portrait d'un jeune rabbin moderne p.6

Scandale à l'hôpital psychiatrique p.3

www.10dumat.iscpalyon.com

Actualité, analyse et dérision, tout sur les religions à LyonPR

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ET SI ON LA CONNAISSAIT MAL ?

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EDITOMaxime FeuilletRédacteur en chef

Dans la religion chrétienne, la grâce est relative à la faveur divine. Elle correspond aussi au pardon, à

l'affection, à l'amour et à la bienveillance de Dieu. L’affection et l’amour, deux sentiments que Jacqueline Sauvage n’a pas vraiment connus dans sa vie. Battue par son mari depuis leur union en 1965, elle a décidé d’y mettre un terme 47 ans plus tard, en lui tirant trois coups de fusil dans le dos. Ce 10 septembre 2012, elle est passée du statut de victime innocente à celui de justiciable. Et la justice n’a pas été clémente. Dix ans de réclusion criminelle pour meurtre sans préméditation, une décision confirmée en appel. Seule la grâce présidentielle pouvait mettre fin à cette peine prononcée par le tribunal. La grâce, dans son acception religieuse, est vue comme une « faveur imméritée » : « La Grâce ne touche pas ceux qui sont dignes de la faveur divine mais atteint ceux qui s’en estiment indignes. » Mais la grâce va au-delà du pardon. Ainsi, même si le communiqué de l’Elysée insiste sur le caractère « exceptionnel » de la situation, François Hollande, en graciant Jacqueline Sauvage, fait plus que pardonner. Il fait de cette sexagénaire un symbole pour toutes les femmes victimes de violences conjugales. Coup de grâce.

Le monde des religions

Jeune Afrique : une caricature qui fait polémique au Sénégal

Pitch my Church

C’est à l’initiative de l’association « Église et innovation numérique », que quatre startups se sont réu-

nies à la paroisse Saint Honoré d’Eylau, dans le 16e arrondissement de Paris. Au « menu » pour les 500 convives présents, vivre sa foi avec son temps. Sur le modèle de location d’appartements tel Airbnb, les catholiques pourront parcourir l’Europe et dormir chez d’autres catholiques. Ils pourront aussi participer à la quête de-puis leur smartphone. Autant d’innova-tions qui risquent de plaire au pape Fran-çois qui disait « n’ayez pas peur d’être les citoyens du territoire numérique ».

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What Dafouk ?

La semaine dernière, l’apparition de Idris Sihamedi, dans l’émission Le Supplément de Canal+, avait fait vi-

vement réagir sur le web et l’équipe de Dafouk s’est emparé du sujet en fin de se-maine dernière avec une vidéo pleine de clin d’œil. Sur le principe des « Premières fois », très à la mode sur Youtube, le groupe d’humoristes a répondu à sa ma-nière aux propos de Sihamedi, président de l’ONG Baraka City, qui « ne serre pas la main aux femmes ». L’occasion pour Dafouk et sa vidéo « des imams et rab-bins serrent la main d’une femme pour la première fois » de rejeter la position que peuvent adopter certains hommes musulmans et juifs face à la femme. Alors oui, on tombe dans l’exagération et le ridicule dans cette parodie mais comme le dicton dit « le ridicule ne tue pas » et c’est peut-être par le rire que les choses bougeront. En trois jours, la vidéo a été vue près de 7000 fois.

La Grâce à l’état Sauvage

Directrice de la publicationIsabelle DumasDirectrice de la rédactionDominique HumbertRédacteur en chefMaxime FeuilletRédacteursDavid Hernandez, Lilian Gaubert, Laura Turc, Florentin Perrier, Maxime Feuillet, Leo Roynette, Léa Masse-guin, Charline Bakowski, Hugo Borrel, Charlène Ravella, Pierre-Antoine Barut, Arnaud Bastion, Johanne-Eva Desvages, Paul Dalas, Stéphane Mo-nier, Morgan Couturier, Axel Poulain.

Pour réagir et approfondir la lecture

[email protected]

160 Sur 900 mariages juifs à Pa-ris, 160 couples décident de célébrer leur union en Israël.

C’est le chiffre annoncé lundi par Times of Israël. Une augmentation de 20 ma-riages par rapport à 2014 qui s’explique par la montée de la peur chez les juifs de France depuis les attentats de janvier 2015. Mais aussi du coût d’un mariage largement plus rentable en Israël.

C’est une tempête africano-médiatique qui s’abat sur le journal Jeune Afrique de-puis le 28 janvier.

En cause  ? La caricature de Cheikh Ahmadou Bamba par le dessinateur Damien Glez sur le site internet du journal. Illustrant un article sur l’homosexualité, le dessin a été vu comme une agression faite à l’encontre de celui qui est considéré comme le

fondateur du mouridisme. Décédé en 1927, Bamba était avant tout un homme d’Allah, résistant anticolonial et prônant le dialogue. Face à la vague d’indignation semblable à celle vécue par Charlie Hebdo au moment des caricatures de Mahomet, Jeune Afrique a supprimé l’article et rédigé un message d’excuse. Alors que la confrérie des mourides a appelé au calme, le gouvernement sénégalais a regretté, dans un communiqué, « la mala-dresse incompréhensible et inadmissible de la part d’un organe de presse qui s’identifie à l’Afrique et censé connaître, défendre et promouvoir la culture et les valeurs africaines ».

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Jeune Afrique : une caricature qui faitpolémique au Sénégal

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Des injures à caractère raciste et des sévices physiques infligés à l’aide d’une pince. C’est ce qu’a subi pendant près de deux ans un patient de l’hôpital psychiatrique Charles-Perrens de Bordeaux. Une attitude que condamne l'association Le Pas à Lyon.

Johanne-Eva Desvages

Dénonçant l’attitude du soignant dans un communiqué du 29 janvier dernier, la Commission

des citoyens pour les droits de l’Homme indiquait « Les droits humains les plus fondamentaux sont bafoués sous couvert de "santé mentale". Le suspect est un infirmier de 46 ans, accusé d’avoir fait subir des sévices physiques à l’un de ses patients, âgé de 35 ans, à l’hôpital psychiatrique Charles-Perrens de Bordeaux. Depuis juillet 2013, le déficient mental était régulièrement injurié et maltraité à l’aide d’une pince à viennoiseries. C’est une infirmière qui avait prévenu sa hiérarchie en découvrant des marques sur son bras. Le mis en cause s’est justifié en déclarant qu’il ne « l’aimait pas ». Il aurait également tenu des propos à caractère raciste, traitant notamment son patient de « sale nègre », indique le journal Sud Ouest. Un fait divers qui fait réagir la CCDH : « Nous sommes contactés chaque semaine par des familles et des victimes d'abus. », explique-t-elle dans son communiqué. Michel Younès, docteur en théologie, explique : « Pour la religion chrétienne, la protection des faibles est très importante. »« Il arrive parfois que les médecins psychiatres profitent de leur autori-té »

D’autres personnes préfèrent raconter leur hospitalisation sur internet (forumpsy), comme Elodie, internée en décembre 2011 dans ce même hôpital. La jeune fille, alors âgée de 16 ans, en garde un très douloureux souvenir : « ce fut un mois et demi d'enfer (…) une déshumanisation, la sensation de n'être rien, personne, pire qu'un animal (…) j'en suis ressortie ano-rexique ». L’aumônerie Le Pas rencontre des personnes qui sortent d’hôpitaux psychiatriques, avec des troubles psychiques mais « aucun cas de sévices » n’a été constaté parmi les patients accueillis. « Il arrive parfois que les médecins psychiatres profitent de leur autorité sur elles. Ce qui me désole, c’est quand ils ne considèrent pas leur patient comme une personne à part entière », regrette Patricia Mugnier, responsable de l'aumônerie. « On les accueille de façon chré-tienne »

À l’aumônerie Le Pas, on accueille 45 à 50 patients par semaine « de façon chrétienne, pas en faisant des prières mais en étant convivial et sans les ju-ger », indique Patricia. Pourtant, au Moyen-Âge, la folie était considérée comme une punition divine pour les pê-chés commis. La plupart des personnes aliénées ou atteintes de troubles psy-chiques étaient exorcisées, fouettées

ou brûlées sur le bûcher. « Aujourd’hui cette vision du trouble comme étant lié à une punition divine est dépassée », indique Michel Younès. D’après Pierre Durieu, directeur de cabinet du cardinal Barbarin à Lyon, ce change-ment se retrouve dans les livres saints. « Dans l’ancien testament le handicap et la maladie sont marqués par une forme de rejet. Le tournant est à ob-server dans la Bible avec Jésus » an-nonçant qu’eux aussi sont aimés de Dieu. Un amour qui semble réciproque puisque ces personnes sont « souvent très spirituelles », indique Pierre Du-rieu. L’aumônerie Le Pas a même créé un « atelier de partage sur les textes de la Bible », indique la responsable, à la demande d’une habituée souhaitant « mieux connaître la foi chrétienne ».

Quand l'infirmier psychiatrique maltraite son patient

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Actualité

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C’était au départ un idéal. Votée puis adoptée en 1905, la loi portée par le député Aristide Briand rendait

à l'Etat son indépendance vis-à-vis de l'Eglise (voir encadré). Désormais, nul jeu de pouvoir entre ces deux acteurs de la société si étroitement liés auparavant, nul moyen de pression, nul besoin de justifier une décision présidentielle par le moyen d’accomplir le dessein de Dieu. La messe était dite. Par conséquent, l’État se devait d’être neutre, de n’allouer à aucun culte quelque subvention, mais de respecter les religions et de leur donner liberté de conscience en ne les plaçant pas en concurrence, en vertu de l’égalité républi-caine.

Héritage religieux

Cependant, il en a coulé de l’eau sous les ponts, en cent ans. Les Juifs de France ont connu la Shoah en 39-45, les Musulmans en grande partie d’origine maghrébine sont arrivés par milliers dans les années 50 suite au recrutement massif des indus-tries françaises, et les Chrétiens de France se sont pour beaucoup éloignés de leur religion, de moins en moins présente dans les mœurs. En revanche, les lieux de culte chrétiens, eux, sont restés et témoignent des racines chrétiennes de notre pays. En tout cas, l’Église aura su se rendre inévi-table, puisqu’il est rare de ne pas trouver une chapelle chrétienne dans une de nos 36.000 communes. L’islam et le judaïsme ont quant à eux été moins gâtés. Point d’appui financier de la part de l’État. Face à la vitalité du culte musulman, de nombreux

élus locaux ont alors tenté de contourner la loi de 1905, qu’ils voient comme une source d’inégalités entre cultes « traditionnels » et « nouveaux ». Une injustice qu’ils dénoncent en vue de séduire un nouvel électorat, notamment dans les communes où la population musulmane est significative. Une promesse d'une liberté de culte renforcée attire forcément des intentions de votes. Par le biais de dérogations, les mairies peuvent prêter leur concours à l’édification de nouveaux lieux de culte.

La religion de retour

Avec l’importation de nouvelles religions, mais aussi par un phénomène de déracinement qu’auraient subi les populations durant le 20e siècle les menant vers une disparition de leur mémoire, la religion fait son retour. C’est la sociologue de la religion Danièle Hervieu-Léger qui l’affirme dans son livre La Religion pour Mémoire : « privé de la sécurité de communautés stables qui offraient à chacun l’évidence d’un code de sens fixé, mais privé aussi des grandes visions universalistes portées par les idéologies modernistes, cet individu « flotte », dans un univers sans point fixe... ». Ce serait donc le monde moderne et sécularisé qui, paradoxalement, après avoir détruit l'autorité traditionnelle, crée un nouveau besoin de sens collectif. C'est donc, d'après Hervieu-Léger, ici, dans cette « reconstruction de sens » qu'il faut chercher les manifestations modernes de la religion. Et contrairement à ce que l’on pourrait penser, laïcité n’est pas incom-

patible avec religion, bien au contraire. C’est en sa vertu que les mosquées et tout autres lieux de culte devraient pouvoir être édifiés sans que leur communauté res-pective subisse la xénophobie de certains, peureux que leur pays « judéo-chrétien » ne devienne une « terre d’islam », comme l’avait déclaré en 2009 Christine Boutin, la présidente du parti chrétien démocrate. D’ailleurs, personne ne semble choqué de l’existence de son parti, et pourtant l’entrée en lice du parti de l’Union des Démocrates Musulmans Français pour les élections dé-partementales avait créé un véritable tollé. Pourtant, la charia n’est mentionnée nulle part. Inconscients, les Français qui prônent la laïcité quand il s’agit de dénoncer la mul-tiplication des mosquées ne savent pas qu’ils coupent eux-mêmes la branche sur laquelle ils sont assis.

Le football est-il un bon moyen de casser toutes les barrières de religion ? Voilà une question d’intérêt sociétal à laquelle nous avons souhaité répondre. Pour cela nous avons pris l’exemple du monde amateur. Éléments de réponse.

Le dossier

Léo Roynette

Laïcité : souvent imitée, jamais égalée

Lilian Gaubert

La sécularisation, c’est quoi ?

Selon le dictionnaire Larousse, la sé-cularisation est le transfert à l'État des biens ecclésiastiques ou exercice par l'État de fonctions précédemment ré-servées au clergé (état civil, assistance publique, enseignement). Cette der-nière a eu lieu en France en 1905 avec la loi pacificatrice dite de « séparation des Églises et de l’État ». Elle explique que « la République assure la liberté de conscience. Elle garantit le libre exercice des cultes sous les seules restrictions édictées (…) dans l'inté-rêt de l'ordre public » (Article 1). Ainsi depuis cette loi « la République ne re-connaît, ne salarie ni ne subventionne aucun culte ».

La laïcité, plus facile à dire qu'à appliquer ©DR

Depuis 1905 et l’entrée en vigueur de la loi séparant l’Église de l’État, la France est de-venue un pays laïc. Mais en un siècle, des religions ont été importées, et le principe de laïcité remis en cause.

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Pouvez-vous nous rappeler le contexte et le but de la loi de 1905 concernant la séparation des Églises et de l'Etat ?

La période de 1870 a été très dure pour la France, mais aussi charnière. Car pen-dant le Second Empire, on avait le sen-timent d’une alliance entre le régime de Napoléon III et l’Église. Comme les catholiques militants sont monarchistes l’Église semble appartenir au passé. Par conséquent quand les Républicains ar-rivent au pouvoir (majorité à la chambre en 1873 puis au sénat en 1879), ils vont faire une politique qui visera à réduire l’influence de l’Église catholique sur la société française. Cette politique se tour-nera d’abord vers l’éducation pour dimi-nuer leur influence sur la jeunesse. Parce que les Républicains ont la sensation qu’il y a deux jeunesses : une jeunesse élevée dans les écoles de la République qui a comme valeurs le progrès, la philosophie des lumières, la science… Et puis une jeu-nesse élevée dans les écoles catholiques, notamment celles tenues par les Jésuites, avec l’idée que la société doit obéir à l’Église, que la foi est supérieure à la rai-son et qui aspire au retour d’un roi. Puis en 1901 il y a la loi sur les associations qui cherche à surveiller les congrégations re-ligieuses. Puis celle de 1904 qui interdit tout enseignement religieux que ce soit dans le public ou dans le privé. Et ensuite est arrivée la loi de 1905. Elle était dans le programme électoral de Jules Ferry dès les années 1880 mais quand il est arrivé au pouvoir il ne l’a pas mise en place car faire cette séparation c’était aussi donner de la liberté à l’Église catholique. Donc les gouvernements ont hésité pendant 25 ans avant de donner cette liberté.

Pourquoi ont-ils finalement franchi le pas ?

Le concordat s’avérait de plus en plus ina-dapté à la situation. Il y avait un différend profond entre les hommes du gouverne-ment et les évêques. La politique gouver-nementale était dirigée contre l’influence de l’Église et paradoxalement, les clercs étaient payés. Il y a eu plusieurs prétextes utilisés pour dénoncer le concordat. Mais la vraie raison c’était, comme le dit ma collègue Jacqueline Lalouette, qu’on était passé du concordat au "discordat".

Quelles ont été les répercussions de cette séparation ?

Tout d’abord, économiques pour l’Église catholique car les clercs n’ont plus été payés. Mais les évêques ont retrouvé leur liberté de parole par rapport au gouver-nement. Ça a tout de même provoqué un gros traumatisme dans le clergé jusqu’à la guerre de 1940.

L’article 2 dit que « la République ne reconnait, ne salarie, ni ne subven-tionne aucun culte ». Mais certains contournent la loi pour avoir des sub-ventions ?

On peut penser à la cathédrale d’Evry pour le culte catholique ou à certaines mosquées. Ils contournent un peu la loi en inscrivant dans l’édifice religieux une partie qui aura une vocation culturelle. Est-ce vraiment détourner la loi ? Peut-être dans les textes mais je ne suis pas sûr dans l’esprit. Les mœurs évoluent et en 1905 il n’y avait pratiquement pas de tourisme. Il faut sentir quel est l’esprit de

la loi et ne pas rester dans une lecture trop littérale.

Cette loi a-t-elle d’ailleurs évolué de-puis 1905 ?

Oui il y a eu beaucoup d’ajustements. Je crois que, dans son livre, Emile Poulat a totalisé 50 aménagements à cette loi. Mais ce qu’il faut en plus regarder c’est la jurisprudence. C’est évidemment très im-portant, surtout pour une loi ayant plus de 100 ans.

Il y a des partis politiques (Parti Chré-tien-Démocrate et Union des Démo-crates Musulmans Français) qui se revendiquent d’une confession. N’est-ce pas paradoxal?

Tout d’abord ce ne sont pas des partis qui ont des gros impacts, mais tout dépend ce que l’on met derrière. Il y a déjà eu des partis catholiques en France. On l’a un peu oublié mais en 1944 c’est un par-ti catholique qui est au pouvoir : le MRP, Mouvement républicain populaire. Mais ce dernier a une liberté par rapport à la hiérarchie catholique. Ce n’est donc pas incompatible mais la question est quel est le degré de liberté par rapport aux organes de gouvernement de la religion ?

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« L’objectif était de réduire l’influence

de l’Eglise sur la société »

Alors que le thème des religions revient sans cesse dans les débats politiques, Daniel Mou-linet, professeur en histoire religieuse à l’Uni-versité catholique de Lyon, raconte l’origine de la sécularisation en France, suite à la loi de 1905 de séparation des Eglises et de l’Etat. Il aborde également les conséquences de cette mesure sur la société actuelle.

Daniel Moulinet

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C’est un jeune homme à la bonne humeur communicative que vous rencontrerez si vous vous

rendez à la grande synagogue du quai Tilsitt, dans le 2e arrondissement. Lyonnais d’adoption depuis maintenant un an, Nissim Malka n’a qu’une idée en tête : donner un petit coup de jeune à l’édifice religieux âgé de plus de 150 ans. Après avoir garé son vélo, Nissim rejoint le 4e étage de la synagogue, dans lequel il s’est improvisé un bureau de fortune (le bâtiment est en travaux depuis plusieurs mois, ndlr). Il quitte sa veste de costume et ôte son grand

chapeau laissant apparaître la kippa qu’il n’a jamais quittée depuis son enfance. Un signe de rébellion suite à l’appel du président du consistoire de Marseille à ne plus porter ce symbole de la tradition juive ? Peut-être bien. Lui, préfère parler de fausse polé-mique. « De toute façon, les juifs font toujours l’inverse de ce qu’on leur dit (rires). Il y a vingt ans, ma mère conseillait déjà à ma sœur de cacher son collier juif. C’est un problème de fond », affirme-t-il.

Un métier exigeant

La religion, Nissim a toujours baigné dedans. Il a d’ailleurs suivi les traces de son père, lui-même rabbin. Une fonction qui ne lui était toutefois pas prédestinée. À l’époque, le petit gar-çon s’imaginait plutôt informaticien ou psychologue. « Au début, je ne voyais que les aspects négatifs de ce

métier et je ne voulais pas renouveler l’expérience de mon père. Il n’avait pas beaucoup de temps pour nous, n’avait ni de week-end ni de vacances ». Par un concours de circonstances, Nissim a fi-nalement intégré l’école rabbinique de Paris et… « ça m’a plu », confie-t-il de-vant son clavier d’ordinateur hébraïque, plongé dans ses souvenirs. Aujourd’hui, il ne regrette rien. Le contact humain et le partage qu’offre sa profession lui per-mettent d’être parfaitement épanoui. « Même s’il y a tout de même certains inconvénients ; ça fait partie du jeu ! »

Sa mission : « moderniser et renouveler les idées »

Après s’être chargé de la communauté juive de Tours durant quatre mois, Nis-sim a finalement emménagé à Lyon : « Mon épouse a accouché et j’avais be-soin de vivre dans une grande ville dans laquelle je pouvais trouver une école juive et des magasins cacher. Je vou-lais assurer un avenir à ma famille ». Même s’il a été pris à partie et victime d’insultes antisémites dès son arrivée dans la capitale des Gaules, le nouveau rabbin de la synagogue se réjouit de sa communauté juive lyonnaise « vivante et qui bouge ». Aujourd’hui, Nissim souhaite avant tout être au plus proche de ses croyants. De par son jeune âge, il souhaite « moderniser et renouveler les idées ». C’est d’ailleurs la mission que lui avait confié le consistoire de Lyon à ses débuts. Dernier exemple en date, une fête juive qui s’est déroulée sur une péniche lyonnaise. En organi-sant des voyages et des sorties au ski, le rabbin espère attirer des jeunes de la ville et d’ailleurs…

Portrait

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NISSIM MALKA : UNE BOUFFÉE D’AIR FRAIS À LA SYNAGOGUE

Léa Masseguin

Nissim Malka, 28 ans, est l’un des plus jeunes rabbins de la région. Il s’est installé à la grande synagogue de Lyon il y a un an. Plein d’ambitions, il souhaite avant tout mêler la religion à la société actuelle. Portrait.

Mini bio :

- Enfant d’une famille de rabbins, Nissim Milka est né en 1987 à Caen (Basse-Normandie). - En 1990, sa famille quitte sa ville natale pour s’installer à Paris. - En 2007, il intègre l’Ecole rabbinique française dans le 5e arrondissement de Paris.- En 2010, Nissim devient rabbin de Tours.- En janvier 2015, il s’installe à Lyon et devient rabbin de la grande synagogue de Lyon (quai Tilsitt, 2e arrondissement).

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Vue intérieure de la grande synagogue de Lyon © DR

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3 h 30, le réveil se fait à coups de pieds dans les hanches. Il ne faut pas trainer pour se rendre

au temple. L’ashram dans lequel vivent les disciples de Krishna (Krsna en hindou) est en ébullition. C’est un jour important pour eux, leur chef spirituel Kirtanananda Swami vient spécialement d’Inde pour assister à leur festival. Les « dévots », sont im-patients de débuter les festivités qui dureront deux semaines et s'achè-veront avec l’admission de nouveaux disciples. L’heure de la première prière approche et il s’agit d’être pré-sentable pour la cérémonie. Le corps doit être parfaitement propre et cha-cun, tout en récitant des mantras, doit réaliser neuf dessins sur le corps avec de la boue, spécialement impor-tée du Gange. Ces formes abstraites représentent le pied du dieu indien, symbole de la soumission de chaque chose vivante à Krishna. Le temps presse, plus que quelques minutes avant de quitter l’ashram et d’entamer la procession de deux kilomètres qui sépare le « monastère » du temple. Grâce à l’argent des fidèles, un im-mense temple indien a vu le jour dans le sable de la banlieue la plus éloi-gnée de Lima, entre la ville et le dé-sert. La cérémonie commence, les hommes sont séparés des « mères », les femmes. Pendant que deux fidèles reçoivent l’honneur de vêtir les statuts bleues foncées à l’effigie de leur divini-té, l’un des brahmanes, les fidèles les plus dévoués à Krishna, circule entre la foule en portant un flambeau. Cha-

cun passe rapidement sa main dans la flamme pendant qu’un autre brah-mane les asperge d’eau, « un rituel qui nous permet de nous purifier » glisse à voix basse l’un d’entre eux. Une fois la purification terminée, les dévots chantent différentes mantras en répé-tant les paroles que vocifèrent un des brahmanes au micro. Tout le monde chante et danse sur le rythme des ins-truments sacrés, essentiellement des percussions. Harangués par les brah-manes, les fidèles sautent le plus haut possible et se cassent la voix en voci-férant les mantras. Certains donnent l’impression d’entrer en transe. Deux heures plus tard, exténués, les dévots se recueillent en silence accroupis sur le sol. Ils entament à voix basse le chant de la mantra « Hare Krisna » qu’ils devront répétés 1696 fois. Ils ré-péteront ce rituel harassant trois fois par jours.

Un grand guru tétraplégique Dans l’après-midi, Kirtanananda Swami, véritable icône pour les fidèles fait enfin son apparition dans une cour fermée derrière le temple. Les fidèles ne peuvent l’apercevoir que par une petite grille, tout le monde se presse et se pousse pour voir celui qui passerait facilement pour un dieu vivant. Attablé, le guru a le visage déformé et ne peut se nourrir seul, il est atteint de tétraplégie. « Quelques mois auparavant il a reçu la visite de Krishna durant sa méditation, ce qui a marqué son corps » m’explique une dévote. Il s’agit en réalité d’un accident cardio-

vasculaire. Kirtanananda Swami est entouré de quelques personnes privilégiées dans la hiérarchie Krishna. Parmi elles, Mathuresh Sandi. En dehors de son rôle important dans l’Association internationale pour la conscience de Krishna (l’association qui fédère toutes les communautés Hare Krishna) le Bolivien d’une cinquantaine d’années est également directeur du nord du continent pour la société UPS. Un métier en total désaccord avec les principes très strictes de la secte. Bien qu’il accepte de nous recevoir dans sa maison très luxueuse pour un entretien sur la pensée Krishna, il refuse de nous parler de sa double vie. On le retrouve pourtant sur une photo affichée dans son salon en train de disputer un 18 trous avec George Bush.

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Paul Dalas

Très peu connue en France, la secte venue d’Inde, Hare Krishna rassemble des centaines de milliers de fidèles dans le monde. En Inde bien sûr mais aussi beaucoup en Afrique et en Amérique du Sud. Il est très difficile de les rencontrer mais notre journaliste a réussi en 2012 a intégré un de leur ashram durant deux semaines dans la banlieu de Lima, au Pérou.

Il était une foi... Les Hare Krishna

Une organisation trouble

En 1995, le groupe religieux est of-ficiellement déclaré « secte » par la commission d’enquête sur les sectes française. Le rapport stipule que le groupe : « a réalisé de substantiels bénéfices commerciaux par le biais d'associations à but soi-disant désin-téressé » et que, d’après des témoi-gnages d’anciens fidèles, certaines pratiques des dirigeants du groupe pouvaient entraîner « une cécité de l’esprit critique ».

Mathuresh Sandi en compagnie de sa famille et de Kirtanananda Swami ©Paul Dalas

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Le quiz de la rédac

QUESTION 1 QUESTION 2

QUESTION 3 QUESTION 4

REPONSE 3 : B- « Si la femme ne porte pas de voile, qu’elle se fasse tondre », voilà le genre de propos que l’on peut trouver dans la Bible. Cette pratique remonte à l’ère chrétienne, à l’époque de l’apôtre Paul, fondateur de l’Église. C’est une tradition chrétienne, à l’époque, on ne pouvait pas imaginer une femme sortir sans s’être couvert la tête. Même si une des raisons était de cacher un attrait de séduction, le port du voile était surtout une question de dignité et de respect. Aujourd’hui, le voile chrétien est porté de façons exceptionnelles par les religieuses et les communautés traditionnelles.

REPONSE 4 : C- La paresse, l’orgueil, la gourmandise, la luxure, l’avarice, la colère et l’envie : ces 7 péchés capitaux ne sont plus un secret pour vous. Ils sont à l’origine les « 7 idoles de l’âme » de Saint Thomas d’Aquin. Le religieux de l’ordre dominicain, mais également philosophe et théologien a établi ces 7 péchés au 13e siècle, qu’il considérait d’ailleurs plus comme des vices à commettre des péchés. Mais d’autres avant lui y avaient dores et déjà pensé, comme Evagre le Pontique au 4e siècle ou encore Grégoire le Grand au 6e siècle.

REPONSE 2 : A- LLes femmes protestantes sont les religieuses qui ont mis le plus de temps à obtenir ces responsabilités. Mais depuis les années 20, elles ont le droit de devenir Pasteur. Et plus précisément depuis 1929 lorsque Madeleine Blocher-Saillens a été nom-mée première femme pasteur de France. Après une montée en puissance entre les années 60 et les années 2000, la part de femmes et d’hommes au titre de pas-teur aujourd’hui est quasiment égale. Ce qui est encore loin d’être le cas pour l’Église Catholique et Orthodoxe.

REPONSE 1 B- Nulle part dans les textes bibliques, il est dit que la femme est, ou doit être inférieure à l’homme. Cependant, certains textes nous font comprendre que la place de la femme n’est pas dans l’espace public. On la complimente pour ses capacités de vie de famille, d’être une femme responsable et élégante, mais il est préférable d’avoir une femme active au foyer et silen-cieuse en public. En effet sa parole est crainte, et ce, no-tamment en référence à Eve qui aurait menti à Adam à propos du fruit défendu.

ntio

Au 7ème siècle avant JC, pourquoi craignait-on la femme ?

Depuis quelle année les femmes ont le droit d’être Pasteur ?

Qui est à l’origine du port du voile pour les femmes ?

Qui a définit les célèbres « 7 pêchés capitaux » ?

A- JésusB- Saint Paul C- Jean Paul II

A - Saint Alexandre de Lyon B- Saint Albert le Grand

C- Saint Thomas d’Aquin

A- Pour son attirance sexuelleB- Pour sa parole en public

C- Pour sa vitesse à agir

A- Depuis les années 1920B- Depuis les années 1990

C- Elles n’ont toujours pas le droit

4 questions à la bibliste théologienne Régine Maire