20
109e ANNEE 5559 29 SEPTEMBRE 1990 IRIBIJnlJI HEBDOMADAIRE JUDICIAiRE Edmond Picard 1881-1899 Léon Hennebicq 1900-1940 Charles Van Reepinghen 1944-1966 Jean Dai 1966-1981 Aspects de- la contribution de la Cotir de cassation à l'édification du· droit <*> TABLE DES MATIERES Introduction - Exposé de l'évolution de l'activité de la Cour, à l'appui des statistiques (n°s 1 à 8). Objet de l'exposé - Limites (n°s 9 et 10). Les principes généraux du droit (n°s 11 à 14). Les diverses branches du droit (n°s 10 à 76). Matières civiles et commerciales (n°s 16 à 41). - L'abus de droit (n°s 16 et 17). - Les troubles de voisinage (n° 18). - Les servitudes (n° 19). - Les successions, testaments et donations (n°s 20 à 23). - Les libéralités (n° 21). - Les partages de communautés (n° 22). - L'institution contractuelle (n° 23). - Les obligations (n°s 24 à 36). - Les vices du consentement (n° 25). - Les effets des conventions à l'égard des tiers (n°s 26 à 28). - La tierce complicité (n° 29). - La responsabilité hors contrat -L'article 1384 du Code civil - La garde et le gardien - Le vice de la chose - Responsabilité des parents, instituteurs et éducateurs (n°s 30 à 35). - La clause pénale (n° 36). - Le cautionnement (n° 37). - Le privilège du vendeur de machines et matériel d'équipement professionnel (n° 38). - Le contrat de transport maritime (n° 39). - Le droit des sociétés (n° 40). - La faillite (n° 41). Le droit social et le droit du travail (n°s 42 à 45). - Le contrat de travail (n° 42). - La rémunération (n° 43). - Les grèves (n° 44). - Les accidents du travail (n° 45). Le droit public (n°s 46 à 52}. - La fonction de juridiction (n°s 46 et 47). - Les droits civils et politiques (n° 48). - Contrôle de l'exécutif (n° 49). - Le Conseil d'Etat (n° 50). - La Cour des comptes (n° 52). Le droit pénal (n°s 53 à 56). - L'élément moral dans les infractions (n° 53); - La participation (n° 54). - Le concours idéal (n° 55). - Les délits successifs (n° 56). Le droit international public (n°s 57 à 60). - La prééminence du droit international par rapport au droit interne (n° 57). · - Les droits de l'homme (n°s 58 à 60). (*) Discours prononcé par M. le procureur général E. Krings à l'audience solennelle de rentrée de la Cour de cassation, le 3 septembre 1990. Le droit international privé (n°s 61 à 63). - L'interprétation du droit étranger (n°s 61 et 62). - Le divorce entre étrangers (n° 63). Le droit fiscal (n°s 64 à 67). - La notion d'impôt (n° 65). - Les taxes directes et indirectes - Notion (n° 66). - La voie la moins imposée (n° 67). Le droit judiciaire (n°s 68 à 71). - Le référé (n° 69). - Les pouvoirs du juge (n° 70). - La procédure en cassation : le dispositif non distinct (n° 71). La procédure pénale (n°s 72 à 74). - La compétence de chainbre du conseil (n° 72). - Les rapports entre l'action pénale et l'action civile (n° 73). - Les pouvoirs du juge d'appel (n° 74). L'application de la loi dans le temps (n° 75). Le droit disciplinairé (n° 76). Conclusions (n°s 77 à 79). 1. - Il m'a paru utile de faire le point sur la jurisprudence et l'activité de la Cour au moment paraît s'ouvrir une période nouvelle, en ce début des années quatre-vingt-dix. En effet, en cette fin de siècle, les problèmes qui se posent ne sont plus seulement d'ordre national (et a fortiori non seulement communautaire), ni même conti- nental, mais bien plus et surtout se situent au niveau planétaire. Comme Teilhard de Chardin l'avait si clairement prévu, dès la première moitié de ce siècle, la convergence planétaire est la destinée même de l'homme. Nous devons aujour- d'hui être conscients de ce que les problèmes qui nous occupent n'ont vraiment toute leur portée que si nous les examinons dans les relations qui nous lient à l'ensemble de l'humanité. Il suffit d'ailleurs de participer à des colloques internatio- naux, tels notamment ceux qu'organise l'Union internationale des magistrats, pour se pénétrer de l'importance que revêt l'inéluctable nécessité d'élever nos conceptions du droit et de la justice à un niveau qui dépasse les contingences de nos communautés locales. ajouter que, hélas sur un tout autre plan, les événements que nous vivons aujourd'hui montrent, une fois de plus, à quel point les EDITEURS: MAISON FERD. LARCIER S.A. Rue des Minimes, 39 1000 BRUXELLES divergences mais aussi les convergences se produi- sent à l'échelle mondiale. 2. - La Cour a connu au cours des décennies qui ont suivi la fin de la seconde guerre mondiale un développement considérable de son activité. J'ai eu l'occasion de le souligner au cours du colloque qui a eu lieu en 1989 sous les auspices de la Commission de la justice du Sénat. L'examen, sans doute superficiel des statisti- ques établies chaque année par le greffe de la Cour, illustre cette évolution. Celle-ci n'est certes pas différente de celle que l'on constate chez les juridictions de fond; elle en est même nécessaire- ment le reflet. 3. - Alors qu'en 1951, il y eut 169 nouvelles affaires civiles introduites, il y en eut 646 en 1987, 535 en 1988 et 509 en 1989. Au cours de ces mêmes années la Cour rendit 145 arrêts en 1951, 552 en 1987, 606 en 1988 et 590 en 1989. L'évolution est comparable, bien qu'un peu moins marquée en matière pénale. En 1951, il y eut 725 affaires nouvelles, en 1987, 1876, en 1988, 1786 et en 1989, 1751. Pendant la même période, la Cour prononça 732 arrêts enJ951, 1728en1987, 1778 en 1988et1676 en 1989. La progression est moins accentuée en matière fiscale en laquelle les chiffres sont fortement influencés par le fait qu'en matière de taxes communales, provinciales et locales il est arrivé fréquemment que des pourvois identiques aient été introduits par des dizaines de redevables contre des décisions analogues rendues par une députation permanente d'un conseil provincial. La progression est aussi moins prononcée dans le domaine du droit du travail et du droit de la sécurité sociale. Cette situation s'explique par le fait qu'au cours des années cinquante à soixante, la sécurité sociale échappait presqu'entièrement à la juridiction de la· Cour. Quant au droit du travail, il était déféré, en tant que soumis à la procédure civile, à la première chambre de la Cour et relevait donc des matières civiles dont il vient d'être question. De plus, si depuis 1970 ces matières relèvent de la compétence de la Cour, il faut tenir compte de la circonstance que, pendant les premières années qui ont suivi la mise en vigueur du Code judiciaire il y eut une période de rodage des juridictions du travail.· Sous cette réserve, certes importante, on constate qu'en 1972, il y eut 98 affaires introduites et qu'en 1987, il y en eut 224, en 1988, 206 et en 1989, 187. La Cour prononça alors en 1972, 73 arrêts, en 1987, 221, en 1988, 207 et en 1989, 197. - Ces quelques brèves données. statistiques montrent, d'une part, l'augmentation considéra- ble du nombre d'affaires civiles jugées, lesquelles ont quadruplé et, d'autre part, l'effort considéra- ble fourni par la Cour pour empêcher que s'ins- talle, comme dans d'autres juridictions, un arriéré considérable.

109e ANNEE N° IRIBIJnlJI - KU Leuven

  • Upload
    others

  • View
    5

  • Download
    0

Embed Size (px)

Citation preview

Page 1: 109e ANNEE N° IRIBIJnlJI - KU Leuven

109e ANNEE N° 5559 29 SEPTEMBRE 1990

IRIBIJnlJI HEBDOMADAIRE JUDICIAiRE

Edmond Picard 1881-1899

Léon Hennebicq 1900-1940

Charles Van Reepinghen 1944-1966

Jean Dai 1966-1981

Aspects de- la contribution de la Cotir de cassation à l'édification du· droit <*>

TABLE DES MATIERES

Introduction - Exposé de l'évolution de l'activité de la Cour, à l'appui des statistiques (n°s 1 à 8).

Objet de l'exposé - Limites (n°s 9 et 10).

Les principes généraux du droit (n°s 11 à 14).

Les diverses branches du droit (n°s 10 à 76).

Matières civiles et commerciales (n°s 16 à 41).

- L'abus de droit (n°s 16 et 17). - Les troubles de voisinage (n° 18). - Les servitudes (n° 19). - Les successions, testaments et donations (n°s 20 à 23). - Les libéralités (n° 21). - Les partages de communautés (n° 22). - L'institution contractuelle (n° 23). - Les obligations (n°s 24 à 36). - Les vices du consentement (n° 25). - Les effets des conventions à l'égard des tiers (n°s 26

à 28). - La tierce complicité (n° 29). - La responsabilité hors contrat - L'article 1384 du Code

civil - La garde et le gardien - Le vice de la chose -Responsabilité des parents, instituteurs et éducateurs (n°s 30 à 35).

- La clause pénale (n° 36). - Le cautionnement (n° 37). - Le privilège du vendeur de machines et matériel

d'équipement professionnel (n° 38). - Le contrat de transport maritime (n° 39). - Le droit des sociétés (n° 40). - La faillite (n° 41).

Le droit social et le droit du travail (n°s 42 à 45).

- Le contrat de travail (n° 42). - La rémunération (n° 43). - Les grèves (n° 44). - Les accidents du travail (n° 45).

Le droit public (n°s 46 à 52}.

- La fonction de juridiction (n°s 46 et 47). - Les droits civils et politiques (n° 48). - Contrôle de l'exécutif (n° 49). - Le Conseil d'Etat (n° 50). - La Cour des comptes (n° 52).

Le droit pénal (n°s 53 à 56).

- L'élément moral dans les infractions (n° 53); - La participation (n° 54). - Le concours idéal (n° 55). - Les délits successifs (n° 56).

Le droit international public (n°s 57 à 60).

- La prééminence du droit international par rapport au droit interne (n° 57). ·

- Les droits de l'homme (n°s 58 à 60).

(*) Discours prononcé par M. le procureur général E. Krings à l'audience solennelle de rentrée de la Cour de cassation, le 3 septembre 1990.

Le droit international privé (n°s 61 à 63).

- L'interprétation du droit étranger (n°s 61 et 62). - Le divorce entre étrangers (n° 63).

Le droit fiscal (n°s 64 à 67).

- La notion d'impôt (n° 65). - Les taxes directes et indirectes - Notion (n° 66). - La voie la moins imposée (n° 67).

Le droit judiciaire (n°s 68 à 71).

- Le référé (n° 69). - Les pouvoirs du juge (n° 70). - La procédure en cassation : le dispositif non distinct

(n° 71).

La procédure pénale (n°s 72 à 74).

- La compétence de là chainbre du conseil (n° 72). - Les rapports entre l'action pénale et l'action civile

(n° 73). - Les pouvoirs du juge d'appel (n° 74).

L'application de la loi dans le temps (n° 75).

Le droit disciplinairé (n° 76).

Conclusions (n°s 77 à 79).

1. - Il m'a paru utile de faire le point sur la jurisprudence et l'activité de la Cour au moment où paraît s'ouvrir une période nouvelle, en ce début des années quatre-vingt-dix. En effet, en cette fin de siècle, les problèmes qui se posent ne sont plus seulement d'ordre national (et a fortiori non seulement communautaire), ni même conti­nental, mais bien plus et surtout se situent au niveau planétaire. Comme Teilhard de Chardin l'avait si clairement prévu, dès la première moitié de ce siècle, la convergence planétaire est la destinée même de l'homme. Nous devons aujour­d'hui être conscients de ce que les problèmes qui nous occupent n'ont vraiment toute leur portée que si nous les examinons dans les relations qui nous lient à l'ensemble de l'humanité. Il suffit d'ailleurs de participer à des colloques internatio­naux, tels notamment ceux qu'organise l'Union internationale des magistrats, pour se pénétrer de l'importance que revêt l'inéluctable nécessité d'élever nos conceptions du droit et de la justice à un niveau qui dépasse les contingences de nos communautés pureme~t locales.

Puis~je ajouter que, hélas sur un tout autre plan, les événements que nous vivons aujourd'hui montrent, une fois de plus, à quel point les

EDITEURS:

MAISON FERD. LARCIER S.A.

Rue des Minimes, 39

1000 BRUXELLES

divergences mais aussi les convergences se produi­sent à l'échelle mondiale.

2. - La Cour a connu au cours des décennies qui ont suivi la fin de la seconde guerre mondiale un développement considérable de son activité.

J'ai eu l'occasion de le souligner au cours du colloque qui a eu lieu en 1989 sous les auspices de la Commission de la justice du Sénat.

L'examen, sans doute superficiel des statisti­ques établies chaque année par le greffe de la Cour, illustre cette évolution. Celle-ci n'est certes pas différente de celle que l'on constate chez les juridictions de fond; elle en est même nécessaire­ment le reflet.

3. - Alors qu'en 1951, il y eut 169 nouvelles affaires civiles introduites, il y en eut 646 en 1987, 535 en 1988 et 509 en 1989. Au cours de ces mêmes années la Cour rendit 145 arrêts en 1951, 552 en 1987, 606 en 1988 et 590 en 1989.

L'évolution est comparable, bien qu'un peu moins marquée en matière pénale.

En 1951, il y eut 725 affaires nouvelles, en 1987, 1876, en 1988, 1786 et en 1989, 1751. Pendant la même période, la Cour prononça 732 arrêts enJ951, 1728en1987, 1778 en 1988et1676 en 1989.

La progression est moins accentuée en matière fiscale en laquelle les chiffres sont fortement influencés par le fait qu'en matière de taxes communales, provinciales et locales il est arrivé fréquemment que des pourvois identiques aient été introduits par des dizaines de redevables contre des décisions analogues rendues par une députation permanente d'un conseil provincial.

La progression est aussi moins prononcée dans le domaine du droit du travail et du droit de la sécurité sociale. Cette situation s'explique par le fait qu'au cours des années cinquante à soixante, la sécurité sociale échappait presqu'entièrement à la juridiction de la· Cour. Quant au droit du travail, il était déféré, en tant que soumis à la procédure civile, à la première chambre de la Cour et relevait donc des matières civiles dont il vient d'être question. De plus, si depuis 1970 ces matières relèvent de la compétence de la Cour, il faut tenir compte de la circonstance que, pendant les premières années qui ont suivi la mise en vigueur du Code judiciaire il y eut une période de rodage des juridictions du travail.· Sous cette réserve, certes importante, on constate qu'en 1972, il y eut 98 affaires introduites et qu'en 1987, il y en eut 224, en 1988, 206 et en 1989, 187. La Cour prononça alors en 1972, 73 arrêts, en 1987, 221, en 1988, 207 et en 1989, 197.

4~ - Ces quelques brèves données. statistiques montrent, d'une part, l'augmentation considéra­ble du nombre d'affaires civiles jugées, lesquelles ont quadruplé et, d'autre part, l'effort considéra­ble fourni par la Cour pour empêcher que s'ins­talle, comme dans d'autres juridictions, un arriéré considérable.

Page 2: 109e ANNEE N° IRIBIJnlJI - KU Leuven

546

Est-il permis à cet égard de souligner que le nombre de magistrats composant la Cour n'a été que très peu modifié. Il y avait en 1869 dix-sept conseillers. Il en est aujourd'hui vingt-six, compte étant tenu du fait que la compétence de la Cour a été considérablement étendue à la suite de l'institution des juridictions du travail.

Le moment n'est certes pas choisi d'entrer dans des considérations qui concernent l'opportunité d'adapter les cadres de la Cour et du parquet à l'accroissement d'activité qui vient d'être succinc­tement décrit, mais qu'il me soit néanmoins permis de dire que pour que la Cour puisse remplir convenablement le rôle que la Constitu­tion lui a imparti, c'est-à-dire, réaliser la stabilité et l'unité de la jurisprudence, il n'est sans doute pas né_cessaire que ses membres soient trop nom­breux.

5. - Il faut, à mon avis, d'une part, améliorer les méthodes de travail de la Cour, notamment en la dotant de moyens modernes éprouvés et, d'au­tre part, lui accorder l'aide qui lui fait aujour­d'hui presque totalement défaut, par l'organisa­tion d'un service de documentation fonctionnel et développé, comme il en existe presque partout à l'étranger, dans les juridictions d'un rang et d'une compétence analogue à la vôtre.

Il est en effet, essentiel, pour que le pouvoir judiciaire remplisse pleinement le rôle qui est le sien, que la Cour puisse faire face, dans des délais raisonnables et d'une manière qui réponde à ce que les justiciables sont en droit d'attendre d'elle, à cet accroissement d'activité.

6. - Pour apprécier toute l'importance que revêt cet accroissement il faut prendre en consi­dération divers facteurs que j'ai eu l'occasion de développer au cours du colloque déjà rappelé de 1989.

En ce qui concerne la Cour, il faut en retenir spécialement trois qui sont déterminants : il y a eu au cours de ces quarante dernières années un développement et un renouveau considérable de la législation. Faut-il rappeler les modifications importantes qui sont intervenues en droit civil (on pense aux baux commerciaux, aux baux à ferme, à toute la matière du.droit de la famille, particuliè­rement les régimes matrimoniaux, le divorce, l'adoption); en droit commercial (on rappelle le foisonnement de contrats nouveaux et d'activités nouvelles qu'il est superflu d'énumérer ici); en droit judiciaire {spécialement toute la compétence et la procédure en matière civile); le droit du travail et de la sécurité sociale; le droit commu­nautaire, dont les implications sur le droit interne sont multiples.

Et que dire de l'application des innombrables conventions internationales, dont celles qui concernent les droits de l'homme et les droits fondamentaux ont désormais . une portée que vraisemblablement, ceux qui les ont conclues n'avaient même pas pu concevoir.

Mais il y a aussi la vie en société qui a connu des développements, insoupçonnés il y a à peine quarante ans. On pense, notamment, et parmi d'autres, aux problèmes que posent le roulage, la drogue, le banditisme et le terrorisme.

Tous ces événements ont incontestablement accentué le développement considérable de l'acti­vité de la Cour. L'apport de tout ce qui concerne la sécurité sociale depuis 1970 n'est certes pas négligeable, mais on aurait tort de croire que c'est là que gît la cause principale de l'accroissement de l'activité de la Cour.

7. - Je crois que c'est dans la conception même que le justiciable se fait du rôle de la Cour qu'il faut chercher les causes du phénomène.

- On ne peut exagérer.en estimant que par le biais du contrôle, que j'appelerai en raccourci, formel, c'est-à-dire celui de la motivation, on cherche le plus souvent à instaurer un troisième degré de juridiction.

C'est évidemment une déviation d'autant plus dangereuse que, d'une part, elle encombre exa­gérément la Cour et que, d'autre part, elle contri­bue à un allongement, parfois excessif, du délai dans lequel un litige doit être définitivement clos. Aussi, dans d'autres pays, le pourvoi en cassation est-il soumis à une autorisation préalable. Je citerai non seulement l'Allemagne fédérale, quoi­que son système me paraisse appeler certaines réserves, mais principalement la-Finlande, où la Cour suprême, selon des critères légaux bien définis, détermine l'admissibilité d'un pourvoi.

Je pense qu'il faudra, tôt ou tard, avoir recours à l'une ou l'autre règle afin d'éviter que la Cour ne soit obligée à consacrer une partie trop importante de son activité à un contrôle qui doit rester limité.

8. - Le rôfe essentiel de la Cour doit être, en effet, de dire le droit, d'une part, en réalisant l'unité d'interprétation de la loi et, d'autre part, en précisant la portée des dispositions légales dans toute la mesure où celles-ci n'ont pu prévoir les multiples cas pratiques de leur application et en comblant les lacunes que la loi peut présenter. Il faut, au demeurant, y insister, la loi ne doit pas entrer dans tous les détails de ses applications. Ce serait d'ailleurs une impossibilité. Une bonne loi doit se limiter à l'indication des grands principes qu'elle veut consacrer. Elle doit énoncer les règles générales sur la base desquelles le juge détermi­nera son application aux cas particuliers qui lui sont soumis. Le rôle de la Cour, pour lequel celle-ci a été· instituée par le constituant, est de vérifièr si, ainsi, le juge reste dans les limites que le législateur a fixées.

Disons-le bien clairement, la Cour n'est pas le législateur. Elle ne fait qu'apporter son concours à l' œuvre du législateur en précisanlt seulement ce que celui-ci a voulu. C'est d'ailleur~ le motif pour lequel ses arrêts- n'ont pas l'autorfé de la chose jugée. Le juge de renvoi n'est pas tenu de se conformer à l'interprétation donnée par la Cour, sauf dans les cas, assez exceptionnels, où la Cour est appelée à statuer conformément à l'article 1120 du Code judiciaire dans un même litige, sur la base d'un même moyen, pour la seconde fois. Certes, en ce cas, le juge de renvoi ne peut plus, sans commettre un abus de pouvoir, refuser de suivre l'interprétation de la Cour. Mais le procu­reur général est tenu d'informer immédiatement les chambres législatives de l'interprétation ainsi donnée, ce qui permet à celles-ci, si elles ne sont pas d'accord avec cette interprétation, d'interve­nir d'autorité, en modifiant la loi ou en comblant les lacunes qu'elle présente. De surcroît, en tout cas, l'interprétation donnée par la Cour reste limitée au litige dans lequel elle a eu lieu, de sorte qu'en principe, la portée de son arrêt n'a aucun caractère général.

Dans la réalité cette portée est cependant beau­coup plus considérable, car à moins que le législa­teur estime devoir intervenir en modifiant la loi, ce qui est exceptionnel, les interprétations que la Cour donne des lois constituent pour les juges du fond des directives importantes auxquelles ils se

réfèrent, le plus souvent implicitement, dans tou­tes les'affaires qu'ils ont à juger ultérieurement.

C'est en celà que consiste l'apport du judiciaire à l'œuvre du législateur. C'est à tort que l'on parle de collaboration. C'est une participation à l'exercice du pouvoir de l'Etat. Mais cette partici­pation doit s_e faire dans la plus totale indé­pendance à l'égard des deux autres pouvoirs de l'Etat. Car, ne l'oublions pas, de l'interprétation de la loi et de ses applications dépend la détermi­nation des droits de chaque partie au litige soumis au juge. Dès lors, en aucun cas l'on ne peut admettre que la décision du juge, à quelque niveau qu'elle se produise, puisse être influencée par qui que ce soit, a fortiori, par des membres du pouvoir exécutif ou par des membres du pouvoir législatif, et ce, de quelque manière que ce soit. Toute atteinte portée à ce principe fondamentai détériore la confiance que le justiciable doit avoi:r en ses juges. Il importe non seulement que justice soit rendue, mais aussi qu'elle apparaisse être rendue üustice must not only be done, but must appear to be done).

* * *

9. - Je voudrais, à présent, montrer l'apport considérable du travail de la Cour à la sécurité juridique, spécialement en ce que je crois pouvoir appeler sa contribution ·à « l'édification du droit ».

Je ne me fais évidemment aucune illusion. Ce travail demanderait, en des circonstances norma­les, un temps considérable non seulement pour la recherche, niais aussi et surtout pour la réflexion. Or, l'année judiciaire écoulée a été particulière­ment chargée et de surcroît des tâches qui n' au­raient pas dû incomber à mes fonctions, mais auxquelles il ne m'était pas possible de me sous­traire, ont occupé une part importante du temps que j'aurais dû pouvoir consacrer au présent exposé. J'ose espérer que la Cour voudra bien excuser les nombreuses imperfections et lacunes que celui-ci comporte.

Sous cette très importante réserve, je vais donc m'efforcer de dresser un tableau certes très incomplet de la jurisprudence de la Cour, portant sur la période allant de 1950 à 1990. Le choix de l'année 1950 comme point de départ peut paraître arbitraire. Mais il fallait nécessairement fixer une limite. Il m'a paru que l'année 1950 est suffisam­ment proche de la fin de la seconde guerre mondiale, laquelle a incontestablement marqué une césure par rapport au passé, et que cette même année est aussi un moment où les séquelles judiciaires de la guerre et de l'occupation ont à peu près pris fin, pour permettre une vue d'ensemble de cette jurisprudence.

Mais j'y insiste tout spécialement, le choix des questions qui vont être exposées est aussi arbi­traire et surtout beaucoup trop limité. Bien d'au­tres questions mériteraient d'être prises en consi­dération et certaines mettraient encore mieux en valeur l'importance des travaux de la Cour. Cet exposé est dès lors très sommaire, voir même superficiel et est limité au but que je me suis assigné.

10. - Il faut aussi au départ insister sur le fait que ce n'est pas la Cour qui choisit les questions sur lesquelles porte son interprétation, mais que celles-ci lui sont soumises par les justiciables dans les cas et dans les circonstances que ceux-ci déterminent. De plus, toutes les fois où la Cour est saisie et doit statuer conformément aux règles de la· procédure civile, elle ne peut se prononcer

Page 3: 109e ANNEE N° IRIBIJnlJI - KU Leuven

sur la question qui lui est soumise que dans les limites précisées par le moyen (1).

Exceptionnellement le procureur général est amené à introduire devant· la Cour un pourvoi dans l'intérêt de la loi, soit qu'il le fasse d'office, soit à la demande du ministre de la Justice. A cet égard, il y a lieu d'être particulièrement circons­pect et de n'introduire de tels pourvois que lorsque de trop grandes divergences dans la juris­prudence des juges du fond, mettent l'ordre public en péril à un point tel qu'il importe d'y remédier (2).

Ainsi donc la jurisprudence de la Cour est-elle presqu'entièrement tributaire des litiges qui lui sont déférés par les parties, d'où il suit qu'il subsiste de nombreux domaines dans lesquels son intervention reste ouverte. Sa participation dans l'élaboration du droit est donc nécessairement fragmentaire et même à certains égards tronquée.

* * * 11. - J'aborderai cet examen de la jurispru­

dence de la Cour par un problème qui, depuis une vingtaine d'années, a pris une certaine ampleur, et qui sur le plan de l'édification du droit est particulièrement important.

Il s'agit des principes généraux du droit.

Dès avant 1970, la Cour avait été incidemment saisie de questions qui se rapportaient à ce . pro­blème.

Dans ·un arrêt. du 14 juin 1956 (3) rendu en matière de législation applicable au Congo belge, la Cour a décidé que lorsque la matière n'était pas prévue dans cette législation, le juge avait pour obligation de se prononcer selon les principes généraux du droit. Il est vrai que cette règle découlait expressément de l'ordonnance du 14 mai 1886 en matière de procédure civile. Mais cette affaire fut l'occasion pour M. l'avocat général Ganshof van der Meersch, de développer amplement la notion même de principe général du droit. Mon éminent prédécesseur expliquait que « les principes généraux du droit constituent en droit belge, subsidiairement à la loi, une source de droit que reconnaît l'article 4 du Code civil, lequel, ·à peine de sanction pénale, oblige le magistrat à ·juger même en cas de silence ou d'insuffisance de la loi » (4) (5).

Cet important problème connaît des dévelop­pements nombreux depuis que la Cour a admis qu'un pourvoi en cassation peut être fondé uni­quement sur la violation d'un principe général du droit.

Il convient en premier lieu de souligner que la Cour a décidé à maintes reprises que lorsqu'un ·principe général du droit est consacré par la loi, c'est la violation de celle-ci qui doit être invoquée,

(1) C'est un aspect de la procédure en cassation qui est très souvent perdu de vue par ceux qui commentent ses arrêts. On ne peut reprocher à la Cour de n'avoir pas statué sur certains aspects du problème, alors qu'en raison des moyens, elle n'en était pas saisie.

(2) Voy. le discours prononcé à l'audience solennelle de la Cour, le 1er septembre 1964, par M. le procureur général Hayoit de Termicourt : « Les pourvois dans l'intérêt de la loi et les dénonciations sur ordre du ministre de la Justice ».

(3) Cass., 14 juin 1956, Bull. et Pas., 1956, I, 1111.

(4) Conclusions avant l'arrêt du 14 juin 1956, Bull. et. Pas., 1956, p. 1117, col. 1, in fine, et 2.

(5) Voy. aussi M. le procµreur général Ganshof van der Meersch, « Propos sur le texte de la loi et les principes généraux du droit », discours prononcé à l'audience solennellé de rentrée de la Cour le 1er sep­tembre 1970, spéc. pp. 39 et s.

même si le principe, tel qu'il est généralement admis, revêt une portée plus large que la loi qui s'y réfère. Il faut, en effet, admettre que dans ce cas le législateur a estimé devoir en restreindre la portée et, que, dès lors, c'est à la loi seule qu'il faut avoir égard (6).

En d'autres termes, les principes généraux du droit ne pe.uvent avoir qu'un rôle supplétif, c'est­à-dire lorsque le litige ne peut être réglé sur la base d'aucun texte légal et que seul un principe général· du droit peut y suppléer.

12. - Nombreux sont les arrêts qui ont admis l'existence de principes généraux et je me limiterai ici à en citer quelques-uns qui me paraissent fort importants du point de vue du principe ainsi consacré.

Vous avez ainsi décidé que le père et . la mère dont le fils ou la fille a reconnu un enfant naturel, ont, en principe, un droit de visite à l'égard de cet enfant (7).

La Cour a aussi décidé que les grands-parents d'un enfant légitimé par adoption, par applica­tion des articles 368 à 370 du Code civil, ont, en principe, aussi un tel droit de visite (8).

Dans l'un comme dans l'autre cas, ces décisions reposent sur 'ce que ce droit résulte d'un principe du droit fondé sur des relations d'affection, de respect et de dévouement, dues à la communauté du sang (9).

De même, le principe général du droit selon lequel nul ne peut être à la fois juge et partie dans une même cause constitue une règle essentielle de l'administration de la justice. Ce principe est d'ordre public et peut être proposé pour la pre­mière fois devant la Cour (10).

En l'espèce, un avocat avait représenté le prévenu à l'audience au cours de laquelle l'affaire avait été remise. Cet avocat fut ensuite assumé à l'audience.ultérieure au cours de laquelle l'affaire fut instruite et plaidée ainsi qu'à l'audience à laquelle le jugement fut rendu.

Ce jugement a été cassé parce qu'il avait ainsi violé une règle essentielle de l'administration de la justice.

Dans le même ordre d'idées, l'interdiction d'exercer une contrainte sur une personne et de pénétrer dans le domaine de sa personnalité constitue un principe général du droit; cette interdiction signifie que, hormis les cas prévus par la loi, toute contrainte physique sur la personne, notamment en vue de la forcer à accomplir un acte ou de la soumettre à un examen physique ou psychique, est interdite.

Plus précisément, vous avez décidé que l'interdiction d'exercer une contrainte à l'encon­tre d'une personne ou de pénétrer dans le domaine de sa personnalité, n'interdit pas l'ex-

(6) Cass., 26 mars 1980, Bull. et Pas., 1980, 1, 915. Si la théorie de la confiance légitime dans le droit des

obligations est éventuellement comprise dans les dispo­sitions de ce droit, c'est la violation des dispositions légales dans lesquelles cette théorie trouve son incidence qui pieut être invoquée dans un moyen de cassation mais non la violation d'un prétendu principe ou de préten­dues règles empruntés à la théorie de la confiance légitime dans le droit des obligations.

(7) Cass., 22 sept~ 1966, Bull. et Pas., 1967, I, 78 et la note.

(8) Cass., 4mars 1976, Bull. et Pas., 1976, 1, 732 et la note F.D. ·

(9) Voy. l'arrêt cité à la note 8.

(10) Cass., 13 oct. 1975, Bull. et Pas., 1976, I, 181 et la note J.V.

547

pertise dont une personne pourrait être l'objet, notamment en matière de divorce, pour autant que ·cette personne ne se voie pas contrainte à se soumettre à un tel examen, à portée notamment psychiatrique, si elle n'y consent pas et sous la réserve que le juge appelé à statuer au fond ne

. puisse tirer des conclusions de ce seul refus (11).

13. - Ces arrêts montrent l'apport positif du recours aux principes généraux du droit.

Dans le cas du droit de visite des grands-parents à l'égard des enfants naturels ou légitimés de leurs propres enfants, on eût pu se contenter de décider que la loi n'ayant pas réglé la question, il fallait en déduire qu'il n'y avait pas de droit de visite.

De même, dans le cas de l'avocat assumé, on eût pu décider qu'à défaut de règle légale édictant une incompatibilité, il n'existait guère de nullité.

Enfin en matière de contrainte physique sur la personne, on eût pu considérer que le juge ayant ordonné une telle mesure, la personne. concernée était obligée de s'y soumettre.

On notera que dans chacun de ces cas il y aurait eu une décision et que le reproche de déni de justice n'eût pu être adressé au juge.

Mais le sèns dans lequel ces questions ont été réglées par la Cour, ne doit-il pas faire admettre que les décisions intervenues sont beaucoup plus en harmonie avec l'ensemble des règles qui régis­sent ces matières;

14. - On aperçoit toutefois les limites du pro­blème. La Cour énonce un principe que le législa­teur n'a pas expressément réglé. Elle le déduit, il est vrai, de ce qu'elle considère comme le fonde­ment des institutions auxquelles la question se rattache. Cependant ce n'est là qu'une présomp­tion susceptible de contestation et même d'être sans doute renversée à défaut de force contrai­gnante.

Aussi la Cour a-t-elle toujours fait preuve de la plus grande réserve et ne reconnaît-elle l'existence d'un principe général du droit que lorsque celui-ci est susceptible de recevoir un consensus quasi unanime.

En réalité, l'adoption de principes généraux du droit permet d'éviter de déc.ider qu'en l'absence de règle légale, il n'existe pas èle droit, alors qu'au contraire un tel droit peut exister s'il se déduit d'un principe général.

Je ne dirais donc pas que le juge qui rejette l'existence d'un principe général du droit se rend coupable d'un déni de justice, comme le prévoyait l'article 4 du Code civil et présentement l'article 5 du Code judiciâ.ire, dès lors qu'il ne refuse pas de juger, mais seulement qu'il dénie l'existence d'un droit tel qu'il est invoqué devant lui. Lorsque vous avez décidé qu'il n'existe pas de principe général du droit reconnaissant le double degré de juridiction (12), vous avez seulement décidé que la partie qui s'en prévalait n'y avait pas droit. Il n'y avait pas là matière à déni de justice.

On le voit, un tel procédé d'élaboration du droit n'est possible que dans les matières qui ne sont pas uniquement ou nécessairement du res­sort de la loi. Tel ne serait sans doute pas le cas dans des matières que la Constitution a réservées expressément au seul législateur.

Il me paraît qu'il en est ainsi là où la Constitu­tion dispose qu'un impôt ne peut être établi, sinon par la loi. La Cour ne pourrait donc

(11) Cass., 7 mars 1975, Bull. et Pas., 1975, 1, 692 et la note. ·

(12) Cass., 2 nov. 1989, Bull. et Pas., 1990, 1, n° 135.

fi

Page 4: 109e ANNEE N° IRIBIJnlJI - KU Leuven

·548

reconnaître l'existence d'un impôt en vertu d'un principe général du droit. Toutefois cela ne signi­fie pas que la matière du droit fiscal exclut l'application d'un principe général du droit. Nous allons y revenir.

Je me suis ainsi limité à rappeler un nombre restreint d'arrêts ayant consacré l'existence et surtout la portée des principes généraux du droit.

, Dans la période sous revue, sont survenus de très nombreux cas dans lesquels la violation d'un prétendu principe général du droit a été invo­quée (13).

La Cour procède, dans ce cas, à un examen approfondi du système juridique et légal auquel ce principe est supposé appartenir et elle ne l'admet que pour autant que cet examen révèle qu'effectivement le principe invoqué constitue le fondement du système. Lorsque la Cour décide qu'il n'existe pas de principe général du droit selon lequel toute partie a droit à deux degrés: de juridictions, elle décide . par là que notre pIO­cédure judiciaire, qu'elle soit civile ou pénale, peut parfaitement fonctionner avec un seul degré de juridiction. Le double degré de juridiction n'est pas une condit{o sine qua non de ce fonc­tionnement.

* * *

15. - Les principes généraux du droit ne sont évidemment pas les seuls cas dans lesquels la Cour contribue à l'édification du droit.

Cette œuvre particulièrement importante se développe aussi au départ de toute interprétation de la loi et sa portée est plus grande encore lorsqu'elle concourt non seulement à déterminer le sens des termes utilisés par une loi ou une disposition réglementaire, mais aussi à en préciser l'étendue d'application.

Puis-je, sans àbuser du temps de la Cour procéder à un bref survol des diverses branches du droit pour montrer la portée de ces propos.

16. - En matière civile et commerciale.

Je voudrais aborder cette question par un problème, certes difficile et délicat, mais qui se rapproche, sur le plan de la technique de l'inter­prétation de celui que nous venons de voir en matière de principes généraux du droit, à savoir le problème de l'abus de droit.

La Cour s'est prononcée à maintes reprises sur la notion d'abus de droit, cependant il ne saurait être question d'examiner ici tous les arrêts qui s'y réfèrent.

Ce qui la caractérise c'est, d'une part, qu'elle suppose l'existence d'un droit dont il est fait usage et, d'autre part, que les conséquences dommageables de l'exercice de ce droit ne font; en règle, pas l'_objet d'une disposition légale propre. C'est sous cet aspect que la question peut être rapprochée de celle des principes généraux du droit.

(13) On pourrait encore citer de nombreux arrêts qui ont, soit admis l'existence d'un principe général du droit (Cass., 13 sept. 1989, Bull. et Pas., 1990, I, n° 31 relatif à l'impartialité du juge; 22 oct. 1970, Bull. et Pas., 1971, I, 144, concernant le principe de la continuité du service public) soit décidé que la partie attribuait à tort le caractère de principe général du droit à une solution qu'elle souhaitait voir triompher (Cass., 29 janv. 1988, Bull. et Pas., 1988, 1, n° 329 refusant de reconnaître la « réalité économique » comme principe général du droit en matière de droit fiscal).

Par votre arrêt du 11 avril 1958 (14) vous avez décidé que, dans l'espèce jugée, l'abus consistait dans un acte illicite, à savoir le fait d'avoir vendu un bien compris dans une institution con­tractuelle irrévocable en haine de cette institution, c'est-à-dire dans le but d'empêcher que celle-ci puisse recevoir exécution.

Vous avez donc décidé que l'exercice du droit peut constituer une faute au sens des articles 1382 et 1383 du Code civil en raison de l'intention de celui qui agit.

Dans le même sens vous avez décidé que le fait de résister judiciairement à une demande consti­tue, en principe, comme le fait d'agir en justice, l'exercice d'un droit; qu'il ne dégénère en acte illicite et partari.t ne donne lieu à l'allocation de dommages-intérêts, que s'il est accompli avec témérité, malice ou mauvaise foi (15).

Dans ce cas cependant, ainsi que le montre l'arrêt, la solution se rattache à une disposition légale, à savoir à présent l'article 1017 du Code judiciaire qui permet . la condamnation d'une partie en cas de procès téméraire et vexatoire. Cette disposition coµstitue toutefois une applica­tion du principe général consacré par les articles 1382 et 1383 du Code civil (16).

Par votre arrêt du 16 novembre 1961 (17) vous avez introduit dans le raisonnement un élément de proportionnalité en décidant qu'entre différentes façons d'exercer son droit, avec la même utilité, il n'est pas permis de choisir celle qui est domma­geable pour autrui ou qui méconnaît l'intérêt général. Il s'agissait en l'espèce de l'exercice du droit de propriété, au sujet duquel vous décidiez que l'article 544 du Code civil, qui ne peut être isolé d'autres dispositions, tels les articles 552, 651 et 661, qui le complètent, ne reconnaît au propriétaire que le droit de jouir et de disposer normalement de sa chose.

De même par Votre arrêt du 10 septembre 1971 (18) vous avez décidé que l'abus de droit peut résulter non seulement de l'exercice d'Ùn droit avec la seule intention de nuire, mais aussi de l'exercice de ce droit c:l'une manière qui dépasse manifestement les limites de l'exercice normal de celui-ci par une personne prudente et diligente ..

Vous avez depuis, à maintes reprises, consacré cette solution, notamment par vos arrêts des 16 décembre 1982, 10 mars 1983, 6 avril 1984, 27 juin.1985 et 20 novembre 1987 (19).

Vous avez encore fait appel à la notion de proportionnalité dans l'arrêt du 19 novembre 1987 en décidant qu'il peut y avoir. abu~ de droit lorsqu'un droit est exercé sans intérêt raisonnable et suffisant, notamment· lorsque le préjudice causé aux tiers. est sans proportion avec

(14)1 Cass., 11avril1958, Bull. et Pas., 1958, I, 867 et les notes signées R.H.

(15) Cass., 29 nov. 1962, Bull. et Pas., 1963, 1, 406; comp. Cass., 14 oct. 1977, Bull. et Pas., 1978, I, 197.

(16) Cass., 3 févr. 1989, Bull. et Pas., 1989, I, 594, n° 326.

(17) Cass., 16 nov. 1961, Bull. et Pas., 1962, I, 332; voy. aussi : Cass., 16 janv. 1986, Bull. et Pas., 1986, I, 317.

(18) Cass., 10 sept. 1971, Bull. et Pas., 1972, I, 28 et la note signée W.G.

(19) Cass., 16 déc. 1982, Bull. et Pas., 1983, I, n° 231; 10 mars 1983, Bull. et Pas., 1983, I, n° 381; 6 avril 1984, Bull. et Pas., 1984, I, n° 456; 27 juin 1985, Bull. et Pas., 1985, I, n° 656; 20 nov. 1987, Bull. et Pas., 1988, 1, n° 171.

l'avantage recherché ou à obtenir par le titulaire du droit (20).

Il n'est enfin pas sans intérêt de citer votre arrêt du 18février1988 par lequel vous avez décidé que commet un abus de droit le bailleur qui intente tardivement une action en résiliation d'un bail commercial, lorsqu'il aggrave par son inaction prolongée la situation des cédants successifs du bail, tenus solidairement envers lui (21).

En ce cas, comme dans celui dans lequel vous avez statué par votre arrêt du 16 décembre 1982 précité, la sanction de l'abus d'un droit n'est pas la déchéance de ce droit, mais seulement sa réduction ou, d'une manière plus précise, la réduction du droit à son usage normal.

17. - On constate donc que la Cour a reconnu expressément que, dans certains cas, l'exercice d'un droit peut constituer une (au te, que celle-ci soit délictuelle ou quasi délictuelle; ayant ainsi expressément fait appel à la notion de faute, elle a par là même rattaché la solution aux dispositions du Code civil, à savoir les articles 1382 et 1383 (22).

La Cour affine ainsi les rapports sociaux. Ceux-ci ne reposent pas sur une juxtaposition de droits, mais sur leur interaction. C'est à cette interaction que la Cour a égard et dont elle détermine les effets, ceux-ci étant différents selon les rapports sociaux concernés.

Elle a ainsi élaboré un système juridique d'une grande importance, non seulement à l'appui de la théorie générale du droit, mais aussi et spéciale­ment pour son application, en prenant en consi­dération non seulement l'intérêt des justiciables, mais davantage encore un juste équilibre de leurs droits et obligations.

18. - Dans un ordre d'idées qui se rapproche fort de celui des principes généraux, il faut citer le problème des troubles de voisinage.

Les troubles de voisinage ont de longue date, donné lieu à une importante jurisprudence. Jus­qu'en 1960 les solutions auxquelles la Cour a eu égard, reposaient principalement sur la responsa­bilité hors contrat, c'est-à-dire que celui qui se plaignait des troubles que lui causait un voisin, devait démontrer dans le chef de celui-ci une faute et que le dommage dont il se plaignait était dû à cette faute.

Par votre arrêt du 6 avril 1960 (23), rendu en audience plénière, sur les conclusions tout à fait remarquables de M. le premier avocat général

. Mahaux, alors avocat général, vous avez décidé que la demande du plaignant pouvait aussi . être fondée sur l'article 544 du Code civil, c'est-à-dire en l'absence de toute faute du voisin. Ainsi que M. Mahaux l'expose, il s'agit d'une application multipliée de cette disposition, c'est-à-dire sur l'harm0nisation ou l'équilibre des droits relatifs aux propriétés ou aux biens voisins. Il s'en déduit que le propriétaire qui rompt cet équilibre, en dehors de toute faute de sa part, n'en est pas

(20) Cass., 19 nov. 1987, Bull. et Pas., 1988, I, n° 168.

(21) Cass., 18 févr. 1988, Bull. et Pas., 1988, I, n° 375.

(22) Voy. : l'ensemble des arrêts déjà cités et spécia­lement aussi, Cass., 14 oct. 1977, Bull. et Pas., 1978, I, 197 et 2 mai 1980, Bull. et Pas., 1980, I, 1090, en matière d'opposition à mariage; Cass., 13 avril 1984, Bull. etPas., 1984, I, n° 474 et 19 oct. 1989, Bull. et Pas., 1990, I, n° 106, en matière contractuelle.

(23) Cass., 6 avril 1960, Bull. et Pas., 1960, I, 915 et les conclusions de M. l'avocat général Mahaux.

Page 5: 109e ANNEE N° IRIBIJnlJI - KU Leuven

moins tenu, en relation avec le principe d'équité que consacre l'article 11 de la Constitution, d'indemniser le voisin qui subit un dom­magè (24).

Il en résulte qu'un entrepreneur n'assumant pas les obligations qui existent entre voisins et qui découlent de l'application multipliée de l'article 544 du Code civil ne peut, en conséquence, être tenu du dommage résultant de travaux qu'il a exécutés pour le compte d'un propriétaire, s'il n'a commis aucune faute engageant sa responsabilité aquilienne ou quasi aquilienne, alors que ledit dommage provient, à l'exclusion de toute autre cause, d'un trouble de voisinage, à savoir la rupture de l'équilibre normal entre propriétés voisines (25).

Par l'arrêt du 10 janvier 1974 (26), la Cour a décidé que la rupture d'équilibre provoquée par un trouble excédant la mesure des inconvénients ordinaires du voisinage peut exister entre le droit du propriétaire et celui du locataire de biens voisins; que si ces droits sont l'un un droit réel, et l'autre un droit personnel, ils portent néanmoins sur le même objet pÛisque le locataire détient, en vertu du bail, .un des attributs du droit de pro­priété : la jouissance du bien.

Cette jurisprudence est particulièrement remar­quable, d'une part, parce que vous avez ainsi élaboré un véritable droit du voisinage, au départ d'une disposition relative au droit de propriété et, d'autre part, parce que vous avez ainsi écarté l'application des articles 1382 et 1383 du Code civil, qui s'était, en maints cas, révélée insuffisante pour régler d'une manière adéquate les litiges dont les juges avaient à connaître. En fait il s'agit encore, comme dans le cas de l'abus de droit, d'une recherche des effets de l'interac­tion entre droits, mais cette fois indépendamment de toute faute. La demande en justice tend à la détermination du rétablissement de cet équili­bre (27).

19. - Dans le domaine du droit de propriété, il faut aussi citer de nombreux arrêts concernant le problème des servitudes. Sur ce point aussi la Cour a non seulement précisé la portée des règles légales, mais a aussi élaboré une doctrine importante qui sert de base à leur application.

Il importe ici de souligner tout spécialement l'intérêt que présente votre arrêt du 21 octobre 1965 (28).

Vous avez notamment décidé qu'un fonds pourvu d'une issue sur la voie publique est néanmoins un fonds enclavé au sens de l'article 682 du Code civil lorsque cette issue est insuffi-

(24) A peine un an plus tard, le 21décembre1961, la Cour a rappelé ces principes d~s un arrêt qui concer­nait les .rapports entre le propriétaire du sol et le concessionnaire de l'exploitation du sous-sol (Cass., 21 déc. 1961, Bull. et Pas., 1962, I, 480 et les conclusions de M. l'avocat général Mahaux).

(25) Cass., 28 janv. 1965, Bull. et Pas., 1965, I, 521; 5 mai 1967, Bull. et Pas., 1967, 1, 1049; 14 juin 1968, Bull. et Pas., 1968, I, 1177; 19 oct. 1972, Bull. et Pas,, 1973, I, 177; 26 sept. 1980, Bull. et Pas., 1981, 1, 96; 13 déè. 1985, Bull. et Pas., 1986, I, n° 260.

(26) Cass., 10 janv. 1974, Bull. et Pas., 1974, I, 488.

(27) Il est peut-être regrettable que les arrêts relatifs aux troubles de voisinage soient encore répertoriés dans le bulletin des arrêts de la Cour sous la rubrique « responsabilité hors contrat »,alors que précisément il ne s'agit pas d'une responsabilité sur la base des articles 1382 et s. du Code civil.

(28) C~ss., 21 oct. 1965, Bull. et Pas., 1966, 1, 236, ·rendu sur les conclusions de M. l'avocat général Mahaux. ·

sante pour les besoins de l'exploitation de ce fonds.

Vous avez .ainsi précisé que le législateur a entendu assurer à cet héritage l'accès à la voie publique qui s'avère indispensable à sa mise en valeur, c'est-à-dire à son utilisation normale d'après sa destination.

La Cour a ainsi reconnu à la disposition de l'article 682 une portée très large, à savoir qu'il n'y a pas lieu de di~tinguer entre les bâtiments à usage d'habitation ou autre et les fonds à usage agricole, industriel ou commercial. Elle prend de surcroît en considération non seulement le pas­sage destiné à l'exploitation mais aussi le passage nécessaire à la mise en valeur de l'héritage, c'est-à-dire son utilisation normale d'après sa destination.

Il faut souligner cette fois encore que dans un domaine, sans doute assez spécial, mais qui donne lieu à de très fréquents litiges, ainsi qu'en témoigne l'abondance de la jurisprudence relative à la matière, la Cour détermine les rapports entre propriétés voisines au départ d'une disposition légale dont elle précise la portée et les effets en vue de maintenir un juste équilibre entre les droits auxquels chacun de leurs titulaires peut pré­tendre.

20. - S'il y eut autrefois une question de droit qui engendra une abondante jurisprudence, ce fut certes celle des successions, testaments et dona­tions. Or, on constate aujourd'hui que les litiges qui portent sur des questions de droit relatives à ces institutions sont devenues assez rares. Il existe, il est vrai, encore toujours des litiges qui opposent les parties sur des questions de fait, mais ceux-ci ne viennent devant la Cour que pour un contrôle formel, notamment de motivation.

Sans doute faut-il attribuer cette paix judiciaire d'une part, au fait que la jurisprudence bien établie est acceptée par les praticiens, d'autre part, à la stabilité de la législation qui régit cette matière. Ce sont incontestablement des facteurs qui contribuent à éliminer les contestations.

La Cour a néanmoins eu l'occasion de résoudre quelques questions importantes sur le plan pra­tique.

21. - Par votre arrêt du 16novembre 1989 (29) vous avez décidé que la cause d'une libéralité entre vifs· ou testamentaire ne réside pas seule­ment dans l'intention libérale du disp6sant, mais aussi dans celui des mobiles qui l'a inspiré princi­palement et qui l'a conduit à donner ou à léguer. Dès lors, lorsque par l'effet d'un événement indépendant de la volonté du donateur, la raison déterminante de la donation vient à défaillir ou à disparaître, le juge peut, selon les circonstances

·qu'il doit préciser, constater la caducité de cette libéralité (29).

22. - Encore que l'arrêt du 14 décembre 1967 (30) concerne un problème de liquidation et de partage d'une communauté réduite aux acquêts entre époux, l'arrêt présente un intérêt plus général en ce qu'il met particulièrement en exergue les règles selon lesquelles, d'une part, la liquidation précède le. partage et, d'autre part, que la licitation des biens à partager ne peut intervenir qu'après la clôture des opérations de liquidation, c'est-à-dire que lorsqu'en fait, eu

(29) Cass., 16 nov. 1989, Bull. et Pas., 1990, 1, n? 169.

(30) Cass., 14 déc. 1967, Bull. et Pas., 1968, l, 507 et la note.

549

égard au partage et à la formation des lots, cette licitation s'impose.

Vous avez ainsi non · seulement affiné une question fondamentale du droit des libéralités, mais aussi réglé un· problème important de pro­cédure du droit des partages.

23. - De même, dans un domaine sans doute assez exceptionnel, vous avez décidé, le 11 avril 1958 (31), que si l'institution contractuelle est une convention conférant à !'institué la qualité de successible de l'instituant, !'institué n'est cependant pas créancier de l'instituant et ne dispose pas, dès lors, de l'action paulierine pour attaquer, même après le décès de l'instituant, les actes à titre onéreux faits par celui-ci (31), l'ac­tion paulienne n'appartenant, en effet, qu'aux personnes qui ont la qualité de créanciers.

Ici, c'est au sein même du système légal que la Cour intervient soit pour en préciser la portée, soit pour réglet les questions auxquelles le législa­teµr n'a pas eu égard, le plus souvent parce qu'il ne lui était pas possible d'en prévoir toutes lés implications.

Ce sont, certes, des questions très particulières et celle qui concerne l'instit!Jtion contractuelle est sans doute de détail, mais ces. questions diverses montrent bien à quel point aujourd'hui, grâce à la jurisprudence des cours et tribunaux, la paix judiciaire est intervenue. La consultation des tables dù Bulletin de la Cour en témoigne.

24. - Tel n'est certes pas le cas des obligations et des contrats. Il s'agit d'un domaine du droit particuli~rement mouvant qui subit plus que tout autre les conséquences de l'évolution de la société.

Il n'est donc point possible de donner ici une image, fût-ce même partielle, de l'ensemble de la jurisprudence de la Cour concernant cette matière. On se bornera à épingler quelques problè­mes qui paraissent importants sur le plan de l'édification du droit, même si les solutions don­nées à ces problèmes ne recueillent pas l'assenti­ment de tous les juristes.

25. - En matière de vices du consentement, deux arrêts de la Cour méritent principalement de retenir l'attention.

Le 24 mai 1974 (32), la Cour a décidé que l'erreur causée par le dol de la partie adverse n'est pas l'erreur prévue à l'article 1110 du Code civil. Il en résulte qu'une telle erreur peut être prise en considération, même si elle ne porte pas sur la substance de la chose.

Vous avez complété cette jurisprudence par votre arrêt du 23 septembre 1977 (33) en décidant que l'erreur d'une partie causée par le dol de la partie adverse n'est pas, du moins quant à son origine et ses conséquences, l'erreur au sens de l'article 1110 du Code civil; que lorsque, d'après les constatations souvc;:raines du juge du fond, le dol a déterminé le consentement, le contractant ne peut invoquer l'imprudence, ni même la négli­gence grave et inexcusable de la victime du dol; que ladite imprudence ou négligence ne saurait avoir pour conséquence de rendre le dol excusable à son tour, ni d'empêcher l'annulation de la convention ou l'octroi de dommages-intérêts.

(31) Cass., 11 avril 1958, Bull. et Pas., 1958, I, 867 et la note R.H.

(32) Cass., 24 m~ 1974, Bull. et Pas., 1974, I, 991.

(33) Cass., 23 sept. 1977, Bull. et Pas., 1978, 1, 100. ~ '

Page 6: 109e ANNEE N° IRIBIJnlJI - KU Leuven

550

La Cour a ainsi parcouru la voie de ce que je crois pouvoir appeler une éthique du droit des obligations. Un'y a là rien de neuf. Ripert n'a-t-il pas traité de la règle morale dans les obligations civiles (34) ?

Cette jurisprudence a été confirmée à deux -reprises, dans des cas fort semblables, à savoir par les arrêts des 6 octobre 1977 et 29 mai 1980 (35) ..

26. - En ce qui concerne les effets des conven­tions à l'égard des tiers, la Cour a élaboré un système juridique cohérent.

Ainsi que la Cour le sait, ce système repose sur la disposition de l'article 1165 du Code civil, aux termes duquel les conventions n'ont d'effet qu'entre les parties contractantes; elles ne nuisent point au tiers et elles ne lui profitent que dans le cas prévu par l'article 1121, c'est-à-dire lorsqu'il y a stipulation pour autrui.

Dès le début du siècle le problème avait été soumis à la Cour et avait donné lieu aux arrêts des 25 mai 1909, 14 avril 1929 et 24 novembre 1932 (36).

Mais c'est surtout depuis la seconde guerre mondiale que la question a connu une évolution considérable (37).

Dans une étude très fouillée, datant de 1959 et parue dans la ·Revue critique de jurisprudence belge, M. le bâtonnier Lucien Simont établissait la distinction entre les effets internes et les effets externes des conventions (38).

27. - Au départ de cette distinction; la Cour a montré dès les années 1960 que l'existence d'une convention peut être opposée à des tiers (39).

Mais en quoi consiste cette opposabilité de l'existence d'une convention?

C'est notamment en matière de concurrence que cette question a fait l'objet d'iniportantes décisions de la Cour.

Par votre arrêt du 3 novembre 1961 (39) vous avez constaté que le juge s'était borné à décider que le monopole de vente, accordé convention­nellement par une société à la défenderesse, s'imposait au demandeur dès le moment où il en avait eu connaissance; que l'arrêt fondait sa décision sur le principe posé d'une manière abso­lue que les tiers sont tenus de s'abstenir d'importer et de vendre des produits lorsqu'ils savent qu'un commerçant a obtenu de son cocon­tractant le monopole d'importation et de vente de ces produits; qu'ainsi l'arrêt décide non seule­ment que l'existence de pareil contrat est opposa­ble aux tiers, mais encore qu'il a pour effet de lier ceux-ci en toute circonstance et, en l'esp·èce, de restreindre la liberté du commerce avec qui­conque.

(34) G. Ripert, La règle morale dans les obligations civiles, Paris, 1936.

(35) Cass., 6 oct. 1977, Bull. et Pas., 1978, 1, 157; Cass., 29 mai 1980, Bull. et Pas., 1980, I, 1190.

(36) Cass., 25 mai 1909, Bull. et Pas., 1909, 1, 272 et les conclusions de M. le procureur général Terlinden; Cass., 11 avril 1929, Bull. et Pas., 1929, I, 156; Cass., 24 nov. 1932, Bull. et Pas., 1933, 1, 19 et les conclusions de M. le procureur général Leclercq.

(37) Cass., 9 mars 1950, Bull. et Pas., 1950, 1, 491.

(38) L. Simont, « Contribution à l'étendue de la responsabilité du tiers complice de la violation d'une obligation contractuelle», R.C.J.B., 1959, pp. 164 et s.

(39) Cass., 17 juin 1960, Bull. et Pas., 1960, I, 1191; Cass., 3 nov. 1961, Bull. et Pas., 1962, 1, 252 et les conclusions de M. le procureur général Dumon, alors avocat général.

Vous avez estimé qu'une telle décision viole l'article 1165 du Code civil.

D'autre part, par votre arrêt du 28 octobre -1963 (40), vous avez décidé que les dispositions du Code civil spécialement celles de l'article 1165, n'empêchent pas que l'existence d'une conven­tion puisse être opposée à des tiers et que le faux, commis dans un acte avec intention frauduleuse ou à dessein de nuire soit punissable, lorsque a:u moment de la perpétration du faux, ledit acte par l'usage qui en serait éventuellement fait, peut léser un intérêt public ou privé.

28. - Depuis, vous avez à maintes reprises décidé qu'il ne résulte pas de l'article 1165 du Code civil qu'une convention soit inexistante

·pour les tiers; un tiers peut notamment se préva­loir de son existence, non pour en réclamer l'exécution, mais pour prouver qu'il a renoncé à une autre convention qui le liait à l'une des parties (41) _ou encore soit pour justifier une action exercée contre l'une. des parties à celle-ci, soit pour se défendre contre l'action qui lui est intentée par l'une d'elles (42).

'.

De plus, l'existence de la convention étant opposable aux tiers, ceux-ci sont tenus, en principe, d'en reconnaître les effets entre les parties contractantes (43). De même, l'article 1165 n'interdit pas de tenir compte, pour apprécier les conséquences de la non-exécution d'un contrat, de l'existence d'une convention entre l'un des contractants et un tiers et des conséquences de cette convention (44).

En revanche, les conventions n'ayant d'effet qu'entre les parties contractantes, un tiers ne peut être débiteur d'une obligation à laquelle seul l'engagement d'une de ces parties a donné nais­sance (45). C'est l'application rigoureuse du texte de l'article 1165.

Faut-il dire que cette jurisprudence est d'une importance considérable dans tout le domaine contractuel ? Elle montre l'intime relation qui existe entre les activités des parties, indépendam­ment même du domaine commercial. Cette juris­prudence consacre elle aussi les interactions qui, dans notre société moderne, caractérisent toutes les relations humaines, tous les rapports sociaux.

29. - Ainsi qu'il ressort des études et des arrêts consacrés à l'application de l'article 1165 du Code civil, c'est aussi sur le. plan de la tierce complicité que le problème de l'opposabilité des conventions aux tiers a été affiné.

Le tiers n'est certes pas tenu par l'obligation d'un producteur de n'exporter et de ne vendre qu'à Pintermédiaire d'un commerçant déterminé, ni de s'abstenir d'exporter et de vendre à tout autre commerçant.

Mais si ayant connaissance ou devant avoir connaissance du contrat auquel il n'est pas partie, il participe à la violation, par une des parties au contrat, des obligations contractuelles qui en . découlent, il commet une faute au sens des articles 1382 et 1383 du Code civil.

(40) Cass., 28 oct. 196?, Bull. et Pas., 1964, 1, 213.

(41) Cass., 10 déc. 1971, Bull. et Pas., 1972, 1, 355.

(42) Cass., 22 avril 1977, Bull. et Pas., 1977, 1, 860; Cass., 29 mai 1974, Bull. et Pas., 1974, I, 998.

(43) Cass., 28 févr. 1985, Bull. et Pas., 1985, 1, 390.

(44) Cass., 23 oct. 1987, Bull. et Pas., 1988, 1, 110.

(45) Cass., 2 avril 1970, Bull. et Pas., 1970, 1, 658.

C'est ce que vous avez décidé par votre arrêt du 22 avril .1983 (46).

En participant avec u~e des parties à la viola­tion des obligations contractuelles auxquelles cette dernière s'était engagée, il s'insère dans le contrat, auquel il devait rester étranger. Il contri­bue à empêcher que ce contrat reçoive pleinement exécution. ·

En l'espèce, le jugement dont appel avait con­sidéré que la demanderesse avait procédé au rachat du véhicule qu'elle avait vendu, nonobs­tant le fait qu'elle (la demanderesse) avait subrogé la société de financement dans tous ses droits et principalement en ce qui concerne son privilège de vendeur d'effets non payés; que par cette subro­gation de la société de financement dans ses droits, la demanderesse a, à tout le moins, sous­crit une obligation, à savoir celle de ne rien entreprendre qui puisse avoir pour effet la perte dudit privilège; que la demanderesse a manqué à cette obligation; qu'elle avait connaissance de l'existence du financement et devait savoir qu'un solde important restait dû à cette société de financement.

Vous avez considéré que le juge du fond avait décidé légalement que la faute aquilienne de la demanderesse résulte de la connaissance qu'elle avait ou devait avoir de la situation existante et du concours qu'elle a néanmoins apporté à la rupture du contrat, et que ces constatations suffi­sent à conclure à la responsabilité de la demande­resse sur la base des articles 1382 et 1383 du Code civil.

Vous avez ainsi contribué à préciser un élément important non seulement de la tierce complicité, mais aussi de la portée de la disposition de l'article 1165 du Code civil, disposition fonda­mentale de la théorie des obligations.

30. - Il est certes à peine besoin de souligner que depuis des décennies, les problèmes que suscite la responsabilité hors contrat n'ont cessé de croître en importance. La Cour a consacré à ceux-ci un nombre considérable d'arrêts qui cons­tituent autant de jalons dans l'un des domaines les plus fertiles en litiges.

Il ne peut éVidemment être question d'en faire ici l'inventaire, ni même une synthèse. Pour mon propos, qui est de montrer la contribution de la Cour à l'édification du droit, dans la multitude de domaines qu'elle est appelée à connaître, il suffira d'en évoquer quelques-uns.

En ce qui concerne l'application de l'article 1384, alinéa 1er, du Code civil.

· Cette disposition contient deux règles : d'une part, celle qui est relative à la notion de garde et de gardien, et, d'autre part, celle qui concerne le vice de la chose.

31. - En ce qui concerne la garde, vous avez par votre arrêt du 6 février 1958 (47) décidé que la garde comporte à côté des pouvoirs de direction et de contrôle, le pouvoir d'usage. Il s'agissait d'une société propriétaire d'un quai, le long du fleuve Congo, et le juge du fond avait constaté que cette société n'avait pas cédé l'exploitation de ce quai à un concessionnaire. Elle en avait l'usage et était dès lors responsable des dommages causés à un tiers.

(46) Cass., 22 avril 1983, Bull. et Pas., 1983, I, n° 462.

(47) Cass., 6 févr. 1958, Bull. et Pas., 1958, I, 616.

Page 7: 109e ANNEE N° IRIBIJnlJI - KU Leuven

. Par vos arrêts des 15 juin 1961 et 15 décembre 1967 (48), vous avez précisé que, dès lors quel'on a le pouvoir d'user de la chose pour son propre compte ou d'en jouir, ou simplement de la con­server, on est le gardien de cette chose, à la condition qu'il soit établi que la même personne 'possède aussi le pouvoir de surveillance, de direc­tion et de contrôle.

Par votre arrêt du 7 mai 1982 (49), vous avez précisé que l'existence d'un lien juridique entre la personne et la chose, telle la qualité de proprié­taire, n'est ni requise ni décisive.

De plus, vous avez décidé que quoiqu'une autre personne ait eu un usage limité d'une chose affectée d'un vice, le propriétaire de cette chose qui devait en assurer l'entretien et l'utilisait avec pouvoir de surveillance, de direction et de con­trôle, en était néanmoins demeuré le gardien (50).

Ainsi s'est établi au sujet de la notion de gardien de la chose, une jurisprudence à présent bien affermie (51).

32. - Quant au vice de la chose~ les nombreux arrêts de la Cour montrent à quel point cette question est délicate.

Par votre arrêt du 6 octobre 1961 (52), vous avez énoncé les principes qui gouvernent la matière et qui expliquent l'importance que les parties au litige attachent à l'application de l'arti­cle 1384, alinéa 1er, du Code civil.

Vous avez en effet souligné que celui qui poursuit, sur la base de l'article 1384, alinéa 1er, du Code civil, la réparation du dommage causé par le fait d'une chose doit prouver, mais doit prouver uniquement que le défendeur à l'action a sous sa garde une chose affectée d'un vice, que le demandeur a subi un dommage et qu'il existe une relation de cause à effet entre ce dommage et le vice de la chose; que d'une telle preuve résulte, à charge dudit défendeur, une présomption de faute à laquelle il ne saurait se soustraire qu'en prouvant une cause étrangère : cas fortuit, force majeure ou fait d'un tiers; qu'il est sans perti­nence que le vice n'aurait pas été découvert par un examen normal, même approfondi de la chose; que même l'ignorance invincible du vice dans le chef de celui qui a la garde de la chose ne peut exonérer celui-ci de la responsabilité.

Pour autant que le vice de la chose soit établi, la responsabilité du gardien est, dès lors, dans la grande majorité des cas, inéluctable et c'est ce qui explique que très souvent la victime fonde sa demande sur cette base et non sur celle des articles 1382 et 1383 aux termes desquels la Victime a la charge de la preuve d'une faute dans le chef du défendeur, preuve qui s'avère parfois beaucoup plus difficile.

33. - La responsabilité du gardien de la chose est donc fort lourde, mais de là aussi l'importance de la notion de vice de la chose.

La Cour s'est attachée à en préciser la portée.

Vous avez par votre arrêt du 27 novembre

(48) Cass., 15 juin 1961, Bull. et Pas., 1961, I, 1126; Cass., 15 déc. 1967, Bull. et Pas., 1968, 1, 515.

(49) Cass., 7 mai 1982, Bull. et Pas., 1982, I, 1023.

(50) Cass., 11 oct. 1985, Bull. et Pas., 1986, 1, n° 86. (51) Cass., 4 avril 1986, Bull. et Pas., 1986, I, n° 478

et les notes 1 et 2; Cass., 29 oct. 1987, Bull. et Pas., 1988, I, n° 124.

(52) Cass., 6 oct. 1961, Bull. et Pas., 1962, I, 152.

1969 (53) très nettement circonscrit ce vice comme étant intrinsèque à la chose, excluant ainsi ce que l'on appelle le vice extrinsèque, qui décou­lerait notamment de l'emplacement d'une chose qui n'est pas vicieuse en soi, mais qui est dange­reuse par l'endroit qu'elle occupe. En d'autres mots, du seul comportement anormal de la chose gardée, ne peut se déduire la preuve du vice de celle-ci.

En l'espèce, il s'agissait d'un tronc d'arbre qui n'était pas affecté en soi d'un vice, mais qui avait été placé à un endroit dangereux pour la circula­tion. Le gardien du tronc d'arbre ne pouvait comme tel être poursuivi sur la base de l'article 1384, alinéa 1er.

L'arrêt du 24 décembre 1970 (54) a été rendu dans un litige portant sur les conséquences d'un incendie qui trouvait son origine dans un charge­ment de paille qui avait pris feu et avait provoqué l'incendie de plusieurs immeubles. La Cour a considéré que, dès lors que l'origine de l'incendie de la paille n'était pas établie et que rien ne prouvait que cette paille était atteinte d'un vice, il ne pouvait être décidé de rendre le gardien de cette paille responsable du dommage sur la base de l'article 1384, alinéa 1er.

L'arrêt du 12 février 1976 (55) présente un intérêt certain parce qu'il s'agissait d'un accident survenu dans une darse du port de Gand, des madriers flottant entre deux eaux ayant endom­magé l'hélice d'un navire. La Cour a considéré que le juge avait légalement décidé que la darse était atteinte d'un vice intrinsèque, les madriers

_ ne pouvant être isolés de l'eau.

Le litige à l'occasion duquel fut rendu l'arrêt du 19 janvier 1978 (56) concernait un dommage survenu à la cliente d'un hôtelier, qui avait glissé à uh endroit où de la crème glacée avait été répandue par suite de la maladresse ou de la négligence, vraisemblablement d'un autre client.

Le juge d'appel avait déchargé l'exploitant de l'hôtel de toute responsabilité estimant que par vice d'une chose, il faut entendre un élément permanent, inhérent à celle-ci, à l'exclusion de toute intervention d'un tiers étranger à sa fabrica­tion, et à sa fonction telle quelle, en vue d'un usage bien défini.

Vous avez cassé cette décision en décidant que, contrairement à ce qu'affirmait l'arrêt attaqué, le vice de la chose -dont le gardien de celle-ci est responsable en vertu de l'article 1384, alinéa 1er, du Code civil, n'est pas uniquement un élément permanent, inhérent à la chose, et survenu en dehors de toute intervention d'un tiers (57).

Aux termes de votre arrêt du 18 septembre 1980 (58), le juge ne Justifie pas légalement sa décision lorsqu'il se borne à déduire le caractère

(53) Cass., 27 nov. 1969, Bull. et Pas., 1970, I, 277 et les conclusions de M. le procureur général Ganshof van der Meersch.

(54) Cass., 24 déc. 1970, Bull. et Pas., 1971, I, 391.

(55) Cass., 12 févr. 1976, Bull. et Pas., 1976, I, 652.

(56) Cass., 19 janv. 1978, Bull. et Pas., 1978, I, 582 et les conclusions de M. le procureur général Dumon, alors premier avocat général.

(57) Une décison identique revient encore dans l'arrêt ·du 20 février 1987 (Bull. et Pas., 1987, I, n° 370), aux termes duquel le vice de la chose n'est pas exclusivement un élément permanent inhérent à la chose, existant ou survenant en dehors de toute intervention de l'homme. Un tel vice ne peut être exclu légalement sur la base de la seule constatation que la présence d'un objet étranger à laquelle est attribué le vice de la chose, provient d'un élément extérieur dû au fait de l'homme.

(58) Cass., 18 sept. 1980, Bull. et Pas., 1981, I, 71.

551

vicieux de la chose de l'existence du dommage, sans rechercher si ce dommage provenait d'un défaut de la chose ayant produit ce dommage.

Peu de temps après, par votre arrêt du 7 novembre 1980 (59), vous décidiez que du fait -que des chariots, mis à la disposition de la clientèle d'un grand magasin, sur un emplace­ment où ceux-ci peuvent être laissés par les clients, se trouvaient à des endroits mal choisis ou inefficaces, ne peut être déduit que cet emplace­mènt, considéré par le juge comme constituant avec les chariots une chose, était affecté d'un vice.

De même par votre arrêt du 6 mars 1981 (60), vous avez décidé que de la seule constatation de la présence de déchets de légumes sur le sol du rayon de légumes d'un grand magasin, le juge ne peut légalement déduire que l'état de ce rayon est

. anormal et que la chose est ainsi affectée d'un vice engageant la responsabilité de celui qui l'a sous sa garde.

Ce caractère anormal de la chose est spéciale­ment souligné dans l'arrêt du 19 septembre 1985 (61). Vous avez, en effet, décidé que la chose· est affectée d'un vice, si elle présente une caractéristique anormale qui la rend en certaines circonstances susceptible de causer un préjudice.

C'est sans doute en vous inspirant de ce consi­dérant que par votre arrêt du 22 novembre 1985 (62) vous avez décidé que le juge constate légalement que le rayon d'un grand magasin est affecté d'un vice lorsque le sol en est rendu exceptionnellement glissant par une tache d'huile qu'un client normalement attentif peut difficile­ment apercevoir et qui ne constitue pas un phénomène quotidien auquel les clients doivent raisonnablement s'attendre et qu'ils doivent pou­voir éviter.

D'autre part, le 5 décembre 1985 (63), vous avez décidé que le juge avait légalement constaté qu'une autoroute n'était pas affectée d'un vice lorsqu'une nappe d'eau qui l'avait recouverte n'était pas due à une obstruction des égouts, mais au fait que l'eau proyenait d'une pluie torrentielle violente et s'écoulait difficilement à cause des détritus recouvrant les ,grilles des avaloirs.

Toutefois selon votre arrêt du 26 JUIIl

1986 (64), le juge ne peut légalement déduire le vice du sol de la présence anormale d'un objet s'il ne ressort pas de ses constatations que l'état du sol est lui-même anormal.

Vous avez considéré que de la seule circons­tance qu'un panneau de circulation routière, renversé par le vent, obstruait la piste cyclable et constituait pour un cyclomotoriste un obstacle imprévisible, le juge ne pouvait légalement déduire l'existence d'un vice de ce panneau et mettre la responsabilité des dommages causés au cyclomotoriste à charge de l'Etat, gardien de la chose (65).

(59) Cass., 7 nov. 1980, Bull. et Pas., 1981, 1, 291.

(60) Cass., 6 mars 1981, Bull. et Pas., 1981, 1, 737.

(61) Cass., 19 sept. 1985, Bull. et Pas., 1986, 1, n° 37 et les conclusions de M. le premier avocat général Velu, alors avocat général.

(62) Cass., 22 nov. 1985, Bull. et Pas., 1986, 1, n° 201.

(63) Cass., 5 déc. 1985, Bull. et Pas., 1986, I, n° 234. (64) Cass., 26 juin 1986, Bull. et Pas., 1986, 1,

n° 676. (65) Cass., 11 oct. 1984, Bull. et Pas., 1985, I,

n° 116.

;:;:;:;,;;;:;:::;:;;;:~;;;;;:;;;;;;::::;:::::::::::::::::::::::::::::::;:;:;:;:::;:::::;;~;:;;:;:;::;;;;::;;;;~:;::'.: ;.

Page 8: 109e ANNEE N° IRIBIJnlJI - KU Leuven

552

D'autre part, par votre arrêt du 27 février 1987 (66), vous avez considéré qu'en constatant qu'un bloc de béton, heurté par une voiture, faisait partie de la chaussée au moment de l'acci­dent, que par la présence de ce bloc la chaussée ne répondait plus à ce qu'on pouvait en exiger et que sans ce vice, l'accident ne se serait pas produit, le juge a légalement justifié sa décision que le gardien de cette chose était responsable du dom­mage causé par le fait de la chose.

Précisant sa pensée à cet égard, · la Cour a décidé que « lorsque le juge du fond tient pour acquis qu'une chaussée formait un complexe, dont la graisse animale faisait partie, et précise qu'en raison de la présence de cette graisse sur la chaussée, l'état de celle-ci ne répondait plus aux exigences que l'on pouvait en attendre, il justifie légalement sa décision en ce que la chaussée ne répondait plus à une structure inoffensive normale, c'est-à-dire qu'en raison de la présence de cette graisse, la chaussée présentait un carac­tère anormal pouvant causer un dommage et affectant sa structure » (67)~

Enfin, le 30 décembre 1988 (68) vous avez décidé qu'en constatant que des restes de crème souillant le sol du rayon de parfumeriè d'un grand magasin doivent être considérés en l'espèce, comme un corps étranger, intrinsèque­ment lié au sol, affectant la structure normale de celui-ci, à laquelle les usagers pouvaient s'atten­dre et en constatant que la présence anormale de ces restes de crème glacée était la cause de la glissade et de la chute, la cour d'appel avait légalement justifié sa décision que celui qui avait la garde du sol était responsable du dommage causé par le fait de la chose qu'il avait sous sa garde.

34. - Si j'ai rappelé d'une manière assez détaillée l'ensemble de cette jurisprudence, c'est pour préciser l'importance que revêtent les déci­sions de la Cour pour les juges du fond et pour montrer aussi les difficultés que présente l'élabo­ration de critères objectifs qui sont susceptibles de résoudre la multitude de cas qui se produisent dans la pratique quotidienne.

En présence d'une disposition qui a un carac­tère très général et certes imprécis, il appartient à la Cour de définir les critères qui permettront aux juges du fond d'orienter leurs décisions dans un sens précis et bien délimité. ·

Certes, en l'espèce, des lignes directrices existent, mais il n'en reste pas moins des zones d'ombre que la Cour -s'efforcera, sans doute, de dissiper à l'avenir.

35. - En ce qui concerne la responsabilité des parents et des i~stituteurs et éducateurs du chef des actes commis par des enfants mineurs, vous avez à maintes reprises décidé que celle-ci repose sur une faute, soit dans la surveillance soit dans l'éducation (69).

(66) Cass., 27 févr. 1987, Bull. et Pas., 1987, I, n° 385.

(67) Cass., 4 juin 1987, Bull. et Pas., 1987, l, n° 596 et les conclusions de M. l'avocat général Declercq, publiées dans A. C., sous le même numéro; cons. dans le même sens, Cass., 27 févr. 1987, Bull. et Pas., 1987, I, n° 385.

(68) Cass., 30 déc. 1988, Bull. et Pas., 1989, I, n° 254.

(69) Cons. Cass., 28 oct. 1971, Bull. et Pas., 1972, I, 200 et les conclusions de M. le procureur général Ganshof van der Meersch; Cass., 30 mai 1984, Bull. et Pas., 1984, I, n° 561.

Vous avez toutefois précisé que cette responsa­bilité requiert que le dommage ait été causé par un acte objectivement illicite du mineur, c'est-à-dire qu'il s'agit d'un acte que le mineur n'avait pas le droit de commettre et qui aurait engagé la responsabilité personnelle de son auteur, si celui­ci avait été majeur. Le manque de discernement du mineur n'exclut donc pas que celui-ci puisse commettre un tel acte (70).

Les mêmes principes sont applicables à la responsabilité d'un instituteur. Cette responsabi­lité est aussi subordonnée à la condition que le dommage causé à autrui l'ait été par un acte illicite de l'élève se trouvant sous sa surveil­lance (71).

36. - Dans un domaine certes très différent, mais non moins important en pratique, la juris­prudence de la Cour a encore contribué à l'édifi­cation du droit, même si cette jurisprudence n'a pas recueilli l'adhésion de tous les intéressés. Il s'agit de la clause pénale.

Cette question elle aussi a fait l'objet de nom­brell?C arrêts.

On relève notamment l'arrêt du 3 novembre 1955 aux termes duquel la clause pénale stipulée dans une convention pour l'inexécution de celle­ci, même due à la force majeure, est valable. En note de cet arrêt, M. le procureur général Hayoit de Termicourt soulignait que la clause pénale n'est point comme son nom pourrait le faire croire une survivance de la stipulatio poenae du droit romain; elle est uniquement une convention sur les dommages-intérêts. Ceci explique que le ç:lébiteur peut valablement prendre à sa charge le cas fortuit (7_2).

C'est en ce sens qu'il faut comprendre l'arrêt du 17 avril 1970 (73). Vous avez décidé, d'une part, que lorsque le juge décide que la somme stipulée à titre de clause pénale ne peut être une réparation du dommage, il peut légalement en déduire qu'il ne s'agit pas d'~ne clause pénale et que les dispositions· de l'article 1152 du Code civil ne sont pas applicables; et d'autre part, que lorsque le juge décide que la clause vise nécessai­rement autre chose que la détermination d'une indemnité parce que la réparation du dommage est fixée à un montant à tel point élevé que le manquement du débiteur procure au créancier un bénéfice plus important que l'exécution normale du contrat, tout indique que l'on spécule en fait sur la non-exécution des obligations contractuel­les; qu'en ce cas, il décide ainsi légalement qu'une telle claus'e est contraire à l'article 6 du Codé civil.

Cette jurisprudence a été à maintes reprises confirmée par la Cour (74). Celle-ci a cherché ici aussi à faire régner un juste équilibre entre les droits des créanciers et ceux des débiteurs et elle a

(70) Cass., 7 mars 1957, Bull. et Pas., 1957, I, 806 et les conclusions de M. le procureur général Hayoit de Termicourt; Cass., 28 oct. 1971, Bull. et Pas., 1972, l, 200.

(71) Cass., 4 déc. 1970, Bull. et Pas., ,1971, I, 311. (72) Cass., 3 nov. 1955, Bull. et Pas., 1956, l, 202 et

la note signée R.H.

(73) Cass., 17avril 1910,Bull. etPas., 1970, I, 711 et les conclusions du ministère public, publiées dans A.C., 1970, pp. 755 et S.

(74) Cass., 24 nov. 1972, Bull. et Pas., 1973, I, 297; Cass., 8 févr. 1974, Bull. et Pas., 1974, I, 597; Cass., 11 oct. 1974, Bull. et Pas., 1975, l, 177; Cass., 17 juin· 1977, Bull. et Pas., 1977, I, 1059; Cass., 16 sept. 1983, Bull. et Pas., 1984, l, n° 31; Cass., 2 déc. 198.3, Bull. et Pas., 1984, I, n° 187; Cass., 3 oct. 1986, motifs, Bull. et Pas., 1987, I, n° 64; Cass., 15 janv. 1988, Bull. et Pas., 1988, I, n° 295.

ainsi contri!:mé à régler une question qui avait donné lieu à de nombreux litiges et avait été jugée en sens divers. C'est en cela que consiste l'un de ses rôles essentiels.

37. - Il n'est peut-être pas sans intérêt non plus de rappeler, tant dans le domaine du droit civil que du droit commercial, qu'en matière de cautionnement, vous avez dècidé, le 21 février 1980, que lorsque p_lusieurs personnes ont solidai­rement cautionné un même débiteur pour une même dette, la caution solidaire qui acquitte la dette, dans l'un des cas énoncés à l'article 2032 du Code civil, et est conventionnellement subrogée aux droits du créancier, a recours contre les autres cautions, mais chacune pour sa part et portion seulement; la subrogation est sans influence sur l'obligation, pour la caution solidaire qui a payé, de diviser son recours contre les autres cautions solidaires (75).

Il faut souligner ici qu'au départ d'une disposi­tion légale, l'article 2033 du Code civil, qui énonce un principe général, la Cout a, en se fondant sur les principes qui gouvernent la solida­rité et la subrogation, énoncé une règle applicable à un cas particulier fort important pour la prati­que des affaires.

Cet exemple, parmi bien d'autres, montre que si la loi, même lorsqu'elle énonce un principe général, peut néanmoins présenter des lacunes, de telles lacunes n'existent pas en droit et que, dès lors, il appartient aux tribunaux et notamment à la Cour, d'en déterminer la portée exacte.

C'est ainsi que la Cour contribue à la sécurité juridique.

38. - Dans le même ordre d'idées, il faut citer vos arrêts des 10 novembre 1967 et 28 septembre-1972 (76) qui ont statué sur la question très importante du privilège du vendeur de machines, appareils, outillage ou autre matériel d'équipe­ment professionnel, employés dans les entreprises industrielles, commerciales ou artisanales.

Il a été décidé que ce privilège est opposable aux autres créanciers et, notamment, au créancier nanti d'un gage sur le fonds de commerce du débiteur, lorsque ces créanciers ont connaissance du non-paiement du prix de l'objet vendu, la preuve de cette connaissance pouvant résulter du dépôt au greffe du tribunal de commerce de la copie de la facture, conformément aux disposi­tions de l'article 20, 5°, de la loi hypothécaire, sans qu'il y ait lieu de distinguer suivant que le dépôt de cette copie a été fait antérieurement ou postérieurement à l'inscription du gage. La Cour ne paraît pas avoir statué définitivement sur la question si pour être opposable au créancier gagiste, la livraison du bien vendu doit avoir lieu après le dépôt de la facture, lorsque l'inscription du gage est antérieure.

La Cour a ainsi au moins partiellement réglé un problème de concours dans le domaine fort com­plexe du crédit.

39. - Sur le même plan, dans le domaine du droit commercial, votre arrêt du 9 septembre 1966 (77) a statué sur un important problème relatif à l'application de l'article 89 de la loi maritime. Si aux termes de cette disposition, le porteur du connaissement a seul le droit de se

(75) Cass., 21 févr. 1980, Bull. et Pas., 1980, I, 749 et les conclusions de Mme l'avocat général Liekendael.

(76) Cass., 10 nov. 1961,-Bull. et Pas., 1968, I, 343; Cass., 28 sept. 1972, Bull. et Pas., 1973, l, 103.

(77) Bull. et Pas., 1967, I, 30 et la note 1, pp. 30 et 31.

Page 9: 109e ANNEE N° IRIBIJnlJI - KU Leuven

faire délivrer le chargement par le capitaine, ce droit implique, en principe, le droit à indemnité en raison du manquant ou de l'avarie. Toutefois, lorsqu'en vertu du contrat avenu entre le vendeur qui a conclu la charte'-partie et les acheteurs, qui se sont fait délivrer la marchandise, comme porteurs des connaissements, le risque du trans­port est à charge du vendeur et lorsque les -porteurs du connaissement, au lieu d'exercer une action en dommages-intérêts contre le trans­porteur, préfèrent se faire indemniser par le vendeur, l'article 89 précité ne fait pas obstacle à une action en dommages-intérêts du vendeur contre le capitaine, fondée sur les dispositions de· la charte-partie.

Cet arrêt mettait ainsi un terme à une longue controverse en doctrine (78).

40. - Pour bien situer les rapports qui existent et doivent exister entre l'activité de la Cour et celle du législateur, il me paraît intéressant de citer l'arrêt du 22 mars 1962 (79) en matière d'actions dirigées contre une société mère en liquidation et· dissoute à la suite de la réunion de toutes les actions entre les mains d'un seul associé.

Dans ses conclusions précédant cet arrêt, M. le procureur général Ganshof van der Meersch, alors avocat général, avait mis l'accent sur la considération qu'une société suppose nécessaire­men~ plusieurs associés. Il disait notamment : « le caractère contractuel de la société com­merciale prime ici sa nature institutionnelle pour des raisons d'ordre public, puisque toute autre solution permettrait à l'actionnaire de se créer plusieurs personnalités distinctes » et il citait l'avis donné en 1891 par M. Servais, à l'époque substitut du procureur du Roi, à savoir « qu'une société ne se conçoit pas sans associés »et« il n'y a plus d'associés là où un seul individu (est) investi de tous les droits qu'avaient auparavant les associés ».

Il est permis de souligner qu'aujourd'hui ces considérations ont perdu une grande partie de leur portée, le législateur ayant lui-même institué la société d'une personne (80) et ayant par là même exclu que l'ordre public puisse encore être invoqué pour considérer qu'il n'est pas admissi­ble qu'un actionnaire puisse se créer plusieurs personnalités distinctes, ou au moins puisse être titulaire de deux patrimoines indépendants l'un de l'autre.

L'arrêt du 22 mars 1962 n'en a pas moins gardé son importance lorsqu'il décide·« qu'à l'égard des créanciers sociaux, la réunion, en cours de liquidation entre les mains d'un seul associé, de toutes les actions de la société dissoute n'entraîne pas, par elle-même et à elle seule, la clôture de la liquidation et le transfert de l'actif de la société dans le patrimoine personnel du propriétaire de tous les titres et, par suite, la disparition de la personnalité juridique de l'être social ».

A supposer même que ce transfert ait lieu à la suite d'un acte de l'actionnaire propriétaire de toutes les actions, aux termes duquel il déclare que la liquidation est clôturée et qu'il est investi de tout l'actif de la société et sera tenu de tous les engagements de celle-ci, encore les tiers créanciers

(78)" Demeur, Annales de la Faculté de droit de Louvain, t. Il, p. 156; Van Bladel, Le contrat de trans­port par bateaux d'intérieur et l'affrêtement en séj(Jur, t. 1, pp. 221 et s.; Heenen, Vente et commerce mari­time, n°5 35 à 39.

(79) Cass., 22 mars 1962, Bull. et Pas., 1962, 1, 807.

(80) Voy. la loi du 14 juillet 1987 relative à la société d'une personne à responsabilité limitée ..

de ladite société peuvent-ils continuer à exercer leurs actions contre la société, en la personne de ses liquidateurs, pour autant que la prescription quinquennale ne soit pas acquise par l'écoule­ment de cinq années à partir de la publication de la clôture de la liquidation (art. 194, L. coord. des soc. comm.).

Les diverses questions ainsi résolues par l'arrêt restent donc d'actualité.

L'arrêt montre l'apport important de la juris­prudence de la Cour et de surcroît les inter­férences qui existent nécessairement avec l' œuvre législative.

41. - Le problème dé la faillite a donné lieu à une jurisprudence d'autant plus importante que les décisions des tribunaux de commerce en matière de faillite sont au cours des décennies qui viennent de s'écouler devenus particulièrement nombreuses.

Par votre arrêt du 1er juin 1979 (81), vous avez statué sur la qll:estion de l'extension de la faillite d'un commerçant à une autre personne, le plus souvent gérant ou administrateur d'une société déclarée en faillite. Tel avait été le cas qui avait donné lieu à l'arrêt précité. La cour d'appel s'était fondée sur le fait qu'il existait des indices sérieux de confusion entre le patrimoine de la gérante d'ùne société et le patrimoine de cette société, déclarée en faillite.

Vous avez décidé que ce fait ne constituait pas la constatation qu'à la date de la mise en faillite de cette gérante ou pendant les six mois qui précédaient cette date, cette gérante était com­merçante, ni qu'elle avait en cette qualité cessé ses paiements et que son crédit était ébranlé.

En d'autres termes, vous avez décidé ainsi que pour « étendre » la faillite à un tiers, il faut que les conditions de la faillite soient aussi remplies dans le chef de ce tiers.

Aussi en matière· de faillite, vous avez décidé par un important arrêt du 26 novembre 1981 (82) que les créanciers d'une société commerciale qui a obtenu un concordat judiciaire, dont la créance est née postérieurement à l'homologation du concordat, et qui sont des créanciers de la masse, ont le droit, même s'ils ne disposent pas d'une sûreté réelle ni d'un privilège spécial, de faire procéder à des actes d'exécution individuels sur les biens de la masse.

Il y aurait certes encore beaucoup à dire en matière de faillite. Ce ne sont là que deux exem­ples qui m'ont paru d'autant plus importants qu'ils concernent le droit matériel de la faillite et non la procédure. Je ne puis cependant exposer ici ce problème d'une manière complète.

* * * 42. - Le droit social, qu'il s'agisse du droit du

travail ou du droit de la sécurité sociale a lui aussi connu au cours des décennies qui ont suivi la deuxième guerre, une courbe ascendante.

Qu'il me soit permis d'én préciser quelques aspects auxquels la Cour a eu spécialement égard.

Le contrat de travail a subi, depuis la loi originaire du 10 mars 1900, de profondes modifi­cations.

Sous l'empire de cette loi, ce contrat était défini comme étant une convention par laquelle un ouvrier s'engageait à travailler sous l'autorité, la

(81) Cass., 1er juin 1979, Bull. et Pas., 1979, 1, 1129.

(82) Cass., 26 nov. 1981, Bull. et Pas., 1982, I, 426 et les conclusions de Mme l'avocat général Liekendael.

553

direction et la surveillance d'un employeur moyennant une rémunération à fournir par ce dernier.

La Cour a, par plusieurs arrêts, montré que l'exercice de l'autorité implique le pouvoir de_ direction et de surveillance, même si ce pouvoir n'est pas effectivement exercé (83).

A la suite de cettejurisprudence, le législateur a supprimé les mots « direction et surveillance » dans la définition du contrat de travail qui figu­rait dans la loi du 3 juillef 1978 (84) relative aux contrats de travail.

La jurisprudence de la Cour montre que l'exercice de cette autorité peut être assez limité (85).

Il en est ainsi notamment en ce qui concerne l'administrateur d'une société, même l'adminis­trateur délégué, qui exerce aussi des fonctions d'employé dans ladite société (86).

Vous avez ainsi décidé, sur la base de la jurisprudence précitée, relative à la définition du contrat de travail, que l'administrateur d'une société anonyme qui est chargé de la gestion journalière, est lié par un contrat de travail lorsqu'il s'occupe de la gestion journalière sous. l'autorité d'un organe, d'un autre administrateur ou d'un préposé de la société (87).

La jurisprudence de la Cour est ainsi en accord avec l'évolution non seulement des rapports sociaux mais aussi avec les pratiques de la vie des sociétés commerciales. Il est remarquable de sou­ligner ici l'approbation que lui a donné le législa­

·teur.

43. - Dans le même ordre d'idées, il faut signaler l'importante jurisprudence de la Cour consacrée à la notion de rémunération. Cette notion joue en effet un rôle essentiel en matière de sécurité sociale.

Vous avez décidé, aux termes d'une jurispru­dence bien établie, que la rémunération est la contrepartie du travail effectué en exécution d'un contrat de travail (88).

Toutefois, la loi du 12 avril 1965 a donné à la notion de rémunération une portée plus large, en ce sens que doivent être considérés comme rémunérations, tous les avantages auxquels le travailleur a droit « en raison de son engage­ment».

Aussi la Cour a-t-elle été amenée à donner à sa définition une portée plus large, lorsqu'il s'agit de l'application de la loi de 1965. C'est ainsi qu'elle considère comme « rémunérations » les indemni-

(83) Cass., 26 sept. 1973, Bull. et Pas., 1974, 1, 84 et les conclusions de M. l'avocat général Lenaerts dans J.T.T., 1974, p. 11; Cass., 19 déc. 1977, Bull. et Pas., 1978, 1, 451 et Cass., 18 mai 1981, Bull. et Pas., 1981, I, 1079.

(84) Voy. la loi du 17 juillet 1985 modifiant la loi du 3 juillet 1978 relative aux contrats de travail.

(85) Cass., 16 janv. 1978, Bull. et Pas., 1978, 1, 551 et les conclusions de M. l'avocat général Lenaerts dans A.C., 1977, p. 577.

. (86) Cass., 4 mars 1965, BuŒ et Pas., I, 675; Cass., 28 mai 1984, Bull. et Pas., 1984, I, n° 548.

(87) Cass., 28 mai 1984, Bull. et Pas., 1984, I, n° 548 et les conclusions de M. Pavocat général Lenaerts publiées dans A.C., 1983/1984, n° 548; Cass., 30 mai 1988, Bull. et Pas., 1988, 1, n° 596.

(88) Cass., 20 avril 1977, Bull. et Pas., 1977, 1, 854 et les conclusions de M. l'avocat général Lenaerts publiées dans R. W., 1977-1978,"col. 871 et J. T.T., 1977, p. 180.

. :

Page 10: 109e ANNEE N° IRIBIJnlJI - KU Leuven

554

tés de préavis (89), les rémunérations afféren­tes aux jours fériés (90), les indemnités de fermeture (91), les indemnités pour frais de voyage (92), les indemnités d'éviction (93) et les primes de fin d'année (94).

44. - Sur le plan de la construction juridique, la jurisprudence de la Cour en matière de grèves est particulièrement importante.

Alors que cette question n'est pas réglée par la loi, la Cour distingue deux ordres d'idées : d'une part, le droit à la grève, d'autre part, les effets de la grève sur le contrat de travail. L'un implique nécessairement l'autre.

Par votre arrêt du 21 décembre 1981 (95), vous avez décidé qu'en cas de grève, le travailleur a le droit de ne pas remplir ses obligations con­tractuelles. La participation à une grève n'est donc en soi pas illicite. Il en est ·de même d'un lock-out dans le chef de l'employeur (96).

Quant aux effets de la grève sur le contrat de travail, votre arrêt du 23 novembre 1967 (97) avait ouvert la voie à la solution aux termes de laquelle la grève n'implique pas en soi la rupture du lièn contractuel. Votre arrêt du 14 avril 1980 (98) a décidé que la grève en soi ne met en aucun cas fin au contrat de travail.

45. - Enfin, en matière d'accidents du travail, la jurisprudence de la Cour est d'autant plus importante que le législateur lui a manifestement laissé le soin de définir, tant · 1a notion même d'accident du travail que celle d'accident sur le chemin du travail.

Si l'arrêt du 26 mai 1967 (99) avait défini l'accident du travail comme étant l'événement soudain qui produit une lésion corporelle entraî­nant une incapacité de travail ou la mort du travailleur, et dont la cause, ou l'une des causes est extérieure à l'organisme de la victime, vous avez décidé par votre arrêt du 28 mai 1979 (1 OO) que la victime ou ses ayants droit ne doivent pas prouver que la cause ou l'une des causes de l'accident est extérieure à l'organisme de la victime.

Au départ et dans la ligne de ces arrêts, une jurisprudene importante tant de la Cour que des juges du fond, s'est développée.

(89) Cass., 5 déc. 1977, en audience plénière, Bull. et Pas., 1978, 1, 174; Cass., 25 janv. 1988, Bull. et Pas., 1988, 1, n° 316; Cass., 12 sept. 1988, Bull. et Pas., 1989, 1, n° 22.

(90) Cass., 19 janv. 1981, Bull. et Pas., 1981, I, 523.

(91) Cass., 13 oct. 1986, Bull. et Pas., 1987, I, 79.

(92) Cass., 24 mai 1972, Bull. et Pas., 1972, I, 880.

(93) Cass., 5 déc. 1977, Bull. et Pas., 1978, 1, 387.

(94) Cass., 18 déc. 1974, Bu/(. et Pas., 1975, I, 425 et les conclusions .de M. l'avocat général Lenaerts dans J.T.T., 1975, p. 53; Cass., 20 avril 1977, Bull. e~ Pas., 1977, 1, 854; Cass., 3 avril 1978, Bull. et Pas., 1978, 1, 850; Cass., 26 févr. 1979-, Bull. et Pas., 1979, 1, 764 et Cass., 29 oct. 1979, Bull. et Pas., 1980, I, 274. ·

(95) Cass., 21 déc. 1981, Bull. et Pas., 1982, 1, 531.

(96) Cass., 7 mai 1984, Bull. et Pas., 1984, I, n° 512.

(97) Cass., 23 nov. 1967, Bull. et Pas., 1968, l, 393 et les conclusions de M. l'avocat général Colard dans J.T.T., 1968, p. 41.

(98) Cass., 14 avril 1980, Bull. et Pas., 1980, I, 997.

(99) Cass., 26 mai 1967 en audience plénière, Bull. et Pas., 1967, I, 1138 et les conclusions de M. le procureur général Ganshof van der Meersch, alors premier avocat général.

(100) Cass., 28 mai-1979, Bull. et Pas., 1979, 1, 1111.

Le rôle de la Cour dans la construction du droit a donc ici aussi été prépondérant, en conformité d'ailleurs à cet égard avec le vœu exprimé par le législateur (101).

* * * 46. - Délaissant le domaine du droit privé, je

voudrais aborder celui du droit public. Dans ce domaine aussi, la jurisprudence de la Cour est particulièrement importante.

La fonction de juridiction a fait l'objet de plusieurs arrêts · dans le courant de la période considérée.

Par votre arrêt du 26 septembre 1950 (102), vous avez décidé implicitement qu'une décision d'une députation permanente d'un conseil pro­vincial, statuant en matière de « dijkgeschot­ten », qui ne permet pas à la Cour de vérifier pour quel motif elle considère que la réclamation du redevable est tardive, n'est pas motivée au vœu de l'article 97 de la Constitution.

Vous avez ainsi décidé que les décisions des députations permanentes relatives aux réclama­tions en matière de taxes sont des jugements et doivent, dès lors, être motivés (103).

Par votre arrêt du 18 janvier 1966 (104), vous avez ajouté que ces juridictions ne sont pas soumises à la règle constitutionnelle de la publi­cité, celle-ci n'étant applicable qu'aux juridic­tions appàrtenant au pouvoir judiciaire.

47. - C'est toutefois celui du 21 décembre 1956 (105) qui constitue l'un des arrêts les plus importants que la Cour ait rendu sur ce difficile problème. Précédé d'importantes conclusions de M. le procureur général Ganshof van der Meersch, alors avocat général, cet arrêt a défini la notion de juridiction en décidant que les constata~ tions qui ont pour objet des droits subjectifs relèvent non de l'administration active, mais de la juridiction; et « que celles qui portent sur des droits civils sont exclusivement du ressort des tribunaux », et la Cour a précisé « qu'une juri­diction contentieuse administrative ne peut être établie qu'en vertu d'une loi, quels que soient les droits politiques sur lesquels portent les contesta­tions qui lui sont soumises ». Ainsi se trouvait réglé le statut légal des nombreuses commissions administratives qui avaient notamment_à connaî­tre des litiges en matière de sécurité sociale. Cette dernière question a toutefois perdu presque tota­lement son intérêt depuis l'institution, par la loi, des tribunaux du travail et leur insertion au sein du pouvoir judiciaire.

C'est encore en ce sens que la Cour s'est prononcée le 22 mai 1969 (106). Il s'agissait du recours formé par une société mutuelle tendant à récupérer à charge d'un assuré les sommes qu'elle lui avait payées indûment. La cour d'appel s'était déclarée incompétente, parce qu'elle estimait que le litige relevait d'une juridiction administrative, même s'il s'agissait d'un droit civil. Vous avez cassé cette décision parce que seuls les tribunaux

(101) Ann. pari., Sénat, 1970-1971, 9 et 10 févr. 1971, pp. 805 et 845.

(102) Cass., 26 sept. 1950, Bull. et Pas., 1951, I, 27 et la note W.G., p. 29.

(103) Cette jurisprudence a été approuvée et con­firmée par la loi du 23 décembre 1986 en matière de taxes communales, provinciales ·et locales.

·· (104) Cass., 18 janv. 1966, Bull. et Pas., 1966, I, 644 et la note.

(105) Cass., 21 déc. 1956, Bull. et Pas., 1957, 1, 430 et les conclusions.

(106) Cass., 22 mai 1969, Bull. et Pas., 1969, I, 862.

du pouvoir judiciaire sont compétents pour con­naître de tels litiges ( 107).

48. - Ce problème de la distinction entre droit civils et politiques, intimement lié à la compétence d,u pouvoir judiciaire, a donné lieu à maints arrêts importants.

Le 16décembre1965 (108), la Cour fut amenée à décider qu'une contestation qui a pour objet la réparation pécuniaire de la lésion d'un droit fût-il politique, relève de la seule compétence des tribu­naux.

Il s'agissait, en l'espèce, d'un fonctionnaire de la société nationale du ·logement qui avait été licencié en raison d'une suppression d'emploi et

· qui soutenait, d'une part que l'administration avait négligé d'informer les autres établissements publics qu'il avait été licencié par suppression d'emploi et, d'autre part, qu'un autre fonction­naire, moins ancien que lui, avait été repris ultérieurement en service. Ce fonctionnaire avait introduit un recours au Conseil d'Etat en vue d'obtenir l'annulation des actes accomplis en violation de ses droits, mais simultanément, il avait introduit une demande en indemnité devant le tribunal de première instance de Bruxelles en réparation du préjudice matériel et moral résultant du licenciement. La cour d'appel avait considéré que le tribunal avait excédé ses pouvoirs en faisant droit à la demande d'indemnité. C'est cette décision que vous avez cassée, par les motifs qui viennent d'être rappelés.

Vous avez ajouté que, ni l'appréciation de la faute, ni celle du préjudice causé par celle-ci n'échappent à la compétence du pouvoir judi­ciaire au cas où la lésion du droit vanté pouvait trouver sa source dans l'excès de pouvoir d'une autorité administrative et donner lieu à l'annula­tion de l'acte accompli par cette autorité, si une requête à cette fin était introduite devant le Conseil d'Etat.

Votre arrêt du27 novembre 1969 (109) a défini les droits des travailleurs en matière· de sécurité sociale, en précisant que le droit du travailleur aux prestations de l'assurance maladie-invalidité et, partant, l'obligation imposée à so~ employeur de lui fournir les documents nécessaires à cette fin, ne résultent point du contrat de travail qui les lie; que ce droit est un droit politique né des rapports entre l'administré comme tel et la puis­sance publique et trouve son seul fondement dans les dispositions légales et réglementaires qui le créent et l'organisent.

49. - La Cour exerce, on le sait, un contrôle sur la légalité des arrêtés et règlements, notam­ment du pouvoir exécutif, conformément à l'arti­cle 107 de la Constitution. Mais c'est aussi par le biais de la responsabilité hors contrat que la Cour a exercé ce contrôle.

Par l'arrêt du 23 avril 1971 (110), la Cour a décidé que la lésion, non seulement d'un droit civil, mais notamment celle, aussi d'un droit politique, peut constituer le dommage qui, dans

(107) La question qui faisâit l'objet de ce litige relèverait aujourd'hui, en toute hypothèse, du pouvoir judiciaire, étant donné l'institution des juridictions du travail.

(108) Cass., 16 déc. 1965, Bull. et Pas., 1966, I, 513 et les conclusions de M. le procureur général Ganshof van der Meersch, alors premier avocat général.

(109) Cass., 27 nov. 1969, Bull. et Pas., 1970, I; 289 et la note W.G.

(110) Cass., 23 avril 1971, Bull. et Pas., 1911, 1, 752 et les conclusions de M. le procureur général Dumon, alors avocat général, publiés dans A.C., 1971, p. 787.

Page 11: 109e ANNEE N° IRIBIJnlJI - KU Leuven

les conditions déterminées par les articles 1382 et 1383 du Code civil, donne lieu à l'obligation de réparer; qu'aucune disposition constitutionnelle ou légale ne soustrait le pouvoir exécutif, dans l'exercice de ses missions et de ses activités régle­mentaires, à l'obligation, résultant des articles 1382 et 1383 du Code civil, de réparer le dom­mage qu'il cause à autrui par sa faute, notam­ment par son imprudence ou par sa négligence; même dans les cas où aucun délai n'est prescrit au pouvoir exécutif par une disposition légale pour prendre un règlement, l'abstention de prendre celui-ci peut, en application des artieles 1.382 et 1383 du Code civil, donner lieu à réparation si un dommage en est résulté.

50. - Le problème des expropriations pour cause d'utilité publique est un problème majeur en un temps où les expropriations sont nombreu­ses et suscitent d'importants litiges.

Sur cette question, vous avez rendu en audience plénière un arrêt d'une très grande portée le 20 septembre 1979 (111), et très récemment le 14 décembre 1989 un nouvel arrêt dans le même sens, précisant les modalités d'application de la règle définie en 1979 (112).

Vous avez décidé que pour être juste, conformé­ment à l'article 11 de la Constitution, l'indemnité d'expropriation doit être équivalente à la somme à débourser pour se procurer un immeuble de. la même valeur que celui dont l' exproprié est dépossédé; que la créance de !'exproprié ne porte pas sur une somme numérique mais sur . une · prestation à évaluer par le juge, destinée à réparer le préjudice qu'il a subi; que tant en vertu des dispositions cqnstitutionnelles que légales, la réparation du préjudice doit être intégrale en matière contractuelle et délictuelle ou quasi délictuelle; que d'une part, pour apprécier le préjudice subi par !'exproprié, le juge doit tenir compte de la valeur du bien, soit, en cas d'appli­cation de la loi du 17 avril 1835 sur l'expropria­tion pour cause d'utilité publique, au jour du jugement déclaratif visé par l'article 7 de cette loi, soit, en cas d'application de la loi relative à la procédure d'extrême urgence en matière d'expro­priation pour cause d'utilité publique, au jour du jugement fixant l'indemnité provisionnelle due par l'expropriant conformément à l'article 8 de ladite loi; que d'autre part, pour évaluer le montant de la juste indemnité destinée à réparer le préjudice de !'exproprié détermine suivant les règles précisées ci-dessus, le juge doit se placer au moment où il statue; que s'il considère que l'indemnité mise antérieurement à la disposition de !'exproprié n'était pas suffisante au moment où elle a été accordée, il doit· pour évaluer le montant supplémentaire à allouer, se placer au moment de sa décision et tenir compte, le cas échéant, de la diminution du pouvoir d'achat dè la monnaie ou de la hausse du marché immobilier depuis le jour où l'indemnité a été fixée; qu'ainsi le juge ne prend pas en considération un préjudice postérieur à l'expropriation, mais se borne à fixer, au jour de sa décision, la juste indemnité due à !'exproprié; qu'aucune disposition légale ne le lui interdit et que, en le faisant, il se conforme aux dispositions de la Constitution.

Comme on peut en juger, ces arrêts constituent une véritable somme des règles applicables en màtière d'indemnisation en cas d'expropriation

(111) Cass., 20 sept. 1979, Bull. et Pas., 1980, I, 69, en audience plénière et les conclusions de M. le procu­reur général Dumon.

(112) Cass., 14 déc. 1989, Bull. et Pas., 1990, 1, n° 243.

pour cause d'utilité publique et la conclusion de l'arrêt montre à quel point la Cour élabore le droit, au départ de la règle constitutionnelle et des dispositions légales qui s'y rapportent.

51. - Le contrôle que la Cour exerce sur les arrêts du Conseil d'Etat est nécessairement très limité. En réalité, ce contrôle est intimement lié aux compétences respectives de cette haute juri­diction et des juridictions qui constituent le pou­voir judiciaire.

Vous avez été amenés dès les premières années qui suivirent la mise en vigueur des dispositions relatives au Conseil d'Etat, à préciser la portée des articles 19 et 20 de la loi du 23 décembre 1946 (113).

Le premier arrêt reridu en cette matière date du 11 janvier 1952 (114). M. le procureur général Cornil souligne notamment à ce sujet : « En examinant ses mérites, vous sentirez comme moi le poids de la responsabilité que fait peser sur nous la loi du 23 décembre 1946 ».On ne pouvait mieux dire.

Il ajoutait : « Ici, vous statuez dès l'abord chambres réunies et, si vous ordonnez la cassa­tion, la section d'administration du Conseil d'Etat, autrement composée, devant laquelle vous renvoyez la cause, doit se conformer à votre

(113) Actuellement 33 et 34 des lois coordonnées sur le Conseil d'Etat.

(114) Cass., Il janv. 1952, Bull. et Pas., 1952, I, 248 et les conclusions de M. le procureur général Cornil.

LES CODES

LARCIER Dans cette nouvelle édition, on trouve toutes les dispositions législatives d'intérêt .général et les lois spéciales usuelles en vigueur en Belgique, avec notes de concordance et de jurisprudence, y com­pris les principaux textes législatifs des

Communautés européennes.

La collection complète ................ .

Tome · 1 - Droit civil, judiciaire et commercial

Tome Il - Droit pénal ............... . Tome III - Droit social .............. . Tome IV - Droit économique

et fiscal Tome V - Droit public

21.490 F

5.067 F 4.596 F 5.990 F

4.792 F

et administratif . . . . . . . . . . . 5.342 F

POUR LES ÉTUDIANTS ET LES JEUNES JURISTES :

CONDITIONS SPÉCIALES

(5 tomes - 5.250 pages à jour au 1-1-1990)

555

décision sur le point de droit jugé par vous, sans qu'il lui soit possible de répondre utilement à votre argumentation »; « La circonstance que votre décision va ainsi échapper au contrôle de là

- . juridiction de renvoi vous rendra particulière­ment circonspects dans son élaboration ». ··

Par l'arrêt du 11 janvier 1952 précité, vous avez décidé que l'arrêt attaqué n'ayant pas motivé sa décision par laquelle il reconnaissait le Conseil d'État expressément compétent pour statuer sur le recours en annulation, il avait mis la Cour dans l'impossibilité d'exercer le contrôle que l'article 20 de la loi du 23 décembre 1946 lui confère en exécution des articles 92 et 106 de la Constitution; il avait ainsi violé l'article 19 de ladite loi du 23 décembre 1946.

On note que la Cour ne s'est pas prononcée sur la base de l'article 97 de la Constitution, encore que cette disposition avait été invoquée dans le moyen.

Ainsi qu'on l'a maintes fois souligné, « ce que le législateur a voulu, ce n'est pas soumettre la décision du Conseil d'Etat à la censure de la

_Cour; c'est éviter qu'il y ait conflit de compétence entre la Cour et le Conseil d'Etat. L'article 20 de la loi du 23 décembre 1946 veut que, dès qu'un conflit de compétence pourrait surgir entre le Conseil d'Etat et ia Cour de cassation, c'est à celle-ci de trancher » (115). Le contrôle de la motivation n'a d'autre raison d'être ni de' justifi­cation.

Un deuxième arrêt, du 26 mars 1952, (116) contient des considérants analogues, mais cette fois la Cour constate que les motifs critiqués par le moyen sont exempts d'obscurité ou d'ambi­guïté.

La Cour a rendu, au cours de la période considérée, une vingtaine d'arrêts su:r pourvoi contre des arrêts du Conseil d'Etat (117).

52. - Les arrêts que rend la Cour des comptes peuvent aussi être déférés à votre censure. Comme ici aussi les règles qui s'y rapportent sont peu définies, vous avez été amené à préciser maintes questions qui vous ont été soumises.

Parmi la dizaine d'arrêts qui ont été rendus en cette matière, entre 1950 et 1990, on relève notamment ceux qui déterminent les fonctionnai­res qui sont justiciablès de la Cour des comptes.

A cet égard, vous avez décidé qu'un commis guichetier qui n'agit que sous la responsabilité d'un comptable, n'est pas lui-même justiciable de

(115) Voy. note W.G. sous Cass., 29 janv. 1971, Bull. et Pas., 1971, I, 496, p. 498, col. l, in fine.

(116) Cass., 26 mars 1952, Bull. et Pas., 1952, I, 463 et les conclusions de M. le procureur général Cornil.

(117) Cass., 26 mars 1952, Bull. et Pas., 1952, 463; Cass., 27 nov. 1952, 2 arrêts, Bull. et Pas., 1953, 184; Cass., 8 janv. 1953, Bull. et Pas., 1953, 309; Cass., 18 déc. 1953, Bull. et Pas., 1954, 320; Cass., 2 juill. 1954, Bull. et Pas.; 1954, 955; Cass., 3 déc. 1956, Bull. et Pas .. , 1957, 338; Cass., 8 déc. 1956, Bull. et Pas., 1957, 372; Cass., 9 janv. 1957, Bull. et Pas., 1957, 516; Cass., 27 févr. 1957, Bull. et Pas., 1957, 768; Cass., 27 nov. 1957, Bull. et Pas., 1958, 328; Cass., 28 mai 1958, Bull. et Pas., 1958, 1067; Cass., 4 juin 1959, Bull. et Pas., 1959, 1007; Cass., 21oct.1959, Bull. et Pas., 1960, 217; , Cass., 27 avril 1961, Bull. et Pas., 1961, 920; Cass., IO nov. 1966, Bull. et Pas., 1967, 332; Cass., 15 févr. 1968, Bull. et Pas., 1968, 740; Cass., 3 sept. 1970, Bull. et Pas., 1971, 6; Cass., 21 janv. 1971, Bull. et Pas., 1971, 496; Cass., 29 janv. 1981, Bull. et Pas., 1981, 565; Cass., 24 juin 1981, Bull. et Pas., 1981, 1226; Cass., 23 mars 1984, Bull. et Pas., 1984, 1, n° 423.

Page 12: 109e ANNEE N° IRIBIJnlJI - KU Leuven

556

la Cour des comptes (118). Il en va de même de l'officier de police judiciaire qui détient des espèces saisies par lui chez un particulier au cours d'une procédure judiciaire; il n'en est pas comp­table envers le Trésor et n'est par conséquent, pas justiciable de la Cour des comptes (119).

D'une manière plus générale, vous avez énonc.é les principes qui gouvernent la matière.

Vous avez décid~ que le pouvoir juridictionnel de la Cour des comptes, à l'égard des comptables du Trésor, est corrélatif à son pouvoir constitu­tionnel de surveillance et de contrôle des comptes . des diverses administrations, fussent-elles décen­tralisées, de l'Etat; qu'est un comptable public justiciable de la Cour des comptes celui qui est tenu de lui rendre compte des deniers publics confiés à sa gestion; qu'il appartient à la Cour des comptes de déduire ladite qualité de la nature des fonctions attribuées par la loi ou en vertu de la loi, aux personnes chargées de gérer ou de manier les deniers publics (120).

Vous avez précisé que, pour déterminer qui est justiciable de la Cour ·des comptes, il faut se fonder sur l'article 116 de la Constitution et, d'autre part, que la qualification par la loi ou en exécution de la loi de la qualité du comptable ne suffit pas; qu'il y a lieu de rechercher dans chaque cas, qui a chargé l'agent des fonctions qu'il remplit, si cet agent, ainsi qualifié a, en fait, les . missions, pouvoirs et responsabilité qui en font un comptable au sens de l'article 116 de la Constitution (121).

Vous avez enfin, dans trois arrêts, d'une ·part, défini les règles de procédure applicables devant la. Cour des comptes et, d'autre part, précisé les limites de sa compétence.

Vous avez notamment décidé que les règles de la publicité des audiences ne s'appliquent pas pour l'examen et le jugement des affaires qui lui sont soumises (122).

Vous avez d'autre part, considéré que la Cour des comptes règle et apure les comptes des comp­tables envers le Trésor public et, dans le cas où ceux-ci sont en débet, elle les condamne à solder leur debet au Trésor; il ne lui appartient pas de se prononcer sur un dommage au sens des articles 1382 et suivants du Code civil et de condamner un comptable à réparer celui-ci; elle doit se borner à constater que le comptable est quitte, en avance ou en débet et, dans ce dernier cas, à le condamner à solder en débet (123).

(à suivre)

(118) Cass., 18 juin 1954, Bull. et Pas., 1954, I, 895.

(119) Cass., 25 oct. 1954, Bull. et Pas., 1955, I, 162.

(120) Cass., 16oct.1975,Bull. et Pas., 1976, I, 204et les conclusions de M .Ïe procureur général Dumon, alors premier avocat général.

(121) Cass., 30 oct. 1986, Bull. et Pas., 1987, I, n° 133 et les conclusions du ministère public; 30 juin 1983, Bull. et Pas., 1983, 1, n° 607.

(122) Cass., 2 oct. 1980, Bull. et Pas., 1981, I, 116 et les conclusions de M. le procureur général Dumém; 1er déc. 1983, Bull. et Pas., 1984, I, n° 185.

(123) Cass., 2oct.1980,Bull. et Pas., 1981, I, 128; 30 juin 1983, Bull. et Pas., 1983, 1, n° 606 etles conclusions du ministère public.

La chambre des représentants a, par ses « arrêts » des 29 mai 1986 et 27 avril 1989, adopté le même point de vue ..

JURISPRUDENCE Cass .. (Ire ch.), 29 janvier 1990

Prés. : M. Sace, prés. de sect. Rapp. : M. Verheyden, cons. Min. publ.: ~e Liekendael, av. gén. Plaid.: MMes Van Ommeslaghe et Bützler.

(V an Damme c. Van Asbroek.)

OBLIGATION. -Inexécution. -DOM­MAGES-INTÉRÊTS. - Article 1154 du Code civil. - Conditions d'application.

Les intérêts produits par les intérêts ne portent à leur tour intérêt que si la conven­tion ou la sommation est renouvelée et concerne les nouveaux intérêts échus, dus au moins pour une année entière.

Vu l'arrêt attaqué, rendu le 22 septembre 1988 par la cour d'appel de Bruxelles;

Attendu que l'article 1154 du Co9.e civil dispose que les intérêts échus des capitaux peuvent produire des intérêts, ou par une sommation judiciaire, ou par une conven­tion spéciale, pourvu que, soit dans la som­mation, soit dans la convention, il s'agisse d'intérêts dus au moins pour une année entière;

Qu'en vertu de cette disposition, les intérêts ne produisent intérêt qu'à partir du moment où leur capitalisation est stipulée par une convention spéciale ou demandée par une sommation judiciaire; qu'en outre la convention ou la sommation ne peut avoir d'effet que s'il s'agit d'intérêts déjà échus, dus au moins pour une année entière; que les intérêts produits par les intérêts ne portent à leur tour intérêt que si la convention ou la sommation est renou­velée et concerne les nouveaux intérêts échus, dus au moins pour une année entière;

Attendu qu'en l'espèce, l'arrêt condam­ne la demanderesse au paiement de « 2.251.019 F, majorés des intérêts judiciai­res à dater du 20 février 1980, sur 2.351.019 F »; qu'ainsi, il ne limite pas la condamnation au remboursement du capi­tal emprunté, augmenté des intérêts pro­duits par ce capital, mais y inclut un montant représentant des intérêts sup­plémentaires, calculés sur la base d'intérêts capitalisés, sans vérifier si les conditions prévues à l'article 1154 du Code civil étaient remplies;

Maison F. LARCIER, s.a.

LES SAISIES CHRONIQUE DE JURISPRUDENCE

(1983-1988)

PAR

Jean-Luc LEDOUX

Extrait du cc Journal des Tribunaux »

Une brochure 16 x 24 cm, 108 pages, 1989 .. 1.256 FB

Cass. (re ch.), 22 décembre 1989

Prés. : M. Soetaert, prés. de sect. Rapp. : Mme-Baté--Swinnen, cons. Min. publ. : M. Krings, proc. gén. Plaid.: MMes Bützler et Houtekier.

(Scheeps en Reparatiebedrijf, s.p.r.l. c. Bonnevie.)

RÉFÉRÉ. - Mesures d'instruction. -Article 584 du Code judiciaue. - COMPÉ­TENCE TERRITORIALE. - Juge du lieu où la mesure doit être exécutée, même partiellement.

(Traduction)

Vu l'arrêt attaqué, rendu le 13 décembre 1988 par la cour d'appel d'Anvers;

Sur le moyen pris de la violation des articles 10, 622, 624 et pour autant_ que de besoin 584, alinéa 2, du Code judiciaire,

Attendu que le président du tribunal, en l'espèce le tribunal de commerce, saisi, dans un cas dont il reconnaît l'urgence, en vue d'ordonner au provisoire une mesure d'ins­truction, en application de l'article 584 du Code judiciaire, est territorialement compé­tent si cette mesure doit être exécutée, à tout le moins partiellement, dans le ressort de sa juridiction, le tribunal fût-il incompé­tent territorialement pour connaître du fond de la contestation;

Qu'en effet, d'une part, tel qu'il ressort des articles 584 et 1035 à 1041 du Code judiciaire, la procédure en référé s'applique aux cas dont le juge des référés reconnaît l'urgence et, d'autre part, les mesures d'ins­truction demandées peuvent requérir l'intervention personnelle du juge des réfé­rés qui a été saisi;

Que le moyen manque en droit;

Par ces motifs :

LA COUR,

Rejette le pourvoi.

Cass. (re ch.), 8 décembre 1989

Prés. : M. Caenepeel, cons. ff. ·de prés. Rapp. : Mme Baeté-Swinnen, cons. Min. publ.: M. Lenaerts, av. gén. Plaid. : MMes Dassesse et V an Ommeslaghe.

(Pan American World Airways, société de droit améri­cain c. S.F.I. Rotterdam, société de droit néerlandais.)

JUGEMENT. -ACTION EN RECTIFI­CATION. - Article 794 du Code judiciaire. - Conditions d'application. - Erreur matérielle ou de calcul. - Limite.

Viole l'article 794 du Codejudiciaire, l'ar­rêt qui, par confirmation du jugement dont appel, accueille une demande en rectifica-

Page 13: 109e ANNEE N° IRIBIJnlJI - KU Leuven

tion d'un jugement portant condamnation à payer la contre-valeur en francs belges de la somme de 13.961,70 US$ au cours le plus élevé au jour du paiement, sans, toutefois, qu'il soit supérieur à celui du 30 janvier 1980, en remplaçant dans le dispositif du jugement le terme cc supérieur » par le terme cc inférieur » estimant que l'usage du pre­mier de ces termes à la place du second constitue, en fait, une erreur mat:érielle.

(Traduction)

Vu l'arrêt attaqué, rendu le 11 février 1988 par la cour d'appel de Bruxelles;

Sur le moyen pris de la violation des articles 23 à 28, 793 et 794 du Code judi­ciaire,

en ce que, pour confirmer le jugement rendu le 18 décembre 1985 par le tribunal de commerce de Bruxelles, l'arrêt décide que c'est à juste titre que le premier juge déclare fondée la demande de rectification introduite par la défenderesse contre le jugement rendu le 1er juin 1983, par les motifs ci-après: «qu'il ressort à suffisance de droit des diverses pièces de la procédure, de l'objet de la qemande originaire et de la nature de la contestation que le remplace­ment du terme "inférieur" dans la proposi­tion ".:. mais jamais inférieur au (cours) du 30 janvier 1980" par le terme "supérieur" (" ... mais jamais supérieur à celui du 30 janvier 1980") est dû à une erreur de plume involontaire du premier juge et, partant, constitue une erreur matérielle; que ce fait ressort plus particulièrement des motifs de la décision dont la rectification est demandée, par lesquels le juge décide, après avoir constaté que la somme demandée n'était pas contestée, que la demande est fondée; ... qu'en interprétant le jugement dont la rectification est demandée quant à 'ce, la décision dont appel n'étend pas les droits de l'intimée (S.F .I. Rotterdam) mais les consacre et ne fait que mettre en concordance l'erreur matérielle contenue dans le dispositif de la décision à rectifier avec cette décision telle qu'elle a été claire­ment rendue»,

alors que le jugement rendu le 1er juin 1983 par la vingt-quatrième chambre du tribunal de commerce de Bruxelles a condamné la société Pan Am au paiement «de la contre-valeur de la somme de 13.961,70 US$ au cours le plus élevé au jour du paiement, sans, toutefois, qu'il soit · supérieur à celui du 30 janvier 1980 »,soit le jour où le dommage, qui a entraîné la condamnation, s'est réalisé et que le rem­placement du terme « supérieur » par le terme « inférieur » dans la dernière proposi­tion du dispositif du même jugement, passé en force de chose jugée au moment où la demande de rectification a été introduite, ne constitue pas une erreur de plume et entraîne une modification des droits des parties; de sorte que l'arrêt viole l'aÙtorité de la chose jugée du jugement du 1er juin 1983 (violation art. 23 à 28, C. jud.) et qu'il viole aussi l'interdiction, prévue par l'arti­cle 794 du Code judiciaire, d'étendre ou de modifier en cas d'erreur de plume les droits consacrés par la décision (violation art. 793 et 794, C. jud.) :

Attendu que la demande introduite par la défenderesse devant le tribunal de com-

merce de Bruxelles tend à entendre rectifier « une simple erreur matérielle » dans le jugement rendu le 1er juin 1983 par ce tribunal qui a condamné la demanderesse à payer à la défenderesse «la contre-valeur en francs belges de la somme de 13.961,70 US$ au cours le plus élevé au jour du paiement, sans, toutefois, qu'il soit supérieur à celui du 30 janvier 1980 », notamment par le remplacement dans le dispositif du terme « supérieur » par le terme« inférieur»;

Attendu que l'arrêt, par coiµlrmation du jugement dont appel, accueille la demande de la défenderesse par le motif que l'usage du terme « supérieur » à la place du t~rme « inférieur » constitue en fait, pour les motifs reproduits dans le moyen, une erreur matérielle; ·

Attendu que l'article 794 du Code judi­ciaire prévoit que : « Le juge peut rectifier les erreurs matérielles ou de calcul qui seraient- contenues dans une décision par lui rendue, sans cependant que puissent être étendus, restreints· ou modifiés les droits qu'elle a consacrés»; qu'il résulte de cette disposition que s'il peut rectifier des erreurs matérielles ou de calcul dans une décision, le juge ne peut en aucun cas étendre, restreindre ou modifier les droits qu'elle a consacrés;

Attendu que l'arrêt n'a pu accùeillir la demande de rectification de la défenderesse sans violer l'article 794 du Code judiciaire et sans méconnaître l'autorité de la chose jugée attachée au jugement du 1er juin 1983;

Que, dans cette mesure, le moyen est fondé;

Par ces motifs :

LA COUR,

Casse l'arrêt attaqué.

Bruxelles (12e ch.), 6 avril 1990

Siég. : Mme Closset-Coppin, prés.; M. de Biseau d'Hau­teville, prés., Mme de la V allée Poussin, cons.

Min. publ.: M. Vauthier, av. gén. Plaid. : MMes Jonas et Lozet.

(min. pubL et las.a. de droit français cc Jeune Afrir que ,, c. Taverniers.)

PUBLICATION ET DISTRIBUTION D'ÉCRITS. - Article 299 du Code pénal. -Conditions d'application. - Auteur ou imprimeur. - Notion. - Mention du domi­cile privé de la personne physique. -DROITS D'AUTEUR. - Feuilles d'infor­mations bihebdomadaires. - Reprenant les dépêches d'agences de presse, les nou­velles du jour et les faits divers. - Ne constituent pas des œuvres littéraires ou artistiques protégées par la loi sur les droits d'auteur.~ Reproduction d'extraits de ces· feuilles bihebdomadaires. - Ne constitue pas une infraction.

557

Attendu que le prévenu, Christian Taverniers, est l' édite-ùr · responsable du magazine bimestriel Nord-Sud édité par la société anonyme New Fashion Media;

que New Fashion Media souscrivit le . 29 mars 1985 un abonnement à Telex Con­fidentiel, bihebdomadaire d'informations édité à l'époque par la société anonyme de droit français« Groupe Jeune Afrique» -aux droits de laquelle vient la société ano­nyme de droit français Sifija, actuelle partie civile - qui édite également un hebdoma­daire : Jeu ne Afrique;

Quant à la prévention A (N.d.l.r. : Infraction à l'article 299 du Code pénal).

Attendu que sont indiqués dans la revue Nord-Sud le nom du prévenu, éditeur responsable, le nom de l'éditeur «New Fashion Media » et le siège de cette société;

que n'y figure pas l'adresse privée du prévenu; ·

Attendu que ces indications ne satisfont pas au prescrit de l'article 299 du Code pénal, qui exige à la fois « l'indication vraie du nom et du domicile de l'auteur ou de l'imprimeur»;

que «l'auteur» ou «l'imprimeur» doi­vent s'entendre dans le· séns de « personne physique » qui écrit ou imprime, soit en nom personnel, soit en qualité de gérant ou d'administrateur d'une société;·

que les éléments constitutifs de l'infrac­tion sont réunis;

Attendu cependant que le prévenu était aisément accessible au siège de la société anonyme New Fashion Media, et n'a pas tenté d'échapper à ses responsabilités;

que sa faute est légère;

que l'infraction qu'il a commise justifie une peine de police eu égard aux circons­tances atténuantes énoncées ci-avant;

que plus de deux ans s~étant écoulés depuis la date des faits, l'action publique est éteinte par prescription;

Quant à la prévention B (N.d.l.r. : Infraction aux articles 22, 23 et 26 de la loi du 22 mars 1986 sur les droits d'auteur).

Attendu que le prévenu ne conteste pas avoir reproduit dans la rubrique « Confi­dentielle Nord-Sud » · du numéro 12 du magazine Nord-Sud de novembre-décembre 1985, des textes extraits du bihebdoma­daire Telex Confidentiel parus en septembre et octobre de la même année, mais soutient que lesdits textes ne tombent pas sous le coup de la loi sur le droit d'auteur au motif qu'ils ne sont pas le fruit d'une création originale et ne sont pas coulés dans une forme particulière, conditions qui, selon la doctrine et la jurisprudence, doivent être réunies pour qu'ils bénéficient d'une telle protection;

Attendu que, toujours selon la doctrine et la jurisprudence, ne sont pas originales les dépêches d'agence de presse, les nouvelles du jour et les faits divers;

que la Convention d'U nion de Berne . approuvéè par la loi belge du 26 juin 1951 stipule expressément en son article 9 que sa protection ne s'applique pas aux nouvelles du jour et aux faits divers qui ont le carac­tère de simples informations de presse;

Page 14: 109e ANNEE N° IRIBIJnlJI - KU Leuven

558

Attendu que Telex Confidentiel se présente sous forme d'une seule feuille imprimée recto-verso et est envoyée deux fois par semaine à ses deux mille abonnés, par poste-avion ou est, sur demande, télexé;

que cette publication relate sans aucune recherche de style des faits divers très récents relatifs à l'Afrique;

qu'il apparaît ·évident, à la lecture, que ces écrits n'ont fait l'objet d'aucune réfle­xion personnelle et n'ont pas été coulés dans une forme particulière;

qu'ils se présentent comme de simples informations;

Attendu que la partie civile soutient que les textes de son magazine ont bien le caractère de « créations originales » parce que les informations sont recherchées par ses collaborateurs dans différents pays, pour être ensuite « analysées, classées et présentées de manière à rencontrer les préoccupations de ses lecteurs»;

Attendu que tel est également l~ procédé auquel nombre de journalistes ont recours avant de publier certaines nouvelles;

que les rubriques « Dernières nouvelles » et « faits divers » des quotidiens sont rédi­gées dans le même style et sont souvent le fruit du même travail;

que ces informations ne sop.t pas · consi­dérées pour autant comme des œuvres lit­téraires ou artistiques bénéficiant de la protection de la loi, mais tombent au con­traire automatiquement, après leur diffu-

. sion, dans le domaine public;

Attendu que la partie civile soutient subsidiairement que ses informations sont soumises au prescrit de l'article 14 de la loi sur le droit d'auteur qui stipµle que tout journal peu~ reproduire un article publié dans un autre journal à la condition d'en indiquer la source, condition que. le prévenu n'a pas respectée;

Attendu que selon la doctrine la disposi­tion légale précitée ne s'applique qu'aux « articles de fond » par opposition aux «nouvelles ou informations de presse»;.

que l'article de fond procède d'un effort de réflexion, est rédigé avec un certain recul par rapport à l'événement commenté et est l'expression de la personnalité de l'auteur qui le signe;

qu'il est, en . outre, présenté dans le journal de manière à attirer l'attention du lecteur sur son intérêt; ·

Attendu que les informations litigieuses, toujours très récentes, se succèdent sur la feuille imprimée sans aucune recherche et ne répondent absolument pas à ces critères;

que la circonstance que Telex Confidentiel ne paraît que deux fois par semaine et non quotidiennement, et fait figurer dans son intitulé «informations rares et confi­dentielles » ne leur confère pas, vu leur contenu et leur présentation, le caractère d'articles de fond;

Cour Trav. Liège (14e ch.), 7 novembre 1989

Siég. : M. Devyver, prés.; MM. Latour et Castagne, cons. Plaid. : MMes Joly et Kerkhofs.

(Union nationale des mutuali'tés socialistes et crts c. s.a. L'Urbaine U.AP.)

ACCIDENT DU TRAVAIL. - Notion. -ÉPREUVES D'EMBAUCHE. - Tests non constitutifs d'un contrat de travail. -Acci­dent survenu au cours d'un de ces tests. -Ne constitue pas un accident du travail.

Attendu que l'action tend à l'indemnisa­tion des conséquences dommageables de l'accident dont l'appelant le sieur Deville José a été victime le 12 août 1987 et au remboursement des sommes décaissées, suite à cet accident, par l'appelante l'Union nationale des mutualités socialistes en faveur de son affilié l'appelant Deville José;

Attendu que le jugement a quo déclare les actions non fondées et en déboute les appe­lants;

Attendu que l'accident litigieux s'est déroulé durant les épreuves d'embauche que le sieur Collart - assuré de l'intimée fit subir à l'appelant Deville José avant un éventuel engagement;

Que cela résulte des faits de la cause et notamment de la déclaration de l'appelant Deville José à l'inspecteur du Fonds des accidents du travail : « ••• j'ai été appelé par M. Collart qui me demandait si je pouvais passer un test... sachant conduire un camion mon test était la manipulation de la grue ... Le patron ayant pu se rendre compte que j'étais apte ... » ainsi que de la déclara­tion d'accident qui mentionne « test pour engagement éventuel»;

Que les premiers juges ont estimé à juste titre à ce sujet que c'était à tort que les appelants prétendaient que l'activité du sieur Deville avait dépassé en temps ce qui pourrait être considéré comme un test, sou­lignant notamment que le déchargement d'un demi-camion de palettes de pavés ne nécessite manifestement pas un temps excédant celui nécessaire pour juger de l'aptitude de l'ouvrier à remplir les tâches que le futur employeur projette de lui confier;

Attendu que de tels tests ne sont pas constitutifs d'un contrat de travail;

Que pareil examen ou test n'a d'autre but que d'apprécier les aptitudes du candidat et ne peut en conséquence être considéré comme rentrant dans le cadre de l'exécu­tion d'un contrat de travail (T.T. Verviers, 28 juin 1978, J. T. T., 1979, p. 161, cité par les premiers juges);

Attendu que l'on ne peut donc admettre qu'au moment de l'accident litigieux l'appe­lant Deville José se trouvait dans le cours de l'exécution d'un contrat de travail;

Attendu que l'appel n'est donc pas fondé;

Civ. Bruxelles (réf.), 3 mai 1990 ·

Siég. : M. Simons, prés. Plaid. : MMe" Dai, Philippe, Vandemeulebroecke loco

Verbruggen et Janssens.

(d'Ursel et crts c.-de Pitteurs et crts.)

SOCIÉTÉS~ - PARTS SOCIALES. CONVENTION DE CESSION. - Exécu­tion. - RÉFÉRÉS. - ACTION EN SUSPENSION. - Condition. - Apparence au moins égale de droits contraires.

La sécurité juridique exige que l'exécution normale d'une convention dont l'existence est établie à suffisance ne puisse· qu'excep­tionnellement être suspendue et pour des motifs résultant d'une apparence au moins égale de droits contraires, notamment d'un préjudice extrême dans le chef des tiers.

Attendu que la demande ·tend à faire déclarer nulle et - à titre subsidiaire -à faire rétracter l'ordonnance rendue le 27 avril 1990 sur requête unilatérale (art. 584, C. jud.), interdisant l'accomplissement d'aucun ·acte tendant à l'exécution, à la préservation ou à la prorogation d'une convention de cession du 10 avril 1990 des actions des s.a. Roton-Farciennes, s.a. Oignies-Aiseau et s.a. Landaviaship par les consorts Laloux-Descampe, de Frahan­Descampe et Bregentzer-Descampe à une s.a. Rofa Finance;

Attendu que les demandeurs invoquent la nullité de l'ordonnance du 27 avril 1990 pour irrégularité de la saisine et violation des droits de la défense;

Que la procédure exceptionnelle sur requête unilatérale en référé exclut par sa nature la contradiction dans le débat;

Que les causes de nullité sont limitative­ment énoncées par la loi;

Qu'aucun élément de nullité intrinsèque de la procédure n'est mis en évidence en l'espèce;

Qu'indépendamment de l'argumentation des parties sur l'opportunité ou« l'absolue nécessité » pour les défendeurs sur tierce opposition de procéder comme ils l'on fait et par la voie de la requête unilatérale, le débat est actuellement devenu contra­dictoire;

Attendu qu'il résulte des pièces produites aujourd'hui de part et d'autre et des expli­cations fournies par les ·parties que l'existence de la convention ·de cession de parts du 10 avril 1990 entre la s.a. Rofa Finance et les consorts Descampe n'est pas d~scutable;

Qu'elle a en l'occurrence été soumise à la Commission bancàire;

Qu'au regard de cette convention les con-. sorts de Pitteurs font valoir 1' existence d'un mandat de négociation confié à M. Kluys­kens et d'un accord qui aurait été conclu par eux cette fois le 12 mars 1990, portant sur une opération relative à la même prise de contrôle des actions litigieuses;

Page 15: 109e ANNEE N° IRIBIJnlJI - KU Leuven

Que les actuels demandeurs invoquent l'apparence de droit dans leur chef;

Que les consorts de Pitteurs font valoir une série de griefs sur ladite convention;

Qu'on se trouve en l'espèce devant une apparence de droit résultant d'une conven~ tion certaine du 10 avril 1990 face à un hypothétique engagement antérieur qui n'est pas produit;

Attendu ·que la sécurité juridique exige que l'exécution normale d'une convention dont l'existence est établie à suffisance ne puisse qu' exceptionnellement être suspen­due et pour des motifs résultant d'une appa­rence au moins égale de droits contraires ou d'exigences gravissimes, notamment de préjudice extrême dans le chef de tiers;

Qu'à la lumière des pièces produites et explications contradictoires données, les griefs des actuels défendeurs ne représen­tent point cette apparence égale ou ces exigences gravissimes, étant entendu qu'il appartient s'il échet aux parties con­tractantes d'assumer leur responsabilité généralement quelconque à l'égard de tiers à la convention critiquée;

Qu'il y a lieu d'ordonner dès à présent la rétractation de l'ordonnance susvisée, et de surseoir à statuer sur les demandes de dommages-intérêts;

Civ. Mons (réf.), 23 mars 1990

Siég. : M. Oost, juge ff. de prés. Plaid. : MMes Detaille, Levert, Daout et Dieu.

(V anderstraeten c. ville de Mons.)

RÉFÉRÉ. - Compétence. - Décision administrative. - Surséance. - MESURES PROVISOIRES. - Limite. - Éviter une atteinte fautive aux droits subjectifs d'un particulier. - COMMUNE. - AGENT. -MESURES D'ORDRE. - Éloignement du service sans traitement dans l'attente d'une décision judiciaire. - COLLÈGE DES BOURGMESTRE ET ÉCHEVINS. Compétences. - Limites. - Privation pro­visoire du traitement. - Incompétence du collège échevinal. - TRAITEMENT DÉGRADANT. - Article 3 de la Conven­tion européenne des droits de l'homme.

Lorsque le juge des référés est saisi d'une demande ·tendant à faire surseoir à l'exécu­tion de décisions administratives, sa compé­tence est limitée à la prise de mesures provi­soires destinées à prévenir une atteinte paraîssant portée fautivement aux droits subjectifs d'un particulier.

Le collège des bourgmestre et échevins n'a pas le pouvoir de priver un agent de son traitement, fût-ce provisoirement, une telle décision ne trouvant justification, ni dans la loi, ni dans une impérieuse nécessité d'intervenir d'urgence avant même que le conseil communal soit invité à se prononcer.

Priver un agent de son traitement pendant un délai indéterminé peut constituer un

traitement dégradant au sens de l'article 3 de la Convention européenne des droits de l'homme.

Attendu que la demande tend à entendre condamner la défenderesse à surseoir à· l'exécution des décisions des 21 septembre 1989 et 12 octobre 1989 de son collège des bourgmestre et échevins, d'une part, du 14 novembre 1989 de son conseil communal, d'autre part, daris l'attente d'une décision judid.aire, en l'espèce l'arrêt du· Conseil d'Etat sur le recours en annulation de ces actes, introduit le 21 novembre 1989, à peine d'une astreinte de 10.000 F par jour de retard passé un délai de vingt-quatre heures à compter de la signification de l'ordonnance à intervenir;

Qu'à titre subsidiaire, la demande tend à entendre condamner la défenderesse à payer au demandeur la moitié du traite­ment afférent à ses fonctions;

Attendu qu'il ressort des explications des parties et des pièces versées aux débats que:

- le collège des bourgmestre et échevins de la ville de Mons a décidé :

le 21 septembre 1989, d'éloigner le demandeur du service; le 12 octobre 1989, aprè·s avoir entendu l'intéressé, de maintenir cette mesure et de l'assortir de la suppression de son traitement, et le 3 novembre 1989, de proposer au conseil communal de maintenir le demandeur éloigné du service sans trai­tement en attendant la décision judi­ciaire;

- le conseil communal de la ville de Mons a décidé le 14 novembre 1989, après avoir entendu l'intéressé «de confirmer la décision du collège échevinal du 3 novem­bre 1989 de maintenir (le , demandeur) éloigné du service sans traiteme,nt en attendant la décision judiciaire »;

Attendu que le demandeur a agi en annu­lation de ces décisions, que son recours est actuellement pendant devant le Conseil d'Etat;

Attendu que ces mesures d'ordre ont fait suite aux aveux du demandeur, qui, dans le cadre d'une information pénale ouverte pour détournements contre diverses person­nes, a admis avoir pris trois billets de 100 F dans la caisse du parking, dont il était le gardien, et avoir à concurrence de plus ou moins cinq à dix fois par mois, permis aux membres de sa famille et à de rares amis, d'utiliser ce parking gratuitement;

Attendu que l'urgence de la demande, qui n'est pas contestée par la défenderesse,, résulte de la situation particulièrement précaire dans laquelle se trouve le demandeur, privé de son traitement et dans l'impossibilité de se ménager d'autres res­sources puisque toujours lié à la défende­resse, dont il reste l'agent;

Attendu que la compétence du juge des référés est limitée, lorsqu'il s'agit, comme en l'espèce, de l'application de décisions administratives, à la prise de mesures pro­visoires destinées à prévenir une atteinte paraissant portée fautivement aux droits subjectifs d'un particulier;

;; ;; ~':':' ~ ':.:' ~': 1:

559

Qu'il convient dès lors d'examiner si les actes incriminés paraissent illégaux ou fau­tifs;

Attendu que les décisions litigieuses ne paraissent pas prima facie, illégales en ce qu'elles ont éloigné provisoirement le demandeur du service;

Qu'elles ont été prises par une autorité qui en avait le pouvoir, dans un contexte urgent et après que l'intéressé ait été entendu en ses explications;

Qu'il n'apparaît pas non plus que cette mesure préventive et provisoire puisse avoir des conséquences irrémédiables pour le demandeur;

Attendu que, par contre, les griefs d'illé­galité articulés par le demandeur à l'en­contre de ces mêmes décisim;is en ce qu'elles l'ont préventivement privé de la totalité de son traitement jusqu'à la décisionjudiciaire (qui interviendra à la suite de l'information répressive ouverte à sa charge) paraissent suffisamment sérieux;

Qu'il n'est pas en effet sérieusement contesté par la défenderesse, que soil col­lège des bourgmestre et échevins n'avait pas le pouvoir de priver le demandeur de son traitement, fût-ce provisoirement; Que, s'il est admissible, en effet, qu'en vertu de son pouvoir de surveillance, le collège éche­vinal, dans un conteste d'urgence précis et à condition de saisir dans les délais les plus brefs le conseil communal, puisse décider de suspendre provisoirement un agent, sa déci­sion de le priver de son traitement ne trouve justification ni dans la loi, ni dans une impérieuse nécessité d'intervenir d'ur­gence, avant même que le conseil commu­nal soit invité à se prononcer;

Attendu qu'il n'est pas par ailleurs cer­tain que le conseil communal a valablement couvert cette irrégularité par sa décision du 14 novembre 1989, laquelle se limite, sem­ble-t-il, à« confirmer la décision du collège échevinal du 3 novembre 1989 de maintenir (le demandeur) éloigné du service sans trai­tement en attendant la décision judi­ciaire»;

Attendu que sùr un plan plus général d'équité et de respect de la personne humaine, maintenir la situation imposée au demandeur pendant un délai indé­terminé (dont l'expérience nous apprend qu'il pourrait être fort long) et dans le cadre d'une décision purement préventive, peut engager la responsabilité de la défende­resse, voire même constituer un traitement dégradant prohibé par l'article 3 de la Convention européenne des droits de l'homme;

Qu'il s'impose dès lors, à titre provisoire, et dans le but d'éviter la réalisation d'un dommage difficilement réparable de faire · partiellement droit à la demande;

Par ces motifs :

Ordonnons à la défenderesse de surseoir pour l'avenir à l'exécution des décisions litigieuses en ce qu'elles ont privé le demandeur de l'intégralité de son traite­ment;

fi

ri

,,. 2 11

·:r ,. ~ :·

Il l';: : ~ : ~

~ :

Il

1:

Page 16: 109e ANNEE N° IRIBIJnlJI - KU Leuven

560

Civ. Namur (réf.), 23 février 1990

Siég.: Mme Matray, juge ff. de prés. Plaid.: MMes Tellier, Héger, Holvoet, Brouillard et

Lambert.

(Nelis et crts c. Hulet et crts.)

TIERCE OPPOSITION. -Article 1122, alinéa 3, du Code judiciaire. - Conditions d'application. - Titulaire d'un droit pro­pre. - APPEL. - Concours entre l'appel et la tierce opposition. - Renvoi de la cause devant la cour d'appel.

Sauf le cas où le débiteur se laisse condam­ner par suite d'une collusion frauduleuse avec un tiers et sauf l'hypothèse où il peut invoquer un droit distinct de son droit de créance sensu stricto, le créancier ne peut agir en tierce opposition à l'encontre d'un jugement qui a pour conséquence de dimi­nuer le patrimoine de son débiteur; selon le droit commun, le créancier est lié par le jugement auquel son débiteur est partie.

Par contre, lorsque le créancier n'agit pas dans le seul but de préserver son gage, mais pour préserver un droit distinct de celui-ci, il peut agir par voie de tierce opposition sans avoir à démontrer la fraude du débiteur.

Si aucun · texte ne· règle avec précision l'hypothèse d'un concours entre appel et tierce opposition, l'économie générale des règles de droit judiciaire proscrit que soit poursuivie la rétractation d'une même déci­sion à la fois devant une juridiction d'ins­tance et devant une juridiction d'appel.

Le dossier de la procédure àyant éf;é trans­mis au greffe de la cour d'appel de Liège en application de l'article 1059 du Code judi­ciaire, il y a lieu de renvoyer la cause devant cette cour. ·

- L'action.

L'action mue dans le cadre d'une tierce opposition tend à faire rétracter ou annuler l'ordonnance de référé prononcée le 20 octo­bre 1989 par la présente juridiction en cause de Hulet Nelly c. s.a. Immobilière Bajart, numéro du rôle des référés 449/89.

La décision entreprise, arrêtée sur pied de l'article 584 du Code judiciaire, a interdit à las.a. Immobilière Bajart de poursuivre des travaux de construction relatifs à la cons­truction d'un immeuble à appartements quai de Meuse, n° 44 à Jambes-Namur, soit directement, soit par l'intermédiaire de ses sous-traitants et cela, jusqu'à ce que la juridiction administrative se soit prononcée définitivement sur la validité de ce permis.

Discussion. 1. -Attendu que le recours à la tierce

opposition est ouvert contre toutes les déci­sions même provisoires et conservatoires à tous.les tiers dont les droits ont été lésés ou mis en péril par ces décisions;

Attendu qu'aux termes de l'article 1122, alinéa 3, du Code judiciaire, le recours à la tierce opposition n'est cependant ouvert aux créanciers qu'en cas de fraude de leur débiteur ou s'ils peuvent invoquer une hypothèque, un privilège ou tout autre droit distinct de leur droit de créance;

Attendu que sont incontestablement des créanciers de la défenderesse originaire :

M. Yves Nelis et M. Jean-Pierre Ledoux, demandeurs sub 1 et' 3, architectes chargés de la construction litigieuse, la s.a. Setecsa et Lipe, demanderesse sub 2, bureau d'études chargé de cette cons­truction, la s.a. Entreprises Bajart, demanderesse sub 5, entrepreneur général, Mme Léonie Moinil, demanderesse sub 6, venderesse du bien dit « Villa Michaux » à la s.a. Immobilière Bajart en échange de ·deux appartements à ériger; -

Attendu que chacune de ces parties demanderesses est liée à la s.a. Immobilière Bajart, défenderesse originaire, par une convention synallagmatique, génératrice dans son chef de droits et d'obligations; que chacune est à la fois la débitrice et la créancière d'un certain nombre d'obliga­tions nées d'une convention particulière passée avec la défenderesse originaire;

Attendu que sous réserve des exceptions précitées, les créanciers ne peuvent agir en tierce opposition parce qu'ils doivent subir les effets d'un jugement qui a: des consé­quences sur le patrimoine de leur débiteur;

Attendu qu'aux termes de l'article 8 de la loi hypothécaire, les biens du débiteur sont le gage commun dÙ créancier; que ce texte ne consacre cependant pas un gage au sens propre, puisqu'il n'instaure aucun droit de suite sur les objets aliénés, sauf fraude, par leur débiteur; . que l'action du créancier s'exerce, au moment où il décide d'agir,_ sur le patrimoine du débiteur, patrimoine augmenté ou amoindri (De Page, t. V, n° 566);

Attendu que ce principe doit guider l'interprétation de l'article 1122, alinéa 3, du Code judiciaire; que sauf le cas où le débiteur se laisse condamner par suite d'une collusion frauduleuse avec un tiers, et sauf l'hypothèse où il peut invoquer un droit distinct de son droit de créance sensu stricto, le créancier ne peut agir en tierce opposition à l'encontre d'un jugement qui a pour conséquence de diminuer le patri­moine de son débiteur; que selon le droit commun, le créancier est lié par le juge~ ment auquel son débiteur est partie;

Attendu par cqntre que lorsque le -créancier n'agit pas dans le seul but de préserver son gage, mais pour préserver un droit distinct de celui-ci, il peut agir par voie de tierce opposition sans avoir à démontrer la fraude du débiteur;

Attendu que les parties demanderesses précitées sont certes titulaires d'un droit de créance à l'égard de la défenderesse origi­naire, mais qu'elles ont, en outre, des droits propres à faire valoir au sujet de la cons­truction litigieuse, étant soit le droit d' exé-

Maison F. LARCIER, s.a.

SOUS PRESSE

RECUEIL ANNUEL DE JURISPRUDENCE BELGE EDITION 1990

Ourisprudence et doctrine de l'année 1989)

cuter leurs propres engagements et d'obte­nir pour certains d'entre eux le crédit de notoriété qui s'attache à la réalisation d'un tel projet, soit le droit d'obtenir la déli­vrance de surfaces à construire;

* * * 2. - Attendu que l'ordonnance entreprise

est actuellement frappée d'appel; que devant la cour, la défenderesse sub 2 pour­suit la rétractation dans des termes identi­ques à ceux dont la présente juridiction est saisie;

Attendu que la saisine du juge supérieur accentue le dessaisissement du magistrat de première instance qui résultait déjà du prononcé de son jugement; que dès l'intro­duction du recours, le juge inférieur ne peut plus interpréter sa décision, procéder à la rectification d'une erreur matérielle ou modifier une disposition provisoire pour l'adapter à des circonstances nouvelles (A. Fettweis, Manuel de procédure civile, Liège, 1987, n° 812);

Attendu que par l'effet dévolutif total instauré par l'article 1068 du Code judi­ciaire, la juridiction supérieure est saisie de plefo droit de toutes les questions en litige, de la totalité de la contestation; que ce principe est d'ordre public;

Attendu qu'à la lettre, l'effet dévolutif ne s'applique qu'entre les mêmes parties liti­gantes;

Attendu que si aucun texte ne règle avec précision l'hypothèse d'un concours entre appel et tierce opposition, l'économie géné­rale des règles de droit judiciaire proscrit que soit poursuivie la rétractation d'une même décision à la fois devant une juridic­tion d'instance et devant une juridiction d'appel;

Attendu qu'une telle prohibition ne porte aucun préjudice aux tiers lésés par la déci­sion entreprise, puisque ceux-ci ont la possi­bilité d'agir en degré d'appel par la voie d'une intervention volontaire conserva­toire; que cette procédure souple répond précisément à la volonté du législateur de permettre aux tiers de faire valoir leurs droits lors du débat principal;même au second degré, pour éviter l'inséc ité juridi­que qui peut résulter d'une ti rce opposi­tion;

Attendu qu'aucun texte légal ne consacre par ailleurs le principe d'un droit absolu à un double degré de juridiction;

Attendu au surplus que la présente juri­diction est matériellement dessaisie du dos­sier de la procédure instauré par les articles 720 à 725 du Code judiciaire, et dont l'importance pour l'instruction de la cause a

· été soulignée à l'occasion des travaux préparatoires (Pasin., p. 421); que l'accès à ce dossier est, aux termes de l'article 723, le préalable obligé pour l'instruction d'un recours; qu'à l'heure actuelle, ce dossier se trouve, en application de l'article 1059 du même Code, au greffe de la cour d'appel de Liège;

Par ces motifs :

Statuant contradictoirement, Renvoyons la cause devant la cour d'appel

de Liège.

Page 17: 109e ANNEE N° IRIBIJnlJI - KU Leuven

561

LA CHRONIQUE]UDICIAIRE

L'éméritat de MM. Slachmuylder, Vos sen, Thiry ~t J onnaer

. C'est sans apparat que la cour d'appel de Bruxelles s'est réunie l'un des derniers jours de l'année judiciaire pour célébrer le départ du premier président, M. Slachmuylder, et de deux présidents, MM. Vossen et Thiry.

L'assemblée était présidée par son doyen, M. V erdoodt, qui allait succéder quelques semaines après à M. Slachmuylder comme premier président. Il exprima au. nom de la cour les sentiments de respect que chacun porte au premier président sortant, ainsi que les vœux amicaux de tous leurs collègues à ceux qui prennent leur retraite.

Le barreau s'est associé à cette cérémonie qui se voulait informelle et amicale. Le bâtonnier Jakhian s'adressa au premier président Slach­muylder pour lui exprimer l'amicale déférence des membres du barreau. Qu'il nous soit. permis de reproduire un extrait de son discours :

« A partir de cet instant, j'ai senti votre vigilance en éveil et il n'y a pas une seule de mes démarches qui n'ai trouvé écho en vous.

» Nous avons ainsi collaboré dans une proxi­mité de sentiments et de vues, en partageant des craintes comme des indignations, des espoirs comme des déceptions et, chaque fois, nous nous sommes retrouvés sur l'essentiel : la volonté de secouer l'indifférence pour mieux servir l' œu~e de justice.

» Puis-je dire haut et fort que, quant à lui, le barreau avait rarement bénéficié, avec autant d'authenticité, d'un tel respect. Il vous le rend bien.

» Si vous avez été aussi naturellement à la rencontre du barreau, c'est peut-être parce que vous n'avez cessé de porter symboliquement la toge que notre patron commun, Me Emile Janson, vous offrit lorsqu'il vous reçut en stage. Cette toge était celle de son père, Paul Emile Janson, ancien bâtonnier et ancien ministre de la Justice, mort à Buchenwald à un moment où, si le pire était de mourir, le mieux était d'être déjà mort.

» Vous allez vous éloigner du Palais alors que sa coupole est entourée de brumes. Elles se dissiperont parce que nous avons la chanc~ de vivre dans un Etat qui saura, les difficiles équilibres rétablis, les convulsions apaisées, retrouver sa sérénité.

» Tout cela ne se fera pas dans la mollesse ou la ·somnolence. Mais tout cela se fera dans l'union jamais perdue de la magistrature et du barreau.

» Mes deux années de charges, qui vont aussi prochainement s'éteindre, m'auront appris que, dans nos fonctions complémen­taire, la vigueur des uns fait celle des autres.

» Une magistrature forte et indépendante ne peut se concevoir sans un barreau fort et indépendant. La force et l'indépendance de l'autre et inversément ».

Les présidents V ossen et Thiry furent asso­ciés à cet éloge :

« Avec Messieurs les présidents V ossen et Thiry, vous allez découvrir d'autres paysages, d'autres couleurs, d'autres senteurs : c'est une belle après-midi d'automne qui commence.

»A n'en pas douter, l'automne est la plus belle des saisons. Après avoir traversé les ora­ges d'été et ardemment préparé les vendanges, celles-ci sont à présent faites et elles sont à votre portée.

» Messieurs les présidènts V ossen et Thiry. Voici également deux magistrats de très grande qualité et si légitimement estimés. L'un et l'autre hommes de devoir, l'un et l'autre n'ayant pour guide que leur conscience, l'un et l'autre assurés dans leur science, l'un et l'autre respectueux du barreau et de ses contraintes, l'un et l'autre ayant honoré leur fonction ».

MM. Thiry, Vossen et Slachmuylder prirent ensuite la parole pour remercier leurs collègues et évoquer l'un ou l'autre souvenir de leur vie professionnelle.

En particulier, le -premier présid~nt remer­ciant tous ses collègues et proclama sa foi dans le rôle de la magistrature.

Quelques jours après cette cérémonie, ce sont les magistrats du tribunal qui se sont réunis à leur tour pour exprimer leur sympathie à M. J onnaer, président du tribunal de première instance de Bruxelles, . qui a pris également sa retraite au début des vacances.

Le Journal des Tribunaux s'associe aux éloges adressés à ceux qui achèvent ainsi leur carrière professionnelle dans le respect et l'amitié de tous. Il leur souhaite de pouvoir apprécier dans la sérénité et le sentiment du devoir accompli, le charme d'une retraite heu­reuse.

R.O.D.

Rentrée à la cour d'appel de Mons

Le ton de M. le premier président Guérit était plus· solennel que de coutume lorsqu'il donna le coup d'envoi de l'année judiciaire nouvelle dans le ressort de la cour d'appel de Mons. Prise de parole ? Déclaration de principe ? Il surprit incontestablement son auditoire en lisant la communication du collège des premiers présidents. Déclaration mesurée certes, mais inhabituelle, à la fois parce qu'il est exceptionnel que le pouvoir judiciaire s'ex­prime de la sorte, mais aussi parce qu'elle laissait clairement apparaître, au sein même de ce pouvoir, une distinction entre le siège et le parquet.

Quelle diversité dans les préoccupations de M. le procureur général Demanet !

Quelles vacances doit-il donc passer, s'in­téressant d'année en année au droit bancaire, à la théorie de la peine légalement justifiée, aux droits de l'homme, ou, comme cette fois, aux répercussions de la connexité et de l'indivisibi­lité en procédure pénale ? Devant une salle comble et particulièrement · attentive, M. le procureur général Demanet donna un cours clair, précis et documenté sur cette matière technique où les controverses ne sont pas rares et où leurs solutions apparentes restent parfois obscures.

Il livra ensuite ses réflexions concernant l'activité du parquet général et ses intentions en matière de lutte contre la toxicomanie, les vols avec violences et ce triste fleuron de la crimina­lité régionale qu'est l'activité dite des négriers de la construction. Les chjffres cités sont navrants : de 1989 à 1988, les dossiers de drogue ont augmenté de 128 3; ceux de vols avec violence de 78 3. Dans tous ces domaines les solutions passent par l'organisation de la collaboration de tous ceux qui, dans leurs disciplines et fonctions diverses, doivent approcher ces difficultés. Le parquet général s'emploiera plus encore qu'auparavant à la coordination. de leurs efforts et, là où il le pourra, veillera à ce que l'accent soit mis sur la prévention.

M. Demanet dressa ensuite, comme le lui enjoint le. Code judiciaire, le bilan de l'activité du ressort. Il existe, mais oui, une juridiction au moins qui ne connaît pas l'arriéré judi­ciaire : le tribunal de commerce de Charleroi ! Quant à la situation des autres, elle semble s'aggraver dans des proportions dont d'année en année le vocabulaire ne parvient plus à rendre compte. M. le procureur général ne liVJ:"e que des données globales, en quelque sorte une gestion de stock. Mais comment, pour un conseil, qualifier avant même de tenter d' expli­quer à son client le retard d'une affaire en état depuis de nombreux mois et qui ne pourra être plaidée qu'en juin 1993 ? Une augmentation des cadres de la cour est prévue. Elle sera sans nul doute suivie d'une réorganisation qui permettra de gagner quelques mois sur cet agenda qui, sans cela, prendra bientôt les allures d'un plan quinquennal.

Plusieurs membres de la cour profitent dès septembre d'une retraite que tous leur souhai­tent heureuse .. En effet, MM. les présidents Dupont et Lienardy, M. le conseiller Dai de même que M. l'avocat général Fiasse quittent leurs fonctions. Qu'ils sachent que tous, déjà, sont regrettés. Peut-être aurons-nous le plaisir, lorsqu'hommage leur sera rendu, de revenir sur le travail considérable qu'ils ont accompli avec rigueur et affabilité.

Ils étaient une bonne vingtaine à prêter serment; nous aurons, cette année encore, plus de nouvelles consœurs que de confrères. Toutes et tous écoutèrent avec une sérénité admirable M. le premier président leur décrire les misères de la condition de stagiaire et les exigences de leur formàtion. L'épreuve ne parut pas non plus marquer leurs familles. A l'issue de l'au­dience les héros et leurs parents ne semblaient pas fatigués.

Fr. DAOUT.

:;;

.,,_;

11

11

1,

~J

fii

!i!; :;1: .,,

i!! ~ ;'.

u 11

i~; '•' '"

Il !i!i 1'11

::;: :;;: ,1J1

I~

k

r:: '" ; ~ i :

'!

u 11

~'. [:] :~J: : ~ ! : :;;:

::\: :;;

l'.\

Page 18: 109e ANNEE N° IRIBIJnlJI - KU Leuven

562

.,J

"\ œrrespondanœ La réforme-fiscale

du 22 décembre 1989

M G. Kleynen, professeur à l'Ecole supé­rieure des sciences fiscales, a réagi avec nettef;é aux commentaires de MM Afschrift et Glineur, consacrés à cette réforme dans nos colonnes.

A la fin de l'article qu'ils publient dans le Journal des Tribunaux du 9 juin 1990 sur la réforme fiscale du 22 décembre 1989, MM. Pol Glineur et Thierry Afschrift critiquent le principe de la taxation prorata temporis des revenus fixes d'obligations tout en lais- -sant entendre que les deux articles que j'ai consacrés à cette matière seraient l' œuvre d'un auteur isolé.

Il me semble que ces auteurs ont perdu de vue les points ci-après :

1. - Au n° 160 de leur étude, ils affirment que l'article 18 du Code des impôts sur les revenus préciserait que ce n'est qu'au moment du paiement du revenu par le débiteur qu'un revenu peut être recueilli.

D'une part, cet article 18 a été abrogé par l'article 35, § 1er, 1°, de la loi du 7 décembre 1988.

D'autre part, ledit article parlait du montant encaissé ou recueilli sous quelque forme que ce soit et, en tout état de cause, il se bornait à fixer le montant net du revenu (voy. le titre Détermination du montant net des revenus imposables sous lequel il était inséré).

En réalité, comme je l'ai dit et répété dans mes articles,- c'est l'article 265 qui fixe la période imposable en précisant que « c'est le Roi qui détermine la période imposable et les revenus qui s'y rapportent ».

2. - Déjà avant la modification de l'arti­cle llbis, le principe de la taxation prorata temporis des revenus fixes était organisé par les articles 97bis et 97ter de l'arrêté royal d'exécution qui précisent :

«Quand les titres visés à l'article 97bis ont été acquis entre deux échéances de revenus, le vendeur et l'acheteur peuvent obtenir la restitution du précompte mobi­lier perçu à la source qui se rapporte au prorata d'int:érêt brut dont ils ont chacun ,effectivement bénéficié ou disposé ».

Depuis la réforme de 1962, ces articles s'appliquaient aux obligations cotées « inté­rêts . à bonifier ».

Un arrêté royal du 14 août 1989 en a étendu le champ d'application à toutes les obligations, bons de caisse ou autres titres analogues d'origine belge.

3. - Au numéro 162, MM. Glineur et Afschrift écrivent qu'une société qui vend un titre à revenus fixes réalise une plus­value et non pas un revenu mobilier à concurrence du prorata d'intérêt compris dans le prix de vente.

Cette théorie a été clairement condamnée par deux avis de la Commission des normes comptables de 1986 dont question dans l'article que j'ai publié dans le Journal de droit fiscal de novembre 1989 de même que dans la toute récente étude de Marc Das­sesse publiée dans les éditions du Jeune barreau, de 1990.

-4. - L'interprétation -selon laquelle seul le porteur du titre à l'échéance du coupon ou du remboursement encaisserait un revenu mobilier conduit à plusieurs incohérences longuement décrites dans mes articles.

Notamment, elle a pour effet : a) de faire perdre tant au vendeur qu'à

l'acheteur le droit à imputation du précompte mobilier sur l'intérêt couru au moment de la vente d'une obligation belge,

b) de faire supporter par l'acheteur belge d'une obligation étrangère ou d'un zéro­bond un impôt sur un revenu qu'il n'a pas effectivement-perçu.

5. - J'ai moi-même dénoncé les «erre­ments» du législateur qui n'a pas été capa­ble de mettre les modalités de perception de l'impôt sur les revenus fixes étrangers en concordance avec le principe de la taxation prorata temporis.

Ce n'est toutefois pas parce que les moda­lités de perception de l'impôt ont été mal réglées qu'il faut tourner en dérision un principe dont je crois avoir démontré qu'il est le seul susceptible d'assurer la cohé­rence du système.

6. - Enfin, au renvoi n° 201, on me reproche d'avoir invoqué les travaux prépa­ratoires d'une loi postérieure pour inter­préter une loi antérieure.

Je n'ai jamais rien fait de tel.

En réalité, je me suis borné à me référer aux travaux préparatoires pour dire quelle est« dans l'esprit des auteurs de la nouvelle loi » la portée de celle-ci.

En revanche, MM. Glineur et Afschrift se réfèrent à la loi nouvelle pour interpréter l'ancienne puisqu'ils écrivent au n° 159 «le fait qu'une loi ait dû être prise pour prévoir qu'il en serait ainsi, confirme qu'avant l'en­trée en vigueur de la loi de réforme, on ne pouvait considérer le vendeur comme un bénéficiaire du revenu » !

La réponse des auteurs entrepris nous sem­-ble tout aussi claire.

M. Kleynen, qui a déjà consacré plusieurs études à la question ici débattue (voy. «La taxation prorata temporis des intérêts, illu­sion ou désillusion?», Rev. gén. fisc., 1989, p. 297; « La taxation des dividendes et intérêts», Rev. gén. fisc., 1989, p. 137; «Le traitement comptable et fiscal des revenus tirés d'obligation avant et après la loi de . réforme fiscale du 22 décembre 19.89 », Journ. dr. fisc., 1989, p. 322) tient visible­ment beaucoup à l'opinion qui y est expri­mée. C'est sans doute ce qui motive le ton inhabituellement vif, mais déjà utilisé par l'auteur à l'encontre d'autres personnes ne partageant pas son avis (voy. Rev. gén. fisc., 1989, p. 297, critiquant l'excellente étude

de S. Geubel, l'article 31 du 7 décembre 1988, la grande illusion, Rev. gén. fisc., 1989, p. 291), de la mise au point publiée ci-dessus.

Comme d'autres commentateurs (voy. outre S. Geubel, précitée, l'étude de Inès W outers, la réforme d'une certaine règle relative à la détermination du bénéfice imposable, colloque Euroforum, Réforme de l'impôt des sociéf:és, pp. 26 et 27; et aussi, les vives critiques -émises à l'encontre de la position de M. Kleynen dans le Fiscologue du 11 juin 1990, pp. 9 et 10), nous ne pouvons nous rallier à son point de vue pour les motifs suivants.

1. - Si M. Kleynen fait justement obser­ver que l'article 35, § 1er, 1°, de la loi du 7 décembre 1988 a abrogé l'article 18 du Code des impôts sur les revenus, il omet de préciser que les termes de cette disposition cités dans notre étude, ont été repris inté­gralement et textuellement dans l'article 28 de la même loi du 7 décembre 1988.

Nous ne pouvons dès lors, sur la base de cette dernière disposition, que confirmer que « le montant net des revenus de capi­taux mobiliers s'entend du montant recueilli ou encaissé ... ».

Nous persistons, comme la doctrine citée ci-dessus, dans notre avis, suivant lequel tant qu'un revenu n'a pas été payé par le débiteur il est radicalement impossible qu'il ait été recueilli ou encaissé par qui que ce soit, et donc qu'il soit imposable comme revenu mobilier.

Quant à l'article 265 du Code des impôts sur les revenus, il nous paraît étranger à la question. Il se borne à attribuer au Roi de fixer la période imposable, sans pour autant permettre l'imposition de revenus qui n'ont pas encore été attribués.

2. - L'arrêté royal du 14 août 1989 concerne la restitution du précompte mobi­lier, lorsqu'il a été perçu. Il ne change rien au fait que tant qu'il n'a pas été perçu, il n'est pas imposable.

Pour les mêmes motifs, une société qui vend un titre à revenu fixe avant son échéance ne peut percevoir des intérêts puisque personne n'a payé ceux-ci.

Elle ne réalise dès lors qu'une plus-value au sens fiscal de ce terme. Les avis de la Commission des normes _comptables cités par M. Kleynen ne portent pas sur l'analyse fiscale de ce type de revenu et la Commis­sion des normes comptables, qui n'a d'ail­leurs qu'un pouvoir d'avis, n'a pas de compé­tence quant à l'interprétation des lois fiscales.

3. - Nous ne contestons pas, comme M. Kleynen, que la législation soit incohé­rente, et c'était précisément le propos de notre article.

Nous ne voyons toutefois pas en quoi la thèse défendue par M. Kleynen rendrait cette législation moins incohérente.

Trouve-t-il vraiment logique qu'un revenu soit imposé, à titre de revenu mobi­lier, dans le chef du vendeur d'un titre productif de revenus fixes, alors qu'il est possible, notamment en cas de faillite de

Page 19: 109e ANNEE N° IRIBIJnlJI - KU Leuven

BiBLÎOGRAPIÛE

F. Jongen : «Le droit de la radio et de la télévision>. - De Boeck, Bruxelles, 1989, 312 pages.

Avec cet ouvrage, F. Jongen, avocat au barreau de Bruxelles et assistant à la Faculté de droit de l'U.C.L., est le premier à dresser un tableau compréhensif des dispositions juridiques qui régissent, en Belgique, et plus spécifiquement dans la Communauté française, la matière de la radio et de la télévision.

Le plan original adopté par l'auteur, qui consiste à scinder la matière en fonction des trois moments du processus de diffusion : émission, transmission et réception, a l'avantage_ de présenter de façon logique un matériau juridique particulièrement morcelé et touffu.

Dans la partie concernant l'émission, à laquelle l'auteur consacre plus de trois quarts du livre, parce que c'est l'étape la plus réglementée, sont abordées une série de points parmi lesquels :

- les limites du droit d'émission au regard des dispositions constitutionnelles mais aussi des textes internationaux (pp. 17-36), comme, d'une part, la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et, d'autre part, le Traité de Rome, sur lesquels l'auteur insiste à juste titre, et pas seulement à cet endroit du livre, puisqu'ils fondent les deux ordres juridiques européens qui influenceront à l'avenir de plus en pl~s le droit interne des médias;

- le statut des diverses entreprises de radio et de télévision, dont la RTBF (pp. 37-78)- soulignons pour leur intérêt les pages 66 et suivantes portant sur les mécanismes destinés à assurer un équilibre idéologique au sein de cette institution -, les télévisions privées, plus particulièrement TVi (pp. 78-90), et les télévisions payantes, . comme Canal + (pp. 102-109);

- les conditions d'émission en matière de publicité et de parrainage (pp. 147-173), ainsi qu'en matière d'information - épinglons au passage les réfle­xions sur le devoir d'objectivité, qui vient limiter le principe de la liberté d'expression, ainsi que sur l'apparent paradoxe (pp. 181 et s.) qu'il y a à imposer le devoir d'objectivité aux chaînes privées alors que la rupture du monopole des Instituts de service public a souvent été justifiée par la volonté d'assurer un meilleur pluralisme de l'information.

l'émetteur avant l'échéance qu'aucun revenu mobilier ne soit jamais attribué ?

4. - Lorsque nous affirmons que « le fait qù'une loi ait dû être prise pour prévoir qu'il serait ainsi, confirme qu'avant l'en­trée en vigueur de la _loi de réforme on ne pouvait considérer le vendeur comme bénéficiaire du revenu», nous ne nous fondons, contrairement à ce qu'affirme M. Kleynen, nullement sur les travaux pré­paratoires de la loi, mais sur le texte de celle-ci.

Au contraire, dans l'étude citée à la note 201 de notre article, M. Kleynen se fonde clairement sur les travaux préparatoires de la loi du 22 décembre 1989 pour interpréter celle du 7 décembre 1988.

Sans doute cette réponse ne mettra-t-elle pas fin à la polémique. Du moins, espérons qu'elle y contribuera.

Sous le deuxième titre, la transmission, l'auteur décrit la procédure d'autorisation en vue d'exploiter un réseau de distribution d'émissions ainsi que les diverses obligations (techniques, tarifaires, en matière de pro­grammation,· ... ) mises à charge des ditributeurs. Et l'auteur de noter qu'à la différence des deux autres opérations du processus de diffusion : émission èt réception, « la. transmission ne met pas en jeu l'exercice de la liberté d'expression, mais s'analyse comme une activité purement économique > (p. 227).

Enfin, dans la troisième partie consacrée à la récep­tion, est brièvement analysée, à la lumière notamment de la Convention européenne des droits de l'homme, la portée du droit de réception, de même que ses conditions matérielles (problème de la redevance).

Si la démarche menée se veut descriptive - au point que l'auteur revendique une forme d'objectivité juridi­que (p. 273), terme qui nous paraît malheureux-, il n'hésite pas pour autant à prendre position, par exemple à propos de la convention liant l'exécutif de la Communauté française et TVi, qui lui paraît dénuée de fondement (pp. 88-89), alors que, d'un autre côté, il approuve dans ses grandes lignes le cadre juridique conçu pour les organismes de télévision payante. D'au­tre part, l'auteur va bien au-delà de la description des règles et institutions, pji.r ailleurs toujours très claire, très détaillée et très stlructurée - c'est là une des qualités majeures de l'ouvrage-, lorsqu'il s'attaque aux redoutables problèmes de la définition des concepts de publicité et d'information (pp. 15 0-15 3) et de la délimitation de ce qui relève de la publicité commerciale et de la publicité « d'intérêt général » (pp. 153-170). Le passage où la jurisprudence relative à ces questions est analysée et critiquée, constitue un des meilleurs moments du livre. L'auteur aborde égale­ment à cette occasion le problème des coupures publi­citaires de filins (p. 164) et constate que la réglementa­tion à cet endroit n'est toujours pas respectée par les chaînes privées.

Le terrain d'investigation est bien entendu celui du droit public de l'information; l'auteur ne néglige pas pour autant les aspects de droit privé, comme l'atteste l'analyse de l'incidence des règles du droit d'auteur en matière d'émission (pp. 200-204) ou de transmission (pp. 252-255); tout ceci, et pour prendre un exemple précis : la présentation des contrats de. rémunération

· qui lient les télédistributeurs aux sociétés d'auteur (p. 253), a évidemment pour effet de renforcer l'in­térêt pratique de l'étude entreprise. Notons encore au passage qu'une table analytique. détaillée et une bibliographie copieuse (pp. 275-288) contribuent à faire du livre un instrument maniable et complet.

Il serait par ailleurs très mal venu de reprocher à cet ouvrage d'être sur certains points dépassé par les faits. L'auteur, bien conscient de l'évolution rapide de la matière, qui l'avait déjà dans le passé contraint à reporter la date de parution de l'ouvrage, à la sage modestie d'admettre à l'avance que certaines pages, à peine publiées, devront être revues. Loin de se résoudre à cette limite, plus inéluctable ici que dans d'autres domaines juridiques à· évolution lente - en conclura­t-on qu'une édition à feuillets mobiles eut été en l'occurrence plus adaptée ? -, l'auteur a surtout le mérite d'avoir réagi promptement, puisqu'il a déjà complété le manuscrit achevé le 1 cr mai dernier par un addendum, qui intègre à la matière abordée, l'arrêté du 30 juin 1989 accordant à la RTBF l'autorisation de diffuser des émissions de publicité commerciale.

Enfin, l'actualité toute récente : l'adoption le 3 octobre dernier de la directive européenne sur la « Télévision sans frontières » est anticipée par F. Jongen, qui mentionne à cet égard le risque de sacrifier la politique culturelle au profit d'une logique com­merciale. On aurait peut-être souhaité que l'auteur, déplorant lui-même le manque d'un débat de fond (p. 274), s'engage plus avant sur l'enjeu profond des récentes évolutions du paysage audiovisuel et envisage les possibilités de réguler ce secteur en mutation. Mais cela c'est sans doute le sujet, si pas d'une thèse à venir, du moins d'un autre livre à écrire. En attendant, Le droit de la radio et de la télévision vient parfaitement combler l'absence d'étude globale consacrée à cette matière, ce qui fait dire à F. Delpérée, qui signe la préface, que rien de ce qui est audiovisuel ne nous est désormais étrang_er. ·

Alain STROWEL.

'.',',',-.-:--:-;::7,,~i·.:-·--:-•~I :•:-•:•,•:•:Ô:•--;;.,--.--;r;~~:--;-r;-r-;-r;~~:.'.?•7~~~~·7•:-0:-•!~·:-·~,:-·-:•:•:•~7~~~;:::::-;-~(7'."~:""7~·~•rr•, . ·:::, -;-;:~'0 ::~ ::-~:.: ;:~:;:;~~:;~;~':': p

563

1 COMMUNIQUÉ 1

Ecole de formàtion permanente du barreau de Bruxelles

. Le bâtonnier de l'Ordre français des avocats du barreau de Bruxelles rappelle l'horaire des cours del'« Ecole de formation permanente» du barreau de Bruxelles qui auront lieu du zer octobre 1990 au 25 mars 1991, pour l'année judiciaire 1990-1991 :

1. - Développements récents du droit pénal : M. Franchimont (lundi 1er octobre 1990).

2. - Développements récents du droit fiscal : J. Malherbe (lundi 15 octobre 1990).

3. - Développements récents relatüs à la Convention européenne des droits de l'homme : P. Lambert (lundi 5 novembre 1990). '

4. - Développements récents du droit social: C. Wantiez (lundi 19 novembre 1990).

5. - Développements récents du droit judi­ciaire : J. van Compernolle (lundi 3 décembre 1990).

6. - Développements récents des voies d'exécution en matière civile: A.-M. Stranart (lundi 17 décembre 1990).

7. - Développements récents du droit des sociétés : 1. Veroegstraete (lundi 2l janvier 1991). .

8. - Développements . récents du droit des personnes et de la famille : J. De Gavre (lundi 4 février 1991).

9. - Développements récents du droit des contrats : F. Glansdorff (lundi 25 février 1991 ).

10. - Développements récents du .droit de la construction et de l'urbanisme: M. Van Doosselaere (lundi 11 mars 1991).

11. - Développements récents du droit européen : M. W aelbroeck (lundi 25 mars 1991).

* * * Tous les cours se donnent de 19 à 21 h en

principe dans l'auditoire 1301 de la Faculté de droit de l'Université libre de Bruxelles, 50 avenue F. Roosevelt, 1050 Bruxelles (entrée par l'avenue Paul Héger - 1er bâtiment à gauche).

L'accès à chaque séance, suivant les disponi­bilités de l'auditoire, doit être payé sur place, par la signature d'un bulletin de virement de 500 F. Il est également possible d'adresser, en temps utile, un virement de 3.500 F pour l'inscription forfaitaire à huit cours au choix, virement à faire exclusivement au compte 630-0225979-28 de l'Ordre français des avocats du barreau de Bruxelles (formation perma­nente). Huit tickets d'entrée sont alors envoyés aux personnes intéressées.

L'accès est gratuit pour les stagiaires de l'Ordre français.

Les CODES LARCIER sont les moins chers parce que chacun des cinq tomes qui les compo­sent forme un tout indépendant qui peut être acquis séparément et que grâce à ses com­pléments annuels - toujours fusionnés avec ceux des années précédentes - une seule édition suffit pour plusieurs années. (~71)

:·.:'.: ::'.;;:'.;'.::: ,;:::;:: :::~;~:::~:::~::::;:;?~'.~ ,:; :~~;:;~;:~:~:'.:;:'.:'.:'.:'.~'.:'.:'.:-- ~~~~: ::::::~~::~:~:~·.~ -

11

Page 20: 109e ANNEE N° IRIBIJnlJI - KU Leuven

564

SOMMAIRE du 29 septembre 1990

DOCTRINE: E. Krings, procureur général à la Cour de

cassation. - Aspects de la contribution de la Cour de cassation à l'édification du droit (à suivre) ................... ,. ........................ 545

JURISPRUDENCE : Obligation. - Inexécution. - Dommages­

intérêts. - Article 1154 du Code civil. - Condi­tions d'application (Cass., 1re ch., 29 janvier 1990) ................................................. 556

Référé. - Mesures d'instruction. - Article 584 du Code judiciaire. - Compétence territo­riale. - Juge du lieu où la mesure doit être exécutée, même partiellement (Cass., 1re ch., 22 décembre 1989) .................................... 556

Jugement. - Action en rectification. - Arti­cle 794 du Code judiciaire. - Conditions d'appli­

. cation. - Erreur matérielle ou de calcul. -Limite (Cass., 1re ch., 8 décembre 1989) ... 556

Publication et distribution d'écrits. - Article 299 du Code pénal._:_ Conditions d'application. -Auteur ou imprimeur. - Notion. - Mention du domicile privé de la personne physique. -Droits d'auteur. - Feuilles d'informations bihebdomadaires. - Reprenant les dépêches d'agences de presse, les nouvelles du jour et les faits divers. - Ne constituent pas des œuvres littéraires ou artistiques protégées par la loi sur les droits d'auteur. - Reproduction d'extraits de ces feuilles bihebdomadaires. - Ne constitue pas une infraction (Bruxelles, 12e ch., 6 a~ril 1990) 557

Accident du travail. - Notion. - Épreuves d'embauche. - Tests non constitutifs d'un con­trat de travail. -Accident survenu au cours d'un de ces tests. - Ne constitue pas un accident du travail (C.T. Liège, 14e ch., 7 novembre 1989) .......................................................... 558

Sociétés. - Parts sociales. - Convention de cession. - Exécution. - Référés. - Action en suspension. - Condition. - Apparence au moins égale de droits contraires (Civ. Bruxelles, réf., 3 mai 1990) .................................. 558

Référé. - Compétence. - Décision adminis­trative. - Sµrséance. - Mesures provisoires. -Limite. - Eviter une atteinte fautive aux droits subjectifs d'un particulier. - ,Commune. -Agent . ..,-- Mesures d'ordre. - Eloignement du service sans traitement dans l'attente d'une déci­sion judiciaire. - Collège des bourgmestre ·et échevins. - Compétences. - Limites. - Priva­tion provisoire du traitement; - Incompétence du collège échevinal. - Traitement dégradant. -Article 3 de la Convention européenne des droits de l'homme (Civ. Mons, réf., 23 mars 1990) 559

Tierce opposition. - Article 1122, alinéa 3, du Code judiciaire. - Conditions d'application. -Titulaire d'un droit propre~ - Appel. -Concours entre l'appel et la tierce opposition. -Renvoi de la cause devant la cour d'appel (Civ. Namur, réf., 23 février 1990) .................. 560

qIRONIQUE JUDICIAIRE :

. La Vie du Palais: L'éméritat de MM. Slach­muylder, Vossen, Thiry et Jonnaer, par R.O.D. - Rentrée à la cour d'appel de Mons, par Fr. Daout. - Correspondance : La réforme fiscale du 22 décembre 1989, par O. Kleynen, Th. Af schrift et P. Glineur. - Bibliographie : « Le droit de la radio et de la télévision », de F. Jongen, par A. Strowel. - Communiqué. - Dates retenues.

Maison F. LARCIER, s.a.

LES TESTAMENTS FORMULAIRE COMMENTÉ

par Jean-François T AYMANS Notaire à Bruxelles

NEDERLANDSE VERSIE OPGESTELD DOOR

Luc DEHOUCK Notaris te Oostende

~1~•1 • La F.E.B. organise, le 2 octobre 1990, une journée d'information européenne consacrée à : « La réalisation du grand Marché européen : bilan et perspectives».

Programme

9 h 30: Allocution de bienvenue, de M. T. Vande­putte.

9 h 40: Exposé introductif, de M. J. Mogg: «L'état actuel de l'exécution du Livre blanc sur l'achèvement qu marché intérieur ».

Libre prestation des services financiers.

10 h : Banques et établissements financiers : « Le marché bancaire unique de 1993 », par M. P. Clarotti.

JO h,40: Assurances : «Quelle liberté dans l'Europe de l'assurance après 1992 ? », par M. G. Levie.

Libre circulation des produits.

11 h 20 : Frontières physiques : « Les problèmes subsistants en ce qui concerne la suppression des forma­lités aux frontières pour les marchandises »,par M. M. Ayral.

12 h 15 : Déjeuner avec un exposé de Mme A.-M. Lizin, « L'état de la préparation de la Belgique au grand marché intérieur et les initiatives du secrétariat d'Etat à l'Europe 1992 ».

13 h 45 : Frontières techniques : « La normalisation et la certification en tant qu'instrument du marché intérieur », par M. E. Previdi.

Libre circulation des personnes.

14 h 25 : Mobilité des compétences professionnelles : «La.libre circulation des travailleurs dans la C.E.E. et la politique de migration à l'égard de ressortissants de pays tiers dans le cadre de la charte sociale », par Mme A. Bosscher.

15 h 05 : Conditions minimales de travail : « Les réalisations et projets de la Communauté en matière de conditions minimales de travail : santé, sécurité et hygiène», par M. W. Goeminne.

16 h: Exposé de clôture par l'ambassadeur Ph. de Schoutheete de Tervarent, « Le marché intérieur dans la perspective de l'Union économique et monétaire et du renforcement institutionnel de la Communauté».

Lieu: La journée d'information aura lieu dans les locaux de la Fédération des entreprises de Belgique, rue Ravenstein, 4, à 1000 Bruxelles, salle 418.

Langues de travail : français-néerlandais (traduction simultanée).

Frais de participation :

- lunch compris : 2.800 F.

- sans lunch : 1.200 F.

Mode de paiement : Prière de verser les frais de participation au coihpte 000-0028248-21 de la F.E.B. avec la mention« Journée d'information européenne du 2 octobre 1990 ».

• Troisième séminaire Erasmus de théorie du droit. -La troisième édition du séminaire Erasmus de théorie du droit se tiendra à Bruxelles du 14 au 22 mars 1991. Ce séminaire bilingue (français/anglais) rassemble des spécialistes et des étudiants des divers pays des Commu­nautés. Il vise à discuter, dans une optiqùe critique et interdisciplinaire, des développements récents des diverses disciplines qui contribuent à la théorie du droit ..

Parmis les spécialistes invités cette année, on retiendra notamment le professeur Ronald Dworkin qui occupera la chaire Générale de Banque les 20 et 21 mars (con­férences le 20 et table-ronde le 21).

Inscriptions et informations: F. Ost, doyen de la Faculté de droit, Facultés universitaires Saint-Louis (F.U.S.L.), boulevard du Jardin Botanique, 43, à B 1000 Bruxelles - Tél. + 32 (0)2 211 78 11 - Téléfax + 32 (0)2 211 79 97.

• L' Association famille et droit organise, les 12 et 13 octobre 1990, les troisièmes journées d'études, consa­crées à : « Les ressources de la famille ».

Vendredi 12 octobre

14 h 15: Allocution d'ouverture, par P. Lewalle.

Première séance de travail: président : L. Giet.

14 h 30 : « Créances d'aliments », par Ed. Vieujean.

15 h .15: «Recouvrement des aliments », par N. Gallus. Intervenant : J. Dansard.

16 h 15 : « Créances alimentaires et droit internatio­nal privé», par M. Liénard-Ligny.

Samedi 13 octobre

Deuxième séance de travail : présJdent : M. Drion.

9 h 15: « Charges d'enfants et protection sociale : les prestations familiales», par M. Dispersyn. -« Revenus des familles et prestations de sécurité sociale : liberté, égalité, solidarité », par B. Maingain.

JO h 45: «Aide sociale et familiale», par J. Fierens. Intervenant : J .-M. Berger.

Troisième séance de travail : président : J. De Gavre.

14 h 15 : « La famille face à l'impôt », par J .-P. Bours.

15 h 15: « Surendettement des familles», par G. de Leval. Intervenant : Ph. D'Haen.

- 17 h: Conclusions par M.-Th. Meulders-Klein.

Renseignements pratiques :

Secrétariat du colloque : Colloque « Ressources de la famille », Faculté de droit de Liège, boulevard du Rectorat, 7, à 4000 Liège - Tél. 041/56.30.05 - Mme Sœur.

Droit d'inscription : 2.000 F à verser au compte n° 310-0663048-42 de l'a.s.b.l. Association Famille et droit (1.500 F pour les membres de l' Association). Le versement de ce montant donne droit à la participation aux séances, aux documents de travail et à la réception. Lunch : supplément de 600 F avec prière de s'inscrire le plus rapidement possible.

Lieu du colloque : Auditoire Ch. de Mean, Faculté de droit de Liège (Sart Tilman). Parkings 15 et 16.

• Expertalia 1990, organise à Bruxelles (hôtel Sofitel Airport, Diegem), les 20 et21octobre1990, un congrès consacré à« L'évaluation du dommage et du préjudice corporel en droit commun dans la perspective de l'Eu­rope de demain (Belgique, France, Grand-Duché de Luxembourg)».

Renseignements et inscriptions: Expertalia, 129 A/1, avenue Louise, à 1050 Bruxelles.

Le JOURNAL DES TRIBUNAUX

REDACTION

Roger O. DALCQ, rédacteur en chef Secrétaire général de la rédaction : Georges-Albert DAL. Secrétaire de la rédaction : Wivine BoURGAUX. Secrétaire adjoint : Annik BoucHÉ. Chronique judiciaire : Bernard VAN REEPINGHEN. Comité de rédaction : Pierre BAUTHIER, Michèle BoNHEURE,

Jean-Pierre BoURs, François DAoUT, Benoît DEJEMEPPE, Michèle DEL CARRIL, FernandnE VrsscHER, Jean EECKHOUT, François GLANSDORFF, Louise-Marie HENRION, Geneviève JANSSEN-PEVTSCHIN, Guy KEUTGEN, Emile KNoPs, Michel MAHœu, Christine MATRAY, Jules MESSINNE, François MoTULSKY, Karel MUL, Daniel STERCKX, Paul TAPIE, Louis VAN BUNNEN, Jennifer WALDRON.

Comité scientifique: Robert HENRION, Robert PIRSON.

ADMINISTRATION: Maison Ferd. LARCIER, s.a.

rue des Minimes, 39 - 1000 Bruxelles Tél. (02) 512 47 12 - C.C.P. 000-0042375-83

Administrateur-délégué : J .-M. RYcKMANs, docteur en droit.

ABONNEMENT 1990 : 9.438 FB. Le numéro : 417 FB.

Les manuscrits ne sont pas rendus.

© Maison Ferd. LARCIER, s.a., Bruxelles, déc. 1881. Tous droits de reproduction, sous quelque forme qué ce soit,

réservés pour tous pays.

Imprimerie Puvrez, s.a. - avenue Fonsny, 59 - 1060 Bruxelles. 51104