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11 janvier Campagne de Nouvelle-Guinée Renforts en vue Secteur Gona-Sanananda-Buna – Depuis la veille, Georges Alan Vasey ne décolère pas. Le premier rapport sur l’attaque visant l’ Okinoshima Maru vient d’être confirmé. Les torpilles ont ravagé la chambre des machines et le navire a sombré, cette fois pour de bon. Bien que le site de son second naufrage – guère distant du premier – soit en eau peu profonde, l’épave du porte-barges ne présente plus guère d’intérêt. La perte de l’aviso Parramatta ajoute encore à l’amertume du général. Seuls six matelots, brûlés à divers degrés, ont échappé à la destruction du navire. Le cas du cargo ‘s Jacob est différent. Il n’y a pas eu de victimes dans l’équipage et seuls quelques membres de l’équipe de renflouement ont péri lors du naufrage de l’ Okinoshima Maru. Mais le navire a dû s’échouer pour ne pas sombrer. Ironiquement, le ‘s Jacob transporte tout l’équipement et le personnel requis pour une réparation temporaire, mais il va lui falloir de l’aide pour se déséchouer, ce qui signifie envoyer un navire et un équipage de plus dans une baie qui allait finir par ressembler à celle de Guadalcanal. Et même si tout allait bien, le ‘s Jacob ne pourrait ensuite s’éloigner rapidement, avec ses cales inondées et son étrave en miettes. Le général Vasey soupire. A ce moment, Daniel entre sous la tente : « Mon général, dit-il en saluant, nous venons de recevoir un nouveau message. Tout frais sorti du déchiffrage ! » C’est la réponse à la demande formulée la veille d’un moyen de transport pour les blindés et notamment pour les trois Matilda qui attendent à Port Moresby. En moins d’une journée, la demande a pu atteindre Londres, recevoir une réponse et revenir ! C’est exceptionnel. Enfin, le fait que plusieurs milliers de soldats australiens soient mis en échec, malgré des exploits remarquables, par une force japonaise très inférieure en nombre, a fini par toucher les huiles lourdes du haut commandement allié. Le message promet l’envoi à Port Moresby du cargo Empire Addison, apte au transport de chars, début février. Il faudra que les hommes de Vasey patientent. Bien sûr, rester l’arme au pied trop longtemps risque d’être mauvais pour leur moral – mais les Japonais devraient trouver le moyen de les distraire. Campagne du Pacifique Sud-Ouest Thalassa, thalassa (version japonaise…) Baie de Beaufort, Guadalcanal, 00h15 – Après quelques instants de découragement bien compréhensibles, la petite troupe d’Onishi resserre les rangs autour de son chef – lequel les harangue à voix basse, le sabre à la main, tandis que les hommes du 28 e de Reconnaissance sont à l’affût du moindre signe de défaitisme… Tout en pestant contre les obstacles que les Yankees s’ingénient à dresser entre les hommes de l’Empereur et leur objectif – obstacles évidemment voués à être renversés, mais qui n’en demeurent pas moins irritants – Onishi ne peut s’empêcher d’apprécier en connaisseur la performance des Américains. Ces derniers ont réussi à les dépasser et à les couper du front de mer en dépit de l’avance qu’il avait cru s’être ménagée en quittant le Seahorse : à n’en pas douter, ils sont dirigés par des officiers de valeur. Et même si cela ne fera pour eux aucune différence au bout du compte, Onishi sait reconnaître la compétence, d’où qu’elle vienne. Il n’envisage même pas que la présence des Américains à cet endroit puisse relever du hasard, tant il est persuadé d’être l’unique préoccupation de chaque Yankee sur Guadalcanal. Vers 01h00, malgré la nuit profonde, les reconnaissances qu’il a diligentées (et auxquelles il a lui-même participé, bien sûr) lui ont offert une vision à peu près complète du dispositif ennemi. Sans être au repos, ces amateurs de base-ball et de pancakes ne sont pas réellement en état d’alerte – et l’estime toute récente d’Onishi pour leur commandant disparaît aussitôt.

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11 janvierCampagne de Nouvelle-GuinéeRenforts en vueSecteur Gona-Sanananda-Buna – Depuis la veille, Georges Alan Vasey ne décolère pas. Lepremier rapport sur l’attaque visant l’Okinoshima Maru vient d’être confirmé. Les torpillesont ravagé la chambre des machines et le navire a sombré, cette fois pour de bon. Bien que lesite de son second naufrage – guère distant du premier – soit en eau peu profonde, l’épave duporte-barges ne présente plus guère d’intérêt. La perte de l’aviso Parramatta ajoute encore àl’amertume du général. Seuls six matelots, brûlés à divers degrés, ont échappé à la destructiondu navire.Le cas du cargo ‘s Jacob est différent. Il n’y a pas eu de victimes dans l’équipage et seulsquelques membres de l’équipe de renflouement ont péri lors du naufrage de l’ OkinoshimaMaru. Mais le navire a dû s’échouer pour ne pas sombrer. Ironiquement, le ‘s Jacobtransporte tout l’équipement et le personnel requis pour une réparation temporaire, mais il valui falloir de l’aide pour se déséchouer, ce qui signifie envoyer un navire et un équipage deplus dans une baie qui allait finir par ressembler à celle de Guadalcanal. Et même si tout allaitbien, le ‘s Jacob ne pourrait ensuite s’éloigner rapidement, avec ses cales inondées et sonétrave en miettes.Le général Vasey soupire. A ce moment, Daniel entre sous la tente : « Mon général, dit-il ensaluant, nous venons de recevoir un nouveau message. Tout frais sorti du déchiffrage ! » C’estla réponse à la demande formulée la veille d’un moyen de transport pour les blindés etnotamment pour les trois Matilda qui attendent à Port Moresby. En moins d’une journée, lademande a pu atteindre Londres, recevoir une réponse et revenir ! C’est exceptionnel. Enfin,le fait que plusieurs milliers de soldats australiens soient mis en échec, malgré des exploitsremarquables, par une force japonaise très inférieure en nombre, a fini par toucher les huileslourdes du haut commandement allié. Le message promet l’envoi à Port Moresby du cargoEmpire Addison, apte au transport de chars, début février.Il faudra que les hommes de Vasey patientent. Bien sûr, rester l’arme au pied trop longtempsrisque d’être mauvais pour leur moral – mais les Japonais devraient trouver le moyen de lesdistraire.

Campagne du Pacifique Sud-OuestThalassa, thalassa (version japonaise…)Baie de Beaufort, Guadalcanal, 00h15 – Après quelques instants de découragement biencompréhensibles, la petite troupe d’Onishi resserre les rangs autour de son chef – lequel lesharangue à voix basse, le sabre à la main, tandis que les hommes du 28e de Reconnaissancesont à l’affût du moindre signe de défaitisme… Tout en pestant contre les obstacles que lesYankees s’ingénient à dresser entre les hommes de l’Empereur et leur objectif – obstaclesévidemment voués à être renversés, mais qui n’en demeurent pas moins irritants – Onishi nepeut s’empêcher d’apprécier en connaisseur la performance des Américains. Ces derniers ontréussi à les dépasser et à les couper du front de mer en dépit de l’avance qu’il avait cru s’êtreménagée en quittant le Seahorse : à n’en pas douter, ils sont dirigés par des officiers de valeur.Et même si cela ne fera pour eux aucune différence au bout du compte, Onishi sait reconnaîtrela compétence, d’où qu’elle vienne. Il n’envisage même pas que la présence des Américains àcet endroit puisse relever du hasard, tant il est persuadé d’être l’unique préoccupation dechaque Yankee sur Guadalcanal.Vers 01h00, malgré la nuit profonde, les reconnaissances qu’il a diligentées (et auxquelles il alui-même participé, bien sûr) lui ont offert une vision à peu près complète du dispositifennemi. Sans être au repos, ces amateurs de base-ball et de pancakes ne sont pas réellementen état d’alerte – et l’estime toute récente d’Onishi pour leur commandant disparaît aussitôt.

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Onishi décide alors d’attaquer sans plus attendre et de profiter de l’effet de surprise pourforcer l’ennemi à un corps-à-corps qui tournera inévitablement à l’avantage des glorieuxcombattants du Soleil Levant. Puis, sur le rivage enfin conquis, ses hommes allumeront desfeux en guise de signal pour les vedettes de la Marine, en espérant qu’elles n’aient pas déjàbattu en retraite sous le futile prétexte du retard de leurs passagers.Quelques instants suffisent à Onishi pour donner les instructions nécessaires et disposer samaigre troupe. Il se félicite d’avoir gardé en vie les cinq mutins que l’honneur lui commandaitd’envoyer rejoindre leurs ancêtres ; ils feront de parfaits boucliers en tête de l’assaut. Mais ilétait dit que rien de bon ne sortirait de pareille lâcheté. Au moment où les hommes d’Onishis’avancent, l’un des mutins qui ouvrent la marche – ému, peut-être, par la mission suicidequ’on vient de lui confier – fait un faux pas, roule au sol et, confirmant sa faiblesse decaractère, se met à pousser des hurlements stridents, prétendant s’être au moins cassé lajambe. Un coup de crosse le réduit au silence, mais le mal est fait : les sentinelles crient auxarmes, une fusée éclairante est lancée, puis une autre, et les Américains ouvrent le feu,d’abord au hasard, puis en concentrant leur tir sur les Japonais surpris à découvert.Alors que les rafales ennemies commencent à tracer des sillons sanglants au milieu de seshommes, Onishi réagit en donnant le seul ordre pouvant éviter leur anéantissement : àl’assaut, et au pas de course ! Néanmoins, les Banzaï pleins d’ardeur qu’il lance à pleinspoumons sont couverts par le staccato des mitrailleuses et par l’explosion des grenades, dontles Américains semblent disposer de réserves inépuisables. Moins de la moitié des survivantsdu Seahorse réussissent à atteindre les lignes ennemies. Sabre en main, Onishi entreprend alors de découper avec entrain tout ce qui s’interpose entrelui et le rivage, tout en regrettant que son arme, insuffisamment entretenue faute de temps etdu matériel nécessaire, soit moins tranchante qu’elle ne devrait. Elle l’est cependant assezpour éviscérer une silhouette qui surgit brusquement devant lui. Au moment où la lame secoince entre deux vertèbres, Onishi constate, scandalisé, que sa victime n’est autre qu’un desmutins censés attirer le feu des Américains et qui, profitant de la confusion, essayait sansdoute de sortir de la mêlée. Quelle leçon, songe le capitaine, plus jamais je ne retarderail’exécution d’un traître, pour quelque raison que ce soit ! De plus, non seulement le traître enquestion est venu s’empaler sur son sabre, mais il en a coincé la lame entre deux de sesvertèbres et l’arrache des mains de son propriétaire en tombant en arrière, une expression desurprise ridicule gravée sur le visage. Avant qu’Onishi puisse le récupérer, un Américain sejette sur lui ; le capitaine parvient à esquiver en partie, mais la baïonnette qui visait sonabdomen lui déchire le bras gauche jusqu’à l’os. Alors que son adversaire dégage son armepour lui porter le coup de grâce sans pour autant cesser de mâcher un chewing-gum, ce quiagace Onishi au plus haut point, le capitaine renonce à se battre de manière honorable.Laissant temporairement son sabre plongé dans les intestins de son compatriote, Onishidécoche un violent coup de pied dans l’entrejambe du Marine (lequel est en réalité un soldatde l’US Army, mais cette distinction byzantine importe peu à Onishi). Le choc a raison à lafois de la couture de sa botte, bien éprouvée par son séjour prolongé dans cette jungle putride,et des ardeurs de son adversaire, qui s’effondre à genoux en couinant comme un porcelet.Onishi, qui constate avec satisfaction que sa riposte a eu pour effet secondaire de faire cracherson chewing-gum au Yankee, lui arrache son fusil et lui loge une balle dans la tête à boutportant. Puis il récupère son sabre, se déchausse pour ne pas trébucher et se jette derechefdans la mêlée.Cependant, malgré les exploits de leur chef, la situation des Japonais est critique.Inexorablement, l’un après l’autre, ils tombent sous les coups de soldats plus nombreux,mieux nourris et mieux entraînés qu’eux. Ils ont beau avoir atteint la plage, ils ne sont plusqu’une poignée, sans munitions, épuisés, à se battre dos à la mer, sous la lumière des fuséeséclairantes. La fin semble proche quand, soudain, des explosions éclatent au milieu des

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Américains, les forçant à se mettre à couvert et neutralisant l’une de leurs mitrailleuses. Cesont les deux vedettes d’Iishi qui, à quelques encablures du rivage, criblent les Yankeesd’obus de 57 mm et de rafales de mitrailleuses lourdes ! Les Japonais survivants, voyant leursadversaires rompre le combat, se jettent à l’eau, mais la plupart, blessés, épuisés ou touchéspar les tirs américains qui n’ont pas cessé, se noient avant d’atteindre les vedettes.Seuls quatre d’entre eux parviennent à se hisser à bord avant qu’Iishi, peu désireux d’exposerdavantage ses hommes au feu de l’ennemi, qui se fait de plus en plus précis, n’ordonne ledépart. Quelques instants plus tard, un grand gaillard portant un uniforme en lambeaux ornédes galons de capitaine, le bras rouge de sang, pieds nus mais le sabre au côté, se présente àlui dans les formes les plus réglementaires.Le reste de la nuit est une course épique pour échapper aux patrouilles américaines quicroisent au large de Guadalcanal. Mais lorsque les vedettes atteignent les îles Russell, où ellesvont faire relâche jusqu’à la nuit suivante, Onishi et Iishi ont appris à s’estimer – sinon àsympathiser…

Fin de partieCours de la Tenamba – À 02h00, plus saoulés encore par les bombes et les obus qu’ilsreçoivent depuis plus de quinze heures que par l’absorption de ce qui leur restait de saké, lesderniers défenseurs de la Tenamba se lancent dans une charge banzaï suicidaire, brisée enquelques minutes par le mur de feu des Américains. Les heures suivantes sont consacrées parles vainqueurs au nettoyage des positions japonaises. Après les mauvaises surprises dessemaines précédentes, les GI ne prennent plus aucun risque : les blessés japonais (et même lescadavres) sont systématiquement truffés de plomb avant de s’en approcher.

Grande victoireGuadalcanal – Lorsque, à l’aube, les premiers éléments du 182e RI atteignent le CapEspérance et le trouvent vide d’ennemis, la nouvelle provoque une explosion de joie au seindes troupes américaines. Au PC de Patch, chacun se congratule, mais le commandant du XIV e

corps garde la tête froide : si le gros des forces japonaises a rembarqué, de petits groupes desaboteurs ou, plus simplement, de retardataires, sont encore susceptibles de se trouver surl’île. Aussi maintient-il ses hommes en alerte maximale. La sécurité des aérodromes estconfiée aux 7e et 8e Marines, dont le rembarquement était de toute façon prévu à brèveéchéance. Le 182e RI doit terminer de sécuriser la zone du Cap, pendant que le 164 e est chargéde nettoyer la côte sud-ouest, y compris la baie de Beaufort. Le 132 e, quant à lui, va êtreramené par bateau jusqu’à la Pointe Koli pour nettoyer l’est de l’île, avec le renfort du 35 e RIde la 25e DI-US.Dans le message qu’il adresse à ses supérieurs, Patch se montre néanmoins plus expansif,saluant la « grande victoire » obtenue par « l’Armée, les Marines et la Navy » – délicateattention dont Nimitz et l’USMC lui sauront gré. Il demande également l’occasion de lancer,le plus rapidement possible, un assaut contre les îles Russell, que les Japonais sontsusceptibles d’utiliser comme relais pour leurs vedettes rapides et leurs sous-marins.

12 janvierCampagne de Nouvelle-GuinéeVers une nouvelle étapeMilne Bay – Le général Robert L. Eichelberger est soucieux. Après leur victoire, ses troupesont pu se reposer un peu, mais elles ont à présent une nouvelle mission : rejoindre le dispositifqui assiège les poches japonaises de la région de Buna-Gona. Seulement, il y a plusieurs

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étapes intermédiaires avant de pouvoir joindre ses forces à celles du général Vasey, sur la côtenord-est de la Nouvelle-Guinée.La première est de capturer Wedeau et l’ensemble de Bartle Bay, tout en prenant le contrôlede l’île Goodenough.Le Lt-général Eichelberger ne craint pas vraiment une opposition nippone organisée. Tout ceque les Japonais avaient comme troupes dans la région a été engagé dans la conquête puis ladéfense de Milne Bay, avant d’être balayé lors de la reconquête. Beaucoup d’hommes ontpréféré se lancer dans des attaques suicides plutôt que de fuir. Ceux qui ont décroché ont étéévacués dans les derniers jours de 1942 par les petits navires gréés en canonnières que lesJaponais utilisent pour patrouiller le long des côtes de-Nouvelle Guinée.Mais pour s’emparer de l’île Goodenough, le 126e Régiment de l’US Army va devoir êtredéplacé par mer grâce à une flottille hétéroclite de petits navires couverts par les ReefRunners de la Royal Navy. Vu que les Japonais, à partir de Lae et de Rabaul, dominent la Merdes Salomon, les risques ne sont pas nuls ! Mais il y a une bonne nouvelle : dans quelquesjours, la couverture aérienne alliée va être sérieusement renforcée. Plusieurs squadrons dechasse américains sur P-40 vont remplacer les quelques Hurricane et Boomerang australienssur les pistes de Milne Bay. Quant à la RAAF, elle va se concentrer à Port Moresby et recevoirelle aussi des renforts non négligeables.

Campagne du Pacifique Sud-OuestProchaine étape : les RussellNouméa – La proposition de Patch (prendre le plus rapidement possible les îles Russell)reçoit le plein soutien de Halsey, dont les services ont déjà étudié la faisabilité de cetteopération.Les îles Russell se composent de deux îles principales et d’une multitude d’îlots. La plusgrande, Pavuvu, est de forme irrégulière et fait moins de 15 km de long. Sa côte nord offreplusieurs mouillages abrités en eau profonde. Seul un étroit canal sépare Pavuvu de sa voisineorientale, Banika, à la géographie surprenante dans les Salomon puisqu’elle est presquecomplètement plate. Selon Halsey, un bataillon de Raiders (le 3 e, par exemple) ou même deMarines “normaux” aguerris, renforcé d’un bataillon de défense côtière, ferait parfaitementl’affaire face à une garnison japonaise estimée à deux cents hommes. L’île principale seraittransformée en base pour vedettes rapides et elle pourrait servir de relais dans la perspectived’une attaque contre Munda. De plus, la prise des îles renforcerait la sécurité d’HendersonField, car elles sont situées à moins de 30 milles de Guadalcanal. On pourrait même envisagerd’y installer une piste pour chasseurs.Ces îles présentent également un autre grand avantage : elles sont à la limite entre le SOPACet le SWPA, mais côté SOPAC. De ce fait, Halsey est en mesure de les attaquer sans avoir àobtenir l’accord préalable de Blamey, son homologue du SWPA, ce qui aurait sans doute prisquelques semaines, avec les complications politiques. Par courtoisie, Halsey fera tout demême prévenir le commandant australien.

13 janvierCampagne de Nouvelle-GuinéeHarcèlementPort Moresby et Milne Bay – En fin de nuit, Port Moresby et Milne Bay sont attaqués pardes bombardiers. Au-dessus de la capitale de Papouasie, il s’agit de quelques Ki-21 qui nefont guère de dégâts. Milne Bay est assaillie par des Ki-48 qui se risquent à plus basse altitudeen raison de la faiblesse de la DCA locale et de l’absence de chasse de nuit. Plusieurs dépôtsde ravitaillement sont touchés.

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Dans la matinée, un Ki-46 de reconnaissance survole Milne Bay et les îles Killerton. Il prendplusieurs photographies du site du naufrage l’Okinoshima Maru. Celles-ci vont révéler auxJaponais que le cargo ‘s Jacob est toujours à flot. Un destroyer et un aviso sont présents pourle couvrir et le dégager. Il s’agit du vieux HMS Thracian et du HMAS Swan.

Campagne du Pacifique Sud-OuestDes généraux pour l’USMCWashington – À peine installé dans ses nouvelles fonctions, Vandegrift est obligé de sepencher sur un dossier qui réveille chez lui des souvenirs douloureux : le choix d’un nouveaucommandant pour la 3e Division de Marines, son chef désigné, Marston, ayant été tué surGuadalcanal début décembre. Après réflexion, Vandegrift propose de confier le poste à celuiqui a mis sur pied la division, le major-général Charles Dodson Barrett.Vandegrift apprend par ailleurs que le major-général William Rupertus, l’un des membres deson état-major, qui assurait de façon transitoire le commandement de sa chère 1 re DivisionUSMC, au repos en Australie, est confirmé à ce poste.Quant à la 2e Division, en mai, au terme de sa période de remise en état, elle sera confiée aumajor-général Julian Smith.Enfin, le brigadier-général Alphonse DeCarre, commandant adjoint de la 2 e Division etprincipal collaborateur de Vandegrift sur l’île, reçoit l’ordre de rentrer aux États-Unis avecquelques officiers et sous-officiers expérimentés de sa division, afin de lancer la création de la4e Division de Marines. Pour accélérer la mise en place de cette Division, le 23e Régiment deMarines, qui fait partie de la 3 e Division, en est détaché afin de servir de noyau à la nouvelleunité (il va falloir trouver un remplaçant au 23 e Rgt pour maintenir la 3e Division à effectifsplein !). Dans le même temps, un bataillon d’artillerie est prélevé sur le 12e Marines pourservir de base au 14e Marines et, selon le même principe, des éléments du génie du 19 e

Marines doivent donner naissance au 20e Marines.

Stratégie américainePearl Harbor – Message “très secret” du CINCPAC (Nimitz) au COMSWPA (Blamey) et auCOMSOPAC (Halsey) : « Quoique très désireux de soutenir les différentes guérillas quiluttent contre les Japonais dans le Pacifique, je considère que la mission prioritaire de nossous-marins est de couler des navires ennemis. Cette mission est cruciale pour le succès denos opérations dans le Pacifique. Or, malgré le concours de sous-marins de la Royal Navy etde la Marine Nationale, qu’il faudra remercier pour l’effort accompli fort loin de leurs baseseuropéennes 1, nous ne sommes pas en mesure de couvrir efficacement les zones de la mer deChine et de la mer des Philippines. Aussi suis-je très réticent à distraire nos sous-marins deleurs patrouilles pour les employer à des opérations de ravitaillement de guérillas.Etant donné l’impact des sous-marins actuellement déployés dans les différents secteurs duPacifique, je me propose de demander un réexamen de la répartition de nos ressources sous-marines afin d’augmenter le nombre des sous-marins consacrés à l’attaque du traficmaritime japonais ».

Campagne des AléoutiennesSurprise !Au large d’Attu – Les Américains, enhardis par l’absence de réaction japonaise jusqu’àprésent, ont décidé de “sauter” Kiska et de s’établir directement sur Attu. Trois transports,escortés par les vieux destroyers Cowell (DD-167) et Haraden (DD-183) et le DMS Chandler,sont donc envoyés pour débarquer de quoi démarrer la construction d’une piste.

1 Façon élégante de rappeler aux alliés européens que le Pacifique est le domaine réservé des Etats-Unis…

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Alors qu’ils approchent de leur but, les six bâtiments sont repérés par l’hydravion YokosukaE14Y [Glen] du sous-marin japonais I-35 (un type B-1). L’E14Y revient à ce moment d’unereconnaissance d’Attu, où il n’a rien découvert. L’appareil n’aperçoit que trois bâtiments qu’ila du mal à identifier avec certitude en raison des nombreux nuages (lesquels, en contrepartie,le dissimulent aux guetteurs américains 2). Cependant, l’équipage du “Glen” est sûr que lesintrus se dirigent vers Attu.Après avoir effectué une reconnaissance au large du Kamchatka, l’I-35 devait remonter toutesles îles Aléoutiennes vers Dutch Harbor en jetant un coup d’œil sur chaque île, directement oupar voie aérienne. Mais le rapport de son hydravion pousse son commandant, le Lt-Cdr HideoYamamoto (un homonyme de l’amiral), à modifier ses plans pour aller voir de plus près ce quise passe sur Attu.

14 janvierCampagne de Nouvelle-GuinéeDuel aérienLae – Les B-17 du 19e BG ont décollé de Mareeba pour lancer un raid sur Lae. A ce moment,dans le Pacifique, il est rare que les Forteresse Volantes aient besoin d’une escorte pour allerattaquer une base de l’Armée japonaise. Les quadrimoteurs, bien armés et bien blindés, volanten formation pour que chacun couvre ses voisins, ne craignent guère les Ki-43 sous-armés etqui, tardivement alertés, ont souvent du mal à grimper à leur altitude.Mais cette fois, l’alerte est donnée alors que les B-17 survolent les montagnes qui formentl’échine de la Nouvelle-Guinée. En effet, gênés par les nébulosités, les 24 appareils se sontquelque peu dispersés et les leaders ont dû lancer de nombreux appels radios pour reconstituerla formation. Escomptant justement que les bombardiers ne seraient pas escortés, l’aviation del’Armée Impériale fait alors décoller dix des douze Ki-45 Toryu [Nick], qui sont en généraldestinés à des actions contre le trafic côtier allié. Les embarcations légères utilisées étant trèsvulnérables à l’armement concentré dans le nez de ces bimoteurs (un canon de 20 mm et soitdeux mitrailleuses de 12,7 mm, soit un canon de 37 mm automatique).Les B-17 sont des cibles moins faciles que de petits bateaux, mais l’armement des Ki-45 n’arien à voir avec celui des Ki-43. Très agressifs, les pilotes japonais réussissent à abattre pasmoins de sept B-17, perdant tout de même trois Ki-45 sous les balles des .50. Les appareilsaméricains survivants bombardent Lae de façon assez imprécise avant de faire demi-tour,jurant mais un peu tard de ne pas revenir sans escorte…

AcharnementMilne Bay (près des îles Killerton) – L’attaque des avions de la Marine Impériale est unerépétition presque à l’identique de celle du 9 janvier. Cette fois, la cible principale des douzeG4M [Betty] est le vieux Thracian (lancé en 1922). Ce dernier se défend de son mieux avecson canon QF 2-pounder Mk II et ses nombreuses mitrailleuses Lewis, tandis que le Swan està l’unisson avec sa batterie de 20 mm.Le premier Betty à s’approcher est littéralement coupé en deux par les tirs et percute lesvagues avant d’exploser. Le deuxième passe à travers les balles et sa torpille type 91 faitmouche ! Par chance, elle frappe la coque à la hauteur des tubes lance-torpille débarqués lorsde la conversion du vieux destroyer en mouilleur de mines. Les dégâts sont importants (l’unedes chambres des machines est noyée), mais non fatals. Le troisième bombardier estchaudement accueilli par la DCA d’un Thracian endommagé mais toujours hargneux.Légèrement touché, le pilote lâche sa torpille trop tôt et manque le destroyer.

2 Il semble que ceux-ci aient bien perçu un bruit de moteur, mais qu’ils l’aient attribué à un PBY en patrouille.

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A ce moment arrivent, avec quelque retard, les avions de la base de Milne Bay, qui ont pris letemps de se regrouper. Une dizaine de Hurricane II et huit Boomerang se jettent sur les Bettyen tentant d’éviter les six Zéro d’escorte. Pour la perte de deux Hurricane et d’un Boomerang,un Zéro et deux Betty sont abattus – les autres bombardiers s’enfuient mais sont obligés delancer leurs torpilles au hasard.Pendant ce temps, le Thracian, qui a pris une gîte d’une quinzaine de degrés sur tribord, luttepour rester à flot. Dans la journée, l’équipe de renflouage embarquée sur le ‘s Jacob vapouvoir lui poser un paillet Makaroff et les pompes, fonctionnant en permanence, éviteront lenaufrage.

Campagne du Pacifique Sud-OuestProchaine étape : les RussellNouméa – Devant les réticences de l’amiral King, peu convaincu de l’intérêt de prendre lesîles Russell, Halsey revient à la charge. Il développe son plan et propose de combiner la prisedu petit archipel avec l’arrivée du 27e RI de la 25e DI-US (dont le 35e RI achève le nettoyagede la partie est de Guadalcanal, tandis que le 161e RI, son troisième échelon, est en coursd’acheminement). La 25e DI serait chargée d’occuper les Russell après leur prise. Halseypropose également d’envoyer aux Russell deux unités de Sea-Bees pour commencer le plusrapidement possible la construction d’une piste pour chasseurs.Envoyer la 25e DI-US dans les îles Russell offre également, toujours selon Halsey, lapossibilité d’accueillir rapidement sur Guadalcanal la 43 e DI-US, actuellement dispersée entrela Nouvelle-Calédonie, Espiritu Santo et la Nouvelle-Zélande, et de porter ainsi le XIV e corpsà son effectif théorique de trois divisions.La proposition est soutenue par Nimitz, pour lequel elle présente l’avantage de libérer lesprécieuses divisions de Marines pour des opérations dans d’autres secteurs du Pacifique. Enfin de journée, King se laisse fléchir et autorise la prise des îles d’ici la fin du mois.

Aménagement à l’américaineGuadalcanal – Pendant que les opérations de nettoyage de l’île se terminent et que l’assautcontre les îles Russell commence à s’organiser, ingénieurs et planificateurs sont déjà à piedd’œuvre et peuvent enfin se mettre sérieusement au travail. Leur objectif : transformerGuadalcanal en base avancée de l’US Navy et de l’USMC. L’île doit devenir le principalcentre d’entraînement des futurs Marines. L’installation d’une base navale à Tassafaronga estdécidée, de même que la création d’un port à Pointe Cruz et l’installation de plusieurs jetéesen dur. Tulagi, quant à elle, doit devenir la principale base américaine du Pacifique Sud pourles hydravions et les vedettes lance-torpilles.

Campagne des AléoutiennesSurprise !Attu – L’équipage du Yokosuka E14Y ne s’était pas trompé. Le Lt-Cdr Yamamoto a dans sonpériscope trois transports, mouillés dans l’anse de Chichagof Harbor. Ils sont visiblement entrain de débarquer sur l’île hommes et matériel. L’idée de choisir la discrétion et d’allerd’abord donner l’alerte par radio ne l’effleure pas. Il y a là aussi deux escorteurs : il se fait fortd’éliminer le premier et d’échapper au second, avant, pourquoi pas, de revenir frapper ànouveau…L’I-35 décoche donc deux torpilles, dont l’une frappe le Haraden. Foudroyé, le vieux four-piper commence à couler – c’est le premier sang des batailles pour les Aléoutiennes. Mais leLt-Cdr Yamamoto s’aperçoit alors que les navires américains ne sont pas seuls. En effet, unhydravion PBY, venu d’Atka, arrive à ce moment sur la scène – un peu tard pour le pauvreHaraden, mais cela change le rapport de forces. Le Cowell, le Chandler et le PBY (relayé en

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temps utile par un autre Catalina) vont pourchasser toute la (courte) journée l’ I-35, qui n’estsauvé que par la nuit.Pendant que le petit convoi américain plie bagages, le sous-marin japonais, dont l’équipageest épuisé, va enfin pouvoir faire surface et alerter Tokyo…

15 janvierCampagne de Nouvelle-GuinéeDiscrétionMilne Bay (près des îles Killerton) – Dans la nuit, le ‘s Jacob parvient enfin à sedéséchouer, avec l’aide de l’aviso Swan. En compagnie du Thracian, les deux bâtiments sedirigent vers Port Moresby – à vitesse réduite bien sûr : l’étrave de le ‘s Jacob est démolie etle Thracian doit éviter d’arracher le paillet qui obstrue la brèche ouverte dans sa coque.Plus tard dans la journée, un avion d’observation japonais vient prendre des photographies,mais les spécialistes nippons de la lecture des photos doivent se rendre à l’évidence : lesnavires alliés ont réussi à s’enfuir.

Campagne du PacifiqueStratégie américainePearl Harbor, 08h30 précises – L’amiral Raymond Spruance frappe trois coups et pénètredans le bureau de son supérieur.– Bonjour Ray, lance un Nimitz presque jovial en contournant son bureau pour lui serrer lamain après lui avoir rendu son salut. « Un café ? Non merci amiral, comme d’habitude ?Bien, passons tout de suite aux choses sérieuses, alors. Que pensez-vous de l’opérationSUNSET ? »Spruance s’installe face au commandant de la flotte du Pacifique et sort plusieurs chemisescartonnées de sa serviette. « Voici mes conclusions, dit-il en faisant glisser les chemises del’autre côté de la table de conférence. Si vous le voulez bien, je vais vous rappeler les grandeslignes de l’opération [voir appendice 1] avant que vous examiniez ces mémos.Comme vous le savez, nous travaillons actuellement sur trois options pour 1943, avec uneimportante contrainte : nous ne disposerons d’un nombre suffisant de nos nouveaux porte-avions d’escadre qu’à compter du mois d’août prochain. Des trois options que nous avonsétudiées, SUNSET est notre projet le plus direct : si l’opération réussit, nous nousretrouverons à quelques centaines de miles des côtes du Japon dès la fin du mois d’août,alors que les deux autres options nous y amèneront au plus tôt fin 1944 – et je suis optimiste.SUNSET a été conçue pour nous permettre de menacer rapidement l’archipel japonais lui-même, en nous fournissant des bases susceptibles de servir de point de départ à une offensiveaérienne contre le Japon. Son second objectif majeur est d’obliger les Japonais à engager lefer de lance de leur flotte, de le disloquer lors d’un engagement aéronaval, et éventuellementde l’achever au canon.Pour ce faire, le plan prévoit la prise simultanée – j’insiste sur ce mot – de trois îles : Wake,Marcus, Chichi Jima. La raison en est simple : ces trois îles se soutiendront mutuellement unefois entre nos mains, et un assaut limité à Wake ne peut que conduire les Japonais à renforcerconsidérablement leurs défenses sur Marcus et Chichi Jima. En d’autres termes, la réussitede l’opération repose sur la surprise. Elle suppose également l’engagement de la quasi-totalité de nos forces navales du Pacifique pour couvrir ces trois opérations : nous laisseronsvirtuellement sans protection le Pacifique Sud, mais également le Pacifique Nord. SUNSET est-elle donc notre meilleure carte ? Je vous laisse y réfléchir. »………

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Sa mémoire ainsi rafraîchie, Nimitz passe à la lecture des mémos. Tout est clair et concis et laconclusion du dossier est nette : « Ce plan est hasardeux et n’offre pas de résultats à lamesure des risques. »………– Bien, soupire Nimitz une fois sa lecture terminée, je crois que le sujet est clos. Nouspouvons passer SUNSET par pertes et profits. Félicitez vos équipes pour cette analyse, Ray.Pourtant… N’y a-t-il vraiment rien à reprendre dans ce projet ?– J’allais y venir, amiral. Nous pourrions continuer de travailler au plan, en le mettant à jouren fonction par exemple des effectifs disponibles au 1er janvier 1944, mais je crains – ouj’espère – que l’offensive que nous lancerons en 1943 ne vienne balayer toutes les hypothèsessur lesquelles SUNSET a été bâtie. Je préfèrerais donc ne pas allouer trop de ressources àune opération qui ne verra sans doute pas le jour. Néanmoins, la partie relative à Wakepourrait être retravaillée et réutilisée dans le cadre d’un assaut limité à cette île. D’après leséchos qui me sont revenus ces dernières semaines, le bureau des opérations de l’USMCsouhaiterait reprendre Wake, autant pour des raisons de prestige que pour aguerrir sesnouvelles divisions. Dans ce cas de figure, nous n’aurions donc pas travaillé complètementpour rien. D’ici là, nous pourrions utiliser l’île pour entraîner nos nouvelles unités navales,qu’il s’agisse de nos nouveaux classe Essex ou des cuirassés rapides des classes SouthDakota et Iowa, en combinant raids aériens et bombardements au canon. Un barrage desous-marins pourrait intercepter les renforts que ne manqueraient pas d’envoyer lesJaponais. En somme, une opération qui présenterait peu de risques, mais qui serait trèsformatrice.

Campagne des AléoutiennesSurprise et riposteTokyo – Les Américains sont en train d’établir une base sur Attu ! Le message de l’I-35déclenche, sinon la panique, du moins l’affolement à l’état-major de la Marine Impériale.L’ennemi est pratiquement aux portes du Japon, même s’il n’est pas vraiment en force. Laréaction sera à la mesure de l’offense, d’autant plus qu’avec l’opération qui se prépare dansl’Océan Indien, une action dans le Pacifique Nord permettra de montrer que la promesse del’amiral Yamamoto – agir d’un bout à l’autre du théâtre des opérations – n’était pas vaine,contrairement à ce que prétendent les ricanements de l’Armée.Première chose à faire : lancer des reconnaissances aériennes sur Attu et Kiska à partir desbases des Kouriles. Déployer des G4M1 [Betty] sur l’île de Paramushiro et commencer auplus tôt à bombarder les installations américaines sur Attu – cette mission sera confiée au 752 e

Kokutai.Après les avions, les sous-marins : le I-11 (type A1), actuellement à Kure, va rejoindre l’I-35aux Aléoutiennes. Il devrait y arriver le 24. En l’attendant, l’ I-35 devra achever de reconnaîtrela partie ouest de l’archipel (Kiska et Adak).Mais la véritable riposte prendra la forme d’une action de la Flotte Combinée. Lesplanificateurs se mettent immédiatement au travail.

16 janvierCampagne du PacifiqueStratégie américainePearl Harbor – Dès le début de la matinée, Nimitz et Spruance reprennent leur étude desopérations prévues en 1943. C’est au tour du projet d’attaque vers Rabaul, via les Salomon,d’être examiné.

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– Voici l’idée générale, expose Spruance. Nous neutralisons Rabaul petit à petit en nousemparant des principaux points d’appui des Japonais dans les Salomon – Buin, Munda,Kakuta [voir appendice 2] – le tout coordonné avec la reconquête de la Nouvelle-Guinée. Unefois Rabaul repris ou simplement neutralisé, nous pourrons faire mouvement vers lesPhilippines pendant que les Australiens pivoteront vers Timor et Célèbes. Les Japonais serontforcés de livrer bataille, sous peine de voir leur flotte paralysée par manque de pétrole (si ellereste au Japon) ou faute des capacités industrielles nécessaires à son entretien (si elle resteaux Indes néerlandaises). Ce plan est toutefois soumis à deux exigences : le succès enNouvelle-Guinée, ce qui nous obligera à y consacrer des effectifs importants pour soutenir lesAustraliens, et la neutralisation de Truk, menace permanente pour notre flanc droit.………Le dossier conclut que :– une attaque contre Buin sans la prise préalable d’aérodromes intermédiaires subirait sansdoute des pertes intolérables.– les options Munda et Rekata se valent.Mais tout cela apparaît bien difficile, pour des gains incertains, d’autant que le goulotd’étranglement de la disponibilité des navires de transport et de débarquement joue égalementà plein, obligeant un strict découpage des opérations – ce qui laissera tout le temps auxJaponais de se préparer aux coups successifs qui leur seront infligés.………– Alors, Ray, qu’en dites-vous ? demande Nimitz. Pour ma part, je doute de l’intérêtd’immobiliser une dizaine de divisions pendant des mois au fin fond des Salomon. Les Japspeuvent nous bloquer pendant des semaines sur chacune des îles que nous attaquerions, etharceler en permanence nos communications. De plus, maintenant que nous disposons d’unesolide base sur Guadalcanal, je ne pense pas que Yamamoto engage ses porte-avions pourcontrer nos opérations. Pendant que nos forces seront coincées dans le Pacifique sud, ilsseront libres de frapper partout ailleurs. Franchement, si notre objectif est Tokyo, la route nepasse pas par Rabaul !– Et n’oubliez pas Truk, amiral. Même si nous parvenions à neutraliser Rabaul – et celacoûterait cher, en temps, en hommes et en matériel – notre avance resterait en permanenceexposée aux coups de l’adversaire. Sans même sortir de Truk, quelques porte-avions nipponspeuvent immobiliser l’essentiel de notre force de porte-avions rapides, juste au cas où… Cequi serait un brillant succès tactique offert sans frais à l’ennemi.– Entièrement d’accord, reprend Nimitz. Nous devons conserver l’initiative stratégique quenous avons péniblement gagnée ces six derniers mois. Nous enferrer dans les Salomonreviendrait à la gaspiller sur des objectifs prévisibles, vulnérables et non décisifs. Si nousétions dans un an, avec les forces dont nous disposerons alors, pourquoi pas, mais je ne veuxpas user pour rien les forces limitées dont nous disposerons cette année.– De ce point de vue, une avance dans les Salomon nous coûterait très cher. Si nous devonsprévoir une demi-douzaine de débarquements avant d’atteindre Rabaul, imaginez dans quelétat se trouveront nos trois divisions de Marines, qui sont encore les seules capables delancer un assaut amphibie d’ampleur dans de bonnes conditions. Si l’on compte trois mois,au plus juste, pour les remettre d’aplomb après chaque opération, nous serons encore devantRabaul dans un an et demi ! Je sais que les divisions de l’armée basées à Pearl, enparticulier la 27e DI, travaillent dur, mais elles ne seront pas opérationnelles avant l’été, aumieux, et n’auront toujours pas connu le baptême du feu. Bref, cela reviendrait à user destroupes aguerries pour un gain assez faible, alors que nous pourrions les utiliser à meilleurescient.– Pourquoi croyez-vous que j’ai soutenu la proposition d’Halsey d’envoyer le plusrapidement possible la 43e DI-US sur Guadalcanal ? Maintenant que son XIVe corps est à

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effectifs pleins, Patch ne pourra plus réclamer la mise à sa disposition de nos divisions deMarines, s’exclame Nimitz. Bon, je crois que nous somme d’accord, Ray. Nous présenteronsdemain les trois possibilités à l’amiral King, mais nous soutiendrons la troisième. Veillezcependant à y inclure suffisamment de variantes possibles afin de ne pas donner à l’amirall’impression qu’il ne décide de rien.………« Les conférences Nimitz-Spruance des 15 et 16 janvier 1943 font partie de ces tournantsignorés de la Seconde Guerre Mondiale. Il est d’ailleurs significatif qu’elles n’aient étéredécouvertes qu’après la déclassification du Graybook de Nimitz. Jusqu’alors, on attribuaitle choix de la stratégie américaine dans le Pacifique en 1943 à l’amiral King, à l’issue de savisite à Pearl Harbor des 17 et 18 janvier 1943. D’après les documents contenus dans leGraybook, il apparaît clairement que des décisions aussi lourdes de conséquences quel’abandon de l’idée d’une poussée importante en direction de Rabaul, ou la priorité absoluedonnée au Pacifique central, ont été conçues et formulées par Nimitz et son adjoint. En cettemi-janvier 1943, c’est bien l’avenir de la guerre aéronavale dans le Pacifique qui s’est joué »(Jack Bailey, Un Océan de flammes – La guerre aéronavale dans le Pacifique).

Campagne du Pacifique Sud-OuestGuerre sous-marineAu sud de la Nouvelle-Calédonie – Le sous-marin japonais I-10 a quitté Truk une dizaine dejours plus tôt pour effectuer une reconnaissance de la Nouvelle-Calédonie, de la Nouvelle-Zélande et du Détroit de Torres puis attaquer les lignes de communication alliées au sud desSalomon. Il est d’abord passé largement à l’écart des Salomon pour éviter toute mauvaiserencontre. Mais la proie qu’il repère aujourd’hui est décidément trop alléchante pour êtreignorée : un porte-avions qui ne semble escorté que par deux destroyers. Le commandantTakashi manque toutefois son approche et ses torpilles se perdent sans avoir été repérées parles navires ennemis.

Campagne des AléoutiennesReconnaissancesAléoutiennes – Un Kawanishi H8K [Emily] reconnaît Attu et confirme l’activité des élémentsaméricains déposés là deux jours plus tôt. Le mauvais temps ne lui permet pas de préciser lanature et l’importance des troupes en question.Le sous-marin I-35 reconnaît Kiska, d’abord par avion, puis directement (on n’est jamais tropprudent). Aucun doute : les troupes américaines n’ont pas pris pied sur l’île.

Tokyo – L’état-major de la Marine Impériale transmet à l’amiral Yamamoto un projet d’actiondans les Aléoutiennes. Ce premier jet est aussitôt accepté et sa mise en œuvre immédiate estordonnée.Une escadre imposante, confiée au vice-amiral Kakuji Kakuta, va être constituée autour duporte-avions Hiryu 3 et du porte-avions léger Zuiho 4, escortés par le cuirassé rapide Haruna(navire amiral) et appuyés par les croiseurs porte-hydravions Chikuma et Tone. Le tout seracouvert par neuf destroyers (Akebono, Hatsuharu, Hatsushimo, Hokaze, Nenohi, Shiokaze,Teruzuki, Usugumo et Wakaba) menés par le croiseur léger Agano, dont ce sera la premièremission de combat. La mission de cette escadre sera d’aller « trancher à la racine l’arbre desforces ennemies dans les Aléoutiennes » : autrement dit, bombarder Dutch Harbor. Laréférence à l’attaque de Pearl Harbor est évidente : le nom de code donné à cette mission est

3 21 A6M, 15 D3A, 6 D4Y, 21 B5N.4 10 A6M, 10 D3A et 6 B5N.

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“opération Niitaka” (d’après la phrase qui donnait le feu vert au bombardement d’Hawai :« Gravissez le mont Niitaka »).L’escadre Kakuta, logiquement baptisée Force Niitaka, longera ensuite la chaîne desAléoutiennes jusqu’à son extrémité. En effet, il faut chasser les Américains d’Attu ! Pourquoine pourrait-on s’emparer de l’île avant qu’ils n’achèvent l’aérodrome qu’ils sont sûrement entrain de construire ? Ce sera la mission de la 4e SNLF de Maizuru (forte d’un peu plus d’unmillier d’hommes). Simultanément – les planificateurs voient grand ! – la 3e SNLF deMaizuru (550 hommes), accompagnée d’une unité de 700 travailleurs coréens, sera débarquéesur Kiska, l’île voisine, s’il apparaît que l’ennemi ne s’y est pas implanté. Son objectif serad’y installer une hydrobase et une base de mini-sous-marins.Cette double mission – noms de code opérations AL 1 et AL 2 – mobilisera pour Attu lestransports Kumagawa Maru (7 500 tonnes), Sanuki Maru et Nojima Maru (tous deux 7 189tonnes), et pour Kiska les Hakusan Maru (10 380 tonnes) et Kano Maru (8 540 tonnes). Cesbâtiments seront accompagnés par le ravitailleur d’hydravions Kunikawa Maru 5, chargéd’établir l’hydrobase prévue sur Kiska, et par les pétroliers ravitailleurs Genyo Maru, KenyoMaru et Teiyo Maru (environ 10 000 tonnes chacun). Le tout sera accompagné par troischasseurs de sous-marins, les CH-25, CH-26 et CH-27, deux poseurs de mines, les Ishizaki etUkishima, et cinq autres escorteurs ASM, les patrouilleurs PB-31, 32, 34, 37 et 39 (des ex-destroyers de classe Momi).Le convoi sera couvert à distance par la Force d’Appui AL, comprenant le grand cuirasséMusashi 6, une division de croiseurs lourds, l e s Ashigara e t Nachi, et une division dedestroyers (les Ikazuchi, Inazuma, Kasumi, Shiranui et Yamagumo) conduite par le croiseurléger Sendai. La Force AL est placée sous le commandement du vice-amiral BoshiroHosogaya (sur le Musashi). Il ne semble pas qu’on ait, à l’état-major, pris garde au faitqu’Hosogaya est plus ancien dans le grade que Kakuta, même si la force qui lui est confiée necomprend aucun porte-avions, ce qui semblerait confier l’initiative à Kakuta…Sitôt que les troupes auront pris le contrôle de Kiska, les sous-marins I-169 et I-171 (tousdeux du type Kaidai VIa) appareilleront de Kure. Chacun d’eux devra “livrer” à Kiska unmini-sous-marin. Les deux petits submersibles opéreront sur place aussi longtemps quepossible, malgré l’absence d’une base digne de ce nom (qui ne saurait être construite avantl’été). Pendant ce temps, les deux grands sous-marins patrouilleront dans l’archipel avec les I-11 et I-35.

17 janvierCampagne de Nouvelle-GuinéeNouveaux avionsPort Moresby et Milne Bay – Un important chassé croisé aérien se déroule en NouvelleGuinée.Le Sqn 75 de la RAAF revient de Milne Bay à Port Moresby pour remettre en état sesHurricane II. Les appareils recevront des filtres Vokes améliorés et un traitement antifongiquedes parties entoilées. Mieux encore, les effectifs seront recomplétés par de nouveauxHurricane III (ou super-Hurricane), les premiers avions sortis des lignes de montaged’Australie avec les blocs moteur-hélice acheminés d’Angleterre. Le Sqn 76, équipé de

5 Le Kunikawa Maru transporte 8 A6M2-N [Rufe], 1 E13A1 [Jake], 4 barges Daihatsu et 2 barges Chuhatsu(version réduite de la précédente). C’est le dernier Maru ravitailleur d’hydravions, avec le Sagara Maru, qui setrouve dans l’Océan Indien. En effet, les Sanyo Maru et Sanuki Maru seront bientôt reconvertis en transports etle Kiyokawa Maru a été coulé le 26 mars 1942.6 Le Musashi vient de terminer une période d’essai au Japon après avoir vu sa DCA renforcée au prix de lasuppression de deux de ses tourelles secondaires.

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Boomerang, quitte lui aussi Milne Bay. Les appareils qui se posent pour remplacer les deux squadrons n’appartiennent pas à laRAAF. Ce sont des P-40 Warhawk de l’USAAF.

Campagne du PacifiqueStratégie américainePearl Harbor – L’amiral King est accueilli à Oahu avec les honneurs dus à son rang. À peinedébarqué de son B-17, il est conduit à Pearl Harbor où il enchaîne prises d’armes, visites denavires et d’hôpitaux, remises de décorations. La matinée se termine par une allocution devantles officiers supérieurs présents dans l’archipel et un buffet bien arrosé auquel participent lesautorités civiles. Le contraste est saisissant entre un Spruance agrippé à son verre d’eauminérale et un King qui semble s’être donné pour mission d’écluser tous les stocks d’alcoolde l’île à lui seul.Mais la raison de la venue de l’amiral est la réunion de l’après-midi.King commence, en guise d’introduction, par informer ses interlocuteurs de l’évolution deschoix faits en matière de construction de grands bâtiments. La fin de l’année, et notamment lagrande bataille de novembre, a montré que la Navy manquait de porte-avions, alors même queceux-ci étaient devenus les véritables capital-ships. En revanche, les fameux super-cuirassésnippons signalés par les sources soviétiques ne se sont pas montrés – et entre les quatre SouthDakota et les quatre Iowa, sans parler des vieux battle-wagons et même « si besoin (leSeigneur nous préserve d’en arriver là !), des cuirassés anglais et français », il devrait êtrepossible de faire entendre raison aux navires de ligne de la Marine Impériale. Quant auxtorpilles japonaises, elles sont certes redoutables, mais on peut éviter d’exposer les cuirasséslorsque des croiseurs suffisent – et il semble que les bâtiments dotés de quinze tubes de sixpouces à tir rapide soient très performants en cas d’affrontement nocturne.La construction des deux super-cuirassés de classe Montana a donc été « provisoirement »suspendue. Cette suspension permettra l’achèvement plus rapide des deux derniers classeIowa et la construction de davantage de porte-avions, mais aussi de LST – navires plusmodestes, mais essentiels à la victoire !Nimitz déclare qu’il est pleinement d’accord avec les choix faits à Washington, puis il laissela parole à Spruance. Ce dernier présente à King les trois options sur lesquelles travaille leCINCPAC depuis plusieurs semaines. Sans surprise, King rejette à la fois SUNSET et l’idéed’une offensive majeure dirigée droit vers Rabaul. – Les Australiens vont bientôt disposer d’une dizaine de divisions, alors qu’ils reprennentleur Papouasie tout seuls, s’emporte-t-il. Ils nous ont bassinés toute l’année dernière avecleur “mobilisation extraordinaire”, pour arracher le commandement de ce secteur du front,très bien, mais il faut qu’ils assument. Je veux bien que l’Armée leur envoie des chasseurs etdes bombardiers par centaines si elle ne sait pas quoi en faire, mais il est hors de questionque nous nous retrouvions dans une position où les opérations en Nouvelle-Guinéecontraindraient notre stratégie générale. Notre objectif est de couler la flotte japonaise etd’obtenir la capitulation de Tokyo, pas de libérer des Papous ! À mesure que nousavancerons, même lentement, dans les Salomon et que les Australiens grignoteront les Japsen Nouvelle-Guinée, Rabaul perdra toute son importance. Inutile de mobiliser 300 000hommes et quinze porte-avions pour arriver au même résultat.Forts de cette déclaration qui va dans leur sens, les commandants de la flotte du Pacifiquedéveloppent leur troisième proposition : une poussée vers les Mariannes.– D’une certaine façon, amiral, indique Spruance, cette offensive permettrait de sedébarrasser de Rabaul aussi bien qu’une poussée dans les Salomon, mais avec uneimportante économie de temps et de moyens. Lorsque nous aurons fait sauter la barrière desGilbert et des Marshall, nous pourrons à la fois planifier l’assaut contre les Mariannes et

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neutraliser Truk en menant une série de raids aériens contre cette base. Et, sans Truk commebase arrière, Rabaul n’est qu’une coquille vide.La poussée vers les Mariannes offre par ailleurs des possibilités stratégiques bien plusétendues qu’un effort identique dans les Salomon. Saipan est la clé de voûte de leur systèmede défense. Si nous l’attaquons, la flotte japonaise sera obligée de réagir. Nous l’attendrons,nous l’attirerons sur notre terrain, en dictant nos conditions, et nous l’écraserons. Parailleurs, très honnêtement, je ne vois pas comment mener des opérations d’envergure contrele Japon lui-même, ou même contre Formose ou les Philippines sans disposer des Mariannescomme base arrière.– Si je comprends bien, vous me suggérez de consacrer l’essentiel de notre potentiel naval àcette poussée vers les Mariannes ? Je suis tenté de dire oui tout de suite, mais n’est-ce pasrisqué ?– C’est un risque calculé, Ernest, intervient Nimitz. Nous pouvons opter pour la sécurité, lalenteur et de lourdes pertes dans les Salomon, ou pour l’audace calculée, la rapidité et desrisques somme toute limités dans le Pacifique central.– Une fois les Mariannes prises, au plus tôt en avril 1944, reprend Spruance, plusieursoptions s’offrent à nous pour atteindre notre objectif stratégique : bloquer la Mer de Chine duSud et couper le Japon de son approvisionnement en pétrole. Nous pouvons tomber sur lesPhilippines bien plus rapidement qu’à partir de la Nouvelle-Guinée. Nous pouvons égalementaller prendre Formose et l’une ou l’autre île en chemin, par exemple Iwo Jima. Cette secondeoption a notre préférence car, outre l’étranglement du Japon à brève échéance, elle offre uneseconde perspective stratégique importante : la consolidation des positions alliées en Chine.En effet, une fois Formose prise, nous pouvons couper les communications avec le Japon del’Armée japonaise en Chine. Enfin, de Formose, nous pouvons remonter le chapelet d’îles quiconduisent au cœur du Japon – au lieu de nous contenter de le faire dans les Salomon avecRabaul comme objectif.– Tout cela me paraît très convaincant, reconnaît King. Communiquez-moi vospréconisations, je me charge de les faire valider par le Président.– Une dernière chose sur les Salomon, précise Nimitz. Nous avons été bien trop optimistes,d’une part quant à notre capacité à retirer nos troupes d’assaut du terrain conquis, d’autrepart quant à la durée de leur remise en état après des opérations dans la jungle tropicale.L’Armée n’est susceptible de prendre le relais qu’à la condition de disposer de troupesspécialement entraînées aux combats dans la jungle – ce qui sera l’ordinaire d’une avancéedans les Salomon. Autant les 23e et 25e DI sont opérationnelles, autant la 43e a encore besoinde plusieurs semaines de mise au point. D’après notre expérience de Guadalcanal, la valeurcombative de la 23e DI va commencer à s’émousser à partir de début février. Elle devraprobablement être retirée du front pour remise en état au plus tard en juin prochain. Afin demaintenir le XIVe Corps à trois divisions, il serait possible d’y envoyer la 24 e DI, qui estactuellement à Hawaï.– Vous voulez envoyer une division supplémentaire à Patch ? demande King. Je croyais avoircompris que les Salomon n’étaient pas une priorité pour vous, Chet.– Mes estimations concordent avec celles de Ray, Ernie. Nous ne souhaitons pas immobiliserdes troupes à Hawaï pour le simple plaisir de faire bisquer nos amis fantassins. Les forcesque nous pouvons utiliser aux Mariannes sont limitées par le tonnage disponible pour lestransporter, les ravitailler et les protéger. Vous êtes d’accord, je pense, pour que nous évitionsà l’avenir de lancer une opération aussi improvisée que celle de Guadalcanal, n’est-ce pas ?Avec les 27e et 40e DI qui se trouvent aussi à Hawaï et sont déjà opérationnelles, plus nosdeux (et bientôt trois) divisions de Marines, nous avons assez de troupes pour foncer vers lesMariannes cette année. Pour la prise des Mariannes mêmes, nous pourrons compter à partirdu 1er janvier 1944 sur les 6e et 33e DI, qui doivent arriver fin juin à Hawaï pour six mois

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d’entraînement, et sur la 4e Division de Marines en cours de formation, soit un total de huitdivisions. C’est plus que nous ne pouvons en transporter. La 24e DI est apte à combattre dansles Salomon, qu’elle y aille si elle peut y être utile !– Je vois. Et les Australiens ne pourront pas nous accuser de délaisser le secteur.– Enfin, termine Nimitz, je souhaiterais dès maintenant organiser nos quatre premièresdivisions en deux corps amphibies, constitués chacun d’une division de Marines et une del’Armée en soutien : 1re Marines et 27e DI, 2e Marines et 40e DI. Deux corps supplémentairesseront mis sur pied au début de 1944 avec les 3e et 4e Marines et les 6e et 33e DI.– Mais pour commander ces corps, je suppose que vous ne comptez pas faire de cadeaux àl’armée, n’est-ce pas ?– Je souhaiterais que le commandement du corps amphibie qui lancera l’offensive enseptembre prochain soit confié au général Vandegrift. Il devrait avoir terminé sa missionauprès du chef de l’USMC d’ici quelques semaines. Quant au deuxième, je m’en remets àvous, amiral.– Et nul doute que tout Washington viendra frapper à ma porte pour placer son poulain !Mais vous avez raison, Chet, il faut laisser du mou à ces gens-là, les laisser croire qu’ils sontimportants et que nous les écoutons.– Une dernière chose, amiral, intervient Spruance, désireux d’éviter un cours magistral sur lesarcanes politiques du District of Columbia. Si nous décidons de laisser le champ libre auxAustraliens en Nouvelle-Guinée, nous aurons quand même besoin là-bas de deux divisions, la32e, qui s’y trouve déjà, et par exemple la 37 e, qui est aux Fidji et pourrait y être remplacéepar quelques bataillons de défense côtière maintenant que la menace qui pèse sur cet archipels’est estompée. L’attrition dans la jungle de Nouvelle-Guinée est au moins aussi forte qu’àGuadalcanal, et même si les Australiens sont à la manœuvre, nous devons garder un œil surcette zone, dont le débouché naturel est les Philippines.Après quelques secondes de réflexion, King hoche la tête : « Je dois pouvoir obtenir ça duPrésident et de Marshall. Il faudra bien entendu que le Conseil du Pacifique et le JCS validecette stratégie, mais j’aime l’idée de garder un œil sur les Australiens, et Blamey ne pourrapas refuser notre aide. Cela nous permettra également de surveiller nos amis Anglais enMalaisie, sans parler des Français !Pour ce qui est des Philippines, j’en parlerai au Président. J’ai bien pris note de votrepréférence pour un assaut contre Formose, et je sais comme vous que nous n’aurons pas lacapacité de mener les deux de front. Mais nous retombons dans des questions politiques. LesPhilippines sont considérées par beaucoup de monde comme des sortes d’états américains unpeu exotiques, et il y a ce fichu martyr de MacArthur, qui réussit à nous casser les piedsmême de l’au-delà. Je ne vous apprends rien en vous rappelant qu’il y a une électionprésidentielle l’année prochaine, donc une campagne électorale. Si le candidat républicainprend fait et cause pour la libération des Philippines, ou si le président actuel éprouve lebesoin de faire jouer la corde MacArthur, nous risquons de prendre le chemin de Manille dèsla prise des Mariannes. Donc voici mes ordres, messieurs : lorsque notre plan d’opérationaura été validé par le Conseil du Pacifique et le JCS, vous ferez étudier les deux variantes,Formose ET Philippines. »Spruance fait la moue : « Même en nous limitant au Pacifique Central, nous aurons besoin demoyens gigantesques pour soutenir nos troupes, amiral. Il paraît délicat de priver de manièrepermanente les Salomon d’un appui aéronaval : quelques porte-avions d’escorte devront yêtre envoyés régulièrement, sinon pour couvrir les opérations de débarquement, du moinspour y convoyer de nouveaux appareils. Actuellement, nous estimons pouvoir lancer l’assautcontre les Gilbert dans de bonnes conditions dans la seconde quinzaine de novembre. Si nouspouvions disposer de davantage de CVE dès l’été, notre planning pourrait être avancé d’un àdeux mois. »

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– N’y comptez pas trop. Jusqu’à la fin du printemps, nous allons devoir transporter enEurope des milliers d’hommes et des centaines de milliers de tonnes de matériel et decarburant pour le débarquement en Provence. Je dois faire protéger ces convois, et lameilleure façon d’y arriver, c’est de couvrir l’Atlantique de CVE pour couler un maximumd’U-boots avant qu’ils ne puissent frapper. Puis il y aura le débarquement lui-même.Politiquement, pour ne pas apparaître à la traîne des Anglais et des Français, la Navy devrafournir quelques CVE et quelques-uns de nos vieux battle wagons pour écraser les troupesd’Hitler et protéger nos boys. Donc ne comptez pas sur eux pour l’instant. Tout dépendra dela date exacte du débarquement et de son déroulement, mais ce ne sera pas avant le troisièmetrimestre. Sur ce point, désolé, Messieurs, mais je n’y peux rien ! Notre principale opération,en 43, c’est le débarquement en France. Roosevelt, Churchill, Staline, et bien sûr lesFrançais, ils ne pensent qu’à ça. A côté, vous pouvez leur promettre de prendre une douzained’îles dans le Pacifique, cela n’y changera rien ! lance King à ses subordonnés contrits.

Campagne des AléoutiennesLa Marine Impériale à l’offensiveTruk – Le vice-amiral Kakuta a mis son pavillon sur le Haruna. Vingt-quatre heures après ladécision de l’état-major de la Marine Impériale, le cuirassé, les porte-avions Hiryu et Zuiho etleur escorte lèvent l’ancre.

Du côté des AméricainsAléoutiennes – Tandis que les Japonais s’activent fébrilement pour étouffer la menacereprésentée par la construction d’un aérodrome américain sur Attu, les forces des Etats-Unisdans l’archipel poursuivent leur déploiement.La Task Force 8 et les escorteurs déployés dans la région ne totalisent que seize navires deguerre de surface (dont un seul croiseur lourd, le Chester, et deux croiseurs légers anciens),auxquels s’ajoutent deux sous-marins, les Grunion et Trigger. Cependant, les forces terrestreset aériennes sont relativement importantes.L’Alaska Defense Command est sous les ordres du général Simon Bolivar Buckner, quidispose de la Garde Nationale d’Alaska, des Scouts d’Alaska 7 et surtout de la 2e Divisiond’Infanterie du général Walter M. Robertson (9e, 23e et 38e RI et unités divisionnaires, dont le13e Bataillon du Génie). Ce sont des éléments du 9e RI et du 13e Bataillon du Génie qui ontdébarqué sur Attu, où ils ont été accueillis par une soixantaine de Scouts envoyés reconnaîtrele terrain.La 11e Air Force (général William O. Butler) comprend à cette date seulement deux Groups,car le 54e Fighter Group (42e, 56e et 57e Fighter Squadrons) a été replié en Californie. En effet,ses P-39 avaient du mal à supporter les mauvaises conditions locales (climat et état despistes).– Le 343e FG comprend les 11e, 18e et 344e FS, sur P-40 et le 54e FS, sur P-38. Le 11e FS esten cours de rééquipement sur P-38, précédant le 18e FS.– le 28e Bombardment Group (Composite) comprend à ce moment le 36 e BombardmentSquadron (sur B-17, en cours de rééquipement sur B-24), les 73e BS (sur B-25) et le 77e BS(sur B-26). Il est prévu, dès l’achèvement de l’aérodrome d’Attu, de renforcer le Group avecle 21e BS (détaché du 30e BG-Heavy) et le 404e BS (détaché du 44e BG-Heavy), tous deux surB-24.

7 Les Scouts sont moins d’une centaine, mais ce sont d’excellents éléments, très à l’aise sur leur terrain. Legénéral Buckner a néanmoins refusé leur inclusion dans la Garde Nationale car la plupart des hommes sontEskimos ou Aléoutes…

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Par ailleurs, une quinzaine de PBY-5A Catalina sont basés à Atka (près d’Adak), à DutchHarbor et à Anchorage. Ils sont appuyés par quatre ravitailleurs d’hydravions : les AVDHulbert et Williamson et les AVP Avocet et Casco.Enfin, il faut mentionner les humbles C-47 des 42 e et 54e Troop Carrier Squadrons, certesmoins glamourous, mais dont le rôle n’en est pas moins important !

Un hydravion perduAdak – Le sous-marin I-35 lance vers l’île son hydravion de reconnaissance E14Y. Maiscelui-ci ne revient pas. Il est vrai que les conditions météo peuvent l’expliquer… Quoi qu’ilen soit, le sous-marin va devoir s’approcher d’Adak pour en savoir plus.

18 janvierCampagne de BirmanieToad-Toad-Toad !Rangoon, 17h30 – Les transmissions du QG allié reçoivent tous les quarts d’heure avecl’indicatif de Fauconneau/Falconet le mot TOAD par salves de trois, indiquant qu’un fortconvoi de navires a doublé Mergui, cap au nord. La procédure n’implique la rupture dusilence radio qu’en cas de passage de plus de 20 navires. Ici, la répétition trois fois indiqueplus de 40 navires ! Après le quatrième TOAD-TOAD-TOAD, un accusé de réceptioninterrompt les émissions de Fauconneau : le message est bien passé.Un pareil convoi ne peut s’expliquer que par une opération amphibie – alors que la RoyalNavy avait garanti que les Japonais en étaient incapables ! Il est vrai que la Navy n’avaitenvisagé qu’une opération de bien plus grande envergure que celle qui est en cours. Mais àdéfaut de connaître le nombre exact et la taille des bâtiments impliqués, le QG de la BurmaArmy craint le pire.Toutes les troupes défendant la Birmanie sont mises en alerte et des reconnaissances aériennessont préparées pour le lendemain dès l’aube.Près de Rangoon, la 13e Brigade Indienne est avertie qu’elle risque de devoir faire faire destravaux pratiques à ses élèves – puisqu’elle est aujourd’hui vouée à la formation au combatdans la jungle. Elle doit couvrir la côte au sud-ouest de la capitale. Tandis que les 15 e et 17e

Brigades de la 5e D.I. britannique sont chargées de couvrir la côte au nord-est de Rangoon, la13e reçoit l’ordre de se mettre en route vers la côte sud-ouest. C’est du moins ce que retiendral’histoire officielle de la 9e Armée. Selon certaines mauvaises langues qui se sont déliées aprèsla guerre, cette manœuvre était involontaire : l’état-major ne croyait pas à un débarquement ausud-ouest de Rangoon et l’ordre parvenu à la 13e Brigade britannique était en fait une copie decelui envoyé à la 13e Indienne… Comme les Japonais l’avaient prévu, il n’y a pas à Rangoon de grande unité navale alliée. Ils’y trouve cependant cinq destroyers, les HMAS Nestor, Quadrant, Quality, Queenborough etQuickmatch, qui viennent d’escorter un convoi de matériel et de ravitaillement ets’apprêtaient à partir pour l’Australie, puisque l’amiral Somerville les a libérés de leurs tâchesdans la flotte de l’Océan Indien 8.

8 Ils doivent rejoindre en Australie d’autres destroyers australiens : le Warramunga (tout juste réparé après lesdégâts subis lors de la bataille de Tassafaronga, bien plus légers il est vrai que ceux soufferts lors de la bataille duDétroit de Chine – les ouvriers, fouettés par l’annonce de la perte de l’ Arunta, ont travaillé avec uneexceptionnelle rapidité) et deux “classe N” vétérans de la Méditerranée, les Napier et Nizam. Un autre classeTribal, le Kurnai, est en construction aux chantiers Cockatoo, à Brisbane ; il entrera en service en 1944.En échange des cinq destroyers australiens passant par Rangoon, la flotte de l’Océan Indien est renforcée par lesHMS Penn et Petard et par quatre “classe N” arrivant des eaux européennes, les Hollandais HrMs Tjerk Hiddes(ex-Nonpareil) et Van Galen (ex-Noble) et deux autres Australiens, les HMAS Nepal et Norman.

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De plus, stationnent à Rangoon une flottille de six vedettes lance-torpilles et un sous-marin, leHMS Tigris. Tout ce monde est mis en alerte et le départ des destroyers pour l’Australie estévidemment reporté sine die.

Campagne de Nouvelle-GuinéeRéparationsPort Moresby – Le cargo hollandais ‘s Jacob, le vieux destroyer Thracian et l’aviso Swanarrivent enfin à bon port. Le jour même, une inspection rapide du Thracian montre que, vu son âge, l’état de sa coqueet ses dégâts moteurs, le navire doit être considéré comme une perte totale. Il est décidé qu’ilaccompagnera le ’s Jacob aux chantiers Cockatoo de Sydney. Mais si le cargo y sera réparé, leThracian sera démantelé. Son armement (2 canons de 4 pouces, un 2-pdr Mark II AA et 4mitrailleuses Lewis) sera récupéré. Ces deux navires n’iront pas seuls jusqu’en Australie. D’autres navires endommagés maistoujours en service feront le voyage avec eux : un destroyer moderne et trois anciens. LeWarramunga (classe Tribal) doit remplacer sa tourelle X (un jumelage de 4,7 pouces). LeVampire doit faire réparer sa passerelle et une cheminée ; le Vendetta a perdu un canon avanttandis que le Voyager, dont la coque est endommagée, n’a plus de canons arrière.

Campagne du PacifiqueStratégie américainePearl Harbor – Les amiraux King et Nimitz se revoient en particulier, en l’absence deSpruance. En effet, des questions délicates et personnelles devant être abordées, Nimitz apréféré être en tête à tête avec King. Rapidement, la conversation porte sur des sujets quifâchent.– Deux de vos subordonnés me posent problème, Chester.– Seulement deux ? s’enquiert Nimitz avec une bonne humeur forcée.– Deux, c’est déjà beaucoup, et en plus vous connaissez leurs noms, bougonne King en seresservant un verre de whisky – alors que l’horloge n’indique que 9 heures du matin.Nimitz ne simule pas la surprise, il connaît en effet la première cible : « L’amiral Scott a faitune regrettable erreur, et j’ai présenté mes excuses au gouvernement australien. C’est un bonmarin, un bon chef, peut-être un peu impulsif, parfois irréfléchi, mais regardez d’où nouspartions ! Les Japs ont coulé la plupart de nos croiseurs et deux de nos cuirassés les plusrécents dans les eaux de Guadalcanal parce qu’ils étaient meilleurs que nous. Et si nous noussommes améliorés, c’est en partie grâce à des officiers comme Scott, qui n’ont pas eu peur dese jeter au milieu des torpilles. Nous n’allons pas nous priver d’un commandant de valeur àcause des Australiens ! Bon sang, Ernie, un blue on blue de nuit, ça arrive dans toutes lesmarines, dans tous les pays, sans forcément que ce soit la faute de quelqu’un ! Nous allonsmême offrir aux Aussies un croiseur lourd à titre de dédommagement ! »– Et plus tôt que vous ne le croyez, d’ailleurs. Dans un geste d’apaisement, je cite, lePrésident en personne m’a donné l’ordre de leur céder le Canberra, qui sera terminé enoctobre. Un nom pareil, ça devrait plaire aux Kangourous et aider à faire passer la pilule.Et, devançant la réaction de Nimitz : « Inutile de me dire que vous avez cruellement besoin decroiseurs armés de canons de 8 pouces, Chet. Tous les rapports que j’ai reçus depuis le moisd’août indiquent que les 6 pouces à tir rapide sont bien plus efficaces, au moins la nuit, àcourte portée. Alors laissez les Australiens s’amuser avec ce croiseur, la décision est prise etje ne suis pas venu pour parler de ça. L’important, c’est ce que nous pouvons faire de Scottpour satisfaire nos alliés, auxquels je vous rappelle que nous voulons refiler l’essentiel dusale boulot en Nouvelle-Guinée pour pouvoir nous occuper tranquillement du PacifiqueCentral, comme nous en avons parlé hier. »

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Pendant que King se sert un nouveau verre, Nimitz prend une mine contrite, tout en présentantles arguments fourbis depuis plusieurs semaines avec Spruance : « Ce serait du gâchisd’envoyer Scott derrière un bureau. Il nous sera bien plus utile sur le pont d’un croiseur.Mais j’admets qu’il serait plus sage de l’envoyer loin du Pacifique Sud, dans un endroitéloigné de tout Australien… Que diriez-vous de l’Alaska ? Nous avons une petite force decroiseurs et de destroyers autour de Dutch Harbor, elle va devenir la IXe Flotte dans quelquessemaines. Le secteur n’a pas bougé depuis le début de la guerre, alors un commandantexpérimenté pourrait les secouer un peu – d’autant que, je vous le rappelle, nous avons desprojets pour cette zone à compter du mois de février. »– L’Alaska ! Excellente idée, Chet, lance un King immédiatement séduit. Faites-le partir leplus vite possible, dites-lui que je veux qu’il nous mette la IXe Flotte en ordre de bataille dansles plus brefs délais. Et s’il a envie de couler un ours polaire, personne ne viendra le luireprocher.– Vous êtes sévère, Ernest, il ne faisait que son devoir. Si l’Australia avait été un croiseurjaponais et qu’une torpille avait coulé l’un de nos navires, vous lui feriez des reproches bienplus rudes et bien plus justifiés !– Sévère, moi ? lance King en partant d’un grand éclat de rire. Chester, savez-vous commentm’appellent mes collègues à Washington ? Non ? Ils m’appellent l’enfoiré 9, parce qu’on atoujours besoin d’un enfoiré quand vient le temps de faire le sale boulot. Je fais le saleboulot, c’est mon job, et je le fais comme je l’entends. Vous n’auriez pas une autre bouteille ?– Hélas, amiral, vous avez vidé mes réserves depuis votre arrivée, répond Nimitz ens’autorisant une pointe de critique, qui est royalement ignorée.– Ce n’est pas grave, je n’ai pas besoin de whisky pour régler son compte à Jack Fletcher.– L’amiral Fletcher a commandé nos forces dans des conditions difficiles, alors que nousétions en plein apprentissage d’un type de combat entièrement nouveau et que nousaffrontions un ennemi redoutable, extrêmement bien entraîné. Je doute que quiconque auraitpu faire mieux que lui, proteste Nimitz après un léger soupir.– C’est votre analyse, Chet. Selon la mienne, chaque fois que vous lui avez confié lecommandement d’une opération, il s’est révélé hésitant, précautionneux et mal inspiré, voirenégligent. Il n’a pas la carrure pour commander nos nouveaux porte-avions d’escadre. Enplus, quand il en commande, nous en perdons deux par bataille ! lance King, sans faire crédità Fletcher des navires ennemis coulés par les forces placées sous ses ordres. Bref, je ne veuxplus voir Jack Fletcher aux commandes de quelque chose de plus gros qu’un transport deguano.Nimitz soupire derechef, en regrettant de ne pas avoir regarni la petite réserve à bourbon deson bureau – le sevrage ne semble pas adoucir l’humeur de King. « J’ai peut-être une solutionmoins drastique à vous proposer, amiral. Nous venons de parler de l’Alaska. Que diriez-vousde lui confier le commandement de la North Pacific Area à la place de Theobald, qui doitrepartir sur la côte Est d’ici quelques semaines ? La prudence de Fletcher contrebalanceraitl’impétuosité de Scott, et vice-versa. »– Bon sang, Chester, avouez que vous avez tout préparé ! Bah, je savais que vous vousdoutiez de ce qui vous attendait. C’est d’accord. Vous pourrez même le présenter comme unepromotion, si vous y tenez. Fletcher est à San Francisco. Rédigez ses ordres et faites-le partirdans les plus brefs délais, je veux que lui et Scott s’amusent le plus rapidement possible avecles pingouins et les ours blancs.………Après un repas rapide – et non arrosé – l’amiral King peut aborder de façon plus sobrel’organisation de la flotte US dans le Pacifique, en tête-à-tête avec Nimitz.

9 En américain, son of a bitch.

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– Le secteur du Pacifique Nord a été évoqué ce matin, commence celui-ci. Nos forcesprendront le nom de IXe Flotte, sous le commandement de l’amiral Scott. A priori, nous nedevrions pas lui affecter beaucoup plus que quelques croiseurs et destroyers, ce qui devraitsuffire à couvrir l’installation de nos bases et aérodromes dans les Aléoutiennes. Cependant,d’ici quelques mois, il pourrait être intéressant d’étudier la possibilité d’organiser des raidscontre les bateaux de pêche japonais qui s’aventurent au nord-est des Kouriles et deSakhaline – vous connaissez comme moi l’importance du poisson dans l’alimentationjaponaise – à la condition d’être en mesure de les distinguer des bateaux russes.– Si vous voulez, Chet, c’est entendu pour une étude exploratoire cet été. Mais j’exige deprendre moi-même toutes les décisions concernant ce sujet. Je n’ai pas envie que Scott nousfâche avec l’Oncle Joe !– Conformément à notre discussion d’hier, le secteur du Pacifique Sud n’est plus considérécomme prioritaire. Nous devons y maintenir une force de croiseurs assez importante pours’opposer à la flotte japonaise basée à Rabaul, et assez de destroyers pour protéger lesconvois de ravitaillement en provenance d’Australie et de Nouvelle-Calédonie. Nous auronsaussi besoin de quelques CVE et, ponctuellement, d’une ou deux divisions de nos vieuxcuirassés pour soutenir les opérations de débarquement limitées que nous avons planifiées,mais ces forces n’ont pas besoin d’y être stationnées à demeure. Une grande partie de cetteflotte sera donc composée des éléments logistiques nécessaires à la poursuite de l’avancedans les Salomon et en Nouvelle-Guinée. Il faut y ajouter un contingent de sous-marins qui,dans ces eaux, peut infliger des pertes sévères à la flotte ennemie et couper ses lignes decommunication. Nous vous proposons de réunir ces forces sous le nom de VII e Flotte, sous lecommandement de l’amiral Thomas Kinkaid.– Approuvé. Kinkaid est parfait pour un boulot délicat de ce genre, contrairement à Halsey. Ilsaura ramener Blamey sur terre et contrôler les ardeurs des Australiens, d’autant qu’il aurale contrôle opérationnel des navires australiens et néo-zélandais du SWPAC, n’est-ce pas ?S’il peut en profiter pour faire dégager les Anglais et les Français des Salomon, j’en serairavi, lance King, dont l’anglophobie notoire s’étend apparemment aux autres Européens. SiCrace avait eu des balls mieux accrochées en décembre, avec son croiseur de bataille, ilaurait pu nous débarrasser d’une bonne quantité de croiseurs japs et de tout un convoi deleurs troupes par dessus le marché !Nimitz s’abstient de faire remarquer que, le matin même, King avait reproché à Scott uneagressivité excessive lors du même combat… « Ecarter les Européens ne sera pas tropdifficile. Le Renown est en réparations en Australie et les deux destroyers français survivantsont été rappelés à Alger. Le Commonwealth n’est plus représenté dans le Pacifique que parles navires australiens et néo-zélandais. Quant aux Français, ils n’ont plus dans le Pacifiqueque trois croiseurs légers 10 et quelques avisos et escorteurs. Plus leurs sous-marins, bien sûr,qui font du très bon boulot, il faut le reconnaître ! »– Ah ? Et leurs… petits cuirassés ?– Oui, bien sûr ! Les Dunkerque et Strasbourg ont été si bien intégrés à nos task-forces que jeles avais naturalisés ! s’amuse Nimitz.– Ouais… Enfin, dès que les nouveaux cuirassés et croiseurs anti-aériens seront disponibles,envoyez donc ces deux-là à Kincaid pour jouer les utilités. La victoire sur le Japon serapurement américaine.Nimitz prend note sans commentaire.– Revenons aux choses sérieuses, grogne King. Halsey, qu’en faites-vous ? Vous le laissez àla tête du SOPAC ?– A terme, non, mais il faut encore terminer le travail dans ce secteur, et cela risque de nousprendre une bonne partie de cette année. Halsey restera donc quelques mois à ce poste, mais,

10 Les Emile-Bertin, Lamotte-Picquet et Jeanne d’Arc.

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par la suite, je compte bien lui confier nos porte-avions d’escadre et nos cuirassés rapides, àcharge pour lui de couvrir la poussée dans le Pacifique Central et de détruire la flottejaponaise lorsqu’elle daignera de nouveau livrer bataille.– Je n’y vois aucun inconvénient, au contraire ! Plus vite nous aurons détruit la flotteennemie, plus vite nous gagnerons cette guerre. Mais si Halsey passe le reste de l’année à latête du SOPAC, qui voyez-vous pour mener notre offensive dans le Pacifique Central cetautomne ? demande King sur un ton dubitatif.– Mon adjoint, Ray Spruance. Il est au fait de toute notre stratégie et c’est un meneurd’hommes né. Je vous propose de lui confier ce qui doit devenir la Ve Flotte et lecommandement de l’assaut contre la barrière des Gilbert et des Marshall.– Vous êtes certain de ne pas vous tromper d’homme ? Spruance n’a guère commandé quedes croiseurs avant de vous rejoindre à Pearl…– Pourquoi croyez-vous que je lui ai demandé de venir ici, amiral ? répond Nimitz avec unsourire. Pour me servir de secrétaire ? Ne vous fiez pas à sa froideur apparente. C’est untueur, comme Halsey. Et je n’aimerais pas être l’amiral japonais qui tombera entre les mainsde l’un ou de l’autre. Mais n’ayez pas d’inquiétude, Ernie, Halsey terminera le boulot dansles Salomon et prendra le relais dans le Pacifique Central en 1944 après une période derepos bien méritée.– Dans ce cas… Bon, Chester, je vous propose un toast à nos flottes du Pacifique et à leurscommandants ! Envoyez donc un planton nous chercher une bonne bouteille.

Campagne du Pacifique Sud-OuestGuerre sous-marineAu large de Sydney – Après avoir livré du ravitaillement aux troupes japonaises de la côtenord de Nouvelle-Guinée, le sous-marin I-21, arrivé quelques jours plus tôt dans sa zone depatrouille, coule dans la matinée le cargo australien Kalingo.Dans la soirée, il torpille le pétrolier américain Mobilube, qui stoppe mais ne coule pas. Alorsque l’I-21 fait surface pour achever sa victime, un escorteur australien arrive à toute vitesse encanonnant. Le sous-marin doit plonger en urgence et échappe à un grenadage en règle. Lepétrolier sera remorqué dans le port australien, mais finalement déclaré irréparable.

Campagne des AléoutiennesDéploiement avancéAdak – Le sous-marin I-35 approche de l’île au petit matin. Avant même d’en voir nettementle rivage, il observe une assez forte activité aérienne et doit plonger. Le Lt-Cdr Yamamoto endéduit, fort pertinemment, qu’il n’a pas à chercher plus loin la cause de la disparition, laveille, de son hydravion. Les Yankees contrôlent Adak, et ils sont en force !De fait, l’aérodrome d’Adak est occupé par des éléments du 11 e FS (sur P-38), le 54e FS (surP-38) et des éléments du 36e BS (sur B-24). Un peu à l’est, l’hydrobase d’Atka abrite des PBYCatalina.Sur Amchitka (négligée par l’I-35) est basé le gros du 11e FS, sur P-40.Les autres squadrons de combat de la 11e AF sont déployés à Fort Glenn (18e FS sur P-40, quicouvre Dutch Harbor) et sur les aérodromes échelonnés de Fort Randall à Anchorage (344e FSsur P-40, 73e BS sur B-25, 77e BS sur B-26 et le gros du 36e BS, sur B-17).

La guerre sino-japonaiseLa foudre tombe sur ZhengzhouYan’an – Seize Mitchell, escortés par douze Kittyhawk – tous les B-25 et P-40 disponiblessur place – décollent de la base de la CATF et foncent sur Zhengzhou, important nœudferroviaire en Chine centrale occupé par les Japonais. Un bombardier doit faire demi-tour

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suite à des ennuis de moteur, mais les autres surprennent la défense de la ville et, peu gênéspar une DCA clairsemée, attaquent la gare à basse altitude. Les dégâts causés sont importants,paralysant l’activité ferroviaire pour plusieurs jours. Cependant, les Américains sont surprisalors que les P-40 mitraillent les locomotives qui ont échappé aux bombes des B-25 par troisKi-44 et six Ki-43, qui parviennent à abattre un B-25 et un P-40 et à endommager un B-25.Ce dernier s’écrase à l’atterrissage, sans perte pour l’équipage. Un P-40 est égalementaccidenté en se posant.

19 janvierCampagne de BirmanieAlerte !Rangoon – Les reconnaissances aériennes lancées dès l’aube ont mis plusieurs heures pourrepérer l’escadre nippo-thaïlandaise, en raison d’un temps assez médiocre sur le golfe deMartaban et du fait que les avions alliés, trop peu nombreux, avaient commencé à chercherl’ennemi près de la côte. Quand enfin la flotte adverse est découverte, le doute n’est pluspermis : elle se dirige vers Rangoon, à travers le golfe. Les navires alliés appareillentimmédiatement de la capitale tandis qu’à Ceylan, on prépare l’envoi d’une escadre. Sur terre,toutes les unités sont alertées et les forces de couverture des côtes se déploient.

Campagne du Pacifique Sud-OuestLuttes d’influenceTulagi – Les premières tensions entre Américains et Australiens surgissent sur la question desSalomon. Alors que Patch et Halsey avaient anticipé un départ des brigades australiennesinstallées à Tulagi et dans les îles voisines, il apparaît que les Australiens n’ont aucunementl’intention d’abandonner leurs positions. Les départs de troupes en préparation sont en fait leprélude à un simple roulement.En février, les hommes de la 9e Brigade de la 1ère Division AMF (1er et 45e Bataillonsd’Infanterie, Bataillon de l’Université de Sydney, 1er Bataillon de la Royal AustralianArtillery), à présent aguerris, seront ramenés en Australie par les LSI (ex AMC) Westralia,Kanimbla et Manoora pour repos et rééquipement, avant d’être envoyés en Nouvelle-Guinée.Ils rejoindront ainsi la 28e Brigade (13e, 17e et 18e Bataillons d’Infanterie, 9e Bataillon de laRAA), qui s’était emparée en août 1942 des îles en question. Mais la 9e Brigade sera remplacée par la 8e Brigade. Pour les jeunes recrues de cette brigade,le séjour dans les Salomon fera office de formation accélérée au combat dans la jungle.Cette pierre dans le jardin de Halsey n’est, bien entendu, pas dépourvue d’arrière-penséespolitiques. Elle montre la détermination de Canberra à peser sur le devenir des territoiresconstituant l’environnement proche de l’Australie.

20 janvierCampagne de BirmanieJour J pour l’opération U-Go !Front de la Salween – Dans la nuit du 19 au 20, la 55e Division japonaise, emmenée par son 144e Régiment, s’infiltre dans le dispositif défensif de la 14e Division Indienne. Plus au nord, la 12e Division japonaise fait de même face à la 8e Division Indienne et la 71e, appuyée par la 2e Division thaï, face à la 1ère Division Birmane.………Côte birmane, ouest du delta de l’Irrawaddy, 06h45 – L’escadre japonaise (et thaïlandaise)est passée pendant la nuit au travers des patrouilles de la Royal Navy (et de la Royal

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Australian Navy), qui l’attendaient plus au nord. Le commandement allié n’imaginait pas quel’ennemi allait tenter de débarquer une centaine de km au sud de Rangoon, près du village deDaw Nyein. C’est là, à l’ouest du cap Négrais (qui délimite le golfe du Bengale, à l’ouest, etle golfe de Martaban à l’est), en plein delta de l’Irrawaddy, que se présente maintenant laflotte transportant la 27e Division japonaise.Les opérations de débarquement commencent lentement, tandis que les trois garde-côtesthaïlandais ouvrent le feu sur d’hypothétiques défenseurs. En fait, la 13 e Brigade Indienne,suivie à quelques heures par la 13e Britannique, tout juste alertée grâce au poste de police deDaw Nyein, se hâte vers le secteur menacé.08h00 – Les premières reconnaissances de la RAF survolent la flotte ennemie. Elles ont étéretardées par des attaques aériennes lancées sur tous les aérodromes britanniques de la régionet qui ont déclenché de violents combats aériens. Les Spitfire V comme les Kittyhawk ont dumal avec les Ki-44. Cependant, les premiers Hurricane indiens remotorisés tiennent le coup,au contraire des Hurricane standards. Fort heureusement, la majeure partie de la chasseadverse est encore composée de Ki-43 et les bombardiers japonais sont toujours relativementvulnérables.08h30 – Tandis que les unités japonaises patrouillent au large et que les premiers soldatstouchent terre, une vedette lance-torpilles surgit en rasant la côte. Les torpilleurs Phuket etPatani donnent l’alarme et toutes les armes légères de la flotte se mettent à cracher. Devant cefeu d’artifice, la vedette lance ses torpilles un peu au hasard et file sans demander son reste.09h00 – Deux explosions secouent les alignements des transports japonais. C’est le Tigris !La nuit précédente, pour éviter toute erreur de cible, son commandant, le Lt-Cdr GeorgeColvin, s’est dirigé au sud-est de Rangoon, alors que les destroyers filaient vers le nord-est.Au matin, il s’est retrouvé idéalement placé, à une dizaine de milles nautiques de Daw Nyein.Profitant de la confusion créée par l’escarmouche contre la vedette rapide, le sous-marin vientde placer deux torpilles sur l’un des plus gros cargos, chargé de pièces d’artillerie et demunitions. Les chasseurs de sous-marins de l’écran s’activent immédiatement, mais nepeuvent qu’obliger le Tigris à se retirer sur la pointe des pieds. Toute la journée, il tentera derevenir, mais l’activité frénétique des escorteurs l’en empêchera.Pendant ce temps, à Rangoon, l’état-major de la Navy retrouve un peu de sang-froid etordonne au Commander Alvord Rosenthal, du Nestor, qui dirige la flottille improvisée,d’engager son adversaire « dans des conditions permettant d’infliger des dégâts significatifsaux transports ennemis ». Sur le Nestor, on a reçu les informations sur la composition de laflotte japonaise (et thaïe, mais on ignore à ce moment la participation des Thaïlandais). Unetrentaine de transports escortés par quatre croiseurs et une douzaine de destroyers ! Une seuledécision à prendre : attaquer… mais sous le couvert de la nuit. Faute de quoi, à un contretrois, les destroyers de Sa Majesté se feraient couler glorieusement sans infliger le moindredégât aux transports ! Or, en l’absence de port et de navires spécialisés, les Japonais vontmettre bien plus qu’une journée pour débarquer le contenu de leurs transports.09h30 – Les premières unités japonaises débarquées entrent en contact avec des éléments dela 13e Brigade Indienne. Les Indiens s’accrochent, d’autant plus que les Japonais ont du mal àobtenir des Thaïlandais l’appui d’artillerie navale qu’ils réclament.10h00 – Venant du nord, un groupe de quatre Spitfire Vb survole les plages du débarquementet se heurtent aussitôt à une patrouille de six Ki-43 venus de Moulmein. Les deux campsappellent à l’aide et très vite une bataille aérienne se développe au dessus des plages.10h15 – Alors que les chasseurs se disputent la maîtrise du ciel à plus haute altitude, un raidde six Beaufort II commandé par le Wing Cdr Patrick Gibbs surgit au ras des flots. Ancien duCoastal Command en Angleterre récemment muté en Birmanie 11, le WingCo Gibbs

11 Mutation à sa demande, à la suite de l’échec des bombardiers-torpilleurs anglais lors de l’affaire Cerberus… et, dit-on, de déboires sentimentaux.

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commande les bombardiers du 221e Group. C’est lui qui a réclamé qu’à défaut de Beaufightertorpilleurs, on envoie en Birmanie quelques Beaufort – il a eu satisfaction grâce au fait qu’ilexiste en Australie une usine qui fabrique ce type d’avions !La DCA japonaise se déchaîne, mais sans grande efficacité et, sur des cibles immobiles, troisdes torpilles des hommes de Gibbs vont au but ! Deux petits cargos sont coulés net. Le plusgros navire atteint, qui transportait de l’artillerie, s’échoue pour éviter de sombrer à environun demi-mille de la côte. Malgré cet échouage, la plupart des canons qu’il contient nepourront être débarqués. Trois Beaufort ont été touchés, dont un s’écrasera à l’atterrissage.La suite de la journée est marquée par une très forte activité aérienne. Les chasseurs japonaisparviennent à tenir à l’écart les bombardiers alliés, d’autant plus qu’une bonne partie de cesderniers sont engagés sur le front est… Car c’est de ce côté qu’ont lieu, aujourd’hui, les plusviolents combats au sol.………Front de la Salween – Au sud, les régiments de la 55e Division japonaise, appuyés par unepuissante artillerie et par l’aviation, sont parvenus à passer la Salween et bousculent la 14 e

Division Indienne. Celle-ci doit se replier de façon quelque peu désordonnée.La situation est meilleure sur le front de la 8e Division Indienne. Les vétérans des 17e et 18e

Brigades, notamment, bloquent rudement les tentatives de la 12e Division japonaise. Mais legénéral Harvey comprend qu’il risque d’être débordé voire encerclé s’il perd le contact avecla 14e Division Indienne. Il décide de décrocher prudemment dans le secteur nord tout enlançant une attaque vers le sud pour prendre de flanc l’avance japonaise. Au nord du front, la situation devient assez vite complexe.A l’aile droite de la 1ère Division Birmane, la 55e Brigade Indienne est parvenue à reculer touten gardant le contact avec la 8e Division Indienne, sur sa droite.Plus au nord, devant l’attaque de la 71e Division japonaise, la 1ère Brigade Birmane a reflué endésordre. Cependant et contrairement à la débâcle du début de 1942, les troupes ne se sont pasdébandées : purges et arrestations dans les milieux indépendantistes ont joué leur rôle. Mieux,les raids aériens japonais des mois précédents sur Rangoon et les rumeurs venues de Malaisieet de Singapour grâce aux blessés évacués, ont fini par faire comprendre aux Birmans quelgenre d’indépendance leur promettaient les maîtres de Tokyo.Enfin, à l’extrémité nord du front, les premières opérations de la 71 e Division japonaisesemblent couronnées de succès. Mais rapidement, la situation tourne au cauchemar.L’adversaire a paru reculer, avalé par la jungle, mais contre-attaque brutalement, profitant duterrain pour tendre de multiples embuscades qui se terminent au corps à corps. Aux« Banzaï » répondent des cris de guerre africains. Ces nouveaux adversaires sont visiblementplus à l’aise dans la jungle que les citadins qui sont en majorité dans les unités japonaises !Bien plus tard, les anciens combattants de la 71e évoqueront des combattants ressemblant auxdémons noirs des mythes nippons, surgissant du sol, des arbres, de la jungle elle-même pourprendre les âmes de leurs compagnons…La Force Publique du Congo belge rejette attaque sur attaque, infligeant de lourdes pertes auxassaillants. C’est seulement lorsque le général Gilliaert constate que, sur sa droite, lesBirmans ont reculé et que, sur sa gauche, la 2e Division thaïe semble commencer à avancer,qu’il se décide à ordonner un repli de quelques kilomètres.………Bataille du Cap NégraisCôte birmane, ouest du delta de l’Irrawaddy, 22h30 – Les transports japonais se sontdisposés pour la nuit en deux lignes d’une douzaine de bateaux parallèles au rivage : la lignela plus proche de la côte est formée des bâtiments en cours de déchargement, qui continuent àdébarquer du matériel et du ravitaillement, la ligne la plus éloignée est formée des transportsde troupes, qui ont été entièrement déchargés dans la journée. Les trois garde-côtes thaïlandais

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et le Katori forment une troisième ligne. Les destroyers japonais patrouillent du côté du large,les torpilleurs japonais du côté sud et les torpilleurs thaïs du côté nord.C’est une partie de ce dispositif qui se dévoile lentement sur l’écran radar du Nestor, en têtede la file des destroyers australiens. Ceux-ci ont profité de la journée pour effectuer une largeboucle qui les a conduits au sud du site de débarquement et approchent à présent, cap au nord,à 15 nœuds.Le plan du Cdr Rosenthal est de se faufiler non loin de la côte en direction du mouillage destransports en profitant du moment où les torpilleurs de garde de ce côté seront les pluséloignés. Et il est sur le point de réussir quand l’Otori, chef de file des torpilleurs, décide derevenir vers la côte un peu plus tôt que prévu : son détecteur de radar (installé peu avantl’opération Pedestal) a repéré une présence ennemie quelque part dans le voisinage… Le radard u Nestor détecte l’approche des Japonais, mais les Australiens se croient encore hors deportée de vue quand les vigies des torpilleurs les aperçoivent. Le commandant de l’Otori, touten signalant l’arrivée d’indésirables, commet alors une erreur : il ordonne à sa formationd’accélérer – ne disposant pas de Longues Lances, il veut se rapprocher pour pouvoir utiliserplus efficacement ses torpilles. Mais le brusque changement d’allure est décelé par le radar duNestor et les lames d’étrave des torpilleurs sont repérées par les vigies australiennes.Rosenthal, se sachant détecté, ordonne aussitôt de monter à 30 nœuds et d’ouvrir le feu aucanon sur la ligne japonaise, dont il barre idéalement le T. Ce sont 22 pièces de 120 (six sur leNestor et quatre sur chacun des classe Q) qui ouvrent le bal, et la plupart prennent pour ciblele malheureux Otori. Celui-ci est bientôt en flammes et désemparé, jetant la confusion chezses trois équipiers, tandis que les cinq Australiens bondissent vers les transports.Le Nestor et ses quatre suiveurs s’engagent entre les deux alignements de transports, arrosantd’obus tout ce qui se présente et lançant des torpilles quand la cible leur semble le mériter.Pendant ce temps, les destroyers japonais et le Katori tentent de venir à la rescousse, mais illeur est difficile de lancer des torpilles au milieu de leurs propres transports. Les destroyersévitent de justesse d’attaquer les garde-côtes thaïlandais qui décrochent tous trois vers lelarge, estimant apparemment que cet épisode ne les concerne pas. La confusion la plusextrême règne très vite ; plusieurs transports sont touchés et certains se mettent à flamberjoyeusement, mais la lueur des flammes n’aide guère à s’y retrouver.Ayant parcouru à grande vitesse l’alignement de transports, les Australiens débouchent aunord du mouillage, où ils sont accueillis par les torpilleurs thaïlandais et se font à leur tourbarrer le T – mais à eux quatre, les Thaïlandais n’ont qu’une douzaine de canons de 100 mm.C’est à ce moment que, dans le dos des Australiens, surgit l’Hagikaze, premier des destroyersjaponais. N’étant plus gêné par les transports, il décoche aussitôt une salve de huit LonguesLances, au moment où les Australiens abattent brutalement à tribord pour prendre un capparallèle à celui des Thaïs qui leur barrent le passage. Les torpilles japonaises ont un succèsqui dépasse les espoirs du tireur : deux d’entre elles frappent le Nestor, qui se casse en deux etsombre rapidement, mais deux autres (voire trois) touchent le Phuket, premier de la ligne thaï,qui se volatilise littéralement.Les trois autres torpilleurs thaïlandais s’égaillent aussitôt vers le nord, tandis que les quatreAustraliens survivants tentent de se dégager en filant vers le nord-est. Les destroyers japonaiss’apprêtent à les poursuivre, quand une énorme explosion semble faire taire tout le monde :c’est le Sri Ayudhya ! Croyant se mettre à l’abri (selon les consignes reçues en grand secretavant son appareillage de la part des autorités thaïlandaises), il s’est littéralement jeté dans lesgriffes du Tigris, qui rôdait depuis la veille. Au moins trois des torpilles d’une salve de quatreont frappé le navire amiral thaïlandais, qui a explosé – cette fois, personne ne pourra lerenflouer. Dans l’incertitude sur ce qui vient de se passer, le contre-amiral Sentaro rappelletout son monde et tente de faire le point.

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Sa situation est très médiocre. Sa flotte a perdu deux torpilleurs (un Japonais, un Thaïlandais),le Sri Ayudhya et six transports, dont trois ont coulé tandis que trois autres sont dévorés parles flammes. Quatre autres ont aussi été touchés, mais les dommages subis pourront êtremaîtrisés.Côté australien, on déplore la perte du seul Nestor, avec le Cdr Rosenthal et presque toutl’équipage. Le Nestor sera le seul bâtiment de la Royal Australian Navy à ne jamais avoirtouché un port d’Australie. Les quatre classe Q sont tous touchés, mais sans gravité.Cependant, ils ont dépensé la plupart de leurs torpilles, et ils n’en trouveront pas d’autres àRangoon 12.………Et la nuit n’est pas finie ! De minuit au lever du soleil, les Battle indiens et belges harcèlent latête de pont, se guidant sur la lueur des incendies des cargos en feu…

Campagne de Nouvelle-GuinéePromenadeIle de Wedau (Bartle Bay) – Une flottille hétéroclite est arrivée au petit matin. Le plus grosnavire est le croiseur léger HMNZS Leander. Il est accompagné des deux vieux croiseurslégers HMS Danae et Dragon, des destroyers HrMs Van Ghent et Witte de With, destransports rapides (APD) HMAS Brighton et Charlestown ainsi que d’une foule de petitsnavires dont les principaux sont douze LCI. Dans les airs, des P-40 venus de Milne Baysurvolent sans cesse la petite armada. Rien n’est laissé au hasard, mais le débarquement des hommes du 126e Régiment de l’USArmy ne se heurte à aucune opposition. Au soir, les avant-gardes américaines ont atteint lamission de Wabiga au sud-ouest, tandis que de escouades débarquées par bateau ont sécuriséle cap Frère. Aucune présence ennemie n’a été découverte. Interrogés, les quelques habitantsne se font pas prier pour dire qu’ils n’ont pas vu de Japonais depuis près d’un mois. Pour tout dire, le général Eichelberger est plutôt content de sa journée. Le débarquement àWedau s’est terminé sans une seule perte, évoquant plus un entraînement qu’une mission deguerre. Cependant, il se doute que tout ne sera pas aussi simple par la suite.

Campagne du Pacifique Sud-OuestPromenadeGuadalcanal – L’invasion des îles Russell, décidée par Halsey dans l’urgence, est désormaisdénommée opération Cleanslate. Tout le SOPAC est en émoi et l’aviation basée à Guadalcanalmultiplie les reconnaissances au-dessus de ces îles toutes proches. Les appareils des Marinesne rencontrent aucune résistance et ont donc tout loisir de repérer les plages les plus propicesà un débarquement improvisé.En fin de journée, un Dauntless provoque une certaine inquiétude en signalant « plusieursdizaines de Japonais sur une plage », mais les silhouettes en uniforme ne réagissent pas auxpasses de mitraillage des Wildcat immédiatement appelés en renfort. L’état-major de Patch endéduit qu’il s’agit soit de cadavres abandonnés lors de l’évacuation de Guadalcanal, soit desrestes macabres du naufrage d’un vaisseau nippon transportant des troupes.

Long courrierPearl Harbor, 17h30 – L’hydravion Philippine Clipper, un Martin M-130 quadrimoteurréquisitionné par l’US Navy mais toujours affrété par la Pan Am, décolle d’Oahu à destinationde la Californie. A son bord se trouvent neuf hommes d’équipage et une dizaine de passagers.

12 Les quatre classe Q finiront par rejoindre l’Australie début février. L’Amirauté leur ajoutera alors le HMASQuiberon pour remplacer le Nestor.

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Parmi eux figure le contre-amiral Robert H. English, commandant la flotte sous-marine duPacifique (ou COMSUBPAC). Il va inspecter les chantiers navals de Mare Island.

La guerre sino-japonaise« Un traître est quelqu’un qui quitte son parti pour en rejoindre un autre. Un converti estquelqu’un qui quitte son parti pour s’inscrire au vôtre. » (Clemenceau)Yan’an – Il n’est pas facile pour un général en disgrâce de prendre contact avec des étrangersen territoire chinois communiste sans attirer l’attention de la police politique du redoutableKang Sheng, pendant communiste de Dai Li. Depuis plusieurs semaines – après avoir apprisla nouvelle de la victoire nationaliste contre les Japonais dans le Zhejiang et le Jiangxi – PengDehuai cherchait à rencontrer des membres de la CATF déployés dans la région sans qu’unmouchard du Bureau de la Sécurité Publique en ait vent. Il a fini par y parvenir, en utilisant unintermédiaire de confiance, le médecin militaire Ma Haide : sous un prétexte innocent, celui-ci a invité le capitaine Nicolas VanWingerden chez lui, où Peng s’est joint à eux.Ma, de son vrai nom Shafick George Hatem, est né aux Etats-Unis de parents d’originelibanaise. Spécialiste des maladies vénériennes, il avait fort logiquement estimé que l’endroitle plus propice pour ouvrir un cabinet était dans la ville alors surnommée “le plus grandbordel du monde”, celle dont certains missionnaires disaient que « Si Dieu ne la détruit pas, ildevra des excuses à Sodome et Gomorrhe » : Shanghai. En 1936, il avait rejoint lescommunistes alors en train de s’implanter dans le Shaanxi et avait contribué à mettre en placeun véritable service de santé pour les forces armées de Mao. En juin 1942, à l’arrivée desAméricains, il s’était rapidement érigé en intermédiaire indispensable entre ceux-ci et lapopulation locale et avait noué de solides liens d’amitié avec le capitaine VanWingerden,commandant de l’un des B-17. Ce soir, c’est en débouchant une bouteille du tord-boyau local,un alcool de sorgho dont l’odeur évoque les plus puissants dissolvants industriels, qu’ilprésente Peng à VanWingerden.« Il y a deux ans et demi, explique Peng tandis que Ma traduit au fur et à mesure, c’est sousmon commandement qu’a été lancée l’offensive dite des Cent Régiments. En fait, il y en avait115, quatre cent mille hommes, dont toute la Huitième Armée de route. La quasi-totalité denos forces régulières ! En quelques semaines, nous avons encerclé les garnisons japonaisesdans le Shanxi et le nord du Hebei, coupé les voies de communication et même renduinutilisable l’une des plus grandes mines de charbon de la région. Pendant près de deuxmois, nous avons tenu les Japonais en échec. Et puis ils ont contre-attaqué et, bien sûr, nousavons été forcés de battre en retraite.Mao a désavoué toute l’opération, m’a fait porter la responsabilité de ce qu’il a prétendu êtreun échec, et m’a même reproché d’avoir révélé aux Nationalistes la taille de nos forces.Enfin, faisons-nous front commun avec les Nationalistes ou non ? Il fallait bien un minimumde coordination ! Et me voilà depuis, conclut-il en vidant d’un trait sa tasse de baijiu, démisde mon commandement, soumis à des séances de rééducation, et forcé de m’aplatir devantMao pour ne pas faire face à des sanctions plus sévères.Je ne veux pas passer le reste de la guerre à jouer les potiches, pendant que d’autres sebattent pour libérer notre pays de l’occupation japonaise. Avant d’être communiste, j’ai étéofficier dans l’armée du Kuomintang, et si j’ai changé de bord, c’était parce que lecommunisme me semblait un meilleur moyen de restaurer la souveraineté nationale et desortir le peuple de la misère. Aujourd’hui les communistes perdent leur temps en stérilespinaillages idéologiques, alors que le peuple gémit sous la botte de l’occupant. »– Mais que voulez-vous de moi ? demande par l’intermédiaire de Ma un VanWingerden bienembarrassé (après tout, il est aviateur, pas commissaire politique…).Peng vide une nouvelle tasse et vire à un rouge assorti à celui de l’étoile qui orne sacasquette : « Ce que je veux ? C’est chasser les Japonais de Chine ! Et si je ne peux pas le

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faire de Yan’an, alors je le ferai de Chongqing. Et c’est pour cela que j’ai besoin de votreaide : je dois partir en secret, sinon Mao me fera accuser de désertion. Ce serait un comble,mais cela ne l’empêcherait pas de me faire emprisonner ou pire. Vous allez bientôt repartir enavion pour la zone nationaliste, je vous demande humblement de m’accepter, avec ma femmePu Anxiu, comme passagers… non déclarés. »Pendant que VanWingerden médite cette requête, une jeune femme à l’éclatant sourire apporteune nouvelle carafe de baijiu. « Mon épouse, Zhou Sufei, dit Ma avec une pointe de fierté, laplus belle chose que ce pays m’ait donnée. »