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1.1 Soyez toujours prêts à rendre compte de l'espérance qui est en vous" (1 P 3,15) Mesdames et Messieurs, sœurs et frères dans le Christ Le sujet qui nous a été proposé se base sur un passage de la 1re épître de saint Pierre (3,15). Commençons par rappeler ici son contexte : « Et qui vous ferait du mal, si vous devenez zélés pour le bien ? Heureux d’ailleurs quand vous souffririez pour la justice. N’ayez d’eux aucune crainte et ne soyez pas troublés. Au contraire, traitez saintement dans vos cœurs le Seigneur Christ, toujours prêts à la défense contre quiconque vous demande raison de l’espérance qui est en vous. Mas que ce soit avec douceur et respect, en possession d’une bonne conscience, afin que, sur le point même où l’on vous calomnie, soient confondus ceux qui décrient votre bonne conduite dans le Christ. Car mieux vaudrait souffrir en faisant le bien, si telle était la volonté de Dieu, qu’en faisant du mal ». Dans ce passage, on nous a demandé de centrer notre attention sur cette phrase du verset 15 : « [soyez] toujours prêts à la défense contre quiconque vous demande raison de l’espérance qui est en vous ». Notre présentation se veut adressée aux animateurs du CPM, en les rappelant leur rôle fondamental dans la formation des jeunes couples à travers leur témoignage. Témoignage donné par la parole mais aussi par la vie, en montrant non seulement ce qu’ils pensent mais aussi ce qu’ils font. Témoignage basé sur une conscience claire de la pensée de l’Église et vécu en cohérence de vie. Témoignage vécu à deux, en famille, mais aussi en petite communauté de vie avec d’autres couples de l’équipe, pour qu’il soit plus riche et plus vrai parce que basé sur une préparation soignée, avec amour mais aussi avec exigence, car nous savons que, de cette façon, le témoignage sera plus perceptible et plus efficace. INTRODUCTION Pour la préparation de cette conférence, nous sommes partis de notre vécu en couple, Ana et Vasco, et dans le sacerdoce, Cónego Janela, un couple et un prêtre partageant, au cours de ces dernières 30 années, une expérience de vie qui a débuté précisément avec une expérience de CPM en 1980. Cette expérience de CPM s’est reproduite quelques fois avec le même groupe de couples animateurs. À un certain moment, nous nous sommes rendus compte du besoin d’approfondir ce que nous avions vécu ensemble et nous avons décidé de rejoindre les Équipe Notre-Dame, mouvement ecclésial fondé par celui qui serait aussi le fondateur des CPM, le Père Henri Caffarel 1 . 1 Henri Cafarel (1903-1996), que le cardinal Lustiger a déclaré « un prophète du XXe siècle », s’est senti dès sa jeunesse saisi par Dieu et a dit « oui » à l’appel divin. Sa vie a pris son orientation en mars 1923, lorsqu’il a rencontré le Christ : il deviendrait prêtre pour mener les hommes et les femmes de son temps à faire l’expérience de Dieu comme il l’a faite. Ordonné prêtre en 1930, il a exercé son ministère auprès des jeunes de la Jeunesse Ouvrière Chrétienne et ensuite des couples (1935), pour lesquels et avec lesquels il a fondé la revue de spiritualité conjugale et familiale L’Anneau d’Or (1945) et les Équipes Notre- Dame (1947). Depuis 1944 il a accompagné des jeunes couples en les préparant au mariage et a été le premier directeur des Cours de Préparation au Mariage, qui se sont lancés comme service en 1956 avec Jean et Jacqueline Pillias et le Père Alphonse d’Heilly, nommés par lui-même (cf. Jean Allemand, Henri Caffarel, un homme saisi par Dieu, Équipes Notre-Dame, 1997).

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1.1 Soyez toujours prêts à rendre compte de l'espérance qui est en vous"

(1 P 3,15)

Mesdames et Messieurs, sœurs et frères dans le Christ

Le sujet qui nous a été proposé se base sur un passage de la 1re épître de saint Pierre (3,15).

Commençons par rappeler ici son contexte :

« Et qui vous ferait du mal, si vous devenez zélés pour le bien ? Heureux d’ailleurs quand vous

souffririez pour la justice. N’ayez d’eux aucune crainte et ne soyez pas troublés. Au contraire, traitez

saintement dans vos cœurs le Seigneur Christ, toujours prêts à la défense contre quiconque vous

demande raison de l’espérance qui est en vous. Mas que ce soit avec douceur et respect, en

possession d’une bonne conscience, afin que, sur le point même où l’on vous calomnie, soient

confondus ceux qui décrient votre bonne conduite dans le Christ. Car mieux vaudrait souffrir en

faisant le bien, si telle était la volonté de Dieu, qu’en faisant du mal ».

Dans ce passage, on nous a demandé de centrer notre attention sur cette phrase du verset 15 :

« [soyez] toujours prêts à la défense contre quiconque vous demande raison de l’espérance qui est

en vous ».

Notre présentation se veut adressée aux animateurs du CPM, en les rappelant leur rôle fondamental

dans la formation des jeunes couples à travers leur témoignage. Témoignage donné par la parole

mais aussi par la vie, en montrant non seulement ce qu’ils pensent mais aussi ce qu’ils font.

Témoignage basé sur une conscience claire de la pensée de l’Église et vécu en cohérence de vie.

Témoignage vécu à deux, en famille, mais aussi en petite communauté de vie avec d’autres couples

de l’équipe, pour qu’il soit plus riche et plus vrai parce que basé sur une préparation soignée, avec

amour mais aussi avec exigence, car nous savons que, de cette façon, le témoignage sera plus

perceptible et plus efficace.

INTRODUCTION

Pour la préparation de cette conférence, nous sommes partis de notre vécu en couple, Ana et Vasco,

et dans le sacerdoce, Cónego Janela, un couple et un prêtre partageant, au cours de ces dernières 30

années, une expérience de vie qui a débuté précisément avec une expérience de CPM en 1980.

Cette expérience de CPM s’est reproduite quelques fois avec le même groupe de couples animateurs.

À un certain moment, nous nous sommes rendus compte du besoin d’approfondir ce que nous

avions vécu ensemble et nous avons décidé de rejoindre les Équipe Notre-Dame, mouvement

ecclésial fondé par celui qui serait aussi le fondateur des CPM, le Père Henri Caffarel1.

1 Henri Cafarel (1903-1996), que le cardinal Lustiger a déclaré « un prophète du XXe siècle », s’est senti dès sa jeunesse saisi

par Dieu et a dit « oui » à l’appel divin. Sa vie a pris son orientation en mars 1923, lorsqu’il a rencontré le Christ : il deviendrait prêtre pour mener les hommes et les femmes de son temps à faire l’expérience de Dieu comme il l’a faite. Ordonné prêtre en 1930, il a exercé son ministère auprès des jeunes de la Jeunesse Ouvrière Chrétienne et ensuite des couples (1935), pour lesquels et avec lesquels il a fondé la revue de spiritualité conjugale et familiale L’Anneau d’Or (1945) et les Équipes Notre-Dame (1947). Depuis 1944 il a accompagné des jeunes couples en les préparant au mariage et a été le premier directeur des Cours de Préparation au Mariage, qui se sont lancés comme service en 1956 avec Jean et Jacqueline Pillias et le Père Alphonse d’Heilly, nommés par lui-même (cf. Jean Allemand, Henri Caffarel, un homme saisi par Dieu, Équipes Notre-Dame, 1997).

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Il est approprié de rappeler que nous avons une racine commune : nous avons le même fondateur,

le Père Caffarel. « À l’époque de la constitution de la Commission de Direction des CPM, son premier

Directeur a été le Père Caffarel, qui déjà en 1944 s’occupait des couples de fiancés, en réalisant des

sessions où il faisait des conférences. Mais avant ces conférences, il y avait toujours un échange de

points de vue basé sur les lettres que les jeunes couples devaient envoyer aux dirigeants de la

session avec leurs réactions et les questions […] suscitées par la conférence précédente ». Cette

préoccupation de la part du Père Caffarel aboutirait à la création des centres de préparation au

mariage (CPM).

En 1956, le Père Caffarel confie à Jean et Jacqueline Pillias la responsabilité de la préparation des

jeunes couples afin d’assurer l’unité des efforts2.

Eh bien, on peut se demander : qu’est-ce qu’un prêtre et un couple — un couple qui s’est initié à

l’activité pastorale avec le CPM et vit un parcours parallèle aux Équipes Notre-Dame — peuvent

apporter à cette conférence ? C’est bien la question que nous nous sommes posés dès le début.

Pour répondre à cette question, nous avons fouillé dans les textes du Père Caffarel pour nous

rappeler ce qu’il nous a laissé. Nous avons trouvé pas mal de textes, quelques-uns déjà publiés en

portugais, parmi lesquels un a particulièrement attiré notre attention. Il s’agit de son testament

spirituel (présenté à Chantilly, France, en 1987, 14 ans après s’être volontairement éloigné de la

responsabilité du Mouvement des Équipes Notre-Dame). Nous avons trouvé aussi une énorme

source d’inspiration dans la revue L’Anneau d’Or, que le Père Caffarel a éditée en France de 1945 à

1967.

En relisant ces textes admirables de notre Fondateur commun, nous avons senti une admiration

énorme devant sa capacité de voir plus loin, devant son discernement et la clarté de son analyse, et

nous constatons qu’encore aujourd’hui nous nous reconnaissons entièrement dans ses paroles

prophétiques, qui sont d’une actualité impressionnante.

Notre tâche a donc été très facilitée, et aujourd’hui nous nous sentons ici presque comme émissaires

et porte-parole en vous apportant les paroles du Père Caffarel, qui résonnent dans ce que nous

avons vécu au service de l’Église, en plusieurs activités pastorales au niveau paroissial, diocésain et

national.

Ce que nous vous apportons, ce ne sont donc pas nos paroles mais notre vie, selon les paroles du

Père Caffarel. Que Dieu nous aide à vous la communiquer avec clarté.

Dans ces textes, le Père Caffarel nous présente la spiritualité conjugale, vécue et approfondie en de

petites communautés. Ce n’est pas exclusif à aucun mouvement, ni même valable uniquement pour

quelques Chrétiens. C’est une découverte vécue et approfondie en Église au cours de beaucoup

d’années et qui fait aujourd’hui partie du Patrimoine commun. La spiritualité conjugale peut être

vécue de plusieurs façons et selon plusieurs méthodes. Il faut donc bien la connaître afin de pouvoir

la vivre, l’approfondir et la témoigner.

De notre expérience, ce que nous pourrions peut-être suggérer c’est que l’approfondissement de la

spiritualité conjugale soit envisagé aux CPM de façon à ce qu’on puisse évaluer mieux l’avantage de

En 1960, nommé consulteur au Concile Vatican II, il a rédigé à l’intention de la Commission pour l’Apostolat des Laïcs, plusieurs communications sur le mariage chrétien et la mission apostolique du couple et de la famille. En 1965, il a fondé la maison de prière de Troussures, au nord de Paris, où, pendant 30 ans, il a animé des semaines de prière ouvertes à tous et qui ont constitué des opportunités de formation à la prière et à la méditation. Décédé en 1996, l’ouverture de son procès de canonisation a été officiellement annoncée à Lourdes en 2006. 2 Cf. ALLEMAND Jean, Henri Caffarel, Un homme saisi par Dieu, Équipes Notre-Dame, Paris, 1997.

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la divulguer auprès des couples animateurs pour qu’eux aussi puissent éprouver de nouvelles

dimensions de cette découverte admirable et permanente qu’est le don que nous portons et qui

nous a été fait par le Christ : notre sacrement de mariage. Il y a tout un chemin

d’approfondissement dans les perspectives métaphysique, théologique et mystique, et non

seulement sociale, psychologique et morale. En vivant plus profondément leur sacrement, les

couples animateurs ne manqueront pas de témoigner avec plus de profondeur les raisons de leur

espérance fondée sur le Christ ressuscité, vivant au plus profond de notre être en tant que personne

et au plus profond de notre être en tant que couple. Remplis de cette nouvelle nourriture, ils

témoigneront encore mieux de leurs réalités humaines mais aussi de leurs réalités chrétiennes,

puisque les deux font partie de la proposition que l’Église veut mettre dans les mains des jeunes

couples sur le point de se marier.

Dans la fidélité à ce que nous a été demandé, nous avons essayé de structurer notre présentation en

deux grandes parties :

– La spiritualité conjugale d’après le Père Caffarel

– Une vie en communauté (selon notre propre expérience).

Passons donc à la présentation des notions de spiritualité conjugale auxquelles nous sommes

parvenus à travers les écrits et le témoignage du Père Caffarel.

I – LA SPIRITUALITÉ CONJUGALE D’APRÈS LE PÈRE CAFFAREL

En tant que baptisés en Christ, nous sommes tous, laïcs et consacrés, appelés à la sainteté. Mais les

voies vers la sainteté devront être différentes selon l’état de vie de chacun.

Les gens mariés sont donc aussi appelés, par deux, à cheminer vers la sainteté, et le chemin qui leur

est propre est ce que l’on appelle la spiritualité conjugale. Voilà un mot suspect.

Commençons par un texte très court extrait du livre du Père Caffarel Espiritualidade conjugal3:

[Quand on parle de spiritualité] les réactions suscitées […] sont très variées. Elles ne sont pas toutes

d’intérêt ou de sympathie. […] Parfois on s’entend dire : « Moi, je ne suis pas un mystique. Être bon

chrétien, ça me suffit : je suis bien trop pris par mes tâches professionnelles, familiales, sociales…

pour m’occuper encore de spiritualité ! ». Et parfois même, c’est un vrai scandale : « S’évader ainsi

du temporel, n’est-ce pas trahir ? Alors que tant de détresses requièrent le dévouement de tous, alors

qu’une civilisation nouvelle s’élabore – qui se fera d’ailleurs contre nous, si elle ne s’édifie pas avec

nous ».

Les autres, tout en lui accordant plus d’estime, n’y voient que la science de la prière et de la vertu : il

ne leur viendrait pas à la pensée que la spiritualité puisse avoir un rapport quelconque avec les

responsabilités familiales, professionnelles ou civiques… Les uns et les autres ignorent ce qu’est

exactement la spiritualité.

Comment dissiper les équivoques ?

Il n’est sans doute que de bien préciser ce que désigne le mot spiritualité.

3 (En français Spiritualité conjugale) Récemment publié en portugais par Editora Lucerna, de livre est un recueil d’articles qui

ont paru premièrement dans une revue remarquable sur la spiritualité conjugale : L’Anneau d’Or. Ces articles donnent une perspective élargie de la spiritualité conjugale et constituent une bonne base pour entreprendre une nouvelle vie à deux. En voilà quelques titres: « Vocation de l’amour » ; « Pour une spiritualité du Chrétien marié » ; « Symbolisme du mariage » ; « Une maison de prière » ; « Le couple apôtre » ; « Des curés s’interrogent… ».

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La spiritualité est la science qui traite de la vie chrétienne et des voies qui mènent à son plein

épanouissement.

Or la vie chrétienne intégrale n’est pas seulement adoration, louange, ascèse, effort de vie intérieure.

Elle est aussi service de Dieu, à la place assignée par lui : famille, profession, Cité… Aussi bien, les

foyers qui se groupent pour s’initier à la spiritualité, bien loin de rechercher les moyens de s’évader du

monde, s’efforcent-ils d’apprendre comment, à l’exemple du Christ, servir Dieu, dans toute leur vie et

en plein monde.

Dans un autre texte, le Père Caffarel nous raconte les premières interrogations qui se sont posées à

lui:

Alors, avec beaucoup de volonté, de ténacité, nous avons essayé de creuser la doctrine du mariage.

La pensée de l’Église sur tous les aspects du mariage : nous nous sommes demandés comment vivre

chrétiennement les réalités conjugales et familiales. Et puis, nous avons élargi notre question :

comment vivre dans l’état de mariage toutes les exigences de la vie chrétienne ? — je crois que c’est

plus exact. Et notamment, il nous est apparu qu’il fallait élaborer une spiritualité de chrétien marié

car, c’était évident, l’enseignement courant de l’Église, des prêtres, à des hommes et des femmes qui

voulaient se sanctifier, c’était une spiritualité élaborée par des moines ou des religieux.

En 1987, le Père Caffarel présentait son testament spirituel et résumait ainsi les fondements de la

spiritualité conjugale :

– Le mariage est une œuvre de Dieu et est le chef-d’œuvre de Dieu.

– Le mariage a une âme et c’est l’amour, et négliger l’amour, c’est condamner le mariage.

– Hommes et femmes ne peuvent pas être fidèles à l’amour sans le secours du Christ, c’est pourquoi il

a inventé le sacrement de mariage.

– Les chrétiens mariés, comme les autres, comme les moines, sont appelés à la sainteté, et c’était

assez original. Le Concile n’avait pas encore eu lieu et c’est au Concile qu’il avait été insisté très fort

sur l’appel à la sainteté des laïcs.

– La vie conjugale comporte de très grandes richesses et aussi de très grandes exigences. Il faut les

explorer pour mieux les connaître.

Et le Père Caffarel ajoutait :

– Il est nécessaire et indispensable d’élaborer une spiritualité du couple, cela ne peut être la

spiritualité du célibataire ou du moine.

Ceci dit, approfondissons un peu ces notions de spiritualité conjugal à travers un texte du Père

Caffarel de 1958.

POUR UNE SPIRITUALITÉ DU CHRÉTIEN MARIÉ (L’ANNEAU D’OR 1958)

La « tentation de la sainteté »

Je me propose donc de vous donner un aperçu de la « spiritualité du chrétien marié ». Mais, dès le

point de départ, réaffirmons-le : il n’y a pas plusieurs saintetés, il n’y a qu’une perfection chrétienne.

Saint Thomas d’Aquin la définissait ainsi : « Tout être est parfait en tant qu’il atteint sa fin, qui est sa

perfection dernière ; or, la fin dernière de la vie humaine est Dieu et c’est la charité qui nous unit à lui,

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selon le mot de saint Jean : “Celui qui reste dans la charité demeure en Dieu et Dieu en lui”. C’est

donc spécialement dans la charité que consiste la perfection de la vie chrétienne ». Pour le laïc, pour

le religieux, la sainteté est la même, elle se définit de même.

Tout chrétien — et donc tout chrétien marié — est appelé à la perfection.

Il faut bien reconnaître, néanmoins, que lorsqu’ils en prennent conscience, les laïcs sont quelquefois

saisis de panique devant cette perspective de la sainteté. Rien n’est impressionnant comme cet aveu

de Jacques Rivière : « Mon Dieu, éloignez de moi la tentation de la sainteté. Ce n’est pas mon œuvre.

Contentez-vous d’une vie pure et patiente que je ferai tous mes efforts pour vous donner. Ne me

privez pas de ces joies délicieuses que j’ai connues, que j’ai tant aimées, que j’aspire tant à retrouver.

Ne confondez pas. Je ne suis pas de l’espèce qu’il faut. Je suis marié et père, je suis écrivain. Ne me

tentez pas avec des choses impossibles. J’y perdrais du temps, du temps que je peux employer

autrement pour votre service ! ».

Nécessité d’une spiritualité du chrétien marié

Donc, une seule sainteté à laquelle tout le monde est appelé et de laquelle il s’agit de dire sans cesse

aux chrétiens qu’ils sont faits pour elle.

Mais des spiritualités ? Des spiritualités, c’est-à-dire des routes pour atteindre à cette sainteté ?

Qu’est-ce qui spécifie, qui caractérise ces routes diverses ? D’abord, comme le suggère le Père

Congar, l’état de vie. C’est bien évident, la doctrine chrétienne, qui est la même pour tous, ne peut

être vécue de la même manière par un moine, par une religieuse enseignante, un membre d’Institut

séculier, par un homme ou une femme mariés. On peut déjà préciser une spiritualité particulière à

chacun de ces états.

Ce qui spécifie également les spiritualités, ce sont les grandes orientations qui ont été données par les

fondateurs des différents Ordres : la louange d’un côté, la réparation d’un autre, ou encore l’accent

mis sur la pauvreté : aspects divers présentant, dans l’Église, des saints aux physionomies

extraordinairement variées. Deux chrétiens médiocres se ressemblent, tandis que deux saints sont

toujours très dissemblables, quoique habités l’un et l’autre par une héroïque charité. Des types de

sainteté variés, des routes variées, tout cela pour réaliser cette unique sainteté et offrir à notre

admiration un visage multiple du Christ, qui reste cependant le même : l’unique visage du Christ.

En quoi va consister la spiritualité du chrétien marié ? On pourrait dire, on dira peut-être un jour, qu’il

y a des spiritualités du chrétien marié. D’ailleurs, dès maintenant, ne voit-on pas des types de foyers

divers ? Il serait intéressant et instructif de posséder une série d’études sur les foyers se rattachant,

par les tiers-ordres ou par un autre lien, aux grands ordres religieux. Mais laissons cela, ce n’est pas

notre sujet. Essayons seulement de voir ce qui vaut pour tous les foyers.

Voyons d’abord, en quelques mots, ce que n’est pas la spiritualité conjugale. Le Père Caffarel écrit :

Pas un plagiat

Elle n’est pas un plagiat de la spiritualité monastique.

[…]

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Ni évasion : Second erreur à écarter : le type de vie spirituelle d’évasion qui ne tient pas compte des

responsabilités conjugales et sociales.

[…]

Ni individualisme : Autre erreur. En bien des domaines, les époux observent l’unité de vue et d’action

qui est de règle sur le plan du foyer. Mais il n’est pas question de communiquer au plan spirituel. On

vit avec Dieu chacun pour soi. Chacun suit son petit sentier personnel, à l’écart et à l’abri de l’autre.

Comme un célibataire. Chacun dit : « je », sans penser au « nous » créé par le Sacrement.

[…]

Pas de confusion

Quatrième erreur — une vie spirituelle qui serait une manière de confusion. Or il ne peut y avoir de

confusion puisque chacun garde sa propre personnalité et sa condition de baptisé.

Deus âmes qui s’unissent devraient faire d’avantage qu’additionner leur potentiel spirituel, elles

devraient le multiplier.

Et maintenant la définition de la spiritualité conjugale par la positive :

Essayons donc de décrire cette spiritualité que réclament les ménages et dont ils ont si grand besoin

pour sauvegarder leur vie de foyer.

– Le mariage offre aux époux des secours et comporte des dangers propres.

– La spiritualité conjugale doit les inviter à christianiser toute leur vie et à faire resplendir la

Rédemption à leur foyer.

LES SECOURS DU MARIAGE

Le conjoint

Quels secours sont propres aux chrétiens mariés ? Car ils ont des secours qui sont à eux, qui sont leur

bien — secours d’ordre naturel et d’ordre surnaturel.

D’abord, ce secours qui doit être l’union conjugale, le fait d’être deux ensemble, pour cheminer

ensemble vers ce terme auquel Dieu les appelle : la sainteté.

Chacun doit trouver dans l’autre les éléments qui équilibreront, stabiliseront, épanouiront sa vie

spirituelle.

[…]

L’amour humain

L’amour est une réalité très grande, très sainte, qui s’enracine au plus charnel de l’être, mais qui doit

s’épanouir au plus spirituel. Cet amour humain d’un homme et d’une femme l’un pour l’autre, alors

même qu’il se situe en des zones extérieures, est une introduction à un amour tout intérieur. Nous

sommes ainsi faits, que le sensible initie l’esprit. La sexualité est incitation à sortir de son égoïsme,

orientation l’un vers l’autre de deux êtres qui risquaient de demeurer chacun dans sa tour d’ivoire.

Cet attrait charnel — bien vécu, s’entend — fait que les êtres se rejoignent et, peu à peu, accèdent à

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un amour d’un niveau toujours plus élevé, jusqu’à cet amour tout baigné de l’amour de Dieu qu’on

appelle la charité conjugale.

[…]

Le mariage, symbole des réalités divines

Un autre secours offert par le mariage, c’est précisément sa valeur de symbole du monde divin et des

réalités divines. C’est bien cela, en effet, que les foyers doivent découvrir dans leur amour humain :

une initiation à l’amour chrétien, à l’amour du Christ.

[…]

Les secours surnaturels

Mais si la vie de mariage apporte des secours naturels déjà précieux, elle est surtout une réalité

surnaturelle. Le mariage chrétien tout entier, dans toutes ses réalités, est surnaturel et sacramentel.

Le mariage est un sacrement, c’est-à-dire que le sacrement n’est pas quelque chose de « plaqué », de

surajouté ; c’est ce don l’un à l’autre, de l’homme et de la femme, qui est mariage, qui est sacrement.

En fait c’est leur don mutuel qui est sacrement, et c’est toute leur vie de don mutuel qui est cette

source de grâces. Si le Christ a pu dire : « Quand deux ou trois vous êtes réunis en mon nom, je suis

au milieu de vous », à plus forte raison est-ce vrai lorsque ceux qui sont unis, le sont par un

sacrement. Et par un sacrement qui dure, et par un sacrement qui est une source de grâces jamais

tarie.

Mais précisons bien : Quand on dit que le mariage est un sacrement, cela veut dire que toutes les

réalités du foyer sont porteuses de grâces pour les époux qui le vivent selon la volonté divine. C’est

dans et par le contexte de la vie conjugale que le Christ communique sa grâce à chacun des époux.

Comme pour les autres sacrements, l’action du Christ n’est efficace que dans la mesure où nous

l’accueillons. Par conséquent, il faut s’ouvrir à elle par la foi, par l’humilité, par la coopération qu’elle

exige.

Foi, humilité, attente aussi : les sacrements opèrent dans la mesure où nous avons faim des dons

qu’ils nous offrent. Et puis, coopération, bien sûr. Si l’on ne s’efforce pas d’aimer, si l’on ne travaille

pas à rendre son union plus profonde, si l’on ne s’acquitte pas de ses tâches, l’action du sacrement est

comme entravée. Mas si, au contraire, on s’en acquitte vraiment comme il convient, alors le

sacrement est réellement ce don merveilleux de Dieu aux chrétiens mariés qui fait de leur foyer une

cellule de l’Église.

[…]

LES DANGERS DU MARIAGE

Le mariage offre donc des secours inappréciables pour tendre vers la sainteté, mais

incontestablement il comporte des dangers, ceux-là même dont se préservent les religieux par les

trois vœux : danger des biens matériels, par le vœu de pauvreté ; des amours humains, par le vœu de

chasteté ; de la fantaisie et de l’indépendance, par le vœu d’obéissance. Nos chrétiens mariés n’ont

pas ces trois vœux, et pour cause ! Ce serait donc se tromper étrangement que de les inviter à

ressembler le plus possible à des religieux. Qui ne le voit ? Ce serait leur barrer la route vers la

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sainteté. Ce serait les vouer à un perpétuel complexe d’infériorité. Comment pourraient-ils

ressembler à des religieux qui par les vœux se sont dépouillés de l’argent, de la vie sexuelle, de

l’indépendance, alors que leur vie quotidienne, à eux mariés, les ramène sans cesse à ces réalités ? Ce

n’est donc pas en renonçant à ces réalités-là mais en s’efforçant de les vivre chrétiennement, qu’ils

feront resplendir la Rédemption du Christ en ce triple domaine. Mais précisément, l’usage chrétien

des biens de ce monde offre de sérieuses difficultés. Parlons-en quelque peu.

Les biens matériels

[…] La préoccupation et la recherche des biens matériels supprime la liberté de temps, qui pourrait

être infiniment précieuse pour une vie plus humaine et plus chrétienne. Exhorter les gens mariés à

l’esprit de pauvreté, qui consiste à savoir user chrétiennement les biens matériels — et c’est quelques

fois plus difficile que de se dépouiller de tous ses biens ; leur apprendre aussi à transcrire dans la

pratique cet esprit de pauvreté, qui ne doit pas rester seulement un esprit.

[…]

L’amour humain

Une seconde série d’obstacles peuvent être rencontrés dans l’amour humain. En disant l’amour

humain, je ne parle pas seulement de la vie charnelle, mais aussi de l’amour spirituel des époux l’un

pour l’autre — et j’entends spirituel d’abord au sens humain du mot. Cet attachement de deux êtres

l’un à l’autre, s’il n’est pas sans cesse corrigé, guéri, transfiguré par la charité de Dieu, est souvent un

véritable obstacle à l’épanouissement de la vie chrétienne. Moins de liberté d’esprit, moins de liberté

de cœur, une espèce de filet qui se tisse, qui enserre peu à peu… […] il lui faut faire très grand effort,

souvent, pour que l’amour du conjoint ne relègue pas l’amour de Dieu au second plan.

[…]

L’indépendance

Troisième danger, quelque chose de plus dangereux que les biens matériels : c’est l’esprit

d’indépendance, l’esprit d’insoumission […] On est effrayé, actuellement, de cette « spiritualité

d’insoumission », si l’on peut dire, chez beaucoup de laïcs : volonté propre, idées personnelles,

critiques acerbes… Que faire ? Les inviter d’abord à la soumission mutuelle. […] L’amour est une

grande école de dépendance, à condition qu’il soit vrai et droit. Soumission à l’autre, soumission aux

exigences du foyer. D’une certaine manière, ils ne peuvent éviter cette soumission ; mais encore

doivent-ils l’accepter comme une dépendance aimée et choisie ; alors, rien de bienfaisant, de purifiant

comme cette dépendance de tous les jours, du matin au soir, et le jour et la nuit.

[…]

Pas de formation

Parmi les dangers, signalons le plus grave : l’absence de formation à une vraie vie chrétienne.

La formation à cette spiritualité des chrétiens mariés manque gravement à ceux qui s’engagent dans

la voie du mariage. Pour cette formation ils n’ont ni temps, ni maîtres, ni école ! On les embarque

dans une vie étonnamment difficile, sans les y préparer : il y a là quelque chose de singulièrement

grave !

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L’Anneau d’Or, pour sa part, s’est donné mission d’apporter aux fiancés et aux foyers cette spiritualité

du chrétien marié. Avec quelques foyers nous avons mis sur pied un Centre de préparation au

mariage, à Paris (16e), 17, rue Dufrénoy. Les initiatives se multiplient. Il n’empêche que nous

sommes encore loin du compte.

[…] Enfin, pour les foyers comme pour les religieux, il est bien difficile de vivre la vie chrétienne si on

ne la vit pas en commun. L’exemple que nous ont donné les premiers chrétiens doit être suivi […] ces

petites communautés, que j’appellerai un « milieu nourricier surnaturel » où, précisément, on trouve

cette entraide qui permet aux foyers de s’ouvrir et de s’épanouir à la grâce du Christ.

[…]

CHRISTIANISER TOUTE SA VIE

Il resterait à montrer maintenant le visage de ces foyers qui s’efforcent de vivre selon cette spiritualité

conjugale. Je me contenterai de brefs aperçus.

Il s’agit de christianiser toute la vie familiale. Et d’abord, de rechercher le sens chrétien de toutes les

réalités familiales, de se poser la question : « Au fond, quelle est la pensée de Dieu sur l’amour, sur la

paternité et la maternité, la sexualité, l’éducation, sur toutes les grandes réalités du foyer ? ». Et non

seulement de découvrir, mais encore de vouloir réaliser l’idée de Dieu en tous ces domaines.

Il faut encore rechercher ce qu’on appelle volontiers un style chrétien du foyer : le style chrétien des

rapports entre les personnes : entre les époux, entre parents et enfants, entre parents et grands-

parents, entre le foyer et les amis ; un style chrétien du cadre : de la maison, du mobilier, du

vêtement, des repas, des dépenses ; un style chrétien des activités quotidiennes : le travail, les loisirs,

le lever, le coucher, les veillées, l’hospitalité. Comment faire que tout cela soit chrétien, apparaisse

chrétien, que tout cela resplendisse de la grâce du Christ ? Un style chrétien des jours : le dimanche

ne se vit pas comme le samedi, le samedi comme le jeudi, le jeudi comme les autres jours de la

semaine ; un style chrétien des grands événements : la naissance, la maladie, les épreuves, le

mariage, la mort… Vivre chrétiennement ces événements. Et tout cela, « afin que Dieu soit glorifié en

toutes choses », comme disent les bénédictins.

Enfin, le foyer n’étant pas isolé dans la cité et dans l’Église, cette spiritualité conjugale et familiale est

aussi une spiritualité de l’engagement du foyer dans les tâches ecclésiales.

Actuellement — le Père Caffarel écrivait en 1987 — il faut partir de plus bas, il y a des quantités de

couples qui se fondent et qui n’ont pas eu une véritable catéchèse et qui ignorent beaucoup de la vie

chrétienne, et qui satisfont très mal aux exigences de la vie chrétienne. Actuellement, je connais des

Équipes Notre-Dame où l’on s’efforce d’obtenir que tous les ménages aillent à la messe le dimanche.

La question ne se serait pas posée, il y a 40 ans, c’est un fait, c’est une question de pratique religieuse,

mais c’est surtout une question de formation religieuse…

Pour terminer, voyons encore deux textes remarquables du Père Caffarel, publiés dans un numéro

spécial de la revue L’Anneau d’Or, citée plus haut, sous le titre « Mystère de l’amour ». Les deux

textes datent de 1945 !

1. Le mariage est un sacrement

Quand nous parlons de mariage nous parlons plutôt de moralité que de spiritualité.

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La vocation de l’amour est une relation de l’homme avec Dieu, source de l’amour. Cette relation de

l’homme avec Dieu est un « mystère ». L’amour est un mystère. Pour qu’il soit révélé, une analyse

humaine rationnelle ne suffit pas. Il faut aller plus loin, s’approcher de Dieu, car seul Dieu, qui est

amour, sait parler de l’amour.

Parler de l’amour en tant que relation de l’homme avec Dieu est dire que le mariage est un

sacrement, c’est-à-dire un signe visible de l’engagement de Dieu avec le couple chrétien. L’amour

conjugal est image du Dieu Trinitaire.

Le couple chrétien est uni par le sacrement de mariage, et cette condition de marié lui donne le droit

aux grâces propres de son état.

Quelles sont ces grâces ? Voilà un bon sujet pour un approfondissement.

Guérir l’amour. Oui, car l’amour a souvent besoin d’être guéri de l’égoïsme, de l’amour de soi, de la

tentation du pouvoir et du contrôle sur l’autre…

Transfigurer l’amour. Nous apprenons non seulement à entretenir l’amour mais aussi à nous

dépasser dans l’amour. C’est le renoncement total à nous-mêmes et le dévouement total à l’autre.

Ce n’est pas une grâce de confort et de facilité. Mais les époux qui ont traversé des crises et se sont

dépassés savent bien comme il est bon d’arriver à bon port et de sentir qu’ils aiment vraiment.

Rendre l’amour fécond. Il ne s’agit pas seulement de procréer mais aussi de donner des enfants à

Dieu.

Mais le premier acte d'une spiritualité conjugale consiste à croire que Dieu est à nos côtés.

Le sacrement ne sera pas vivant, efficace malgré les époux. Il faut qu’ils croient afin de pouvoir

recevoir les forces qu’il comporte. Lorsque le Seigneur s'apprêtait à faire un miracle, il exigeait la foi:

« Crois-tu ? …va, ta foi t’a sauvé ».

Dans le mariage, en quoi consiste cette foi ?

Coopération : Les grâces du mariage restent stériles sans la coopération des époux. C’est-à-dire, les

grâces ne sont pas des actes de magie.

Engagement : Mais cette coopération n’est pas simplement la réponse de chaque instant aux grâces

de chaque instant. Il faut être conscient que c’est tout notre être, tout le nouvel être conjugal, notre

vie entière qui s’engage avec le Christ.

Consécration : Pour la dimension sacramentelle du mariage, la coopération et l’engagement ne

suffisent pas, il faut la consécration du couple au Christ, sans conditions, en attitude de louange (« Ce

n’est plus moi qui vit…) ».

Or :

Quand on dit que le mariage est une offrande du Christ au foyer, et une consécration du foyer au

Christ, la symétrie est satisfaite, mais on n'a pas encore tout dit. Il reste à pénétrer dans sens sacré

du mystère de l’amour, le mystère du mariage.

Le mariage évoque l'union du Christ et de l'Église.

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Il est bon de contempler le sacrement de mariage à travers cette image de l’amour du Christ pour

son Église. Mais pour le contempler seulement ? Le mariage chrétien n’est pas seulement une image

de l’amour du Christ. Il n’est pas seulement destiné à le faire mieux comprendre, mais aussi à le faire

mieux vivre. Quand un homme aime sa femme « comme le Christ a aimé l’Église », quand une femme

aime son mari « avec cette vénération dont l’Église entoure le Christ », ils s’unissent dans l’amour

même du Christ et de l’Église.

À la suite de ce que nous venons d’écouter du Père Caffarel, que le panorama actuel des couples

chrétiens serait différent si tous étaient partis pour leur vie à deux avec ces notions de spiritualité

conjugale bien enracinées dans leur cœur !

Passons alors à la seconde et dernière partie de notre présentation : « Une vie en communauté »

II – UNE VIE EN COMMUNAUTÉ (selon notre propre expérience)

Pour que les jeunes couples qui suivent le CPM puissent assimiler les notions de spiritualité conjugale

qui leur manquent, il est fondamental de commencer par les équipes formatrices, en s’assurant

qu’elles soient composées de couples avec une formation de base consolidée et une formation

humaine solide, de couples qui vivent et témoignent leur spiritualité de Chrétiens mariés.

Constituées sur cette base, ces équipes pourront être, elles aussi, de vraies communautés

évangélisées, où le témoignage est vrai et l’entraide une réalité, où l’on approfondit la foi. Elles

deviendront, elles-mêmes et par leur témoignage, des communautés évangélisatrices.

Aux CPM, tout au long des divers thèmes, le principal souci des équipes formatrices sera

d’évangéliser, tout en privilégiant à chaque instant la pensée chrétienne sur toutes les questions

concernant la vie. Elles ne manqueront pas non plus de témoigner les exigences de l’Évangile et la

confrontation de celui-ci avec la vie quotidienne.

Les équipes formatrices de CPM seront donc des communautés évangélisatrices qui témoignent et

« sont toujours prêtes à rendre compte de l’espérance qui est en elles ».

Ces petites communautés sont le visage de l’Église qui s’ouvre aux autres et qui accueille les

interpellations du “temps nouveau” à travers la lecture des signes des temps qui leur parviennent par

l’intermédiaire des jeunes couples qu’elles accueillent.

Beaucoup de ces jeunes couples auront besoin d’une première annonce, d’une présentation des

éléments essentiels de la foi. Ils devront comprendre qu’ils sont, individuellement et en tant que

couple, appelés à la sainteté et que ce chemin vers la sainteté ne se réalisera qu’avec l’attention et le

soin envers l’autre, et envers les autres, tout au long de leur vie.

Ainsi quitteront-ils le CPM avec une notion plus claire de ce qui leur est demandé dans le chemin

qu’ils veulent parcourir à deux. Par le témoignage, ils verront que ce n’est pas avec facilitisme mais

plutôt avec exigence que des couples et des familles solides se construisent.

L’exemple des couples formateurs insérés dans une petite communauté constituera une motivation

pour que les nouveaux couples souhaitent s’insérer, eux aussi, dans une communauté de vie et de

partage où ils puissent vivre tout ce qu’ils ont reçu de l’équipe formatrice.

En fait, tout ce qui est transmis au cours du CPM est beaucoup et très profond pour un temps si

court. Insérés dans des communautés, les nouveaux couples auront un encadrement tout nouveau

où ces notions et l’expérience d’une vraie spiritualité conjugale puissent se développer et se

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consolider. En même temps, leur foi se consolidera, leur espérance s’enracinera, tout en suscitant

leur charité et leur disponibilité au service de l’autre et des autres.

Conscients que c’est trop pour les sessions de CPM, nous nous demandons : le CPM ne devrait-il pas

être le point culminant d’un parcours catéchuménal vers le mariage ? Est-ce là peut-être

l’orientation de l’annoncé Vademecum pour la préparation au mariage qui sera préparé par le

Conseil Pontifical pour la Famille, de façon à ce que — selon s’expression de Benoît XVI — « la

vocation des époux devienne un trésor pour toute la communauté chrétienne et, en particulier dans

le contexte actuel, un témoignage missionnaire et prophétique » ?4.

CONCLUSION

Lorsqu’en 1981, il y a presque 30 ans, le Père Janela nous a invité à rejoindre une équipe de couples,

nous ne pouvions pas imaginer l’impact qu’une telle invitation aurait sur la vie de chacun de nous et

sur notre vie à deux. Heureusement nous avons accepté cette invitation et ne manquons pas de

remercier le Seigneur de nous avoir envoyé le Père Janela comme son émissaire.

Aujourd’hui, avec trois enfants, l’aînée mariée et les deux autres adultes et autonomes, déjà avec

une petite-fille et en nous ouvrant aux autres petits-enfants que Dieu veuille nous donner, nous

regardons cette nouvelle phase de la vie qui commence avec la certitude de nous savoir ouverts aux

autres et, comme toujours, disponible pour le service du Seigneur.

La recherche de Dieu et de sa volonté, faite en couple et en petite communauté, nous aide à nous

rendre plus conscients de notre mission dans le monde, en nous appelant à aller toujours plus loin.

Le témoignage — bien que fragile — de cette manière de vivre peut permettre aux jeunes couples de

trouver, ou retrouver, l’amour de Dieu.

Il faut que les couples animateurs sachent « donner les raisons de leur foi » mais surtout que le

visage de Jésus-Christ soit visible dans leur travail et leur accueil des jeunes couples.

Si les animateurs connaissent ce que l’Église leur demande, si la préparation est faite en vérité et si

les sessions avec les jeunes couples sont préparées avec amour, mais aussi avec exigence, ils

pourront aider les jeunes couples à s’approcher de Jésus-Christ, tout en contribuant de façon

décisive à la nouvelle évangélisation et à l’accroissement des familles chrétiennes.

Cónego António Janela

Ana e Vasco Varela

4 Discours aux participants à la XIX Assemblée plénière du Conseil Pontifical pour la Famille (8 février 2010).