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Article de Michel Juvet paru dans Le Temps du 12 septembre 2011 Les informations de la présente ont été puisées aux meilleures sources. Toutefois, notre responsabilité ne saurait être engagée. Département Recherche Bordier & Cie Genève - Nyon - Berne - Zürich T. +41 22 317 12 12 F. +41 22 311 29 73 [email protected] www.bordier.com 1/1 Design ClPa B ORDIER & C IE 12 septembre 2011 L a Banque nationale suisse a donc osé franchir le Rubicon des taux de changes flottants, dans un enthousiasme domestique presque généralisé. Serait-ce les perspectives électorales de l’automne ou l’envie d’une revanche vicieuse contre les agressions économiques et financières des puis- sances qui nous entourent qui rendent la politique suisse si consensuelle sur ce sujet? Mais que dire également des réactions sans courroux de nos partenaires économiques? Que cache cette fausse compassion de la représentante du Trésor américain pour notre nouvelle politique de change? N’y cherchons ni mépris, ni inattention, à notre égard. Voyons simplement la réalité: la Suisse est rentrée dans le nouvel alignement mondial: la défense des intérêts nationaux, et en toute indépendance! Rappelez-vous, cela avait commencé en 2007 avec la décision irlandaise de garantir les dépôts des épar- gnants dans ses banques. L’Irlande croyait défendre ses intérêts, mais les épargnants anglais apeurés par leurs propres banques avaient alors accouru en Irlande, et avaient asséché par ricochet les banques anglaises. Puis sans être exhaustif, souvenez-vous, des programmes spéciaux de la Banque centrale américaine pour relancer la croissance et qui avaient affaibli au bon moment le cours du dollar, coinçant dans un autre dilemme les banques centrales des pays émergents confrontées à une hausse de leurs devises pénalisantes pour leurs exportations… Sans parler de la Chine qui a maintenu sa devise alignée sur le dollar pour sauver ses exportateurs… La décision de la BNS n’a pas provoqué de remon- trances internationales et c’est ce silence approbatif qui est choquant! La BNS a officialisé ce que d’autres pensaient tout bas pour retrouver la croissance. A qui le tour de surenchérir désormais? Au dollar? A l’euro? Au real? Au won? Au yen? Aux devises victimes collatérales de la décision de la BNS, à ces autres monnaies refuges qui s’accrochent encore aux changes flottants? Le professeur Andrew Lo du MIT montre que dans les phases de crise les investisseurs retrouvent leurs émotions ancestrales, sacrifient la raison et activent leurs cerveaux de mammifères, privilégiant l’instinct reptilien de défense et de protection. Souvent pour le pire. Serait-il faux d’imaginer que les autorités politiques fonctionnent également ainsi dans les périodes de crise? La Suisse a bien marqué son territoire. La création d’un fonds souverain alimenté par les réserves en devises acquises renforcerait encore cette marque helvétique. Mais dans la nouvelle jungle sans crois- sance qui nous entoure, nos concurrents ne man- queront pas de renier leurs cerveaux d’hominidés. Le nationalisme financier et la guerre des objectifs de taux d’intérêt et de changes peuvent continuer; mais dans ce cas ce n’est plus le franc fort qu’il faut craindre: c’est la baisse de la demande globale! Au coeur des marchés Michel Juvet Analyste nancier et membre du comité de direction de Bordier & Cie Un pour tous… et chacun pour soi !

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Articles de Michel Juvet dans Le Temps, Banque Bordier Genève

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Article de Michel Juvet paru dans Le Temps du 12 septembre 2011

Les informations de la présente ont été puisées aux meilleures sources. Toutefois, notre responsabilité ne saurait être engagée.

Département Recherche – Bordier & Cie – Genève - Nyon - Berne - ZürichT. +41 22 317 12 12 – F. +41 22 311 29 73 – [email protected] – www.bordier.com

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La Banque nationale suisse a donc osé franchir le Rubicon des taux de changes fl ottants, dans un enthousiasme domestique presque

généralisé. Serait-ce les perspectives électorales de l’automne ou l’envie d’une revanche vicieuse contre les agressions économiques et fi nancières des puis-sances qui nous entourent qui rendent la politique suisse si consensuelle sur ce sujet?

Mais que dire également des réactions sans courroux de nos partenaires économiques? Que cache cette fausse compassion de la représentante du Trésor américain pour notre nouvelle politique de change? N’y cherchons ni mépris, ni inattention, à notre égard. Voyons simplement la réalité: la Suisse est rentrée dans le nouvel alignement mondial: la défense des intérêts nationaux, et en toute indépendance!

Rappelez-vous, cela avait commencé en 2007 avec la décision irlandaise de garantir les dépôts des épar-gnants dans ses banques. L’Irlande croyait défendre ses intérêts, mais les épargnants anglais apeurés par leurs propres banques avaient alors accouru en Irlande, et avaient asséché par ricochet les banques anglaises. Puis sans être exhaustif, souvenez-vous, des programmes spéciaux de la Banque centrale américaine pour relancer la croissance et qui avaient affaibli au bon moment le cours du dollar, coinçant dans un autre dilemme les banques centrales des pays émergents confrontées à une hausse de leurs devises pénalisantes pour leurs exportations… Sans parler de la Chine qui a maintenu sa devise alignée sur le dollar pour sauver ses exportateurs…

La décision de la BNS n’a pas provoqué de remon-trances internationales et c’est ce silence approbatif qui est choquant! La BNS a offi cialisé ce que d’autres pensaient tout bas pour retrouver la croissance. A qui le tour de surenchérir désormais? Au dollar? A l’euro? Au real? Au won? Au yen? Aux devises victimes collatérales de la décision de la BNS, à ces autres monnaies refuges qui s’accrochent encore aux changes fl ottants?

Le professeur Andrew Lo du MIT montre que dans les phases de crise les investisseurs retrouvent leurs émotions ancestrales, sacrifi ent la raison et activent leurs cerveaux de mammifères, privilégiant l’instinct reptilien de défense et de protection. Souvent pour le pire. Serait-il faux d’imaginer que les autorités politiques fonctionnent également ainsi dans les périodes de crise?

La Suisse a bien marqué son territoire. La création d’un fonds souverain alimenté par les réserves en devises acquises renforcerait encore cette marque helvétique. Mais dans la nouvelle jungle sans crois-sance qui nous entoure, nos concurrents ne man-queront pas de renier leurs cerveaux d’hominidés. Le nationalisme fi nancier et la guerre des objectifs de taux d’intérêt et de changes peuvent continuer; mais dans ce cas ce n’est plus le franc fort qu’il faut craindre: c’est la baisse de la demande globale!

Au coeur des marchés

Michel JuvetAnalyste fi nancier et membre du comité de direction de Bordier & Cie

Un pour tous… et chacun pour soi !